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N° 1805

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME IV

 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

PAR Mme Joëlle MÉLIN,

 

Députée.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexe n° 38).


 

 

 

 

 


 

SOMMAIRE

___

 Pages

AVANT-PROPOS

PREMIÈRE PARTIE Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale pensions et de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

I. Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale Pensions

A. Le programme 741 pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires dinvaliditÉ

B. Le programme 742 Ouvriers des Établissements industriels de lÉtat

C. Le programme 743 Pensions militaires dinvaliditÉ et des victimes de guerre et autres pensions

II. Les crÉdits de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

A. Le programme 198 RÉgimes sociaux et de retraite des transports terrestres

B. Le programme 197 RÉgimes de retraite et de sÉcuritÉ sociale des marins

C. Le programme 195 RÉgimes de retraite de la SEITA et divers

SECONDE PARTIE LA NATALITÉ, LA DÉMOGRAPHIE ET LE FINANCEMENT DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE

I. la situation de notre systÈme de retraite va ÉVOLUER, COUVRANT TOUJOURS PLUS DE PENSIONNÉS, DE maniÈre MOINS PROTECTRICE

A. À ce jour, un systÈme de retraite relativement gÉnÉreux et ÉquilibrÉ

B. Du fait de l’allongement de l’espÉrance de vie, DES pensionnÉs plus nombreux mais une stabilisation des dÉpenses de retraite par rapPort au pib

C. À l’avenir, le niveau de vie relatif des retraitÉs devrait se dÉgrader, dessinant un systÈme moins protecteur

II. SANS COTISANTS EN NOMBRE SUFFISANT, NOTRE systÈme DE RETRAITE ne POURRA plus Être ÉquilibrÉ À long terme

A. À court terme, Un dÉficit durable du fait de la rÉduction des recettes, engageant un changement de modÈle ?

B. À long terme, la chute de la natalitÉ, malgrÉ un rÉel dÉsir d’enfants, fragilisera cet Équilibre

C. Les taux d’activitÉ et d’emploi sont eux aussi insuffisants pour assurer le financement DE NOTRE systÈme de retraite

III. POUR assurer le financement NOTRE systÈme DE RETRAITE, AUGMENTER et mieux piloter les recettes À COURT ET LONG TERMES

A. Porter le taux de fÉconditÉ au niveau du nombre d’enfants dÉsirÉs au travers d’une politique familiale rÉellement nataliste

B. Diversifier et augmenter les recettes de notre systÈme de retraite

C. Mieux piloter, mieux rendre compte des flux financiers de notre systÈme de retraite

Conclusion

Travaux de la commission

ANNEXE LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR La RAPPORTEURe

 

 


   AVANT-PROPOS

La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a profondément modifié les règles applicables à notre système de retraite. Présentée comme « indispensable à sa pérennité » ([1]), la réforme portée par le Gouvernement n’a pas permis de mener une réflexion ambitieuse sur l’enjeu de la démographie française, pourtant précisément indissociable de la notion d’équilibre dans un régime de retraite par répartition.

En conséquence, les perspectives de pérennisation de notre système de retraite reposent, selon le Gouvernement, sur deux piliers principaux :

– l’allongement de la durée légale de cotisations à 43 ans à partir de 2027 et le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici 2030. Outre son opposition à ces mesures, votre rapporteure souligne que les auditions conduites ont d’ores et déjà fait émerger l’absence d’effet démontré pour assurer le financement à long terme des retraites ;

– l’arrivée de nouveaux actifs, principalement par le biais de l’immigration, qui, outre les enjeux d’accueil et d’intégration qu’elle pose, n’apparaît pas à l’issue des auditions conduites comme une solution là encore satisfaisante à long terme.

La démographie, plus encore la natalité, est ainsi reléguée au rang de variable, plus ou moins favorable, au sein de projections et d’hypothèses. Pourtant, avec la productivité, elle compose les deux piliers d’un système de retraite robuste. Partant de ce constat, ce rapport a pour ambition, à l’issue d’une série d’auditions ayant permis à la rapporteure d’interroger de nombreux acteurs sur ce sujet, d’explorer la voie de la natalité, vecteur structurant de la démographie française, comme levier stratégique et pérenne de financement de notre système de retraite. Si la productivité ne sera ainsi pas directement abordée dans ce rapport parmi l’ensemble des solutions proposées, la rapporteure rappelle la nécessité de politiques ambitieuses menées en la matière.

Enfin, la rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite du compte d’affectation spéciale Pensions, présentés dans le projet de loi de finances pour 2024.

L’analyse des crédits est ainsi suivie d’une présentation thématique portant sur la question de la natalité, de la démographie et du financement de notre système de retraite.

 


   PREMIÈRE PARTIE
Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale pensions et de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

Les crédits du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, fixés à 64,4 milliards d’euros en 2023, sont en hausse (5,01 %). Ils s’établissent à 67,6 milliards d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Cette hausse est du même ordre que celle observée dans la loi de finances initiale (LFI) 2023 (5,33 %). Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite sont également revus à la hausse, dans une moindre mesure (1,50 %), passant de 6,13 milliards d’euros pour 2023 à 6,23 milliards d’euros pour 2024.

En préambule, la rapporteure souligne que l’évolution des crédits de chaque programme de la mission et du CAS est fortement liée d’une part, dans chaque régime, au rapport entre les cotisants et les pensionnés, très dégradé dans certains cas, et d’autre part, à la revalorisation des pensions prévue pour 2024 et anticipée dans le PLF.

La présentation des crédits relevant de ces deux missions est complémentaire à celle effectuée par le rapporteur spécial de la commission des finances, saisie au fond.

I.   Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale Pensions

Créé en 2006, le compte d’affectation spéciale Pensions regroupe les crédits des régimes de retraite et d’invalidité dont l’État a la charge, qu’il s’agisse des fonctionnaires civils, des ouvriers de l’État ou des militaires. Comme tout compte d’affectation spéciale, il est soumis à une obligation d’équilibre : son solde budgétaire cumulé, correspondant à la différence entre la somme des recettes et la somme des dépenses depuis la création du compte, doit toujours être excédentaire. Ce résultat est obtenu par une gestion précise des recettes, lesquelles se composent des contributions employeurs, des cotisations salariales et, en tant que de besoin et sans limitation, de versements complémentaires issus du budget général.

Ces crédits sont répartis en trois sections correspondant chacune à un programme. Les trois programmes sont en hausse par rapport à la LFI 2023, contenue entre 3,63 % et 5,3 %.

En synthèse, les crédits des trois programmes du CAS dans le PLF 2024, et leur évolution par rapport à la LFI 2023, sont répartis, en milliards d’euros, comme suit :

 

Programmes et actions

Crédits de paiement = Autorisations d’engagement

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

P140 – Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

60,99

64,23

5,30 %

01 – Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite

50,29

52,97

5,33 %

02 – Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite

10,56

11,11

5,21 %

03 – Allocations temporaires d’invalidité

0,13

0,14

2,13 %

P742 – Ouvriers des établissements industriels de l’État

2,02

2, 05

1,16 %

01 – Prestations vieillesse et invalidité

1,96

1,98

1,21 %

03 – Autres dépenses spécifiques

0,001

0,001

15,20 %

04 – Gestion du régime

0,006

0,006

- 9,20 %

05 – Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM)

0,05

0,05

0,58 %

P743 – Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1,33

1,29

- 2,56 %

01 – Reconnaissance de la Nation

0,51

0,53

5,30 %

02 – Réparation

0,75

0,69

- 8,54 %

03 – Pensions Alsace-Moselle

0,01

0,01

-

04 – Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

0,03

0,04

8,76 %

05 – Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

0 (27 137 €)

0 (32 848 €)

21,05 %

06 – Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agent de la défense passive victimes d’accident

0,01

0,01

0,40 %

07 – Pensions de l’ORTF

0 (77 400 €)

0 (72 000 €)

- 6,98 %

Totaux

64,35

67,58

5,01 %

Source : PAP 2024

 

A.   Le programme 741 pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires dinvaliditÉ

Le programme 741 rassemble les crédits relatifs au versement des prestations de retraite des fonctionnaires civils de l’État, de celles des militaires et de l’allocation temporaire d’invalidité (ATI). Il rassemble la majeure partie des dépenses retracées dans le CAS (95 %), soit près de 64 milliards d’euros. Ses crédits, rapportés à ceux adoptés dans la LFI 2023, sont en augmentation (+ 5,3 %), dans la lignée de celle observée (+ 5,7 %) au sein de la LFI 2023.

1.   Fonctionnaires civils

L’action regroupe l’essentiel des crédits du programme (82,4 %) à hauteur de 52,97 milliards d’euros.

Malgré la diminution progressive du nombre de départs à la retraite (– 3,4 % en 2023), qui devrait être portée à – 10 % en 2024, les crédits de cette action sont en hausse (+ 5,3 %), confirmant la tendance observée au sein de la LFI 2023 (+ 6,1 %). Si en 2022, les cotisants étaient plus nombreux que les pensionnés, le rapport devrait s’inverser à compter de 2023 (1,62 million de cotisants pour 1,64 million de retraités) compte tenu notamment de l’absence de recrutement de nouveaux fonctionnaires pour les entreprises La Poste et Orange. L’augmentation s’explique par ailleurs par l’hypothèse retenue d’une revalorisation de 5,3 % des pensions au 1er janvier 2024 et de 4,6 % des pensions d’invalidité au 1er avril 2024.

2.   Militaires

À l’image de la LFI 2023, les crédits alloués à cette action augmentent (+ 5,21 %), dans une proportion similaire à l’ensemble du programme, pour atteindre 11,1 milliards d’euros. Les effectifs des retraités augmentent légèrement à près de 399 000 en 2023, lorsque les cotisants diminuent à près de 317 000, dégradant encore davantage le rapport démographique de cette action.

3.   Allocations temporaires d’invalidité

Les crédits des allocations temporaires d’invalidité, qui ne représentent qu’une très faible part des crédits du programme 741 (0,2 %), seront en hausse (+ 3,63 %), dans la continuité de la LFI 2023 (2,36 %).

B.   Le programme 742 Ouvriers des Établissements industriels de lÉtat

Le programme 742 retrace les dépenses et recettes de deux fonds consacrés aux prestations de retraite et d’invalidité versées aux ouvriers de l’État : le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) et le fonds gérant les rentes d’accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (Ratocem), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations.

Le montant des crédits du programme s’établit à près de 2 milliards d’euros, en hausse (+ 1,16 %) par rapport à la LFI 2023. En effet, le programme fait montre d’une hausse de 111 millions d’euros, principalement liée à l’augmentation de la subvention de l’État au FSPOEIE (83,10 millions d’euros).

Il se divise en cinq actions, dont la première Prestation vieillesse et invalidité regroupe 96,8 % des crédits. En 2023, le programme comptabilise 63 000 pensionnés de droit direct et 27 000 pensionnés de droit dérivé, pour près de 17 000 cotisants.

C.   Le programme 743 Pensions militaires dinvaliditÉ et des victimes de guerre et autres pensions

Ce programme finance, d’une part, les pensions versées au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) et, d’autre part, les pensions, rentes et allocations de régimes de retraite ou équivalents dont l’État est directement redevable, notamment au titre d’engagements historiques et de reconnaissance de la Nation.

À la différence des autres programmes du CAS Pensions, ces différentes dépenses sont financées exclusivement par la solidarité nationale et non selon une logique contributive. Chaque action est le miroir d’une action d’un des programmes ministériels du budget général, dit programme support, qui en supporte exclusivement les dépenses. Comme pour l’année précédente, il s’agit du seul programme dont les crédits baisseront en 2024 (– 2,56 %) par rapport à la LFI 2023 pour atteindre 1,29 milliard d’euros.

Ce programme se décline en sept actions, recouvrant une diversité de pensions et de rentes.

1.   Reconnaissance de la Nation

Cette action représente 41,4 % des crédits du programme, en augmentation de près de 3 points par rapport à la LFI 2023.

Versée en témoignage de la reconnaissance nationale, la retraite du combattant s’élève à 812,76 euros annuels, depuis la revalorisation du point d’indice des pensions militaire d’invalidité au 1er janvier 2023. 730 403 pensionnés en bénéficient au 31 décembre 2022. En baisse continue, le nombre de bénéficiaires devrait connaître une forte baisse en 2024 selon le ministère des armées pour s’établir à près de 622 000 bénéficiaires. Malgré ces prévisions, les crédits dédiés augmentent sensiblement (+ 5,3 %) par rapport à la LFI 2023 du fait de la revalorisation du point d’indice.

Outre la retraite du combattant, cette action comprend les traitements attachés à la Légion d’honneur et à la médaille militaire. La modestie de ces traitements, parfois non réclamés, explique le très faible montant des dépenses afférentes (0,8 million d’euros). Les bénéficiaires étaient, au 31 décembre 2022, au nombre de 115 768.

2.   Réparation

Cette action représente 53,2 % du montant des crédits du programme.

Elle regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ainsi que les allocations rattachées. Au 1er janvier 2023, 162 263 pensions étaient versées pour un montant total de 690,35 millions d’euros, en diminution par rapport à la LFI 2023 (– 8,54 %). Cette baisse s’explique principalement par la diminution du nombre de bénéficiaires, laquelle concerne notamment les pensions les plus élevées.

3.   Les autres actions du programme 743

Les cinq autres actions représentent 5,4 % des crédits du programme et regroupent une diversité de pensions et de rentes telles que les pensions de certains ministres des cultes dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les allocations de reconnaissance en faveur des anciens membres des formations supplétives en Algérie ou bien encore certains avantages de pensions aux anciens agents de l’ORTF.

II.   Les crÉdits de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe un grand nombre de régimes spéciaux de retraite, notamment ceux de la SNCF, de la RATP, du régime social des marins, des anciens mineurs et d’autres petits régimes fermés. Ils se caractérisent par une création ancienne – souvent antérieure à la sécurité sociale – et un fort déséquilibre démographique. L’autofinancement étant ainsi rendu impossible, il est compensé par le versement de crédits de l’État au titre de la solidarité nationale.

Les règles applicables à ces régimes ont progressivement été modifiées, la loi  2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ayant, elle, mis en extinction le régime spécial de la SNCF. Par ailleurs, la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 organise, notamment, la fermeture du régime spécial de retraite de la RATP pour les nouveaux recrutements intervenus à compter du 1er septembre 2023.

Pour l’année 2024, les crédits de la mission s’élèveront à 6,22 milliards d’euros, en hausse (+ 1,50 %) par rapport à la LFI 2023. Si toutes les actions des trois programmes de la mission connaissent une baisse tendancielle de leurs crédits, l’augmentation sensible des crédits de l’action Régime de retraite du personnel de la RATP (+ 9,35 %) et le transfert des actions Caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française et Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris du programme 131 Création au programme 195 Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers expliquent cette augmentation. Ce transfert va dans le sens d’un regroupement de l’ensemble des régimes spéciaux de retraite dans une unique mission, maintes fois recommandé par la Cour des comptes.

