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N° 1808

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 octobre 2023

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

 

 

TOME III

 

 

DÉFENSE

 

Soutien et logistique interarmÉes

PAR M. Bastien LACHAUD

Député

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 Voir les numéros : 1680, 1715 et 1745.


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SOMMAIRE

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Pages

Synthèse des propositions du rapport

introduction

PREMIÈRE PARTIE : Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2024

I. Le programme 178 « préparation et emploi des forces » relatif au soutien et à la logistique interarmées

A. L’action 1 « planification des moyens et conduite des opérations »

1. L’emploi des forces

2. Le renseignement d’intérêt militaire

3. Les systèmes d’information et de communication

4. Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

B. L’Action 5 « Logistique et soutien interarmées »

1. Le service de santé des armées

2. Le service de l’énergie opérationnelle

a. Un besoin urgent de renouveler le parc de véhicules du service

b. Les investissements budgétés en 2024 dans l’infrastructure pétrolière seront très largement inférieurs aux besoins exprimés

c. Des difficultés de recrutement persistantes

d. En 2024, une hypothèse de cours du baril de brent plus réaliste qu’en 2023 devrait permettre de limiter les difficultés de trésorerie du service

3. Le service interarmées des munitions

4. Soutien des forces par les bases de défense

5. Le service du commissariat des armées

C. Les actions 6 et 7 relatives aux surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

II. Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »

A. Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212

a. Des difficultés de recrutement et de fidélisation qui s’accroissent

b. L’année 2024 sera la première année de déclinaison du nouveau Plan Famille II visant à renforcer la fidélisation des personnels civils et militaires

c. Les mesures interministérielles de revalorisation salariale devraient très fortement limiter l’impact de la revalorisation marginale des grilles indiciaires des militaires en 2024

d. Une réforme de la notation concomitante avec la montée en puissance de la prime de commandement et de responsabilité (PCRM)

e. Les inquiétudes renouvelées du rapporteur concernant certaines primes et indemnités dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)

f. La vigilance du rapporteur quant au coût de la journée « défense et mémoire »

B. Le volet hors titre II du programme 212

1. La politique immobilière

a. La nécessaire objectivation de l’état du parc immobilier du ministère des Armées

b. Le devenir du service infrastructure de l’Économat des armées

2. La politique du logement

a. Le parc locatif

b. Le parc domanial

3. La politique d’hébergement

4. Les systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG)

5. La politique culturelle et archivistique du ministère des Armées

SECONDE PARTIE : les soutiens dans les Outre-mer

I. La Présence des forces de souveraineté dans les outre-mer Répond à de nombreux enjeux qui se traduisent dans les missions dévolues aux forces

A. La France, une puissance universaliste présente dans l’ensemble des océans

1. Des forces garantissant notre souveraineté dans l’ensemble des territoires ultramarins

2. Des forces de souveraineté pour répondre aux enjeux géopolitiques dans toutes les régions du monde

3. Des territoires caractérisés par des enjeux économiques majeurs

4. Des territoires aux avant-postes du bouleversement climatique

B. Dans un périmètre juridique et géographique complexe, le contrat opérationnel des forces de souveraineté prévoit À la fois des missions permanentes et des missions de crise

1. Un cadre juridique complexe et un périmètre géographique immense

a. La zone économique exclusive (ZEE)

b. La zone de défense et de sécurité (ZDS)

c. La zone de responsabilité permanente (ZRP)

d. En Polynésie française, la zone Asie- Pacifique (ALPACI)

2. Les missions permanentes des forces de souveraineté

a. La connaissance-anticipation de la zone de responsabilité permanente (ZRP)

b. La protection du territoire national et la sécurité des intérêts nationaux

c. Affirmer la présence de la France et contribuer à la stabilité de la ZRP

3. Les missions de gestion de crise

a. Conduire, participer ou soutenir une opération de secours d’urgence sur le territoire national (événements naturels ou technologiques, aide humanitaire).

b. Conduire, participer ou soutenir une opération militaire dans la ZRP (secours aux populations ou RESEVAC).

4. De fréquentes demandes de concours et de réquisition des forces de souveraineté au nom d’un « continuum de défense et de sécurité » dont il est fait un usage parfois trop large :

C. Un modèle de soutien spécifique pour des forces de souveraineté sacrifiées par la Révision Générale des Polititques Publiques (RGPP)

1. Les effectifs des forces de souveraineté ont été sacrifiés sur l’autel de la RGPP

2. L’organisation spécifique des soutiens dans les Outre-mer accroît substantiellement la proximité des soutiens avec les missions opérationnelles des forces

a. Dans les Outre-mer, le commandant supérieur des forces armées commande également la base de défense

b. Un modèle fécond pour penser les transformations des armées

II. Les forces de souveraineté peuvent compter sur UN MODÈLE DE SOUTIEN SPÉCIFIQUE QUI PRÉSENTE DE NOMBREUSES FORCES EN DÉPIT DE DIFFICULTÉS certaines

A. Un modèle de soutien ultramarin aux prises avec des problématiques spécifiques aux Outre-mer

a. La tyrannie des distances : les difficultés et les délais d’acheminement logistique du soutien des forces

b. Le climat dans les Outre-mer complexifie également le quotidien des soutiens

c. L’efficience des marchés externalisés peut souffrir du faible degré de concurrence ou de réactivité du tissu économique local

d. Les compétences spécifiques des DICOM-GSBdD par rapport à l’hexagone

e. L’obligation de loger l’ensemble des militaires et des civils de la défense

f. La très forte pression foncière dans certains territoires pèse à terme sur la capacité des forces à exercer au mieux leurs missions

g. Les particularités des droits locaux dans les collectivités d’Outre-mer (COM)

B. Des particularités ultramarines dans la gestion des personnels

1. La cherté de la vie et la difficulté des conjoints pour accéder à l’emploi peuvent expliquer des demandes de réduction de séjour qui restent pourtant relativement rares

a. La difficulté généralisée des conjoints d’accéder à l’emploi

b. Le phénomène de « vie chère » dans les Outre-mer affecte aussi les militaires

2. Une offre de loisirs disparate selon les territoires ultramarins

3. Au global, des degrés d’attractivité variables selon les territoires

4. L’armée de l’air et de l’espace et la Marine nationale proposent des recrutements locaux de militaires

5. Pour les civils, les FAPF proposent des recrutements locaux en tant que PCRL

6. Un nombre élevé de militaires en courte durée (MCD) parmi les forces de souveraineté

7. Recours aux militaires commissionnés

8. Parfois, une sur-sollicitation des réservistes opérationnels

C. Un modèle qui n’est pas exempt de difficultés sérieuses, pour certaines structurelles

1. Le difficile accès aux soins en psychologie/psychiatrie

2. Enjeux pour les directions interarmées du service de santé des armées

3. Parfois, un état préoccupant des infrastructures opérationnelles et du quotidien

4. La résilience cyber et les infrastructures numériques

5. Une résilience variable de la fonction soutien pétrolier

6. Des vulnérabilités sur le soutien munition

III. Le renforcement prévu du format des forces de souveraineté doit s’accompagner d’un renforcement majeur des services de soutien

A. La LPM 2024-2030 prévoit une remontée en puissance des capacITés des forces de souveraineté dans le cadre des « points d’appui ultramarins »

B. Ce renforcement du format des forces doit s’accompagner d’une remontée en puissance majeure des soutiens dans les Outre-mer

C. Un renforcement au service de quels objectifs stratégiques ?

Travaux de la commission

I. Auditions devant la commission

1. Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

2. Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration

3. Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

4. Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

II. Examen des crédits

Annexe N° 1 :  Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

Annexe N° 2 :  Liste des acronymes utilisés dans le rapport

 


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   Synthèse des propositions du rapport

 

Proposition n°1 : Avancer à compter de 2024 le calendrier de renouvellement de la flotte de camions-citernes du service de l’énergie opérationnelle.

 

Proposition n°2 : Ouvrir le bénéfice de la PCSMIL aux personnels militaires du SEO.

 

Proposition n°3 : Abonder de 200 M€ les crédits des armées consacrés aux dépenses de carburant afin de prémunir le SEO contre le risque d’une envolée des cours du baril de brent.

 

Proposition n°4 : Ouvrir une réflexion sur la juste méthode de tarification des cessions du SEO.

 

Proposition n°5 : Confier à l’échelon de commandement local davantage de leviers de soutien afin de rapprocher les soutiens des impératifs opérationnels des armées.

 

Proposition n°6 : Abonder de 25 M€ les crédits de la fonction habillement du SCA afin de renforcer dès à présent les stocks d’habillement.

 

Proposition n°7 : Acquérir le site de l’ELoCA de Châtres lors du renouvellement du bail en 2027 dans le cadre d’une réflexion générale sur les coûts et bénéfices de l’acquisition des emprises des ELoCA par le ministère des Armées.

 

Proposition n°8 : Adopter une disposition législative ad hoc prévoyant une prise en charge au titre de la solidarité interministérielle des surcoûts des missions opérationnelles (MISSOPS).

 

Proposition n°9 : Qualifier juridiquement les missions opérationnelles (MISSOPS) du flanc oriental de l’Europe d’opérations extérieures (OPEX).

 

Proposition n°10 : Renforcer le travail conjoint de conventionnement avec les industriels de l’aéronautique afin d’endiguer les débauchages de personnels des armées.

 

Proposition n°11 : Abonder de l’équivalent du coût budgétaire en année pleine des mesures « Guérini » les crédits du programme 212 de façon à permettre une vraie revalorisation indiciaire des grilles des militaires du rang et des sous- officiers subalternes.

 

Proposition n°12 : Favoriser un rapprochement entre le SID et le service infrastructure de l’EdA à compter de 2028 dans une logique vertueuse de partage des compétences.

 

Proposition n°13 : Abonder les crédits de personnel de la DTPM afin de créer une véritable filière de conseil interne au ministère des Armées.

 

Proposition n°14 : L’État doit renforcer les moyens civils relatifs aux évacuations sanitaires dans les départements et régions d’Outre-mer afin de limiter la pression résultant des EVASAN pour les personnels, matériels et vecteurs des forces de souveraineté.

 

Proposition n°15 : Dans les collectivités d’Outre-mer, les autorités civiles doivent se réapproprier pleinement la compétence EVASAN qui leur revient en droit afin d’obérer le moins possible les capacités opérationnelles des armées.

 

Proposition n°16 : Rapprocher davantage les soutiens des impératifs opérationnels des trois armées, dans une logique de proximité renforcée.

 

Proposition n°17 : Aligner le taux de la retenue pour charges de logement des personnels civils du ministère des Armées dans les Outre-mer sur le taux de retenue appliqué aux personnels militaires (10 %).

 

Proposition n°18 : Abroger l’instruction  4161/DEF/DAG/DE/LOG du 20 juillet 1992 relative au logement du personnel du ministère de la Défense dans les départements et territoires d’Outre-mer.

 

Proposition n°19 : Mettre en place un moratoire ferme sur la cession des emprises militaires dans l’ensemble des territoires ultramarins.

 

Proposition n°20 : Actualiser à la hausse l’ensemble des coefficients d’indexation de solde des personnels militaires et civils affectés dans les Outre-mer afin de disposer de coefficients d’indexation ajustés aux niveaux de vie actuels ultramarins.

 

Proposition n°21 : Étendre le périmètre du plan Wifi du ministère des Armées aux FANC et FAPF.

 

Proposition n°22 : Garantir aux militaires affectés dans les Outre-mer, ainsi qu’à leurs familles, le bénéfice a minima d’un aller-retour en hexagone durant leur séjour.

 

Proposition n°23 : Ajuster le statut des PCRL en Polynésie française afin de leur permettre une véritable évolution de carrière en ouvrant à ce recrutement des postes de catégorie A.

 

Proposition n°24 : Modifier le statut des officiers mariniers commissionnés employés sur des postes de baleiniers afin de leur permettre de continuer à servir au-delà de 17 ans de service.

 

Proposition n°25 : Renouveler sur une base annuelle les exercices interarmées de résilience des transmissions dans les forces de souveraineté.

 

Proposition n°26 : Recréer une régie infrastructures au sein de la DID de Polynésie française.

 


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   introduction

Dans son dossier de presse relatif aux crédits de la mission « Défense » pour le PLF 2024, le Ministère des Armées se félicite de l’augmentation de 3,3 Md€ des crédits de la mission Défense à périmètre constant par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2023. Sur ces 3,3Md€ de ressources nouvelles, plus de 577 M€ financeront la masse salariale, 269 M€ de nouveaux projets d’infrastructures, et 275 M€ les soutiens de proximité. Votre rapporteur ne peut manquer de se réjouir à son tour de cette tendance générale au renforcement des services de soutien, services les plus sacrifiés par la décennie de sous-investissement dont le ministère des Armées peine à se remettre.

Pour autant, dès lors que votre rapporteur se penche plus en détails sur l’état général des services de soutien, plusieurs ombres assombrissent le tableau. Les sujets d’inquiétude ne manquent pas, au moment où le ministre des Armées énonce que les armées doivent se préparer à toutes les hypothèses, y compris au retour de la haute intensité en Europe. Que dire de la centaine de praticiens de la composante médecine des forces du service de santé des armées (SSA), qui cette année encore, manqueront à l’appel ? Que dire encore, à l’école de santé des armées, du taux d’attrition en cours de scolarité compris entre 30 et 40 % des étudiants ? Que dire de la fragilité observée sur certains stocks d’habillement du service du commissariat des armées (SCA) ou des renoncements à certains travaux d’infrastructures structurants au service de l’énergie opérationnelle (SEO), faute de crédits suffisants ?

Par ailleurs, faut-il vraiment se réjouir de voir les crédits de masse salariale augmenter de 577 M€ ? Le schéma d’emplois en 2024 sera de +456 ETPT, contre +700 initialement prévus dans la loi de programmation militaire (LPM) 2024 - 2030. En conséquence, l’article 7 de la LPM 2024-2030 qui prévoit de flécher vers des mesures de fidélisation les crédits du T2 rendus disponibles par une sous-réalisation des cibles d'effectifs du ministère sera enclenché en 2024.

Derrière ce renoncement, un constat inéluctable : le ministère des Armées éprouve des difficultés croissantes à réaliser ses cibles de recrutement. Dès lors, votre rapporteur ne peut manquer de s’interroger sur la sincérité initiale du schéma d’emplois figurant dans la LPM 2024-2030 ; cette insincérité était-elle délibérée dès l’origine ?

Les premières mesures de revalorisation indiciaire seront mises en œuvre à partir d’octobre 2023 pour les militaires du rang et les sous-officiers subalternes, à partir d’octobre 2024 pour les sous-officiers supérieurs et à compter de 2025 pour les officiers. Les premiers éléments relatifs à la revalorisation indiciaire des militaires du rang et des sous-officiers subalternes semblent indiquer une revalorisation indiciaire minimale, qui, face à l’inflation, ne produirait que de modestes effets pendant une ou deux années, avant d’être rattrapés par les mesures interministérielles générales et les hausses de l’indice plancher de la fonction publique. Après avoir déploré la conception par étapes de la NPRM, le Gouvernement ayant préparé les textes réglementaires au fur et à mesure, votre rapporteur s’inquiète de la reproduction d’une méthode similaire pour le chantier indiciaire. Pourquoi ne pas dévoiler les évolutions projetées de la grille indiciaire des officiers, avant même de mettre en œuvre la grille indiciaire rénovée des militaires du rang ? Comment s’assurer de la cohésion de l’ensemble des grilles révisées et garantir in fine qu’un militaire du rang retrouvera un intérêt significatif à devenir sous-officier et peut-être même officier, dans une logique d’escalier social si chère à nos armées ?

Le présent avis budgétaire relatif aux crédits du soutien et de la logistique interarmées pour le projet de loi de finances 2024 (PLF 2024) est l’occasion de revenir dans le détail sur l’ensemble de ces enjeux. La première partie du présent avis s’intéressera à l’appréciation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2024 s’agissant des ressources humaines, du soutien et de la logistique interarmées. La seconde partie portera sur le thème des ressources humaines et du soutien des forces de souveraineté stationnées dans les Outre-mer. En effet, alors que la LPM 2024-2030 prévoit une remontée en puissance des capacités des forces de souveraineté dans le cadre des « points d’appui ultramarins », votre rapporteur a souhaité mettre en lumière les enjeux de soutien associés. Après avoir effectué une mission auprès des forces armées en Polynésie française (FAPF), le rapporteur a auditionné en visioconférence les quatre autres forces de souveraineté autour des enjeux de RH et de soutien dans les Outre-mer.

Plusieurs constats en ressortent. Le modèle des soutiens Outre-mer présente incontestablement de nombreuses forces, la principale consistant dans le fait d’avoir un commandant supérieur des forces armées Outre-mer (COMSUP) qui soit à la fois chef militaire et chef des soutiens. Cette double-casquette du COMSUP implique une meilleure adéquation et intégration du soutien aux missions opérationnelles des forces. Cette configuration ultramarine est féconde pour penser la réforme des bases de défense en hexagone, dans un contexte de rapprochement nécessaire entre la chaîne des soutiens et la chaîne opérationnelle.

En dépit de ces forces, la résilience des services de soutien dans les Outre-mer est inégale. Notamment, le SSA, le SEO, la DIRISI et la SIMu doivent être renforcés dans une stratégie de renforcement majeur des points d’appui.

Plus fondamentalement, votre rapporteur s’interroge sur les objectifs stratégiques derrière le renforcement des points d’appui ultramarins.

Enfin, votre rapporteur tient à remercier l’ensemble des personnels militaires et civils rencontrés dans le cadre de son déplacement auprès des forces armées en Polynésie française, ainsi qu’à l’occasion des auditions qu’il a menées.

Votre rapporteur déplore en revanche la raréfaction de l’information budgétaire mise à la disposition de la représentation nationale et des citoyens par le Gouvernement. En effet, les données relatives à l’activité des forces et la disponibilité des équipements ont été protégées au niveau diffusion restreinte et ne figurent plus dans les projets annuels de performance de la mission « Défense » à compter du PLF pour 2024. Votre rapporteur a lui-même fait les frais d’un usage renforcé de la diffusion restreinte dans les réponses reçues à son questionnaire budgétaire. Il déplore le manque d’informations détaillées partagées par certains services du ministère, notamment concernant la révision en cours des grilles indiciaires des personnels militaires.

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE : Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2024

Le présent rapport pour avis porte sur un ensemble cohérent de crédits consacrés aux soutiens. Dans la nomenclature budgétaire, ils se répartissent entre deux programmes :

le programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour les quatre de ses sept actions qui ne retracent pas spécifiquement des dépenses liées à la préparation et à l’emploi d’une armée (I) ;

le programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens (II).

I.   Le programme 178 « préparation et emploi des forces » relatif au soutien et à la logistique interarmées

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » est placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA). Il constitue le cœur de la mission « Défense ». L’objet du programme est en effet de remplir les missions confiées aux armées tout en veillant au maintien d’un haut niveau de préparation opérationnelle. Sur les sept actions que comporte le programme 178, quatre retracent des dépenses transversales relevant de la planification des moyens et de la conduite des opérations, du soutien et de la logistique interarmées ou encore des surcoûts liés aux opérations intérieures et extérieures.

C’est sur ces quatre actions que porte l’avis du rapporteur, s’agissant du programme 178. Les trois autres actions retracent spécifiquement les dépenses de préparation des forces terrestres, navales et aériennes et font l’objet d’une analyse distincte par les rapporteurs pour avis désignés à cet effet.

A.   L’action 1 « planification des moyens et conduite des opérations »

L’action 1 du programme 178 regroupe les crédits concourant au financement de plusieurs missions et organismes interarmées. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, les crédits de cette action correspondent à 1,12 milliard d’euros en autorisations d’engagement (+12 % en AE par rapport à la LFI pour 2023) et à 1,035 milliard d’euros en crédits de paiement (+27 % en CP par rapport à la LFI pour 2023).

1.   L’emploi des forces

La sous-action « Emploi des forces » porte le financement des activités de l’État-major des armées et des organismes et états-majors interarmées. Son périmètre recouvre essentiellement quatre domaines d’activité :

- les activités internationales des armées, notamment au profit de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Union européenne (UE), hors opérations extérieures. Elles correspondent aux contributions de la France au fonctionnement de l'OTAN, aux programmes d’investissement de l’Alliance et au budget du réseau des oléoducs de centre-Europe (CEPS). Au titre de l’UE, elles financent la contribution française au budget du centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) et également, depuis 2022, des mesures d’assistance de la facilité européenne de paix. Ces activités participent en outre au soutien de l’action des postes permanents à l’étranger du réseau OTAN et Union européenne, au financement des actions de coopération opérationnelle conduites par l’état-major des armées et des actions de coopération régionale menées par les forces de présence et de souveraineté ;

les actions de cyberdéfense et le développement ainsi que la mise en œuvre des systèmes d’information opérationnels et de commandement ;

le transport stratégique contractualisé au profit de l’état-major des armées, des armées, des services interarmées, pour les besoins de la préparation opérationnelle ou à destination des forces de présence et de souveraineté, hors opérations extérieures ;

les dépenses participant à la préparation et à l’emploi des forces, hors opérations extérieures.

Les crédits prévus au PLF 2024 pour la sous-action « Emploi des forces » s’élèvent à 592,30 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 524 M€ en crédits de paiement (CP), contre 506 M€ en AE et 376 M€ en CP au titre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 (respectivement +17 % et +39 %).

Ils se décomposent comme suit :

• 87,80 M€ en AE et 86,10 M€ en CP sont consacrés aux dépenses d’activités opérationnelles (AOP). À ce titre, sont prévus :

– 24,60 M€ en AE et 25,80 M€ en CP au titre de l’activité et de l’entraînement des forces. Ils permettront principalement le financement des activités et de l’entraînement des états-majors (forces prépositionnées, zone de défense et de sécurité, état-major des armées), les actions de coopération régionale ainsi que l’organisation et le déroulement d’exercices interarmées de niveau stratégique et opératif ;

– 63,10 M€ en AE et 60,30 M€ en CP sont attribués au transport de matériel et au déplacement des personnels (contre respectivement 44,10 M€ et 41,70 M€ en AE et CP en LFI 2023) ;

269,40 M€ en AE (contre 170,50 M€ en LFI 2023) et 262,80 M€ en CP (contre 160,40 M€ en LFI 2023) sont consacrés aux dépenses d’équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC). Ils comprennent notamment les appels à contribution aux programmes d’investissement de l’OTAN, les dépenses soutenant les politiques de cyberdéfense et de cyber protection, les achats, le développement et la maintenance des systèmes d’information et de communication et les actions de coopération opérationnelle militaire de l’EMA ;

• 235,10 M€ en AE et 175,10 M€ en CP sont consacrés aux dépenses de fonctionnement et activités spécifiques (FAS) :

– 11,80 M€ en AE et 7,90 M€ en CP permettront de financer le soutien aux ressources humaines (formation), les dépenses de communication et relations publiques ainsi que des prestations intellectuelles ;

– 223,30 M€ en AE et 167,30 M€ en CP sont affectés aux activités de relations internationales (dont les contributions OTAN et UE). La contribution de la France à l’OTAN augmentera en 2024 de 25 % sur le programme d’investissement et de 10 % sur les budgets militaire et civil. Au total, la contribution française à l’OTAN en 2024 s’élèvera à 308,30 M€.

2.   Le renseignement d’intérêt militaire

La sous-action 11 retrace les crédits de la direction du renseignement militaire (DRM), consacrés à l’acquisition et à l’entretien d’équipements à vocation opérationnelle ainsi qu’au soutien des principales missions de la DRM : appui aux théâtres d’opérations et échanges bilatéraux avec les partenaires étrangers.

Au-delà des ressources de la sous-action 11, la DRM bénéficie également de crédits portés par d’autres entités à son profit.

Les crédits prévus en 2024 pour le renseignement d’intérêt militaire dans le cadre de la sous-action 11 s’élèvent à 69,90 M€ en AE et à 65,40 M€ en CP, contre 62 M€ en AE (+12 %) et à 55 M€ en CP en 2023 (+18 %).

La hausse des crédits de la sous-action 11 permettra notamment de continuer à financer la montée en puissance du logiciel ARTEMIS IA, projet d’architecture d’exploitation et de traitement massif de l’information multi-sources piloté par la DRM. Un des enjeux essentiels pour 2024 sera la réussite de la migration des données des armées dans l’outil ARTEMIS IA, afin de rendre les données de la fonction interarmées du renseignement (FIR) et de la DRM parfaitement interopérables. Les budgets alloués dès 2024 permettront de consolider l’intégration de solutions de traitement automatique des données par l’intelligence artificielle.

Dans le domaine spatial, l’année 2024 devrait être celle de la mise à poste attendue du troisième satellite d’observation CSO (renseignement d’origine image). Par ailleurs, le segment spatial d’observation commencera à s’étoffer d’une brique complémentaire reposant sur des offres commerciales et des partenariats, qui permettront de disposer de la revisite des sites d’intérêt et d’une couverture globale et récurrente du monde.

Concernant la gestion des ressources humaines au sein de la DRM, votre rapporteur rappelle la nécessité de conserver le ratio actuel d’un tiers de personnels civils et de deux tiers de personnels militaires. Il alerte sur la difficulté persistante des armées à honorer les besoins en ressources humaines militaires de la DRM.

3.   Les systèmes d’information et de communication

La sous-action 14 retrace les crédits de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), qui a pour mission de gérer et de maintenir en condition les matériels de télécommunication, de communication et d’information, au profit des armées, directions et services du ministère de la défense.

Pour 2024, les crédits alloués aux systèmes d’information et de communication s’établissent à 434 M€ en AE et à 417 M€ en CP, contre 398 M€ en AE (+ 9 %) et 361 M€ en CP en 2023 (+16 %).

4.   Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

La sous-action « Infrastructures SIC » définit les programmes d’infrastructure à initier et à conduire dans les établissements de la DIRISI dans l’hexagone, dans les Outre-mer et à l’étranger, ainsi que des organismes qui lui sont rattachés organiquement afin, d’une part, de répondre à l’ambition opérationnelle dans ce domaine et, d’autre part, de garantir un niveau optimal de disponibilité des installations de la DIRISI.

Pour 2024, les crédits alloués aux infrastructures des systèmes d’information et de communication s’établissent à 24 M€ en AE et à 29 M€ en CP. En LFI pour 2023, les crédits dédiés aux infrastructures des systèmes d’information et de communication s’élevaient à 38 M€ en AE (-37 %) et à 20 M€ en CP (+45 %).

Au total, répartis entre les sous-actions « SIC » et « Infrastructures SIC », les CP de la DIRISI sont en hausse de 17 % en 2024 (+65 M€). Cette hausse permettra d’améliorer la robustesse des réseaux et systèmes existants et d’en assurer la sécurisation mais également de maintenir et moderniser un service d’hébergement privé (« cloud ») rationalisé. La DIRISI travaille en effet au renforcement des services de cloud privés du ministère, dans l’objectif de permettre un marquage fin des données hébergées et un accès différencié en fonction du niveau de protection des données et du besoin d’en connaître de chaque individu.

Concernant le pilotage de ses ressources humaines en 2024, la DIRISI sera toujours confrontée à une problématique de fidélisation, de recrutement et d’attractivité. La DIRISI compte 6 280 agents, dont 3 675 militaires (58,5 %) et 2 605 civils (41,5 %). La DIRISI éprouve des difficultés à honorer ses postes de militaires. Les principaux métiers en tension sont ceux relevant de la fonction achat ou de la filière professionnelle « SIC » : fréquences, satellitaires, chiffre, administration réseaux, administration systèmes et cyberdéfense. Si la part d’effectifs civils pourrait être amenée à croître à moyen terme, votre rapporteur rappelle l’importance de ne pas abaisser la part de personnels militaires en deçà de 50 % des effectifs, seuil permettant de préserver la militarité de la DIRISI.

B.   L’Action 5 « Logistique et soutien interarmées »

Le budget de l’action 5, qui s’élève à 3,45 Md€ en AE et à 2,81 Md€ en CP, est en hausse pour l’exercice 2024 (+ 15 % en AE et + 10 % en CP).

L’action 5 du programme 178 regroupe les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention de plusieurs fonctions de soutien, spécialisés ou communs. La majorité des crédits finance le soutien de l’homme à travers le service du commissariat aux armées (SCA) et les bases de défense et concourt donc directement à l’efficacité opérationnelle, à la protection des militaires, à leur moral et à leur fidélisation. Elle vise aussi au financement du service de santé des armées (SSA), du service de l’énergie opérationnelle (SEO) et du service interarmées des munitions (SIMu).

1.   Le service de santé des armées

Deux sous-actions concourent au financement du SSA :

– la sous-action 11 « Infrastructures de santé » : pour 2024, les crédits alloués aux infrastructures de santé s’établissent à 55 M€ en AE et à 66 M€ en CP. En LFI pour 2023, les crédits dédiés aux infrastructures de santé s’élevaient à 144 M€ en AE (-62 %) et à 64 M€ en CP (+2 %).

Les principaux projets relatifs aux infrastructures de santé du SSA pour 2024 concernent les étapes préparatoires à la reconstruction d’un hôpital d’instruction des armées (HIA) de nouvelle génération à Marseille (le début des travaux étant prévu pour 2027), la finalisation de la première phase d’aménagement de l’antenne hospitalière des armées (AHA) de Lyon et la création d’une salle de traumatologie hybride au sein de l’HIA Sainte-Anne à Toulon. Des opérations de sécurisation des HIA, de confort thermique ou d’extension d’un espace de recherche sur l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) à Brétigny-sur-Orge seront poursuivies.

– la sous-action 80 « Fonction de santé » : pour 2024, les crédits alloués à la fonction santé s’établissent à 219 M€ en AE et à 218 M€ en CP. En LFI pour 2023, les crédits dédiés à la fonction santé s’élevaient à 181 M€ en AE (+21 %) et à 149 M€ en CP (+46 %).

Le SSA est dimensionné pour proposer un modèle de soutien santé complet. Son organisation s’articule autour de quatre principales composantes : une composante médecine des forces, une composante hospitalière, une composante ravitaillement médical et enfin une composante formation et recherche.

Dans la continuité de sa feuille de route « Ambition 2030 », le SSA poursuivra en 2024 un objectif de médicalisation aboutie de l’avant, de modernisation du ravitaillement médical et de renforcement des stocks prépositionnés. Votre rapporteur reviendra en particulier sur le renforcement prioritaire de la médecine des forces et les enjeux de la réorganisation de la composante hospitalière autour des 5 HIA dits « socles ».

le renforcement prioritaire de la composante médecine des forces

Dans une hypothèse d’engagement majeur nécessitant une médicalisation renforcée de l’« avant », le SSA cherche à accroître ses effectifs de praticiens dans la médecine des forces. Or, près d’une centaine de postes de médecins des forces seraient actuellement vacants. Selon un récent rapport de la Cour des Comptes consacré au SSA, les pénuries de praticiens peuvent atteindre près du quart des effectifs autorisés au référentiel en organisation (REO) dans des centres médicaux des armées (CMA) des ressorts de Metz, Strasbourg ou Besançon. ([1])

Afin d’enrayer ce phénomène et de renforcer les effectifs de praticiens dans les forces, le SSA a décidé en novembre 2021 d’orienter tous ses étudiants de 6ème année exclusivement vers des études de médecine générale, suivies de trois années obligatoires d’exercice dans les forces. C’est seulement à l’issue de ces trois années d’exercice dans les forces que le praticien généraliste aura la faculté de tenter un diplôme d’études spécialisées dans une spécialité hospitalière, à la condition de réussir le concours de l’assistanat, interne à l’École du Val-de-Grâce.

Par ailleurs, d’aucuns déplorent une absence de spécialité en gynécologie médicale parmi les médecins des forces. Interrogé par votre rapporteur sur la nécessité de former les praticiens des forces à une spécialité en médecine gynécologique, le Directeur central du SSA a reconnu un axe d’effort important visant à doter chaque médecin de cette compétence qui pourrait être projetable en opération extérieure (OPEX) ou mission opérationnelle (MISSOPS) si besoin.

 

 

– la réorganisation de la chaîne hospitalière autour des 5 HIA « socles » :

La réorganisation de la chaîne hospitalière du SSA se poursuivra en 2024 autour des 5 HIA « socles » : l’ensemble hospitalier militaire NORD (HIA Percy et Bégin), l’ensemble hospitalier militaire SUD (HIA Sainte-Anne et Laveran) et l’HIA Clermont-Tonnerre à Brest (permettant la maîtrise du soutien médico-chirurgical de la force océanique stratégique) continueront à être renforcés en moyens humains dans les spécialités opérationnelles et de réhabilitations. L’HIA Desgenettes à Lyon finalisera sa mutation en antenne hospitalière des armées (AHA), « structure innovante à finalité opérationnelle et régalienne », accueillant les blessés militaires psychiques et physiques.

À cet égard, votre rapporteur déplore la décision de transformation de l’HIA Desgenettes en AHA. À l’appui de ce projet, l’argument selon lequel l’HIA Desgenettes ne représenterait qu’1 % de l’offre de soin locale est avancé. Cette vision ne saurait justifier la fermeture d’un service d’urgence hospitalière à un moment où l’ensemble des hôpitaux civils connaissent une situation de saturation de leurs propres services d’urgences.

Le projet de transformation de l’HIA Desgenettes en AHA remet en question l’objectif même de la composante hospitalière du SSA : cette composante a-t-elle pour seule vocation de s’insérer dans une logique partenariale avec l’offre de soins civile ou consacre-t-elle un lien opérationnel organique avec les armées justifiant une présence consolidée sur l’ensemble du territoire national ? Votre rapporteur souhaite rappeler la vocation de la composante hospitalière du SSA à être un outil de la politique de défense française.

Votre rapporteur souhaite par ailleurs attirer l’attention de la commission sur les difficultés de recrutement au sein de la composante hospitalière du SSA. Parmi les praticiens, les spécialités les plus en tension sont la chirurgie, la biologie, la psychiatrie ainsi que la réanimation. Parmi les personnels paramédicaux, les déficits se concentrent sur les infirmiers de bloc opératoire, les techniciens paramédicaux et les aides-soignants. Géographiquement, les HIA d’Île-de-France sont particulièrement affectés par la pénurie. D’après les chiffres issus du rapport de la Cour des comptes précité ; « l’hôpital d’instruction des armées Percy est confronté à un taux de vacance de 13 % par rapport à son référentiel en organisation 2021 : sur 1 405 emplois autorisés, le déficit se monte à 182 postes et ce n’est que grâce au recours aux contrats à durée déterminée (117 en 2021) que la situation des ressources humaines demeure gérable, mais fort précaire. Cette pénurie concerne les praticiens (21 vacances pour 162 emplois) mais aussi les infirmiers, les orthoptistes ou une partie des personnels administratifs, techniques et de laboratoire. En termes de flux, les départs d’infirmiers militaires l’emportent désormais sur les arrivées et les démissions s’observent même sans projet précis de nouvel emploi ; en 2021, le non-renouvellement des contrats de ces derniers a atteint 30 % au sein de l’hôpital d’instruction des armées Percy. »

Afin de remédier à cette crise des vocations, le SSA a récemment réduit la durée obligatoire du « lien au service » des praticiens. Une démission du SSA avant expiration de son lien au service implique pour le praticien démissionnaire le remboursement des frais de formation initiale. Avant la réforme, une majorité de praticiens militaires ayant débuté leurs études de médecine à 18 ans ne pouvaient partir qu’à 49 ans, âge auquel ils étaient libérés de leur « lien au service ». Parce que cette durée de lien au service était considérée comme désincitative et responsable d’une partie des « fuites » hors du service, le ministre des Armées a pris le 4 août dernier un arrêté visant à recalculer la durée du lien au service des praticiens ([2]), afin que l’expiration de l’obligation de lien au service soit concomitante avec l’ouverture des droits à liquidation d’une pension à jouissance immédiate.

2.   Le service de l’énergie opérationnelle

Service interarmées subordonné à l’état-major des armées (EMA), le service de l’énergie opérationnelle (SEO) a pour mission historique « l’approvisionnement en tout temps et en tout lieu des produits pétroliers nécessaires aux armées ». Depuis le 1er janvier 2016, les recettes et les dépenses de la fonction pétrolière sont, par dérogation au principe d’unité budgétaire, séparées du budget général pour être retracées dans un compte de commerce n° 901, intitulé « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires ».

Grâce à un découvert autorisé de 125 M€, ce compte de commerce apporte de la souplesse aux opérations conduites par le SEO en lui permettant d’acheter de gros volumes de carburant à tout moment. Ce mode de gouvernance budgétaire, qui isole la fonction pétrolière des autres domaines, incite également le SEO à une gestion active de la trésorerie et, pour cela, à la valorisation de ses prestations à l’égard de ses clients, dans le respect du principe d’équilibre du compte de commerce.

En 2024, les dépenses de personnel du service s’élèveront à près de 146 M€ en AE, contre 141,90 M€ dans la LFI pour 2023.

Le budget du service dans le PLF pour 2024 est de 68 M€, en hausse de 11,6 % par rapport au budget programmé en 2023 (60,91 M€).

a.   Un besoin urgent de renouveler le parc de véhicules du service

En 2024, les dépenses du service porteront principalement sur les programmes suivants :

– entretien des équipements (14,50 M€). Ce coût sera particulièrement élevé pour les camions-citernes dont la durée de vie est prolongée en raison de l'insuffisance des crédits fléchés vers les acquisitions d'équipements neufs. Votre rapporteur déplore le décalage calendaire vers 2028-2030 du renouvellement de la flotte de camions-citernes, qui doit faire l’objet d’un renouvellement intégral. Par ailleurs, une partie significative des équipements doit être remise en état compte tenu des conditions d’emploi sévères dans la bande sahélo-saharienne ;

– entretien de l’infrastructure (9,64 M€) ;

– développement de CAM ([3]) (2 M€) qui permettra à terme d’avoir une capacité de détection et d’analyses des menaces cybernétiques et également d’harmoniser le fonctionnement des automatismes métiers qui équipent les sites industriels du SEO ;

– modification des cabines de 20 camions-citernes polyvalents 10 m3 (3,50 M€) afin de doter ces véhicules d’une protection de niveau 2 ;

– acquisition de réservoirs souples et de cuvettes de rétention (4 M€) afin de commencer le réalignement du parc existant sur les besoins du contrat opérationnel et pour tenir compte des consommations constatées en opérations extérieures (OPEX) ;

– renouvellement du parc de véhicules projetables de type pick-up et P4 (3 M€) dont le soutien n’est plus assuré par le gestionnaire de biens du fait de l’ancienneté de ces véhicules.

Votre rapporteur souhaite alerter sur l’état de dégradation du parc de véhicules du service. En 2023, la dégradation de ce parc ne permettait plus de répondre intégralement à la situation opérationnelle de référence (60 %).

Proposition n°1 : Avancer à compter de 2024 le calendrier de renouvellement de la flotte de camions-citernes du service de l’énergie opérationnelle.

b.   Les investissements budgétés en 2024 dans l’infrastructure pétrolière seront très largement inférieurs aux besoins exprimés

Concernant les investissements dans l’infrastructure pétrolière, le montant du plan de commande annuel (PCA) de travaux pour le SEO en 2024 est de 35 M€ : à titre de comparaison, celui de 2023 s’établissait à 37 M€ et celui de 2022 à 25,60 M€.

Les opérations prioritaires sur la période considérée, et notamment en 2024, portent principalement sur les programmes suivants :

– le dépôt essence marine (DEMa) de Toulon (rationalisation et modernisation des infrastructures pétrolières dédiées au soutien pétrolier des bâtiments de la Marine) pour 12 M€ de crédits programmés en 2024 sur un coût total estimé de 120 M€ (fin des travaux prévue en 2025) ;

– l’établissement principal de Portes-Lès-Valence qui nécessite l’adaptation de l’ancien établissement logistique du commissariat des armées (ELOCA) en plateforme d’ingrédients produits divers et emballages (IPDE) pour un coût total estimé à 25 M€ sur 2024-2025 dont 20 M€ programmés en 2024.

En 2023, la ressource financière allouée au SEO a permis de poursuivre les principaux travaux de remise aux normes et de modernisation des installations pétrolières spécialisées de Toulon et Avord.

Concernant l’année 2024 en revanche, votre rapporteur note que le montant des crédits de paiement est très inférieur aux besoins exprimés, ce qui entraînera nécessairement des renoncements ou décalages importants. Le choix opéré par le SEO permettra d’assurer prioritairement la réalisation des opérations déjà engagées (Toulon et Portes-Lès-Valence) et les dépenses inéluctables (finalisation du chantier Orléans, de Toulon, révision de prix, risques et aléas).

c.   Des difficultés de recrutement persistantes

À l’instar des autres armées, directions et services, le SEO fait face à des difficultés importantes dans le recrutement de son personnel militaire. Ces difficultés sont particulièrement importantes pour la catégorie des engagés volontaires du SEO (EVSEO) pour laquelle le service ne réalise que 50 % de son objectif de recrutement. Si le SEO réalise 80 % de son schéma d’emploi sur le recrutement des sous-officiers soutien pétrolier, le service est confronté à d’importantes difficultés de recrutement dans des spécialités s’éloignant de son « cœur de métier ». Ainsi, malgré un faible nombre de places offertes, aucun recrutement n’a pu être opéré dans les spécialités « systèmes d’information et de communication », « administration du personnel » et dans la filière maintenance.

Concernant la catégorie des officiers, si les objectifs de recrutement par la voie du concours interne sont atteints, le recrutement ab initio peine à trouver des candidats. En 2023, ces difficultés de recrutement ab initio ont également affecté la population des sous-officiers (7 recrutements réalisés contre 15 programmés).

Afin de dynamiser le recrutement ab initio du personnel militaire, la direction du SEO a armé à l’été 2023 une section « recrutement-réserve-rayonnement-jeunesse ». Cette section axera son action sur la mise en œuvre d’actions de communication dédiées au recrutement.

Par ailleurs, le rapporteur réitère le regret exprimé l’an dernier que certains personnels de soutien pourtant indispensables à l’activité opérationnelle des forces et souvent dotés de compétences rares qu’il convient de fidéliser, ne soient pas identifiés comme bénéficiaires de la prime de compétences spécifiques des militaires (PCSMIL). Le rapporteur appelle donc de ses vœux l’ouverture du bénéfice de la PCSMIL aux personnels du SEO, dans une logique de fidélisation.

Proposition n°2 : Ouvrir le bénéfice de la PCSMIL aux personnels militaires du SEO.

d.   En 2024, une hypothèse de cours du baril de brent plus réaliste qu’en 2023 devrait permettre de limiter les difficultés de trésorerie du service

La construction du projet de loi de finances initiale pour 2024 s’est fondée sur une hypothèse où le cours du baril est estimé à 86 dollars à parité euro/dollar. Or, au début du mois d’octobre 2023, le cours moyen du brent était à 90 dollars, soit 85,29 euros. L’hypothèse de cours du baril retenue dans le PLF pour 2024 semble donc plus réaliste que celle retenue dans le PLF pour 2023 et devrait permettre de limiter la consommation trop précoce des ressources budgétaires du service au cours de l’année 2024. Pour mémoire, la différence entre l’anticipation du cours du baril de brent dans le PLF pour 2022 et son évolution réelle avait causé la consommation de deux tiers du budget du SEO à la moitié de l’année 2022. En conséquence, le compte de commerce CC n° 901 avait été abondé afin que ses ressources ne soient pas inférieures à son autorisation de découvert de 125 millions d’euros. Afin d’endiguer cette tendance, le rapporteur avait déposé trois amendements au PLF 23 afin d’abonder de 300 M€ les crédits des armées consacrés aux dépenses de carburant. Conformément aux prédictions du rapporteur, la mauvaise anticipation du cours du baril de brent dans le PLF pour 2023 a entraîné la consommation du budget du SEO à compter d’octobre 2023.

Proposition n°3 : Abonder de 200 M€ les crédits des armées consacrés aux dépenses de carburant afin de prémunir le SEO contre le risque d’une envolée des cours du baril de brent.

Les difficultés de trésorerie du service sont également amplifiées par la méthode de tarification des cessions du SEO, basée sur le coût unitaire moyen pondéré « CUMP ». L’effet des achats réalisés par le SEO sur les dépenses est illustré par le prix moyen d’achat (PMA). L’effet des recettes obtenues par la facturation des cessions est représenté par le coût unitaire moyen pondéré (CUMP), ou prix moyen pondéré, qui calcule un coût moyen d’acquisition du stock à chaque nouvelle entrée ou acquisition de stock. Le CUMP prend en compte tous les volumes en stock, achetés à des moments différents et donc avec un PMA différent. Le calcul du CUMP est lissé sur environ 10 mois d’acquisitions de stock.

Par exemple, à la fin de l’année 2021, sous l’effet des pénuries mondiales liées à la Covid-19, le prix moyen d’achat (PMA) et le coût global d’approvisionnement ont augmenté. Cet accroissement s’est poursuivi jusqu’au mois de juillet 2022, obligeant ainsi le SEO à vendre ses stocks à un tarif inférieur au prix d’acquisition payé par le SEO quelques mois plus tôt.

Cette situation a eu des conséquences majeures sur la trésorerie du service qui a vu son découvert s’approcher des 125 M€ autorisés. Le CUMP est par conséquent fortement corrélé aux variations extrêmes du prix d’achat. La méthode de tarification des cessions dérivée du CUMP est intéressante financièrement pour le SEO lorsque le CUMP est supérieur au PMA, ce qui n’a pas été le cas dernièrement. Le SEO estime qu’en cette fin d’année 2023, son déficit de trésorerie avoisinera 106 M€. À moyen terme, votre rapporteur pense opportune l’ouverture d’une réflexion sur la juste méthode de tarification des cessions du SEO.

Proposition n°4 : Ouvrir une réflexion sur la juste méthode de tarification des cessions du SEO.

3.   Le service interarmées des munitions

La mission du service interarmées des munitions (SIMu) consiste à mettre à disposition des forces, en tout temps et en tout lieu, des munitions de toutes natures, hors dissuasion, de la munition de 5,56 mm au missile Exocet ou Scalp, en quantité et en qualité requises, en assurant aux utilisateurs leur sécurité d’emploi.

En 2024, le budget du SIMu sera de nouveau en hausse. Les AE augmenteront de 11 % pour s’établir à 22 M€, et les CP augmenteront de 13 % et atteindront les 21 M€. Ce budget visera, en particulier, à financer le démantèlement des munitions classiques et complexes (5,82 M€), la poursuite de l’acquisition de moyens permettant l’amélioration des conditions de stockage de munitions en opérations extérieures et dans l’hexagone (3,67 M€), le financement des transports de munitions interdépôts (2,85 M€) ainsi que la maîtrise environnementale des munitions (2,84 M€).

Votre rapporteur souhaite insister sur quelques points d’actualité majeurs concernant le SIMu :

– une baisse des effectifs qui se vérifie encore en 2023 :

Au 31 août 2023, le SIMu est constitué de 1 285 agents (760 civils et 525 militaires), soit une baisse de 3,5 % de ses effectifs par rapport à 2022. Cette baisse concerne essentiellement les effectifs militaires. Plusieurs filières sont sous-tension : la pyrotechnie pour les agents civils comme pour les sous-officiers expérimentés ; la logistique, la santé, sécurité au travail et environnement (SSTE) ; la protection et la sécurité des sites. Au 1er août 2023, il y a 148 postes vacants (74 personnels militaires et 74 personnels civils), soit un peu plus de 10 % de l’effectif total décrit ;

une relance des trains de munitions par le SIMu qui doit encore être consolidée :

Si le SIMu est chargé de la mise à disposition des stocks, le centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA) détermine le moyen de transport le plus adapté à chaque transfert (voie routière, aérienne ou ferroviaire). Le SIMu a relancé dernièrement les « trains de munition » qui transitent par des gares militaires, ce que votre rapporteur salue. Cette relance suppose néanmoins de garantir une sécurisation « de bout en bout » des convois et des opérations de logistique associées. Par ailleurs, il importe de rendre compatibles certains dépôts de munitions avec ce mode de transport, notamment par la mise en place d’installations terminales embranchées (ITE).

Le développement de projets communs entre la France et l’OTAN sur la filière munition

Le SIMu est associé aux travaux de l’OTAN concernant la mise en place d’entrepôts multinationaux de munitions pour la « présence avancée rehaussée » de l’OTAN sur le territoire européen ([4]). La présence renforcée des groupements tactiques multinationaux de l’OTAN sur le flanc oriental de l’Europe alimente la dynamique de l’initiative pour l’entreposage multinational de munitions (MAWI).

En cas de nécessité, un état-major « théâtre national », de création récente au sein de l’EMA([5]),  serait chargé de l’organisation du transport de munitions alliées sur le sol hexagonal. Votre rapporteur déplore l’absence d’information du Parlement à l’égard de ces réflexions. Le concept de « guerre avant la guerre » doit aller de pair avec un contrôle démocratique éclairé de la représentation nationale.

4.   Soutien des forces par les bases de défense

Les bases de défense (BdD) sont des organismes interarmées qui répondent aux besoins en matière d’administration générale et de fonctionnement courant émis par les unités qui leur sont rattachées. Les dépenses réalisées par les bases de défense couvrent des domaines très variés : fournitures de bureau et consommables informatiques, ameublement-couchage, mobilier de bureau, blanchissage, entretien des espaces (espaces verts, nettoyage des locaux, collecte et évacuation des déchets ménagers etc.), reprographie et téléphonie, dépenses liées au transport par véhicules non tactiques (carburant, péages, location de vecteurs, etc.), chauffage et énergies.

 

 

La création des bases de défense et des GsBdD

En Hexagone, la création en 2011 des bases de défense et des groupements de soutien des bases de défense (GsBdD) s’est faite dans un double objectif de rationaliser les coûts du soutien et de permettre aux formations de se concentrer sur leur cœur de métier opérationnel. Les bases de défense ont mutualisé sur une aire géographique donnée les fonctions d'administration générale et de soutien commun, au profit de toutes les formations et organismes situés dans leur périmètre, qu’elles soient issues de la Marine, de l’armée de Terre ou de l’armée de l’air et de l’espace (AAE).

D’après l'article 2 de l’arrêté du 29 novembre 2010 portant organisation des bases de défense et fixant les attributions des commandants des bases de défense :

« La base de défense est une aire géographique au sein de laquelle un officier, commandant de base de défense, assure la coordination locale des soutiens délivrés aux formations et organismes du ministère de la défense dans les conditions prévues à l'article R. 3231-9-1 du code de la défense.

Sous réserve des attributions propres aux directions et services du ministère, le commandant de base de défense détermine les priorités et rend les arbitrages nécessaires entre les besoins des organismes et formations soutenus et les capacités de soutien.

Il s'assure, dans ce cadre, de la qualité des services rendus. Il est chargé, à ce titre, de l'animation du dialogue entre les formations soutenues et les services de soutien de la base de défense ».

Le commandant a donc une autorité différenciée sur les différents services du soutien :

- les services communs sont sous l'autorité directe du commandant de base de défense ;

- les services spécialisés (infrastructure, santé, systèmes informatiques) sont simplement « coordonnés » par le commandant de base de défense.

Depuis 2014, les groupements de soutien des bases de défense sont rattachés au SCA. Depuis 2020, le nombre des BdD s’élève à 55. En 2024, le budget des bases de défense connaîtra une forte hausse. Les AE augmenteront de 30 % pour s’établir à 1,9 Md€ et les CP augmenteront de 12 % et atteindront près de 1,3 Md€. Cette hausse s’explique notamment par le doublement des dépenses de soutien (ameublement) aux familles de militaires ou civils affectés dans les Outre-mer et à l’étranger ainsi que par les plans d’amélioration des espaces de convivialité ou de développement de la mobilité durable au sein des BdD.

Votre rapporteur souhaite mettre en lumière les enjeux de la réforme annoncée des bases de défense.

Afin de répondre à l’orientation stratégique décrite par le chef d’état-major des armées, les armées françaises connaissent aujourd’hui des transformations majeures : franchissement potentiellement très rapide du triptyque compétition-contestation-affrontement, hypothèse accrue d’un engagement majeur et multiplication des missions opérationnelles de réassurance aux côtés des alliés dans une dynamique de « guerre avant la guerre ». Votre rapporteur souligne toutefois que l’abandon du triptyque « paix-crise-guerre » ne doit pas conduire la France à renoncer à agir dans le but de la paix.

Les soutiens doivent accompagner les armées dans cette transformation paradigmatique. Davantage de leviers doivent être redonnés au commandement local, dans une logique accrue de simplification de la chaîne de soutiens. Votre rapporteur salue à cet égard l’expérimentation en cours dans l’armée de Terre visant à confier une enveloppe de 30 000 euros à la disposition des chefs de corps afin de financer des achats ou prestations visant à améliorer la vie au quartier, la préparation opérationnelle, la condition du personnel (fusion partielle avec les crédits CONDIPERS), l’intégration des familles, etc.

Afin d’aller plus loin dans la convergence entre l’organique et l’opérationnel, il pourrait être intéressant que les antennes des services de soutien commun placées auprès des formations administratives Air/Terre/Mer soient mises pour emploi auprès des commandants de formation administrative au niveau local, afin de rapprocher « l’organique de l’opérationnel ».

Il paraît particulièrement complexe de revenir sur la réforme des bases de défense, en raison notamment du coût de la manœuvre RH associée. La constitution des groupements de soutien s'est accompagnée d'une diminution d’approximativement 15 % des personnels de soutien antérieurement affectés à ces missions. Réaligner de manière totale les soutiens sur l’échelon opérationnel aurait un coût budgétaire très important et serait cause de nombreux doublons. En raison du nombre plus élevé et de la complexité des missions dans l’hexagone, revenir au statu quo ex ante se traduirait par un fort éclatement des masses organiques alignées sur les missions opérationnelles. En outre, la création des groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) interarmées a permis une professionnalisation, une spécialisation et une rationalisation accrues des services de soutien, dont il serait dommageable de faire table rase.

D’aucuns appellent à la « réinternalisation » d’un certain niveau de soutiens et la « monocolorisation » d’un certain nombre de bases de défense autour d’une armée. Cette problématique commune aux trois armées s’avère particulièrement saillante concernant l’armée de Terre. L’armée de l’air et de l’espace ainsi que la Marine nationale sont davantage insérées dans des bases de défense moins hétérogènes, souvent resserrées géographiquement autour des bases navales ou aériennes.

Néanmoins, modifier la cartographie actuelle des bases de défense dans une logique de monocolorisation risquerait de générer des élongations territoriales trop importantes au risque de casser la logique de proximité des soutiens avec les forces soutenues, dans un contexte où le plan de stationnement de l’armée de Terre ne devrait pas évoluer dans les années à venir.

Les auditions menées par votre rapporteur laissent entrevoir la possibilité d’un modèle hybride, conciliant l’existence d’une autorité fonctionnelle et centrale s’exerçant sur les services de soutien et celle d’un commandement local pouvant coordonner les soutiens en fonction des besoins opérationnels des forces.

Dans son « discours de Brienne » du 13 juillet dernier, le Président de la République a annoncé le lancement d’une grande réforme institutionnelle du ministère, reposant sur une simplification, une subsidiarité et une agilité accrues. Dans cette dynamique, une réflexion est actuellement menée au sein de l’état-major des armées, sous l’égide du major général des armées, afin de rapprocher davantage les soutiens du commandement local dans une logique de subsidiarité.

Le major général des armées (MGA) a fait part à votre rapporteur de la « nécessité pour la chaîne de soutien de reparler à la chaîne de commandement », en donnant à l’échelon local davantage de moyens de « prioriser » les soutiens en reprenant la main sur la « chaîne des soutiens » sans être dans une logique de « soutien par ruissellement ». Cette dynamique devrait permettre au commandement local d’arbitrer plus rapidement la fonction soutiens en cas d’urgence.

Votre rapporteur se félicite de ces réflexions et appelle à rapprocher davantage les soutiens des impératifs opérationnels des armées en confiant à l’échelon de commandement local davantage de leviers de soutien.

Proposition n°5 : Confier à l’échelon de commandement local davantage de leviers de soutien afin de rapprocher les soutiens des impératifs opérationnels des armées.

5.   Le service du commissariat des armées

Le service du commissariat des armées (SCA) est le service d'administration générale des armées et des organismes interarmées. Ses missions concernent 11 fonctions et se répartissent entre trois grands domaines d’intervention que sont le multiservices, l’administration et la logistique avec notamment l’habillement du combattant, la base vie en campagne ou encore le transport de personnels.

Le budget du service du commissariat des armées pour 2023 (sous-action 85) est programmé à 912 M€ en AE et à 838 M€ en CP. Il est en augmentation par rapport au budget 2023 (+6 % sur les AE et +5 % sur les CP).

Conscient des fortes attentes pesant sur lui de la part des formations administratives soutenues, le SCA continuera en 2024 d’opérer une « bascule vers l’avant » afin de délivrer un soutien ajusté aux impératifs opérationnels des forces, « jusqu’au bout du bout-en-bout ». Le SCA, en tant qu’opérateur ministériel de soutien poursuivra sa modernisation afin de répondre aux exigences du nouveau référentiel opérationnel (NRO), tant en termes capacitaires que de préparation opérationnelle.

En 2024, le périmètre des cinq unités opérationnelles (UO) du SCA évoluera de la manière suivante :

– la sous-action « Crédits métiers du SCA » sera abondée de 81,70 M€ en 2024 contre 74 M€ en 2023. Cette augmentation s’explique essentiellement par la mise en œuvre de mesures de modernisation et de nouvelles mesures prévues par la LPM 2024-2030 pour 4,60 M€ supplémentaires, par des changements de périmètres s’agissant du financement de systèmes d’information du SCA pour 3,30 M€ supplémentaires et enfin par l’arrivée à maturité du WIFI Marine pour 1,20 M€.

– la sous-action « Habillement » sera abondée de 275,90 M€ en 2024 contre 275,30 M€ en 2023. Les crédits restent donc stables en 2024, alors que les besoins de renforcement des stocks sont réels. Cependant, conformément aux travaux de la LPM 2024-2030, des efforts seront consentis au profit de la protection balistique, les panoplies de protection nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), de la préparation du déploiement des nouvelles tenues de combat non feu F3 au bariolage multi-environnement et aux équipements adaptés aux zones « Grand Froid ». Votre rapporteur souhaite insister sur l’urgence de renforcer les stocks d’habillement : ainsi, il semblerait que les chaussures basses noires de taille 44 sont en rupture de stock, alors que la taille 44 est très courante chez les hommes. Près de 2 % du catalogue d’articles du SCA serait en rupture de stock.

Or, le renforcement des stocks prévu n’interviendra qu’en milieu de programmation (à compter de 2027), alors que les effets des pénuries sont déjà ressentis par les militaires qui ont plus que jamais besoin d’être fidélisés.

Par ailleurs, l’intégration de l’armée de Terre au portail numérique de commandes « e- habillement » à partir de l’automne 2023 constituera un enjeu important pour la fonction habillement du SCA en 2024.

Proposition n°6 : Abonder de 25 M€ les crédits de la fonction habillement du SCA afin de renforcer dès à présent les stocks d’habillement.

– la sous-action « Matériels de vie en campagne et vivres opérationnels » sera abondée de 55,50 M€ en 2024 contre 45,90 M€ en 2023. La ressource augmente conformément à la trajectoire définie en LPM visant d’une part à initier une véritable recapitalisation de cette fonction (modernisation des matériels et adaptation aux zones grand froid) et, d’autre part, à renforcer la résilience du ministère dans les engagements opérationnels (rajeunissement du parc et constitution de stocks pour faire face au soutien de l’ensemble des engagements opérationnels : opérations extérieures (OPEX), missions opérationnelles (MISSOPS), missions intérieures (MISSINT), préparation opérationnelle et exercices interarmées et multinationaux.

– la sous-action « Alimentation » sera abondée de 362,90 M€ en 2024 contre 357,70 M€ en 2023. L’augmentation des crédits est essentiellement liée à la concession de 12 restaurants supplémentaires à l’Économat des armées (EdA) compensée en partie par la baisse des dépenses relatives à l’acquisition et au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels de restauration collective. À la fin de l’année 2024, 61 restaurants auront été concédés à l’EdA depuis le début du contrat de concession en 2019.

Votre rapporteur souhaite revenir sur l’amendement au PLF pour 2023 dont il était à l’origine et qui permis d’octroyer 73 M€ de crédits supplémentaires pour la rénovation des restaurants des armées.

 

Le devenir de l’amendement Lachaud sur la restauration : des crédits intégralement consommés et désormais intégrés dans le PLF pour 2024

Déposé lors de l’examen du PLF pour 2023 et devenu par la suite un amendement gouvernemental, l’amendement du rapporteur a permis d’octroyer 73 M€ de crédits supplémentaires pour la rénovation des restaurants des armées. Les crédits ont été répartis entre 2 programmes :

-43 millions d’euros ont été crédités au programme 212 pour de la maintenance dite « lourde » (crédits de la Direction des territoires, de l'immobilier et de l'environnement (DTIE)). Ils seront entièrement dépensés par le SCA pour la mise en œuvre de 8 projets d’envergure qui étaient planifiés mais ont pu être réalisés plus tôt grâce à l’adoption de l’amendement ;

-30 millions d’euros ont été intégrés dans le programme 178 pour des travaux relatifs à la rénovation du matériel et la mise aux normes d’hygiène (CICoS). Ces crédits ont été entièrement consommés en 2023.

Même si ces crédits n’étaient pas initialement budgétés dans le PLF pour 2023, ils ont financé des projets correspondant à une expression structurelle des besoins des personnels. Pour 2024, une somme de 80 M€ a déjà été intégrée au stade du PLF pour la rénovation des restaurants.

– la sous-action « Véhicules » sera abondée de 61,60 M€ en 2024 contre 47,30 M€ en 2023. Cette nette augmentation par rapport à 2023 s’explique par le fait que les contraintes budgétaires avaient amené l’état-major des armées (EMA) à limiter fortement les achats de véhicules légers de la gamme commerciale (VLGC) en 2023. La trajectoire définie par la LPM 2024-2030, initiée dès 2024, permet ainsi de maintenir un parc à 14 000 VLGC même si l’âge moyen des véhicules passera de 7 à 9 ans durant cette période.

Votre rapporteur souhaite par ailleurs mettre en lumière les enjeux relatifs à l’acquisition des emprises des établissements logistiques du commissariat des armées (ELoCA).

L’acquisition des emprises des ELoCA du commissariat des armées

Votre rapporteur souhaite mettre en lumière les enjeux d’acquisition des emprises des établissements logistiques du commissariat des armées (ELoCA). Dans le cadre de la préparation du PLF pour 2024, le rapporteur a pu visiter l’ELoCA de Châtres, vaisseau amiral du SCA pour le stockage et la distribution des dotations d’habillement sur l’ensemble du territoire. Lors de la construction du bâtiment, le ministère des Armées a fait le choix de devenir locataire du terrain et des murs plutôt que d’acquérir l’emprise. Le bail liant le SCA à son propriétaire court sur une durée de 10 ans, pendant lesquelles le ministère s’acquitte d’un loyer annuel de deux millions d’euros par an. Or, le coût d’acquisition du site est de 20 millions d’euros, ce qui équivaut au coût de sa location pendant dix ans. Alors que le bail viendra à échéance en 2027, le rapporteur interpelle le gouvernement sur la nécessité d’acquérir le site de l’ELoCA de Châtres, dans une optique de bonne gestion des deniers publics.

Le rapporteur interpelle également le Gouvernement sur la situation de l’ELoCa de Roanne, spécialisé dans la réparation du matériel de campagne. Le coût de l’acquisition du site et des investissements subséquents (extension, réaménagement) serait de près de trente millions d’euros.

Proposition n°7 : Acquérir le site de l’ELoCA de Châtres lors du renouvellement du bail en 2027 dans le cadre d’une réflexion générale sur les coûts et bénéfices de l’acquisition des emprises des ELoCA par le ministère des Armées.

C.   Les actions 6 et 7 relatives aux surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

En raison de leur caractère difficilement prévisible, les opérations extérieures (OPEX) font l’objet d’une provision à l’action 6 du programme 178 au titre des « surcoûts liés aux opérations extérieures ». Les surcoûts au titre des opérations intérieures (MISSINT) sont quant à eux retracés à l’action 7.

Conformément à la trajectoire fixée par la nouvelle de loi de programmation militaire, le ministère des Armées diminuera d’un tiers, pour 2024, la provision consacrée aux OPEX et aux OPINT :

570 M€ seront provisionnés pour les OPEX, retracées à l’action 6 ;

30 M€ seront provisionnés pour les MISSINT, retracées à l’action 7 ;

200 M€ de masse salariale sont également prévus et retracés à la sous-action 59 du programme 212 « Surcoûts liés aux opérations – Personnel travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces ».

S’agissant de 2023, le ministère des Armées a précisé au rapporteur que le surcoût lié aux OPEX n’était pas encore consolidé à ce stade de l’exercice et qu’il le serait en fin de gestion. Ses principaux déterminants sont la fin de l’opération Barkhane et la réduction des engagements des forces armées au Sahel ainsi que le renforcement des activités de formation, dans le cadre des coopérations structurelles menées par la France.

Votre rapporteur souhaite par ailleurs mettre en lumière les enjeux politiques et budgétaires du financement des missions opérationnelles.

 

Le financement ambivalent des missions opérationnelles (MISSOPS)

Comme le précise le ministère des Armées dans les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur, « les MISSOPS Lynx et Aigle n’ayant pas la qualification d’OPEX, les surcoûts qu’elles génèrent ne sont pas financés par la provision annuelle OPEX-MISSINT et donc par l’action n° 06 « surcoûts liés aux opérations extérieures » du programme 178. » Néanmoins, le rapporteur déplore l’ambiguïté régnant autour de la qualification juridique de ces opérations et du financement des MISSOPS Aigle et Lynx.

En effet, les ambitions affichées par le ministère quant à la mission Aigle ne sont pas en contradiction avec le statut juridique de l’OPEX ([6]). Les principes sont les mêmes : protection, dissuasion et intervention. De plus, un arrêté ministériel du 6 octobre 2022 ([7]) a qualifié la présence militaire française en Europe orientale d’« Opérations en Europe orientale » tout en donnant aux militaires français le bénéfice de la couverture majorée des risques invalidité et décès. La qualification « Mort pour la France » se révèle dans ce contexte hautement symbolique. Enfin, selon un arrêté ministériel datant du 20 décembre 2021 ([8]), les soldats en « missions de réassurance dans le cadre du Traité de l’Atlantique Nord » reçoivent l’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE), tout comme les militaires déployés en OPEX. Les missions Aigle et Lynx s’apparentent donc à des OPEX mais ont pourtant été qualifiées de « MISSOPS », statut qui ne relève pas de l’article 35 de la Constitution et dont le cadre juridique est encore à préciser. La décision de qualifier une mission d’OPEX est un choix politique auquel le Parlement n’est manifestement pas associé.

Or, le statut juridique de ces missions de réassurance du flanc oriental de l’OTAN est aujourd’hui central. A priori, une mission opérationnelle « non-OPEX » ne devrait pas recevoir de financements OPEX. Pourtant, au grand étonnement du rapporteur, le Ministre des Armées a précisé le 30 mai dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale que la provision OPEX avait été utilisée pour « réaliser des travaux de génie très importants » sur la base de Cincu (Roumanie).

Au cours des débats relatifs à la LPM 2024-2030, le ministre des Armées avait annoncé que les engagements assimilables aux OPEX-MISSINT tels que les missions de réassurance sur le flanc Est de l’Europe feraient l’objet « d’un traitement spécifique en gestion ». Or, il s’avère que les surcoûts MISSOPS ont été avancés sur les BOP d’armées, principalement sur le BOP de l’armée de Terre, avant de faire l’objet d’une ouverture nette de crédits au titre du collectif budgétaire de fin de gestion. Ainsi, quoique non considérées comme OPEX, les opérations liées au renforcement du flanc Est de l’OTAN ont été principalement financées, au vu de leur ampleur, par la solidarité interministérielle » (surcoût de 600 millions en LFR pour 2022). La situation apparaît donc problématique : le ministère a utilisé une procédure propre aux OPEX pour financer les surcoûts des MISSOPS. Toutefois, en l’absence de base légale spécifique, rien n’oblige le Gouvernement à prévoir un financement interministériel des surcoûts des MISSOPS.

Cette situation devrait se reproduire en 2023 puisque le surcoût provisoire actuel des missions sur le flanc oriental de l’Europe avoisine déjà le montant de la provision OPEX en LFI 2023. Dans son rapport sur la participation de la France dans l’OTAN dévoilé le 4 octobre ([9]), la Cour des comptes s’inquiète également de cette ambiguïté budgétaire : « Les modalités de financement pour 2023 ne sont pas clairement établies. La Cour confirme la nécessité de réexaminer le portage budgétaire des missions opérationnelles de type Lynx et Aigle, au vu des perspectives de déploiement plus pérenne de ces missions ».

Ainsi, face au risque d’une multiplication des missions opérationnelles, deux propositions peuvent être avancées :

– il serait opportun que les missions opérationnelles puissent à l’avenir faire l’objet d’un financement au même titre que les OPEX, grâce à une disposition législative ad hoc qui sécuriserait le budget des forces armées et les prémunirait contre les risques d’éviction en gestion ;

– l’option la plus rationnelle serait de qualifier juridiquement les MISSOPS du flanc oriental de l’Europe d’« OPEX ». La conséquence immédiate de cette qualification serait la garantie d’un financement interministériel des surcoûts et une sanctuarisation des BOP d’armées. Cette décision aurait également le mérite de respecter la lettre et l’esprit de l’article 35 de la Constitution, qui prévoit que lorsque l’intervention des forces armées à l’étranger est décidée par le Gouvernement, et que la durée de l’intervention excède 4 mois, « le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort. ».

Le rapporteur déplore la volonté manifeste du Gouvernement de contourner l’autorisation parlementaire en qualifiant ces opérations de MISSOPS.

Proposition n°8 : Adopter une disposition législative ad hoc prévoyant une prise en charge au titre de la solidarité interministérielle des surcoûts des missions opérationnelles (MISSOPS).

 

Proposition n°9 : Qualifier juridiquement les missions opérationnelles (MISSOPS) du flanc oriental de l’Europe d’opérations extérieures (OPEX).


II.   Le programme 212 « Soutien de la politique de défense »

Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère des Armées. Il constitue le programme « support » du ministère. Hors dépenses de personnel (c’est-à-dire hors titre 2), le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière, systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG), politique des ressources humaines, politique culturelle et éducative, restructurations et pilotage - soutien - communication.

Depuis 2015, le programme retrace également la totalité des dépenses de personnel du ministère ainsi que les effectifs associés. Les crédits de titre 2 ne sont plus positionnés sur les actions 4 à 11 précitées, conformément à la nouvelle architecture budgétaire ministérielle.

A.   Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212

Les dépenses prévisionnelles du titre 2 (dépenses de personnel) du programme 212 pour 2024 s’élèvent à :

23,2 Mds€, CAS pensions inclus ;

– 200 M€ pour les OPEX-MISSINT ;

9,54 Mds€ pour le CAS pensions.

Le plafond des emplois autorisés pour 2024 s’élève à 271 852 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une baisse de 719 ETPT par rapport à 2023. Le schéma d’emplois du ministère s’établit en 2024 à 456 ETPT. Ce schéma d’emplois sera décliné dans les secteurs identifiés comme prioritaires en recrutement par le ministère des Armées : renseignement, cyberdéfense, soutiens, montée en puissance de la réserve, transformation numérique, dissuasion nucléaire, influence et partenariats internationaux. Le projet annuel de performance (PAP) du programme 212 précise que 26 de ces 456 ETPT devraient échoir au service industriel de l'aéronautique (SIAé) tandis que 30 autres seront recrutés au titre de la réinternalisation des compétences numériques.

Ce schéma d’emplois s’inscrit en écart par rapport à la LPM 2024-2030 par « souci de réalisme au regard des difficultés de recrutement et de fidélisation que rencontre actuellement le ministère ([10]) ». L’article 7 de la LPM 2024-2030 prévoyait en effet un schéma d’emplois de 700 ETPT en 2024.

Votre rapporteur insistera particulièrement sur les difficultés de recrutement et de fidélisation des armées (a), la déclinaison du plan Famille II (b), les mesures de revalorisation salariale prévues en 2024 (c), la réforme de la notation des officiers (d), les enjeux renouvelés de la NPRM en 2024 (e) et enfin le coût budgétaire de la journée « défense et mémoire » (f).

a.   Des difficultés de recrutement et de fidélisation qui s’accroissent

– Armée de Terre : Le plafond des effectifs de l’armée de Terre devrait être de 114 854 ETPT en 2024. Jusqu’à encore récemment, l’armée de Terre était la seule armée à atteindre ses objectifs de recrutement, avec 15 000 jeunes recrutés chaque année. Or, l’armée de Terre connaît aujourd’hui des difficultés de recrutement. Pour l’année 2023, elle s’attend à un déficit de 2 500 militaires sur les près de 15 000 effectifs à recruter en 2023. Un des enjeux majeurs pour 2024 sera de renforcer la fidélisation des militaires du rang et des sous-officiers.

– Armée de l’air et de l’espace (AAE) : Le plafond des effectifs de l’AAE devrait être de 41 378 ETPT en 2024. L’AAE éprouve également des difficultés de recrutement. Sa cible de recrutement pour 2023 est proche de 3 800 ETPT : or, l’AAE escompte un recrutement effectif d’environ 3 400 personnels. D’après le directeur des ressources humaines (DRH) de l’AAE, les recrutements réalisés ne compensent pas les départs enregistrés. Les difficultés de fidélisation sont réelles : près de 30 % des personnels de l’AAE compteraient moins de trois ans d’expérience en son sein. Les difficultés majeures concernent la catégorie des sous-officiers ainsi que celle des militaires du rang.

– Marine nationale : Le plafond des effectifs de la Marine nationale devrait être de 36 832 ETPT en 2024. La Marine nationale semble se distinguer des deux autres armées sur le recrutement. En effet, le recrutement des officiers et des officiers mariniers reste dynamique, près de 1 300 officiers mariniers ayant été recrutés cette année à l’école de Maistrance contre 800 recrutements il y a encore cinq ans. D’après le directeur des personnels militaires (DPM) de la Marine nationale, 80 % des jeunes entrant dans un centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) souhaitent intégrer la Marine. Certaines filières connaissent néanmoins de réels problèmes de recrutement : high-tech, électronique, mécanique ou encore restauration.

En conclusion, au vu des difficultés de recrutement et de fidélisation expérimentées par les trois armées, le rapporteur appelle de ses vœux un renforcement du travail conjoint de conventionnement avec les industriels de l’aéronautique afin d’endiguer les débauchages des personnels civils et militaires de nos armées.

Proposition n°10 : Renforcer le travail conjoint de conventionnement avec les industriels de l’aéronautique afin d’endiguer les débauchages de personnels des armées.

b.   L’année 2024 sera la première année de déclinaison du nouveau Plan Famille II visant à renforcer la fidélisation des personnels civils et militaires

Dans le but de renforcer la fidélisation du personnel militaire et civil, le ministère des Armées déploiera le plan Famille 2, doté de 750 M€ sur l’ensemble de la programmation 2024-2030.

Le plan Famille 2 décline trois objectifs majeurs : fidéliser les militaires, améliorer la disponibilité opérationnelle et renforcer la résilience des familles. Le pilotage du plan Famille II devrait être davantage territorialisé en 2024. Le rôle du commandement local (commandants d’unité ou commandants de bases de défense) sera ainsi central dans la mise en œuvre du plan Famille II au moyen d’efforts de communication accrus à destination des familles. Le ministère des Armées lancera dans cet objectif un réseau social fermé « Famille des armées ». Des facilités seront recherchées auprès des élus afin de favoriser l’emploi des conjoints de militaires, d’encourager l’installation de maisons d’assistantes maternelles ou de mener conjointement des projets de crèche, de faciliter les inscriptions aux écoles, en accueil périscolaire municipal et aux activités sportives, ou encore d’améliorer la desserte par les transports urbains des zones d’habitat et d’affectation des militaires. L’accompagnement des conjoints vers l’emploi sera également renforcé dans une logique de proximité grâce à un référent dédié dans chaque pôle régional et dans les Outre-mer.

c.   Les mesures interministérielles de revalorisation salariale devraient très fortement limiter l’impact de la revalorisation marginale des grilles indiciaires des militaires en 2024

En 2024, l’impact budgétaire des mesures de revalorisation salariale sera proche de 575 M€. Ces mesures résultent d’une part de mesures interministérielles et d’autre part de mesures spécifiques au ministère des Armées.

– Mesures interministérielles découlant des « rendez-vous salariaux » de 2023 :

le coût budgétaire de la revalorisation du point d’indice de 1,5 point au 1er juillet 2023 en année pleine est de 148 M€ dont 110 M€ pour le personnel militaire et un peu moins de 38 M€ pour le personnel civil ;

le coût budgétaire de l’attribution de 5 points d’indice supplémentaires à l’ensemble des agents au 1er janvier 2024 en année pleine est de 108 M€ dont 84 M€ pour le personnel militaire et 24 M€ pour le personnel civil ;

• le coût budgétaire des « mesures spécifiques bas de grille » consistant à attribuer de 1 à 9 points d’indice supplémentaires au 1er juillet 2023 est de 35,90 M€ ;

– Mesures de revalorisation salariale spécifiques au ministère des Armées ;

• 263 M€ au titre de la dernière marche de la NPRM : entrée en vigueur de la prime de compétences spécifiques des militaires (PCSMIL), de la prime de parcours professionnels des militaires (3PM) et son complément, l’indemnité de garnison (IGAR) et son complément ainsi que l’indemnité d’état militaire (IEM) et son complément ;

• revalorisation indiciaire des militaires du rang dont l’entrée en vigueur est prévue en octobre 2023 pour 2, 45 M€ en année pleine ;

• échelle de solde 4 des militaires du rang évolution du contingent dont l’entrée en vigueur est prévue à partir de janvier 2024 : 300 000 euros ;

• mesures indiciaires relatives aux sous-officiers subalternes dont l’entrée en vigueur est prévue en octobre 2023 : 5, 75 M€ en année pleine ;

refonte des grilles des sous-officiers supérieurs dont l’entrée en vigueur est prévue en octobre 2024 : 11,50 M€ pour 2024 et à terme 11,54 M€ en année pleine.

La réforme des grilles indiciaires du ministère des Armées

Sous l’effet des relèvements successifs de l’indice minimum de traitement de la fonction publique et des mesures interministérielles de revalorisation salariale, les grilles indiciaires des militaires ont subi un phénomène de tassement, conduisant à un rehaussement des premiers indices des militaires, sans que ceux des échelons des grades supérieurs ne soient corrélativement rehaussés. Ce phénomène de tassement affecte particulièrement la population des militaires du rang (MDR) et des sous-officiers. Le tassement de la grille des militaires du rang est tel que plusieurs grades et échelons différents sont soldés sur un même indice et les indices des militaires du rang se rapprochent des indices de ceux des sous-officiers, dont les indices de début de grille sont désormais identiques. L’indice de solde est désormais le même (IM 352) pour 70 % des échelons des grades de militaires du rang

Pour un militaire du rang, le passage dans le corps des sous-officiers n’est par conséquent que très peu intéressant financièrement ; il en va de même du passage dans le corps des officiers pour les sous-officiers, alors même que ce passage s’accompagne de sujétions significativement plus importantes. Or, le principe d’escalier social est au cœur du modèle RH des armées. L’absence de perspective de gain indiciaire significatif lors d’un franchissement d’échelon est un élément démobilisateur qui explique une partie significative des difficultés de fidélisation rencontrées par les armées. Afin d’enrayer ce phénomène, l’article 7 de la LPM 2024-2030 a prévu que : « Les grilles indiciaires des militaires du rang seront révisées avant la fin de l'année 2023. Les grilles indiciaires des sous-officiers et des militaires assimilés seront révisées avant la fin de l'année 2024. Les grilles indiciaires des officiers seront révisées avant la fin de l'année 2025. »

Voici les informations parcellaires communiquées par le Ministère des Armées à votre rapporteur concernant le calendrier et le contenu de la réforme indiciaire :

pour les militaires du rang, à compter du 1er octobre 2023 : à la suite de l’attribution de 1 à 9 points d’indice majoré supplémentaires, une mesure complémentaire de « détassement » de la grille indiciaire est prévue afin de garantir et renforcer la progressivité de la rémunération des militaires du rang (suppression de l’échelle de solde n° 2 des militaires du rang et maintien des échelles de solde n° 3 et 4 permettant de rétribuer la motivation à poursuivre l’acquisition de nouvelles qualifications). Par ailleurs, afin de fidéliser une population particulièrement expérimentée possédant un niveau supérieur de qualification, 2 000 brigadiers-chefs et caporaux-chefs supplémentaires pourront bénéficier de l’échelle de solde 4. Le sommet des grilles indiciaires des MDR ne sera pas revalorisé afin de favoriser l’escalier social et d’inciter au passage vers la catégorie des sous-officiers ;

pour les sous-officiers subalternes à compter du 1er octobre 2023 : à la suite de l’attribution de 1 à 9 points d’indice majoré supplémentaires à certains échelons des premiers grades des sous-officiers, les échelons 1 et 2 des échelles de soldes 2 et 3 des sergents et les échelons 4 et 5 des sergent-chefs de l’échelle de solde 3 seront, à la suite de cette mesure, rémunérés à un même indice. En conséquence, une mesure complémentaire de « détassement » de la grille indiciaire pour les sous-officiers subalternes est également prévue à compter du 1er octobre 2023.

– Enfin, afin de distinguer la prise de responsabilités, valoriser l’investissement, rendre le changement de catégorie attrayant pour les militaires du rang et, en définitive, répondre au défi de fidélisation, une revalorisation de la grille des sous-officiers supérieurs est prévue à compter du 1er octobre 2024. La nouvelle grille indiciaire des sous-officiers supérieurs sera issue de la nouvelle grille des sous-officiers de la Gendarmerie résultant du protocole social annexé à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI).

– Enfin, concernant les officiers, une grille indiciaire des officiers rénovée doit être mise en œuvre entre 2025 et 2027 afin de conserver durant toute la carrière de l’officier une dynamique indiciaire à des fins de fidélisation. Cette nouvelle grille créé trois échelles de solde distinctes :

– 1ère échelle : officiers subalternes et officiers supérieurs non brevetés du grade de sous-lieutenant au grade de lieutenant-colonel ;

– 2ème échelle : officiers brevetés de l’EMS 2 de grade de commandant à colonel ;

– 3ème échelle : officiers colonels brevetés EMS 3 et généraux. Cette troisième échelle de solde permet de valoriser la reconnaissance du potentiel des colonels EMS 3 ayant vocation à accéder au généralat.

Votre rapporteur déplore le peu d’informations lui ayant été communiquées par la direction des ressources humaines du ministère des Armées au sujet de ces nouvelles grilles indiciaires, notamment pour celles des militaires du rang et des sous-officiers subalternes, pourtant déjà validées par le guichet unique. Il regrette de n’avoir pu prendre connaissance des mesures de « détassement » prévues afin de garantir un gain pécuniaire majeur et incitatif à chaque « saut » de carrière, ces mesures ne figurant pas dans le PAP du programme 212. Les premières informations lui remontant semblent indiquer une hausse salariale marginale pour les militaires du rang (attribution d’un ou deux points d’indice supplémentaires en entrée de grille, soit une hausse de moins de 5 € mensuels) leur permettant de se maintenir un ou deux encore au-dessus du niveau du SMIC en fonction de l’inflation. La revalorisation indiciaire des sous-officiers subalternes devrait également leur permettre de repasser pendant un ou deux ans seulement au-dessus du dernier grade de militaire du rang.

Surtout, votre rapporteur s’interroge sur le bien-fondé de la méthode et du calendrier choisis pour cette révision des grilles indiciaires : le ministère dispose-t-il d’une vision globale de la révision des grilles, notamment de celle des officiers, qui ne sera mise en œuvre que dans plusieurs PLF ? Comment peut-on raisonnablement demander à la représentation nationale de voter en faveur des premières « tranches » d’une révision des grilles indiciaires pour les militaires du rang et les sous-officiers sans même disposer d’une vision sur la future révision des grilles indiciaires des officiers ?

 

Proposition n°11 : Abonder de l’équivalent du coût budgétaire en année pleine des mesures « Guérini » les crédits du programme 212 de façon à permettre une vraie revalorisation indiciaire des grilles des militaires du rang et des sous- officiers subalternes.

d.   Une réforme de la notation concomitante avec la montée en puissance de la prime de commandement et de responsabilité (PCRM)

Afin de valoriser le « commandement »et de « récompenser la performance à certains postes de responsabilité », la NPRM a prévu le remplacement de la nouvelle bonification indiciaire par la prime de commandement et de responsabilité (PCRM). Les militaires exerçant un commandement perçoivent une prime fixe – la performance d’une unité opérationnelle étant collective. En revanche, les militaires exerçant une responsabilité au sein d’un état-major perçoivent une prime dont le montant peut varier au gré de l’employeur, selon une logique de performance similaire à celle des grandes entreprises privées. Les textes précisent que le taux moyen versé doit être de 80 % pour chaque niveau de la prime et pour chaque contingent, liberté étant laissée à l’employeur d’aller au-delà ou en deçà de ce pourcentage.

Il ressort des auditions menées par votre rapporteur que l’ensemble de l’enveloppe prévue au titre de la LFI pour 2023 pour le financement de la PCRM a été consommé. Concernant le taux moyen versé de la part variable, il semblerait que les Armées aient globalement décidé d’attribuer pour la première année de mise en œuvre de la PCRM une part variable au taux moyen de 80 %. La variabilité pourrait être davantage mise en œuvre à compter de 2024. Toutefois, il semblerait qu’aucune armée ne choisisse de faire jouer toute l’amplitude du taux de la part variable de la PCRM (de 30 % à 100 %), une décision que votre rapporteur salue. Votre rapporteur déplore néanmoins que les chiffres de répartition de cette part variable ne lui aient pas été communiqués par la direction des ressources humaines du ministère. Il s’inquiète notamment de pratiques divergentes entre employeurs concernant le taux versé pour des individus au même niveau de responsabilité.

Parallèlement à la pleine mise en œuvre du taux variable de la PCRM, 2024 sera également l’année de montée en puissance d’une réforme du bulletin de notation et d’évaluation interarmées des officiers.

La réforme interarmée du bulletin de notation et d’évaluation des officiers (BNEO)

L’ancienne note IRIS évaluant le potentiel des individus est supprimée, tandis qu’un « potentiel d’emploi » en complément d’un « potentiel d’avancement » est introduit, un officier pouvant avoir un très bon potentiel d’emploi et un moins bon potentiel d’avancement. Le potentiel d’emploi est matérialisé dans le feuillet 1 du BNOE intitulé : « Évaluation annuelle des dimensions personnelles par le notateur de premier degré » (EADP) : l’EADP renseigne sur la personnalité de l’individu noté et constitue un outil de gestion. Le nombre maximum de points attribuables est contingenté pour l’ensemble des dimensions. Dans le second feuillet, le notateur de premier degré évalue la « qualité des services rendus » qui ne sera plus contingentée mais restera associée au pourcentage des officiers de même grade et de même statut s’étant vus attribuer la même cotation dans le périmètre de responsabilité du notateur de second degré. Un texte libre rempli par le notateur de premier degré évalue la performance de l’officier (optimisation de l’emploi de la ressource pour remplir sa mission, réussite des missions confiées, efficacité et engagement individuel) et dessine des pistes de progression.

Le notateur de second dernier arrête définitivement la notation et se prononce obligatoirement sur le potentiel de l’individu, via une appréciation littérale. Il précise la capacité de l’individu noté à occuper des postes supérieurs ou équivalents dans son domaine, ou dans un autre domaine ainsi que son aptitude au commandement. Il peut faire part de compétences spécifiques qu’il juge utile de souligner.

Le plan annuel de mutation 2024 tiendra compte de l’ensemble des dimensions du BNOE dans les décisions d’affectation. Cette réforme vise également à renforcer le rôle du second notateur dans la notation du potentiel de l’individu, dans une logique de parcours de carrière.

L’un des enjeux majeurs de cette réforme interarmées sera sa capacité à créer une culture de notation et d’évaluation harmonisée entre les armées. Votre rapporteur juge nécessaire la mise en place d’un RETEX relatif à cette réforme à la fin de l’année 2024. Ce RETEX pourrait s’intéresser notamment aux pratiques de notation des officiers en interarmées par des notateurs appartenant à une armée différente de leur armée d’origine.

Votre rapporteur alerte sur la nécessité de dissocier le versement du taux de part variable de la PCRM de l’évaluation de la performance et du potentiel dans le cadre de la réforme de la notation des officiers. Le maniement de la part variable de la PCRM ne peut s’affranchir du risque de refléter la subjectivité de l’employeur ou de faire l’objet d’applications hétérogènes selon les employeurs. L’évaluation et la notation des individus, bien qu’encadrée et exercée à un double niveau, court toujours le risque de se heurter aux mêmes écueils. Par conséquent, établir un lien direct et systématique entre la part variable de la PCRM et le BNOE des officiers pourrait constituer une « double peine » ou un « double bénéfice » pour les militaires concernés.

e.   Les inquiétudes renouvelées du rapporteur concernant certaines primes et indemnités dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)

Les auditions menées cette année par votre rapporteur confirment ses observations formulées l’an dernier dans son avis budgétaire consacré à la NPRM. De nouveau, il déplore la forfaitisation préjudiciable de certaines primes non indexées sur les soldes et l’inflation et relaie les craintes légitimes des militaires quant aux effets de seuil découlant de la fiscalisation de l’indemnité de garnison (IGAR).

Les auditions ont également mis au jour les difficultés des armées à calibrer de manière fine les prévisions de dépenses relatives à l’indemnité pour sujétions d’absence opérationnelle (ISAO). Par ailleurs, il semblerait que des retards compris entre 4 et 6 mois entre le fait générateur de l’ISAO et son paiement aient été observés.

Si le budget consacré à l’ISAO a augmenté en 2023 de 12 % par rapport aux dispositifs antérieurs que cette indemnité remplace, le montant annuel de l’enveloppe ISAO est plafonné. Or, le déclenchement du fait générateur du paiement de l’ISAO est par nature difficilement prévisible. Dans son rapport sur l’exécution budgétaire 2022 des crédits de la mission « Défense » ([11]), la Cour des comptes signale un surcoût ISAO intégré à la LFI de 46 M€ en fin de gestion 2022. Auditionné par votre rapporteur, le directeur des ressources humaines du ministère des Armées (DRH-MD) a indiqué disposer d’indicateurs de suivi mensuel de la consommation de l’enveloppe budgétaire ISAO. En cas d’augmentation par une armée de son volume d’activité annuelle de préparation opérationnelle entraînant un dépassement de son enveloppe budgétaire ISAO, le DRH-MD a indiqué procéder par redéploiements de crédits au sein des dépenses de personnel (T2) du programme 212.

L’ISAO ayant modifié le fait générateur des anciennes primes, la bonne évaluation de l’enveloppe budgétaire ISAO en programmation initiale reste une gageure. Votre rapporteur alerte sur la nécessité ultime d’empêcher le sacrifice d’activité opérationnelle des forces au nom d’un trop juste calibrage budgétaire initial de l’ISAO.

f.   La vigilance du rapporteur quant au coût de la journée « défense et mémoire »

Votre rapporteur a auditionné la direction du service national et de la jeunesse (SGA/DSNJ), qui organise notamment la journée « défense et citoyenneté » (JDC). La JDC est un dispositif obligatoire et véritablement universel, puisqu’il touche tous les jeunes d’une classe d’âge ; ainsi, chaque année, près de 800 000 jeunes âgés en moyenne de 17 ans effectuent leur JDC. 

La DSNJ organise également la journée « défense et mémoire » (JDM). La journée « défense et mémoire » a lieu durant la première phase du « service national universel » qui correspond au « séjour de cohésion ». La JDM est une journée « clés en main » spécialement conçue et mise en œuvre par le ministère des Armées et sa direction du service national et de la jeunesse (SGA/DSNJ). Elle est composée de trois modules : Défense, mémoire et résilience. La JDM est animée et conçue par la DSNJ. Elle mobilise des encadrants issus de la DSNJ ainsi que des animateurs militaires (forces armées et gendarmes). En 2022, 32 000 jeunes ont effectué une JDM. La DSNJ a calculé que le coût complet de la JDM pour le ministère des Armées, masse salariale incluse, s’élevait à près de 7 millions d’euros annuels (personnels de la DSNJ, personnels militaires « animateurs » et coût de soutien/logistique).

Or, le « coût par jeune » de la JDM est beaucoup plus élevé que le « coût par jeune » de la JDC ; en effet, le budget de la JDC s’élève à près de 21 millions d’euros annuels, soit trois fois le budget de la JDM, alors même que la JDC touche 25 fois plus de jeunes que la JDM.

En conséquence, votre rapporteur alerte sur le coût élevé pour le ministère des Armées de l’organisation de la JDM, notamment au regard de la JDC. Il rappelle toute la pertinence de l’organisation de la JDC, seul dispositif du lien armées-jeunesse à vocation universelle.

B.   Le volet hors titre II du programme 212

Hors dépenses de personnel, le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière, systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG), politique des ressources humaines, politique culturelle et éducative, restructurations et pilotage - soutien - communication.

La dotation du programme dans le PLF pour 2024 s’élève, hors titre 2, à 1,48 Md€ en AE et à 1,44 Md€ en CP, contre 1,48 Md€ en AE et 1,36 Md€ en CP en LFI pour 2024.

1.   La politique immobilière

La direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) du ministère des Armées est chargée de la politique immobilière du ministère – ce dernier possédant la plus grande emprise foncière de l’État avec environ 275 000 hectares. Le service d’infrastructure de la défense (SID) est le service constructeur interarmées chargé d’appliquer la politique immobilière du ministère des Armées. Le SID revêt un rôle de bâtisseur, de gestionnaire, de conseiller et de référent énergie au profit des bases de défense, des armées, des directions et services du ministère. En 2023, le SID a soutenu 4 700 sites, notifié plus de 20 000 marchés et effectué plus de 200 000 dépannages.