En synthèse, les crédits des trois programmes de la mission dans le PLF 2024, et leur évolution par rapport à la LFI 2023, sont répartis, en milliards d’euros, comme suit :

 

Programmes et actions

Crédits de paiement = Autorisations d’engagement

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

P198 – Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4,27

4,36

2,04 %

03 – Régime de retraite du personnel de la SNCF

3,45

3,46

0,42 %

04 – Régime de retraite du personnel de la RATP

0,81

0,88

9,35 %

05 – Autres régimes

0,01

0,01

-17,23 %

P197 – Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

0,80

0,78

-1,83 %

01 – Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

0,80

0,78

-1,83 %

P195 – Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

 1,05

1,07

1,83

01 – Versement au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

0,92

0,92

- 0,50 %

02 – Régime de retraite de la SEITA

0,13

0,12

- 0,75 %

04 – Caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer

0 (769 784 €)

0 (723 261 €)

- 6,04 %

05 – Caisse de retraite du personnel de la Comédie-Française

-

0,004

-

06 – Caisse des retraites des personnels de l’Opéra national de Paris

-

0,02

-

07 – Versements liés à la liquidation de l’ORTF

0 (80 880 €)

0 (60 000 €)

- 25,82 %

Totaux

6,13

6,22

1,5 %

Source : PAP 2024

A.   Le programme 198 RÉgimes sociaux et de retraite des transports terrestres

Ce programme regroupe la plupart (70 %) des crédits de la mission. Ceux‑ci financent pour l’essentiel les régimes de retraite du personnel de la SNCF et de la RATP et, dans une bien moindre mesure, d’autres régimes ou dispositifs tels que le congé de fin d’activité (CFA).

Le programme voit ses crédits en légère augmentation (+ 2,04 %), sous l’effet principal de la hausse des crédits de l’action Régime de retraite du personnel de la RATP.

1.   Les pensions des anciens agents de la SNCF

Cette action regroupe 79,4 % des crédits du programme, pour un montant stable par rapport à la LFI 2023, s’élevant à 3,46 milliards d’euros. Ils correspondent à la subvention d’équilibre versée par l’État à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la société nationale des chemins de fer français (CPRPSNCF).

En 2022, ce régime compte près de 115 000 cotisants pour près de 235 000 retraités. Ce rapport démographique défavorable se dégrade du fait de la fermeture du régime et de l’arrêt du recrutement au statut, depuis le 1er janvier 2020 en vertu de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, et ce malgré la baisse du nombre de départs à la retraite et la diminution progressive du nombre de cotisants au regard du décalage des âges d’ouverture des droits. Ce faisant, le besoin de contribution d’équilibre versée par l’État au régime devrait croître de manière continue. La part des pensions financées par ce biais devrait ainsi passer de 63,6 % en 2022 à 90,5 % en 2050 ([2]). Cependant, la rapporteure note la sous-exécution relevée par la Cour des comptes de cette action en 2022. Les crédits consommés en 2022 ont en effet été inférieurs à ceux ouverts en LFI 2022, du fait d’un surcroît plus élevé de la masse des cotisations que de celle des pensions ([3]), rappelant ainsi que l’augmentation des salaires permet une augmentation des cotisations.

2.   Les pensions des anciens agents de la RATP

Selon les mêmes modalités que pour la SNCF, cette action correspond à la contribution de l’État permettant d’assurer l’équilibre de la Caisse de retraite du personnel de la régie autonome des transports parisiens (CRPRATP).

Représentant 20,3 % des crédits du programme, les dépenses correspondantes augmentent fortement (+ 9,35 %) pour s’établir à 886,5 millions d’euros, suivant la même tendance observée qu’au sein de la LFI 2023 (+ 7,54 %). La situation démographique du régime explique que les dépenses augmentent plus dynamiquement que les ressources à court terme.

Ce régime comptait, en 2022, près de 50 000 pensionnés pour plus de 41 000 cotisants, rapport que la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 devrait dégrader encore davantage avec la fermeture du régime spécial de retraite de la RATP pour les nouveaux embauchés à partir du 1er septembre 2023.

3.   Autres régimes

À la suite du transfert en 2023 au programme 203 de la mission Écologie, développement et mobilité durables des crédits afférents au congé de fin d’activité des conducteurs routiers (CFA), l’action supporte aujourd’hui uniquement les pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et outre-mer ainsi que les pensions de certains anciens agents des chemins de fer secondaires au travers de l’ancienne Caisse autonome mutuelle de retraite (CAMR) pour un montant de 14,79 millions d’euros.

Ce transfert explique principalement l’importante diminution (– 17,23 %) de crédits par rapport à la LFI 2023.

B.   Le programme 197 RÉgimes de retraite et de sÉcuritÉ sociale des marins

Représentant 12,6 % des crédits de la mission, ce programme rassemble les financements accordés par l’État au régime de sécurité sociale des marins et des gens de mer d’une part et la subvention versée à l’Établissement national des invalides de la marine (Enim) au titre de ses charges de service public d’autre part. Les crédits adoptés au sein de la LFI 2023 sont en baisse (– 1,83 %) et s’établissent à 787,3 millions d’euros dans le PLF 2024.

Ce régime recouvre une branche vieillesse d’une part et une branche maladie, accident, invalidité, maternité et décès d’autre part. Il développe également des actions sanitaires et sociales à destination du monde maritime.

La branche vieillesse présente une démographie extrêmement déséquilibrée propre à la profession des marins, laquelle rend nécessaire une contribution de la solidarité nationale à hauteur des trois quarts de ses dépenses. En effet, le régime comptait en 2022, pour la branche vieillesse, près de 25 000 cotisants pour plus de 100 000 pensions directes et reversions versées. En 2024, 103 223 pensions devraient être versées pour un montant 1,02 milliard d’euros prenant en compte la revalorisation des pensions de 5,4 % au 1er janvier 2024.

Contrairement aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF ou de la RATP, le Gouvernement souhaite maintenir le régime de retraite et de sécurité sociale des marins dans toutes ses composantes.

C.   Le programme 195 RÉgimes de retraite de la SEITA et divers

Après une baisse en 2023 (– 3,61 %), le programme fait montre d’une hausse modérée de ses crédits pour 2024 (+ 1,83 %) qui s’explique par l’effet conjugué de la diminution des crédits des quatre régimes spéciaux fermés qu’il porte, tous en rapide déclin démographique, voire quasiment éteints, et du transfert en son sein de deux nouveaux régimes que sont la Caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française et la Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris. Ce transfert résulte de la volonté de regrouper l’ensemble des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l’État au sein d’une même mission. Au total, le programme dispose ainsi de 1,07 milliard d’euros de crédits représentant 17,2 % de la mission.

1.   Le fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

Ce régime, fermé depuis 2010, se caractérise par un déséquilibre démographique majeur (193 000 pensionnés pour 878 cotisants en 2023). Il devrait s’éteindre en 2100. Ses effectifs sont en diminution régulière, de même que les crédits qui lui sont alloués (– 0,50 % en 2024), lesquels représentent 85,6 % des dépenses du programme 195. Ils s’établissent, pour 2024, à 920,4 millions d’euros. Ce régime est géré par la Caisse des dépôts.

2.   La Caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française et la Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris

Le régime spécial de retraite de la Comédie-Française et de l’Opéra national de Paris est financé par les cotisations patronales et salariales, un droit spécial provenant du « droit sur places vendues » ainsi que d’une subvention de fonctionnement, versée par l’État, pour assurer l’équilibre financier des régimes.

Le régime spécial de retraite de la Comédie-Française, qui regroupe ses artistes aux appointements et ses employés à traitement fixe, est géré par la caisse de retraite du personnel de la Comédie-Française (CRPCF), établissement d’utilité publique. En 2022, il comptait 439 pensionnés pour 347 cotisants.

La Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris est quant à elle un établissement privé reconnu d’utilité publique qui assure la gestion du régime spécial de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris. Ils y sont obligatoirement affiliés, lorsqu’ils sont embauchés à durée indéterminée ou également, pour les personnels artistiques, de manière temporaire. En 2022, le régime disposait d’un nombre, en hausse (+ 7 %), de 1 859 cotisants pour 1 829 pensionnés.

La subvention additionnée des deux régimes, précédemment portée par le programme 131 Création, s’élève à 25 millions d’euros, en hausse de 14,15 % par rapport à la LFI 2023, suivant une tendance croissante pour répondre à la hausse structurelle des coûts des régimes. Le régime de l’Opéra national de Paris représente 80,3 % des dépenses.

3.   Les autres régimes du programme 195

Les crédits des trois autres régimes du programme 195 sont en diminution par rapport à la LFI 2023. Ces diminutions s’expliquent par la démographie de ces régimes. À titre d’exemple, le régime de retraite du Service d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) ne dispose de plus aucun cotisant et de 6 272 pensionnés.

L’évolution des crédits pour 2024 est décrite dans le tableau d’évolution des crédits pour l’ensemble de la mission.

 


   SECONDE PARTIE
LA NATALITÉ, LA DÉMOGRAPHIE ET LE FINANCEMENT DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE

Fondé en 1945, le système français de retraite repose sur une solidarité intergénérationnelle entre actifs, qui travaillent et versent des cotisations, et retraités, qui perçoivent une pension à la hauteur des cotisations versées au cours de leur vie professionnelle.

Si la durée et le niveau de cotisations, comme la durée et le niveau des pensions jouent un rôle certain dans sa soutenabilité, un tel régime par répartition repose fortement sur le rapport entre d’une part, le nombre d’actifs cotisants au régime et, d’autre part, le nombre de retraités percevant une pension. Dès lors, au regard des tendances démographiques actuelles, notamment de la forte baisse de la natalité, le rapport entre actifs cotisants et pensionnés au sein de notre système de retraite devrait durablement se dégrader.

I.    la situation de notre systÈme de retraite va ÉVOLUER, COUVRANT TOUJOURS PLUS DE PENSIONNÉS, DE maniÈre MOINS PROTECTRICE

A.   À ce jour, un systÈme de retraite relativement gÉnÉreux et ÉquilibrÉ

Notre système de retraite est aujourd’hui, selon les modalités de présentation des recettes et des dépenses retenues, à l’équilibre. Il verse un montant de pensions qui permet aux retraités de disposer d’un niveau de vie légèrement supérieur à celui de l’ensemble la population.

1.   Un système réellement à l’équilibre ?

En 2022, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), les dépenses de pensions versées ont représenté 360,7 milliards d’euros, soit 13,7 % du produit intérieur brut (PIB). Les ressources, quelles qu’elles soient, se sont quant à elles élevées à 365 milliards d’euros, soit 13,8 % du PIB.

Après avoir été durant quinze années négatif, le solde de notre système de retraite affiche depuis 2021 un excédent, s’établissant pour 2022 à 4,4 milliards d’euros. Cette tendance devrait se poursuivre en 2023 à hauteur de 3,6 milliards d’euros ([4]).

 

Solde observÉ du sysTÈme de retRaite, en % du PIB

Source : Rapport annuel du COR, 2023, page 115.

Si ces excédents sont transitoires avant que le système ne renoue durablement avec des déficits, il est apparu au cours des auditions que l’excédent actuel établi par le COR fait débat. En effet, selon le Haut-commissariat au plan, aujourd’hui, « les caisses ne pourraient pas être en équilibre sans concours financiers publics complémentaires » ([5]). Le besoin de financement des retraites serait ainsi couvert par des interventions de l’État et des organismes publics de deux ordres :

– le premier vise à financer au travers de subventions, de transferts ou d’impôts affectés le déficit des régimes spéciaux, des exonérations ciblées de cotisations, des avantages familiaux ou des périodes de chômage non cotisées ;

– le second concerne l’excès de cotisations versé par l’État et des organismes qui, employant des fonctionnaires, apportent des cotisations à des taux exorbitants, bien au-dessus du taux observé pour les salariés privés. À titre d’exemple, les taux de cotisations indiqués par le Haut-commissariat au plan s’élèvent à près de 74 % pour les fonctionnaires civils de l’État, 126 % pour les militaires et 30 % pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ([6]).

Au total, les cotisations retraite des employeurs et des salariés, publics comme privés, au taux de droit commun ne couvriraient que deux tiers des pensions versées. L’État et les organismes publics contribuent ainsi, hors cotisations au taux de droit commun du secteur privé, au tiers restant, soit 119 milliards d’euros ([7]). Il faut noter qu’au cours des auditions, l’estimation de cette contribution totale d’équilibre a pu varier selon les catégorisations et taux retenus.

En tout état de cause, au regard de l’ordre de grandeur considéré, la rapporteure estime que ces contributions devraient être distinguées du reste des recettes de notre système de retraite, dans une logique d’information exhaustive aux citoyens et aux élus.

2.   Un niveau de vie médian des pensionnés supérieur à celui de l’ensemble de la population

Au travers des dépenses actuelles de retraites, les pensionnés jouissent d’un niveau de vie médian légèrement supérieur à celui des actifs. En effet, si la pension moyenne représente selon le Conseil d’orientation des retraites 50,4 % du revenu d’activité moyen brut, le niveau de vie médian des retraités est en 2019 supérieur de 3,3 % à celui de l’ensemble de la population ([8]) ([9]). De la même manière, les retraités sont sous‑représentés parmi les 20 % des Français ayant le niveau de vie le plus bas et leur taux de pauvreté (8,7 %) est de 6 points inférieur à celui de l’ensemble de la population.

B.   Du fait de l’allongement de l’espÉrance de vie, DES pensionnÉs plus nombreux mais une stabilisation des dÉpenses de retraite par rapPort au pib

Notre système de retraite, fondé sur la répartition, est intrinsèquement lié aux variations démographiques, et tout particulièrement à l’allongement de l’espérance de vie, qui devrait peser sur son financement selon les projections actuelles.

1.   Le vieillissement « par le haut » de la pyramide des âges

La pyramide des âges française connaît actuellement une modification de sa structure sous un effet conjoncturel et un effet structurel. En effet, les plus de 65 ans représentaient 21,3 % de la population au 1er janvier 2023, contre 16 % en 2002, soit une augmentation de plus de 5 points en vingt ans. Les plus de 75 ans représentaient quant à eux 10,1 % de la population à cette même date, en hausse de près de plus 2,5 points par rapport à 2022 ([10]).

D’une part, sur le plan conjoncturel, les générations nombreuses nées au cours de l’après-guerre ont pour l’essentiel atteint cette tranche d’âge, accentuant actuellement la croissance des populations de cette classe d’âge.

D’autre part, sur le plan structurel, l’espérance de vie n’a cessé de croître au cours des dernières décennies et cette tendance devrait se poursuivre. En 2022, l’espérance de vie à la naissance s’établit à 85,2 ans pour les femmes et 79,3 ans pour les hommes ([11]). Si l’espérance de vie des femmes comme des hommes n’a toujours pas atteint son niveau d’avant la crise sanitaire (85,6 ans pour les premières et 79,7 ans pour les seconds), elle reste en augmentation constante. En effet, par rapport à 1994, l’espérance de vie à la naissance a crû de 3,4 ans pour les femmes et 5,7 ans pour les hommes. Il en va de même pour l’espérance de vie à 65 ans, particulièrement pertinente pour l’analyse de notre système de retraite. En 2022, elle s’établissait à 23,1 ans pour les femmes et 19,2 ans pour les hommes, respectivement en augmentation de 2,4 et 3 ans par rapport à 1994 ([12]).