En 2024, le SID sera notamment en charge des travaux sur les infrastructures opérationnelles destinées à accueillir les prochaines livraisons capacitaires des armées : adaptation des infrastructures de dissuasion dans le cadre du programme Barracuda, accompagnement en infrastructures de la « scorpionisation » de l’armée de terre, arrivée des nouvelles capacités de la Marine nationale (construction d’un quai POM en Polynésie française, par exemple). Au cours des phases successives de travaux, le SID devra être en mesure de garantir la continuité de l’activité opérationnelle des forces.

Votre rapporteur reviendra plus en détail sur le montant de la dette grise immobilière du ministère des Armées et la fiabilité des données de la politique immobilière du ministère (a), avant de faire un point sur le devenir du service infrastructure de l’Économat des armées (b).

a.   La nécessaire objectivation de l’état du parc immobilier du ministère des Armées

Le directeur central du SID a estimé le montant de la dette grise du ministère en 2022 à près de 4,5 M€. Votre rapporteur s’est interrogé sur le degré de précision, d’exhaustivité et d’actualisation des données relatives au patrimoine immobilier du ministère.

Le SID dispose des deux systèmes d’information (SI) SIMEO et GTP lui permettant de capitaliser sur l’état du bâti et de l’entretenir.

Basé sur une connaissance du patrimoine occupé, l'outil SIMEO permet l'évaluation de la performance du patrimoine ministériel, qui dépend de son niveau de qualité (fonction de son état et de son âge), de son importance stratégique (priorité) et du besoin en ressources budgétaires qui en découle. Dans SIMEO, les ouvrages immobiliers sont cartographiés selon leur âge, leur état physique et leur priorité stratégique. Pour chaque type d'ouvrages sont définis la durée de vie conventionnelle, les lois de vieillissement, la stratégie de maintenance et les coûts associés ([12]). L’outil GTP (Gestion technique du patrimoine) permet lui d’anticiper les opérations de maintenance sur chaque ouvrage.

La mise à jour des données de SIMEO est effectuée par échantillonnage par le SID. Aujourd’hui, la durée estimée de remise à jour complète des données relatives au parc immobilier du ministère est de quatre ans.

La vérification de la cohérence de la donnée constitue l’une des nouvelles orientations du directeur central du SID, qui pilote actuellement un projet en lien avec la délégation à la transformation et à la performance ministérielles (DTPM) du ministère afin d’objectiver l’état du parc immobilier du ministère.

b.   Le devenir du service infrastructure de l’Économat des armées

Le SID a subi une diminution de 41 % de ses effectifs entre 2005 et 2020. Concomitamment, les missions du SID se sont renforcées dans les domaines cyber, nucléaire et en matière d’installations classées, contraignant le service à recourir à l’externalisation de certaines de ses missions. Dans ce contexte, le maintien des compétences au sein du service est un enjeu majeur.

En parallèle, le SCA a signé avec l'EdA en 2019 un contrat de concession de longue durée qui va permettre à ce dernier d'exploiter à terme 73 restaurants concédés. Ce contrat a conduit l’EdA à devenir « à marche forcée » un acteur de l’infrastructure, en créant ex nihilo un service infrastructure en son sein. Or, dès 2027-2028, la cellule infrastructures de l’EdA devrait avoir livré la totalité des opérations d’infrastructure exigées par le contrat de concession. À un moment où le ministère connaît des difficultés de recrutement majeures qui n’épargnent pas la fonction immobilière, il serait dommage que ces personnels hautement qualifiés ne mettent pas à profit du SID leur expérience acquise au sein de l’EdA, dans une logique partenariale.

Proposition n°12 : Favoriser un rapprochement entre le SID et le service infrastructure de l’EdA à compter de 2028 dans une logique vertueuse de partage des compétences.

2.   La politique du logement

Les crédits budgétaires affectés à la politique du logement dans le PLF pour 2024 s’élèvent à 146,30 M€ en AE et à 273,50 M€ en CP.

a.   Le parc locatif

– Le montant des loyers est budgété à hauteur de 63,30 M€ en AE dans le PLF 2024, dont les deux tiers pour des logements situés dans les Outre-mer ainsi qu’à l’étranger ;

Dans le PLF 2024, la dotation relative aux conclusions et renouvellements de conventions de réservation auprès de bailleurs représente 12,10 M€ en AE et 10,30 M€ en CP. Cette ressource permet de réserver des logements dans les zones de tension locative et de compléter l’offre du ministère.

b.   Le parc domanial

dans l’hexagone :

Depuis le 1er janvier 2023, la maintenance du parc domanial dans l’hexagone est assurée par la société Nové dans le cadre du contrat « Ambition logement ». Ce contrat de concession a pour objectif la rénovation, notamment énergétique, du parc domanial et son accroissement par la réalisation d’un programme de constructions neuves en zones tendues (228 000 m² de surface habitable correspondant environ à 2 800 logements).

Le démarrage des travaux de constructions neuves est programmé pour le dernier trimestre 2023 pour les sites de Versailles (100 logements), Lyon Sabatier (66 logements), Gap (10 logements), Rochefort (32 logements), Strasbourg (50 logements), Besançon (52 logements), Luxeuil (14 logements) ou encore Bruz (70 logements). La livraison de ces premiers logements est prévue pour le courant 2025.

Les études pour la rénovation des logements sont en cours et concernent près de 2 900 logements avec un lancement des travaux d’ici fin 2023 pour 650 logements sur 24 ensembles immobiliers.

– dans les Outre-mer et à l’étranger :

La dotation de l’activité budgétaire « construire des logements domaniaux » s’élève à 15 M€ en AE et 8,40 M€ en CP dans le PLF 2024. Elle permettra de financer notamment la construction à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) de deux ensembles de cinq logements pour 4,40 M€ en AE ainsi que la construction à Taaone (Polynésie française) de 14 farés individuels pour 4 M€.

Les dépenses d’entretien courant des logements domaniaux dans les Outre-mer et à l’étranger sont réalisées sous la maîtrise d’ouvrage du SID. Pour 2024, 8,30 M€ en AE et 8,10 M€ en CP sont budgétés sur ce périmètre. Le budget consacré au maintien en condition des logements domaniaux dans les Outre-mer et à l’étranger s’élève à 16,50 M€ en AE et 13,60 M€ en CP.

Selon les données communiquées par le ministère des Armées, le taux de satisfaction des demandes de logement au 31 décembre 2022 était de 57 %. Il atteignait 60 % pour le personnel à revenus modestes. En Île-de-France, ce taux était de 66 %. Il s’établissait à 40 % à Bordeaux, à 52 % à Lyon et à 63 % à Toulon.

3.   La politique d’hébergement

Lancé en 2019, le plan Hébergement a pour objectif d’améliorer les conditions d’hébergement en enceinte militaire proposées aux militaires du rang (ayants droit) et aux cadres d’active célibataires ou célibataires géographiques (ouvrant droit) des trois armées. Ce programme prévoyait 1,2 Md€ d’engagements de travaux sur la programmation 2019-2025. Les objectifs d’engagements du programme hébergement ont jusqu’à présent été respectés. La LPM 2024-2030 permet de poursuivre l’effort relatif à l’hébergement à hauteur de 1,2 Md€.

Le PLF 2024 prévoit un nouvel engagement de 140 M€ de travaux permettant la commande de 2 740 places. Les livraisons attendues avoisineront les 5 300 places. En 2024, les livraisons devraient se répartir à 49 % pour l’armée de Terre, 15 % pour la Marine nationale, 16 % en interarmées et à 20 % pour l’armée de l’Air et de l’Espace.

4.   Les systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG)

Dans le PLF 2024, la ressource en AE du BOP augmente de 28,80 M€ par rapport à la LFI 2023 (+18 % principalement avec l’engagement du marché de MCO Source Solde). Les investissements SIAG s’inscrivent pleinement dans l’ambition numérique du ministère, en renforçant l’efficience des soutiens et en facilitant le quotidien du personnel, en améliorant la relation au citoyen et l’attractivité du ministère.

En 2024, les principaux projets en matière de SIAG sont les suivants :

– la maintenance curative et évolutive des systèmes d'information des ressources humaines (SIRH) militaires et civils. À ce sujet, la DRH-MD pilote la maîtrise d’ouvrage d’un projet de système d’information unifié des ressources humaines du ministère des Armées, appelé à terme à se substituer aux 5 SI d’Armées vieillissants. Votre rapporteur souligne la nécessité d’adapter ce SIRH unifié aux spécificités de chaque armée ;

– la poursuite de la réalisation des incréments de SPARTA ([13]) et l’élargissement du périmètre capacitaire de ROC ([14]) ;

– la notification du marché de maintien en conditions opérationnelles (évolutif, correctif) de SOURCE SOLDE ([15]), marché à tranche ferme de 3 ans pour une durée totale de 7 ans ;

– le renouvellement du marché SOPHIA (gestion des habilitations) de la direction du renseignement de la sécurité et de la défense (DRSD) ;

– la transformation numérique du SID en finançant la refonte du SI COSI (projet COSMOS) et le déploiement du projet BIM (building information modeling) ;

– le lancement du projet ESPRIT (éco-système des pensions de retraite) ;

– le lancement de la réalisation SERES visant à mettre en place un nouveau système d’exploitation de la restauration du SCA.

La délégation à la transformation et à la performance ministérielles (DTPM) assure le pilotage du budget opérationnel de programme (BOP) des SIC du ministère. Le rapporteur souhaite revenir plus précisément sur cette nouvelle délégation créée en 2020 au sein du secrétariat général pour l’administration (SGA).

 

La délégation à la transformation et à la performance ministérielles (DTPM)

Créée en 2020, la délégation à la transformation et à la performance ministérielles (DTPM) est l’entité ministérielle dédiée à l’accompagnement et à l’accélération de la transformation numérique, organisationnelle et managériale de l’action publique. En 2023, les crédits consacrés à la DTPM s’élèvent à 186 M€ en AE et à 150 M€ en CP.

La DTPM s’organise en 4 départements : la mission d’aide au pilotage, le département transformation digitale, le département SI et le département finances, RH et appui SI. En 2023, la DTPM est composée de 102 agents dont 5 militaires et 16 apprentis. La DTPM est la garante du bon fonctionnement des SIAG du ministère.

L’une de ses activités principales est la fonction « conseil ». Elle effectue une centaine de missions par an, dans une logique d’internalisation des prestations de conseil. En 2023, sur 17 expressions de besoins en prestations de conseil au sein du ministère, 4 ont été confiées à la DTPM. Les 2/3 du personnel de la branche « conseil » sont des contractuels, le tiers restant est constitué de fonctionnaires. Afin d’être plus attractive sur les salaires offerts aux consultants contractuels, la DTPM a étendu la grille « SIC » du ministère des Armées aux postes offerts dans sa branche « conseil ». Malgré cette transposition, les salaires proposés par la DTPM restent encore entre 20 et 30 % inférieurs aux niveaux de rémunération proposés par les cabinets de conseil privés, notamment sur les profils de consultants « senior ».

La DTPM porte l’ambition d’être davantage présente sur l’ensemble des projets de conseil et d’élargir son portefeuille de missions. Elle souhaite recruter 10 ETPT à l’horizon 2025 en ciblant notamment des consultants seniors. Selon une estimation communiquée par la DTPM, internaliser les prestations de conseil du ministère en recrutant 10 consultants au sein de la DTPM permet en moyenne une économie de l’ordre d’un million d’euros en faveur du ministère.

Proposition n°13 : Abonder les crédits de personnel de la DTPM afin de créer une véritable filière de conseil interne au ministère des Armées.

5.   La politique culturelle et archivistique du ministère des Armées

La direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) est responsable du budget opérationnel de programme « ACP » (archives, culture, patrimoine). Ces crédits se décomposent entre les sous-actions 8.1 « actions culturelles et mise en valeur du patrimoine » et 8.2 « Gestion et communication des archives historiques de la défense ».

En 2024, les crédits consacrés à la politique culturelle du ministère des Armées s’élèveront à 72,20 M€ en AE et à 78,90 M€ en CP. L’essentiel des dépenses du BOP correspondent aux subventions pour charges de service public (34,10 M€ en AE et en CP) et les subventions pour charges d’investissement (29,40 M€ en AE et 35,40 M€ en CP) des trois musées dotés du statut d’établissement public à caractère administratif du ministère des Armées.

Dans le détail, pour l’année 2024, ces subventions couvriront :

– L’achèvement des travaux de rénovation du musée national de la Marine sur le site de Chaillot (Paris) et l’accompagnement de sa réouverture, le maintien à niveau du centre de conservation et de recherche à Dugny (Seine-Saint-Denis), des études liées aux projets architecturaux et muséographiques des sites de Rochefort (Hôtel de Cheusses et Amblimont, ancienne école de médecine navale – Charente-Maritime) et le lancement de l’aménagement d’un parcours muséographique commun sur le site de la citadelle de Port-Louis avec le musée de la compagnie des Indes (Morbihan) ;

– les travaux de maintien à niveau des espaces, de préservation et de modernisation de la présentation des collections du musée de l’air et de l’espace : la construction d’espaces d’exposition permanente dédiés à l’aviation civile, commerciale, légère et sportive depuis 1945, la construction d’un espace temporaire et d’animation (Planétarium) et la mise en visite d’un Airbus A 380 (projet ASTREOS) ;

– le démarrage des travaux d’infrastructure liés à l’extension du musée de l’Armée (projet MINERVE : nouveaux espaces d’exposition permanents, amélioration des conditions d’accueil du public et de visite, reconfiguration des espaces logistiques).


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   SECONDE PARTIE : les soutiens dans les Outre-mer

La présence des forces de souveraineté dans les Outre-mer répond à de nombreux enjeux qui se traduisent dans les missions dévolues aux forces (I). Les forces de souveraineté peuvent compter sur un modèle de soutien spécifique qui présente de nombreuses forces en dépit de difficultés certaines (II). Le renforcement prévu du format des forces de souveraineté doit s’accompagner d’un renforcement majeur des services de soutien (III).

I.   La Présence des forces de souveraineté dans les outre-mer Répond à de nombreux enjeux qui se traduisent dans les missions dévolues aux forces

A.   La France, une puissance universaliste présente dans l’ensemble des océans

La présence des forces de souveraineté répond à de nombreux enjeux, complémentaires les uns des autres.

Ces forces sont composées de près de 8 500 hommes et femmes répartis dans les cinq forces stationnées dans les Outre-mer : Forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien (FAZSOI), Forces armées en Polynésie française (FAPF), Forces armées aux Antilles (FAA), Forces armées en Guyane (FAG), et Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC).

Elles répondent toutes à des caractéristiques communes, nonobstant de nombreuses singularités régionales.

1.   Des forces garantissant notre souveraineté dans l’ensemble des territoires ultramarins

Répondant au besoin d’affirmer de manière permanente la souveraineté de la République française dans les territoires d’Outre-mer (DROM-COM), les forces armées françaises qui y demeurent stationnées sont ainsi qualifiées de forces de souveraineté.

Ces forces répondent à la nécessité de préserver les intérêts nationaux souverains de la France, quel que soit l’endroit du territoire national où ces intérêts souverains pourraient être remis en cause. Des patrouilles régulières sont faites par la Marine nationale pour relever les militaires français présents en permanence sur les territoires français les plus éloignés.

Grâce aux Outre-mer, la France bénéficie de la deuxième plus grande surface mondiale en zones économiques exclusives. Les forces de souveraineté assurent ainsi dans l’ensemble des ZEE françaises la protection face au pillage des ressources halieutiques et la lutte contre les activités illicites.

La nécessité de pouvoir répondre rapidement à une remise en cause des intérêts souverains sur n’importe quel point du territoire national constitue une véritable gageure logistique dans les Outre-mer. L’exemple archétypal correspond sans doute à la Polynésie française, collectivité ultramarine de la taille de l’Europe composée de 5 archipels constitués de 118 îles (20 % des atolls du monde). Sur ces 118 îles, seulement 76 sont habitées, 46 disposent de pistes aériennes, tandis qu’une quinzaine d’îles demeurent encore difficilement accessibles.

Dans le Pacifique, les FANC affirment également la présence française sur les espaces de souveraineté, notamment à Wallis et Futuna, ainsi que dans la zone des îles de Matthew et Hunter qui demeurent revendiquées par le Vanuatu.

L’enjeu de la garantie de la souveraineté française est particulièrement fort dans l’océan Indien, où la France connaît des différends territoriaux avec Madagascar, l’union des Comores et avec Maurice relatifs à la revendication de souveraineté des îles Éparses, de Mayotte et de Tromelin. Ces contentieux justifient une présence permanente des forces armées françaises sur chacune des îles Éparses du canal du Mozambique et, plus généralement, des patrouilles régulières des bâtiments de la Marine nationale dans chacune des zones économiques exclusives françaises au titre de la souveraineté et de la préservation de nos intérêts économiques et de la biodiversité.

La plus longue frontière terrestre de la France est celle que la Guyane partage avec le Brésil (730 km), tandis que la frontière avec le Suriname mesure près de 520 km et fait l’objet de contestations récurrentes. Ces deux frontières, situées en zone Amazonie, sont particulièrement poreuses et difficiles à surveiller pour la France. Face au fléau de l’orpaillage illégal, les FAG (3ème REI et 9ème RIMaP) veillent aux intérêts souverains français en luttant contre le pillage des ressources de la forêt amazonienne. La mission HARPIE protège ainsi les populations françaises de Guyane face aux violences et pollutions engendrées par l’exploitation illégale des ressources aurifères. Les FAG participent également à la protection du centre spatial guyanais (CSG), infrastructure stratégique pour la France et l’Union européenne.

2.   Des forces de souveraineté pour répondre aux enjeux géopolitiques dans toutes les régions du monde

La présence des forces de souveraineté dans les Outre-mer répond également à un enjeu diplomatique majeur de rayonnement de la France dans le monde. Face au durcissement du contexte géopolitique international et des environnements régionaux ultramarins, la présence pérenne des forces de souveraineté permet d’ancrer durablement la présence française dans certaines régions du monde.

Une présence croissante des grands compétiteurs de la France est remarquée dans le périmètre de responsabilité des forces de souveraineté. Dans la zone Antilles-Guyane, l’influence chinoise se renforce. Celle-ci s’appuie sur le secteur de la santé et sur une politique d’investissement soutenue qui lui offre la mainmise économique sur les pays de la « Belt and Road Initiative » (Grenade, Dominique, Antigua et Barbuda, Trinidad et Tobago, etc.). En parallèle, la pression diplomatique chinoise permet de renverser les soutiens à Taïwan, à l’instar du Honduras. 

La Russie maintient une logique de partenariat de défense avec le Venezuela, le Nicaragua et Cuba.

Il convient de noter également que l’Iran renforce sa présence économique et culturelle au Venezuela et entretient également des relations avec Cuba et le Nicaragua. Téhéran porte son effort sur différents domaines (transport, science et technologie, santé, pétrochimie, etc.).

Autour du plateau des Guyanes, l’influence chinoise est également croissante. Une récente étude ([16]) de la Fondation pour la recherche stratégique souligne d’ailleurs que « les 120 comptoirs chinois établis le long de la rive surinamaise du Maroni jouent un rôle clé dans la logistique de l’orpaillage en approvisionnant en matériel et biens du quotidien les chantiers et en permettant leur financement. Les réseaux transnationaux qui les accompagnent facilitent le recel et le blanchiment de près de dix tonnes d’or extrait illégalement chaque année et sont impliqués dans divers pans de la criminalité environnementale(…) L’essor de ces comptoirs chinois bénéficie d’un environnement régional propice marqué par des défaillances de l’État surinamais et une influence chinoise croissante, avec des liens étroits tissés avec certaines élites politiques surinamaises et un quasi-monopole dans le secteur du commerce de communautés intégrées depuis des décennies dans le tissu économique ». Le rapport rajoute que l’exploitation aurifère illégale est « parfois encouragée, voire soutenue par les autorités chinoises » ce qui nuit directement à l’action de l’État en Guyane et aux intérêts français.

Dans l’environnement régional des Forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI), l’Afrique du Sud concentre de nombreuses richesses et dispose de capacités militaires substantielles. L’influence de certains des compétiteurs stratégiques de la France y grandit là encore, à l’instar de la Russie sur le plan politique et de la Chine sur le plan économique. On peut également observer la présence indienne dans la zone sud de l’océan Indien notamment via les structures de commandement des forces aéromaritimes mauriciennes.

Dans la zone de responsabilité des forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC), la Chine affirme également sa présence. Un passage de bâtiment de guerre chinois a été relevé en décembre 2022-janvier 2023 dans la ZEE de la Nouvelle-Calédonie, ce bâtiment ayant préalablement pénétré la ZEE de Polynésie française ([17]). En outre, un bâtiment amphibie chinois a fait escale au Vanuatu en avril 2023 dans le cadre de l’aide humanitaire après le passage des cyclones Judy et Kevin au mois de mars 2023. Si l’activisme diplomatique et culturel chinois dans la zone de responsabilité permanente des FAPF s’explique notamment par des liens historiques propres aux territoires (forte migration économique chinoise depuis 1860 et dans les années 1920), les acteurs économiques et diplomatiques chinois multiplient leurs implantations en Polynésie, que ce soit via la propriété de nombreux capitaux ou l’ouverture récente d’un consulat.

Ainsi, dans le Pacifique insulaire, la stratégie d’influence de Pékin repose sur trois axes d’efforts principaux que sont :

– la puissance économique chinoise qui lui permet de peser dans les mécanismes décisionnels des États insulaires du Pacifique et de se positionner comme une alternative à l’offre occidentale (la Chine a racheté la dette du Vanuatu et îles Samoa et détiendrait près de 50 % de celle des îles Tonga).

– le développement des liens avec les élites locales ;

– le recours aux opérations de lutte informationnelle.

Il convient également de souligner l’activisme géopolitique croissant des États-Unis en Océanie. Les FANC ont ainsi rapporté : « Loin de faire de l’aide humanitaire (HADR) une réelle priorité en soi, ils y voient un motif d’influence et proposent des actions et des moyens conséquents afin de profiter de ces opportunités de soutien pour consolider leurs appuis. Forts de leurs partenariats et d’une coopération croissante dans la région, les États-Unis tentent de contrer l’influence chinoise qui tend à évoluer dans une multitude de champs (sanitaire, infrastructure, éducation/formation) et dans les pays notamment du nord de la zone de responsabilité des FANC (surtout îles Salomon, Vanuatu, ou encore Papouasie Nouvelle-Guinée). » Les FAPF observent également une présence américaine nouvellement croissante dans les archipels polynésiens (fréquentes escales de bâtiments de garde-côtes notamment et agence consulaire américaine très active de près de 120 m2 à Papeete.) L’Australie a également ouvert un consulat général il y a deux ans à Papeete.

Parce que la zone Asie-Pacifique et l’océan Indien font l’objet d’une stratégie de conquête de la puissance chinoise, les FANC, les FAPF et les FAZSOI y sont des acteurs majeurs de l’action de défense de la France afin que ces zones ne se réduisent pas à être exclusivement un théâtre des rivalités sino-américaines.

La France doit être un acteur indépendant, dont l’action est tournée au service de la paix.

3.   Des territoires caractérisés par des enjeux économiques majeurs

La présence des forces de souveraineté françaises dans les Outre-mer s’insère également dans des zones au cœur d’enjeux économiques majeurs.

La zone Caraïbe recèle en effet un potentiel de développement significatif puisqu’elle abrite 20 % des réserves d’hydrocarbures mondiales encore sous-exploitées, 35 % de l’activité de croisière mondiale et héberge le canal de Panama, points de passage majeur des flux de commerce mondial. Concernant la protection de la ZEE française, les FAA ne « constatent pas de menace directe sur la ressource halieutique française malgré le mythe tenace de la pêche asiatique ».

Les FAZSOI ont fait part à votre rapporteur d’une présence « silencieuse mais efficace » de la Chine dans le domaine économique et dans des dons de matériels à certains pays partenaires.

Concernant les ZEE de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna, elles demeurent préservées de pêche et de trafics illégaux en grande partie grâce aux moyens des FANC déployés dans la zone. Les FANC participent activement chaque année aux opérations de police des pêches de la FFA (Forum Fisheries Agency) et de la WCPFC (Western and Central Pacific Fisheries Commission).

4.   Des territoires aux avant-postes du bouleversement climatique

La présence des forces de souveraineté françaises répond également à un enjeu climatique. Face aux manifestations toujours plus violentes du bouleversement climatique dans la zone de responsabilité permanente des FAA, ces dernières sont intervenues régulièrement à la suite de catastrophes climatiques et humanitaires. Dans la zone de responsabilité des FAPF et des FANC, les micros-États insulaires de l’Océanie sont directement menacés par le réchauffement climatique.

En Guyane, les FAG participent aux côtés des forces de gendarmerie à la protection des ressources la forêt amazonienne en luttant contre l’orpaillage illégal.

Dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF), les missions d’actions de l’État en mer menées par les FAZSOI participent à la sauvegarde de la biodiversité inestimable des eaux de la ZEE française. Les FAZSOI ont dans leur zone de responsabilité 59 % des aires maritimes protégées françaises.

Enfin, en Polynésie française, les FAPF participent activement à un enjeu de non-prolifération au travers des missions de garde et de stationnement sur les atolls de Mururoa et d’Hao depuis la fin des essais nucléaires français et le démantèlement du centre d’expérimentation du pacifique (CEP).

B.   Dans un périmètre juridique et géographique complexe, le contrat opérationnel des forces de souveraineté prévoit À la fois des missions permanentes et des missions de crise

1.   Un cadre juridique complexe et un périmètre géographique immense

a.   La zone économique exclusive (ZEE)

La notion de zone économique exclusive (ZEE) désigne l’espace maritime sur lequel, en application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 dite « Convention de Montego Bay », un État côtier exerce, d’une part, ses droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques et, d’autre part, sa juridiction en ce qui concerne la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages, la recherche scientifique marine, la protection et la préservation du milieu marin.

Les zones économiques exclusives (ZEE) françaises sont situées à 97 % dans les Outre-mer.

Les commandants supérieurs des forces armées dans les Outre-mer (COMSUP) sont chacun compétents pour les ZEE relevant du ou des territoires où ils exercent leur commandement, bien que la taille des ZEE soit relativement hétérogène. Par exemple, la ZEE de la Guyane, située le long de la bande côtière du département ainsi que dans les eaux limitrophes du Brésil et du Suriname, est particulièrement limitée, tandis que le COMSUP des FAA est compétent pour une très vaste ZEE y compris au large de la Guyane.

Par ailleurs, une grande partie de l’activité des forces dans les ZEE s’exerce dans le cadre de l’action de l’État en mer (AEM). Si l’AEM est exercée sous l’autorité du délégué du gouvernement (DDG) qui est le préfet, le commandant de zone maritime (CZM) est soit le COMSUP si celui-ci est un officier général de la Marine nationale, soit son adjoint interarmées. Le COMSUP-CZM assiste et conseille le délégué du gouvernement dans ce cadre.

Il en résulte que des missions de défense sont exercées dans la ZEE par la Marine nationale ou par l’Armée de l’air et de l’espace (AAE), comme la surveillance et l’intervention aux approches.

b.   La zone de défense et de sécurité (ZDS)

Le code de la défense met en œuvre une cohérence entre l’organisation civile en zones de défense (ZDS) et l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD), chaque ZDS disposant d’un officier général de zone de défense et sécurité, conseiller militaire du préfet de zone. Le commandant supérieur des forces armées dans les Outre-mer (COMSUP) exerce les missions d’officier général de ZDS conformément aux dispositions du code de la défense sur l’Outre-mer.

c.   La zone de responsabilité permanente (ZRP)

La notion de zone de responsabilité permanente (ZRP) est spécifique aux Outre-mer. Elle résulte d’une disposition prise par le chef d’état-major des Armées (CEMA) régissant l’organisation militaire hors du territoire hexagonal délimitant une zone géographique dans laquelle un commandant interarmées (en l’espèce, le COMSUP) exerce des missions permanentes fixées par le CEMA. Les COMSUP remplissent donc leurs missions non seulement sur le territoire national ou dans la ZEE, mais également à l’étranger. Les ZRP dépassent ainsi les seules ZEE françaises et s’étendent aux pays alentour. Les zones de responsabilité permanente et les zones maritimes ne se confondent pas mais ont des tracés superposables dans un souci de cohérence entre contrôle opérationnel et missions administratives.

Au sein de la ZRP, comportant des espaces terrestres, aériens et maritimes, le COMSUP décline les fonctions stratégiques (connaissance et anticipation, intervention, protection, prévention) sur le territoire national et ses approches, dans la ZEE et à l’étranger. Le COMSUP développe dans la ZRP une « expertise de théâtre », projette d’éventuelles opérations extérieures (maintien de la paix, évacuations de ressortissants), contribue aux relations internationales militaires (RIM) et conduit éventuellement une coopération opérationnelle militaire régionale.

Afin d’organiser les forces armées dans les Outre-mer, le ministère des Armées raisonne selon une « logique de théâtre ». Le MINARM distingue ici trois principaux théâtres : Caraïbes, Pacifique (où certaines compétences sont également réparties entre les COMSUP des FANC et des FAPF) et océan Indien.

Certaines ZRP sont particulièrement étendues, comme la ZRP dont a la charge le COMSUP des FAZSOI : couvrant 14 pays, elle représente 24 millions de km2, recoupe 2,8 millions de km2 de zone économique exclusive (voir carte infra).

d.   En Polynésie française, la zone Asie- Pacifique (ALPACI)

Le théâtre PACIFIQUE est partagé entre deux ZRP distinctes, confiées respectivement au commandant supérieur des Forces Armées en Nouvelle-Calédonie (Australie, Océanie) d’une part, et au commandant supérieur des Forces Armées en Polynésie Française d’autre part (cette ZRP couvrant le reste du Pacifique des Amériques à l’Asie du Sud-est et la Polynésie française).

Par ailleurs, le COMSUP des FAPF exerce également les fonctions de commandement de la zone maritime Asie-Pacifique (ALPACI) et des forces maritimes dans le Pacifique, ce qui lui confère la responsabilité d’une zone aux élongations substantielles et le place dans une position unique par rapport aux autres COMSUP. À ce titre, il est chargé du contrôle opérationnel des moyens militaires français opérant dans sa zone, qui s'étend du détroit de Malacca à la côte australienne, au méridien du cap sud de la Tasmanie à l’ouest et aux côtes américaines à l'est.


Commandements associés aux zones de responsabilité permanentes et aux zones maritimeshttps://www.senat.fr/rap/r22-012/r22-0126.png

2.   Les missions permanentes des forces de souveraineté

Les contrats opérationnels des forces de souveraineté leur assignent trois missions permanentes ainsi que des missions de gestion de crise que les COMSUP mettent en œuvre dans le cadre de leur zone de responsabilité permanente.

a.   La connaissance-anticipation de la zone de responsabilité permanente (ZRP)

La première mission permanente assignée aux forces de souveraineté poursuit deux objectifs :

 

– Entretenir une connaissance de la ZRP afin de contribuer à l’anticipation des crises et de proposer des réponses appropriées.

Les forces de souveraineté doivent ainsi développer une « expertise de théâtre » dans le périmètre de leur zone. Cette connaissance-anticipation suppose ainsi le développement de relations internationales militaires avec les États situés dans le théâtre régional, au titre de la coopération militaire avec les armées étrangères. Cette connaissance est également nourrie par les nombreux échanges avec les personnels français au sein des missions diplomatiques. Les nombreux exercices militaires conjoints ou escales d’armées étrangères contribuent à renforcer cette connaissance.

– Contribuer à la collecte de renseignement d’intérêt militaire (RIM).

b.   La protection du territoire national et la sécurité des intérêts nationaux

La seconde mission permanente décrite dans les contrats opérationnels recouvre deux objectifs :

– Contribuer à la protection du territoire national, de la population et des installations stratégiques ;

En Polynésie française, deux sections du Régiment d’infanterie de marine du Pacifique-Polynésie (RIMaP-P) assurent la protection et la sauvegarde sept jours sur sept de l’atoll de Mururoa, tandis qu’en Guyane, les militaires du 3ème régiment étranger d’infanterie (3ème REI) assurent la surveillance du centre spatial guyanais à Kourou.

– Contribuer à la sécurité et à la préservation des intérêts nationaux dans les espaces sous souveraineté française, en soutien de l’action de l’État.

Dans les Outre-mer, les forces de souveraineté peuvent être amenées à intervenir en appui des forces de sécurité intérieure (FSI), à des fins de sécurité publique ou de sécurité civile. Ce faisant, elles agissent soit dans le cadre d’une réquisition administrative (mise à disposition de capacités complémentaires aux forces de sécurité intérieure pour atteindre l’effet recherché), soit sur réquisition judiciaire, à l’initiative d’un juge d’instruction, du parquet ou d’un officier de police judiciaire (OPJ).

Les forces de souveraineté peuvent aussi répondre à une demande de concours de la part d’autres administrations. Elles interviennent alors sur la base d’une convention ponctuelle ou d’un protocole, sans y être contraintes.

Si certaines missions en appui des FSI sont strictement temporaires (comme l’appui des FANC aux forces de sécurité intérieure (FSI) dans le cadre du référendum en Nouvelle-Calédonie, d’autres missions peuvent revêtir un caractère quasi-permanent. Il en va ainsi d’ordres de réquisition récurrents (mission TITAN pour la protection du Centre spatial Guyanais, et mission HARPIE pour la lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI)). Concernant la mission HARPIE de LCOI, les FAG apportent leur appui aux FSI dans le cadre d’un ordre de réquisition permanent, sous l’autorité du préfet de région et du procureur de la République.

c.   Affirmer la présence de la France et contribuer à la stabilité de la ZRP

La troisième mission permanente consiste dans l’affirmation de la présence française et la contribution à la stabilité de la ZRP. Cette mission suppose le développement des relations militaires internationales sous la responsabilité du CEMA. Les COMSUP sont chargés de mettre en œuvre dans le cadre de leur ZRP les relations militaires internationales bilatérales ainsi que les coopérations opérationnelles avec les forces armées de partenaires dans la zone, en s’appuyant notamment sur le réseau diplomatique. Le cadre général des RIM est établi par le CEMA sous l’autorité du Ministre des Armées tandis qu’une circulaire annuelle de l’EMA-Emploi actualise ces priorités pour les COMSUP.

À titre d’exemple, la coopération régionale menée par les FAA s’articule autour de trois piliers majeurs :

– un partenariat stratégique avec les États-Unis ;

– un axe européen franco-néerlandais dans le cadre de l’Initiative européenne d’intervention (IEI) Caraïbe ;

– des pôles régionaux de coopération.

En termes d’exercices, d’entraînements et d’opérations conjoints, la fréquence des activités est variable selon les partenaires : ainsi les FAA participent-elles à TRADEWINDS chaque année tandis que les forces armées américaines participent à CARAÏBE tous les deux ans et à l’opération NARCOPS toute l’année. Les forces armées néerlandaises mènent des entraînements en Martinique (CNEF, TCHEMBE/MADIANA) ou dans les îles ABC/Nord (Humanitarian aid and disaster relief (HADR) deux fois par an et participent également toute l’année à l’opération NARCOPS.

Auditionné par votre rapporteur, le commandant supérieur des forces armées aux Antilles a souligné que « l’ensemble des activités conduites (déplacements d’autorité, opérations/exercices conjoints, entrainements spécifiques et escales) permettent de développer l’interopérabilité des FAA (perspective d’une intervention en cas de crise ou de catastrophe naturelle). Celles-ci ont également constitué un levier de rayonnement et un moyen de consolider notre appréciation de situation. L’expertise des FAA et leur action volontariste en matière de coopération dans la Caraïbe sont reconnues, renforçant ainsi leur position d’acteur majeur de la stabilité régionale. » En 2022, un exercice emblématique majeur, CARAÏBES 22, a été conduit sur trois îles françaises, rassemblant 2 200 participants, l’EMIA des FAA ainsi que l’ensemble des services de soutien renforcés par les FAG. Aux côtés de la Marine nationale, la Marine américaine a intégré le scénario de CARAÏBES 2022 avec l’USS Carter Hall, un bâtiment amphibie basé à Little Creek, en Virginie et le littoral combat ship USS Billings, basé à Mayport, en Floride. ([18])

En conformité avec les priorités du CEMA, les relations militaires internationales conduites par les FAZSOI priorisent, tant en nombre d’actions de coopération qu’en qualité et en diversité, Madagascar, les Comores et le Mozambique, tout en entretenant une relation bilatérale de très bon niveau avec Maurice et les Seychelles.

Les FANC développent des partenariats majeurs avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande (élaboration de doctrines, entraînements mutuels, missions conjointes, interopérabilité, retour d’expérience, formation) ainsi qu’avec les États-Unis (USINDOPACOM) mais également le Japon, de plus en plus présent dans la ZRP du COMSUP des FANC. Les FANC soutiennent et accompagnent les forces militaires et de sécurité des États Insulaires du Pacifique (EIP) (instruction technique, instruction opérationnelle, coopération de défense, etc.) en vue de développer leur résilience. Avec les grandes puissances militaires de la zone, la coopération s’effectue au sein d’instances multinationales de coordination opérationnelle telles que le « Pacific QUAD » (FR-AUS-NZ-USA), forum axé sur la sécurité maritime et la coordination de la surveillance des ZEE des EIP, ou le « South West Pacific Coordination Forum » (FR-AUS-NZ-USA-JPN-UK), traitant de la planification régionale des activités de préparation militaire opérationnelle à dominante terre au profit des EIP.

3.   Les missions de gestion de crise

a.   Conduire, participer ou soutenir une opération de secours d’urgence sur le territoire national (événements naturels ou technologiques, aide humanitaire).

L’ensemble des territoires ultramarins ainsi que de de nombreux États de leur région sont exposés de manière plus ou moins immédiate à des risques naturels ou technologiques. Les forces de souveraineté doivent donc être en mesure de conduire, participer ou soutenir des opérations de secours, de sécurisation ou de reconstruction, sur le territoire national ou dans les États voisins sinistrés par un risque majeur.

En amont des crises, le COMSUP est associé par le préfet à la planification locale dans le cadre des plans ORSEC.

L’année 2022 a ainsi été marquée par le passage de la tempête tropicale Fiona sur la Guadeloupe au mois de septembre. Les FAA, sur demande de la Préfecture de zone, sont intervenues au profit des FSI et de la population locale afin d'aider au rétablissement de la situation après les inondations. Le 33e RIMa a contribué aux missions de souveraineté en Guadeloupe et dans les îles du Nord. Il est intervenu au côté du RSMA-G (régiment du service militaire adapté stationné en Guadeloupe) pour porter assistance à la population touchée par la tempête.

b.   Conduire, participer ou soutenir une opération militaire dans la ZRP (secours aux populations ou RESEVAC).

Les forces de souveraineté doivent pouvoir intervenir rapidement, seules ou appuyées par des renforts venus de l’hexagone ou de pays alliés, afin de mener des opérations d’évacuation de ressortissants français ou étrangers en cas de crise politique ou militaire dans un État de la ZRP.

En Polynésie française, un détachement Mixte du Commissariat (DMC), constitué au sein de la DICOM-GSBdD PF depuis 2021 est capable d’assurer le soutien d’une force déployée de 300 personnels et de mettre en œuvre un centre de regroupement et d’évacuation de ressortissants (CRER). Selon les conditions de l'opération d'évacuation des ressortissants, du nombre de personnes à évacuer, de l'urgence de l'opération, des moyens d'acheminement, du site géographique, des possibilités locales de déploiement et de soutien, 4 types de CRER peuvent être constitués :

→ le module EVAC INFO (effectif de 21 personnes) ;

→ le CRER de type A (effectif de 44 personnes) ;

→ le CRER de type B (effectif de 85 personnes) ;

→ le CRER lourd (effectif de 200 personnes).

Il convient de noter que les contrats opérationnels ne prévoient pas de hiérarchisation entre les missions permanentes et les missions de crise, mais rendent possible la notion de bascule d’efforts entre chacune, selon les priorités du théâtre.

4.   De fréquentes demandes de concours et de réquisition des forces de souveraineté au nom d’un « continuum de défense et de sécurité » dont il est fait un usage parfois trop large :

Parce que la politique de défense contribue également à la sécurité nationale, les forces de souveraineté interviennent parfois ainsi :

– soit dans le cadre de la défense non militaire, sous l’autorité du préfet de zone de défense et de sécurité ;

– soit encore dans le cadre de l’action de l’État en mer, sous l’autorité du délégué du gouvernement (préfet ou haut-commissaire dans les COM) pour l’action de l’État en mer (AEM).

Concernant la participation des forces armées à la défense et à la sécurité civile, le code de la Défense prévoit dans son article L.1321-2 que « le ministre de l'intérieur reçoit du ministre de la défense, pour le développement et la mise en œuvre de ses moyens, le soutien des services et de l'infrastructure des armées et, notamment pour le maintien de l'ordre public, l'appui éventuel de forces militaires ».

L’instruction interministérielle n° 10100 précise le cadre de l’intervention des armées sur réquisition civile. Cette instruction « relative à l’engagement des armées sur le territoire national lorsqu’elles interviennent sur réquisition de l’autorité civile », souligne bien la primauté de l’action des forces de sécurité intérieure sur le territoire national et en temps de paix. C’est seulement lorsque les moyens de l’autorité civile sont « inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles » (règle dite des quatre I), que les armées peuvent être réquisitionnées par le préfet de zone de défense pour renforcer les FSI. Le chef d’état-major des armées conserve, à travers le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), la maîtrise de l’emploi des capacités militaires. Le COMSUP est lui responsable de l’exécution des missions confiées aux unités réquisitionnées.

Comme vu précédemment, les forces de souveraineté apportent régulièrement leur concours aux pouvoirs publics. Une mission permanente opérationnelle, sous réquisition du préfet comme TITAN pour la protection du centre spatial guyanais (CSG) justifie que les FAG disposent des capacités permanentes de surveillance de l’espace aérien. Ces capacités permettent de mettre ces moyens à profit pour d’autres missions : contribution à la mission HARPIE de lutte contre l’orpaillage illégal en soutien du COMGEND, surveillance maritime en appui à l’AEM ; l’armée de l’air et de l’espace concourt ainsi à la lutte, essentiellement maritime, contre la pêche illégale.

L’instruction précitée comporte en annexe des éléments sur l’emploi des services de soutiens des armées, notamment le service de l’énergie opérationnelle (SEO) et le service de santé des armées (SSA). Le SSA doit ainsi, selon le code de la santé publique, mettre ses moyens et ses savoir-faire à disposition de la Nation (sous réserve de la priorité accordée aux armées). Ainsi « la réactivité et la permanence de ses moyens, notamment grâce au dispositif santé de veille opérationnelle, participe ainsi de la résilience sur le territoire national, particulièrement en Outre-mer ».

Cette instruction pose donc le cadre de l’action des forces armées et singulièrement des forces de souveraineté dans le domaine de la sécurité intérieure et de la sécurité civile. Les COMSUP se montrent attachés au principe selon lequel les armées apportent un appui pour pallier ponctuellement le défaut de moyens civils mais ne constituent pas une facilité dont il pourrait être abusé.

Par ailleurs, l’instruction interministérielle n°2695 encadre la participation des armées à des missions relevant d'autres départements ministériels.

Cette instruction ministérielle datant de 1984 est relative aux demandes de concours faites aux armées afin de participer à des activités d’intérêt général « en renfort ou en remplacement de service publics de l’État normalement compétents ». Elle applique également la « règle des quatre I ». La décision relève, selon les enjeux, du ministre des armées ou du COMSUP. Le prêt de concours fait l’objet d’un protocole écrit précisant les conditions techniques et financières, tandis que la prestation fait également l’objet d’un remboursement portant sur les dépenses supplémentaires résultant de la nature de l’activité ou de la prestation fournie, sous la forme d’un rétablissement de crédits.

Votre rapporteur a pu constater en Polynésie française que réquisitions et demandes de concours fréquentes des forces de souveraineté peuvent entraîner une sur-sollicitation des forces, des soutiens et des matériels.

Les moyens aériens concourent aux évacuations médicales sur demande du SAMU au profit des populations civiles. Auditionnées par votre rapporteur, les FAA ont témoigné de la « très bonne collaboration entre SSA et SAMU/CHUM. Elle se concrétise par la réalisation d’exercice commun (CTM, Bellefontaine…), ainsi que la réalisation de garde en double SAMU et Service des urgences au travers d’une convention. Cette collaboration se fait également au niveau de l’ARS qui inclue le SSA dans le paysage médical martiniquais au travers des réunions pour le plan régional de santé (PRS). La Martinique est région pilote pour le protocole pluriannuel signé entre les deux ministères : Ministère de la défense et de la santé. »

Auditionné par votre rapporteur, le COMSUP des FANC a déclaré que « les missions de secours sont un volet important du contrat opérationnel des FANC qui y consacrent des moyens substantiels en alerte. Elles représentent la moitié des demandes de concours prises en compte. Après des pics constatés dans le contexte COVID, le nombre de missions EVASAN mises en œuvre par les FANC a tendance à se stabiliser (autour de la dizaine) même si elles interviennent dans plusieurs cas de figure systématiquement criblés par la règle dite des « 4i » :

– Aérotransport d’un patient depuis un navire croisant dans la zone de responsabilité du COSS NC. Les aéronefs des FANC sont les seuls existants sur le territoire à disposer d’une élongation permettant un secours hauturier tandis les équipages entretiennent des qualifications de treuillage quasi tout temps. À ce titre, plusieurs interventions dans des situations météorologiques très délicates ou à des distances extrêmes ont nécessité l’engagement des matériels et équipages aux limites des conditions d’emploi et avec l’usage de mode d’action innovant (Guidage par CASA d’un Puma vers un navire en haute mer et météo défavorable par exemple) ;

– Aérotransport d’un patient médicalisé, en NC, en collaboration avec le SAMU lorsque les moyens civils dédiés sont indisponibles ;

– Aérotransport d’un patient médicalisé hors gabarit, en NC, en collaboration avec le SAMU lorsque les moyens civils dédiés sont inadaptés ;

– Aérotransport d’un patient médicalisé depuis Wallis-et-Futuna en collaboration avec Europe Assistance et l’agence de santé de Wallis lorsque les moyens civils dédiés sont indisponibles ou inadaptés.

D’après le COMSUP des FANC, « les cas particuliers où une équipe médicale militaire de la DIASS NC se substitue aux personnels du SAMU ou Europe assistance doivent rester exceptionnels et nécessitent une coordination très fine entre les médecins pour des raisons de savoir-faire et de responsabilité. »

En Polynésie française, la DIASS a également constaté des pics importants d’évacuation sanitaire au moment du COVID. Si le rythme anormalement élevé d’EVASAN réalisés par les FAPF en lieu et place des autorités civiles a légèrement diminué, il se maintenait à un niveau supérieur à celui d’avant-Covid lors du déplacement du rapporteur en Polynésie française en juin 2023. Lorsque les moyens civils ne sont pas disponibles (Air Tahiti/Air Archipels), les Armées déploient un hélicoptère inter-administrations de type Dauphin ou des moyens purement militaires (Casa, Falcon 200). Au moment de la visite du rapporteur, un des deux hélicoptères Dauphin était en maintenance lourde. La disponibilité réduite des Dauphin pour les EVASAN entraîne en conséquence une sur-sollicitation des vecteurs militaires pour ce type de mission, bien que les CASA/Falcon 200 ne puissent se poser sur tous les terrains (en Polynésie, l’île habitée la plus isolée, Rapa, ne possède ni piste ni aérodrome et seul le Dauphin peut la desservir).

En Guyane, l’ancien COMSUP des FAG auditionné par votre rapporteur a également confirmé cette tendance. Un protocole d’accord a été conclu entre les autorités médicales civiles et les FAG en cas d’indisponibilité de l’hélicoptère civil DRAGON. En raison d’une priorisation des vecteurs aériens des FAG sur une opération en cours, l’ancien COMSUP des FAG a déclaré à votre rapporteur avoir dû renoncer une seule fois lors de son mandat à une demande d’assistance des autorités sanitaires civiles.

Votre rapporteur appelle donc l’attention de la commission sur la sur-sollicitation parfois observée des forces de souveraineté à l’occasion des EVASAN. Cette sur-sollicitation fait peser des contraintes fortes sur les personnels de soutien, les matériels et les vecteurs aériens des forces de souveraineté.

Proposition n°14 : L’État doit renforcer les moyens civils relatifs aux évacuations sanitaires dans les départements et régions d’Outre-mer afin de limiter la pression résultant des EVASAN pour les personnels, matériels et vecteurs des forces de souveraineté.

 

Proposition n°15 : Dans les collectivités d’Outre-mer, les autorités civiles doivent se réapproprier pleinement la compétence EVASAN qui leur revient en droit afin d’obérer le moins possible les capacités opérationnelles des armées.

En Polynésie française, en raison des élongations au sein d’un territoire grand comme l’Europe, le recours par l’ensemble des administrations aux moyens militaires des FAPF y est plus systématique que dans les autres Outre-mer. Des protocoles existent avec la gendarmerie nationale, les douanes, les agences régionales de santé ou la sécurité civile, qui profitent souvent d’un vol militaire pour délivrer des missions de service public dans les îles les plus éloignées de Tahiti. Les FAPF sont amenées à réaliser des missions inédites, comme du largage de bulletins de vote électoraux ou des professions de foi à bord de CASA dans les îles des 5 archipels de Polynésie française ne disposant pas de piste d’atterrissage.

C.   Un modèle de soutien spécifique pour des forces de souveraineté sacrifiées par la Révision Générale des Polititques Publiques (RGPP)

1.   Les effectifs des forces de souveraineté ont été sacrifiés sur l’autel de la RGPP

Les objectifs de la révision générale des politiques publiques ont été repris dans le livre blanc de 2008, qui prônait une « une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes. [...] les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'Outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites ».

En application de ces principes, les effectifs civils et militaires des forces de souveraineté ont baissé de près de 21 % entre 2010 et 2018. Le schéma de restructuration des forces de souveraineté, initié en 2010, avait pour objectif de recentrer les forces sur leurs missions militaires tout en conservant une capacité d'intervention en soutien de l'action de l'État dans les situations d'urgence. Il visait une déflation des effectifs de 23 %, qui devaient être réduits de 10 644 à 8 244 militaires et personnels civils. La loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a imposé au ministère de poursuivre l’effort par une diminution supplémentaire de 500 postes militaires et civils dans l’ensemble des unités ultramarines sur la période 2015-2017.

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Afin de limiter cet effort, l’état-major des Armées a compensé la suppression de ces postes en mission longue durée (MLD) par la création de 300 postes en mission courte durée (MCD).

La réduction drastique du format des forces s'est accompagnée d'une réduction d’environ 35 % des effectifs des soutiens (DIRISI et DICOM-GsBdD principalement) à partir de la création de bases de défense et de leurs groupements de soutien. Bien évidemment, l'effort a également porté sur les effectifs opérationnels des forces, qui ont diminué en raison de la disparition d'unités élémentaires de régiments et de réorganisations (disparition, par exemple, de la base aérienne des FAPF remplacée par un très modeste « détachement air »).

En comparaison, sur la période 2008-2018, les effectifs globaux du ministère ont diminué de près de 15 %, passant de 317 555 à 270 384 ETP. L’effort de réduction des effectifs dans les Outre-mer a donc été supérieur à l’effort hexagonal.

À la suite des restructurations décidées, le dispositif des forces de souveraineté affectées dans les Antilles et en Guyane a été profondément réorganisé en 2012. Pour la composante Terre, le 41e bataillon d’infanterie de Marine en Guadeloupe a été dissous et un détachement Terre Antilles a été rattaché au 33e RIMa à Fort de France, qui est ainsi devenu le dernier régiment de l’armée de Terre des Caraïbes. Concernant la composante Air, la base aérienne 365 en Guadeloupe a été dissoute pour donner naissance à un « pôle aéronautique étatique » en Martinique sans vecteur aérien propre, le dispositif aéroterrestre étant recentré sur la Guyane.

La loi de programmation militaire pour les années 2019-2025 a mis fin à la réduction continue des effectifs en actant un renforcement limité des moyens humains et capacitaires des forces. La LPM 2019-2025 et son actualisation stratégique en 2020 ont notamment acté le renouvellement de la capacité des patrouilleurs (livraison des patrouilleurs Antilles-Guyane en 2019 ainsi que de 6 patrouilleurs Outre-mer entre 2022 et 2025).

Aujourd’hui, le format des forces de souveraineté reste « taillé au plus juste » et les personnels sont très souvent « multi-casquettés ».

Les forces de souveraineté comptent environ 8 500 personnels dont 6 400 personnels permanents et 2 100 personnels militaires en mission de courte durée.

• Les forces armées aux Antilles (FAA) sont composées de 1 334 personnels dont 233 personnels civils (17 % de civils). Le schéma ci-après explicite l’évolution des effectifs des FAA depuis la mise en œuvre de la RGPP :

• Les forces armées en Guyane (FAG) représentent le gros contingent dans les Outre-mer, avec près de 2 400 personnes.

•Les forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) représentent environ 2 100 hommes et femmes dont 220 civils (10 %) et 350 réservistes (16 %). En moyenne, 530 personnes (25 %) sont en mission de courte durée (4 mois).

• L’effectif total en organisation pour 2023 des forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI) est de 2 050 personnels, répartis en 1 771 militaires (1 293 permanents, 479 MCD) et 278 Civils. Parmi les 2 050 personnels, 1 622 sont affectés à La Réunion et 428 à Mayotte.

• L’effectif total en organisation des forces armées en Polynésie française était de 1 235 personnes soutenues (1 017 personnels militaires et 219 personnels civils) en septembre 2022. 70 % des personnels sont des personnels en MLD, les 30 % restants étant en MCD.

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2.   L’organisation spécifique des soutiens dans les Outre-mer accroît substantiellement la proximité des soutiens avec les missions opérationnelles des forces

a.   Dans les Outre-mer, le commandant supérieur des forces armées commande également la base de défense

Les commandants supérieurs des forces armées (COMSUP) dans les Outre-mer exercent trois types de responsabilités :

des responsabilités opérationnelles en tant que commandant supérieur des forces armées (COMSUP) et de commandant de la zone de responsabilité permanente (COMZRP). Il est contrôleur opérationnel des formations qui lui sont affectées dans sa zone de responsabilité permanente (ZRP) et des formations qui y seraient déployées, dans une logique de « point d’appui » ;

des responsabilités de soutien en tant que commandant de la base de défense (COMBdD) ;

des responsabilités territoriales en tant qu’officier général de la zone de défense et de sécurité (OGZDS).

Afin d’exercer ses responsabilités, le COMSUP dispose d’un état-major interarmées (EMIA) qui est organisé en divisions fonctionnelles (emploi, logistique, relations internationales, renseignement). L’EMIA est la structure de commandement pour la planification, la conduite et le soutien de toutes les opérations et activités opérationnelles dans la ZRP de chaque COMSUP.

Le COMSUP est responsable de la bonne exécution du contrat opérationnel établi par l’EMA et participe à la programmation des exercices interarmées dans la zone avec celui-ci.

Enfin, le COMSUP est en lien avec le centre opérationnel de la préfecture qui peut adresser aux forces de souveraineté des demandes de concours afin de renforcer les autres services de l’État.

Le COMSUP, toujours un général ou un amiral, est assisté d’un adjoint interarmées, d’un chef d’état-major interarmées, d’un officier de sécurité des systèmes d’information, d’un bureau d’études générales, d’un bureau de l’action de l’État en mer, d’un coordonnateur interarmées à la prévention, d’un bureau interarmées du logement, d’une « autorité maintenance », d’un bureau des ressources humaines des personnels civils, et enfin, d’une base de défense.

Les articles D-1221-1 et D-1222-2 du code de la défense disposent que la préparation des forces armées relève du commandement organique et leur emploi, du commandement opérationnel, et que ces deux commandements peuvent être exercés par une seule et même autorité, ce qui est le cas dans les Outre-mer. Le commandement unique du COMSUP présente de nombreux avantages opérationnels : ainsi, parce que le COMSUP a une vision à 360° sur l’ensemble des moyens utilisés par les armées dans sa ZRP, il peut si besoin décider très rapidement d’une bascule d’effort en réallouant des moyens vers des missions prioritaires. Dans le cas de la crise IRMA, des moyens substantiels de la Marine nationale, qui étaient utilisés dans le cadre d’une opération d’AEM, ont été basculés dans un délai très bref vers les zones sinistrées par l’ouragan.

Concernant l’exercice des fonctions de soutien, votre rapporteur estime que l’exercice des fonctions de COMSUP et de COMBdD par la même autorité comporte de nombreux avantages : meilleure adéquation et intégration du soutien aux missions opérationnelles des forces et vision exhaustive des moyens financiers et RH des unités déployées dans la ZRP.

En tant que chef des soutiens, le COMSUP arbitre entre les besoins exprimés et veille à la coordination de l’ensemble des services, qu’il s’agisse du soutien d’administration générale et des soutiens communs délivrés par la direction du commissariat - groupement de soutien de la base de défense (DICOM-GSBdD) des soutiens spécialisés interarmées (SSA, DIRISI, SEA, SIMu) et des soutiens apportés par le SGA (SID, DCSN, DRH-MD).

Chaque semestre, le COMBdD anime un comité de coordination qui réunit tous les chefs d’unités ou leurs délégataires afin d’évaluer la qualité du soutien rendu.

À la différence de l’hexagone, le COMSUP est l’autorité d’emploi des formations de soutien. Dans l’hexagone, les unités « embasées » dépendent fréquemment d’un échelon intermédiaire d’armée (arrondissement maritime, zone terre, etc.), d’un état-major zonal pour ce qui relève des opérations sur le territoire national, d’un échelon opérationnel (brigade etc.), soit une variété d’échelons à compétence territoriale variable. L’organisation locale peut y être complexe, sans unité territoriale forcément cohérente.

La mise pour emploi des soutiens, sans casser la chaîne de l’autorité fonctionnelle des soutiens, permet d’allier efficacité, réactivité et rationalisation des soutiens.

Chaque organisme de soutien local reste également en liaison directe avec sa chaîne organique, qui est différente selon le service (un directeur pour le SCA, la DIRISI, la DID, un commandant de formation administrative pour le SSA, une formation administrative (FA) unique pour tout l'Outre-mer et l’étranger (OME) pour le SIMu, et une FA zonale pour le SEO).

Auditionnés par votre rapporteur, les FAZSOI ont déclaré que « l’intérêt d’un COMSUP/COMBdD qui cumule les fonctions de chef opérationnel et de chef du soutien dans les Outre-mer est de répondre rapidement aux besoins opérationnels dans une zone de responsabilité caractérisée par un environnement géographique immense. La concentration de l’autorité offre une plus grande fluidité dans les processus décisionnels et une meilleure cohérence dans les arbitrages qui sont plus justement appréciés au regard des besoins opérationnels et des contrats fixés aux formations. »

Un constat largement partagé par les forces armées aux Antilles (FAA) également auditionnées par votre rapporteur : « La base de défense des FAA fonctionne très bien, favorisée en cela par la co-implantation des acteurs locaux sous l’autorité du COMSUP/COMBdD (unicité du commandement). L’unicité du commandement a pour avantage le fait que « l’opérationnel » (COMSUP) est pleinement conscient des problématiques de « soutien » (COMBdD). Éloignement, colocalisation et taille sont des facteurs contributifs, ils permettent de fédérer autour de la mission. Cela donne de la robustesse RH. ».

Le COMSUP des FAPF a reconnu « prendre des arbitrages financiers en pleine connaissance des arbitrages opérationnels, notamment sur les infrastructures », ce qui favorise la « cohérence de la force ».

Toutefois, le modèle d’unicité de commandement COMSUP/COMBdD est particulièrement adapté au théâtre ultramarin, en raison de la relative simplicité de la chaîne opérationnelle et de la taille relativement modeste des bases de défense. Les moyens de soutien ultramarins y sont relativement bien dimensionnés, en raison de l’éloignement avec l’hexagone. Le Directeur central du service du commissariat des Armées (SCA) a estimé devant votre rapporteur qu’il n’était pas possible de déployer dans les 45 groupements de soutien des BdD hexagonales les mêmes moyens que dans les Outre-mer, les GSBdD fonctionnant « en autarcie, sans bascule d’effort ». En outre, les services de soutiens affectés dans les bases de défenses ultramarines ne sont pas projetables en opération extérieure, ce qui est un point majeur distinctif des services de soutien hexagonaux. Ce modèle, s’il ne peut donc pas être transposable tel quel dans les bases de défense hexagonales, s’avère néanmoins inspirant pour penser une réforme à venir des soutiens.

b.   Un modèle fécond pour penser les transformations des armées

Le modèle de commandement unique COMSUP/COMBdD concentre de nombreux avantages, parmi lesquels une synergie accrue entre opérationnel et soutien. Ce modèle d’unicité de commandement entre le chef des soutiens et le chef militaire existait avant la création des bases de défense et l’interarmisation des soutiens.

Sans vouloir revenir en totalité sur la réforme des bases de défense et l’interarmisation des soutiens dans l’hexagone, votre rapporteur pense nécessaire de rapprocher encore davantage les soutiens des impératifs opérationnels des trois armées, dans une logique de proximité renforcée.

Proposition n°16 : Rapprocher davantage les soutiens des impératifs opérationnels des trois armées, dans une logique de proximité renforcée.

Si les forces de souveraineté bénéficient d’un modèle de soutien spécifique aux Outre-mer qui renforce l’adéquation des soutiens aux besoins opérationnels des forces soutenues, le soutien et le format des forces de souveraineté ont été particulièrement affectés par les mesures de la RGPP à partir de 2008. Aujourd’hui, les soutiens dans les Outre-mer connaissent de nombreuses fragilités.

Sans une consolidation majeure des effectifs et des moyens consacrés aux soutiens ultramarins, la bonne mise en œuvre des points d’appui sera indubitablement compromise.


II.   Les forces de souveraineté peuvent compter sur UN MODÈLE DE SOUTIEN SPÉCIFIQUE QUI PRÉSENTE DE NOMBREUSES FORCES EN DÉPIT DE DIFFICULTÉS certaines

A.   Un modèle de soutien ultramarin aux prises avec des problématiques spécifiques aux Outre-mer

a.   La tyrannie des distances : les difficultés et les délais d’acheminement logistique du soutien des forces

Le stationnement des forces de souveraineté dans les Outre-mer engendre la nécessité de soutenir en temps réel environ 8 500 personnels militaires et civils, parfois situés à plus de 25 heures de vol de Paris dans le cas des FANC. Les zones à soutenir sont immenses, à l’instar de la Polynésie française qui couvre une zone huit fois plus grande sur la surface hexagonale (4,8 millions de km2 de zone économique exclusive et 4 200 km2 de terres).

En raison des élongations dues à l’éloignement de l’hexagone, le soutien des forces de souveraineté représente un défi de tous les instants. La réactivité des services de soutien dans les domaines opérationnels et techniques (matériels et véhicules opérationnels, pièces détachées, armement, habillement) est souvent tributaire des affrètements maritimes, des voies aériennes civiles (VAC), des procédures de dédouanement, etc. Ces contraintes impliquent des délais incompressibles et parfois paralysants qui sont autant d’irritants pour les formations soutenues.

La vulnérabilité du modèle tient également à l’isolement des bases de défense ultramarines, alors que les bases de défense hexagonales peuvent bénéficier de renforts inter-BDD. Les ruptures ou aléas budgétaires ont des répercussions fortes sur le fonctionnement de chacune des forces, notamment concernant la fonction immobilière. Par ailleurs, les frais douaniers, l’octroi de mer et diverses taxes majorent le prix des matériels importés (informatique, ameublement, etc.).

Pour les FANC comme pour les FAPF, la voie maritime affrétée (VMA) est annuelle et subvient à la fois aux besoins des forces de souveraineté mais également aux besoins des forces de sécurité intérieures. Il convient de souligner que l’unique VMA annuelle des FAPF passe par le détroit de Taïwan, ce qui constitue une vulnérabilité supplémentaire dans une hypothèse de tensions internationales paroxystiques avec Pékin.

Les FAA et les FAZSOI sont normalement desservies par trois affrétés maritimes annuels. Le CSOA est l’ordonnateur de ces affrétés maritimes.

La VAC est essentiellement utilisée pour les mouvements de personnel, notamment dans le cadre du plan annuel de mutations. La VAC peut parfois être utilisée pour l’acheminement de matériels spécifiques ou de commandes urgentes, notamment lorsque ce type d’acheminement est intégré dans les clauses contractuelles des fournisseurs de pièces détachées.

Auditionnées par votre rapporteur, les FAZSOI ont souligné l’enjeu majeur qui est le leur de répondre aux besoins des 30 unités soutenues dans un « cadre espace-temps complexifié par la répartition géographique au sein de la base de défense, en raison de l’éloignement entre La Réunion et Mayotte et entre La Réunion et les îles Éparses. Ces enjeux pourraient trouver un écho similaire auprès des FAA et FAPF, mais de manière moins dimensionnante car le volume d’unités à soutenir sur ces territoires est moins important qu’à La Réunion-Mayotte (une seule base navale, un seul régiment des forces, et des RSMA moins dimensionnés) ».

En Polynésie, les FAPF doivent assurer une permanence de soutien au détachement du RIMaP-P chargé de la surveillance quotidienne de l’atoll de Mururoa, situé à 1 200 km de la grande île de Tahiti et près de 4 heures de vol en Casa.

L’exercice de certaines fonctions de soutien est complexifié à l’extrême sous le double effet des élongations et de l’isolement insulaire. Ainsi, toujours en Polynésie, sur les 118 îles de la Polynésie française, seulement 34 sont accessibles en Falcon200 Guardian. Sur ces 34 terrains :

– 15 sont limitatifs en emport carburant ;

– 17 disposent de carburant : 2 sans préavis (Tahiti et Hiva-Oa), 2 sous faible préavis (atoll d’Hao et île de Nuku hiva), 12 sous 4 jours de préavis en opérations et 1 sur réquisition du Haut-Commissariat (Raivavae).

b.   Le climat dans les Outre-mer complexifie également le quotidien des soutiens

Le climat souvent extrêmement rude dans les Outre-mer complexifie également le travail des chaînes de soutien. En Guyane notamment, le climat humide et tropical entraîne une usure accélérée des matériels de soutien du quotidien (flottes de véhicules, chaussures etc.). La durée moyenne de vie des matériels y est donc considérablement réduite par rapport à l’hexagone. Au sein des GSBdD, les DICOM doivent mettre en œuvre des mesures de climatisation et de régulation de l’hygrométrie très coûteuses afin de conserver dans les meilleures conditions possibles les stocks d’habillement. Le climat guyanais entraîne également une dégradation plus rapide du bâti : ainsi, le coût d’entretien des infrastructures domaniales des FAG augmente de 10 euros au m2 tous les 5 ans, selon l’ancien COMSUP des FAG.

Une problématique similaire, bien que sans doute moins aiguë, a été relayée à votre rapporteur par les FAPF. En raison de températures moyennes très élevées, le recours aux climatiseurs est souvent une nécessité. Ainsi, le nombre total de climatiseurs remplacés sur les quatre années s’élève à 346 soit une moyenne de 87 climatiseurs remplacés par an.

c.   L’efficience des marchés externalisés peut souffrir du faible degré de concurrence ou de réactivité du tissu économique local

Dans l’ensemble des Outre-mer, l’efficience des marchés externalisés peut être diminuée en raison d’un faible niveau de concurrence local ou d’un manque de réactivité du tissu économique.

Si la chaîne de maintenance des FANC entretient « d’excellents rapports avec les concessions locales en charge des marchés nationaux, ces concessions sont concourantes mais uniques ». D’après les FANC, cette unicité « peut conduire à des fragilités en termes de résilience du service obtenu notamment lors des mouvements sociaux ou bien en raison d'un plan de charge haussier priorisé à d’autres clients étatiques ou privés ».

En matière d’externalisation de nouvelles constructions d’infrastructures, hors maîtrise d’œuvre interne, les FANC ont déploré que le panel d’entreprises compétentes localement demeure limité. Cependant, plusieurs groupes de BTP et PME présents sur le territoire permettent de réaliser des travaux d’envergure et qualitatifs, à l’instar du nouveau quai d’accueil des patrouilleurs Outre-mer.

Concernant les marchés externalisés de maintien en condition et maintenance des infrastructures, le niveau de compétence et de disponibilité des entreprises de maintenance demeure limité. À ce titre, la capacité des FANC à pouvoir encore disposer de régies infrastructure est une réelle plus-value qui apporte résilience et réactivité. Les FAPF, confrontées aux mêmes difficultés, ne disposent malheureusement plus de régies INFRA et subissent par conséquent de plein fouet le faible degré de concurrence local et/ou l’absence de compétences locales. À titre d’exemple, les FAPF ont mentionné à votre rapporteur la nécessité de faire venir d’hexagone des entreprises de désamiantage, inexistantes dans le tissu économique local, ce qui occasionne un surcoût majeur.

Ces problématiques ont été corroborées par la DICOM des FAA, pour laquelle « la principale difficulté rencontrée par la DICOM des Antilles réside dans une certaine passivité des acteurs économiques locaux. Le bureau achat publics de la DICOM des Antilles est parfois amené à relancer des procédures rendues infructueuses du fait de l’absence de réponse des entreprises, alors même que ces entreprises existent en Martinique, sont identifiées et capables de répondre au besoin. Néanmoins, la concurrence est faible voire inexistante. »

d.   Les compétences spécifiques des DICOM-GSBdD par rapport à l’hexagone

Les attributions d’une direction du commissariat en Outre-mer (DICOM) sont légèrement différentes de celles d’un groupement de soutien des bases de défense (GSBdD). La DICOM relève pour emploi du COMSUP. Elle procède aux engagements juridiques et aux demandes de paiement, fait recouvrer les recettes, suit la comptabilité des immobilisations et des stocks, est l’interlocuteur du comptable public assignataire et, enfin, passe et exécute les marchés. La DICOM assure également la gestion du contentieux, le conseil juridique au commandement ainsi que la gestion du personnel civil de recrutement local, le cas échéant. La fusion des périmètres organisationnels entre la DICOM et le GSBdD est encouragée. Les personnels sont ainsi communs aux deux structures.

La particularité principale de la DICOM/GSBdD par rapport à l’hexagone relève du domaine « achat-finances » dans lequel elle est autonome et assimilable à une plateforme achat-finances métropolitaine. En outre, des responsabilités d’ordonnateur secondaire unique et de pouvoir adjudicateur de droit commun dans la zone de responsabilité permanente du COMSUP sont attribuées au directeur. Par ailleurs, elle est également service exécutant au profit des RSMA et des directions d’infrastructures de la défense (DID). Par exemple, La DICOM Antilles a reçu du COMSMA délégation pour exercer le contrôle interne de 2ème niveau de la comptabilité des trésoreries des deux RSMA de Martinique et de Guadeloupe. La DICOM assure également le traitement des salaires des personnels civils des RSMA de Martinique, Guadeloupe et Guyane.

La deuxième particularité porte sur la fonction logement avec un périmètre étendu de responsabilités, sous la tutelle de la DTIE. Enfin, en matière de « transit », la fiscalité dans les Outre-mer suppose une excellente connaissance des particularités administratives et réglementaires de chaque territoire. La DICOM est ainsi l'interlocuteur des services fiscaux et douaniers locaux.

La DICOM/GSBdD détient des stocks de matériels du SCA en vue de soutenir les forces armées dans le cadre de leur contrat opérationnel. Les services d’administration du personnel des GSBdD traitent les questions liées à la gestion des personnels en fonction de leur nature (administration, chancellerie, droits financiers individuels, réservistes) et non de leur appartenance à une armée.

Actuellement, la DICOM des Antilles « ne déplore aucun besoin en souffrance faute de marché ou de prestataire. La DICOM Antilles détient actuellement 199 marchés publics (ou lots) actifs. La grande majorité des titulaires sont des PME ou TPE locales, à l’exception de l’Économat des Armées (EdA) pour l’alimentation qui fournit 75 à 80 % de nos besoins en vivres. Les marchés passés localement couvrent de façon très satisfaisante les besoins des unités soutenues par la DICOM des Antilles ».

Les marchés formalisés ne sont qu’un des vecteurs utilisés de la commande publique par les DICOM-GSBdD. D’autres vecteurs sont utilisés comme par exemple les achats réalisés en « hors marché », inférieurs au seuil des 40 000 € HT, (19 M€ en 2022 pour la DICOM-GSBdD des FAZSOI). Les marchés formalisés passés par la DICOM-GSBdD de La Réunion-Mayotte au bénéfice des organismes des FAZSOI, des deux régiments du service militaire adapté (RSMA Réunion et Mayotte) et du commandement de la gendarmerie (COMGEND Réunion et Mayotte) sont au nombre de 161 marchés actifs dont 95 sont relatifs à des prestations de service et 66 relatifs à l’achat de fournitures courantes. Ces marchés représentent un montant hors taxes jusqu’à 13,40 M€ annuels, relevant de divers domaines comme le gardiennage, l’ameublement, l’achat de machines industrielles, l’entretien des espaces verts, la collecte des déchets, l’achat de véhicules de gamme commerciale, le nettoyage des locaux, la location de matériels d’impression (photocopieurs multifonction), etc.

e.   L’obligation de loger l’ensemble des militaires et des civils de la défense

Les militaires ainsi que les personnels civils de la défense affectés dans les Outre-mer bénéficient tous d’un logement familial, qu’il soit domanial ou pris à bail, comprenant l’ameublement et l’équipement électroménager. La politique du logement, mise en œuvre par la Direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) est à la fois un outil d’accompagnement et de facilitation de la mobilité professionnelle dans les Outre-mer et de compensation de sujétions telles que la disponibilité et les horaires atypiques des militaires. Dans les Outre-mer, le bureau interarmées du logement (BIL) est chargé de rechercher des logements et de proposer leur attribution aux personnels.

Les dispositions appliquées pour le paiement des charges du logement fixent une retenue pour le logement et l’ameublement dont le taux correspond à 10 % de la rémunération des militaires, soumise à retenue pour pension. Cette retenue unique de 10 % s’applique quelle que soit la situation de famille et la superficie du logement attribué. Cette situation favorise nettement les militaires ayant une famille nombreuse et le poids de cette retenue rend le coût du logement nettement moindre qu’en hexagone, surtout pour ceux ne bénéficiant pas d’un logement familial du ministère des armées.

Le taux de la retenue pour un fonctionnaire civil du ministère des armées muté dans un territoire d’Outre-mer correspond à 15 % du salaire soumis à retenue pour pension.

Proposition n°17 : Aligner le taux de la retenue pour charges de logement des personnels civils du ministère des Armées dans les Outre-mer sur le taux de retenue appliqué aux personnels militaires (10 %).

Au cours de son déplacement en Polynésie française et lors de son audition des FANC, les services ont fait part au rapporteur d’une obligation leur incombant de loger les civils de la défense dans le parc domanial des forces de souveraineté.

Cette obligation résulte de l’instruction n° 4161/DEF/DAG/DE/LOG du 20 juillet 1992 relative au logement du personnel du ministère de la Défense dans les départements et territoires d’Outre-mer qui dispose que « si aucun logement appartenant à l'État ne leur est proposé, (ils) doivent prendre personnellement un logement en location ».

Lors de ses auditions des FAA, FAG et FAZSOI, cette obligation n’a pas été mentionnée. Il semblerait donc qu’il en soit fait une application à géométrie variable selon les territoires ultramarins. En outre, cette contrainte normative semble générer des effets pervers : ainsi, en Polynésie française, le CASOM a insisté sur le cas particulier d’une assistante sociale logée dans le domanial qui vivait au milieu des personnes qu’elle soutenait au quotidien, ce qui l’empêchait de facto de cloisonner sa vie personnelle et sa vie professionnelle. La levée de cette contrainte normative permettrait à cette personne, ainsi qu’à l’ensemble des civils de la défense dans les Outre-mer d’avoir accès au parc de logements pris à bail.

Votre rapporteur propose donc d’abroger dans les meilleurs délais cette instruction obsolète, dont il est fait sur le terrain une application à géométrie variable.

Proposition n°18 : Abroger l’instruction  4161/DEF/DAG/DE/LOG du 20 juillet 1992 relative au logement du personnel du ministère de la défense dans les départements et territoires d’Outre-mer.

En raison de l’obligation de loger les personnels militaires et civils, l’acquisition et l’entretien de logements domaniaux ainsi que la réservation de logements pris à bail dans le parc privé sont des défis continus pour les forces de souveraineté. Chaque année, lors du PAM, un flux important de demandes de logement doit être satisfait (230 demandes en 2023 pour les FAPF contre 120 en 2022).

Le ministère des Armées s’est fixé un objectif de tendre vers un socle d’au moins 50 % de logements domaniaux, dans un contexte où l’offre privée locale de qualité satisfaisante est souvent rare, chère et ne présente pas toujours les garanties de sécurité nécessaires. Le ministère procède alors à la fois par construction ou par acquisition.

Lors de son déplacement auprès des FAPF, ces dernières ont fait part à votre rapporteur de leur souhait de continuer à renforcer le parc domanial en visant un objectif de 60 % de logements domaniaux, contre 49 % aujourd’hui.

Les logements domaniaux représentent quant à eux 43 % du parc de logements des FAZSOI (44 % à La Réunion et 39 % à Mayotte).

Le parc des logements gérés par les BIL sont contraints, que ce soit pour les logements domaniaux comme pour les logements baillés. Les logements baillés sont, selon les secteurs, difficiles à trouver car il existe une réelle tension immobilière dans les territoires ultramarins, particulièrement aux Antilles/Guyane et en Polynésie française. La qualité et le confort sont parfois aléatoires et les normes de construction différentes des normes hexagonales, ce qui génère des « irritants » auprès des ayants droit. En outre, certains bailleurs sont réticents à travailler avec le MINARM, la perspective de bénéficier de loyers plus élevés provenant d’autres locataires moins contraints financièrement s’avérant plus attrayante.

f.   La très forte pression foncière dans certains territoires pèse à terme sur la capacité des forces à exercer au mieux leurs missions

Dans certains territoires ultramarins, la très forte pression foncière pèse sur la capacité des forces à exercer au mieux leurs missions.

Le coût du foncier pèse à la fois sur la capacité des forces de souveraineté à augmenter la taille du parc domanial, mais aussi à disposer d’infrastructures modernisées suffisamment dimensionnées pour faire face aux défis à venir.

Les FANC ont ainsi fait part à votre rapporteur d’un certain nombre de contraintes structurelles liées à la problématique foncière :

– Contraintes de surfaces foncières peu disponibles pour construire sur quasiment tous les sites sauf sur le camp de Nandaï ;

– contraintes environnementales et climatiques limitant la capacité à construire ;

– contraintes techniques avec des plans d’urbanisme directeurs (PUD) qui imposent des hauteurs de faitages limitées pour les ensembles résidentiels sur Nouméa ;

– contraintes liées à l’identification de parcelles et ou des propriétaires des terrains en particulier en cas de voisins appartenant à des tribus.

Des acquisitions de terrains et parcelles demeurent cependant encore possibles, via des opérateurs civils ou publics locaux, par le biais de la DTIE. Les coûts fonciers sur certaines zones peuvent être élevés (voisins de ceux pratiqués dans les grandes villes de l’hexagone).

En Guyane, le coût du foncier est également très cher, ce qui obère la capacité des FAG à renforcer significativement leur parc domanial. Si le problème est similaire pour l’ensemble des forces de souveraineté, votre rapporteur a constaté que le problème était particulièrement marqué à Tahiti.

L’attrition de la réserve foncière des FAPF s’est accélérée mécaniquement depuis la signature le 22 février 2016 d’un contrat de redynamisation des sites de défense (CRSD). Le CRSD constitue un outil de reconversion économique majeur destiné à compenser la perte d’activité économique générée par le redéploiement des forces armées en Polynésie française. Dans ce cadre, l'État a rétrocédé 21 hectares de terrains militaires aux communes d’Arue, Faa'a, Mahina, Papeete, Pirae et Taiarapu-Est. Face à la pénurie de foncier que connaissent la plupart des collectivités de l’île de Tahiti, la cession de ces emprises représente une opportunité majeure pour le territoire polynésien. Signé pour quatre ans en 2016, le contrat de redynamisation des sites de la Défense a déjà été prorogé de deux ans en 2020. En raison des retards pris dans la dépollution des parcelles militaires rétrocédées et du coût de ces chantiers, supérieur aux prévisions, un second avenant au CRSD a prorogé de deux ans supplémentaires le CRSD afin de terminer la dépollution des sites rétrocédés.

Auditionnée par votre rapporteur, la directrice de la DTIE a reconnu que si le ministère des Armées avait cédé beaucoup de foncier dans le cadre du CRSD, le ministère était aujourd’hui déterminé à ne plus céder de nouveaux terrains militaires, quelle que soit la pression exercée par les autorités locales.

Or, en Polynésie, les FAPF font face à de nombreuses demandes de cession par les autorités locales :

l’ancien président de Polynésie française souhaitait encore très récemment récupérer 4 hectares de la zone militaire de l’aéroport de Faa’a. Si elle était accordée, cette concession au profit d’Aéroport de Tahiti pour favoriser le stationnement d’aéronefs civils pénaliserait fortement l’activité des FAPF, en entraînant une perte de capacité d’accueil de renfort extérieur dans une stratégie de « point d’appui » tahitien (-1 MRTT ([19]) ), une perte d’une structure industrielle indispensable à l'entretien des aéronefs et surtout, la zone aéroportuaire restante serait insuffisante pour l’accueil des futurs avions de surveillance maritime de la Marine nationale (AVSIMAR) ;

– dans la commune de Mahina, où est implantée une station d’émission et de réception de la DIRISI-PF sur une surface de 21 hectares, une zone limitrophe de 5 ha a déjà fait l’objet d’une rétrocession dans le cadre du CRSD. La mairie de la commune sollicite néanmoins la cession de nouvelles parcelles militaires complémentaires attenantes. Ces parcelles représentent une emprise foncière "libre" de construction d'une surface inégalée sur l'île de Tahiti. Les FAPF souhaitent conserver cette réserve foncière afin d’y pouvoir conduire des projets structurants au titre du renforcement capacitaire à venir et de la consolidation du point d’appui tahitien.

Face à la très forte pression foncière sur le territoire, votre rapporteur appelle de ses vœux un moratoire ferme sur la cession des emprises militaires des FAPF à Tahiti. Il se félicite de l’acquisition confirmée par les FAPF de parcelles contiguës au dépôt de munition de Papeari afin de sécuriser le dépôt.

Proposition n°19 : Mettre en place un moratoire ferme sur la cession des emprises militaires dans l’ensemble des territoires ultramarins.

g.   Les particularités des droits locaux dans les collectivités d’Outre-mer (COM)

Les soutiens des forces de souveraineté stationnées dans les collectivités ultramarines relevant de l’article 74 de la Constitution (régime de la « spécialité législative ») ou du titre XIII (Nouvelle-Calédonie) doivent prendre en compte les spécificités législatives de ces territoires, distinctes de l’hexagone et des DROM relevant de l’article 73 de la Constitution (régime dit d’identité législative).

Ainsi, le directeur de l’infrastructure et de la défense (DID) des FAPF a confié à votre rapporteur que le statut de la Polynésie française faisait que certaines législations étaient différentes voire se cumulaient, notamment les législations relatives au code du travail, code de l’environnement (ICPE, IOTA), code de la commande publique. Le DID a déploré « des règles d’urbanisme parfois mal définies ».

En outre, concernant l’affiliation à l’assurance-maladie, votre rapporteur s’est vu relayer les difficultés récurrentes rencontrées pour les militaires affectés dans les FAPF/FANC et leurs conjoints pour basculer du régime général de l’assurance-maladie aux caisses de prévoyance sociale locales. En effet, les lois du pays obligent les militaires et leurs conjoints à s’affilier aux CPS. Cette affiliation prend en moyenne six mois et le remboursement des premiers soins tout aussi longtemps. Le directeur des ressources humaines du ministère des Armées a précisé à votre rapporteur que la situation était la même à Mayotte, où toutes les conséquences n’auraient pas été tirées de la départementalisation du territoire du point de vue de la santé.

B.   Des particularités ultramarines dans la gestion des personnels

1.   La cherté de la vie et la difficulté des conjoints pour accéder à l’emploi peuvent expliquer des demandes de réduction de séjour qui restent pourtant relativement rares

a.   La difficulté généralisée des conjoints d’accéder à l’emploi

Dans l’hexagone, près de 71 % des conjoints occupent un emploi, 9 % sont au chômage, tandis que 20 % ne travaillent pas par choix.

Souvent, les chiffres sont inversés dans les Outre-mer.

Si le taux d’emploi des conjoints n’est pas connu aux Antilles, les conjoints de militaire ont des difficultés avérées pour trouver un emploi. Les profils de cadres sont très peu demandés par les employeurs pour des salariés qui ne sont que « de passage » aux Antilles. En outre, une préférence locale au recrutement est en vigueur au sein de la fonction publique d’État et de la fonction publique territoriale.

L’employabilité des conjoints de militaires se dégrade semble-t-il encore davantage en Nouvelle-Calédonie ou dans les collectivités ultramarines relevant de l’article 74 de la Constitution (Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, Saint-Martin, Saint-Barthélemy) : en effet, des mesures de préférence locale pour l’accès à l’emploi ou le droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle sont permises par la loi organique. En Polynésie française, la préférence locale pour l’emploi semble s’être renforcée significativement dans la période récente, des critères de 3, 5 et 10 ans de résidence dans sur le territoire étant nécessaires pour exercer dans 72 professions.

En Nouvelle-Calédonie, la loi du pays n° 2010-9 du 27 juillet 2010 relative à la protection, à la promotion et au soutien de l’emploi local « offre des garanties particulières pour le droit à l’emploi de ses habitants » en raison de « l’étroitesse du marché du travail » qui ne permet « pas d’ouvrir largement l’accès à l’emploi salarié ». Ainsi, « un employeur qui n’a reçu aucune candidature répondant aux conditions de qualification et de compétence énoncées dans son offre et émanant d’un citoyen de la Nouvelle-Calédonie, peut procéder au recrutement d’une personne justifiant d’une durée de résidence ». La durée de résidence est comprise entre trois ans et dix ans suivant les difficultés du recrutement local. Or, ces durées sont supérieures à la durée d’une affectation Outre-mer d’un militaire (trois ans maximum), ce qui complique considérablement l’emploi des conjoints de militaire.

Afin d’accompagner les conjoints de militaires mutés dans les Outre-mer, Défense Mobilité est présent dans les Outre-mer, avec un ou deux salariés dans chaque territoire. La directrice de Défense Mobilité, auditionnée par votre rapporteur, a néanmoins déploré l’absence de données consolidées sur le suivi fin de l’emploi des conjoints dans les Outre-mer, évoquant un chantier à mener sur « la mesure de l’effort » d’accompagnement des conjoints par Défense Mobilité dans les Outre-mer. Pour la première année, la DRH-MD expérimente cette année le dispositif Mut’actions d’accompagnement vers l’emploi et/ou le logement des militaires et de leurs conjoints préparant un départ vers les Outre-mer.

En outre, les difficultés d’accès à l’emploi des conjoints se voient souvent renforcées par une offre trop faible de crèches et de dispositifs de garde d’enfants, la nécessité d’acheter une seconde voiture en raison des élongations sur la place et d’un réseau de transports publics inégal, etc. En raison d’un droit local propre au Pays, les militaires des FAPF ont signalé à votre rapporteur ne pas pouvoir obtenir de déductions fiscales sur les frais de garde d’enfants, comme ils le feraient dans l’hexagone.

En dépit de ces difficultés, on ne constate pas dans les Outre-mer une pratique plus élevée du célibat géographique par rapport à l’hexagone. D’après les chiffres communiqués par la DRH-AT, 14 % des militaires de l’armée de terre en couple affectés dans les Outre-mer déclarent être célibataires géographiques (19 % des officiers, 11 % des sous-officiers et 14 % des militaires du rang). Toutefois, ce taux est de 15,3 % dans l’hexagone. Les Outre-mer ne semblent donc pas pâtir d’un déficit d’attractivité majeur pour les familles.

b.   Le phénomène de « vie chère » dans les Outre-mer affecte aussi les militaires

Selon la dernière enquête exhaustive de l’Insee en 2015 sur les prix dans les Outre-mer, le niveau général des prix y était de 7 à 12,5 % plus élevé qu’en France hexagonale (+ 12,5 % en Guadeloupe, + 12,3 % en Martinique, + 11,6 % en Guyane, 7,1 % à La Réunion et + 6,9 % pour Mayotte, hors loyers). Ces écarts de prix sont particulièrement criants pour les produits alimentaires : de 28 % à La Réunion, 38 % à la Martinique, 34 % pour la Guyane et 33 % pour la Guadeloupe. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les écarts de niveau des prix sont du même ordre.

Les militaires affectés dans les Outre-mer bénéficient d’indexations de solde différenciées, selon les territoires. En Polynésie, l’indexation des militaires est de 181 %, supérieure à la majoration servie dans les Antilles (25 %).

Le différentiel de compensation du coût de la vie selon les territoires, dont le calcul n’a pas évolué récemment, interroge. Ainsi, les FAA ont déploré que « la cherté de la vie dans la zone Antilles ne soit pas compensée par la majoration de traitement de 25 % », taux fixé par la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion : « La situation des Antilles a maintes fois été évoquée lors de visites d’autorités mais sans aucun effet à ce jour. Les travaux relatifs à la NPRM n’ont pas traité la question. »

En Nouvelle-Calédonie, la solde des FANC est indexée à 171 % à Nouméa et dans les garnisons les plus proches, et à 192 % hors Nouméa. À Mayotte, le coefficient d’indexation de la solde est de 1,9 contre 1,13 à La Réunion.

Les effets de la vie chère pour les militaires sont accentués par le fait qu’il est difficile pour les conjoints des militaires mutés d’accéder à un emploi dans les Outre-mer, ce qui peut renforcer la perte de niveau de vie dans les Outre-mer.

Proposition n°20 : Actualiser à la hausse l’ensemble des coefficients d’indexation de solde des personnels militaires et civils affectés dans les Outre-mer afin de disposer de coefficients d’indexation ajustés aux niveaux de vie actuels ultramarins.

2.   Une offre de loisirs disparate selon les territoires ultramarins

L’offre de loisirs dans les territoires ultramarins est relativement disparate. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie a la chance de pouvoir disposer d’un village vacances géré par l’IGESA sur l’île des Pins, ce qui permet aux militaires affectés auprès des FANC de pouvoir s’offrir des vacances à un coût maîtrisé.

La situation est différente aux Antilles où l’action sociale des armées au travers de l’IGESA n’a pas de centre de loisirs pour les jeunes aux Antilles. À Tahiti, le cercle mixte interarmées de Tahiti propose de nombreuses activités de loisirs à tarifs préférentiels dans le cadre du centre Moana à Arue. Ce centre compte près de 450 adhérents et 8 400 bénéficiaires. Le CMIT propose à des prix négociés des prestations pour les ayants droit (militaires en mission longue durée, militaires en escale ou en mission courte durée, familles, gendarmes, anciens combattants, certaines administrations civiles) dans un territoire où le coût de la vie est très élevé. Toutefois, il n’existe pas non plus de village vacances IGESA à Tahiti, alors que l’offre de tourisme dans les archipels polynésiens est extrêmement onéreuse. Il s’avère par conséquent très difficile pour les militaires qui y sont affectés, notamment les sous-officiers et militaires du rang, de pouvoir y bénéficier de vacances en famille.

Lors de son déplacement à Tahiti, votre rapporteur a été à plusieurs reprises interpellé sur la différence entre l’image de carte postale polynésienne préexistant dans l’esprit de nombreuses familles avant le départ et la réalité des conditions de vie onéreuses sur place. Afin de développer une offre de loisirs accessible pour les militaires sur place, le directeur de la CASOM Polynésie française a déposé un dossier pour l’acquisition d’un terrain sur la presqu’île de Tahiti. Le projet permettrait de construire 4 bungalows et 2 chambres accessibles à un tarif modéré.

Une étude de projet semble également en cours pour installer à La Réunion une hôtellerie de loisir de bon niveau géré par l’IGESA. De même, un projet de restauration de bâtiments historiques sur les îles du Salut en Guyane devrait permettre de développer l’offre de loisirs disponible pour les familles des FAG.

En outre, votre rapporteur a pu constater lors de son séjour auprès des FAPF que seuls les MCD bénéficiaient d’une offre d’internet de loisir en Polynésie via la distribution de clés 4G. Votre rapporteur regrette qu’une offre WIFI ne soit pas disponible pour les militaires des FAPF ni des FANC, alors même que l’EdA a remis en 2019 une étude sur le déploiement du WIFI en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie mais n’a jamais été missionné pour le faire. Depuis août 2021, un marché passé au niveau local permet néanmoins aux militaires des FANC logés dans les BCC d’avoir accès gratuitement au WIFI de loisir.

Proposition n°21 : Étendre le périmètre du plan Wifi du ministère des Armées aux FANC et FAPF.

 

Proposition n°22 : Garantir aux militaires affectés dans les Outre-mer, ainsi qu’à leurs familles, le bénéfice a minima d’un aller-retour en hexagone durant leur séjour.

3.   Au global, des degrés d’attractivité variables selon les territoires

Les auditions menées par votre rapporteur en hexagone semblent indiquer que les Outre-mer ne souffrent pas d’un déficit d’attractivité, en dépit des caractéristiques précédemment énoncées.

Auditionné par votre rapporteur, le DRH-AAE a précisé ne pas avoir de difficultés à armer les postes ultramarins, tandis que le DRH-AT a également confirmé armer le PAM Outre-mer de l’armée de Terre à 100 % tous les ans. Le Directeur des personnels militaires de la Marine nationale a indiqué que les postes Outre-mer dans la Marine Nationale donnaient lieu à entre 5 et 10 candidatures par poste.