À l’avenir, l’augmentation de l’espérance de vie à 65 ans devrait se poursuivre, quel que soit le scénario envisagé. Elle se situerait entre un et six ans pour les femmes, et entre trois et plus de huit ans pour les hommes, rendant plus importante la part des plus de 75 ans, et par conséquent des pensionnés, dans l’ensemble de la population. Toutefois, à l’issue des auditions, la rapporteure souligne que ces projections de l’espérance de vie peuvent prêter à discussion, eu égard à la baisse de l’espérance de vie actuellement observée ([13]) et, aussi, à l’importance de l’espérance de vie en bonne santé.

2.   Une dynamique de dépenses relativement contenue, malgré des pensionnés plus nombreux et des dépenses croissantes en réel

Si le vieillissement de la population entraîne une hausse mécanique du nombre de pensionnés, cette hausse ne devrait pas se traduire par une augmentation de la part des dépenses de retraite dans le PIB selon le COR. En effet, dans l’ensemble des scénarios retenus sur la période, les dépenses de retraite progressent en réel, c’est-à-dire en plus de l’évolution des prix, sous l’effet notamment de la hausse du nombre de pensionnés. Toutefois, cette hausse serait dans trois scénarios sur quatre compensée par la plus forte augmentation du PIB, diminuant voire augmentant légèrement leur poids dans la richesse nationale produite ([14]).

Cependant, comme l’ont souligné plusieurs des institutions auditionnées, la rapporteure rappelle que ces projections à long terme doivent être abordées avec prudence, reposant sur des hypothèses de croissance du PIB et des projections démographiques incertaines.

 

dÉpenses du systÈme de retraite en % du PIB observÉes et projetÉes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Rapport annuel du COR, 2023, page 115.

C.   À l’avenir, le niveau de vie relatif des retraitÉs devrait se dÉgrader, dessinant un systÈme moins protecteur

La baisse voire la stabilisation de la part des dépenses de retraite par rapport au PIB est certes permise, au niveau du dénominateur, par l’augmentation projetée du PIB mais également, au niveau du numérateur, par la moindre augmentation des dépenses de retraite.

En effet, les réformes successives de notre système de retraite ont visé la baisse du niveau des pensions par rapport aux revenus d’activité au travers notamment, selon le Conseil d’orientation des retraites, de l’indexation des pensions et des droits sur les prix et non plus sur les salaires comme de la baisse des rendements instantanés dans les régimes complémentaires. De ce fait, si la pension moyenne représente 50,4 % du revenu d’activité moyen brut en 2021, elle ne représenterait que 42,7 % dans l’hypothèse la plus favorable et 35,2 % dans l’hypothèse la moins favorable en 2070.

De ce fait, le niveau de vie relatif des retraités se dégraderait à horizon 2070 par rapport à la situation actuelle. Le niveau de vie relatif des retraités s’établirait ainsi, selon les hypothèses, entre 75,4 % et 87,7 % du niveau de vie de l’ensemble de la population, en diminution de 14 à 26 points par rapport à 2021. Son niveau des années 1980 serait ainsi retrouvé. Par ailleurs, la rapporteure note la légère augmentation tous régimes confondus des départs à la retraite avec décote et, au contraire, la baisse de ceux avec surcote ([15]), ne contribuant pas à l’élévation du niveau de vie des pensionnés si cette tendance devait se poursuivre. Il apparaît dès lors primordial à la rapporteure que les Français aient conscience de ces projections, qui auront un impact notable sur leur niveau de vie.

II.    SANS COTISANTS EN NOMBRE SUFFISANT, NOTRE systÈme DE RETRAITE ne POURRA plus Être ÉquilibrÉ À long terme

A.   À court terme, Un dÉficit durable du fait de la rÉduction des recettes, engageant un changement de modÈle ?

L’augmentation en réel des dépenses de retraites, fût-elle contenue, ne saurait à elle seule expliquer le déficit durable que connaîtra notre système de retraite. En effet, si la part des dépenses de retraites dans le PIB devrait diminuer, la part des recettes, sans sursaut de natalité, de productivité ou de taux d’activité, diminuera dans une plus grande proportion, source de déficits et d’une diversification des recettes à l’œuvre.

1.   Des recettes en plus forte diminution que les dépenses de retraite

La part des ressources du système de retraite dans le PIB devrait diminuer à court terme et suivre cette tendance jusqu’en 2070 pour s’établir à près de 12 % du PIB, contre 13,8 % en 2022, quel que soit le scénario retenu ([16]).

Ressources observÉes et projetÉes du systÈme de retraite en % dans le pib

 

Source : Rapport annuel du COR, 2023, page 106.

Cette baisse des ressources s’explique, à ce stade, par trois facteurs principaux selon le COR :

– la baisse des contributions d’équilibre de l’État aux régimes spéciaux eu égard à la projection de dépenses en baisse sur la période. La rapporteure souligne à ce titre que cette baisse des contributions d’équilibre résulte d’un choix politique et budgétaire du Gouvernement, qui pourrait être différent ;

– la baisse de la part des traitements indiciaires dans la rémunération totale des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux aura un effet négatif au regard du taux de cotisation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) supérieur à celui du privé ;

– la baisse des financements externes, notamment de la branche famille et de l’assurance chômage, en raison de la baisse du taux de chômage et de la fécondité sur la période.

Par ailleurs, en matière de moindres recettes, à l’issue des auditions conduites, la rapporteure souhaite attirer l’attention sur les projections de la population active.

Dans une étude de 2022 ([17]), actualisée en 2023 pour prendre en compte la réforme des retraites résultant de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([18]), l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) établit une diminution du nombre d’actifs supérieure à ses prévisions antérieures. S’établissant en 2022 à 30,1 millions d’actifs, la population active connaîtrait un pic en 2036, à 31,2 millions d’actifs, pour diminuer par la suite continuellement et atteindre 29,8 millions en 2070 ([19]). Dans ses projections antérieures, l’Insee tablait sur une augmentation annuelle de la population active jusqu’en 2070 pour atteindre 32,4 millions d’actifs. Cette révision est liée à la révision de la population en âge de travailler, alors que les comportements d’activité sont eux peu modifiés. L’intégration de ces éléments actualisés dans les projections de notre système de retraite apparaît primordiale au regard des moindres recettes que la diminution de la population active pourrait engendrer. Par ailleurs, à terme, la baisse de la natalité détériorera le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités.

Projections de population active en moyenne annuelle
dans l’exercice de 2022 et dans la variante de 2023

Source : Insee, Une actualisation des projections de population active tenant compte de la réforme des retraites de 2023, juin 2023, page 29.

2.   Le recours croissant à la fiscalité et aux subventions entérine un changement de modèle

Dans un régime par répartition, les cotisations des actifs financent en théorie les pensions des retraités. Or notre système de retraite a connu pour différentes raisons une importante diversification de ses ressources ces dernières années, de telle sorte que les cotisations au taux de droit commun, issues du secteur privé et du secteur public, ne représentent à ce jour que 66 % des dépenses de retraite ([20]).

En effet, outre les cotisations, qu’elles soient de droit commun ou non, le système de retraite est financé par :

– des transferts provenant d’organismes divers à l’exemple de la Caisse nationale des allocations familiales ou de l’Unedic, qui financent des suppléments de retraite liés aux enfants ou des périodes de chômage non cotisées ;

– des recettes fiscales affectées par l’État aux régimes de retraite, qui sont au nombre de neuf, dont la contribution sociale généralisée (CSG) ;

– des subventions compensatoires d’exonérations de cotisations retraite consenties par l’État ;

– des subventions d’équilibre à destination des régimes spéciaux.

la diversification des ressources du systÈme de retraite

Données : Haut-commissariat au plan, Retraites : une base objective pour le débat civique, décembre 2022, pp. 7 et 8.

La rapporteure constate ainsi le changement de modèle à bas bruit qui est à l’œuvre et souligne, à l’instar des déficits futurs, voire actuels, et de la dégradation en marche du niveau de vie de nos retraités, la nécessité qu’en soient informés les Français, attachés au système par répartition ([21]).

3.   La non‑garantie d’un système excédentaire

Si le système de retraite est à ce jour théoriquement excédentaire, les auditions ont permis de constater le consensus autour des projections du Conseil d’orientation des retraites. Elles prévoient un déficit durable à compter de 2024, effet de la réforme des retraites de 2023 compris. Le solde se dégraderait durablement, sur l’ensemble de la période 2024-2070, entre – 0,2 et – 1,6 % du PIB dans tous les scénarios à l’exception de l’un d’entre eux (solde positif après 2045).

solde observÉ et projetÉ du syStÈme de retraite

Source : Rapport annuel du COR, 2023, page 117.

B.   À long terme, la chute de la natalitÉ, malgrÉ un rÉel dÉsir d’enfants, fragilisera cet Équilibre

Comme l’ensemble des pays de l’Union européenne, la France observe une chute marquée de sa natalité. Dans ces conditions démographiques, la pérennité de notre système de retraite est en jeu, si ce n’est à court terme, à long terme assurément.

1.   Le vieillissement « par le bas » de la pyramide des âges

En 2022, 726 000 naissances vivantes ont été comptabilisées en France. Il s’agit du nombre de naissances le plus bas depuis 1945, en baisse de 21 % par rapport à 1971, pic des naissances sur la période, et de 13 % par rapport à 2010 ([22]). Cette baisse est d’autant plus marquée depuis 2015 ([23]), date à laquelle le nombre de naissances décroche. Avec une baisse de 7 % au premier semestre 2023 par rapport au premier semestre 2022, la tendance à la baisse se confirme voire s’accélère ([24]) et ce même si la France se maintient à l’échelle européenne comme le pays disposant de l’indicateur conjoncturel de fécondité le plus élevé à 1,8 enfant par femme en 2022 ([25]).

Évolution de la fÉconditÉ et de la natalitÉ depuis 1945

 

Source : Ined, diapositive transmise au cours de l’audition.

Au regard des taux de natalité et de mortalité français actuels, le solde naturel serait positif jusqu’en 2035, date à laquelle les décès seraient plus nombreux que les naissances ([26]), réduisant mécaniquement, toutes choses égales par ailleurs, la population. Sans action résolue, notre système par répartition apparaît ainsi, dans ce contexte, insoutenable à terme.

2.   Une chute de la natalité expliquée par différents facteurs convergents

a.   Moins de femmes en âge de procréer, moins d’enfants par femme

Cette chute des naissances s’explique tout d’abord par la structure démographique du pays. En effet, du fait de la baisse de naissances à la fin des années 1980 et au début des années 1990, il y a, aujourd’hui, moins de femmes en âge de procréer. Par ailleurs, c’est également leur comportement vis-à-vis de la natalité qui se modifie :

– selon l’indicateur conjoncturel de fécondité, le nombre d’enfants par femme décroît. À titre d’exemple, il est passé de 2 enfants par femme en 2012 à 1,8 en 2022. Les femmes, moins nombreuses, font donc moins d’enfants ([27]) ;

– l’âge moyen à la maternité, pour le premier enfant, recule et s’établit à 28,9 ans en 2020 ([28]) ;

– la part des femmes ayant deux enfants et qui en ont un troisième décroît ;

– la part des femmes qui n’ont pas d’enfant croît mais reste très limitée.

Les auditions conduites ont fait émerger un consensus sur le caractère durable et inédit de cette baisse.

b.   Une politique familiale instable, affaiblie et sans réel objectif nataliste, qui porte atteinte à la confiance des familles

La chute de la natalité ne saurait s’expliquer uniquement par des facteurs démographiques. En effet, il semble exister, si ce n’est une causalité, une corrélation entre l’évolution de la politique familiale et celle de la natalité ([29]). À ce titre, la rapporteure indique que la déconstruction progressive du modèle français de politique familiale a mis à mal la natalité française, élevée jusqu’alors et qui faisait office d’exception européenne.

Conçue à l’issue de la Seconde Guerre mondiale comme une politique de soutien financier à toutes les familles, dans l’objectif de relancer la natalité, la politique familiale a en effet progressivement muté. Elle s’est d’abord diversifiée au travers non plus uniquement de prestations financières, mais également de dispositifs fiscaux ou du développement de services. Elle s’est parallèlement progressivement concentrée sur les familles les plus modestes à partir des années 1970, dans une double dynamique de prise en compte des ressources pour l’accès aux prestations familiales d’une part, et de prise en compte de la composition familiale pour les prestations sociales d’autre part. Les réformes intervenues dans ce champ sous le quinquennat du Président de la République, M. François Hollande, ont parachevé cette tendance en portant définitivement atteinte au modèle français de politiques familiales : diminution du plafonnement du quotient familial de l’impôt sur le revenu, réduction des allocations familiales pour les foyers les plus aisés, revalorisation de la dimension familiale du revenu de solidarité active ou encore réforme des rythmes scolaires. En mettant fin à la relative stabilité des politiques familiales, quelles que soient les alternances politiques, les pouvoirs publics ont durablement entamé la confiance des familles dans le soutien que l’État souhaite leur apporter. Enfin, la politique familiale a progressivement perdu son objectif nataliste, lequel ne figure pas parmi les quatre objectifs principaux du rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) ([30]).

c.   De nouveaux phénomènes sociaux ?

Il est apparu au cours des auditions que les modalités d’organisation actuelles de la société, comme les grands enjeux contemporains peuvent eux aussi peser sur la natalité :

– alors que les familles où les deux parents travaillent n’ont eu de cesse de croître, la difficile conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle peut constituer une entrave à la concrétisation d’un projet d’enfant. À titre d’exemple, les horaires de travail atypiques constituent une contrainte dans les différents aspects avérés de la vie familiale ([31]) ;

– l’infertilité, qu’elle soit causée par le recul de l’âge de la maternité ou paternité au premier enfant et aux suivants ou par des facteurs exogènes tels que les perturbateurs endocriniens, pourrait constituer l’une des causes expliquant la baisse de la natalité. À ce titre, la rapporteure appelle le Gouvernement à engager davantage de recherches sur ce sujet ;

– l’écoanxiété pourrait conduire davantage de jeunes gens à ne pas souhaiter d’enfant sans que le phénomène soit scientifiquement établi. Sur ce sujet, les auditions ont permis de souligner que l’écoanxiété porterait davantage sur l’absence de confiance dans le monde dans lequel naîtrait l’enfant, plutôt que l’arrêt des naissances pour éviter toute pollution nouvelle. Sur ce point, il appartient à l’État, comme en matière de politiques familiales, de rétablir la confiance des familles et des futures familles dans les politiques publiques.

3.   Pourtant, un désir d’enfants réel et supérieur au taux de fécondité effectif

Alors que la natalité baisse et que l’indicateur conjoncturel de fécondité s’établit en 2022 à 1,8 enfant par femme, le désir d’enfants, qui se définit par le nombre idéal d’enfants qu’une personne aimerait ou aurait aimé avoir, est quant à lui plus élevé. En 2020, il s’établissait ainsi à 2,39 enfants par personne de plus de 15 ans ([32]). Si cet indicateur ne peut être exactement comparé à l’indicateur conjoncturel de natalité, il traduit en tout état de cause un désir d’enfants freiné dans sa concrétisation par la non réunion des conditions que les familles jugent nécessaires pour accueillir un enfant. Parmi ces conditions, se trouve par exemple en premier lieu le logement adapté à l’accueil d’un enfant ([33]). Il apparaît ainsi primordial à la rapporteure d’accompagner et de soutenir les familles dans leur désir d’enfants en prenant toutes les mesures nécessaires. Le système de retraite bénéficierait au final d’une natalité rehaussée.

C.   Les taux d’activitÉ et d’emploi sont eux aussi insuffisants pour assurer le financement DE NOTRE systÈme de retraite

Si la récente réforme des retraites devrait avoir pour conséquence une augmentation à la marge de la population active, les taux d’activité et d’emploi dans l’ensemble de la population restent en France structurellement bas, ne favorisant par l’équilibre de notre système de retraite au travers de nouvelles recettes issues des cotisations.

1.   Une entrée toujours plus tardive sur le marché du travail pour les jeunes

Du fait principalement de l’allongement de la durée des études, le taux d’activité des 15‑24 ans a drastiquement diminué, passant de 58,3 % en 1975 à 38 % en 2019 ([34]). Si la récente politique de soutien à l’apprentissage a permis une amélioration du taux d’activité de cette tranche d’âge (42 % en 2022), le taux d’activité des jeunes est perfectible. En effet, le taux d’emploi des 15‑24 ans était en 2020 de 20 points inférieur à celui de l’Allemagne (48,2 %) et de 34 points inférieur à celui des Pays-Bas (62,5 %) ([35]). En outre, le taux de chômage des 15‑24 ans s’établissait en France à 17,3 % contre 5,9 % en Allemagne. Enfin, la part des 15‑29 ans ni en emploi, ni en études, ni en formation suit la même dynamique s’établissant à 12,9 % en France contre 7,6 % en Allemagne ([36]). Dans un régime de retraite par répartition, ces taux ne paraissent pas adéquats pour financer de manière pérenne les pensions.

2.   Un marché du travail encore trop inaccessible pour les seniors

De la même manière, la population des seniors connaît des difficultés d’accès au marché du travail. Si le taux d’emploi des 50‑64 ans est en augmentation progressive depuis 1995, passant de 47,8 % à cette date à 69,7 % en 2022, il reste de 18,6 points inférieur à celui des 25‑49 ans ([37]). Aussi, en 2021, parmi les 55‑69 ans, une personne sur six n’est ni en emploi, ni à la retraite. Cette proportion tend à se dégrader à mesure que l’âge de départ à la retraite se rapproche. Ce sont ainsi 28 % des plus de 61 ans qui se trouvent dans cette situation ([38]). Pour garantir la pérennité du financement du système de retraite, l’emploi des seniors jusqu’à l’atteinte de l’âge légal et de la durée légale de cotisations apparaît crucial.

3.   Un apport d’actifs incertain et court-termiste : l’illusion de l’immigration comme solution

Selon les projections de l’Insee, le solde naturel sera positif jusqu’en 2035, date à laquelle la population déclinerait sans apport migratoire. Toutefois, l’excédent migratoire ne devrait permettre une croissance de la population que jusqu’en 2045, après quoi le solde migratoire ne serait plus en mesure de compenser le solde naturel. Par nature incertaines, ces projections le sont d’autant plus que le solde migratoire est difficilement pilotable. Sans même évoquer les enjeux liés à l’accueil et l’intégration de ces personnes, les travaux conduits par la rapporteure soulignent que l’immigration ne constitue en rien un salut pour le financement du système de retraite français.

Notamment, pour que l’immigration constitue un apport sérieux au financement de notre système de retraite, il est essentiel que les immigrés travaillent et cotisent effectivement au système. Or le taux d’activité des immigrés âgés de 25 à 49 ans est de 15 points inférieur à la catégorie « ni immigré, ni descendant d’immigrés » ([39]). De même, parmi les 15‑74 ans, le taux de chômage des immigrés au sens du Bureau international du travail est de 6 points supérieur et s’établit à 13 % ([40]). Dans ce contexte, des politiques ambitieuses visant à soutenir les taux d’activité et d’emploi de certaines catégories de la population française, de même qu’à engager une hausse durable de la natalité française, apparaissent comme des pistes plus crédibles pour garantir le financement à long terme de notre système de retraites.

III.    POUR assurer le financement NOTRE systÈme DE RETRAITE, AUGMENTER et mieux piloter les recettes À COURT ET LONG TERMES

A.   Porter le taux de fÉconditÉ au niveau du nombre d’enfants dÉsirÉs au travers d’une politique familiale rÉellement nataliste

La dimension nataliste de la politique familiale a été abandonnée au profit d’une diversification des objectifs de la politique familiale, notamment sociaux, ce qui a durablement entamé la confiance des familles. Rétablir la confiance de ces dernières revêt un caractère essentiel pour rehausser la natalité et ainsi soutenir la pérennité de notre système de retraite par répartition. De ce fait, la rapporteure préconise d’engager une politique résolument nataliste, pour porter le nombre de naissances au niveau du nombre d’enfants désirés. Pour ce faire, trois leviers principaux ont été identifiés à l’issue des auditions.

1.   Soutenir financièrement toutes les familles françaises

Pour redonner confiance aux familles, il convient en premier lieu de les soutenir financièrement, tant au travers des prestations sociales qu’au travers de la fiscalité.

Sur le plan fiscal, il semble utile d’encourager davantage l’accueil d’un deuxième enfant au sein des familles eu égard à l’indicateur conjoncturel de fécondité actuel qui se situe au-dessous de deux enfants par femme. Une part fiscale pleine dès le deuxième enfant, contre une demi-part actuellement, pourrait mieux accompagner les familles dans la réalisation de leur désir d’enfant.

De même, la revalorisation des allocations familiales perçues par les familles dont au moins l’un des deux parents est français apparaît comme une piste sérieuse pour réduire l’écart existant aujourd’hui entre le taux de natalité et le désir d’enfants. À ce titre, la mise en place d’un critère de nationalité dans l’attribution des allocations familiales permettrait de procéder à une réorientation substantielle de ces allocations et à la mise en œuvre d’une redistribution horizontale plus conforme à notre idéal républicain.

2.   Simplifier l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle des parents

Pour soutenir les familles dans leur désir d’enfants, l’aide à la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle des parents est apparue primordiale au cours des auditions conduites par la rapporteure. Il s’agit en effet de l’objectif prioritaire des parents ([41]).

À ce titre, les actions mises en œuvre par la direction générale de la cohésion sociale semblent aller dans un sens positif, pour permettre aux parents de mieux articuler leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Néanmoins, la rapporteure préconise de renforcer les dispositifs de garde d’enfants qui font encore trop souvent défaut, 56 % des enfants de moins de 3 ans étant gardés par leurs parents en journée ([42]), sans qu’il s’agisse toujours d’un choix. De même, la rapporteure encourage les réflexions autour du congé parental, de sa durée et de son indemnisation, pour mieux soutenir les parents qui souhaiteraient être momentanément inactifs pour leurs enfants.

Enfin, simplifier l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle des parents redonnera du temps disponible aux parents, qui est l’une des principales causes de séparation des couples selon l’Union nationale des associations familiales ([43]). Maintenir le couple, c’est permettre des naissances nouvelles et ainsi encourager la natalité.

3.   Simplifier l’accès au logement, adapté à l’accueil d’enfants

Le logement constitue à la fois la première des conditions matérielles d’accueil d’un enfant ([44]) et, logiquement, l’un des objectifs cités par les familles comme devant être une priorité de la politique familiale ([45]). La rapporteure recommande ainsi de faire de l’accès au logement une priorité, notamment pour les familles de classe moyenne ou les familles les plus modestes.

Pour ce faire, le logement social joue un rôle particulier. Un plan massif de construction et de réhabilitation de logements permettrait de disposer de davantage de logements à destination des familles. Par ailleurs, 35 % des immigrés ([46]) sont locataires d’un logement dans le secteur social contre 11 % des personnes « sans ascendance migratoire ou ultramarine » selon l’Insee ([47]). La mise en place d’un critère de nationalité dans l’attribution des logements sociaux permettrait leur répartition plus juste et adaptée à l’objectif de soutien à la natalité au travers du logement.

Par ailleurs, pour faciliter l’accès à la propriété des jeunes couples, la rapporteure propose la mise en place d’un prêt public, qui serait transformé en don dès le troisième enfant. Concrètement, tout couple dont la moyenne d’âge est inférieure à trente ans, et dont l’un des deux membres au moins est Français, pourrait bénéficier d’un prêt public à taux zéro sur dix ans allant jusqu’à 100 000 euros, pouvant compléter tout prêt immobilier souscrit auprès d’une banque. Le capital restant à rembourser à la naissance du troisième enfant serait transformé en don.

B.   Diversifier et augmenter les recettes de notre systÈme de retraite

Pour assurer le financement de notre système de retraite, la rapporteure souligne la nécessité d’augmenter ses recettes, tant par l’augmentation des cotisations que la diversification des sources de financement.

1.   Augmenter le taux d’activité des plus jeunes et des seniors

Augmenter le nombre d’actifs permet d’augmenter les recettes du système de retraite au travers notamment des cotisations. À titre d’exemple, selon le Haut‑commissariat au plan, si la France approchait du plein emploi, 10 milliards d’euros de cotisations supplémentaires seraient collectés, soit 20 % du besoin de financement annuel moyen d’ici 2047 ([48]). Outre la réduction du taux de chômage, la rapporteure encourage l’amélioration du taux d’activité des jeunes et des seniors, lequel est à la fois moins élevé que pour l’ensemble de la population et plus faible en comparaison européenne.

Concernant les plus jeunes, des dispositifs pourraient permettre de stimuler le taux d’activité à un âge plus précoce, le cas échéant en parallèle d’une formation, en soutenant par exemple les entreprises qui les emploient et s’investissent dans leur formation. La mise en place d’un chèque formation versé par l’État, pour tous les 16‑25 ans et leur entreprise pourrait constituer un tel soutien. Ce chèque complétera la rémunération mensuelle des jeunes concernés et récompensera l’investissement de l’entreprise.

Des dispositifs de soutien à l’emploi des seniors, de même qu’une réflexion sur la valorisation de leur expérience professionnelle et la transmission de leurs compétences au sein de démarches telles que les ingénieurs-maison pourraient également être conduits.

2.   Mener une réflexion sur la diversification des recettes au sein de notre régime par répartition

Si les Français sont attachés au système de retraite par répartition, les nécessités de financement ou les choix en matière de politiques publiques ont conduit à un recours toujours plus grand à d’autres types de recettes que les cotisations. Face à un besoin accru de financement, la rapporteure recommande d’engager une réflexion autour d’une capitalisation collective à l’image du Fonds de réserve pour les retraites, instauré par la loi n° 2011-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel. Ces recettes nouvelles pourraient constituer une source de financement, sans dévoiement du principe de répartition au regard de sa dimension collective et d’une gestion assurée par les pouvoirs publics.

C.   Mieux piloter, mieux rendre compte des flux financiers de notre systÈme de retraite

1.   Vers une vision consolidée de l’ensemble des dépenses et recettes de notre système de retraite

La rapporteure observe l’existence de visions antagonistes pouvant exister sur les règles et les modalités de présentation des recettes et des dépenses de notre système de retraite et, par conséquent, sur l’équilibre ou non qui en résulte. Il paraît toutefois fondamental que ces règles et modalités soient connues et partagées par tous. Cela semble essentiel tant pour l’information du législateur, que celle des citoyens. De ce fait, la rapporteure considère que la consolidation par l’État d’un solde avant subventions diverses et cotisations exorbitantes du droit commun permettrait une vision plus exhaustive et sincère de l’équilibre financier de notre système de retraite.

2.   Engager une démarche de contrôle de gestion plus ambitieuse

La nécessité d’un contrôle de gestion ambitieux et exigeant de notre système de retraite a été rappelée à de multiples reprises au cours des auditions conduites par la rapporteure. Dans ce contexte, la rapporteure alerte quant aux éventuelles insuffisances qui pourraient caractériser aujourd’hui le contrôle de gestion des différents régimes et organismes qui constituent l’ensemble du système de retraite. La non-certification par la Cour des comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales pour l’exercice 2022 ([49]), si elle ne concerne certes pas les retraites, devrait appeler l’attention des pouvoirs publics sur l’impératif d’un contrôle à la hauteur des enjeux financiers posés.

 


   Conclusion

La France fait face à un déséquilibre démographique majeur qui, sans action déterminée, fragilisera durablement le financement de notre système de retraite. Les déficits engendrés à l’avenir pourraient remettre en cause le principe de répartition auquel nos concitoyens sont pourtant attachés.

Bien que les retraités soient toujours plus nombreux sous l’effet notamment de la hausse de l’espérance de vie, les dépenses de notre système de retraite vont se stabiliser ou décroître légèrement en part de PIB, eu égard en particulier à des pensions qui croîtront moins vite que les revenus des actifs. Si les recettes diminueront elles aussi sous l’effet, à moyen terme, de cotisations en déclin et de moindres subventions, cette diminution se fera en plus grande part que celle des dépenses, occasionnant un déficit durable. À long terme, la chute de la natalité et par conséquent celle du nombre d’actifs, d’ores et déjà insuffisant dans notre pays, rendront insoutenable le système. En cela, ni l’immigration, ni la récente réforme des retraites ne constituent un remède durable. Cet état des lieux, les Français – cotisants ou pensionnés, actuels et futurs – doivent en être davantage informés.

Pour éviter cette situation, si la hausse de la productivité, la hausse du taux d’activité de certaines catégories de la population, comme la diversification des recettes de notre système de retraites paraissent indispensables, seul un sursaut et une augmentation durable de la natalité permettront de pérenniser notre système de retraite par répartition. Pour ce faire, la conduite d’une politique familiale nataliste assumée et ambitieuse, qui déclinerait l’ensemble des leviers évoqués au sein de ce rapport, au soutien exclusif des familles françaises, doit être urgemment engagée.

 

 


   Travaux de la commission

Au cours de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023, la commission des affaires sociales examine pour avis les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (seconde partie) (Mme Joëlle Mélin, rapporteure pour avis) ([50]).

Mme Joëlle Mélin, rapporteure pour avis. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, j’ai le plaisir d’avoir été désignée rapporteure pour avis de la mission Régimes sociaux et de retraite d’une part, du compte d’affectation spéciale Pensions, d’autre part.

À l’issue de l’analyse de ces crédits, j’ai souhaité approfondir nos réflexions en traitant dans la partie thématique d’un sujet fondamental, que nous avons paradoxalement peu abordé lors du débat sur la récente réforme des retraites, à savoir la natalité et la démographie, en lien avec le financement de notre système de retraite.

Tout d’abord, la mission Régimes sociaux et de retraite regroupe au sein de trois programmes un grand nombre de régimes spéciaux de retraite, alliant de petits régimes fermés aux plus conséquents tels que ceux de la SNCF ou de la RATP. Qu’il s’agisse du programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, du programme 197 Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins ou du programme 195 Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers, tous se composent de régimes anciens, marqués par un fort déséquilibre démographique, que l’État compense financièrement au titre de la solidarité nationale.