Toutefois, il existe des réelles disparités d’attractivité des destinations ultramarines parmi les militaires. La Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et La Réunion semblent être les destinations les plus attractives aux dires des DRH d’armées et de l’EMA. Ainsi, l’ensemble des DRH d’armées ont précisé que la Guyane souffrait d’un manque d’attractivité des militaires qui y sont rarement volontaires. Ainsi, le DRH-AAE a déclaré avoir reçu, pour 237 postes proposés de sous-officiers en Guyane, seulement 237 candidatures en 2021 et 314 candidatures en 2023. Plusieurs facteurs l’expliquent : taux élevé de délinquance et de criminalité, mauvaise réputation du niveau des établissements scolaires, climat très rude. Afin de remédier à ce déficit d’attractivité, le DRH-AAE a indiqué à votre rapporteur avoir mis en place une « mutation préférentielle » au retour en hexagone, la Guyane étant le seul territoire pour lequel l’AAE propose ce dispositif.

Auditionné par votre rapporteur, le précédent COMSUP des FAG a précisé qu’en dépit d’un déficit d’attractivité initial, 95 % des militaires affectés dans les FAG demandent à prolonger leur séjour. Entre 2021 et 2023, seulement 4 militaires et leurs familles ont effectué un retour précoce dans l’hexagone. Par ailleurs, beaucoup de militaires ayant été une première fois affectés en MCD en Guyane demandent ensuite à y être affectés en MLD.

Mayotte concentre également des conditions précaires de scolarisation des enfants et d’insécurité. Les désistements de mutation et des demandes de réduction du séjour y sont significatifs comparativement aux autres Outre-mer. Si les FAZSOI ont indiqué à votre rapporteur que le niveau de moral demeurait élevé toutes armées confondues concernant les officiers, le niveau du moral des sous-officiers et militaires du rang tend à diminuer année après année. Ce constat est particulièrement ressenti au sein des unités stationnées à Mayotte, et des unités de la Marine pour l’ensemble de la ZRP. Les fortes disparités entre les conditions de vie plutôt favorables à La Réunion, et celles plus critiques à Mayotte, freinent l’homogénéisation du niveau de moral.

Lors de son déplacement à Tahiti, votre rapporteur a rencontré les représentants de la condition des personnels civils et militaires. Bien que leur propos reflétait davantage un ressenti collectif qu’un constat précisément chiffré, les représentants des personnels lui ont fait part des difficultés fortes des DRH d’armées à armer les postes ultramarins, en raison de nombreux désistements de personnels présélectionnés chaque année lors du PAM, mais qui in fine refusent leur affectation Outre-mer. Les représentants du personnel des FAPF ont évoqué les chiffres de 30 à 40 % de désistements après présélection selon les armées. Dans les trois armées, les personnels remplissent des vœux d’affectation entre les mois de mai et septembre de l’année précédant la mutation, avant d’entrer dans un dialogue de gestion individualisé entre juillet et décembre, comportant des échanges entre l’unité d’accueil et d’arrivée. Les ordres de mutation sont ensuite publiés de décembre à février. Dans la Marine, deux vagues de présélection existent pour les PM2 (bureau des équipages de la flotte et des marins des ports), la première en novembre et la seconde en décembre/janvier. Si la destination ou le type de volontariat n’est pas celui demandé par le marin, le marin présélectionné doit confirmer ou infirmer sa sélection. D’après le directeur des personnels militaires de la Marine, le taux de renonciation moyen des marins sélectionnés pour l’Outre-mer est en moyenne de 12 % sur les 3 dernières années. Ce chiffre ne serait pas en hausse. Aucune hausse des désistements n’aurait été constatée chez les officiers (PM1 dans la Marine) et d’après le DPMM, il n’est pas connu d’officier qui ait récemment refusé une affectation dans les Outre-mer. D’après la DRH-AT, « Le nombre de personnes refusant au final une mutation dans les Outre-mer est très marginal, grâce au travail de dialogue entrepris très en amont et à la connaissance fine des individus par leur chaîne de commandement. Il est à noter qu’à l’exception du personnel issu de l’arme des Troupes de Marine, réputé volontaire pour le service Outre-mer et qui, en cas de non-agrément du refus, peut se voir basculé dans une autre arme, les autres militaires de l’armée de Terre font acte de volontariat pour y être mutés. »

Pour les éventuels postes non pourvus, des sélections complémentaires ou des appels à candidature sont effectués entre janvier et juin afin de finaliser le PAM.

Une approche de l’attractivité pour les familles des Outre-mer peut aussi être obtenue par les données relatives aux réductions de séjour des militaires. Interrogées à ce sujet, les FAA ont précisé que les demandes de réduction d’affectation des personnels mutés sont compensées par les demandes de prolongation. Il n’y a pas d’augmentation des retours anticipés de familles (5 entre le PAM 2022 et le PAM 2023), qui sont dans la plupart des cas liés à des problèmes personnels. Les FAZSOI n’ont pas non plus constaté de hausse des départs précoces : en 2022, seuls 5 dossiers de rapatriement anticipé de familles ont été instruits. Il s’agissait par ailleurs de familles quittant l’île dans les 6 premiers mois d’affectation. Les départs précoces sont souvent le fait d’un cumul de problèmes : emploi du conjoint, problèmes liés à la scolarisation des enfants, problèmes de couple.

D’après le directeur des personnels militaires de la Marine, près de 15 % officiers mariniers demandent une réduction de leur séjour ultramarin de 3 à 2 ans. La Polynésie ne représenterait que 8 % des demandes de réduction de séjour. Le DPMM a précisé qu’un officier qui refusait une affectation Outre-mer dans le cadre d’un dialogue de gestion n’aurait pas à subir de conséquences négatives pour sa carrière.

D’après le DRH-AT, les retours anticipés restent marginaux (moins de 1 %) et s’expliquent par des problèmes familiaux ou médicaux.

Le degré d’attractivité hétérogène des territoires ultramarins peut aussi être estimé à partir des taux de demandes de prolongation d’un an (de 2 à 3 ans) des missions de longue durée (MLD). Ainsi, la part de militaires en MLD ayant demandé une prolongation de séjour dans l’armée de Terre est la suivante :

– La Réunion (71 % de demandes de prolongation) ;

– Polynésie (65 %) ;

– Nouvelle Calédonie (64 %) ;

– Mayotte (50 %) ;

– Antilles (49 %) ;

– Guyane (47 %).

Afin de préparer au mieux l’affectation des personnels militaires dans les Outre-mer, l’état-major spécialisé pour l'Outre-mer et l'étranger (EMSOME) organise chaque année à Paris entre janvier et avril plusieurs réunions, appelées « journées formation territoire » (JFT) pour chacun des DROM ou COM et à destination de l'ensemble des militaires, mais aussi à Brest et Toulon, pour les marins. La participation des marins est rendue obligatoire, quel que soit le grade, sauf indisponibilité avérée, et celle des conjoints est fortement recommandée. Ces derniers peuvent à ce titre bénéficier d'une prise en charge financière des frais de déplacement en résultant, en sollicitant l'octroi d'une "aide à la reconnaissance d'une nouvelle affectation", dans le cadre des mesures mises en œuvre par l'opérateur social du ministère des Armées. En complément de ces JFT organisées par l'EMSOME, le réseau des majors conseillers de la Marine accompagne les marins et les familles préparant leur mutation dans les Outre-mer (conseils et présentations concernant le territoire, le logement, l'environnement de travail, etc.). Les formations concernent en moyenne chaque année plus de 3 000 personnes dont 15 à 20 % de conjoints (plus de la moitié sont issus de l’armée de Terre.)

4.   L’armée de l’air et de l’espace et la Marine nationale proposent des recrutements locaux de militaires

L’armée de l’air et de l’espace ainsi que la Marine nationale proposent des contrats de recrutement locaux dans les Outre-mer.

Concernant l’AAE, il s’agit de recrutement de militaires techniciens de l’air (MTA) d’une durée initiale de 4 ans pour lesquels aucune mobilité n’est imposée dans le cadre de la fiche individuelle de souhaits d’affectation (FISA). À Tahiti, votre rapporteur a pu constater que des contrats de recrutement local étaient parfois renouvelés jusqu’à 6 fois, ce qui correspond au désir de certains Polynésiens de rester dans leur territoire natif, tout en représentant une main-d’œuvre fidèle à l’AAE.

Ce recrutement est relativement limité ; ainsi, d’après le directeur des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace, les recrutements oscillent entre 4 et une dizaine de recrutements par an dans chaque territoire chaque année.

Des militaires du rang sont également recrutés localement par la Marine nationale qui assure leur formation initiale dans les bases navales. Ces personnels sont recrutés en qualité de QMF2 (contrats de 2 ans, une quinzaine par an). Ces contrats sont renouvelables sous conditions (vers un QMF4 ou EDM en métropole). Parmi les FAZSOI, ces recrues étaient au nombre de 12 en 2021 et 2022 et 24 en 2023 : « Ces marins peuvent être renouvelés jusqu’à 6 ans de contrat mais la politique locale est qu’ils doivent candidater pour un contrat de QMF4 (contrat de 4 ans) ou Maistrance (contrat de 8 ans pour monter à 10 ans) dans leurs 2 premières années de contrat sinon leur lien n’est pas renouvelé. Ces candidatures sont obligatoirement accompagnées d’une mobilité. ». Le directeur des personnels militaires de la Marine a précisé qu’en 2022, 53 recrutements locaux avaient été effectués dans l’ensemble des Outre-mer : « Pour la Marine, c’est une opportunité de disposer de jeunes marins recrutés plus rapidement pour assumer des tâches d’opérateur. Par cette offre d’emploi, la Marine s’inscrit pleinement comme un employeur local de référence en proposant à ces jeunes une première formation et un emploi sur des territoires où le chômage des jeunes est élevé. Les jeunes ultramarins peuvent postuler pour un premier contrat de deux ou quatre ans sur une base militaire proche de leur domicile. Ils sont ainsi assurés de rester sur leur territoire pendant toute la durée de leur premier contrat et également de choisir leur métier parmi les spécialités offertes. Cette première expérience permet à des jeunes ultramarins, qui ne sont pas encore prêts à franchir le pas pour s’engager et s’éloigner de leur territoire, de découvrir à la fois la diversité des métiers et des environnements d’emplois de la Marine (…)              Ils ne doivent pas « concurrencer » les contrats « classiques » pour lesquels la mobilité géographique et fonctionnelle est un élément clé pour la Marine (gestion) et pour le jeune marin (promesse employeur d’un réel épanouissement). Ces contrats offrent une opportunité pour susciter des vocations et répondent à un besoin opérationnel de la Marine. »

Les recrutements locaux ont quant à eux été arrêtés dans l’armée de Terre depuis 2011. Auditionné par votre rapporteur, le directeur des ressources humaines de l’armée de Terre a justifié l’arrêt de ces recrutements par la volonté de ne « pas enfermer des militaires dans un parcours de carrière » et de donner toute sa place à la mobilité. Néanmoins, le DRH-AT a reconnu s’inscrire dans une approche pragmatique : à ce titre, il n’exclut pas, à terme, la possibilité de recourir de nouveau à cette voie de recrutement en cas de difficultés à armer des postes ou afin de susciter des vocations parmi les jeunes ultramarins qui hésiteraient à embrasser s’engager dans une carrière militaire.

Concernant les affectations conventionnelles hors recrutements locaux, les durées d’affectation en Outre-mer dans les trois armées sont les suivantes :

Personnel armée de Terre : 2 ans avec possibilité de prolonger à 3 ans voire 4 ans très exceptionnellement ;

Personnel de la Marine nationale : 3 ans pour le personnel officier marinier et équipage et 2 ans pour les officiers ;

Personnel de l’armée de l’Air et de l’espace : 3 ans voire 4 ans sur autorisation des autorités.

5.   Pour les civils, les FAPF proposent des recrutements locaux en tant que PCRL

En Polynésie française, dans le cadre d’une politique de reconnaissance de la « dette » de l’État français à la suite des essais nucléaires dans le Pacifique, le ministère des Armées mène une politique de recrutement de personnels civils recrutés localement. Ce statut n’existe qu’en Polynésie française et est régi par l’arrêté du 5 juin 2020 portant règlement particulier fixant les dispositions applicables aux personnels civils recrutés localement dans les établissements du ministère de la défense en Polynésie française. Les recrutements dans le cadre de ce statut sont encore actifs : 5 à 10 personnels sont recrutés par an au fur et à mesure des départs en retraite. Ces personnels sont recrutés sur des postes de catégorie C (PCRL) ou de catégorie B (CTOD). Aucun recrutement de personnel civil recruté localement n’a cours sur les postes de catégorie A.

Lors de son déplacement en Polynésie française, votre rapporteur a pu constater le rôle souvent précieux exercé par les PCRL parmi les FAPF. Ces derniers détiennent une mémoire fondamentale dans de nombreux services.

Toutefois, votre rapporteur a pu constater que nombre de ces personnels restaient toute leur carrière « cantonnés » sur le même poste, ainsi qu’au même niveau de responsabilités et de grade, sans possibilité d’évolution salariale, alors même que certains d’entre eux occupent des postes équivalents à des catégories A dans la fonction publique d’État ou ont parfois effectué des études supérieures de niveau Bac+5 mais sont recrutés sur un poste équivalent catégorie C.

Votre rapporteur appelle de ses vœux une refonte du statut du PCRL afin de leur permettre de disposer d’une véritable évolution de carrière pour ceux souhaitant évoluer au sein des FAPF. Un recrutement sur des postes de catégorie A pourrait être envisagé. Votre rapporteur estime utile de s’interroger sur l’opportunité de créer un statut équivalent à celui des PCRL pour les forces de souveraineté en Nouvelle-Calédonie.

Proposition n°23 : Ajuster le statut des PCRL en Polynésie française afin de leur permettre une véritable évolution de carrière en ouvrant à ce recrutement des postes de catégorie A.

6.   Un nombre élevé de militaires en courte durée (MCD) parmi les forces de souveraineté

Les forces de souveraineté comprennent d’une part, des personnels militaires en mission de longue durée (MLD) qui viennent généralement accompagnés de leur famille pour une durée de deux à trois années et d’autre part, des personnels en mission de courte durée (MCD), qui sont affectés dans les Outre-mer pour une durée de quatre mois, sans leur famille afin d’y tenir des postes isolés et techniques ou des postes à intensité opérationnelle élevée nécessitant une rotation rapide des personnels.

Parmi les exemples de postes isolés, il est possible pour les FAG de citer les militaires en courte durée du 9ème RIMa ou du 3ème REI dans le cadre des missions en forêt de lutte contre l’orpaillage illégal, ou encore les militaires en courte durée du détachement du RIMaP-P sur l’atoll de Mururoa en Polynésie dans le cadre des missions de garde et de surveillance de l’atoll.

Les personnels en MLD sont prépondérants au sein des forces de souveraineté avec un ratio global MLD/MCD autour de 70/30, bien que cette part soit disparate : ainsi, au 1er juin 2023 pour les FANC, 39 % des effectifs militaires correspondaient à des MCD contre 20 % seulement chez les FAA.

Dans l’armée de Terre, les MCD représentent près de 31 % des effectifs militaires en 2023, contre seulement 15 % parmi les FAA.

Auditionnés par votre rapporteur, les FAA ont précisé à votre rapporteur qu’« en termes d’effectifs, si les services de soutien sont en théorie mieux armés dans les Outre-mer qu’en hexagone, ils souffrent d’un taux de vacances important quand il s’agit de MCD. C’est notamment le cas sur les personnels RHL. »

7.   Recours aux militaires commissionnés

Le décret n° 2008-959 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires commissionnés dispose que  « les militaires commissionnés sont recrutés par contrat, en qualité d'officier, sous-officier ou officier marinier, pour satisfaire des besoins immédiats des armées ou des formations rattachées, aux fins d'occuper des emplois de spécialistes à caractère scientifique, technique ou pédagogique qui ne sont pas pourvus par les autres modes de recrutement et de formation ou qui font l'objet d'une vacance temporaire ».

Si le volume de recrutement des militaires commissionnés est relativement faible, les FAG ainsi que les FAPF ont recours de manière continue à des militaires commissionnés afin de conduire leurs missions.

Les FAG ont recours à des militaires commissionnés pour les emplois de piroguiers sur les fleuves guyanais. Ces emplois sont principalement comblés par des populations locales, qui ont une excellente connaissance des « sauts » des fleuves. Les sauts désignent des rapides formés par l'affleurement de filons de roche volcanique très dure nommés dykes de dolérite dans les cours d'eau. En plaçant leurs compétences au service des FAG, ils réduisent significativement les risques associés à la navigation fluviale en pirogue, notamment au cours des patrouilles fluviales dans le cadre de la mission HARPIE.

En Polynésie française, les FAPF ont également recours à des militaires commissionnés appelés « baleiniers », bien souvent natifs de Polynésie, afin d’assurer le franchissement de récifs coralliens par des embarcations spécifiques pour ravitailler ou débarquer des personnels militaires dans le cadre de leurs missions.

Pendant longtemps, les FAPF ont recruté des baleiniers sous statut de PCRL. Le statut de PCRL baleinier était affilié au régime spécial des marins du commerce, de la pêche et de la plaisance, géré par l’établissement national des invalides de la marine (ENIM). En 2019, l’ENIM a rappelé à la Marine que le personnel des gens de mer n’avait pas vocation à effectuer des opérations militaires et a demandé l’extinction de ce mode de recrutement. Il a été toutefois convenu que les personnels déjà en poste soient maintenus jusqu’à leur départ à la retraite.

Interrogé sur les bénéfices de ce nouveau statut, le directeur des personnels militaires de la Marine a précisé à votre rapporteur que le statut des PCRL limitait l’emploi des personnels pour les missions de la Marine, en raison notamment d’un temps de travail journalier encadré incompatible avec les missions longues des unités (plus d’un mois) et de la problématique de couverture des individus en zone de conflits éventuels. Le statut d’officier marinier commissionné (OMC) étant militaire, il affranchit la Marine nationale de ces problématiques tout en lui bénéficiant d’un personnel affecté dans le temps long localement.

Les premiers recrutements d’OMC baleiniers ont eu lieu en août 2021 (2 personnels). D’ici à la fin de l’année 2023, 5 baleiniers sous statut d’OMC seront employés à la base navale pour une cible à terme de 8 personnels correspondant au départ à la retraite des 3 derniers baleiniers PCRL. Chaque personnel engagé s’est vu attribuer le grade de SM BAT Manœuvrier (second maître, brevet d’aptitude technique Manœuvrier) et un premier contrat de 6 ans renouvelable. Ne pouvant accéder au Brevet supérieur, les OMC baleiniers peuvent servir sous contrat jusqu’à la limite d’âge du grade de maître soit 47 ans ou 17 ans de contrat. À l’occasion de son renouvellement de contrat, l’OMC baleinier peut candidater à un nouveau poste et évoluer dans l’institution.

Votre rapporteur interpelle la DRH-MD sur l’impossibilité pour les baleiniers de pouvoir prolonger leur contrat au-delà de 17 ans, alors même que le savoir-faire d’un baleinier s’acquiert par de longues années d’expérience des passes et une formation au contact des aînés. Votre rapporteur alerte sur les difficultés qui pourraient ainsi surgir à moyen terme du changement statutaire des baleiniers.

Proposition n°24 : Modifier le statut des officiers mariniers commissionnés employés sur des postes de baleiniers afin de leur permettre de continuer à servir au-delà de 17 ans de service.

8.   Parfois, une sur-sollicitation des réservistes opérationnels

Comme dans tout l’hexagone, les forces de souveraineté emploient des réservistes opérationnels de premier niveau (RO1). Si les réservistes convoqués réalisent en moyenne 40 jours par an pour les FANC, 30 jours par an pour les FAA, et entre respectivement 33 et 40 jours par an parmi les réservistes-Marine et les réservistes-Terre (2ème RPIMa) des FAZSOI, il semblerait que certains réservistes ultramarins effectuent un nombre moyen de jours de réserve parfois largement supérieur.

En Polynésie française, il a été reporté à votre rapporteur des cas de réservistes au sein du RIMaP-P effectuant jusqu’à 140 jours de réserve par an, une durée largement supérieure aux objectifs établis par l’Armée de Terre (37,5 jours par an). Si la moyenne annuelle de jours de réserve au sein du RIMa-P-P s’élève à 49 jours, l’existence éventuelle de tels écarts interpelle votre rapporteur.

Cette suractivité résulte-t-elle à la fois d’un trop faible format RH du RIMaP-P expliquant une sur-sollicitation des réservistes, d’une absence de possibilité d’être recruté localement par l’Armée de terre et/ou d’un refus de mobilité de la part de Polynésiens ?

C.   Un modèle qui n’est pas exempt de difficultés sérieuses, pour certaines structurelles

1.   Le difficile accès aux soins en psychologie/psychiatrie

Une affectation Outre-mer, en dépit de l’inconscient collectif hexagonal associé, ne correspond pas toujours à une panacée. Votre rapporteur a souvent entendu lors de son déplacement auprès des FAPF que la Polynésie, et plus généralement l’ensemble des Outre-mer, étaient un « catalyseur de problèmes préexistants dans l’hexagone ».

L’éloignement géographique avec la sphère amicale et familiale, parfois le célibat géographique, la difficulté des conjoints à obtenir un emploi, le coût de la vie ou encore la difficulté de certaines missions (notamment, la mission HARPIE de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane) sont autant de facteurs qui peuvent créer les conditions d’un mal-être psychologique et donc la nécessité d’avoir accès à un professionnel de santé spécialisé en psychologie ou psychiatrie. En outre, la mise à disposition des forces de souveraineté d’une offre de soins psychiatrique et psychologique permettrait un meilleur dépistage du syndrome post-traumatique et un meilleur suivi des blessés psychologiques.

Néanmoins, quand elle est existante, l’offre de soins en psychologie et psychiatrie est relativement réduite pour les forces de souveraineté. Votre rapporteur a notamment pu constater que de nombreux postes étaient armés par des réservistes (souvent conjoints de militaire), ce qui peut créer une vulnérabilité dans l’accès aux soins.

Ainsi, en Nouvelle-Calédonie, la direction interarmées du service de santé des armées (DIASS) dispose d’une cellule médico- psychologique armée par des psychiatres et psychologues de réserve. Armée actuellement par un psychiatre et un psychologue de réserve, la capacité de travail de cette cellule dépend du vivier de recrutement essentiellement représenté par les conjoints de militaires. Auditionnés par votre rapporteur, les FANC ont ainsi reconnu que l’armement de cette cellule était fortement aléatoire selon les plans annuels de mutation (PAM). Une convention avec le centre hospitalier spécialisé en psychiatrie permet néanmoins de faciliter l’accès aux soins des militaires, si nécessaire.

Aux Antilles, une psychologue est affectée au service local de psychologie appliquée (SLPA) de la Marine nationale. Elle travaille au profit des militaires, gendarmes et des ayants droit (familles) en vertu d’une convention entre le SLPA et la DIASS. Par ailleurs, depuis le mois d’avril 2022, une psychologue civile bénéficie d’un local de travail (autorisation d’occupation temporaire) au sein du centre médical interarmées du Morne Desaix afin de pouvoir proposer des consultations psychologiques, notamment aux personnels des FAA ainsi qu’à leurs familles. Les FAA ont cependant précisé à votre rapporteur qu’« il était néanmoins constaté qu’elle n’est pas sollicitée, non par manque de besoin, mais sans nul doute en raison du coût des consultations psychologiques et de leur non-remboursement ».

Sur la zone La Réunion/Mayotte, les FAZSOI peuvent bénéficier de la présence d’une psychologue clinicienne militaire d’active, cheffe du service local de psychologie (SLPA), situé dans l’enceinte de la Base Navale Port des Galets. En mesure d’assurer le suivi psychologique des militaires et des ayants droit des FAZSOI, deux psychologiques cliniciennes réservistes exercent au sein de la DIASS Réunion-Mayotte. À Mayotte, une psychologue est présente au sein du RSMA-Mayotte mais cette dernière répond à l'unique mission "AMPS" médico-psychosociale au profit exclusif des volontaires du RSMA. Ce psychologue ne peut donc malheureusement pas suivre militaires des FAZSOI, ni leurs familles, alors même que les conditions de vie à Mayotte sont réputées particulièrement difficiles.

En Polynésie française, les FAPF ont fait part à votre rapporteur de leur nécessité de disposer d’un psychologue clinicien permanent. Actuellement, les FAPF peuvent compter sur un psychologue du travail au service local de psychologie appliquée (SLPA) et un psychologue clinicien de réserve effectuant deux consultations par semaine.

2.   Enjeux pour les directions interarmées du service de santé des armées

Dans les Outre-mer, la direction interarmées du service de santé des armées (DIASS) dirige un à deux centres médicaux interarmées – selon les territoires – qui ont pour mission d’assurer le soutien médical des unités implantées localement, de prendre en charge des urgences et les évacuations vers les structures médicales civiles adaptées, d’organiser les visites d’expertises médicales initiales, d’assurer la médecine de prévention ainsi que le suivi des militaires blessés d’active ou des anciens combattants.

L’éloignement par rapport à l’hexagone entraîne un recours très important aux structures hospitalières civiles ou privées pour les prises en charges spécialisées dans la mesure où les DROM-COM ne disposent pas d’hôpitaux d’instruction des armées. Les moyens matériels mis en place sont destinés prioritairement aux forces armées mais, en cas de besoin avéré, ils peuvent être utilisés par les agences régionales de santé ou les centres hospitaliers universitaires (CHU), après accord des autorités militaires et rédaction d’une convention. Enfin, le contexte climatique, souvent tropical, associé à des risques liés à une faune et à une flore, parfois agressives, induisent des pathologies très particulières qui peuvent altérer la capacité opérationnelle des militaires.

Les DIASS ultramarines soutiennent également les gendarmes ainsi que les régiments des services militaires adaptés (RSMA).

Le soutien santé dans les forces de souveraineté est taillé au plus juste et il existe peu de marges de manœuvre lors des activités opérationnelles. À titre d’illustration, les effectifs du SSA sont de 50 personnels en Polynésie française, plus 6 MCD et deux réservistes pour un territoire grand comme l’Europe. Ces effectifs sont éclatés géographiquement, en raison des élongations territoriales entre les archipels :

– L’antenne principale est située sur le camp d’ARUE ; elle est armée par 13 permanents dont trois médecins, 6 infirmiers, 3 auxiliaires sanitaires et une PCRL secrétaire. L’antenne est renforcée par 3 MCD ; 1 médecin et deux auxiliaires sanitaires ;

– Parce qu’un détachement de militaires en MCD du RIMaP-P est présent en permanence sur l’atoll de Mururoa, la DIASS arme également un poste de secours sur cet atoll situé à 1 000 km de Papeete, tenu par un infirmier et un auxiliaire sanitaire en MCD ;

– la DIASS arme également une autre antenne médicale à FAA’A, composée de 5 permanents : 1 médecin, deux infirmiers et deux auxiliaires sanitaires ;

– une unité de distribution des produits de santé (UDPS) composée de 4 permanents (un pharmacien, un magasinier PCRL et un technicien supérieur hospitalier) et d’un auxiliaire de santé en MCD ;

– dans les services médicaux embarqués, un médecin et un infirmier sont présents en permanence à bord de la frégate de surveillance Prairial, un infirmier par équipage est présent à bord du bâtiment de soutien et d’assistance Outre-mer Bougainville et un infirmier à bord du patrouilleur ARAGO ;

– enfin, le service médical du RSMA comprend 8 personnels, répartis sur les sites d’Arue (Tahiti), Tubuai, Hiva Oa et Hao.

Il existe également un enjeu de format RH dans la DIASS-NC. Avec le spectre d’un probable appui à la prochaine consultation territoriale, la désertification médicale, les tensions économiques et sociales en Nouvelle-Calédonie et le rythme croissant des exercices multinationaux de type Croix du Sud, une vigilance reste plus que nécessaire. D’après les FANC, « un renfort de la direction de la médecine des forces (DMF) s’avère indispensable pour répondre à des enjeux d’ampleur, renfort rendu complexe en raison des tensions capacitaires actuelles au sein du SSA ».

Les FANC ont également fait part à votre rapporteur de plusieurs points de vigilance majeurs concernant le soutien santé :

– enjeu concernant la disponibilité des médicaments dans le cadre du ravitaillement médical ;

– ruptures de stocks fréquentes chez les fournisseurs hexagonaux et faible disponibilité chez les fournisseurs territoriaux ;

– délais d’approvisionnement long et durée résiduelle de validité des médicaments faible.

Ainsi qu’il l’a déjà été souligné par votre rapporteur, les armées assurent également des missions d’évacuation sanitaire de plus en plus nombreuses : EVASAN, MEDEVAC et STRATEVAC (capacité d’évacuation médicale par moyen aérien militaire d’un militaire français depuis La Réunion ou Mayotte vers un hôpital d’instruction des armées hexagonal.). Afin de conduire ce type de missions, les armées utilisent très souvent les avions CASA, notamment pour atterrir sur des terrains particulièrement « rustiques » et isolés : ces avions sont en effet les seuls aéronefs à pouvoir se poser par exemple sur les îles Éparses tandis qu’en Polynésie, ils peuvent se poser sur 46 des 50 pistes existantes. Or, la dépendance aux CASA pour ce type de missions constitue un point de vigilance majeur. En effet, d’une part, le taux de disponibilité des CASA n’est pas très satisfaisant. D’autre part, les CASA devraient être retirés du service en 2035. Or, il n’existe pas encore d’alternative au CASA pour se poser sur ce type de théâtre constitué de petites îles. Les avions C130J qui devraient faire la transition entre le CASA et son successeur ne pourront se poser sur 30 % des pistes polynésiennes. Le remplacement des CASA à moyen terme par des A200M semble la meilleure option pour le soutien des besoins du théâtre polynésien.

3.   Parfois, un état préoccupant des infrastructures opérationnelles et du quotidien

Les réformes successives du SID depuis 2010, avec tout d’abord le regroupement du personnel d’entretien courant des unités au niveau des bases de défense, puis transféré directement auprès du SID dans une logique de bout en bout, ont fortement participé à la dégradation des infrastructures.

Cette dégradation s’observe globalement dans l’ensemble des Outre- mer, notamment en ce qui concerne les infrastructures du quotidien. D’après des chiffres datant de 2017, extraits de l’application d’expression des besoins et des synthèses de la qualité du service rendu (QSR) fournies par le CICOS, le délai moyen de traitement des demandes d’intervention en 2017 était de 18 jours en Guyane, 22 jours aux Antilles et 24 jours en Polynésie Française, à titre d’exemple. Ce sujet qui concerne la vie quotidienne des unités (peinture, électricité, plomberie, serrurerie, etc.) est un motif majeur de leur mécontentement à l’égard du service rendu par les DID.

Dans les Outre-mer, la population soutenue par les DID s’étend également à la Gendarmerie et aux régiments du SMA. En Polynésie, la DID assure également des missions pour la Gendarmerie dans le cadre d’une délégation de gestion du 24 décembre 2008, couvrant des actions de maîtrise d’ouvrage déléguée, de conduite d’opérations, de maîtrise d’œuvre, de gestionnaire de crédits d’infrastructure et de gestionnaire du domaine occupé par les unités ou services de la Gendarmerie. En vertu d’une convention cadre établie le 12 avril 2011 entre le MINARM et le MININT, la DID-PF assure pour le RSMA une mission de conduite des opérations et de maîtrise d’œuvre, assortie d’une délégation de gestion.

Les FAPF ont fait part à votre rapporteur d’un certain nombre de problématiques spécifiques aux Outre-mer rendant encore plus difficile que dans l’hexagone la bonne conduite du soutien infrastructure :

– cherté et délais allongés des travaux infrastructures dans les Outre-mer. Les FANC ont estimé que l’isolement insulaire néocalédonien renchérissait de 20 à 40 % les coûts de certaines constructions ;

– faiblesse du tissu entrepreneurial dans le domaine du BTP : 11 entreprises de taille moyenne en Polynésie, une très grande entreprise, 128 petits entreprises et 4154 microentreprises ;

– spécificités îliennes : délais d’approvisionnement et coût des matériaux, élongations et logistique fragile pour soutenir les atolls les plus éloignés (Mururoa, Hao).

Le Directeur du SID a également pointé une qualité moyenne à faible de réalisation des travaux et des études, en raison de la situation de faible concurrence sur la place de Papeete, d’une expertise locale variable et volatile (offre d’assistance à maîtrise d’ouvrage limitée).

Le soutien dans le domaine des infrastructures couvre un large champ de missions. Le plan de charge de la DID-Polynésie française est croissant en raison notamment de la construction des infrastructures opérationnelles accueillant les prochaines livraisons capacitaires (quai POM, hangars AVSIMAR). La dépollution de l’atoll de HAO au titre de la dépollution des anciennes installations du Centre d’Expérimentations du Pacifique (CEP) ainsi que la poursuite de la montée en charge des plans ministériels Hébergement et Ambition Logement mobilisent également fortement la DID.

Si l’état global des infrastructures opérationnelles Outre-mer reste plutôt correct, bien que de réels points noirs existent selon les territoires, l’état des infrastructures de vie est lui nettement moins satisfaisant. Auditionné par votre rapporteur, le directeur central du SID a estimé le volume de la dette grise ultramarine à 10 % du volume total de la dette grise du ministère des Armées.

Les FANC ont précisé à votre rapporteur que leur « patrimoine immobilier en 2022 se caractérise par un état plutôt satisfaisant des infrastructures les plus opérationnelles, conservées à un niveau de disponibilité proche de 100 %. En revanche, les infrastructures de soutien courant, du type administration générale et de soutien commun (AGSC), sont dans un état général moyen et continuent de se dégrader du fait d’une sous-dotation chronique en matière de crédits de maintien en condition (une ressource trois fois inférieure aux besoins exprimés). Des crédits MEC/TAM à hauteur de 4 M€ sont un minimum pour ralentir cette dégradation du patrimoine (2,60 M€ alloués en 2023). En matière de maintenance lourde (ML) et d’entretien des réseaux, il convient de rester vigilant et de pouvoir faire inscrire en programmation à l’horizon de 5 ans la rénovation des nombreux réseaux devenus vétustes. Bien que ce chiffre mérite d’être affiné, on peut estimer à environ 40 M€ la « dette grise » des FANC en matière de maintien en condition et de conservation du patrimoine immobilier.

L’état du parc de logement domanial des FANC est estimé bon avec des crédits permettant de construire de nouvelles capacités d’accueil et d’entretenir correctement les 400 logements domaniaux existants. L’état du parc des bâtiments cadres célibataires est « assez satisfaisant » à l’exception d’un BCC en base navale et du bâtiment de PLUM qui nécessitent d’importants travaux de réhabilitation.

Auditionnées par votre rapporteur, les FAA ont déclaré que « l’état des infrastructures est globalement satisfaisant. Le principal point faible reste le quai aux huiles pour lequel il n’y a rien eu de fait depuis 30 ans, la zone technique du 33ème RIMa qui n’est plus adaptée, ainsi que les chaussées aéronautiques du PAE qui montrent des signes de faiblesse. » Il a été précisé à votre rapporteur que ces opérations étaient programmées au titre de la LPM 24-30.

À La Réunion, les infrastructures opérationnelles sont « globalement en assez bon état, mais se dégradent toutefois lentement. » À Mayotte, les infrastructures opérationnelles sont « globalement en mauvais état, voire en très mauvais état, avec une dégradation prononcée qui s’aggrave. » Dans les îles Éparses, les infrastructures opérationnelles sont « globalement en bon état, mais demandant des efforts constants d’attention. »

En Polynésie française, la réduction en continue du budget alloué au maintien en condition des infrastructures des FAPF ne permet pas de conserver le patrimoine au niveau opérationnel et satisfaisant au niveau d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail requis.

Le juste besoin en crédits de maintenance courante des FAPF est estimé à 5,50 M€/an en crédits MeC (maintenance courante) et 500 000 €/an en crédits TAM (travaux d’adaptation mineurs). En 2023, l’enveloppe des crédits de maintenance a augmenté de 600 000 € par rapport à celle de 2022 mais reste toutefois en deçà du juste besoin estimé à 5,50 M€. La dette grise des FAPF est estimée à près de 26,5 millions d’euros.

L’enquête sur la « qualité des services rendus » d’octobre 2022 des FAPF révèle un niveau global de satisfaction très élevé des soutenus vis-à-vis des services de soutien. Toutefois, ce taux de satisfaction baisse sensiblement concernant l’état global des infrastructures :

FAPF : L

4.   La résilience cyber et les infrastructures numériques

Sur la période récente, les forces de souveraineté ont conduit des exercices interarmées de résilience des systèmes d’information et communication (SIC). Les liaisons SIC constituent un enjeu primordial, puisqu’elles acheminent tous les réseaux informatiques vers l’hexagone. ([20])

Les forces de souveraineté ainsi que les forces prépositionnées à l’étranger disposent de plusieurs moyens de raccordement avec l’hexagone. Le principal moyen de raccordement repose sur les réseaux de fibres optiques sous-marines. Cet accès est redondé par un accès PRVI ([21]) souscrit auprès de fournisseurs privés locaux, ou encore par un lien d'ultime secours utilisant les capacités satellitaires du ministère (SYRACUSE). Le satellite Syracuse 4B, dernier ajout de la constellation Syracuse, permet d’augmenter significativement la couverture satellitaire militaire du monde pour une plus grande capacité de transmission et une sécurité renforcée des communications des forces de souveraineté.

Prévus pour tester l’efficacité des moyens de transmission en situation dégradée, les scénarii des exercices interarmées de résilience des transmissions ont préfiguré une situation de perte fictive des fibres optiques sous-marines reliant les forces à l’hexagone.

Les FAA ont été précurseurs dans l’organisation de ces exercices en mars 2022 puis en mai 2023. Ces exercices ont permis de rétablir la configuration réseau pour que les flux prioritaires soient « routés » par SYRACUSE en cas d'indisponibilité des fibres optiques sous-marines. Les FAZSOI ont également mené un test de résilience interarmées des transmissions le 4 avril 2023, préfigurant une coupure de la liaison optique sous-marine entre La Réunion et l’hexagone en mettant en œuvre la liaison de secours PRVI puis la liaison dégradée basée sur le lien satellitaire SYRACUSE. Le maintien de la disponibilité des systèmes d’information opérationnels classifiés fut garanti, même via le lien dégradé. En outre, les FAZSOI ont précisé à votre rapporteur que l’accès au réseau Intradef a pu être maintenu pour un nombre limité d’utilisateurs via le lien de secours. Cet exercice devra être reconduit chaque année par les FAZSOI, au gré des changements de personnels et des évolutions de matériels.

Le plan de charge des FANC ne leur a pas permis de mener un test de résilience interarmées des transmissions. Par ailleurs, dans le cadre d’un renforcement de la résilience SIC en Nouvelle-Calédonie, l’opérateur historique OPT a livré le second câble sous-marin qui relie la Nouvelle-Calédonie à Fidji, le premier reliant la Nouvelle-Calédonie à l’Australie.

Afin de renforcer la résilience des transmissions, votre rapporteur invite les forces de souveraineté à réaliser ce type d’exercices sur une base annuelle.

Proposition n°25 : Renouveler sur une base annuelle les exercices interarmées de résilience des transmissions dans les forces de souveraineté.

5.   Une résilience variable de la fonction soutien pétrolier

Les détachements du service de l’énergie opérationnelle doivent :

– assurer le soutien pétrolier des forces de souveraineté : approvisionnement, stockage et distribution ;

– assurer le soutien pétrolier d’autres organismes (Gendarmerie, RSMA) ;

– assurer l’entretien des stocks stratégiques ;

– assurer la maintenance des matériels pétroliers de la zone ;

– assurer le conseil et l’expertise dans le domaine pétrolier.

La résilience du soutien pétrolier est variable selon les forces. La robustesse du soutien pétrolier en Outre-mer réside dans la détention de stocks de sécurité en infrastructures militaires et de moyens de transport et de distribution adaptés, et maintenus en condition opérationnelle.

Les stocks stratégiques sont définis par l’EMA en fonction de l’étude des consommations antérieures. Ils sont revus régulièrement. Ils sont constitués en F- 35 (carburéacteur) et F-76 (gazole marine).

La situation est hétérogène en fonction des capacités de stockage détenues en propre par le SEO et par les forces armées (stations-service du SCA et barges de la Marine Nationale). Ainsi, les capacités de stockage détenues en propre permettent d’apporter une certaine résilience et une autonomie de plusieurs mois en Nouvelle Calédonie, en Martinique et en Guyane.

En revanche dans les autres zones que sont la Réunion, Mayotte, la Polynésie Française et la Guadeloupe, en l’absence de stocks détenus en régie, la résilience du soutien pétrolier repose intégralement sur les opérateurs privés.

Le territoire de la Nouvelle-Calédonie est approvisionné depuis l’Asie du Sud-Est et notamment Singapour par les navires affrétés par les trois sociétés pétrolières assurant le soutien pétrolier des FANC (Total Énergies, Mobil et SSP) selon une fréquence mensuelle. Les capacités de stockage de ces sociétés sont limitées et les stocks stratégiques, qui sont fixés à 20 % de la consommation annuelle pour les importateurs-fournisseurs sont tout juste tenables.

Les FANC disposent de capacités de stockage propres pour les trois composantes Terre, Air et Mer et ne dépendent du civil que pour leur approvisionnement ainsi que pour le soutien pétrolier des véhicules dans les stations-service. Ces capacités de stockage, implantées au RIMAP-NC à Plum pour la partie terrestre, à la base navale de Chaleix à Nouméa pour la Marine et à la base aérienne 186 à Tontouta pour l’aéronautique, permettent au FANC de disposer d’une autonomie satisfaisante.

La Réunion importe par voie maritime la totalité des produits pétroliers qu’elle consomme. La ville du Port, située sur la façade Ouest de l’île à 25 km de Saint-Denis constitue le seul point d’entrée pour les approvisionnements en hydrocarbures de La Réunion. Quatre opérateurs pétroliers importent les carburants raffinés aux normes européennes : la Société Réunionnaise de Produits Pétroliers (SRPP), TotalEnergies, Vivo energy et Ola Energy. Les carburants proviennent d'un seul et même pays, à savoir la Malaisie.

À Mayotte, la société TotalEnergies Marketing Mayotte (TEMM) est l’unique opérateur pétrolier de l’île. Le périmètre de ses activités est donc très vaste et s’étend de l’importation à la commercialisation des différents carburants et produits pétroliers. Les carburants raffinés aux normes européennes sont importés des Émirats arabes unis ou des Seychelles. Le stockage des différents carburants est assuré par la société mahoraise de stockage des produits pétroliers (SMSPP) qui est une filiale de TEMM. Cette société dispose de deux dépôts majeurs, un sur Petite-Terre aux Badamiers et un sur Grande-Terre à Longoni et un troisième mineur sur l'aéroport de Dzaoudzi qui sert uniquement au soutien de l'activité aérienne. L'absence d'oléoduc entre les dépôts de Grande-Terre et Petite-Terre contraint la logistique et oblige à stocker l'ensemble des ressources en carburéacteur sur Petite-Terre.

À La Réunion, les stocks de crise sont assurés au travers d’un stockage externalisé contractualisé auprès d’un opérateur pétrolier pour la partie aéronautique et en s’appuyant sur les moyens propres des unités (citerne flottante pour le gazole de navigation et stations-services pour le carburant terrestre). Le défaut de stockage militaire présente un risque. L’accès aux stocks de sécurité, entretenus dans le secteur civil, n’est pas garanti en permanence notamment en cas de mouvements sociaux pouvant bloquer le dépôt pétrolier du port. Concernant le carburant terrestre, en cas de défaillance du secteur civil, les forces armées ne disposent que d’un point d’appui unique avec la station-service de Pierrefonds (au sein du 2e RPIMa). La mise en place d’un moyen de distribution dédié au nord de l’île reste néanmoins nécessaire car il fait aujourd’hui défaut.

Le DETSEO-FAZSOI dispose donc de moyens humains limités et son dépôt essences mixte situé au sein de la BA181 à Gillot ne dispose d’aucune capacité de stockage d’infrastructure. Un stockage sur roues est effectué à partir des camions avitailleurs présents sur le territoire mais il ne concerne que le carburant aéronautique. Un dépôt de campagne d’ampleur limitée peut néanmoins être déployé au besoin. Pour assurer l’approvisionnement en produits pétroliers, le détachement s’appuie sur les marchés contractualisés. Le soutien direct des unités est majoritairement externalisé pour les carburants terrestres (forces armées et gendarmerie) par le biais d’un marché de fournitures de produits pétroliers par cartes accréditives. Le 2e RPIMa fait figure d’exception puisqu’il peut se ravitailler directement à la station-service située dans la caserne. Le soutien des aéronefs est réalisé par le personnel militaire du SEO stationné sur la BA181. Enfin, les bâtiments de la Marine nationale sont ravitaillés par la batellerie de la base navale au moyen de la citerne flottante qui s’approvisionne directement dans la darse militaire via un pipeline connecté au dépôt de la SRPP.

Auditionné par votre rapporteur, le directeur central du SEO a précisé que la construction d’un nouveau dépôt d’infrastructure de stockage de carburants à La Réunion devrait commencer en 2026.

Concernant Mayotte, le soutien des unités en carburant terrestre s’appuie principalement sur les moyens infrastructures propres du détachement de la légion étrangère de Mayotte (DLEM). Le soutien des moyens maritimes est, en revanche, totalement externalisé. Les stocks objectifs de produits pétroliers fixés par l’EMA sont assurés au travers d’un stockage externalisé contractualisé auprès de la société TOTALENERGIES pour la partie aéronautique et en s’appuyant sur le DLEM pour les produits terrestres. La résilience énergétique des unités stationnées à Mayotte ne présente pas de fragilité particulière.

À Tahiti, le soutien carburant aéronautique est également très largement externalisé. En outre, les FAPF ne détiennent plus de capacité de stockage en propre, depuis l’arrêt de l’exploitation en 2021 du DEM de FAA’A, en raison de non-conformités relevées par le CGA. Un projet de rénovation est en cours, visant une mise en conformité réglementaire du dépôt, qui devrait faire l’objet d’un financement au cours de la LPM 24-30. Par ailleurs, un autre point de vigilance tient dans le petit nombre de fournisseurs de F35 dans les archipels ; ainsi, si Total se retirait de Bora Bora, les Armées ne disposeraient plus de fournisseur de carburant dans l’île.

Dans la zone Antilles, l’approvisionnement et la livraison sont externalisées, sauf pour le carburéacteur diesel F63 qui est un mélange particulier approvisionné et livré par le DETSEO. En Guyane, un point de vigilance existe tenant au fait qu’une société est en situation de monopole sur l’approvisionnement de pétrole.

6.   Des vulnérabilités sur le soutien munition

Dans les Outre-mer, les études récentes en matière de renforcement du dispositif et notamment de la mise en place de points d’appui montrent que les capacités actuelles de stockage devraient être aménagées, surtout pour les munitions de grandes dimensions propres au milieu Marine et Air.

Les dépôts dans les Outre-mer ont été dimensionnés pour effectuer le soutien munitions des missions régionales des forces de souveraineté ainsi que pour des besoins inhérents à l’entraînement de ces forces. Ils sont donc conçus pour ravitailler exclusivement les unités locales.

Le SIMu a défini les possibilités et les conditions nécessaires à un accroissement capacitaire permettant notamment d’accueillir tout type de munitions. Ces études visent à installer des structures de stockage peu coûteuses et démontables (tente Bachmann et containers climatisés). Une possibilité demeure également de construire de nouvelles infrastructures visant à accroître la capacité de stockage sur certains sites disposant d’une réserve foncière idoine.