Malgré la diminution tendancielle des crédits de la quasi-totalité des actions de la mission, ils seront en augmentation de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale 2023. Ils s’élèveront ainsi en 2024 à plus de 6 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique par deux facteurs principaux, à savoir l’augmentation de 10 %, soit environ 75 millions d’euros supplémentaires en 2024, des crédits du régime de retraite du personnel de la RATP et le transfert à la mission des caisses de retraite du personnel de la Comédie-Française et de l’Opéra national de Paris, pour près de 25 millions d’euros.

Par ailleurs, le compte d’affectation spéciale Pensions regroupe depuis 2006 les crédits des régimes de retraite et d’invalidité dont l’État a la charge. Composé de trois programmes, à savoir le programme 140 Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité, qui regroupe plus de 95 % des crédits de la mission, le programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État et le programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions, le compte d’affectation spéciale voit ses crédits augmenter de 5 % par rapport à la loi de finances initiale 2023. Ils s’établissent à plus de 67 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique principalement par la revalorisation des pensions annoncée par le Gouvernement pour 2024.

À l’issue de nos échanges, je vous inviterai donc à voter pour les crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale.

S’agissant des aspects thématiques, les très nombreuses auditions que nous avons menées se sont avérées extrêmement riches et nous avons porté notre attention sur la natalité, la démographie et le financement de notre système de retraite. Présentée comme « indispensable à la pérennité du système », la récente réforme des retraites n’a malheureusement pas permis de mener une réflexion ambitieuse sur l’enjeu de la démographie française qui est pourtant indissociable de la notion d’équilibre dans un système de retraite par répartition. En effet, si la durée et le niveau des cotisations et des pensions jouent un rôle certain dans sa soutenabilité, un tel régime repose fortement sur le rapport entre le nombre d’actifs cotisants et le nombre de pensionnés. Dès lors, au regard des tendances démographiques actuelles, notamment de la natalité, notre système sera fragilisé à long terme.

Ce constat devrait nous conduire à cesser urgemment de reléguer la démographie et la natalité au rang de variables, pour les élever au contraire – aux côtés de la productivité que je n’aborderai pas directement dans ce rapport – au statut de levier stratégique de financement de notre système de retraite.

Sur les faits d’abord, je souhaite insister sur quatre constats issus des auditions que j’ai conduites et dont nous nous devons d’informer les Français.

En premier lieu, nous constatons que notre système de retraite est à ce jour à l’équilibre en théorie, mais qu’en pratique, des clarifications seraient utiles. En 2022, après quinze années de déficit, le système de retraite était excédentaire de 4 milliards d’euros. Si cet excédent est transitoire, les auditions ont mis en exergue les débats qui l’entourent d’ores et déjà. En effet, l’excédent actuel est permis grâce à des concours financiers publics complémentaires, de deux ordres, à savoir d’une part, des subventions, des transferts ou des impôts affectés au bénéfice du déficit des régimes spéciaux, comme le fait la mission Régime sociaux et de retraite, d’exonérations ciblées, d’avantages familiaux ou de périodes de chômage et d’autre part, des cotisations des fonctionnaires à des taux exorbitants, bien au-dessus du taux observé pour les salariés du privé. Ces crédits se retrouvent pour partie dans le compte d’affection spéciale Pensions. Au total, l’État contribuerait, hors cotisations de droit commun, au tiers du financement de notre système, interrogeant ainsi une partie de l’excédent affiché pour 2022.

En deuxième lieu, malgré l’allongement de l’espérance de vie, la part des dépenses de retraites dans le PIB diminuera, notamment sous l’effet de la réduction du niveau vie relatif des retraités. Nous savons que la population des plus de 65 ans ne cesse de croître et que le phénomène devrait s’accentuer sous l’effet de l’augmentation de l’espérance de vie. Dès lors, les dépenses de retraite augmenteront en volume, mais leur part dans le PIB devrait se stabiliser, voire diminuer. Alors comment est-ce possible ? Si le PIB devait augmenter, cette diminution serait notamment permise par la moindre augmentation des pensions. En effet, la pension moyenne devrait passer de 50 % du revenu d’activité moyen brut en 2021, à moins de 42 %, voire 35 %, à horizon 2070. En conséquence, le niveau de vie relatif des retraités par rapport à l’ensemble de la population diminuera fortement.

En troisième lieu, les recettes diminueront plus que les dépenses, occasionnant un déficit annuel durable de l’ordre de 0,2 à 1,6 % du PIB. Les déterminants de cette diminution, développés dans le rapport, sont divers à court et moyen termes, mais je tiens à alerter, à long terme, sur la baisse de la population active. Après avoir atteint son pic en 2036, la population active diminuera jusqu’en 2070, passant en dessous de son niveau actuel à près de trente millions d’actifs.

Enfin, en quatrième lieu, le constat principal réside dans la chute libre de la natalité française. Le nombre de naissances est au plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale, avec 726 000 naissances en 2022. Sur le plan conjoncturel, cette diminution peut s’expliquer par le creux des naissances du début des années 1990, raison pour laquelle les femmes en âge de procréer sont aujourd’hui moins nombreuses. Toutefois, sur le plan structurel, d’autres facteurs expliquent cette situation. Parmi les facteurs développés dans le rapport, je tiens particulièrement à alerter sur la déconstruction à l’œuvre de la politique familiale menée depuis de nombreuses années, qui porte atteinte à la confiance des familles.

Affaiblie depuis les années 1970, la politique familiale a été durement touchée entre 2012 et 2017. Après quoi, les courbes montrent que la natalité a fortement chuté. Pourtant, de nombreuses études démontrent que le désir d’enfant des familles est intact. Alors que la fécondité s’établit à 1,8 enfant par femme en 2022, le désir d’enfant s’élève quant à lui à près de 2,4 enfants. Si nous n’agissons pas, la chute de la natalité rendra insoutenable le système actuel, et ni l’immigration ni la récente réforme des retraites ne constitueront le salut de notre système.

Au regard de ces constats, mon rapport explore trois voies afin d’assurer la pérennité du système.

Le premier levier consiste à porter le taux de fécondité au niveau du nombre d’enfants désirés via une politique familiale réellement nataliste. Cela nécessite tout d’abord un soutien financier accru via une part fiscale pleine dès le deuxième enfant et la revalorisation des allocations familiales, permise grâce à une réorientation des dépenses actuelles.

Il conviendrait ensuite de soutenir l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des parents, notamment par le développement de solutions de garde d’enfants et par une réflexion autour du congé parental, tant sur sa durée que sur son niveau d’indemnisation.

Enfin, il importe d’organiser un accès simplifié au logement. Nous savons qu’il s’agit d’un sujet d’attention primordial pour les familles, notamment les plus modestes. Le parc de logements sociaux doit jouer pleinement son rôle, en étant étoffé et mieux géré, pour que ces logements soient prioritairement attribués aux familles françaises ; cela va sans dire. Par ailleurs, il en va aussi de l’accès à la propriété des jeunes couples que nous proposons de soutenir au travers d’un prêt public à taux zéro de 100 000 euros, transformé en don à l’arrivée du troisième enfant.

Le deuxième levier porte plus directement sur l’accroissement et la diversification des recettes. Le taux d’activité et d’emploi des plus jeunes et des seniors doit être véritablement rehaussé. En ce sens, mon rapport préconise d’encourager l’emploi des jeunes, sous toutes ses formes, au travers d’un dispositif de soutien aux entreprises et aux jeunes. Des dispositions comparables pourraient être mises en œuvre pour les seniors.

Par ailleurs, le financement de notre système de retraite impose la diversification de ses ressources. J’encourage à ce titre des réflexions sur une forme de capitalisation collective, à l’image du Fonds de réserve pour les retraites, qui pourrait constituer une piste intéressante dans l’esprit de notre système actuel.

Enfin, le troisième levier concerne le pilotage des flux financiers du système de retraite. D’abord, la consolidation par l’État d’un solde, avant subventions et cotisations exorbitantes du droit commun, semblerait pertinente. De même, les auditions ont été l’occasion de rappeler l’importance d’un contrôle de gestion ambitieux et exigeant afin d’éviter les situations telles que celle observée au sein de la branche famille, dont les comptes n’ont pas été certifiés par la Cour des comptes en 2022.

C’est à ces trois conditions, à savoir le sursaut et l’augmentation durable de la natalité, l’augmentation du taux d’activité et la diversification des recettes ainsi que le pilotage fin et ambitieux des flux financiers, que nous pourrons, chers collègues, préserver notre système de retraite par répartition, auquel nos concitoyens sont attachés.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je vais donner la parole aux orateurs des groupes.

Mme Annie Vidal (RE). La mission Régimes sociaux et de retraite assure l’équilibre financier de plusieurs régimes spéciaux de retraite qui, confrontés aujourd’hui à un déséquilibre démographique, ne parviennent plus à s’autofinancer. Cette mission regroupe un grand nombre d’anciens régimes parmi lesquels figurent la SNCF, la RATP et la culture, ajoutée cette année. Le compte d’affectation spéciale Pensions, quant à lui, retrace les opérations budgétaires de régimes de retraite d’agents de l’État.

L’ensemble des missions du budget pour 2024 connaissent une augmentation notable qui matérialise notre engagement à soutenir le pouvoir d’achat des retraités et, de manière plus générale, de l’ensemble des Français. C’est également le cas, bien évidemment, pour la mission Régimes sociaux et de retraite, impactée par la revalorisation anticipée de 4 % des pensions de retraite en juillet 2022, l’indemnité inflation bénéficiant à plus de 580 000 pensionnés, ainsi que par l’inversion du ratio entre pensionnés et cotisants. La mission cumule pour ses trois programmes 6,3 milliards d’euros, soit une augmentation de 91 millions d’euros.

Le compte d’affectation spéciale Pensions affiche en 2024 un déficit de 2,5 milliards d’euros, compensé par les soldes excédentaires cumulés sur les années précédentes. Toutefois, à partir de 2026, les excédents seront consommés et l’équilibre ne sera plus assuré, alors qu’il s’agit d’une obligation pour ce type de compte.

Ces chiffres traduisent également notre politique volontariste. Les Français ont été parmi les Européens les mieux protégés face à l’inflation et en 2024, nous poursuivrons cette dynamique. C’est en responsabilité que nous avons voté en février dernier, dans cette même commission, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, portant les mesures relatives à la réforme des retraites, qui impacte également ces deux missions.

Je me permets de rappeler que le premier objectif de cette réforme des retraites consiste à pérenniser le système de retraite par répartition, pour lequel le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit un déficit chronique à partir de 2023. L’équilibre des régimes sociaux demeure une nécessité et notamment eu égard à leurs coûts de gestion. Tout cela, si besoin était, justifierait largement la réforme des retraites, même si certains tentent encore aujourd’hui de l’abroger.

Sur ces missions, le rapport qui nous est présenté nous invite à augmenter les recettes de notre système de retraite et à diversifier ses sources de financement, notamment avec le levier de la natalité d’une politique familiale renforcée. Il s’agit d’une solution de long terme, pas très facile à mettre en œuvre et de toute évidence sans effet à court terme sur les missions que nous étudions et sur le système de retraite.

Dans le même temps, d’autres nous demandent d’augmenter les pensions et de diminuer le temps et la durée de travail alors que nous nous efforçons de trouver un équilibre et de penser à l’avenir de tous les Français.

Au-delà des postures et des déclarations, je pense qu’il relève de notre devoir d’agir en responsabilité et je suis convaincue que nous avons pris bonne voie, à savoir celle de la raison et de la justesse.

Mme Laure Lavalette (RN). Le rapport pour avis de notre collègue, Mme Joëlle Mélin, confirme l’essentiel de ce que nous avons avancé lors du court débat sur la réforme des retraites et sur le financement du système : la copie est à revoir. Si la réforme Dussopt porte son lot de déséquilibres financiers, que le Gouvernement a semblé découvrir et qui l’ont poussé à envisager la ponction des caisses complémentaires du privé, elle ne répond pas aux enjeux de pérennité qui frappent le régime par répartition auquel les Français restent majoritairement attachés.

Le Gouvernement a en effet préféré ignorer les recommandations et conseils de tous les spécialistes pour se concentrer sur une augmentation de l’âge légal d’ouverture des droits et de la durée de cotisation. Les réformes paramétriques se succèdent. Certains collègues envisagent d’ailleurs la prochaine, si l’on en croit les propos du « dauphin Philippe », qui rêve d’ores et déjà d’une retraite à 67 ans. Au moins, les Français sont prévenus.

En éludant les enjeux de productivité et de natalité, vous coupez ainsi les deux jambes sur lesquelles repose le financement des plus de 13 points du PIB que représente l’ensemble des dépenses de retraites. Nous l’avons exprimé au mois de février ; nous continuerons de le répéter. Aucune des avancées sociales majeures dont la France a pu se targuer dans la seconde partie du XXe siècle n’aurait pu se concrétiser sans une démographie soutenue et maîtrisée. Ceci n’en déplaise aux collègues de la NUPES – qui ne sont pas très présents – dont les torsions idéologiques ne leur permettent plus aujourd’hui de comprendre les enjeux sociaux de demain. Si « gouverner, c’est prévoir », chaque année perdue obscurcit un peu plus l’avenir des régimes de retraite. En 2021, le COR avait d’ailleurs revu à la baisse ses hypothèses de fécondité de 1,95 à 1,8 enfant par couple, soit un impact budgétaire concret 0,7 point de PIB à l’horizon 2070. La même année, le haut-commissaire au plan, M. François Bayrou, tirait la sonnette d’alarme.

Le 17 janvier 2023, la publication du rapport démographique de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) soulignait à son tour la baisse de l’indicateur conjoncturel de fécondité à 1,8 enfant alors même que le désir moyen d’enfants par femme s’élevait à 2,38. Quelques mois plus tard, l’Insee confirmait ses projections avec l’effrayante statistique de 1 816 naissances pour le mois de mars 2023. La situation inquiète à présent même le Président de la République, dont on connaît maintenant le cynisme à toute épreuve quand il s’agit de critiquer publiquement sa propre politique, parce que les bébés de 2023 seront les cotisants de 2053.

Mesures fiscales incitatives, congé parental, garde d’enfants pour les mamans qui travaillent, part fiscale pleine des enfants, quotient familial, universalité des allocations familiales : les propositions du Rassemblement National ne manquent pas. Si la majorité souhaite engager le chantier de la soutenabilité de notre système de retraite et plus globalement de l’ensemble de la sécurité sociale pour les prochaines décennies, nous sommes évidemment prêts à en discuter pour peu que le Gouvernement choisisse une autre voie que celle du passage en force, comme sur cette loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS). Si le pouvoir en place ne change pas de logiciel, la chute de la natalité s’aggravera pour ressembler toujours plus à la catastrophe que nous observons dans d’autres pays européens – et qui devrait, mes chers collègues, évidemment vous alerter –, entraînant avec elle son lot de malheur social en condamnant définitivement ceux qui n’auront pas les moyens de s’assurer une capitalisation suffisante pour leurs vieux jours.

L’Histoire retiendra que notre famille politique fut longtemps la seule, sous les moqueries et les injures, à avoir alerté sur cette situation comme sur bien d’autres. Cependant, il est encore temps d’agir.

M. Stéphane Viry (LR). J’observe que nos collègues de La France insoumise n’ont pas d’idées ou n’ont pas envie de se prononcer sur cette question.

Au-delà du thème qui nous occupe aujourd’hui, la mission Régimes sociaux et de retraite et le compte d’affectation spéciale, c’est un sujet qui renvoie à nouveau à notre solidarité nationale et à la façon dont nous avons à considérer celles et ceux qui, jadis, ont fait avancer le pays. Personnellement, je suis toujours un peu mal à l’aise lorsqu’on évoque la question des retraites sans penser aux retraités, sans penser au niveau des pensions, sans penser à l’équité des pensions. Nous ne sommes pas là pour évoquer uniquement les chiffres, mais tout même pour penser à ces hommes et à ces femmes qui, même s’ils sont inactifs au sens du travail, demeurent souvent très actifs dans la vie, notamment la vie associative. Que serait la France sans l’engagement des retraités dans nos associations ou parmi les aidants familiaux ? Les retraités méritent beaucoup de considération et de respect et non pas de subir parfois des hausses de CSG brutales et soudaines, comme ce fut le cas dans le passé.

S’agissant de l’objet de notre réunion, il n’y a pas grand-chose à dire, madame la rapporteure, quant aux trois programmes, chacun dans les domaines que vous avez évoqués. J’ai noté que vous émettiez un avis favorable à leur vote, notamment en intégrant la revalorisation des pensions pour 2024, proposée par le Gouvernement. Cela signifie-t-il que vous considérez que cette revalorisation est suffisante ? Ne pensez-vous pas qu’on aurait pu mieux faire pour ces pensionnés ?

Ensuite, vous placez le débat sur le compte de la natalité et plus généralement, de la démographie et de la capacité à générer, à terme et durablement, des ressources afin de financer notre système de retraite par répartition. Les constats sont, me semble-t-il, partagés. Les diagnostics ont été très largement posés et je ne constate aucune nouveauté. Ce sont des acquis. La question consiste désormais à identifier une politique publique visant à pérenniser notre système de retraite et à permettre durablement le paiement des pensions. En effet, et je vous rejoins sur ce point, nous nous dirigeons vers un déficit annuel durable et le passer sous silence reviendrait à mentir aux Français et à les conduire vers des analyses qui s’avèreraient totalement erronées.

Mener une réforme des retraites sans régler en amont la natalité, la démographie, la place du travail et sa contribution dans notre système de retraite et la responsabilisation des Français dans la capitalisation était effectivement voué à une insuffisance. Ce thème a représenté notre actualité au printemps 2023 et maintenant, nous en sommes là.

Un projet de loi considéré comme adopté après un 49.3 existe et fait force de loi. Cependant, il me semble que nous n’aurons pas d’autre choix que de remettre l’ouvrage sur le métier dans les mois à venir, quel que soit le gouvernement en responsabilité dans ce pays.

Vous évoquez la natalité, le taux de fécondité, le désir d’enfants. Je garde surtout en mémoire tout ce que Les Républicains ont proposé depuis six ans sur de chaque PLFSS pour cette branche spécifique de notre budget de la protection sociale. Ce fut notre leitmotiv et, sur ce thème, nous avons été force de proposition via des amendements qui n’ont hélas jamais été votés. Nous sommes encore totalement mobilisés sur cette question afin que la France mène une vraie politique de la famille, enfin dynamique, enfin incitative, ayant notamment capacité, à terme, à soutenir la natalité et à soutenir davantage les familles.

Vous avez mentionné l’idée d’accorder une part fiscale entière dès le deuxième enfant. Pourrez-vous, dans le cadre de nos travaux budgétaires, en définir le coût ?

M. Olivier Falorni (Dem). L’essentiel des crédits de cette mission Régimes sociaux et de retraite concerne le régime de la SNCF. Force est de constater qu’il s’agit de branches d’activité qui jouissaient déjà d’un régime particulier, avant même 1945. Lors de la mise en place de la sécurité sociale, il a été décidé que ces branches d’activité demeureraient provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale.

La réforme des retraites prévoit d’engager la fermeture progressive des principaux régimes spéciaux de retraite au regard des principes d’équité et d’universalité au cœur de notre modèle social. Notre groupe partage la recommandation de la Cour des comptes de regrouper l’ensemble des régimes spéciaux de retraite dans une mission dédiée du projet de loi de finances. Cela contribuera grandement à l’information du Parlement, plus que jamais nécessaire.

Concernant la qualité du débat public, le groupe Démocrate se félicite également de la reprise dans le rapport de la recommandation du haut-commissaire au plan visant à mieux distinguer les contributions versées par l’État pour la retraite de ses fonctionnaires. En effet, les caisses de retraite ne pourraient pas atteindre l’équilibre sans des concours financiers publics complémentaires. L’État cotise ainsi à hauteur de 74 % pour la retraite des fonctionnaires civils de l’État, voire de 126 % pour celle des militaires. La situation excédentaire actuelle du système de retraite est donc bien en trompe-l’œil. Il semblerait en effet pertinent de faire apparaître le solde avant les cotisations parfois exorbitantes de droit commun ainsi que les subventions diverses.

Enfin, votre rapport accorde une large place à la natalité dont nous convenons de l’importance capitale pour la pérennité de notre régime par répartition. Vous identifiez trois leviers au service d’une politique nataliste. Le deuxième levier propose ainsi de simplifier l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les parents. Dans nos débats publics et récemment, vous avez eu l’occasion de voter notamment l’article 10 du projet de loi pour le plein emploi, qui visait à améliorer la politique d’accueil du jeune enfant. Notre groupe l’a voté ; vous ne l’avez pas voté.

En conclusion, les mesures que je viens de mentionner sont certes à reprendre, mais il convient désormais de passer des paroles aux actes. Et je crois que c’est en menant des politiques et en votant des avancées substantielles que nous arriverons à progresser.

Quoi qu’il en soit, je salue la qualité du rapport, le travail des services de l’Assemblée nationale et les auditions qui ont été organisées pour en préparer la rédaction.

M. Elie Califer (SOC). Il paraît évident que la réforme des retraites, qui a été adoptée en avril dernier par la procédure législative de l’article 49.3 de la Constitution, aura à terme pour effet d’amoindrir l’importance de la mission que nous examinons actuellement.

Si, dans son ensemble, la mission accuse une faible augmentation de 1,5 %, la suppression des régimes spéciaux, de par l’article 1er de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, conduira ne serait-ce que par l’objectif qu’elle s’est fixé, à dépecer progressivement la présente mission de nouveaux crédits.

Le groupe Socialistes et apparentés s’est ardemment battu pour le maintien des régimes spéciaux et regrette un tel choix politique. Si certains régimes de retraite sont dits « spéciaux », ce n’est pas parce qu’ils seraient le lieu de privilèges, mais bien parce qu’ils représentent l’héritage de régimes fonctionnant sur la base d’une solidarité intraprofessionnelle ou propre à une entreprise. Ces régimes prévoient des règles de départ à la retraite spécifiques, car ils prennent en compte une pénibilité spécifique pour des travailleurs et cotisants, notamment les horaires atypiques, la fréquence des astreintes et l’usure physique. Or en supprimant purement et simplement les régimes spéciaux, le Gouvernement n’a pas reconnu l’ensemble de ses particularités.

J’ai lu attentivement votre rapport, madame la rapporteure. Quelques lignes m’ont interpellé. À la page 20 notamment, vous écrivez qu’à l’avenir, le niveau de vie des retraités devrait se dégrader et c’est là que réside le problème. Nous sommes en accord avec cette prédiction dessinant un système moins protecteur et le groupe Socialistes et apparentés avait largement en son temps alerté le Gouvernement sur ce point.

Cependant, à cet élément, il convient d’ajouter une analyse qui, à mon sens, fait défaut dans ce rapport. Depuis la « loi Pacte » du 22 mai 2019, le Gouvernement ne cesse d’inciter les Français à se constituer une retraite par capitalisation, notamment via le plan d’épargne retraite. Clairement affichée, cette facilitation d’une retraite par capitalisation met en difficulté notre engagement pour une retraite par répartition. Si ce désengagement de l’État lui permet de faire quelques économies, il est à craindre que les foyers qui n’ont pas la possibilité de se constituer une retraite n’aient pas d’autre choix que de subir de plein fouet la dégradation des pensions. C’est demain ; c’est déjà aujourd’hui.

Vous avez raison, nous accélérons la précarité. La natalité s’effondre ; notre pays s’engouffre dans la précarité. Un seul combat s’impose à nous, au-delà de nos convictions, le combat pour le maintien du système de retraite par répartition.

M. Paul Christophe (HOR). Nous examinons aujourd’hui la mission Régimes sociaux et de retraite du projet de loi de finances pour 2024. Cette mission nous rappelle l’extraordinaire complexité qui caractérise notre système de retraites. Les régimes spéciaux subventionnés par cette mission sont en effet pour la plupart un héritage de l’avant-guerre, avant la création du régime général en 1945 et ils s’y sont superposés. Il s’agit principalement des régimes de retraite des agents du cadre permanent de la SNCF et de la RATP ainsi que du régime social des marins et des mines.

La mission Régimes sociaux et de retraite représente 6,4 milliards d’euros de crédits pour 2024, dont 4,36 milliards d’euros pour les régimes sociaux et de retraite de la RATP et la SNCF et elle sert à financer les pensions des retraités de ces régimes. Les régimes spéciaux créent des dispositifs dérogatoires pour leurs bénéficiaires sur différents critères, en raison de la particularité des métiers qu’ils exercent, et en regard, ils créent des règles différentes de calcul d’âge de départ et de durée de cotisation. Ces régimes sont caractérisés par des paramètres démographiques proches et marqués par un fort déséquilibre entre les cotisants et les pensionnés.

Cette mission prévoit en premier lieu à partir du 1er janvier 2024 l’intégration au sein du programme 195 du financement des régimes de retraite de la Culture, à savoir la Caisse de retraite du personnel de la Comédie-Française et la Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris. Cette intégration permettra de regrouper l’ensemble des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l’État au sein d’une même mission avec un objectif de clarté et de lisibilité que nous saluons.

Rappelons que le projet de loi de réforme des retraites examiné au début 2020 proposait une trajectoire d’extinction progressive de ces régimes spéciaux et ambitionnait de passer à un régime de retraite universel par points, plus juste pour tous. Les disparités substantielles qui subsistent aujourd’hui continuent d’ailleurs à susciter l’incompréhension de nos concitoyens.

La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a permis d’avancer en ce sens avec la fermeture de cinq régimes spéciaux, dont le régime de retraite de la RATP pour les nouveaux embauchés au cadre permanent de la RATP à partir du 1er septembre 2023, et le décalage de deux ans des âges d’ouverture des droits aux assurés du régime spécial de la SNCF et de la RATP.

Cette mission porte les traductions de cette réforme difficile, mais courageuse et juste. En conséquence, évidemment le groupe Horizons et apparentés votera les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cette mission fait apparaître les premiers effets pernicieux et dévastateurs de la réforme des retraites qui a été imposée aux Françaises et aux Français.

Dans la feuille de route qu’il s’est fixée pour élaborer sa réforme, le Gouvernement a délibérément opté pour la convention comptable dite « équilibre permanent des régimes », un scénario dans lequel l’État équilibre chaque année sa participation au régime de la fonction publique et de certains régimes spéciaux et dans lequel, par conséquent, il choisirait de réduire sa participation au régime des retraites. Le Gouvernement aurait pu opter pour la convention comptable dite « effort de l’État constant » dans laquelle la contribution de l’État à ces régimes dans le PIB reste constante. D’une approche comptable à l’autre, le déficit prévu dans les vingt-cinq prochaines années passe du simple au double, de 0,2 % à 0,5 % du PIB. S’il s’agissait de sauver le système par répartition, le Gouvernement pouvait choisir de maintenir son effort de contribution. En réalité, pour ce Gouvernement, il semble plus approprié de faire payer deux fois cette réforme aux Français.

La LFRSS 2023 a ainsi décidé de fermer cinq régimes spéciaux, parmi lesquels le régime spécial de retraite de la RATP pour les nouveaux embauchés à partir du 1er septembre 2023. Pour ce faire, le Gouvernement a avancé l’argument du coût supporté par les Françaises et les Français. Ces fermetures ont pour première conséquence d’accélérer le vieillissement de la population du régime et d’augmenter le déficit de ce régime qui, avec moins de cotisants, doit néanmoins continuer à verser les pensions des retraités actuels et de ceux à venir. L’étude d’impact du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale indiquait bien que le ratio démographique de ces régimes serait dégradé, compte tenu de la réduction du nombre de cotisants et que leurs besoins de financement s’en trouveraient accrus sans toutefois aborder les moyens de répondre à ce nouveau besoin de financement pour 2024.

Ce surcoût semble se traduire par une augmentation des autorisations d’engagement pour la RATP, à hauteur de 9,35 % par rapport à 2023. Le schéma de financement de ces fermetures trouve sa traduction dans l’alinéa 22 de l’article 9 du PLFSS 2024. Contrairement à la rumeur, et qui d’ailleurs n’a pas été clarifiée hier, rien n’a évolué. Cet article 9 vise en effet à assurer « la bascule à compter de 2025 de l’équilibrage de ces régimes vers le régime général ainsi que la mise en place d’une convention prévoyant la participation de l’Agirc-Arrco à cet équilibrage ».

Concrètement, afin d’assurer le financement de ces régimes, différentes ressources seront affectées, notamment les cotisations et contributions sociales, mais nous savons qu’elles se réduisent d’année en année en raison de l’accroissement exponentiel des exonérations. À défaut de recettes propres suffisantes pour couvrir la dépense, les régimes mobiliseront en premier lieu les réserves qu’ils ont, le cas échéant, constituées. À défaut de fonds propres suffisants pour couvrir les dépenses, les régimes intégrés bénéficieront d’une dotation d’équilibre du régime général, comme pour l’ensemble des régimes déjà intégrés.

Enfin, outrepassant la gestion paritaire du régime, le texte prévoit que l’Agirc‑Arrco participe durablement au financement des régimes spéciaux fermés par la dernière réforme à compter de 2025, au plus tard. L’alinéa 22 de l’article 9 du PLFSS prévoit en effet que la contribution de l’Agirc-Arrco sera fixée dans une convention approuvée par les ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget « au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite ».

Je n’ai pas le temps d’entrer dans les détails qui expliqueraient à quel point cette réforme produit un impact qu’il appartiendra aux partenaires sociaux d’assumer dans l’Agirc‑Arrco. À défaut d’une telle convention, un décret fixera le montant de cette contribution. Autrement dit, aucune marge de négociation n’est laissée à l’Agirc-Arrco et ce Gouvernement compte bien détourner les cotisations des salariés du privé pour répondre à des conséquences financières de la réforme des retraites.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

M. Philippe Frei (RE). Je centrerai mon propos sur les lignes consacrées au régime spécial des marins. Le 18 septembre 2023, la Cour des comptes a exprimé son inquiétude quant à la situation préoccupante de l’Établissement national des invalides de la marine (Enim), qui semble subir de plein fouet la gestion d’un régime complexe, au financement déséquilibré, celui-ci ne devant sa survie financière qu’à la solidarité nationale à hauteur d’environ 800 millions d’euros par an.