Par ailleurs, la ressource humaine affectée au soutien munitions dans les Outre-mer devrait être renforcée.

En outre, l’approvisionnement en munitions dépend de la fréquence des affrétés et très marginalement du transport aérien. Pour mémoire, un seul affrété militaire dessert annuellement les FAPF et les FAZSOI.


III.   Le renforcement prévu du format des forces de souveraineté doit s’accompagner d’un renforcement majeur des services de soutien

A.   La LPM 2024-2030 prévoit une remontée en puissance des capacITés des forces de souveraineté dans le cadre des « points d’appui ultramarins »

La loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense érige les Outre-mer en priorité de Défense française avec une programmation dédiée annoncée de 13 milliards d’euros.

La LPM 2024-2030 précise ainsi dans son rapport annexé : « Les forces de souveraineté disposeront de capacités de surveillance-anticipation développées, lesquelles amélioreront la couverture de nos territoires d'Outre-mer et de leurs zones économiques exclusives, qui sont un impératif pour la nouvelle loi de programmation militaire. Les infrastructures permettant d'accueillir une montée en puissance des moyens aériens seront identifiées en amont en étudiant pour chaque site la possibilité de mettre en place des bases aériennes polyvalentes à fonction duale civile et militaire. Les capacités de commandement seront durcies et densifiées de manière ciblée en fonction des enjeux régionaux et leur résilience sera améliorée (communications, capacité d'influence). Nos forces de souveraineté bénéficieront d'un effort généralisé sur le plan capacitaire (protection, intervention et appuis, infrastructure) et constitueront un premier échelon renforcé immédiatement disponible (présence, protection et action humanitaire) afin de décourager toute tentative de déstabilisation ou de prédation (…) En outre, le ministère des armées s'engage à ce que nos forces de souveraineté maintiennent une présence continue dans nos territoires ultramarins et leurs zones économiques exclusives. »

Ainsi, la LPM 2024-2030 prévoit un durcissement et un renforcement progressif des moyens capacitaires des forces de souveraineté, avec notamment :

la livraison progressive et l’admission au service actif des six patrouilleurs Outre-mer (POM) actif d’ici début 2026, qui remplaceront les patrouilleurs P400 d’ancienne génération basés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à La Réunion ;

une capacité de projection de force avec des bases aériennes modernisées pouvant accueillir A400M, drones et aviation de combat ;

de nouveaux moyens de surveillance maritime aérienne avec l’arrivée des Falcon 2000 Albatros en remplacement des FALCON 200 Guardian et Falcon 50.

La priorisation donnée aux Outre-mer dans la LPM 2024-2030 consacre la montée en puissance des Outre-mer comme « points d’appui » pour les Armées françaises, au cœur d’un théâtre régional. À titre d’exemple, le régiment d’infanterie de marine de Polynésie (RIMaP-P) devra être prêt à déployer deux à trois sections de combat sur une des îles de la ZEE afin de dissuader toute tentative de déstabilisation régionale ou pour effectuer une levée de doute, sans attendre l’arrivée de l’échelon national d’urgence.

Le renforcement des points d’appui ultramarins implique donc une augmentation du format RH des forces de souveraineté, un durcissement capacitaire et la possibilité d’accueillir rapidement des renforts humains et matériels venus de l’hexagone ou de la ZRP en cas d’alerte. En toute logique, la matérialisation de l’ambition des armées dans le domaine « point d’appui » passent nécessairement par la mise à niveau des infrastructures et du soutien adapté. Ainsi, la priorisation donnée aux Outre-mer devra sine qua non s’accompagner d’un renforcement général du format et de la résilience des soutiens des forces de souveraineté.

D’après les auditions menées par votre rapporteur, les effectifs des forces de souveraineté devraient augmenter de plus de 10 % au cours de la LPM 2024-2030. Les forces de souveraineté verront toutes leurs effectifs augmenter, avec une priorisation reconnue placée sur les FAZSOI, puis les FANC et les FAG. Le ratio de personnels en mission de longue-courte durée devrait passer à 70/30, ce qui suppose de renforcer les effectifs des forces de souveraineté.

Dans la zone sud de l’océan Indien, l’augmentation des effectifs au cours de la LPM 2024-2030 des FAZSOI devrait suivre le calendrier suivant :

 

Force

Territoire

Effectifs 2023

Renforcement

Effectifs 2030

(renfort)

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

FAZSOI

La Réunion

1 619

 55

+ 28

+ 23

+ 3

+ 52

+ 8

+ 8

1 796 (+177)

Mayotte

430

 14

+ 17

+ 17

+ 2

+ 29

/

+ 5

514 (+84)

Le cadrage qui a été communiqué à votre rapporteur prévoyait donc +177 ETP à La Réunion (136 MLD, 41 MCD), et + 84 personnes à Mayotte (56 MLD, 28 MCD). Les évolutions majeures viseraient les objectifs suivants :

• le renforcement du point d’appui (capacité d’accueillir, soutenir et régénérer des renforts extérieurs) ;

• le renforcement du PC de théâtre sud océan Indien (planification et conduite des opérations, renseignement, lutte informationnelle, logistique opérationnelle, action de l’état en mer) ;

• le renforcement de la composante Marine à La Réunion (+28 ETP, 2POM, un second hélicoptère embarqué sur frégate de surveillance) et à Mayotte (+11 ETP ciblés sur le renforcement du MCO et la mise en place d’un Engin de débarquement amphibie standard) ;

• le renforcement de la composante terre à la Réunion avec +75 ETP répartis entre le 2ème RPIMa et la mise en place d’un détachement de l’aviation légère de l’armée de terre (DETALAT) à 2 hélicoptères de manœuvre (HM) à La Réunion ;

• le renforcement de la composante terre à Mayotte, ciblé sur l’augmentation des effectifs et de la capacité de manœuvre du détachement de la Légion étrangère à Mayotte (DLEM) (+68 ETP) ;

Auditionnés par votre rapporteur, les FANC lui ont reporté avoir exprimé le besoin de consolider leur partenariat avec les États Insulaires du Pacifique (EIPS) et de renforcer leur capacité d’action au titre de la crédibilité opérationnelle. Cela se traduit par :

une augmentation en effectif des FANC planifiée à + 200 à l’horizon 2030, un renforcement des capacités et des effectifs du RIMaP, la création de nouvelles unités et le renouvellement des matériels pour 2030 ;

– la poursuite de la modernisation des capacités des FANC – 2 patrouilleurs Outre-mer en 2025, une corvette en remplacement de la frégate de surveillance en 2030, le remplacement des GARDIANS par des FALCON 50 puis 2000 ainsi que le remplacement des PUMA par des H225 ;

– l’acquisition de nouvelles capacités avec le possible positionnement d’un A400M en Nouvelle-Calédonie et le besoin de posséder un bâtiment aux capacités amphibie ;

– le renforcement des capacités d’accueil des FANC (BA et BN particulièrement) pour devenir un point d’appui des forces françaises dans le Pacifique pour les plus grandes unités (SNA, PHA, MRTT, pôle chasse, etc.).

– la création d’un pôle de coopération régionale permettant de rayonner sur tout le Pacifique.

Les FAA devraient, elles, bénéficier de la création d’une nouvelle unité élémentaire d’infanterie au sein du 33e RIMa, ainsi que la création d’une section d’éclairage régimentaire qui renforceront le régiment et lui permettront de durcir sa préparation opérationnelle. Il convient de noter que le choix fait dans les années 2010 de supprimer la présence des FAA en Guadeloupe n’est pas remis en cause dans le cadre de la LPM 2024-2030. Auditionné par votre rapporteur, le général Mabin a précisé qu’une capacité d’accueil des FAA était adossée au RSMA-Guadeloupe afin de pouvoir accueillir à tout moment une unité des FAA en cas d’urgence.

Les États-majors ultramarins seront renforcés dans les capacités « multi-milieu multi-champ » et les fonctions « émergentes » avec des personnels spécialisés notamment dans le domaine cyber, l’exploitation d’images, la lutte informationnelle. Le ratio entre les personnels en MLD et MCD, aujourd’hui à 60/40 % devrait atteindre 70/30 % en fin de période.

L’armée de terre devrait bénéficier de près de 600 postes supplémentaires dans les Outre-mer, dans le cadre d’une répartition globale MLD/MCD de 60/40 %. Les effectifs approximatifs prévus, encore sujets à arbitrage, pourraient se répartir de la façon suivante :

– FAZSOI : +150

– FAG : +140

– FANC : +140

– FAA : +90

– FAPF : + 80

Si les forces de souveraineté ne devraient pas avoir de difficultés majeures à honorer ces quelque 1 000 ETPT supplémentaires, votre rapporteur souhaite attirer l’attention sur la probable difficulté des forces de souveraineté à réaliser dans les temps l’objectif d’un réserviste pour deux militaires d’actives en 2035.

Les FAA ont déclaré ne pas réussir à ce stade à armer leur réserve à 100 %. Selon les FAA, « L’augmentation significative envisagée va être difficile à mettre en œuvre. La ressource aux Antilles est éphémère et limitée en raison d’une forte concurrence pour capter la ressource (jeunes de 17 à 25 ans) entre les FAA, les RSMA, le MININT (GEND, SDIS), d’une proportion de jeunes qui quittent l’île pour leurs études (environ 4 000 par an) et d’un vivier de conjoints militaires limité dont la présence reste temporaire. » Les FAZSOI ont également partagé à votre rapporteur leurs probables difficultés à venir pour atteindre l’objectif gouvernemental. Sur place, seule la Marine nationale a déjà planifié le doublement de sa réserve, via notamment la présence d’une flottille côtière de réservistes.

B.   Ce renforcement du format des forces doit s’accompagner d’une remontée en puissance majeure des soutiens dans les Outre-mer

La matérialisation de l’ambition des Armées dans le domaine « point d’appui » passe nécessairement par la mise à niveau des infrastructures et un renforcement substantiel des soutiens.

Il a été démontré en II que la chaîne ultramarine des soutiens, aussi efficace soit-elle, présente de nombreuses fragilités. Les effectifs des services de soutien ont été les premiers affectés par la rationalisation du format des forces de souveraineté au cours de la décennie précédente.

Un accroissement des effectifs des forces de souveraineté de près de 10 % suppose nécessairement un accroissement d’au minimum 10 % des effectifs des services de soutien auprès des forces de souveraineté.

Au cours de la LPM 2024-2030, les services de soutien seront très fortement sollicités dans les Outre-mer. Une augmentation de 10 % des effectifs signifie mécaniquement un nécessaire renforcement de la chaîne de soutien santé, un renforcement des stocks de carburants et de munitions, davantage de besoins en logements, en loisirs, etc. Les bases de défense devront voir leurs effectifs étoffés afin de soutenir au mieux les nouveaux effectifs (+1 000 environ), et les éventuels renforts temporaires dans le cadre des points d’appui (forces venues d’hexagone ou stationnement d’alliés).

Notamment, les DID auront à conduire de très nombreux chantiers d’infrastructures opérationnelles en lien avec l’arrivée des nouvelles capacités ultramarines. Au cours de la LPM 2024-2030, 800 millions d’euros sont inscrits en programmation pour le financement des travaux sur les infrastructures opérationnelles ultramarines.

Focus sur quelques chantiers majeurs d’infrastructures opérationnelles dans les Outre-mer (LPM 24-30)

FAA :

Base navale :

- refonte totale de la zone du quai aux huiles pour obtenir un pôle logistique adapté aux règles SST et ICPE afin de réaliser des opérations de MCO naval dans de bonnes conditions ; refonte SEC PRO (parking + PC PRODEF), le remplacement d’appontements en dur en lieu et place des appontements mobiles et le rallongement du quai des avisos en prévision de l’arrivée des futures corvettes qui remplaceront les FS à compter de 2030 ;

Au pôle aéronautique du Lamentin (PAE) : le parking et le taxiway feront l’objet d’une refonte lourde programmée au titre de la LPM 24-30 ;

Modernisation du champ de tir.

•FAZSOI :

Accueil des POM/BSAOM dans la base navale, pôle restauration et zone technique du 2e RPIMa, capacité d’accueil et de PREPAOPS du DLEM, renforcement des capacités de stockage en carburant du DA.

• FANC :

Renforcement des capacités d’accueil de la force, accueil des F2000 sur la BA, modernisation des zones techniques du RIMaP-NC, accueil de nouveaux navires/durcissement SECPRO de la base navale.

FAPF :

Base navale : travaux pour construction d’un quai POM en dur (18 mois à partir de 2023) ; Adaptation et carénage de ras

Détachement Air : travaux pour l’accueil du programme AVSIMAR et du futur hélicoptère HIL ; réfection du parking aéroport

Dépôt des essences mixtes (SEO) : mise aux normes et augmentation de la capacité de stockage de 200 m3 à 420 m3.

Construction d’un PC pour le RIMaP-PF.

L’arrivée de nombreux renforts en MCD impliquera également un accroissement rapide du parc de logements pour les personnels militaires et civils ainsi que leurs familles. Il ressort des auditions menées par votre rapporteur que le taux d’occupation des parcs de logements, qu’ils soient domaniaux ou pris à bail est déjà proche du taux maximal. À titre d’illustration, au 30 septembre 2022, le taux d’occupation du parc domanial des FAPF était de 93,9 %. Or, sur 18 logements inoccupés, 8 faisaient l’objet de travaux, 2 étaient réservés pour les maisons familles, 2 pour des colocations, 2 étaient en cours d’attribution et 4 seulement étaient libres pour faire face à d’éventuels relogements. Le parc pris à bail faisait l’objet d’un taux d’occupation de 96,4 %. À La Réunion, les taux d’occupation du parc de logement sont encore plus élevés, respectivement de 99 % (hors logements en travaux) en domanial et de 98 % en baillé. À Mayotte, le taux d’occupation du parc domanial est de 99 % et de 86 % pour les logements baillés. Dans les Antilles, le taux d’occupation des logements est de 100 %.

Le plan hébergement des FAPF prévoit également la rénovation de 126 chambres et une augmentation de capacité d’hébergement de 115 lits avec la construction de deux BCC. Dans les Antilles, le taux d’occupation des hébergements est de 96 % au 31 mai 2023. Un projet de construction d’un BCC, représentant un gain de 20 places pour l’ensemble des FAA, est programmé à l’horizon 2025.

Dans l’ensemble des Outre-mer, les plans de charge des DID sont croissants. Concernant les logements domaniaux, le plan de charge de la DID-Polynésie française prévoit la rénovation lourde de 55 logements (T3 à T7) et l’augmentation du parc de 32 logements (T3 à T7) entre 2021 et 2026, pour un total de 23 millions d’euros d’investissement. Les FANC ont précisé à votre rapporteur que des travaux étaient toujours en cours afin d’affiner les besoins en soutiens dans le cadre du renforcement RH entre 2024 et 2030 (+ 196 hors POM et VTN) : à l’heure actuelle, sont déjà programmés et financés la construction de dix nouveaux logements à Nouméa en 2025 et la livraison de 6 logements individuels à Plum en 2026. Les FANC ont précisé que ce plan devrait être accompagné de 75 logements baillés afin de compléter le besoin au regard de l’augmentation des effectifs. Les FAZSOI ont quant à eux exprimé le besoin d’une augmentation significative d’environ 150 logements domaniaux entre 2026 et 2030. Aux Antilles, une livraison de 18 logements domaniaux est prévue en 2024 et de 6 logements en 2025.

Le besoin rapide d’un renforcement des effectifs de l’ensemble des services de soutien, et notamment des DID, est indispensable. Les principaux enjeux pour les DID demeurent leur capacité à réaliser en coût/délais/performance les infrastructures d’accueil des nouveaux besoins capacitaires des forces de souveraineté, la bonne prise en compte des enjeux environnementaux et énergétiques, la rationalisation et l’entretien du patrimoine immobilier, l’intégration des besoins relatifs à la préparation opérationnelle des forces (IPO) et enfin, la mise en cohérence des enjeux sécuritaires et SECPRO.

Par ailleurs, en Polynésie, la montée en puissance du plan de charge des FAPF justifie de nouveau l’existence d’une régie en propre au sein de la DID de Papeete, la DID de Papeete étant la seule DID ultramarine à ne pas disposer de régie.

Proposition n°26 : Recréer une régie infrastructures au sein de la DID de Polynésie française.

C.   Un renforcement au service de quels objectifs stratégiques ?

Si votre rapporteur salue les efforts de remontée en puissance des forces de souveraineté, il souhaite néanmoins attirer l’attention sur les objectifs stratégiques poursuivis par un tel mouvement. En effet, si la LPM 2024-2030 précise que le but d’une telle remontée en puissance vise une amélioration capacitaire des forces de souveraineté, elle ne donne toutefois pas d’orientation stratégique précise.

Nonobstant, le nécessaire renforcement ne peut dispenser d’une réflexion stratégique plus globale sur le rôle spécifique que pourraient avoir les forces de souveraineté. Aussi, votre rapporteur souhaite-il faire part de ses réflexions sur ce rôle. Si le renforcement de l’existant est une nécessité après la diminution drastique de moyens occasionnée par la RGPP, il ne saurait définir à lui seul un objectif stratégique. Ces renforcements matériels et humains doivent permettre aux forces de souveraineté de répondre aux enjeux de chaque zone, tant sur le plan de la souveraineté (frontières terrestres, surveillance de la ZEE) que pour répondre aux enjeux géopolitiques.

À la suite de sa visite d’État en Chine en avril 2023, le Président de la République a fait savoir qu’il souhaitait agir en vue d’une « autonomie stratégique européenne », pour éviter d’entrer dans une logique « de bloc à bloc » et ainsi ne pas avoir « à s’adapter au rythme américain et à une sur-réaction chinoise ». L’Élysée avait précisé à la suite de cette déclaration que « La France n’est pas à équidistance entre Pékin et Washington, elle est une alliée des États-Unis, mais n’est pas alignée ». De fait, il ressort des auditions menées par votre rapporteur que les regards sont davantage tournés vers la Chine et s’arriment à la logique étatsunienne dans l’Indopacifique, loin du non-alignement pourtant revendiqué par le chef de l’État.

Votre rapporteur estime pour sa part que la stratégie française doit incarner le non-alignement. Celui-ci ne signifie pas la neutralité. Il est la condition pour pouvoir agir au service de la paix et la défense des intérêts de notre Nation.

Il estime par conséquent que la transformation des forces de souveraineté en « points d’appui » ne définit pas une stratégie. Il souhaiterait qu’une réflexion soit engagée pour définir les objectifs de ce renforcement. Dans le but de servir la paix et afin de répondre aux enjeux de notre temps.

Ainsi, votre rapporteur estime que les forces de souveraineté pourraient avoir d’autres missions que celles aujourd’hui menées. La France est présente dans tous les océans grâce aux Outre-mer. Les forces de souveraineté pourraient ainsi participer au développement de coopérations régionales afin de renforcer le caractère universaliste et non aligné de la position française. Ces coopérations œuvreraient dans le sens de la paix dans un contexte de remontée des tensions internationales. Elles pourraient, le cas échéant, faire écho à des initiatives pour la paix dans le cadre de l’ONU.

Enfin, les Outre-mer étant situés aux avant-postes du bouleversement du climat, votre rapporteur pense utile d’envisager de nouer des partenariats régionaux pour lutter contre les effets de ce bouleversement, puisque les catastrophes naturelles seront amenées à se multiplier et à devenir toujours plus dévastatrices. Ainsi, la France pourrait s’illustrer par ces partenariats, non seulement dans l’anticipation et la prévention, mais aussi dans le secours aux populations civiles affectées par des catastrophes climatiques. Les actes de solidarité entre les peuples face aux catastrophes naturelles sont non-seulement nécessaires pour faire face à des événements de plus en plus violents, mais peuvent participer de l’affirmation de la France comme puissance de paix.

 


 

   Travaux de la commission

I.   Auditions devant la commission

1.   Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

La commission a entendu des membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du mercredi 4 octobre 2023.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/WYxzHc


2.   Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration

La commission a entendu M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du mercredi 4 octobre 2023.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous souhaite la bienvenue en commission de la défense, Monsieur le secrétaire général. C’est votre troisième passage dans cette commission, en plus du projet de loi de finances (PLF) de l’an dernier et de la loi de programmation militaire.

Le secrétariat général pour l’administration est un acteur central de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire (LPM). Il apporte ses compétences et son expertise à tous les organismes du ministère des armées dans l’ensemble des domaines transverses : la direction des affaires financières (DAF) pour la fonction financière, les ressources humaines, les achats, l’expertise juridique, l’accompagnement territorial, la politique immobilière et logement, les infrastructures et constructions ainsi que la politique mémorielle et culturelle. De manière générale et pour les domaines évoqués, vous pourriez ainsi nous faire part de votre vision des équilibres du projet de PLF pour l’année 2024 et des transformations attendues.

J’attire votre attention sur les quatre sujets qui sont au centre des nombreuses interrogations de mes collègues : les enjeux de ressources humaines, qui ont été beaucoup évoqués avec le CSFM et le chef d’état-major des armées ; les enjeux d’infrastructures ; de transformation numérique ; et, bien entendu, la réforme interne du ministère, annoncée le 13 juillet dernier par le Président de la République lors de son discours à Brienne, afin d’aller vers davantage de subsidiarité et de simplification. Sans plus tarder, je vous cède la parole.

M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration du ministère des armées. Nous allons parler du projet de loi de finances pour l’année 2024 sous le prisme du secrétariat général pour l’administration, c’est-à-dire l’entité au sein du ministère qui est investie d’un certain nombre de fonctions transversales et de la cohésion ministérielle. Je vais donc vous dire quelques mots de ce PLF avant d’échanger et de répondre à vos questions.

Le PLF 2024 est la première annuité de la LPM 2024-2030. C’est le premier rendez-vous avec l’exigence de la conformité et de la réalisation de l’intention politique. Ce rendez-vous est honoré puisque ce projet de loi de finances respecte à l’euro près le premier jalon de la trajectoire budgétaire décrite dans la LPM 2024-2030.

Il est important de rappeler ce premier point parce qu’il est toujours utile de se référer au passé ; pas forcément très lointain, mais à la dernière paire de décennies. Nous constatons que les années se suivent et que cet état de fait se vérifie à chaque fois. Je parle de la stricte conformité du projet de loi de finances à l’annuité de LPM. On accumule des éléments qui finissent par avoir beaucoup de signification. Or, ça n’a pour le moins pas toujours été le cas. Si on regarde la période des vingt-trois dernières années, il y a eu parfois des décrochages à la trajectoire et à l’intention ; et ce, dès le premier PLF.

Ce fait absolument majeur entre dans nos esprits. L’intention politique, qui se traduit par l’intention stratégique exprimée dans la LPM, se concrétise dans les budgets annuels. Nous savons bien que ces derniers sont le produit d’un système d’actions, de décisions et d’arbitrages extrêmement complexes. Le fait que la conformité à l’intention se vérifie à nouveau pour l’année 2024 est selon moi un élément notable.

Concrètement, ça signifie que l’augmentation des ressources ouvertes en loi de finances devra être de 3,3 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation de 7,5 %. Cela va porter les crédits de la mission défense à 47,2 milliards d’euros, hors cotisations au CAS pensions. Ces chiffres sont suffisamment significatifs et riches de commentaires pour que je ne revienne pas sur le contexte stratégique, que le ministre et le chef d’état-major des armées ont évoqué devant vous hier après-midi et ce matin.

J’ai parlé de la mission défense, au sein de laquelle j’ai plus particulièrement la responsabilité du programme 212, intitulé « soutien de la politique de la défense ». Nous parlerons également du programme 169 : « reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation », qui figure dans la mission anciens combattants. C’est une mission interministérielle où on trouve également le programme 158 rattaché au service de la Première ministre. En termes de portée et de finalité, je dirais que ces deux programmes contribuent directement à la cohérence de notre modèle d’armée, à la résilience, aux forces morales de la défense et au service de la protection des Français et de notre territoire national.

Comme vos propos liminaires m’ont invité à le faire, je mettrai l’accent sur trois facteurs clés qui concourent directement à la cohérence de ce modèle d’armée et, plus généralement, de notre dispositif de défense : les ressources humaines, la politique immobilière et les infrastructures ainsi que la transformation et la modernisation du ministère. Ces éléments, que nous détaillerons, comportent bien évidemment un volet numérique important. Je parlerai également du soutien apporté au monde combattant et à la résilience de la nation avant de me soumettre à vos questions.

Parmi les trois facteurs clés de cohérence que je viens de citer, je pense qu’un débat au sujet des ressources humaines ne donne plus lieu à discussion de principe. L’axe d’effort principal consiste à investir dans notre capital humain. On peut juger cette expression discutable, mais elle a vraiment une portée absolument massive pour la défense et le format du ministère des armées.

Dans une classe aux alentours de 10 %, voire un peu plus l’année prochaine, le turnover - les flux de ceux qui quittent le ministère des armées et de ceux qui le rejoignent - se situe entre 25 000 et 28 000 par an, selon les dernières prévisions. Il s’agit donc d’un organisme vivant qui renouvelle sa substance par dixième. C’est comme un organisme cellulaire qui serait complètement différent de ce qu’il était dix ans auparavant. Ça n’a pas beaucoup d’équivalents. Ça suppose que tous les leviers soient actionnés en termes de politique RH : la rémunération, la formation initiale et continue, la fidélisation, la condition du personnel, etc. Tout cela concourt directement à la réalisation de cette ambition que constituent le maintien et le développement de ce capital humain.

Concrètement, si on regarde les crédits inscrits au titre 2 de ce PLF, l’intégralité de la masse salariale du ministère est regroupée dans le programme 212. Si on défalque la contribution de l’État employeur au CAS pensions du montant de 47,2 milliards d’euros que je mentionnais tout à l’heure, cette masse salariale sera l’an prochain de 13,5 milliards d’euros (hors OPEX-MISSINT), soit une augmentation de 600 millions d’euros, c’est-à-dire +4,6 % par rapport à 2023.

C’est donc un enjeu budgétaire de premier ordre. Il s’agit d’exécuter cette somme dans l’enveloppe initiale avec des phénomènes de très grande ampleur. Je parlais à l’instant du turnover, qui est distribué sur un très grand nombre de filières et de gestionnaires de personnel. Cette manœuvre très complexe rencontre depuis la fin de l’année 2022 des conditions difficiles sur le marché de l’emploi. L’année 2022 a été marquée par une sous-réalisation de nos effectifs d’ampleur significative. Sur 268 000 emplois autorisés dans le plafond voté par le Parlement, il y avait un millier d’emplois non pourvus à la fin de l’année dernière. Néanmoins, il est intéressant de voir que cette sous-réalisation apparaît sur l’équivalent d’une année.

Là, il y a donc quelque chose de perceptible en termes de modification des termes de l’échange ; pour parler de rapport de force sur le marché de l’emploi. De ce point de vue, les conditions du marché de l’emploi ne sont pas fondamentalement différentes en 2023. Par conséquent, nous nous apprêtons à avoir une sous-réalisation au moins équivalente et peut-être supérieure à nos droits votés dans la loi de finances. C’est corrélé à la situation générale de l’économie ainsi qu’à toute une pluralité de facteurs.

On ne se contente pas d’être en réaction ou passifs devant ces tendances de marché. Nous avons une action proactive dans le détail de laquelle je vais entrer. Ce sujet a conduit assez directement à prendre un parti, sur lequel le ministre a fourni des explications hier après-midi. Je m’apprête à y revenir avant que vous me posiez sans doute des questions à ce sujet.

Le parti pris dans ce PLF a consisté à ne pas mobiliser d’emblée l’intégralité du schéma d’emplois qui figurait dans la première annuité de la LPM, à savoir 700 effectifs en plus. Il s’agissait plutôt, dès le stade du PLF, de faire une espèce d’arbitrage entre l’objectif quantitatif RH format, passant de 700 à 400 (hors SIAé et ré-internalisation des emplois numériques) afin de mettre l’accent sur les mesures salariales. Le choix a été fait de mettre plus de ressources sur les leviers permettant de sécuriser ou de rendre plus robuste notre prévision de schéma d’emplois.

Le ministre en a parlé. Cette logique d’arbitrage salarial liée au volume des effectifs est prévue explicitement dans la LPM ; à l’article 7. Vous en avez discuté. Les raisons pour lesquelles nous nous sommes placés sur ce terrain-là sont partagées. Il se trouve que dès la première annuité, dans le contexte du marché de l’emploi que je viens de décrire, nous commençons à faire jouer ce mécanisme. Je rappelle que nous proposons de le faire jouer au moment de la préparation du budget, c’est-à-dire dans le PLF, mais également en cours d’année.

Autrement dit, on n’a pas tiré toutes nos cartouches dans le PLF. Si on se rend compte au cours de l’année 2024 que les vents contraires sont toujours aussi forts et qu’il convient absolument de mettre plus de puissance sur l’aspect salarial, des outils indemnitaires nous seront accessibles. En sachant que tout cela est placé sous cette espèce de logique encapsulée dans l’article 7 de la LPM.

Que peut-on dire des ambitions RH et des priorités thématiques et sectorielles qui ont été exposées dans la LPM promulguée cet été ? Il est évident que cette ambition RH, cette logique de spécialité ou de priorité, reste parfaitement valide sur l’horizon temporel de la LPM. Si l’écart est celui que j’ai signalé en termes de création d’emplois supplémentaires en 2024, ça ne retire absolument rien à la nécessité de réaliser cette cohérence RH du modèle d’armée, qui reste valide tel que présenté, discuté et approuvé avec la LPM elle-même.

En matière salariale, l’année 2024 est relativement atypique par rapport à la séquence des dernières années. Tout d’abord, il y a un impact important des mesures générales prises par le gouvernement à l’égard des agents publics. Et ce, à l’occasion du rendez-vous salarial de cette année. En sachant qu’une bonne partie d’entre elles n’entreront en vigueur qu’en 2024. Celles qui sont entrées en vigueur en 2023 ont pris effet en cours d’année. Il y a donc un effet d’extension en année pleine pour 2024. Tout cela produit des volumes de crédits extrêmement significatifs puisqu’on est sur 184 millions d’euros de mesures entrant en vigueur en 2024, dont 76 millions d’euros de mesures spécifiques au ministère.

Cela constitue une illustration des leviers à actionner pour réaliser le volet RH du modèle d’armée avec des leviers indemnitaires sur les spécialités numériques pour le personnel militaire et une première traduction dans la grille des sous-officiers supérieurs. D’où l’ambition de remettre de la pente dans le déroulement de carrière du personnel militaire. Un soin particulier est apporté à certaines spécialités telles que le monde du renseignement, la santé et les questions nucléaires.

Qu’il s’agisse d’un flux de mesures totalement nouvelles ou de la réalisation complète de ce qu’on appelle la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), c’est un plan dont l’exécution a commencé dans les lois de finances annuelles en 2021 et dont la troisième et dernière marche va entrer en vigueur en octobre 2023. D’où un effet d’extension en année pleine lors de cette troisième et dernière marche de la NPRM. Il est de neuf mois sur le budget 2024 qui vous est présenté, ce qui implique un impact important en termes de crédits. Je répondrai bien évidemment à vos éventuelles questions sur cet ensemble de mesures.

Le ministre a beaucoup insisté sur le volet réserve de la politique RH. L’ambition à l’horizon 2035 est d’avoir un militaire de réserve pour deux militaires d’active. Ça représente une proportion de 100 000 réservistes pour une armée d’active de 200 000 hommes. C’est donc une pente à gravir dès à présent, de façon régulière et avec ténacité.

Le budget 2024 prévoit le recrutement de 3 800 réservistes supplémentaires, soit 9,5 % de plus qu’en 2023. En nombre de jours d’activité supplémentaires, ça en représenterait 180 000 de plus, soit une hausse de 13 %. Le quantum d’activité par réserviste passerait de 34,5 à 36 jours en 2024, la cible étant située à 43 800 réservistes pour l’an prochain. Ce sont presque 200 millions de crédits de rémunération qui sont consacrés à ce volet dans le projet de loi de finances.

M. le président Thomas Gassilloud. Autant, lorsqu’on n’arrive pas à recruter un militaire d’active, il ne peut par définition pas faire d’heures supplémentaires ; autant, si on augmente le budget de réserve sans toutefois avoir les 3 800 réservistes additionnels, les réservistes existants feraient plus de jours d’activité.

M. Christophe Mauriet. En tout cas, nous avons les crédits pour cela. Le ministre a maintes fois souligné cet aspect-là, que les travaux de préparation de la LPM dans les différents formats ont également mis en évidence. Encore faut-il que les conditions de possibilité d’augmentation de l’engagement personnel, individuel et horaire de chaque réserviste soient réunies.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de double clé dans le budget de masse salariale des réservistes. Pour être un peu vulgaire, la valeur est la multiplication du prix par le volume. Il y a donc une grande liberté de manœuvre et de gestion en fonction des conditions de réalisation du budget l’an prochain. Certaines années, on a même constaté un grand dynamisme sur le budget des réserves. On a alors été amenés à augmenter l’enveloppe par rapport à ce qui était prévu dans la loi de finances. Au contraire, certaines autres années, nous avons dû réguler nos efforts sur les réservistes pour des raisons impérieuses tenant au caractère contraint d’autres lignes.

C’est une illustration de l’intérêt du regroupement de la masse salariale sur un seul programme. En sachant que le premier impact de la gestion de la masse salariale est avant tout de ne pas dépenser davantage que ce que nous avons. Je le précise parce que cet objectif n’a pas toujours été aussi facile à atteindre pour le ministère des armées. Au début de la décennie 2010, sous l’effet de toutes sortes de facteurs, ce sont des centaines de millions qui manquaient tous les ans à la masse salariale. Sans remonter aussi loin, des ministères civils ont rencontré un certain nombre de difficultés au cours de la précédente législature. Pourtant, ils continuent bon an mal an à tenir dans l’enveloppe.

La première obligation de ceux qui administrent le personnel et qui gèrent les crédits de masse salariale est donc de tenir dans l’enveloppe. Il s’agit ensuite d’être en mesure de la saturer, de redéployer, de tirer profit d’un dynamisme relatif différent d’une catégorie spécifique d’agents, de recrutements, etc. Nous faisons à ce titre des bascules d’efforts de manière continue afin de saturer sans déborder.

M. le président Thomas Gassilloud. Au-delà de la croissance naturelle des réservistes liée à la volonté politique, le recours aux réservistes sera peut-être un peu plus important dans le cadre des Jeux olympiques de Paris en 2024. Il appartient aux autorités d’en décider. Par ailleurs, une non-atteinte - même relative - des cibles de recrutement d’active pourrait donner lieu à une forme de fongibilité sur certaines missions.

M. Christophe Mauriet. Je n’emploierai pas le terme « fongibilité », mais il y a effectivement une liberté de redéploiement. Je confirme donc vos propos. Un autre levier de la politique RH est l’amélioration des conditions de vie. Il a été porté en particulier par le plan famille pendant la législature précédente. Un deuxième plan famille est doté de 750 millions d’euros sur la durée de la LPM. Une première tranche de 70 millions, dont environ 30 millions sont inscrits au programme 212, est prévue au budget 2024.

Ce plan famille comprend toute une palette de mesures dont il a déjà été question au cours des derniers jours : l’amélioration de l’accompagnement des conjoints dans la recherche d’emploi, dans l’exercice de leur devoir de parents, sur la notion de garde d’enfants, le renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté de défense, etc. Étant donné que le dialogue syndical ne manque jamais d’attirer notre attention sur ce point, je précise que 29 des 44 mesures figurant dans ce plan famille sont également éligibles au personnel civil. C’est notamment le cas des crèches.

Je vais vous citer quelques exemples de réalisations auxquelles les crédits du budget 2024 devraient donner lieu. La construction de 16 nouvelles crèches est prévue d’ici 2030. Il y a également l’amélioration des conditions d’inscription dans l’enseignement du premier degré et en accueil périscolaire ; la mise en place d’un réseau social qui s’appelle Famille des armées (FDA), un projet très important et emblématique pour mieux faire connaître l’offre d’accompagnement du ministère et renforcer les liens avec les familles. Ce deuxième plan famille traduit donc le maintien d’une ambition élevée. Voilà à grands traits ce que contient le projet de loi de finances en matière de politique RH.

J’en viens au deuxième facteur de cohérence que j’ai mentionné en introduction, à savoir la politique immobilière et les infrastructures. Nous avons à peu près 2,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement dans ce budget pour les crédits d’infrastructures et un peu moins en crédits de paiement. Ça donne la mesure des affaires nouvelles, des marchés, des contrats et des nouveaux projets qui vont être lancés l’an prochain. Et ce, avec des illustrations sur tous les plans de la politique infrastructurelle et pas uniquement sur le programme 212.

On en trouvera notamment au programme 178, qui concourt à l’entraînement et à l’activité des forces. Il s’agit plutôt d’infrastructure opérationnelle. On en trouvera également au profit du programme 146, dans lequel il est question des infrastructures connexes aux opérations d’armement. Ce sont de manière schématique les éléments de béton qui vont avec les avions, les bateaux et les chars.

Je pourrais vous donner les chiffres et des illustrations. Hier, le ministre a passé en revue un certain nombre de formations : 17ème régiment du génie parachutiste, 5ème régiment de dragons, etc. Il a donné les éléments de capacité et les éléments d’infrastructure afférents. En ce qui concerne les opérations d’infrastructure visant à l’amélioration des conditions de l’hébergement du personnel, c’est vraiment quelque chose de connexe à la politique RH et à l’amélioration de la condition militaire.

Le plan hébergement, qui a été lancé par les ministres lors de la législature précédente, continue de produire des effets importants dans la LPM 2024-2030. Si on arrête les compteurs au 31 décembre de cette année, ça représente près de 1 milliard d’euros d’opérations lancées depuis 2019 pour le premier plan hébergement, soit 22 740 places commandées. Ça vous donne la mesure de l’intensité de l’effort. Ça représente environ 500 opérations distinctes, dont la moitié pour l’armée de terre, 28 % pour l’armée de l’air, 13 % pour la marine et 9 % pour le transverse ou l’inter-armée.

Pour 2024, de nouvelles opérations vont être lancées pour un montant de 140 millions d’autorisations d’engagement et 147 millions d’euros de crédits de paiement vont couvrir les opérations en cours. J’insiste sur ce point parce que ces affaires-là ont connu par le passé des mouvements de stop-and-go. En l’occurrence, la continuité de l’effort est assez notable. Cet effort est d’une intensité qui peut varier un peu d’une année à l’autre.

En 2024, on observe à ce titre un léger tassement sur le lancement d’affaires nouvelles, mais ça repart un peu plus tard dans la trajectoire de la programmation. Toujours est-il qu’en ordre de grandeur, c’est la sixième année consécutive d’efforts sur le thème de l’hébergement. Cette année, on notera par exemple la livraison sur la base aéronavale d’Hyères d’un nouveau bâtiment de casernement de 188 lits, d’un bâtiment pour cadres célibataires de 50 places à Rennes et de 24 places à Fort-de-France.

En 2024, nous allons lancer un programme extrêmement lourd sur les internats du Prytanée de La Flèche. Je pense que Madame Darrieussecq y sera extrêmement sensible compte tenu de l’effort personnel auquel elle a consenti sur la question des lycées militaires lorsqu’elle était au ministère. On va lancer la rénovation du Quartier Walter à Colmar. 168 places seront rénovées pour les engagés volontaires militaires du rang. C’est une affaire de plus de 7 millions. On notera également la création d’une unité d’hébergement passager pour les stagiaires à Bruz, près de Rennes.

Une partie de nos dépenses d’infrastructure porte sur les ensembles alimentation et loisirs (EAL). Il y a toute une série d’opérations, y compris en Outre-mer notamment à La Réunion, mais aussi sur la base navale de Brest. Sur le logement, il y a eu beaucoup d’échanges au sujet de la grande affaire. Je veux parler de la montée en puissance des dispositifs de gestion, de rénovation et de développement des logements domaniaux du ministère, sous la forme de la concession passée avec le prestataire Nové du Plan Ambition Logement.

Ça commence à mobiliser des ressources de manière vigoureuse puisqu’on alimente le concessionnaire afin qu’il lance les opérations nouvelles en 2024. Une première pierre va être posée la semaine prochaine à Satory. Beaucoup de choses vont démarrer. L’ambition est de fournir un effort plus intense en début de période. Il s’agit d’attaquer très rapidement les constructions neuves et les rénovations profondes afin de les mettre à la disposition des ressortissants le plus rapidement possible.

C’est donc un effet de jouvence pour le parc. Ça suppose un effort budgétaire puisque le concessionnaire doit être en mesure de mobiliser les ressources. Plus tôt ces logements nouveaux ou rénovés seront dans le parc, plus tôt les effets positifs attendus pour les ressortissants se feront sentir. Il a été question de transition écologique hier. Le ministre a donné un certain nombre d’illustrations de ce que ce projet de budget fait ou se propose de faire en la matière : sur l’eau, l’énergie, etc.

Je vais passer très rapidement sur les questions de transformation. Je ne vais pas vous donner la liste des grands programmes numériques en phase active ou dont le lancement interviendra l’année prochaine. Nous vivons notamment sous l’impératif Move to cloud. Le ministère consacre des ressources importantes pour maintenir la dynamique de la transformation numérique, une course dont le rythme a plutôt tendance à s’accélérer.

Le tout dernier sujet est le renforcement de nos forces morales et la résilience de la nation. Ce sont les crédits du programme 169. Madame Miralles a présenté le plan Blessés il y a quelques semaines. Elle a évoqué en particulier le dispositif des maisons Athos. Il s’agit véritablement d’un effort de mise en cohérence et d’approche holistique ou consolidée de la blessure, notamment de la blessure psychique, en prenant en compte le blessé, son environnement familial et professionnel ainsi que l’ensemble des problèmes de vie, de santé, des problèmes sociaux et économiques. Et ce, sur la totalité de sa trajectoire.

C’est donc un plan d’une très grande ambition auquel nous consacrons beaucoup d’efforts, y compris en termes d’organisation. Il s’agit de faire travailler ensemble un grand nombre de parties prenantes à l’intérieur du ministère afin que la conjonction de ces efforts produise des valeurs. Ce ministère est très complet. Les manœuvres d’ensemble ne sont jamais triviales parce qu’elles supposent de vigoureux efforts de synthèse et de convergence des acteurs.

Un certain nombre de lignes emblématiques figurent dans le budget, en particulier le droit à réparation en faveur des harkis et de leurs familles. Les ressources qui y sont consacrées augmentent en cohérence avec les nouveaux critères d’éligibilité à ces dispositifs, qui ont été voulus par le Président de la République. Ces nouveaux critères sont contenus dans un décret paru ou à paraître. Il y a donc une continuité dans l’effort, notamment en termes d’enveloppes budgétaires qui y sont consacrées.

Je crois savoir qu’il y a beaucoup d’intérêt pour les musées dans votre commission. Sans oublier la question de la jeunesse. On note un redémarrage de cette ligne sur le plan budgétaire puisqu’elle augmente de 8 % en 2024. Il est question de la promotion des métiers de la défense ainsi que de la transmission de la culture de la défense et de la citoyenneté. Des efforts sont également faits sur le dispositif de la Journée défense et citoyenneté puisque plus de 22 millions doivent y être consacrés. L’annuité est historiquement très élevée l’an prochain. D’après les anticipations démographiques, plus de 800 000 jeunes sont concernés.

Le module Journée défense et mémoire (JDM) du service national universel (SNU) est une ambition très forte. Il y aurait un doublement pour passer à 82 000 jeunes dans le dispositif SNU phase de cohésion, auquel le ministère contribue par le biais de la JDM. Il y a également des éléments concernant les apprentis, y compris les apprentis militaires, qui constituent une novation introduite par la LPM. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie, Monsieur le secrétaire général. Sur les apprentis militaires, l’éligibilité à la taxe d’apprentissage pourrait être un facteur de financements supplémentaires. Nous avions voulu faire passer un amendement dans la LPM en ce sens. J’espère que les établissements d’enseignement militaire pourront aller prospecter les entreprises de leur secteur afin de bénéficier du fléchage d’une partie de la taxe d’apprentissage.

Nous allons maintenant écouter les interventions des orateurs de groupe.

Mme Michèle Martinez (RN). La fidélisation des effectifs est essentielle pour assurer la continuité des missions de nos armées. Les deux plans famille ont montré l’importance des conditions de vie au quotidien et d’une meilleure prise en compte des militaires afin de contribuer à assurer leur maintien sous les drapeaux. La problématique du logement pour nos militaires n’est pas nouvelle dans ce domaine. Le manque de logements et leur vétusté, voire l’insalubrité de ces derniers, ne font pas honneur aux hommes et aux femmes qui se battent pour notre pays.

Je prendrai l’exemple de l’évacuation d’un immeuble de la cité Bayanne à Istres, principalement occupé par des militaires et leurs familles, à la suite de l’apparition de fissures au travers desquelles un bras pouvait passer. Il a également été relevé une forte présence d’amiante et de moisissure liée à un taux d’humidité élevé. Cet immeuble appartient au bailleur social CDC Habitat, comme beaucoup d’autres immeubles dans lesquels certains de nos militaires sont logés.

J’aimerais donc savoir quel est le degré d’implication du ministère dans le suivi de l’évolution des logements proposés par les bailleurs sociaux et quelles règles d’assainissement ou de remise aux normes sont données aux bailleurs. Ce n’est pas parce que nos militaires sont astreints à la plus grande réserve que ce type de dossier est acceptable. Si la rigueur de la vie en opération est une chose, la vie des militaires et de leurs familles sur notre territoire en est une autre. La fin des opérations extérieures (Opex) est l’occasion d’accélérer sur cette question du logement.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). La loi de programmation militaire 2024-2030 contient 13,3 milliards d’euros de ressources extrabudgétaires qui n’étaient pas comprises dans les crédits défense. À l’occasion de nos débats en séance, le ministre des armées a détaillé la répartition de ces ressources. Il a notamment évoqué 1,7 milliard d’euros de cessions patrimoniales du ministère pour 2024 ainsi que des rétrocessions issues des cessions de matériel à l’Ukraine et des ajustements budgétaires interministériels. Pouvez-vous confirmer ces trois ressources ? Pouvez-vous confirmer le montant de 1,7 milliard d’euros ? Enfin, pouvez-vous détailler les chiffres des ressources supplémentaires pour 2024 ?

En parallèle, la question des ressources humaines, de l’attractivité et de la fidélisation reste prépondérante au sein du ministère. Notre groupe prend acte de l’écart de 35 % entre les prévisions d’ETP inscrites dans la LPM et celles prévues dans le PLF 2024-2030. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le fléchage de ces ETP, en particulier sur les prévisions en matière de taux de recrutement de civils et de militaires au sein des services de renseignement du ministère des armées, et notamment la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ?

Notre groupe parlementaire prend également acte de la forte concurrence de certains corps de métier. On pourrait notamment citer cyber et ingénieurs. Comment amener vers le ministère des armées de précieux cerveaux pour préparer les armées aux défis actuels et futurs ? L’une des pistes de réponse au problème d’attractivité et de fidélisation est l’investissement, notamment avec 474 millions d’euros de mesures catégorielles pour l’année 2024 consacrées au renforcement de la fidélisation, de l’expertise et de l’adaptabilité de l’ensemble des agents du ministère. Comment ces 474 millions seront-ils fléchés ? Combien seront consacrés à une hausse de la grille indiciaire ? Pourriez-vous préciser en quoi consistent ces mesures d’adaptabilité ?