Les difficultés mises en évidence sont multiples. Force est de constater, de manière assez surprenante, que l’assiette des cotisations n’est pas fondée sur le salaire réel des marins, mais sur des salaires forfaitaires qui ne correspondent pas aux rémunérations effectivement perçues.

La Cour souligne également que les recettes et les dépenses de l’Enim font l’objet d’un défaut de contrôle et que la lutte contre la fraude aux cotisations est insuffisante.

Enfin, s’agissant de l’application de la déclaration sociale normative dans le secteur maritime, au 31 janvier 2021, seulement 40 % des employeurs avaient effectué une déclaration alors que le secteur avait bénéficié d’un délai.

Madame la rapporteure, face à ces multiples problématiques, je souhaite connaître votre opinion sur la situation de cet établissement et sur les évolutions potentielles à mettre en œuvre.

M. Thibault Bazin (LR). Ma question portera sur le programme 195 et plus particulièrement sur le fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines.

À la suite de l’examen ici même de cette mission, notre commission avait lancé une mission « flash » sur les dysfonctionnements constatés localement, que j’ai menée avec ma collègue, Mme Hélène Zannier. Les conclusions que nous avions présentées le 12 mai 2021 avaient pointé une méconnaissance du régime par les acteurs censés renseigner les futurs retraités. Ma collègue et moi-même avions fait des recommandations parmi lesquelles la nécessité d’un guichet unique.

J’ai échangé récemment avec des concitoyens concernés par ce régime et j’ai constaté que les difficultés perdurent. Je souhaite profiter de cette réunion pour relayer leurs inquiétudes légitimes quant aux retards déplorés dans la correction de leur nombre de points Agirc-Arrco. Il conviendrait de leur apporter une meilleure visibilité et de la fiabilité dans l’intégration de la période du raccordement, au moment du raccordement.

Permettez-moi de citer un témoignage reçu cette année de la part d’un retraité concerné : « Je me pose la question de ce qui a changé depuis la remontée de ce problème à votre commission. Tout ceci a-t-il donné lieu à un protocole quelconque ou les choses vontelles perdurer telles que je les ai vécues ? En effet, je vois certains anciens collègues qui, quatre ans après, ne sont toujours pas à jour et continuent de galérer. D’autres encore en activité se battent pour mettre à jour. Vous l’avez maintenant compris, je m’interroge sur la portée de votre action au sein de la commission, avec toujours cette impression qu’une fois un dossier traité, la chemise est refermée. »

Madame la rapporteure, avez-vous interrogé les parties prenantes sur ces mesures ?

M. Éric Alauzet (RE). Madame la rapporteure, je me suis concentré sur votre propos liminaire. Nous pouvons faire un certain nombre de constats communs tels que celui d’un système généreux avec un niveau de vie des pensionnés supérieur à celui des actifs. C’est assez rare en Europe et cet avantage va s’éroder. Il m’apparaît contradictoire de poser ce constat et d’affirmer que le régime est équilibré. En tout cas, il ne l’est pas dans le temps et c’est la raison pour laquelle la situation des pensionnés se dégradera progressivement en comparaison de celle des actifs.

S’agissant des pistes d’amélioration, nous constatons également ensemble que notre système s’améliorera ou se maintiendra à condition qu’un plus grand nombre de personnes se retrouvent au travail. Force est de constater que le Gouvernement et cette majorité ont obtenu de bons résultats en la matière, à savoir l’augmentation du taux d’emploi et la diminution du chômage. D’ailleurs, le report de l’âge de la retraite à 64 ans va mécaniquement contribuer à cet enjeu.

Enfin, vous revenez sur votre marotte, plus exactement sur vos deux marottes. La première réside dans la thématique de l’immigration et d’un choix supposé de la majorité de combler la baisse de natalité par un encouragement à l’immigration.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Merci, monsieur Alauzet.

M. Didier Le Gac (RE). Je reviens sur le régime spécial des marins. Nombreux sont mes collègues députés à commenter le rapport de la Cour des comptes, publié en mars dernier. Je souhaite tout d’abord rectifier quelques erreurs.

D’abord, les marins‑pêcheurs ne sont pas des fraudeurs.

Ensuite, si effectivement l’Enim doit évoluer et si le régime spécial des marins doit être accompagné dans une mutation, il importe d’organiser une concertation avec les professionnels du secteur maritime. Par ailleurs, s’il est effectivement nécessaire de moderniser ce régime et de reposer un certain nombre de fondamentaux du régime relatifs à l’assiette de cotisation et à l’acquisition de certains points, il convient d’être extrêmement vigilant. Le salaire forfaitaire et réel a été fixé au regard d’une très grande variabilité des revenus du marin-pêcheur et ce d’autant plus dans la période actuelle où la pêche connaît sa crise la plus grave. Parfois, les pêcheurs gagnent beaucoup d’argent avec leur prêche, mais parfois ils en perdent beaucoup et les revenus sont alors très faibles.

Il est essentiel de prendre en compte les spécificités du secteur de la pêche et d’ailleurs, en 2020, les ministres n’avaient pas remis en cause le système de l’Enim.

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour l’ensemble de vos questions. Il en ressort d’ailleurs que vous me rejoignez sur la nécessité de diversifier les sources de financement et de chercher des solutions communes. J’en suis ravie. De toute façon, la situation s’impose à nous et il importe que, collectivement, nous trouvions des solutions.

Madame Vidal, vous avez soulevé le problème du fait que ces sources de financement, notamment par la natalité, seraient reportées de vingt ans. À la suite des auditions, qui ont porté surtout sur la thématique, nous avons découverte, de façon plus prégnante que prévu, que la diminution fulgurante de la natalité impacte cent mille naissances par an. Cette dénatalité est extrêmement violente, inédite et durable. Les causes en sont multiples et il conviendra bien sûr de les analyser afin d’identifier des solutions adaptées à chaque cause. Nous avions déploré une diminution de la natalité il y a vingt ans. Donc, mathématiquement, le nombre de femmes actuellement en âge de procréer est plus faible. Toutes ces encoches se retrouvent d’ailleurs sur la pyramide des âges et là, malheureusement, il s’agit d’une encoche importante et durable qui grignote presque tout le pied de la pyramide des âges. Bien sûr, l’effet sera retardé, mais rien n’interdit d’agir aujourd’hui pour demain et de réfléchir à cette natalité.

Madame Lavalette, affirmer que je suis en accord avec vous ne vous surprendra pas.

Monsieur Viry, vous avez évoqué un financement durable ou un déficit durable qu’il vous semble nécessaire de détailler parfaitement. Vous m’interrogez également sur le chiffrage de la part fiscale supplémentaire entière au deuxième enfant. Selon les données dont nous disposons, pour un couple avec un enfant et 45 000 euros de revenus imposables, une pleine part fiscale ferait passer l’impôt de 1500 à 650 euros par an. Cela représente un coût élevé, certes, mais il importe de raisonner sur le long terme, à savoir que la disposition d’aujourd’hui apportera peut-être plus de possibilités demain puisqu’un plus grand nombre de personnes seraient en activité, cotiseraient et déploieraient de l’énergie au service de notre société.

Vous m’avez également interrogée sur la suffisance de la revalorisation des retraites. Bien sûr qu’elle n’est pas suffisante. Un vote positif ne vaut pas obligatoirement acceptation de la totalité du contenu d’un dossier. En tout cas, il ne représente absolument pas un soutien politique. Il apparaît parfois nécessaire de voter pour un dossier sans obligatoirement adhérer à la totalité de son contenu.

Monsieur Falorni, vous avez mentionné un point qui a été très nettement exprimé dans les auditions, à savoir la possibilité de différencier ce qui relève de formes de « subventions » d’un financement classique des retraites. C’est fondamental et un des amendements présentés par M. Mournet soulignera cette distinction entre ce qui relève de « subventions » et ce qui constitue le financement propre parce qu’il s’avèrera nécessaire le faire apparaître avant de présenter des tableaux d’équilibre. Ce point sera débattu. Nous avons à ce propos interrogé plusieurs personnes. Étonnamment, la Caisse des dépôts et consignations nous a indiqué qu’à ce jour, la question n’était pas complètement tranchée et faisait encore l’objet d’une polémique académique. Dont acte. J’espère que l’amendement proposé par M. Mournet, auquel je suis favorable, nous permettra de progresser dans la direction de la clarté des comptes.

Monsieur Califer, vous avez fait apparaître qu’actuellement nous devons régler concomitamment deux problèmes de fond, à savoir le problème de notre système de retraite par répartition auquel nous sommes tous attachés, et celui des régimes spéciaux qui représentent totalement le poids de l’Histoire. Ce poids est très ancien puisque les marins du roi dès le XVIIIe siècle avaient déjà la possibilité de toucher des pensions. Cette construction a commencé à partir de 1830 et elle s’est petit à petit structurée jusque dans les années 1925, en 1946 et jusqu’à nos jours. Il nous appartient de régler la fin de ces régimes spéciaux parce qu’ils concernent des professions qui ont terriblement muté et parce que le régime général rencontre des difficultés. Il convient donc d’atteindre un équilibre entre ces différents régimes.

Il importe en effet de maintenir le système par répartition et d’identifier des solutions en préservant non seulement les spécificités auxquelles chaque professionnel est attaché, mais également l’équilibre des comptes. Nous avons parfaitement conscience qu’il est nécessaire de trouver des solutions médianes lorsque des régimes sont « subventionnés » jusqu’à 95 %.

L’évocation d’une capitalisation collective relevait d’une réflexion uniquement sous la forme attachée au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), c’est-à-dire un dispositif parfaitement contrôlé par l’État, mais qui ne se situait absolument pas dans un système privé. Il s’agissait réellement d’une réflexion, sachant que les montants requis pour abonder le FRR et constituer une sorte de « matelas de sécurité » sur lequel compter ne sont pas accessibles en ce moment.

Monsieur Christophe, vous évoquez le poids du déséquilibre. Il reflète le poids de l’Histoire sur les régimes sociaux. Il convient d’identifier la moins mauvaise des solutions parce que rien n’est aisé avec les paramètres dont nous disposons. C’est pourquoi nous proposons d’aborder le problème en amont grâce à une prise en charge de la natalité de sorte à gommer un peu ce déséquilibre d’ici vingt ans et à limiter les dégâts.

Monsieur Dharréville, vous avez évoqué les débats liés à la réforme des retraites qui se sont déroulés en début d’année. Vous avez également soulevé le problème de l’Agirc‑Arrco pour lequel hier soir, quand nous nous sommes quittés, nous n’avions pas trouvé de réponse. Je suis d’accord avec vous, mais comme vous, nous attendrons d’y voir plus clair puisque, bien évidemment, ce régime doit être protégé dans sa totalité.

Monsieur Frei, votre propos concernait la situation de l’Enim. Comme dirait M. Alauzet, une de mes « marottes » – j’en ai plusieurs – consiste à lire scrupuleusement, chaque mois de septembre depuis 1996, les rapports publiés par la Cour des comptes. Il est absolument stupéfiant de constater que la Cour pointe sans discontinuer jusqu’en 2023 des problèmes de contrôle interne. Cela se conçoit éventuellement pour ces caisses qui ont subi des mutations parce qu’elles étaient davantage centrées sur les aspects professionnels que sur l’aspect comptable. Il faut espérer que tout cela rentre dans l’ordre en générant le moins de désagréments possible pour les agents qui bénéficient de ces caisses.

Monsieur Bazin, il convient en effet de corriger des retards. Vous m’interrogez spécifiquement sur les mines. Nous avons mené une audition sur la partie thématique, mais quasiment pas sur la partie budgétaire pure. Je ne peux donc pas répondre à votre question et j’en suis désolée. De plus, il appartiendrait à monsieur le ministre de préciser la réponse.

Monsieur Alauzet, nous partageons le même constat, à savoir que nos retraites ne sont pas assurées dans le temps. S’agissant de notre position sur l’immigration, il s’agira probablement de mener une analyse approfondie à la suite du rapport de la mission de MM. Guedj et Ferracci sur les exonérations de cotisations sociales. Je ne partage absolument pas leurs conclusions concernant les bas salaires. Les rapporteurs prétendent en effet qu’il n’existe pas de trappe à bas salaires. Il apparaît malheureusement que la conjonction, d’une part, de bas salaires qui peuvent recevoir énormément d’exonérations et, d’autre part, de dispositifs tels que la prime d’activité risque de bloquer complètement le système, ni l’employeur, ni l’employé n’ayant intérêt à augmenter les salaires. Force est de constater que cela concerne les cinq ou six domaines dans lesquels se retrouvent des métiers dits « en tension » et où l’immigration veut nous être proposée comme une solution. Il nous appartient donc d’examiner ces domaines et de déterminer si ce sont des trappes à bas salaires. En effet, si nous nous trompons, de facto, nous continuerons à laisser des salaires en tendance à la baisse, ce qui serait tout à fait insupportable.

Monsieur Le Gac, vous avez évoqué la crise que traversent les pêcheurs que, comme vous, nous respectons profondément. Notre groupe se bat à l’échelon des institutions européennes afin de préserver la pêche française et nous serons très attentifs à la suite. Vous pouvez compter sur nous.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et retraite non modifiés.

Après l’article 55

Amendements II-AS25 et II-AS26 de M. Benoit Mournet.

M. Benoit Mournet (RE). Il va sans dire que ces amendements ne visent nullement à remettre en question le régime spécial des marins ni à déconsidérer cette profession difficile et dont le niveau de sinistralité est le plus élevé, notamment pour les pêcheurs. Ce fut d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les pêcheurs n’ont pas été intégrés à la réforme des retraites.

Pour autant, le rapport publié cette année par la Cour des comptes est très documenté et très approfondi. Il met en exergue des sujets qui permettraient de simplifier la situation et peut-être d’en améliorer le contrôle.

Le premier sujet concerne les catégories. Il existe actuellement vingt catégories, dont certaines sont totalement obsolètes, alors que 95 % des pensionnés sont répartis dans cinq catégories. Il s’avèrerait pertinent de simplifier progressivement en organisant une concertation avec les partenaires sociaux.

Le premier amendement est un amendement d’appel à travailler à cette simplification. Pour ma part, dans mon rôle de rapporteur spécial, j’y contribuerai activement.

Le second amendement porte sur le contrôle. Une récente réforme impose le contrôle théoriquement a posteriori et la Cour des comptes constate qu’il est peu réalisé. En effet, le partage des tâches théorique entre l’Urssaf Poitou-Charentes et l’Enim n’est pas clair et nous n’avons donc aucune garantie que les pensions soient versées véritablement à bon droit. L’amendement permettrait à l’administration de travailler à améliorer la situation. Nous sommes tous attachés à ce que les prestations soient versées à bon droit. En outre ce travail permettrait de progresser sur le volet des catégories.

Mme la rapporteure. Avis favorable aux deux amendements.

M. Didier Le Gac (RE). Nous traitons aujourd’hui la mission Régimes sociaux et de retraite et je ne pense pas que nous puissions aborder cette question par deux amendements. Certes, j’admets la nécessité de faire évoluer le régime spécial des marins et la Cour des comptes a émis des recommandations en ce sens. Préalablement au vote de ces amendements, il serait nécessaire d’organiser une concertation plus large parce que l’enjeu est prégnant dans la période actuelle. Je le répète, l’Enim gère un régime très particulier qui tient compte de la situation très particulière des marins qui, en ce moment, connaissent une crise quasiment sans précédent. Il ne s’agit pas simplement d’une crise conjoncturelle, mais bien de difficultés structurelles. Aborder dans notre commission par la voie de deux amendements la possible évolution du régime ne me paraît pas pertinent. Je ne voterai pas ces deux amendements.

Mme Annie Vidal (RE). L’amendement II‑AS25 est un amendement d’appel auquel notre groupe n’est pas favorable. En revanche, nous sommes favorables à l’amendement II‑AS26, qui nous semble beaucoup plus pertinent parce qu’il permettra d’étudier une situation qui mérite d’être explorée.

La commission rejette l’amendement II-AS25, puis adopte l’amendement IIAS26 portant article additionnel après l’article 55.

Article 37 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale Pensions non modifiés.

Après l’article 55

Amendement II-AS27 de M. Benoit Mournet.

M. Benoit Mournet (RE). Le compte d’affectation spéciale Pensions concerne les retraites des fonctionnaires civils et militaires de l’État. Par définition, ce compte d’affectation spéciale est équilibré au titre de la convention d’équilibre permanent des régimes, mais il présente lui-même un problème d’équilibre propre qui est parfois occulté.

Pour cette raison, M. Jean-Pascal Beaufret et le haut-commissaire au plan ont évoqué une « subvention cachée » ou un « déficit caché » des retraites. Il convient néanmoins d’affirmer qu’évidemment les retraites ne financent pas les autres services publics, mais c’est bien la solidarité nationale qui, pour une part, finance les retraites. Il ne s’agit absolument pas de porter un jugement de valeur. Pour autant, cet amendement vise davantage de transparence pour le Parlement, en essayant de détourer ce qui relève d’un taux de cotisation employeur normal et ce qui relève d’une pension d’équilibre.

Actuellement, les taux appliqués de 74 % sur le civil et de 126 % sur le militaire sont artificiellement plus élevés. Il convient donc de progresser vers davantage de transparence.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Cette proposition me semble intéressante, car elle permettrait d’apporter de la visibilité et de la clarté. Elle aurait en outre un effet pédagogique. En effet, les retraites de la fonction publique représentent une dépense importante. Elles sont légitimes, mais il me paraît pertinent de l’expliciter dans le budget. Je suis donc favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement II-AS27 portant article additionnel après l’article 55.

Amendement II-AS28 de M. Benoit Mournet.

M. Benoit Mournet (RE). Il s’agit de mener à son terme la convergence entre les taux de cotisation des salariés du secteur privé et du secteur public pour lesquels il existe encore un écart de 0,30 %. Puisque les projections du compte d’affection spéciale Pensions sont déficitaires, la question se posera dans les années à venir d’augmenter la subvention d’équilibre de l’État. Au-delà de l’effet produit par la réforme des retraites, il conviendra de terminer cette convergence. Il s’agit donc d’un amendement d’appel pour lancer la concertation avec les partenaires sociaux.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Je comprends bien qu’il s’agit d’un amendement d’appel, mais cela mérite quand même quelques explications. Concrètement, les pensions des fonctionnaires de l’État sont financées par des retenues pour pensions assimilables aux cotisations salariales et les contributions employeur de l’État sont assimilables aux cotisations patronales.

Le taux de cotisations salariales des fonctionnaires et militaires de l’État s’élève à 11,10 %, soit 0,21 point de moins que celui des salariés du privé sous le plafond, qui s’élève à 11,31 %. Ceci fait suite aux revalorisations intervenues en application des accords Agirc-Arrco de 2013 et de 2015.

À ce sujet, je souhaite vous faire part de trois remarques.

Premièrement, il s’agit d’un apport supplémentaire dont la finalité, pourtant claire, réside dans l’alignement des taux de cotisations salariales entre la fonction publique de l’État et le privé.

Deuxièmement, cette augmentation, même infime, serait une fois encore supportée par les agents et pèserait sur leur pouvoir d’achat en ces temps de forte inflation.

Enfin, si des évolutions devaient intervenir, et cela peut se concevoir, la priorité ne concernerait pas le taux de cotisations salariales, mais bien davantage le taux des cotisations « patronales » qui sont à la charge de l’État, car ce taux est exorbitant par rapport à celui du privé. Il est payé par l’État pour assurer l’équilibre du compte d’affectation spéciale Pensions. Rappelons qu’il s’élève à 74 % pour les fonctionnaires civils de l’État et à 126 % pour les militaires, selon le haut-commissariat au plan.

C’est donc ainsi que je justifie mon avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). Ce sujet est très intéressant parce qu’il permet de constater que le système de retraite, et plus encore le système public, n’est plus viable. L’épisode dramatique de l’Agirc-Arrco montre que l’alternative consisterait à ponctionner, même indirectement, les cotisations des salariés du privé pour équilibrer le système. J’admets avec vous qu’il est temps d’ouvrir une réflexion. Il semble difficile de diminuer le salaire net des fonctionnaires au moment où l’on évoque la revalorisation du travail. Bien que je vous rejoigne sur cet amendement, il n’en reste pas moins que le problème de fond reste dramatiquement posé, diminuer les « cotisations employeur » de l’État risque de creuser encore davantage les déficits. Nous sommes devant une impasse de notre système de retraite que la réforme du printemps dernier n’a absolument pas résolue et les déséquilibres démographiques à venir ne vont qu’accroître ce problème qui s’avère encore bien plus profond que celui du taux des cotisations.

Mme Annie Vidal (RE). La question abordée par cet amendement est effectivement fondamentale puisque le compte d’affectation spéciale Pensions sera déficitaire à partir de 2026, n’ayant plus d’excédents cumulés pour absorber les déficits annuels. Une réflexion de fond s’avère donc nécessaire et je ne pense pas que ce rapport permettra d’aborder l’ensemble des questions autour de cet équilibre indispensable à trouver. Je ne suis donc pas favorable à cette demande de rapport.

M. Nicolas Turquois (Dem). Cette proposition de rapport me paraît pertinente. Le montant de la pension révèle l’effort porté sur l’épargne, via les cotisations, tout au long d’une vie. C’est flagrant dans le secteur privé, mais invisible dans le public du fait d’une déconnexion totale avec l’État qui contribue massivement. L’effort de cotisation ne se situe pas au même niveau. Il conviendrait donc de réfléchir sur des modalités de convergence. L’argument de l’impact sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires concernés est bien sûr valable et c’est pourquoi il importe d’agir très progressivement. Cette proposition fait sens. En effet, un effort supplémentaire produit par les agents du secteur public permettrait de diminuer la proportion financée par le reste de la collectivité.

La commission rejette l’amendement.

 


   ANNEXE
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR La RAPPORTEURe

(par ordre chronologique)

       Table ronde sur la démographie :

– Institut national d’études démographiques (Ined)M. Laurent Toulemon, directeur de recherche

– Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) – Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Insee

– Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)  M. Anthony Marino, chef du bureau des retraites

       Table ronde :

 Fonds de réserve pour les retraites (FRR)Mme Sandrine Lémery, présidente du conseil de surveillance, et M. Adrien Perret, membre du directoire

– Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) – M. Jean-Louis Rey, président du conseil d’administration

       Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS)  M. Dominique Libault, président

       Table ronde :

– France Stratégie – M. Cédric Audenis, commissaire général adjoint, et M. Pierre-Yves Cusset, chef de projet, auteur de l’étude Protection sociale : le choc du vieillissement est-il (in)soutenable ?

– M. Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po, spécialiste de l’histoire et l’évolution des différents systèmes de retraite en Europe

– Institut des politiques publiques – M. Antoine Bozio, directeur

       Table ronde sur la natalité, la démographie et les retraites :

 M. Gérard-François Dumont, géographe, économiste et démographe, professeur à la Sorbonne, président de la revue Population & Avenir

– M. Éric Le Bourg, chercheur retraité du CNRS en biologie du vieillissement

– M. Hervé Le Bras, démographe à l’Ined et enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales

       Table ronde sur la natalité et la politique familiale :

– M. Didier Breton, professeur de démographie à l’Université de Strasbourg et chercheur associé à l’Ined

– Union nationale des associations familiales (Unaf)  Mme Marie-Andrée Blanc, présidente, Mme Guillemette Leneveu, directrice générale, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

– Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge – Mme Hélène Périvier, présidente, et Mme Laurence Rioux, secrétaire générale

       Conseil d’orientation des retraites (COR) – M. Pierre-Louis Bras, président, et M. Emmanuel Bretin, secrétaire général

       Direction de la sécurité sociale (DSS)M. Morgan Delaye, chef de service, adjoint au directeur

       Comité de suivi des retraites – M. Didier Blanchet, président

       Haut-commissariat au plan – M. François Bayrou, haut-commisaire, Mme Marie Grosset, secrétaire générale, et M. Philippe Logak, rapporteur général

       M. Jean-Pascal Beaufret, conseiller de Ring capital

       Table ronde :

– Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) – Mme Florence Guille, directrice comptable et financière nationale, et M. Nathanaël Grave, sous‑directeur chargé de la prospective au sein de la direction statistiques, prospectives et recherche (DSPR)

– Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)  Mme Lucie Gonzalez, directrice des études, des statistiques et de la recherche, et Mme Anna Morvan, chargée des relations institutionnelles

– Caisse des dépôts et consignations (CDC) – M. Michel Yahiel, directeur des politiques sociales, M. Jean-Louis Barsottini, directeur du projet retraite et Mme Giulia Carre, directrice adjointe des relations institutionnelles

– Agirc-Arrco – M. Gilles Pestre, directeur technique et directeur de l’audit et du contrôle, et Mme Gabrielle Le Meur, chargée des relations institutionnelles

       Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)  M. Jean-Benoît Dujol, directeur général, Mme Katarina Miletic-Lacroix, adjointe à la sous-direction des affaires financières et modernisation, et M. Andrea Ferrari, chargé de mission pour les questions parlementaires, bureau des budgets et de la performance

 


([1]) Projet pour l’avenir de notre système de retraite, présenté par le Gouvernement en janvier 2023.

([2]) Analyse de l’exécution budgétaire – Mission régimes sociaux et de retraite, Cour des comptes, avril 2023.

([3]) Ibid.

([4]) COR, Rapport annuel : Évolutions et perspectives des retraites en France, juin 2023.

([5]) Haut-commissariat au plan, Retraites : une base objective pour le débat civique, décembre 2022.

([6]) Ibid.

([7]) Ibid.

([8]) Drees, Les retraites et les retraités, juin 2023.

([9]) À noter que niveau de vie médian ne tient pas compte de l’avantage d’être propriétaire, ce que les retraités sont en moyenne plus que l’ensemble de la population. En prenant ce facteur en compte, le niveau de vie médian des retraités est supérieur de 9,5 % à celui de l’ensemble de la population.

([10]) Insee, Bilan démographique 2022, janvier 2023.

([11]) Insee, Bilan démographique 2022, janvier 2023.

([12]) Insee, Tableau de bord de l’économie française 2022, janvier 2023.

([13]) Le Monde, Hervé Le Bras : « Les scénarios du Conseil d’orientation des retraites sont irréalistes en matière de mortalité », 4 février 2023.

([14]) Conseil d’orientation des retraites, Rapport annuel, juin 2023 (pp. 74 et suivantes).

([15]) Drees, Les retraités et les retraites, juin 2023 (p. 153-154).

([16]) Conseil d’orientation des retraites, Rapport annuel, juin 2023 (pp. 101 et suivantes).

([17]) Insee, Projection de population active : le nombre d’actifs diminuerait à partir de 2040, 2022.

([18]) Insee, Une actualisation des projections de population active tenant compte de la réforme des retraites de 2023, juin 2023.

([19]) Ibid.

([20]) Haut-commissariat au plan, Retraites : une base objective pour le débat civique, décembre 2022, page 5.

([21]) Fondapol, Les Français jugent leur système de retraite, novembre 2018.

([22]) Insee, En 2022, des naissances au plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, septembre 2023.

([23]) Insee, Bilan démographique 2022, janvier 2023.

([24]) Insee, En 2022, des naissances au plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, septembre 2023.

([25]) Insee, Natalité et fécondité dans l’Union européenne, février 2023.

([26]) Insee, 68,1 millions d’habitants en 2070 : une population un peu plus nombreuse qu’en 2021, mais plus âgées, novembre 2021.

([27]) Insee, Bilan démographique 2022, janvier 2023.

([28]) Ined, L’évolution démographie en France, Population, n° 4 / 2022.

([29]) Gérard-François Dumont, La fécondité en France : des évolutions aléatoires ?, Population & Avenir, 2017.

([30]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale – Famille, Édition 2023.

([31]) L’essentiel – Publication de la Caisse nationale des allocations familiales, Quand les deux parents travaillent : horaires de travail atypiques et quotidien des familles avec jeunes enfants, 2023.

([32]) Enquête Kantar de 2012 pour l’union nationale des associations familiales (UNAF), 2020.

([33]) Ibid.

([34]) Insee, Emploi, chômage, revenus du travail, 2022.

([35]) Insee, Emploi, chômage, revenus du travail, 2021.

([36]) https://www.vie-publique.fr/carte/290201-activite-et-chomage-des-jeunes-en-france-et-en-europe

([37]) Insee, Tableau de bord de l’économie française, 2023.

([38]) https://www.vie-publique.fr/en-bref/287858-emploi-des-seniors-plus-de-la-moitie-des-55-64-ans-en-emploi-en-2021

([39]) Insee, Immigrés et descendants d’immigrés – Participation au marché du travail, mars 2023.

([40]) Insee, Immigrés et descendants d’immigrés – Chômage, mars 2023.

([41]) Drees, Études et résultats, n° 1126, octobre 2019.

([42]) Audition du 5 octobre 2023 avec M. Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale.

([43]) Audition du 28 septembre 2023, représentants de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).

([44]) Enquête Kantar de 2012 pour l’Union nationale des associations familiales (UNAF), 2020.

([45]) Drees, Études et résultats, n° 1126, octobre 2019.

([46]) À noter, selon la définition de l’Insee, les personnes immigrées ne sont pas nécessairement étrangères et peuvent être devenues françaises.

([47]) Insee, Immigrés et descendants d’immigrés, mars 2023.

([48]) Haut-commissariat au plan, Retraites : une base objective pour le débat civique, décembre 2022, page 24.

([49]) Cour des comptes, Certification des comptes du régime général de sécurité sociale – exercice 2022, mai 2023.

([50]) https://assnat.fr/j70mDb