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Vous avez évoqué le terme d’approche holistique de la blessure. Votre présentation était pour moi une approche un peu impressionniste des budgets du ministère. Il ne serait pas inintéressant que nous ayons, à l’occasion de votre prochaine intervention, quelques éléments sous PowerPoint pour avoir une vision d’ensemble.

J’aurais trois questions. Premièrement, parmi ce que vous jugez souhaitable de faire, que regrettez-vous de ne pas pouvoir faire dans le budget 2024 ? Deuxièmement, concernant la gestion de la masse salariale, vous évoquez l’objectif de ne pas tout dépenser. C’est tout à fait classique. J’ai été président du département Seine-et-Marne. Je sais donc ce qu’est le pilotage en gestion. Je voudrais connaître les objectifs précis que vous avez en la matière.

Troisièmement, vous avez évoqué le sujet des musées militaires. Je souhaiterais avoir un point d’avancement sur la réflexion concernant le musée du cheval militaire de Fontainebleau. En sachant que le manège Sénarmont doit être remis en état. La relation entre l’établissement public du domaine de Fontainebleau et les emprises militaires est à affiner. Je souhaiterais savoir où en est la réflexion, quels sont les projets et comment on pourrait avancer.

M. le président Thomas Gassilloud. Je propose à monsieur le secrétaire général de répondre à ces trois premières interventions.

M. Christophe Mauriet. Sur la question du logement, vous vous focalisez sur la partie de cette politique qui ne mobilise pas de logements domaniaux, propriété de l’État, mais plutôt sur ce qui donne lieu à des conventions de réservation chez des bailleurs, en particulier des bailleurs sociaux. En l’occurrence, Madame Martinez, vous faites référence à un événement survenu à Istres qui tient à l’un de ces bailleurs.

Les logements domaniaux constituent un nouvel axe d’effort. Pendant la période qui a précédé la mise au point de cette concession sur la gestion et la rénovation des logements domaniaux, nous avions plutôt une politique quasi malthusienne de non-développement de ce parc, sa rénovation étant extrêmement restreinte. Le parti stratégique qui a été pris consiste à mettre beaucoup de ressources sur les logements domaniaux. Bien évidemment, ça ne peut pas suffire pour fournir à l’ensemble des ressortissants du ministère des armées les ressources nécessaires à la politique de logement à laquelle nous sommes tenus par les textes et par les ambitions de notre politique sociale.

Nous attachons évidemment beaucoup d’attention à ces 22 000 logements concernés par ces conventions de réservation, dont une partie se trouve dans du parc social. Nous les gérons à l’intérieur d’un cadre qui est celui du droit commun. Les règles en matière de salubrité et toutes les obligations pèsent bien évidemment sur les bailleurs auxquels le ministère a recours. La qualité et l’intensité du dialogue, en particulier avec les bailleurs sociaux, dépendent des conditions locales et des événements ou des situations dont les représentants des services ministériels chargés du logement ont connaissance.

La situation générale de ce parc ne peut bien sûr pas complètement être évacuée du débat. Nous logeons le personnel militaire dans le parc de logements locatif tel qu’il est. Notre approche est qualitative. Nous faisons des sélections, mais nous sommes également soumis aux conditions locales du marché du logement. Par exemple, dans les Bouches-du-Rhône, le marché est plutôt en tension. Le rapport de force sur ce marché n’est pas nécessairement toujours favorable à une entité telle que le ministère des armées, qui a pourtant beaucoup de ressources à consacrer à ces réservations.

Nous mettons beaucoup de soin à structurer un dialogue entre les établissements territoriaux du logement, qui forment le réseau des services déconcentrés de la direction immobilière du ministère, et l’ensemble des bailleurs chez lesquels nous réservons des logements, en particulier les bailleurs sociaux. C’est l’objet d’une attention permanente et nous avons un processus d’amélioration continue de nos relations avec eux.

En ce qui concerne les ressources extrabudgétaires qui ont été longuement discutées pendant la LPM, il n’y a pas d’éléments nouveaux au moment du PLF nous conduisant à infirmer le scénario de ressources extrabudgétaires sur la LPM, tel qu’on les trouve à l’article 4 de la loi. Sur les sujets liés à l’Ukraine, il y aura un rendez-vous en gestion 2024 en fonction de la dynamique propre des différents dispositifs y concourant, conformément aux dispositions de la LPM.

Je dirais la même chose des concepts liés à la trajectoire, non pas de ressources budgétaires, mais de report de charges. Le cadrage macro-économique de la période 2024-2030 pour la défense reste inchangé depuis les débats du printemps et de l’été. L’idée est de faire jouer le report de charges comme un découvert autorisé sur un compte courant. Il y a un effet contracyclique.

Lorsqu’il y a ponctuellement un besoin de paiement supérieur à ce qui était anticipé, plutôt que d’avoir une régulation strictement arithmétique qui devrait conduire à rester dans une enveloppe fermée et à écraser d’autres lignes pour y faire face, on fait jouer ce stabilisateur et on laisse un peu filer le découvert. À l’inverse, lorsque des événements ont un effet de minoration du besoin de paiement, c’est l’occasion de combler ou réduire le niveau de ce report de charges. Il n’y a donc absolument aucun élément de renouvellement des termes de l’équation ressources extrabudgétaires sur la LPM, et notamment dans la première annuité 2024.

En ce qui concerne les effectifs, les indications thématiques, les spécialités, les employeurs tels qu’exposés au moment du bouclage de la LPM sont restés les mêmes. On n’a pas changé de vue sur les besoins à satisfaire pour atteindre un modèle d’armée cohérent. Il y a un côté très spectaculaire lorsqu’on exprime les choses en pourcentage, mais rapporté à 2 800 emplois dans le plafond ministériel d’emploi autorisé par le Parlement, il faut se comparer à un turnover de 28 000. Il s’agit donc de remettre les ordres de grandeur en perspective.

Qu’il s’agisse des emplois consacrés à la dissuasion, à la cyberdéfense ou au renseignement, il doit être possible de vous fournir une répartition fine par employeur ; et ce, à l’unité près de notre plan de recrutement RH pour l’année prochaine. Ce qui ne viendra pas par des recrutements nets supplémentaires, c’est-à-dire l’écart entre les 700 et 400, va bien évidemment être recherché par des bascules d’effort et des redéploiements entre employeurs ou gestionnaires de personnel. D’ailleurs, ça n’a jamais cessé de se produire année après année.

Il y a un temps de raisonnement où on distribue les différents plafonds : le plafond ministériel et le flux annuel autorisé par le budget entre métiers et employeurs. Ensuite, il y a toute la dynamique de la gestion. Pour répondre à Monsieur Thiériot, je n’ai pas dit qu’on gérait la masse salariale pour ne pas tout dépenser. Nous sommes soumis à un double impératif dont les termes sont cohérents l’un avec l’autre, même si c’est compliqué. Il faut tout dépenser jusqu’à saturer, mais ne pas déborder.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Votre réponse me rassure, mais ce ne sont pas les termes que vous avez employés.

M. Christophe Mauriet. Les paroles sont importantes. Il faut regarder, loi de règlement après loi de règlement, le solde des crédits sans emploi sur la masse salariale. Vous verrez que nous sommes en dessous du millier d’euros, voire de l’euro. Autrement dit, on sature, mais on ne déborde pas. J’ai commencé par un propos méthodologique sur l’idée que le premier impératif avec des crédits limitatifs est de rester dans l’enveloppe. Dans mon esprit, ça signifie « saturer l’enveloppe ». C’est ce à quoi tout le système œuvre. Sur les musées militaires, et en particulier celui du cheval, je suis désolé de n’avoir aucune réponse à vous apporter sur ce sujet.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il s’agit d’un musée national qui se trouve dans le manège Sénarmont de Fontainebleau. Il est fermé depuis quatre ans. Il y a un plan de réhabilitation avec l’établissement public du Château de Fontainebleau. Ce n’est pas une question piège. D’ailleurs, ce n’est même pas dans ma circonscription.

M. Christophe Mauriet. Je crois que ce n’est même pas dans mon programme ! Madame Darrieussecq connaît ce sujet mieux que personne ! Il ne s’agit pas d’un musée national. En fait, c’est comme le musée des traditions de troupes de marine. En l’espèce, c’est à l’armée de terre de s’en occuper. Je vous avouerais que je n’en entends pas parler depuis mon bureau. Néanmoins, je prends l’engagement de vous apporter des éléments de réponse.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Vous ne gérez que les musées nationaux ?

M. Christophe Mauriet. Affirmatif.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Alors, qui gère les musées d’armes ? Est-ce géré directement par l’état-major de l’armée de terre (EMAT) ?

M. Christophe Mauriet. Oui, par l’EMAT.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Sans regard du secrétariat général pour l’administration (SGA). Cette question n’a rien d’un piège.

M. Christophe Mauriet. Peut-être, mais ma réponse pourrait éventuellement me piéger. En tout cas, je ne crois pas. Pour autant, en ce qui concerne les musées nationaux, l’année 2024 va être intéressante puisque les dotations, en particulier à la subvention pour charges d’investissement, seront importantes l’année prochaine.

Cette année, on va tout d’abord livrer le nouveau musée de la marine. C’est un événement absolument majeur. C’est normalement prévu pour le mois de novembre, ce qui est imminent. Le chantier est en train de se terminer. Il s’agit d’une œuvre absolument colossale. Nous aurons dépensé 100 millions pour refaire ce musée, qui va être une splendeur. Il sera mieux que l’état de l’art international de ce qu’est un musée de la mer. C’est un magnifique objet dont nous allons tous pouvoir tirer une très grande fierté.

Le musée de l’air et de l’espace au Bourget continue quant à lui un programme de rénovation extrêmement intéressant et stimulant, avec des jalons importants l’année prochaine. Si je suis « impressionniste », c’est parce que je ne veux pas faire la litanie des chiffres. Je pourrais les citer, mais tout ça figure dans le bleu. Bercy ne l’a mis en ligne qu’hier, mais ça ne change pas grand-chose. Nous allons vous donner les chiffres, qui s’améliorent d’une année à l’autre, dans la présentation des bleus budgétaires. On doit même avoir en lecture directe des informations significatives par établissement.

La question de Madame Lepvraud sur le personnel civil était très intéressante. Pour vous rassurer, sachez que nous avons à peu près 5 000 emplois civils à pourvoir cette année. Il y a quelque 60 000 civils dans le ministère des armées. Le ministre souligne lui-même que nous sommes un ministère employeur très important en termes de personnel civil. Il n’y a pas de format RH ni de cohérence du modèle d’armée ou du dispositif de défense sans les civils.

Ces civils sont employés aux deux tiers par des employeurs relevant des états-majors. C’est vraiment une contribution décisive, y compris sur des spécialités plus ou moins nouvelles : la cyberdéfense, le renseignement, etc. On y trouvait traditionnellement une proportion plus élevée de militaires. Je ne dis pas que les proportions s’inversent, mais la part des civils a tendance à augmenter. C’est donc une catégorie qui nous tient particulièrement à cœur. Je précise que je fournirai les chiffres par le même canal que ceux concernant les autres employeurs ou les autres spécialités.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Beaucoup de questions ont déjà été posées, en particulier sur des sujets sur lesquels je souhaitais intervenir. Je tenais à remercier tout le personnel civil, dont on vient de parler. Nous avons beaucoup parlé des militaires au cours des auditions précédentes. Il est donc bien de faire un focus sur les civils. J’avais notamment une question à laquelle vous avez partiellement répondu.

Lorsqu’on n’a pas les compétences, vous assurez souvent des formations pour que les gens acquièrent les compétences nécessaires. Dans le contexte d’emploi actuel au niveau national, avec un chômage qui est bas, avez-vous des difficultés de recrutement et de fidélisation en ce qui concerne les civils de la défense, dont le rôle est important dans tous les services et toutes les unités et essentiel au fonctionnement du ministère ?

Par ailleurs, le service infrastructure de la défense a vu ses budgets exploser ces dernières années. Il accomplit toutes les missions qui lui ont été confiées avec beaucoup d’engagement et de volontarisme. La France connaît des sujets d’inflation et de cherté des matériaux, en particulier dans la construction. J’imagine que ce sujet récurrent doit également impacter les programmes.

Sur le sujet de l’hébergement, 1 milliard d’euros ont été mobilisés depuis cinq ans. Pour autant, est-on obligé de faire moins avec autant d’argent ou y a-t-il des besoins budgétaires complémentaires ? Vous avez parlé du plan Ambition Logement. Je voudrais savoir s’il se déroule selon les délais prévus et si le contrat est respecté. En sachant qu’il a été très lourd en termes d’élaboration et de finalisation. Il y a de la construction et de la rénovation, mais des surcoûts liés à ces travaux généreraient-ils des amendements à ce contrat et à la convention passée ? Il est important de suivre tous ces éléments avec attention.

Enfin, vous avez évoqué les lycées, et en particulier celui de La Flèche. J’ai laissé 120 millions d’euros sur la table dans le cadre du plan lycées, mais c’est peut-être plus aujourd’hui. Je réaffirme ici qu’il s’agit d’établissements d’excellence qui méritent toute notre attention. Cette offre essentielle pour les familles de militaires et de civils de la défense constitue également des possibilités de continuer à développer des formations pour nos armées. Je pense notamment au déploiement de BTS qui nous permettent de former des jeunes sur des compétences importantes pour nos armées. Par exemple, un BTS cybersécurité a été mis en œuvre à Saint-Cyr. Il est donc important de continuer dans cette voie.

En ce qui concerne les musées nationaux, il est important de porter cette politique culturelle. Il s’agit d’une magnifique vitrine pour notre ministère, mais c’est aussi un patrimoine commun pour les Français. C’est essentiel pour le lien armée-nation. Il y a de grands engagements pour le musée de la marine, dont je me réjouis de l’ouverture prochaine. Il existe aussi des besoins pour le musée de l’armée aux Invalides. Il y a également des choses plus modulées dans le temps pour le musée de l’air et de l’espace.

Je n’ai pas eu le temps de lire le bleu cette nuit. Entre des séances tardives et des auditions matinales, j’essaie de dormir un peu ! Je ne sais pas à combien s’élève le budget consacré à cette politique culturelle. Enfin, j’aimerais savoir où en sont les projets du Service historique de la défense, que nous devons aussi préserver absolument.

M. Christophe Mauriet. Nous pouvons revenir sur les civils afin de vous donner plus de chiffres, Madame la ministre. J’ai dit tout à l’heure qu’il y avait 5 000 emplois civils à pourvoir, dont 888 nouveaux. La différence tient à l’effet des départs et des emplois devenus vacants. Nous allons parvenir à pourvoir ces 888 emplois qui figurent dans le schéma d’emploi 2023. La note d’ambiance n’est donc pas la même que pour le personnel militaire.

Je peux vous donner des illustrations un peu plus qualitatives. Aujourd’hui, parmi les quelque 62 000 personnes qui composent le personnel civil, il y a 38 000 fonctionnaires, 12 500 contractuels et 11 500 ouvriers d’État. Sur la dernière période de référence, nous avons recruté plus de contractuels que de fonctionnaires.

Pour vous donner des éléments un peu froids et non chargés idéologiquement, il y a ce que la loi et les textes rendent possible ou encouragent en matière de transformation de l’emploi public. Je pense notamment à la loi de 2019. Dans la jeunesse, qui constitue le vivier dans lequel nous cherchons prioritairement à recruter, nous constatons une forme d’indifférence à la question des statuts, voire une forme d’aversion à la condition de fonctionnaire ; ce qui est contre-intuitif. Ça constitue tout de même un renversement des tendances culturelles.

Nous pourrions engager une discussion, mais croyez-moi sur parole, l’argument du statut est presque contre-productif avec les jeunes que nous cherchons à attirer. L’idée qu’une mission ait une durée déterminée n’est pas du tout perçue comme un point négatif. Par ailleurs, dans certaines spécialités professionnelles où on trouve beaucoup d’ouvriers d’État, notre politique cherche l’utilité du ministère. À ce titre, nous recrutons dans les 21 spécialités professionnelles des ouvriers d’État.

Il n’y a donc pas de parti pris de type idéologique, mais une approche pragmatique liant nos recrutements aux besoins. Nous prenons acte de notre compréhension de l’état et des tendances du marché. Dans ce cadre-là, nous nous efforçons d’attirer et de fidéliser les ressources humaines dont nous avons besoin. On développe des sujets tels que la marque employeur « Civils de la défense ». L’idée selon laquelle la contribution des civils est importante, voire décisive, y compris dans le renseignement et les métiers de la cyberdéfense, fait véritablement l’objet d’une démarche systématique.

Nous en tirons des conséquences, y compris sur le plan salarial, avec 20 millions d’euros de mesures catégorielles pour les civils. Ça a augmenté de manière incrémentale à 35 millions en 2023, puis à 36 millions en 2024. Dans les budgets qui se suivent, on finance également la progression de carrière des agents contractuels en prévoyant des avenants pour augmenter leur rémunération.

En revanche, la question de la rémunération ne disparaît pas complètement du champ mental. Compte tenu de la masse critique atteinte par le personnel contractuel, nous nous retrouvons à devoir financer chaque année une mesure budgétaire significative permettant de prendre acte et d’accompagner leur développement de carrière. Nous nous y consacrons avec beaucoup de soin.

Madame Darrieussecq a fait référence aux lycées militaires et aux formations, y compris pour les techniciens supérieurs. Nous sommes plutôt dans une phase de réflexion qui va déboucher sur un développement de cette offre de formation. Il n’y a pas que des prépas post-bac pour les grandes écoles d’ingénieurs ou d’officiers. Le champ couvert est plus vaste et notre intention est de poursuivre son extension.

M. le président Thomas Gassilloud. Sur le plan de la méthode, si je comprends bien, les décisions prises au sein du ministère de la fonction publique ont un impact direct sur la rémunération du personnel civil du ministère des armées. Elles produisent également, par ricochet, un effet sur celle du personnel militaire ; et ce, par le biais des grilles. Inversement, les décisions du ministère des armées, qui est chef de file en matière de condition militaire, peuvent-elles impacter le solde des gendarmes ou cela est-il complètement déconnecté ?

M. Christophe Mauriet. Là, on commence à s’approcher de la limite de mon champ d’attribution. D’autres effets sont effectivement possibles, mais il s’agit généralement d’accommoder le contrecoup du champ de la gendarmerie sur les militaires du ministère des armées.

M. le président Thomas Gassilloud. La rémunération du personnel civil est directement liée à des discussions qui ont lieu au niveau de la fonction publique, notamment sur les indices.

M. Christophe Mauriet. La politique salariale des fonctionnaires est l’affaire du ministère de Monsieur Guérini.

M. le président Thomas Gassilloud. Y compris pour les civils qui sont au ministère des armées ?

M. Christophe Mauriet. Absolument. Pour les fonctionnaires, la valeur du point est déterminée dans un exercice. C’est ce qu’on a appelé le rendez-vous salarial du deuxième trimestre 2023, qui a visé les bas salaires, le personnel au Smic, les fonctionnaires en ce qui concerne la valeur du point ou d’autres mesures. Tout cela est d’application générale. En revanche, chaque ministère employeur de ces agents contractuels a une forme d’autonomie et est renvoyé à sa politique financière et au choix qu’il fait de consacrer plus ou moins de ressources à l’intérieur de ces enveloppes à l’entretien de cette attractivité relative des agents sous contrat.

Il y a des choses extrêmement intéressantes qui se passent. On recrute sous contrat des cadres supérieurs et des cadres en début de carrière. Des gens restent, des gens passent d’un ministère à un autre, des collaborateurs quittent le service public avant d’y revenir, etc. Il y a vraiment une multiplication des cas de figure. Le tableau est beaucoup plus pixélisé qu’il y a encore six à huit ans, si je puis dire. Nous devons nous accommoder à cette réalité du marché de l’emploi.

Madame la ministre m’a interrogé sur le service d’infrastructure de la défense (SID). Peut-on ou doit-on faire moins avec autant ? Oui, mais la vérité en économie est celle du cycle. Il y a des points hauts, puis ça peut redescendre. L’inflation n’est pas perpétuelle. Par rapport aux conditions dans lesquelles on raisonnait en début d’année, notamment au moment du bouclage de la LPM, sur la question de la couverture de l’inflation par les enveloppes de LPM, on constate que les indices précurseurs annoncent un retournement sur certaines catégories de facteurs.

Pour prendre l’exemple du plan hébergement, l’effet de l’inflation sur l’exécution du plan de commandes 2022 et les premières tendances 2023 représentent plus de 15 millions. Ce n’est pas négligeable. Ça nous oblige à prévoir à l’intérieur de cette enveloppe un effet prix qui, à valeur inchangée, comprime l’effet volume. Il s’agit également de se mettre sur l’horizon temporel de la programmation militaire.

Le plan hébergement a été lancé en 2019 dans un contexte où les anticipations d’évolution des facteurs étaient à la baisse. On était alors dans une période de très grande maîtrise du coût des facteurs. Depuis douze ou dix-huit mois, on connaît une période où il y a de l’inflation réelle et de l’anticipation d’inflation. Là, nous constatons plutôt une stabilisation et le début d’un retournement. C’est vraiment concret sur des chantiers ou des projets très emblématiques du grand ministère de la défense. Nous avons eu des dialogues compétitifs. Nous sommes sortis de la période d’aversion aux risques, où les prix subissaient l’inflation et des hypothèses extrêmement défavorables quant à l’évolution du coût des facteurs.

Vous m’avez interrogé sur Ambition Logement. Pour l’instant, nous sommes dans les temps. Pour compléter votre propos, plus encore que d’être au rendez-vous en termes de montée en puissance lors des premières années, la vraie difficulté tient à la transition, c’est-à-dire au passage de relais. Il s’agissait de passer de l’ancien gestionnaire, à savoir CDC Habitat, au nouveau. Ça a été un peu difficile le 1er janvier 2023. Même si la manœuvre a été préparée soigneusement, il y a nécessairement des frottements. Bien qu’on ait communiqué intensément, il y a toujours des éléments de malentendu.

J’ai bien entendu hier qu’il peut y avoir un effet paradoxal et contre-intuitif dans le fait qu’on va rénover profondément les appartements ou en construire des neufs à de nouveaux standards qualitatifs. Ça va forcément avoir un impact sur les loyers, ce qui peut avoir un effet anxiogène pour les ressortissants.

Je rappelle que le cadre réglementaire qui s’applique aux logements domaniaux, dont les ressortissants de la défense sont les occupants, prévoit des abattements sur les prix du marché locatif pouvant monter jusqu’à 50 % dans les zones tendues ; en particulier en Île-de-France et dans la plupart des grandes métropoles. S’il y a de l’investissement dans les appartements et un meilleur standard sur le plan qualitatif, ça a effectivement un impact sur le loyer.

Sur le musée de l’armée, la subvention est en augmentation l’an prochain. On passe de 18 à presque 20 millions, dont la moitié sera consacrée aux investissements. Il y a le projet Minerve ainsi que le parcours permanent sur le post Deuxième guerre mondiale et la décolonisation. Le parcours muséographique est consacré à l’histoire des Invalides. Globalement, les subventions pour les trois grands musées nationaux passent de 61 à 69,5 millions d’euros, soit une augmentation de 14 %. On est donc au rendez-vous sur ce chantier.

M. le président Thomas Gassilloud. Le ministère des armées est le deuxième opérateur culturel de l’État. Dans le cycle sur la défense globale, nous aurons l’occasion de faire une partie sur le lien entre culture et défense. Le ministère des armées a des intentions en matière culturelle. La culture est aussi ce qui nous donne envie de nous battre pour quelque chose que nous voulons défendre ensemble.

Mme Isabelle Santiago (SOC). J’aurai certainement beaucoup de questions à vous poser par la suite, mais une fois que j’aurai travaillé sur le bleu budgétaire. Là, on inverse les choses. Nous l’avons reçu cette nuit ! En sachant que mes collaborateurs, les stagiaires et moi-même ne travaillons pas la nuit. Mis à part une communication de presse, on est donc un peu sec. Quoi qu’il en soit, ça ne nous permet pas d’affiner les questions à poser en étant le plus près possible de la lisibilité que nous avons des bleus. Dans l’absolu, durant cette période de discussions budgétaires, une fois que je serai plus éclairée, j’aurai plaisir à échanger plus précisément sur certaines questions.

Je souhaitais néanmoins aborder certains points, dont le premier est l’objectif du doublement de la réserve opérationnelle d’ici 2030, que nous avions vu dans la LPM. Ça implique une très ambitieuse politique d’augmentation nette des effectifs de la réserve en 2024. Vous avez évoqué une augmentation nette prévue de 10 %. Cette ambition se traduit dans le PLF par une hausse des dépenses du personnel qui irait jusqu’à près de 10 millions d’euros.

En fait, il en va de la capacité à recruter, à fidéliser et à fédérer les réservistes. Il y a un grand travail autour de ce sujet. Étant donné que les masses sont importantes, ce dont on se félicite, il s’agit d’avoir une meilleure visibilité de l’action qui va être portée par vos services, dont je salue le travail. Ils vont devoir lancer différents programmes pour attirer, recruter et fidéliser.

J’aimerais donc en savoir davantage sur le programme 212 en termes de gestion. Dans le projet du plan annuel de performance - terme que je n’aime pas -, vous aviez évoqué de nouveaux systèmes de gestion. Une partie arrivera en mars 2024 pour optimiser cette meilleure gestion RH dans le cadre des réserves. Sur le plan budgétaire, il semblerait qu’il y ait une baisse budgétaire sur cette partie-là avec le plan annuel de performance et l’achat de ces nouveaux systèmes connectés. Nous aimerions savoir comment tout ça va fonctionner. Les indicateurs quantitatifs sont-ils pertinents pour faire face à la crise du recrutement ?

En ce qui concerne le deuxième plan famille, comme pour d’autres points de présentation, il serait bien de venir avec des éléments afin de nous montrer comment les choses vont se traduire, à la fois de manière pluriannuelle et annuelle. Il en est de même pour le rétroplanning de l’immobilier. Tout ça fait bien évidemment partie de grandes stratégies qui sont posées avec des dates. Au-delà des chiffres, il est intéressant pour nous d’avoir une visibilité sur la cartographie des lieux, etc.

C’est un point sur lequel j’ai beaucoup travaillé dans le cadre du premier plan famille, lors du dernier mandat, et dans le cadre des travaux du deuxième plan famille, auxquels j’ai eu l’honneur de participer. J’y suis donc très attachée. L’un de mes collègues avait beaucoup travaillé sur un rapport concernant l’immobilier. Ce sont des choses qui nous permettraient d’être plus attractifs et d’avoir une meilleure compréhension, même si on n’a pas eu le temps de lire le budget.

M. Christophe Mauriet. Je ne peux que battre ma coulpe, mais c’est un peu systémique. Je comprends tout à fait ce que vous dites et je prends conscience d’une forme de frustration, que Monsieur Thiériot a également exprimée. Il faut peut-être qu’on réfléchisse à illustrer nos échanges autrement. D’où l’intérêt pour la data visualisation, la géographie, les courbes et le côté graphique.

Il est vrai qu’il y a un peu une dimension d’usages immémoriaux dans ces échanges et dans la manière dont se structure le travail entre l’administration et les parlementaires. Ce modèle, qui est peut-être un peu épuisé, est en tout cas insuffisant. Je ne sais pas s’il vous paraît acceptable qu’on renvoie, y compris pour cette session budgétaire de l’automne 2023 pour le PLF 2024, à d’éventuelles réunions dans un autre format. En tout cas, il faudrait des documents PowerPoint ou un support graphique. Le bleu fait aussi l’objet d’un processus d’amélioration continue. Pour autant, ça reste tout de même un document un peu âpre.

En sachant que l’administration est prise au piège de l’exhaustivité. La somme des informations altère la lisibilité, la perception de l’idée problématisée et l’intention politique, même s’il y a des présentations stratégiques. Nous allons voir s’il serait possible de nous rattraper dès cet automne. Il serait effectivement mieux d’avoir une représentation graphique de ce dont on parle, quelle que soit la manière de présenter les sujets. Comme a dit le grand Napoléon : « Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours ». Il est vrai qu’on pourrait exposer les problèmes beaucoup plus rapidement avec des courbes, des diagrammes, des cartes de France, etc.

M. le président Thomas Gassilloud. En sachant qu’il y a déjà un sujet de timing. La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) prévoit que les bleus doivent être fournis au plus tard le premier mardi du mois d’octobre. Nous pensions que ça interviendrait un peu plus tôt. Pour autant, nous avons une vingtaine d’auditions à caler dans un temps restreint. Nous avions le choix entre commencer plus tard en faisant moins d’auditions ou miser sur le fait qu’il serait livré un peu en amont, quitte à ce qu’il y ait un peu d’inconfort. Nous avons choisi la seconde option. Et ce, avec le résultat que nous connaissons. La commission a fait part de sa disponibilité pour un éventuel retour du ministre ; soit en commission, soit en Bureau.

Dans l’attente des documents de visualisation cartographique ou schématique, je vous renvoie également au très bon travail qui a été réalisé par la délégation à l’information et à la communication de la défense (Dicod). La plaquette informatique sur le PLF 2024 est extrêmement bien faite. Elle montre la répartition des grands investissements et fournit plusieurs cartographiques sur la livraison des équipements, la répartition du personnel au niveau national, etc. Ça reste assez sommaire, mais il est certain que nous gagnerions à utiliser la projection de diapositives un peu plus précises lors de votre audition de l’année prochaine. Ça constituerait une base un peu plus solide.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je vous remercie. Ce serait beaucoup plus vivant, y compris dans les échanges et en termes de compréhension. En sachant que votre secrétariat général touche à l’ensemble de la masse salariale, mais aussi aux bâtiments. En fait, comme j’ai pu le rappeler à l’occasion du plan famille et du plan sur la transition énergétique des armées, on ne valorise pas assez ce qui est fait. Un visuel permet notamment de voir où on en est dans la rénovation thermique des bâtiments. Il faudrait qu’on puisse voir concrètement ce qui reste à faire. Ça permettrait à tous les parlementaires de participer aux débats dans de meilleures conditions, même si on reçoit le budget très tardivement. Il est de toute façon plus ludique et plus agréable d’échanger sur le fond sous cette forme-là.

M. José Gonzalez (RN). Ces dernières années sont marquées par un changement de la culture du travail et de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Il serait imprudent de considérer que ces révolutions qui affectent déjà les armées voisines, comme nos armées, n’auront pas plus d’impact à l’avenir. Parmi les critères de fidélisation, on retrouve la prise en compte de la vie familiale, notamment lors des phases de mobilité. Nos militaires mutés veulent pouvoir scolariser leurs enfants, retrouver un médecin et acquérir un logement.

Le manque de fidélisation est difficile à combler par le recrutement puisqu’il manquera entre 1 500 et 2 000 candidats cette année. Même si le ministère entend créer 6 000 postes, ces derniers vont être difficilement pourvus, faute de volontaires. Des palliatifs existent avec notamment la réorientation des filières compétitives comme la Légion étrangère, où neuf jeunes se bousculent pour un seul poste. Que ce soit sur le plan du recrutement ou de la fidélisation, les sommes allouées par cette loi de finances vont-elles permettre selon vous, Monsieur le secrétaire général, d’atteindre les buts fixés par la LPM ou devons-nous envisager de nouveaux moyens ?

M. Christophe Mauriet. Bien évidemment, à trois mois du début de l’exécution de la loi de finances et à quinze mois de la fin d’année 2024, nous y croyons de manière raisonnée. Ce raisonnement s’appuyant sur des hypothèses, il se peut donc qu’on ne soit pas complètement au rendez-vous. J’en évoquais le corollaire dans mon propos liminaire. Il s’agit vraiment d’une innovation explicite dans cette LPM. L’idée est de pouvoir ajuster, en fonction du retour réel de la manœuvre RH, sans attendre la fin d’année. Et ce, pour mobiliser des leviers afin d’atténuer une tendance qui serait défavorable.

Je pense qu’il convient d’être assez prudent ; surtout si on raisonne sur un horizon lointain, c’est-à-dire jusqu’en 2030. Nous avons évoqué l’inflation avec Madame Darrieussecq. Tout le monde était à cran il y a encore moins de six mois. La grande question était de savoir à combien de dizaines de milliards nous avions prévu l’inflation dans cette LPM. Nous étions alors au pic des anticipations d’inflation, où tous les acteurs économiques prenaient les hypothèses les plus défavorables. Ce moment est déjà derrière nous. C’est la même chose sur le marché du travail.

Aujourd’hui, l’armée de terre connaît des difficultés pour atteindre ses cibles de recrutement de militaires du rang. Ces éléments sont très corrélés à l’état général de l’économie et du marché du travail. La vérité en économie est celle du cycle. Qui peut dire où en sera ce marché d’ici deux ans ? Ces cinq dernières années, nous avons connu des phases différentes.

Même si ça peut paraître contre-intuitif, certains économistes affirment que le marché du travail français atteint une forme de plein-emploi. Toujours est-il qu’à 7 % de chômage, même s’il y a une pluralité de facteurs, on constate que l’armée de terre a des difficultés pour recruter des militaires du rang. Est-ce stable dans la durée ? Peut-on planifier les sept années qui nous séparent de la fin d’année 2030 sur cette seule hypothèse ? Certainement pas !

Il y a bien évidemment des moyens d’arbitrer et de moduler les efforts. J’en ai exposé un certain nombre sur l’horizon relativement proche de l’année 2024. Il y aura ensuite les budgets annuels successifs. De toute façon, on ne peut pas rester dans une situation hypothétique où on sous-consommerait les crédits de masse salariale parce qu’on sous-réaliserait nos ambitions en termes RH.

Cet arbitrage de croisement des courbes est prévu dans la LPM. Si on constate une perspective de sous-réalisation de nos cibles quantitatives en matière de recrutement et de fidélisation, un effort salarial supplémentaire pourra être consenti afin d’atténuer l’effet de cette tendance dont on anticiperait le prolongement. Outre la boîte à outils dont on se dote, il faut également comprendre le marché du travail. Un ministère qui voit partir 28 000 de ses collaborateurs et qui en recrute sensiblement le même nombre chaque année fait tout de même la démonstration de son agilité.

Très peu d’organisations de travail sont capables de réitérer une telle performance année après année. En sachant qu’elle est répartie sur un grand nombre de gestionnaires de personnels militaires et de personnels civils. Le ministère a cette agilité. Ce n’est ni un satisfecit ni une raison de ne pas rester alerte. Il faut toujours faire des efforts pour comprendre ce qui se passe sur le marché de l’emploi. Pour autant, d’une certaine manière, le passé plaide pour nous.

La traduction concrète de l’investissement sur le capital humain dans le format RH est tout simplement quelque chose d’existentiel pour les armées. Sans hommes, il n’y a pas d’armées. Tous les efforts du ministère tendent vers cet objectif premier. Ces indications de méthode sont crédibilisées par la performance passée. En sachant que nous sommes dans une phase qui est relativement inédite. Il y a un certain nombre d’années qu’on n’avait pas rencontré de telles conditions de marché, mais elles ne dureront pas.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous allons au contraire tout faire pour qu’elles continuent et qu’on descende en dessous d’un taux de chômage de 7 %. Beaucoup de nos collègues sont actuellement mobilisés dans l’hémicycle pour le projet de loi sur le plein-emploi. On mesure bien les effets de bord négatifs liés à l’attractivité relative du métier des armes. Pour autant, nous devons néanmoins continuer vers le chemin du plein-emploi puisque c’est à ce prix-là que nous financerons notre LPM tout en gardant notre souveraineté financière.

M. Christophe Mauriet. Heureusement que vous avez la présence d’esprit de me rappeler à l’ordre, Monsieur le président ! Je voudrais citer un autre exemple pour répondre à Monsieur Gonzalez. Le créneau de la spécialité numérique n’est pas tout à fait nouveau, mais il illustre bien notre capacité à nous adapter. Nous avons créé une prime dans le troisième étage de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Elle est entrée en vigueur dimanche dernier et figurera sur la paie du mois d’octobre.

Cette prime est à peine inaugurée qu’on vient de créer un créneau supplémentaire avec un surcroît de rémunération pour la supériorité numérique. Ce dispositif est tout de même très mobile et adaptatif. On peut faire confiance aux gestionnaires de personnel militaire pour observer, comprendre ce qui se passe et s’adapter en faisant preuve de proactivité. Honnêtement, je pense qu’on ne butera pas sur des problèmes de rationnement de la ressource budgétaire. En sachant que la programmation budgétaire 2024-2030 de la LPM est crédible. Le sujet en première intention ne sera pas d’ordre financier. Il sera plutôt question de compréhension et de mobilisation des bons outils dans le cadre de la manœuvre RH.

M. le président Thomas Gassilloud. Merci, Monsieur le secrétaire général. On ne progresse que dans l’inconfort. En l’occurrence, cela nous permet de progresser sur les sujets de ressources humaines. Merci à tous pour cette audition.


 

3.   Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

La commission a entendu les représentants de syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du mardi 10 octobre 2023.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/aqj9HR

 

 

4.   Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

La commission a entendu les représentants des associations professionnelles nationales de militaires, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), au cours de sa réunion du mercredi 18 octobre 2023.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/DpS4BG 

 

 


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II.   Examen des crédits

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Bastien Lachaud, les crédits inscrits au programme 178 « Préparation et emploi des forces » et au programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2024, au cours de ses réunions du mercredi 25 octobre 2023.

M. le président Thomas Gassilloud. L’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

En ce qui concerne la mission Défense, je rappelle que celle-ci comporte quatre programmes, dont l’un, le programme 178, Préparation et emploi des forces, correspond à une nomenclature budgétaire interarmées mais fait en plus, en ce qui nous concerne, l’objet de trois avis – forces terrestres, marine et air – pour nous permettre d’en assurer un suivi précis.

Nous allons entendre ce matin nos rapporteurs pour avis et continuerons cet après-midi avec les interventions des orateurs de groupe, puis l’examen des amendements et le vote des missions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le ministère des armées se félicite de l’augmentation de 3,3 milliards des crédits de la mission Défense par rapport à la loi de finances pour 2023. Sur ces ressources nouvelles, plus de 577 millions financeront la masse salariale, 269 millions financeront de nouveaux projets d’infrastructures et 275 millions abonderont les services de soutien de proximité. Je me réjouis de cette tendance générale au renforcement des services de soutien, qui ont été les plus sacrifiés par une décennie de sous-investissement, dont le ministère des armées peine à se remettre.

Pourtant, si je me penche plus en détail sur leur état général, plusieurs ombres assombrissent le tableau. Les sujets d’inquiétude ne manquent pas, au moment où les armées doivent se préparer à toutes les hypothèses, dont celle du retour de la haute intensité en Europe.

Que dire de la centaine de praticiens de la composante médecine des forces du service de santé des armées (SSA) qui, cette année encore, manqueront à l’appel ? Que dire du taux d’attrition des étudiants de l’école de santé des armées, compris entre 30 % et 40 % ? Que dire de la fragilité de certains stocks d’habillement du service du commissariat des armées (SCA) ou des renoncements à des travaux d’infrastructure structurants au service de l’énergie opérationnelle (SEO), faute de crédits suffisants ?

S’agissant des équilibres budgétaires des services de soutien relevant des programmes 178 et 212, j’ai identifié des points de vigilance pour chaque service. Certains figuraient dans mon rapport l’an dernier.

Je déplorais notamment la faiblesse récurrente des hypothèses sur lesquelles repose le PLF, fondées sur un cours moyen du baril de Brent significativement inférieur au cours réel observé. En 2022, cette différence avait provoqué la consommation de deux tiers du budget du SEO à la moitié de l’année.

Cette année, l’hypothèse de construction budgétaire du PLF est fondée sur un cours du baril à 86 dollars, alors même que le cours moyen observé actuellement est de 90 dollars. Si cette hypothèse semble plus réaliste que celle de l’an dernier, je compte néanmoins déposer un amendement visant à abonder les crédits consacrés aux dépenses de carburant, pour prémunir le SEO contre le risque d’une envolée des cours.

Par ailleurs, faut-il vraiment se réjouir de l’augmentation des crédits de masse salariale à hauteur de 577 millions ? Le schéma d’emploi pour 2024 prévoit une augmentation de 456 équivalents temps plein (ETP), contre 700 prévus dans la LPM 2024 – 2030. Ce renoncement signale les difficultés croissantes qu’éprouve le ministère des armées pour atteindre ses cibles de recrutement. En conséquence, le dispositif prévu à l’article 7 de la LPM, qui prévoit de flécher vers des mesures de fidélisation les crédits de titre II (T2) rendus disponibles par une sous-réalisation des cibles d’effectifs, sera enclenché dès 2024.

Les premières mesures de revalorisation indiciaire seront mises en œuvre à partir d’octobre 2023 pour les militaires du rang et les sous-officiers subalternes, à partir d’octobre 2024 pour les sous-officiers supérieurs et à compter de 2025 pour les officiers. S’agissant des premières, les premiers éléments disponibles semblent indiquer une revalorisation minimale qui, compte tenu de l’inflation, ne produirait que de modestes effets pendant une ou deux années, avant d’être rattrapée par les mesures interministérielles générales et les hausses de l’indice plancher de la fonction publique.

Après avoir déploré la conception par étapes de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), je m’inquiète de la reproduction d’une méthode similaire, consistant à préparer des textes réglementaires au fur et à mesure, pour le chantier indiciaire.

Pourquoi ne pas dévoiler les évolutions projetées de la grille indiciaire des officiers avant de mettre en œuvre la grille indiciaire rénovée des militaires du rang ? Comment s’assurer de la cohésion des grilles révisées et garantir in fine qu’un militaire du rang trouvera un intérêt à devenir sous-officier, voire officier, dans une logique d’escalier social chère à nos armées ? Notre commission ne manquera pas d’occasions, au cours des deux prochaines années, de revenir en détail sur ces enjeux, qui font l’objet d’immenses attentes de la communauté militaire.

J’en viens à la partie thématique de mon rapport, consacrée aux ressources humaines et au soutien des forces de souveraineté stationnées dans les Outre-mer. La LPM 2024 – 2030 prévoit une remontée en puissance de leurs capacités, dans le cadre des points d’appui ultramarins. Je souhaite mettre en lumière les enjeux de soutien afférents.

Je me suis rendu en Polynésie française, auprès des forces armées en Polynésie française (FAPF). J’ai échangé avec toutes les composantes des forces et avec les services de soutien de la base de défense.

La Polynésie est un cas d’étude intéressant. Elle concentre et exacerbe de nombreuses difficultés rencontrées par les services de soutien ultramarins : insularité ; coût de la vie exacerbé ; conditions climatiques éprouvantes pour les stocks ; pression foncière maximale ; difficulté, voire impossibilité des conjoints d’accéder à l’emploi ; distance avec l’Hexagone – 21 heures de vol et 12 heures de décalage horaire – ; élongation territoriale majeure sur cinq archipels, dispersés sur un territoire grand comme l’Europe. À mon retour dans l’Hexagone, j’ai auditionné en visioconférence les quatre autres forces de souveraineté au sujet des enjeux de ressources humaines et de soutien.

Mes travaux m’inspirent plusieurs constats.

Le modèle des soutiens Outre-mer présente incontestablement de nombreuses forces, dont la principale réside dans le commandement supérieur des forces armées Outre-mer (COMSUP), qui est à la fois chef militaire et chef des soutiens. Cette double casquette du COMSUP améliore l’adéquation et l’intégration du soutien aux missions opérationnelles. Cette configuration est féconde pour penser la réforme nécessaire des bases de défense en Hexagone, dans un contexte de rapprochement indispensable de la chaîne des soutiens et de la chaîne opérationnelle.

En dépit de ces forces, la résilience des services de soutien dans les Outre-mer demeure inégale. Le SSA, le SEO, la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi) et le Service interarmées des munitions (Simu) doivent être renforcés si nous souhaitons que les Outre-mer deviennent de véritables points d’appui. Les réserves stratégiques pétrolières détenues en propre par les forces armées doivent être renforcées. La capacité de stockage des dépôts de munitions peut encore être augmentée. La résilience des infrastructures de communication doit être améliorée.

En Polynésie, le nombre d’évacuations sanitaires effectuées par la direction interarmées du service de santé (DIASS) est anormalement élevé. Cette compétence appartient en droit aux autorités locales. Je renouvelle l’expression de mon inquiétude s’agissant de la sur-sollicitation des moyens humains et matériels des forces de souveraineté pour ces évacuations, d’autant que le problème semble se poser, à des degrés divers, pour toutes les forces de souveraineté.

J’en viens au problème de la cherté de la vie Outre-mer. D’après la dernière enquête exhaustive sur les prix dans les Outre-mer, réalisée par l’Insee en 2015, le niveau général des prix y est de 7 % à 12,5 % plus élevé que dans l’Hexagone. Ces écarts de prix sont particulièrement criants pour les produits alimentaires, atteignant 28 % à La Réunion, 38 % à la Martinique, 34 % en Guyane et 33 % en Guadeloupe. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les écarts de niveau des prix sont du même ordre.

Les militaires affectés dans les Outre-mer bénéficient d’indexations de soldes différenciées selon les territoires. En Polynésie, cette indexation est de 181 %, supérieure à la majoration servie dans les Antilles.

Toutefois, le différentiel de compensation du coût de la vie selon les territoires, dont le calcul n’a pas évolué récemment, ne tient pas compte du fait que les effets de la vie chère sont accentués pour les militaires, en raison des difficultés que connaissent leurs conjoints pour accéder à l’emploi. Je propose d’actualiser à la hausse tous les coefficients d’indexation de solde des personnels militaires et civils affectés dans les Outre-mer, afin de disposer de coefficients d’indexation ajustés aux niveaux de vie actuels ultramarins.

Par ailleurs, il importe de promouvoir un renforcement significatif de l’offre de loisirs proposée aux militaires des forces de souveraineté. Dans les territoires ultramarins, l’offre de loisirs est disparate, voire inaccessible. Il s’avère difficile, pour les militaires qui y sont affectés, notamment les sous-officiers et les militaires du rang, d’y passer des vacances en famille. À Tahiti, on m’a plusieurs fois signalé la différence entre l’image de carte postale qui prévaut dans les esprits de nombreuses familles avant le départ et la réalité des conditions de vie, onéreuses, sur place. Ce décalage explique certains retours anticipés des familles, certes minoritaires, dans l’Hexagone.

Plusieurs de mes propositions visent à étendre le bénéfice du plan WIFI aux forces de souveraineté en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, et à garantir aux militaires affectés dans les Outre-mer ainsi qu’à leurs familles le bénéfice d’un aller-retour en Hexagone au minimum durant leur séjour.

S’agissant de l’accès à une offre de soins en psychologie et psychiatrie des forces de souveraineté, il n’est pas évident, car de nombreux postes sont armés par des réservistes. Parce que l’Outre-mer, bien souvent, exacerbe les problèmes individuels plus qu’il ne les résout, il importe de disposer d’une offre de santé adéquate et d’une réelle politique de loisirs à destination des forces de souveraineté.

Je remercie les personnels militaires et civils rencontrés dans le cadre de mon déplacement auprès des forces armées en Polynésie française et auditionnés à l’Assemblée nationale.

Je déplore la raréfaction de l’information budgétaire mise à la disposition de la représentation nationale et des citoyens par le Gouvernement. Les données relatives à l’activité des forces et à la disponibilité des équipements ont été protégées au niveau diffusion restreinte et ne figurent plus dans les projets annuels de performance (PAP) de la mission Défense. Je déplore également d’avoir fait les frais d’un usage renforcé de la « diffusion restreinte » dans les réponses reçues à mon questionnaire budgétaire. Je déplore enfin le manque d’informations détaillées partagées par certains services du ministère, s’agissant notamment de la révision en cours des grilles indiciaires des personnels militaires.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). La LPM 2024 – 2030 votée en juillet prévoit une remontée en puissance significative des forces de souveraineté stationnées dans les Outre-mer, particulièrement maltraitées par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Les services de soutien interarmées seront renforcés à proportion. Quelle est la logique stratégique à l’œuvre dans cette remontée en puissance ? S’agit-il d’une simple augmentation des moyens humains et matériels ou d’une réorientation stratégique au profit des Outre-mer ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Lors de sa visite d’État en Chine en avril 2023, le Président de la République a plaidé en faveur d’une « autonomie stratégique européenne », pour éviter d’entrer dans une logique de blocs qui nous contraindrait à nous adapter au rythme américain et à une éventuelle sur-réaction chinoise. Partisans du non-alignement et de l’indépendance de la France, nous ne pouvons que souscrire à ces propos.

Lors des auditions que j’ai menées, j’ai constaté – sans aller jusqu’à parler d’un tropisme anti-chinois – que la place qu’occupe la Chine dans le Pacifique est particulièrement scrutée par nos forces. On peut donc s’interroger sur l’objectif du renforcement des points d’appui stratégiques, qui n’est pas clairement défini.

Il s’agit, nous dit-on, d’avoir la capacité d’agir dans la zone. Certes, mais pour quoi faire ? Nous pourrions travailler avec les forces armées de certains États de la région dans le cadre de missions humanitaires, notamment pour faire face aux conséquences dramatiques des phénomènes climatiques extrêmes, qui se multiplient, notamment dans les territoires insulaires. Ce terrain de coopération pourrait être exploré pour renforcer la place de la France dans la zone.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). J’aimerais vous interroger sur le financement des missions opérationnelles (Missops) Aigle et Lynx, respectivement déployées en Roumanie et en Estonie. Rien ne les distingue des Opex, sauf sous quatre aspects, et non des moindres : la bonification des pensions de retraite, l’attribution des médailles, le financement interministériel et le vote du Parlement sous quatre mois.

La qualification de Missops est dans un flou juridique dommageable à nos militaires et dangereux d’un point de vue budgétaire. De façon incohérente, les militaires en Missops bénéficient de l’indemnité de sujétion pour service à l’étranger (ISSE), théoriquement réservée aux Opex, et de la mention « Mort pour la France ». Du point de vue budgétaire, l’absence de financement interministériel garanti, dont bénéficient les Opex, est dangereuse.

Par ailleurs, du point de vue de la démocratie, ne pas qualifier ces opérations d’Opex permet de se dispenser du vote du Parlement. S’agit-il d’un moyen retors de le contourner ? Je n’ose le croire.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ignore la volonté du Gouvernement dont procède ce choix, mais il est certain qu’il pose problème.

Plusieurs personnes auditionnées ont soulevé la question : dès lors qu’ils ne sont pas imputés au budget opérationnel de programme (Bop) des Opex, les surcoûts de ces opérations créent des tensions sur la gestion du programme 178 et une vulnérabilité. Faute de collectif budgétaire pour l’abonder en fin d’année – en 2023, le surcoût est proche de 732 millions –, il y a des conséquences.

Par ailleurs, il y a un flou. Les primes versées au titre de l’ISSE dans le cadre de ces opérations qui ne sont pas des Opex sont imputées au Bop Opex. Par deux fois, le ministre des armées a indiqué, devant la représentation nationale, que le Bop Opex finance ces opérations. Il a même remercié le ministre délégué chargé des comptes publics de permettre ce financement. Pourtant, les services du ministère et ceux de Bercy, que j’ai auditionnés, affirment que le Bop Opex ne finance pas d’autres opérations que les Opex, – ISSE mises à part– et qu’il y a un abondement en fin d’année par le collectif budgétaire. Il y a un flou, que le ministre devrait dissiper.

Deux solutions s’offrent à nous pour résoudre le problème : adopter un texte législatif définissant ce qu’est une Missops et garantissant son financement interministériel, ce qui sécuriserait les programmes 212 et 178, donc la capacité d’action de nos armées tout au long de l’année, ou bienconsidérer les missions Aigle et Lynx comme des Opex.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Que le SSA soit mis au même niveau que les autres secteurs du soutien, tels que l’habillement, le carburant et la Dirisi, me met mal à l’aise depuis longtemps. Une réflexion à ce sujet s’impose.

Pour donner de l’attractivité au métier et donner envie aux jeunes médecins de s’engager pour soutenir nos armées, il faut offrir au SSA une place particulière, rôle décisionnel et de commandement inclus. Sans les hommes et les femmes du ministère, sur lesquels veille le SSA, nous ne pouvons rien faire. Sur le plan budgétaire, ce service est certes un poste de dépenses important, mais aussi un poste de recettes, grâce au fonctionnement des hôpitaux d’instruction des armées (HIA).

Tout cela mérite d’être revu. Sur ce sujet essentiel à l’avenir de nos armées, notre commission peut jouer un rôle d’impulsion. Il y va de la santé des hommes et des femmes de nos armées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je partage ces propos pour l’essentiel, même s’il ne faut pas minimiser l’importance des autres soutiens qui, grâce à la création et à la transformation des bases de défense ainsi qu’à leur intégration, ont acquis des compétences et se sont professionnalisés, ce qui a fait d’eux des experts dans leur domaine et leur permet de contribuer plus efficacement aux armées. Il n’en reste pas moins qu’il faut repenser la place du SSA.

Ainsi, le HIA Desgenettes à Lyon a été transformé par une décision ministérielle en lieu d’accueil de suivi et de traitement des blessés psychiques, ce qui fait disparaître sa fonction hospitalière. Cette transformation a été menée au motif que le HIA Desgenettes ne représente que 1 % de l’offre de santé dans la grande agglomération lyonnaise.

Quelle place veut-on donner au SSA ? Celle d’un auxiliaire de l’offre de soins civile ou celle d’un service des armées ? Je considère qu’il doit servir prioritairement à nos forces armées et qu’il faut décorréler la réflexion sur son déploiement du reste du système de santé. Nous devrons mener une réflexion pour répondre à ces questions : que voulons-nous faire du SSA ? Quels sont ses moyens ? Comment lui rendre son attractivité ?

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Certes, le SSA sert d’abord nos militaires. Mais, pour être efficace, il faut qu’il maintienne son champ de compétences, ce qui suppose de traiter aussi les civils. On ne peut donc pas décorréler le SSA du système de santé dans son ensemble.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Ma question porte sur la solde des militaires dans le contexte de forte inflation que nous connaissons. Les récentes augmentations du point d’indice, de 3,5 % puis de 1,5 %, ne compensent pas l’inflation.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la dernière marche de la NPRM a permis d’améliorer la solde globale des militaires mais ne résout pas le problème des indices. Or les droits à la retraite sont calculés sur cette base.

Quels seront les effets des révisions indiciaires en cours d’élaboration ? Le rééchelonnement ne risque-t-il pas d’être lui aussi rattrapé par l’inflation ? Les mesures interministérielles dites Guerini s’ajouteront-elles ou se substitueront-elles aux mesures prévues pour les militaires ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un sujet essentiel pour les militaires, régulièrement abordé dans les auditions et dont nous avons longuement débattu dans le cadre de l’adoption de la LPM. Le ministère nous a entendus. Le calendrier présenté respecte celui de la LPM. Toutefois, des interrogations demeurent.

La direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD) ne m’a pas remis les nouvelles grilles indiciaires des militaires du rang et des sous-officiers subalternes qui seront mises en œuvre dès le mois d’octobre, alors même qu’elles ont été validées par le guichet unique. De même, nous n’avons aucune information sur les anticipations des réformes prévues en 2024 et en 2025. Il nous est donc difficile de nous prononcer sur la cohérence globale de la réforme, alors même que nous devons voter les crédits qui en financeront la mise en œuvre.

Les chiffres de la réévaluation indiciaire annoncés par le Gouvernement sont en partie grignotés par les mesures dites « Guérini ». Il ne s’agit pas d’une bonification indiciaire supplémentaire. L’intégration des mesures Guérini a réduit les crédits dédiés à la revalorisationindiciaire des militaires du rang et des sous-officiers subalternes à 8 millions d’euros en année pleine. En fin de compte, la hausse de solde pour les militaires du rang sera de 5 euros par mois. Si l’inflation continue à son rythme actuel, elle sera rapidement avalée et il faudra recommencer. Cette augmentation, qui n’est pas à la hauteur, nous inquiète.

Par ailleurs, la NPRM ayant transformé nombre de primes indiciaires en primes forfaitaires, certaines augmentations accordées au ministère dans ce cadre ont d’ores et déjà été absorbées par l’inflation, sans bénéficier de l’augmentation du point d’indice. Nous devrons faire un point d’étape sur la NPRM en 2025, lorsque les militaires verront pour la première fois les effets de l’imposition de certaines primes, ce qui nous permettra de mesurer les effets de bord de la réforme.

M. Mounir Belhamiti (RE). Le renforcement de nos capacités et de notre souveraineté dans les Outre-mer suppose celui des moyens matériels et humains, mais aussi de nos capacités de télécommunication dans la zone. Nous avons des progrès à faire en matière de développement des grands axes de communication, notamment des fibres optiques intercontinentales et sous-marines. Quel est votre diagnostic en la matière ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La Polynésie est très bien desservie par la fibre optique. Quatre fibres relieront l’archipel au reste du monde d’ici quelques années. On en compte un peu moins en Nouvelle-Calédonie, mais elle ne dépend pas d’une connexion unique. Certes, nous avons des faiblesses en la matière, que je n’évoquerai pas hors huis clos.

La constellation européenne Iris 2, nonobstant les réserves que ce projet m’inspire en matière de souveraineté, pourrait être utile. Je salue le travail de la Dirisi dans ces zones, où de nombreux exercices ont lieu pour nous préparer à une interruption de transfert des données. Par ailleurs, nos installations haute-fréquence (HF) fonctionnent parfaitement et garantissent une continuité des opérations.

 

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La commission en vient maintenant aux interventions des groupes politiques.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, après la présentation ce matin des avis budgétaires de nos huit rapporteurs, l’ordre du jour appelle cet après-midi l’examen des missions Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation et Défense ainsi que du programme 152 Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

Mais avant de passer à l’examen des amendements et au vote sur chacune de ces missions, nous allons écouter les orateurs des groupes.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la septième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation.

En 2024, il s’élèvera à 47,2 milliards d’euros, conformément à la trajectoire adoptée dans le cadre de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024-2030. Il est supérieur de 14,9 milliards au budget de 2017 et de 3,3 milliards à celui de l’an dernier. La volonté du Président de la République, chef des armées, ainsi que celles du Gouvernement et du Parlement ont permis cette remontée en puissance significative.

Concrètement, l’impulsion donnée en 2017 a permis d’engager une modernisation capacitaire appréciée sur le terrain. Elle a eu un impact positif sur le quotidien des militaires. Nous avons désormais un socle solide et cohérent.

Après le temps de la réparation de nos armées vient celui de la transformation. Objectivement, le budget 2024 suit le cap que nous nous sommes fixé.

Tout d’abord, il poursuit les efforts de modernisation. Il permet de renouveler et d’entretenir nos équipements, grâce à 13,6 milliards de commandes pour les programmes à effets majeurs (PEM) hors dissuasion et à 5,7 milliards pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) et d’importantes livraisons. En plus de satisfaire un besoin essentiel de nos armées, cela permet de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Ce budget garantit d’autres investissements participant au renforcement de notre autonomie stratégique, dans notre dissuasion nucléaire, pour rester crédibles, et dans des domaines hautement stratégiques tels que le spatial, les fonds marins, le cyber, le renseignement, les sphères informationnelles et l’innovation, afin de donner à nos armées des capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériels et immatériels.

Par ailleurs, le budget 2024 profitera directement au quotidien des militaires, grâce notamment aux moyens mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant et sa préparation opérationnelle, pour renforcer le plan « famille » à hauteur de 70 millions d’euros et pour améliorer la politique salariale.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, l’attention que nous portons au monde combattant ne faiblit pas. La nation sait ce qu’elle doit à ses combattants. Sans surprise, les droits acquis par nos anciens combattants seront maintenus en 2024.

Il en ira de même des moyens alloués à la politique de mémoire. Ce budget de 1,8 milliard est dû au fait que 2024 sera une année importante pour la transmission de notre mémoire nationale, par le biais notamment du cycle de commémoration des 80 ans des débarquements et de la Libération, pour la mise en œuvre du plan Blessés 2023-2027 d’accompagnement des blessés et de leurs familles, ainsi que pour le renforcement du lien nation-armée et armée-jeunesse.

La mission Gendarmerie nationale bénéficie de 6,3 milliards dans le projet de loi de finances pour 2024, afin de continuer à assurer au quotidien la sécurité de nos territoires. Nous nous réjouissons de la création de 238 brigades de gendarmerie, dont deux seront dans ma circonscription, à Guidel et Bubry. Si nos gendarmes sont rattachés depuis une quinzaine d’années au ministère de l’intérieur, ils conservent toute leurs militarité, qui est importante pour notre République.

Ce qui est certain et dont nous devons continuer à nous porter garants, c’est que la nation n’oublie jamais ceux qui se sont engagés pour sa défense. N’oublions jamais ces femmes et ces hommes que leur engagement amène parfois, sur ordre, à donner la mort ou à aller jusqu’au sacrifice suprême.

En responsabilité et avec confiance, le groupe Renaissance votera ces trois budgets.

Mme Caroline Colombier (RN). Les auditions menées dans le cadre de l’examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024 ont fait émerger un constat unanime : le monde est de plus en plus dangereux et il est marqué par le retour de la logique de confrontation. Nous avons donc la responsabilité d’adapter la dimension de notre outil de défense aux conflictualités que notre pays connaîtra. Même si cela n’est pas une fatalité, la trajectoire mondiale amènera probablement notre pays à s’impliquer dans des conflits qui ne seront plus choisis, mais subis.

L’adaptation aux défis et le dimensionnement de nos armées exigent l’exécution fidèle de la LPM 2024-2030. Le projet de loi de finances pour 2024 traduit les efforts demandés sur sa première marche, ce que nous saluons. Nos soldats, marins et aviateurs attendent beaucoup de nos travaux, dont nous espérons qu’ils ne seront pas parasités, en séance publique, par un énième 49.3. Si tel était le cas, nous comptons sur la présidence de cette commission pour y intégrer les amendements des oppositions, qui révèlent les points morts du budget à venir.

Car des points morts et des points de friction, il en existe.

Nous reparlerons des crédits alloués à certains projets de coopération internationaux, tels que le système de combat aérien du futur (SCAF) et le système principal de combat terrestre (MGCS), dont nous sommes convaincus qu’ils sont voués à l’échec diplomatique et industriel. Il serait salutaire d’y mettre fin au plus vite. L’aveuglement idéologique dont procèdent ces projets peut coûter cher au modèle d’armée que nous devons ériger au profit de la France et des Français. Dans ces grands projets, la priorité est de faire confiance à nos industriels, qui sont capables de miracles et contribuent, eux, à la défense active de notre souveraineté.

Nos amendements tenteront de révéler et de remédier à des manques capacitaires cruciaux. Ils viseront notamment à relancer la filière de munitions de petit calibre, ce qui semble ne trouver aucun écho au sein de la représentation nationale alors même qu’il s’agit d’un sujet essentiel, à sortir de la logique de flux tendus par la reconstitution de stocks stratégiques, à renouer avec une logique de masse, à faire remonter en puissance le service de santé des armées (SSA), à intégrer le drone volant à moyenne altitude et de longue endurance (MALE) Aarok dans nos programmes, à augmenter la rémunération des militaires, à étoffer les services de MCO pour éviter de recourir à l’externalisation, à acquérir un A400M supplémentaire, à rénover les infrastructures de défense – bref à donner à nos armées les outils pour qu’elles soient prêtes dès ce soir, pour reprendre le mot du chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT).

En responsabilité, nous voterons les crédits de la mission Défense, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024-2030, même si nous déplorons certains points morts.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous espérons qu’elle donnera lieu à la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), afin de réparer une injustice notoire des budgets successifs. Les hommes et les femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays méritent la reconnaissance de la nation. Alors même qu’ils ont combattu pour la France, ils subissent de plein fouet la vague d’inflation.

À l’unisson des associations que nous avons reçues, nous dénonçons la très faible revalorisation de la PMI, à hauteur de 1,5 %, prévue par le Gouvernement dans le budget 2024, alors même que l’inflation était de 5,2 % en 2022. Un amendement de notre groupe prévoit une revalorisation à hauteur de 5,2 %. S’il n’est pas intégré au budget, nous nous abstiendrons.

Sur les crédits du programme Gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons également. Nous jugeons, comme les Français, que l’augmentation du budget et les récentes annonces de création de brigades ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les émeutes de cet été nous inquiètent au plus haut point, d’autant qu’elles ont touché de plein fouet des petites communes habituellement calmes.

L’augmentation prévue ne suffit pas. Ces efforts sont insuffisants face à l’explosion de la délinquance, de l’immigration incontrôlée et de la prolifération de la drogue partout, même dans les campagnes. Toutefois, pour éviter de paralyser les moyens alloués à la gendarmerie nationale, nous nous abstiendrons.

La guerre n’est plus une hypothèse théorique. Elle constitue désormais un risque avéré. La France doit être indépendante, forte et souveraine dans ses équipements, dans sa doctrine d’emploi et dans sa vision stratégique.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). « La guerre est le domaine de l’incertitude », disait Clausewitz. L’enjeu est de réduire l’incertitude pour accroître ses chances de victoire.

Le budget de la défense que nous avons devant nous est un colosse par son montant et par son contenu. Il l’est plus encore par comparaison avec les précédents budgets qui, au nom de l’austérité et de la rationalité comptable, ont continuellement limé le glaive et émoussé le bouclier de la République.

En dépit de ce déversement de fonds et de mesures, nous devons nous demander si ce budget est à la hauteur des enjeux. Permet-il de dissiper la brume de l’incertitude qui règne sur le champ de bataille ? Au groupe de La France insoumise, nous pensons que non. Ce budget est un colosse aux pieds d’argile.

Le budget 2024 de la défense s’élève, hors pensions, à 47,2 milliards. Il respecte l’augmentation de 3,3 milliards prévus par la LPM 2024-2030. Les budgets de tous les programmes sont en augmentation. C’est un fait.

Toutefois, les prévisions d’inflation y sont minorées. Tous les responsables de programme que nous avons eu l’occasion d’auditionner témoignent de leur crainte que leur budget soit absorbé par l’inflation, dont certains redoutent qu’elle atteigne 10 %. Nous avons déposé des amendements visant à mieux tenir compte de l’inflation et à créer un nouvel indicateur pour recenser et mieux anticiper les reports de commandes qu’elle induit.

Ce budget souffre d’un manque de transparence. Les indicateurs de disponibilité des matériels et d’activité des forces armées font désormais l’objet d’une diffusion restreinte. Dès lors, la représentation nationale est en partie privée de ses outils pour contrôler l’action du Gouvernement, ce que nous déplorons. La contribution de la France à l’OTAN, quant à elle, n’est même pas présentée visiblement dans le projet annuel de performance (PAP), comme l’a relevé la Cour des comptes dans un récent avis.

Outre un manque de transparence, nous relevons un manque d’anticipation. La contribution au budget de l’OTAN pourrait s’élever à 830 millions d’euros en 2030, alors même que la France ne cesse de contribuer en nature au fonctionnement de l’Alliance, notamment par le biais de sa participation aux opérations de renforcement du flanc est de l’OTAN.

Comment cette contribution est-elle valorisée ? Quel financement de l’OTAN voulons-nous obtenir ? Avons-nous seulement une stratégie au sein de cette alliance qui n’a plus lieu d’être ou suivons-nous les États-Unis ? En l’absence de vision claire du Gouvernement sur ce point, nous avons déposé un amendement visant à obtenir un rapport sur la stratégie d’influence de la France au sein de l’OTAN.

Nous déplorons le manque de vision globale sur le long terme dont fait preuve le budget 2024, qui prévoit une stratégie « Climat et défense » mais n’explicite rien de concret, concernant notamment l’après-pétrole. Nous dressons malheureusement le même constat dans le domaine de l’espace, dont certains défis, tels que la météo spatiale et les débris spatiaux, sont oubliés.

En outre, ce budget persiste dans les errements de la coopération franco-allemande sur le SCAF et le MGCS, dont l’avenir reste plus qu’incertain. En misant tout sur le MGCS, la France s’expose à un risque sérieux de dépendance industrielle vis-à-vis de l’Allemagne et d’inadaptation de ses armées si elles étaient amenées à participer à un conflit majeur avant les années 2040-2045. Il est indispensable de développer une capacité souveraine telle que le char EMBT.

Faute de vision à long terme, ce budget ne permet pas de sécuriser l’appareil productif français dans des secteurs stratégiques tels que les supercalculateurs – l’entreprise Atos sera-t-elle sauvée ? – et la maîtrise des fonds marins, pour laquelle nous dépendons de l’entreprise Alcatel Submarine Networks (ASN). En refusant d’agir maintenant, la France risque de perdre pied et de rater la marche de la guerre de demain.

La mission Défense du projet de loi de finances pour 2024 soulève une question centrale, d’ordre à la fois démocratique et budgétaire, concernant la qualification juridique et le financement des missions opérationnelles, notamment les missions Aigle, en Roumanie, et Lynx, en Estonie. Ces missions remplissent tous les critères d’une opération extérieure (Opex). Les militaires qui y sont engagés bénéficient de presque toutes les dispositions applicables aux Opex, sauf de la bonification des pensions, ce qui n’est pas rien.

Pourtant, elles sont considérées non comme des Opex, mais comme des missions opérationnelles. Leurs dépenses de ressources humaines sont affectées au budget opérationnel de programme (BOP) Opex, ce qui apparaît comme un abus ; les autres dépenses sont financées directement par les armées. Elles pourraient – peuvent – bénéficier d’un financement interministériel inscrit au collectif budgétaire de fin d’année.

Outre le contournement démocratique évident du Parlement qu’elle constitue, cette situation provoque des tensions en gestion sur le programme 178 de la mission Défense. Nous avons déposé des amendements visant à assurer le financement des opérations Aigle et Lynx dans le cadre des Opex. Il s’agit d’assurer la sécurisation budgétaire des armées et de rendre sa place au Parlement, qui doit se prononcer sur leur opportunité.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous défendrons des amendements visant à améliorer la prise en charge des blessés psychiques et à étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale et par les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

L’argent est le nerf de la guerre, nous en convenons, mais la stratégie en est le cœur. Sans stratégie cohérente ni vision globale, l’apport financier est vain. Ce budget, si imposant soit-il, ne permet pas à la France de dissiper le brouillard de l’incertitude. Nous voterons contre.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Le monde incertain dans lequel nous vivons et la nature même de la guerre nous plongent dans le fameux brouillard de la guerre de Clausewitz. Tout ce que peuvent faire un État ou une commission parlementaire, c’est essayer de trouver les solutions les plus adaptées pour faire face aux menaces qui peuvent se présenter.

Pour évaluer le budget et faire notre choix, nous suivons une règle que nous appliquons à la vie publique dans son ensemble : la cohérence. On ne peut pas voter une loi de programmation militaire et ne pas voter, quelques mois plus tard, le premier budget qui correspond à ce qu’elle prévoit à l’euro près. Ce n’est un scoop pour personne : notre groupe votera ce budget, d’autant que les choix stratégiques dont il procède nous semblent globalement cohérents.

Il assure la dissuasion, laquelle est le cœur du cœur. La sécurité de la France est à ce prix. La dissuasion, c’est la défense de nos intérêts vitaux. Tous les groupes, sauf ceux qui la refusent, auraient prévu des investissements similaires pour la financer.

Le reste procède d’une forme de pari. Il ne faut pas oublier que la défense est globale. Elle ne s’apprécie pas séparément de la situation économique du pays. Opter pour une défense forte et un pays surendetté, à la merci de ses créanciers, n’est pas une solution.

Dans la situation économique que nous connaissons, le pari est assez raisonnable. Il consiste à assurer la dissuasion à 100 % et à consentir des efforts pour la préparation de l’avenir dans la cohérence, notamment sur les segments maritimes – le rapporteur pour avis des crédits de la Marine nationale a rappelé ce matin à quel point les enjeux maritimes sont essentiels – et aéroterrestres.

Nous ne serons probablement pas engagés dans un conflit majeur dans les années à venir, du moins dans le cadre de l’OTAN, et nos alliés, notamment les Polonais et les Allemands, sont en premier rideau. Nous devons tenir notre rang de nation-cadre au niveau corps d’armée. Ce n’est pas le fantassin français qui tiendra le front de l’Est. Telle est la conséquence de ce budget, qui fait preuve de cohérence à l’aune des menaces probables, dont l’évaluation est la base de toute politique de défense.

Ce vote n’est pas un quitus. Nous nourrissons plusieurs inquiétudes, s’agissant notamment des coopérations internationales, dont notre groupe soutient la nécessité mais sans naïveté. Il faut être très vigilant et s’assurer qu’elles ne coûtent pas plus cher, qu’elles ne nous font pas perdre des actifs stratégiques, qu’elles correspondent aux besoins de nos armées et surtout que nous conservons notre liberté de manœuvre au grand export. Nous préparons une proposition de résolution visant à garantir par traité ces attendus, pour conjurer le risque que nos partenaires, notamment les Allemands par un vote du Bundestag, ne puissent défaire ce qui aurait été décidé dans les négociations entre les exécutifs.

Par ailleurs, nous serons vigilants pour que les marges budgétaires un peu augmentées que nous avons obtenues en commission mixte paritaire (CMP) à la demande de notre groupe et sur lesquelles nous sommes tombés d’accord se traduisent par de véritables effets sur la disponibilité opérationnelle des matériels et sur le taux d’entraînement de nos troupes. Nous ne sommes qu’au début de cette manœuvre : l’avenir nous permettra d’en juger.

Sans hésitation, notre groupe votera ce budget.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Au nom du groupe Démocrate, je salue l’effort budgétaire prévu par le projet de loi de finances pour 2024 en faveur de nos armées. Les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, ainsi que ceux du programme Gendarmerie nationale, traduisent très concrètement notre volonté d’achever la réparation et de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles, et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France.

Je rappelle, car certains ont l’air de l’oublier, que le budget 2017 de la défense était de 32,7 milliards. En 2024, il sera de 47,2 milliards. La marche était haute. Tout le monde peut s’accorder à dire que notre nation a consenti un effort considérable, certes nécessaire.

Les lois de programmation militaire sont là pour donner une vision à long terme. Contrairement à M. Lachaud, je pense que nous en avons une. Les nécessaires transformations et surtout adaptations aux menaces de nos armées sont bien comprises par nos armées, par le chef d’état-major et par la stratégie qu’il met en œuvre.

Nous devons continuer de privilégier la cohérence à la masse. Le budget pour 2024 des armées met l’accent sur la préparation opérationnelle, sur le MCO, sur le renouvellement des équipements et sur l’amélioration des conditions d’entraînement. Nous n’ignorons pas la nécessité de s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux milieux de conflictualité. Ce budget prévoit aussi des investissements importants dans des domaines clés des conflits de demain, tels que le cyberespace, l’espace, les fonds marins et le renseignement. Nous avons une vision d’avenir et de l’évolution des conflits concrète et réaliste.

Nous saluons également les efforts consentis pour le soutien aux soldats et à leurs familles. Notre groupe est très attaché au plan « famille ». Nos armées ne sont opérationnelles qu’avec des hommes et des femmes. Ils doivent vivre leur engagement, avec leurs familles, dans de bonnes conditions. Nous sommes très attachés au plan « famille 2 », auquel le budget alloue 70 millions.

Nous voterons ces crédits, qui nous semblent indispensables à nos armées.

J’appelle l’attention sur la nécessité de poursuivre la construction de l’Europe de la défense avec nos voisins. Le conflit en Ukraine nous a rappelé notre fragilité potentielle. Si nous optons pour l’émiettement, si chaque pays vit dans ses frontières avec ses seuls moyens, il sera difficile de maîtriser un conflit. Seule l’Europe de la défense peut y parvenir. Elle est un objectif vers lequel nous devons tendre, même si le chemin est long et difficile, même si les intérêts des uns et des autres sont parfois contraires. Nous devons nourrir cette vision à long terme avec force.

Le budget de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation est un bon budget. Il assure un équilibre entre reconnaissance et réparation. Il permet d’améliorer le plan Blessés 2023-2027, au bénéfice notamment des blessés psychiques, dont la prise en charge, qui a été un angle mort de notre politique pendant de très nombreuses années, est désormais tout à fait identifiée. Nous devons accompagner ces personnes avec beaucoup d’attention.

Par ailleurs, 2024 sera une année commémorative importante. Des crédits significatifs ont été prévus. Les crédits consacrés à la politique de mémoire sont essentiels. Nous voterons les crédits de la mission Anciens combattants mémoire et Liens avec la nation.

Les crédits du programme Gendarmerie nationale sont en hausse de 4,8 %. Ils permettent la création de 1 045 emplois et servent deux ambitions pour l’année 2024 : la participation des gendarmes à la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, où ils seront en première ligne, et la création annoncée de 200 brigades. Des points de fragilité subsistent, s’agissant notamment des infrastructures. Nous serons vigilants mais n’en voterons pas moins ce budget sans difficulté.

Mme Anna Pic (SOC). Trois mois après l’adoption de la LPM 2024-2030, nous sommes réunis pour examiner le premier budget visant à mettre en œuvre la trajectoire budgétaire et la vision stratégique entérinée à cette occasion. Si, comme lors de l’examen de la LPM 2024-2030, nous ne pouvons que saluer l’augmentation des crédits et le suivi de la trajectoire programmée, notre sentiment général est partagé.

Satisfaisants à certains égards, les budgets des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation n’en sont pas moins contestables. Le groupe Socialistes et apparentés fait part de divergences de vision s’agissant de la répartition des crédits et des choix effectués.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, plusieurs points saillants démontrent les limites de ce budget.

En premier lieu, la revalorisation du point d’indice de la PMI à hauteur de 1,5 est loin d’être suffisante compte tenu de l’inflation. D’une même voix, les représentants d’associations d’anciens combattants que nous avons auditionnés la semaine dernière ont exprimé, avec force et solennité, leur inquiétude à ce sujet. En effet, l’inflation attendue cette année devrait s’élever à 5,8 %, en augmentation par rapport à 2022, et risque de rester supérieure à 3,5 % pendant de longs mois. L’inquiétude teintée d’amertume de nos anciens combattants est parfaitement légitime. Le Gouvernement doit faire beaucoup mieux à cet égard. Nous défendrons une proposition visant à évaluer l’opportunité d’une concomitance entre la valeur du point PMI et celle du point d’indice de la fonction publique.

En deuxième lieu, malgré un budget en hausse, les crédits alloués à la vie commémorative semblent sous-évalués. En effet, 2024 sera l’année du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Normandie. Les commémorations afférentes, si importantes soient-elles, risquent d’absorber à elles seules, dès le mois de juin, l’enveloppe budgétaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause ces crédits ni la nécessité de commémorer cet événement singulier de notre histoire, mais, bien au contraire, de souligner la faiblesse du budget global à l’aune du contexte. Le sous-dimensionnement des autres commémorations risque d’être inévitable, ce qui laissera aux collectivités locales, dont les finances sont bien souvent exsangues, le soin de les financer. Nous ne pouvons pas accepter cette situation.

En troisième lieu, nous déplorons la non-attribution du statut de blessés de guerre aux vétérans ayant participé aux essais nucléaires en Polynésie française et dans le Sahara, alors même qu’ils sont victimes de maladies radio-induites. Il s’agit d’un angle mort majeur. La réparation financière dont bénéficient ces vétérans doit être attribuée au titre de blessures subies dans le cadre de leurs fonctions militaires et non en tant que civils.

Nous défendrons d’autres amendements, visant notamment à la mise à jour de la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant et à la modification de l’âge à partir duquel certaines allocations sont octroyées. De façon globale, nul besoin d’être économiste pour comprendre qu’une stabilité des crédits alloués dans un contexte inflationniste signifie une baisse de budget.

En dépit du déploiement, salué et auquel nous sommes très attentifs, des maisons ATHOS et de plusieurs mesures que nous attendions, nous ne voterons pas le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

S’agissant de la mission Défense, plusieurs points méritent une attention particulière.

Le premier d’entre eux n’est pas sans incidence sur nos militaires en exercice et sur notre politique de recrutement : il s’agit de la politique de rémunération. En dépit de la prochaine finalisation de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et de la récente revalorisation des grilles, le rééquilibrage du traitement indiciaire et indemnitaire des militaires est longtemps resté un impensé de la politique gouvernementale.

Les informations nous manquent pour être convaincu qu’une prise de conscience a eu lieu. Compte tenu de la réduction du nombre d’Opex et des salaires pratiqués dans le secteur privé, un tel rééquilibrage est pourtant la mesure la plus appropriée pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation de nos troupes.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons appeler l’attention est le bâti, notamment la vétusté de nos bases de défense et la baisse considérable du budget relatif aux infrastructures de santé. Les difficultés récurrentes, dénoncées par la Cour des comptes dans un rapport publié en juin dernier, ne semblent pas près d’être résorbées. La remise à niveau complète des hôpitaux militaires est pourtant essentielle pour le SSA.

Le troisième point ayant appelé notre attention est l’augmentation du budget des écoles militaires de 3 % seulement, alors même que l’inflation est supérieure à 5 %, et même très supérieure sur leurs principaux postes de dépenses que sont l’énergie et l’alimentation.

D’autres points nous ont interpellés, notamment le projet de fusion de l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) Paris et de l’ENSTA Bretagne, dont les deux diplômes ne jouissent pas d’une reconnaissance au même niveau. Nous serons vigilants à l’évolution de ce projet.

Par ailleurs, en dépit d’une hausse importante des crédits, nous nourrissons des doutes sur la préparation opérationnelle. Comment satisfaire aux critères de l’OTAN si l’on manque d’hommes et de matériel pour réaliser la préparation ?

Sur ce budget, nous nous abstiendrons.

La mission Sécurités a été érigée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en étendard. Le groupe Socialistes et apparentés estime, comme l’an dernier, que la réforme territoriale de la police nationale risque d’affaiblir les capacités de la police judiciaire. Par ailleurs, le budget pour 2024, pas davantage que le précédent, ne prévoit aucun équivalent temps plein (ETP) supplémentaire pour la sous-action 06.01 Formation de la police nationale. Nous proposerons d’en augmenter les crédits de 100 millions.

Nous voterons contre les crédits de la mission Sécurités.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizons et apparentés, je tiens à exprimer notre profonde satisfaction de l’augmentation substantielle du budget de nos forces armées. Pour l’année 2024, notre pays consacrera 47,2 milliards à sa défense, soit quasiment 50 % de plus que ce qu’il dépensait en 2017 et 3,3 milliards de plus que l’année dernière. Il s’agit d’une augmentation sans précédent.

Cet accroissement budgétaire est en parfait accord avec les objectifs de la LPM 2024-2030. Plus profondément, il est aussi en accord avec nos obligations morales.

Notre première obligation morale est envers les hommes et les femmes qui servent ou ont servi la France. Clemenceau a eu, au sujet des anciens combattants, ce mot célèbre et souvent cité : « Ils ont des droits sur nous ». Nos devoirs envers ceux qui défendent la France et ses valeurs de nos jours ne sont pas moindres. Nous devons leur fournir un équipement individuel et des véhicules qui les protègent efficacement, leur donner les armes et le renseignement leur assurant la supériorité et la victoire, et mieux les rémunérer. C’est ce que fait ce budget.

Notre deuxième obligation morale est envers les Français. Le monde dans lequel nous évoluons est dur et dangereux, chaque jour un peu plus. Les autres pays s’arment, mettent à l’eau des flottes, constituent des stocks de munitions. La guerre est là en Ukraine, en Arménie, au Mali, en Israël ; l’agressivité contre la France et ses intérêts, quotidienne. Nous n’avons pas le droit de ne pas nous donner les moyens d’assurer la sécurité des Français.

Ce budget renforce nos capacités dans tous les domaines prioritaires identifiés par la LPM 2024-2030. Nous allouons des ressources considérables à l’innovation, à l’espace, à la défense sol-air, aux drones, au cyber, aux forces spéciales, au renseignement et à la souveraineté Outre-mer : autant d’investissements essentiels pour maintenir à niveau notre sécurité nationale et notre rôle sur la scène internationale.

En 2024, grâce à ce budget et à la mobilisation de nos industriels, il y aura plus d’avions, plus de canons, plus d’hélicoptères, plus de drones, plus de munitions. J’en donnerai deux exemples, offerts par deux entreprises présentes dans le département du Cher, qui contribue tant à la défense de notre nation. L’année prochaine, huit canons Caesar sortiront chaque mois des usines de Nexter, contre deux en 2022, et MBDA fabriquera bientôt quarante missiles Mistral par mois contre vingt jusqu’à présent.

Ce budget permet de renouveler l’engagement de la France dans une collaboration étroite avec ses partenaires européens et de l’Alliance Atlantique. Nous nous félicitons du maintien du soutien financier de l’État aux programmes de coopération bilatérale et européenne visant au développement de nouvelles technologies d’armement, tels que le SCAF et le MGCS.

L’encouragement aux initiatives diplomatiques dans le domaine de la défense doit se poursuivre. Nous saluons la coopération militaire lancée cette semaine avec l’Arménie. L’investissement continu dans notre dissuasion nucléaire est lui aussi fondamental, car il constitue le pilier de notre souveraineté nationale et une garantie supplémentaire de l’autonomie stratégique de l’Europe.

En examinant ce budget, nous ne devons pas oublier le caractère profondément humain de l’action du ministère des armées. Nous nous réjouissons de la mise en œuvre du plan « famille 2 », des moyens dédiés à la modernisation des infrastructures et des lieux de vie des militaires, ainsi que des efforts du ministère en matière de logement et d’environnement.

Convaincu que ces ressources sont essentielles pour garantir la sécurité de notre nation, renforcer notre position sur la scène internationale et soutenir nos militaires ainsi que leurs familles, le groupe Horizons et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

Nous voterons également les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Je tiens à partager ma satisfaction de constater que les crédits de cette mission dédiée seront stables en 2024, en dépit de la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Le plan Blessés 2023-2027 permettra une prise en charge et un suivi toujours plus poussés des soldats, dès leur retour de mission ou d’Opex.

Par ailleurs, l’année 2024 sera riche en commémorations célébrant les 80 ans de la Libération. Les crédits supplémentaires alloués à la politique de mémoire devront permettre d’y associer autant que possible les associations, la jeunesse et tous les Français. Quant aux harkis et leurs familles, le groupe Horizons et apparentés soutient le renouvellement des engagements de l’État à leur égard.

S’agissant du programme Gendarmerie nationale, nous saluons la création de 238 brigades, qui marque la volonté d’assurer la présence de l’État sur tout le territoire et de porter une attention particulière à la sécurité des habitants des zones rurales.

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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense »

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN6 de Mme Valérie Rabault

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à augmenter de 5 % la dotation dite du gasoil, allouée à nos forces armées, afin de tenir compte des incertitudes et des risques internationaux qui pourraient affecter le prix du pétrole. Notre demande intègre la hausse des tarifs de cession qui pourrait se poursuivre, ainsi que du volume de carburant nécessaire à l'activité de nos forces armées en 2023. Nous déposons régulièrement cet amendement.

L’amendement procède à une écriture administrative pour gager la dépense, mais nous souhaitons que le Gouvernement lève le gage en cas d’adoption de l’amendement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). La hausse du coût des carburants est un sujet important. En 2022, le budget prévisionnel a été dépensé dès la fin du premier semestre. La gestion du compte courant de commerce du service de l’énergie opérationnelle (SEO) et celle du programme 178 Préparation et emploi des forces se retrouvent sous tension.

Je vous demande de retirer votre amendement car j’en ai déposé un sur le même sujet, mais le mien prévoit une augmentation des crédits de 100 millions d’euros quand le vôtre se contente d’une hausse de 1 680 040 euros. Si vous souhaitiez le maintenir, je voterais tout de même en sa faveur.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN7 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à abonder les crédits dédiés à la préparation des forces navales car, à 89 %, la fonction de protection est la plus faible de toutes les forces armées ; le constat est particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE). Comme l'indiquait le projet annuel de performances (PAP) de la mission Défense du PLF pour 2023, le niveau de couverture des zones de surveillance maritime devrait se maintenir à 68 % jusqu’en 2025 et le parc des moyens aériens et maritimes resterait quantitativement équivalent. Ce taux de couverture restant très faible, nous proposons d’augmenter les crédits de paiement alloués à la préparation des forces navales.

 

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). La dernière LPM a consacré une montée en puissance de la préparation des forces navales. Le PLF pour 2024 affiche une augmentation des autorisations d'engagement de 20 % et des crédits de paiement de 9 % ; cet effort sera poursuivi toutes les années couvertes par la LPM. J’émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN10 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à augmenter les crédits du plan « famille 2 », afin de faire porter l’effort financier en début de période de programmation et de s’assurer que les crédits de paiement disponibles sont en phase avec les autorisations d'engagement du PLF pour 2024.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Plus tôt nous pouvons agir pour les familles, mieux c’est : le chantier est tel que ces 7 millions d’euros supplémentaires dès l’année prochaine seront utiles. L’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN16 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à restaurer un niveau de crédits équivalent à celui de 2023 pour la rénovation et la création des infrastructures des bases de défense.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que pour l’amendement précédent, l’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN17 de Mme Mélanie Thomin

Mme Isabelle Santiago (SOC). C’est le même amendement, mais il concerne le logement des familles de militaires.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN18 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à doubler les crédits alloués à la transition écologique dans le ministère des armées. Celui-ci a élaboré un plan Climat, mais il importe d’augmenter les crédits dans ce domaine pour que la transition s’opère le plus rapidement possible.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le ministère des armées possède de très nombreux bâtiments fort vétustes, qui n’offrent pas le confort nécessaire aux militaires et à leurs familles. Il est indispensable d’agir rapidement, car les passoires thermiques ne contribuent pas à la fidélisation des militaires. L’avis est favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN19 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vient compenser par un montant de 1,2 million l’une des conséquences financières de l’externalisation des services de restauration et d’alimentation des armées : le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée pour 2024. Beaucoup de restaurants sont passés en gestion déléguée ; nous préférerions que ce service reste assuré en interne.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Demande de retrait. Il ne faut pas confondre les concessions au profit de l’économat des armées, très bel instrument, établissement public historiquement uni aux armées par des liens étroits, et l’externalisation de la restauration. Les concessions à l’économat permettent une véritable rénovation du bâti et rendent ainsi un service sans externalisation, contrairement à certains mécanismes antérieurs qui étaient réellement problématiques.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je ne retire pas l’amendement, car il a pour première signataire ma collègue Anna Pic, qui s’est appuyée pour l’écrire sur des situations qu’elle connaît dans sa circonscription.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN20 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Lors de son audition par la commission de la défense le 3 octobre dernier, le ministre Lecornu évoquait une augmentation de l’ordre de 70 millions des crédits alloués au service de santé des armées dans le PLF pour 2024. Or, s’il est vrai que le budget des sous-actions Fonction santé des programmes 178 et 212 augmente, au total, les crédits alloués à la santé dans nos armées connaissent une baisse de 23 millions.

En outre, dans un rapport de juin dernier, la Cour des comptes soulignait : « Les difficultés récurrentes du ministère des armées à inscrire dans sa programmation budgétaire la remise à niveau complète des hôpitaux militaires, nécessaire tous les soixante ans, concernent actuellement l’hôpital Laveran de Marseille, élément essentiel du dispositif du service de santé des armées, dont la reconstruction devient urgente. En juin 2023, la reconstruction du futur hôpital sur le site de la caserne Sainte-Marthe d’ici à 2030 a été annoncée par le Président de la République, mais le financement de cette opération n’a pas été prévu dans le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire 2024-2030. »

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez raison en ce qui concerne Laveran. C’est un vrai problème : nous votons une LPM et, dans la foulée, avant même la commission mixte paritaire, le Président annonce la création d’un nouvel hôpital qui n’est pas du tout financé dans la LPM. Il faut donc abonder le budget du SSA pour cela. Avis favorable.

Il est également nécessaire, vu notre contribution à l’Otan, de nous interroger sur les contreparties que l’Alliance peut nous apporter : selon certains, le financement de cet hôpital pourrait bénéficier de fonds de l’Otan. Le Gouvernement doit être plus explicite sur ce point.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN21 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à lisser les crédits liés à la cyberdéfense sur les prochaines années de la LPM.

Conformément aux engagements pris dans le cadre de cette dernière, les enjeux de cyberdéfense bénéficient dans ce PLF d’une attention particulière, comme en témoigne l’augmentation considérable des crédits qui leur sont alloués. Si le développement de nos capacités cyber est une absolue nécessité, d’autres postes subissent en parallèle une baisse de crédits. Voilà pourquoi nous proposons ce lissage et une hausse de 100 millions au profit de la sous-action Infrastructures de santé du programme 178. La construction de l’amendement est due aux contraintes de l’article 40.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Tout ce qui permet d’avancer les dépenses qui ont été rejetées à la fin de la LPM est une bonne chose. Favorable.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis (Équipement des forces Dissuasion). Les 500 millions consacrés au cyber représentent une accélération souhaitée par tous les groupes et qui a fait l’objet de nombreux échanges avec les militaires et civils entendus par notre commission. Je ne comprends pas que l’on veuille ainsi déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le PLF pour 2024 en ferait trop pour la cybersécurité ? On ne peut pas se plaindre d’insuffisances ou de retards dans certains domaines, puis défendre de tels amendements. Croyez-nous, la copie reste équilibrée et l’effort en matière de cyber est nécessaire. Je suis très défavorable à cet amendement.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Moi aussi. Le propre d’une LPM est la cohérence. Ce jeu de ping-pong n’est pas très sérieux. Il y a beaucoup d’orgueil à croire que l’on peut jongler ainsi avec 100 millions.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN22 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à abonder les crédits en faveur des écoles militaires.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Ces crédits sont augmentés de 3 % pour 2024. Il s’en ajoute d’autres que l’on ne voit pas car ils viennent de l’extérieur. Je pense notamment au PEM (Pôle écoles Méditerranée), qui a des coopérations avec la région et envoie des marins en formation à la Coudoulière, à Six-Fours.

En outre, les infrastructures de la Marine, bénéficient d’une augmentation de 8 % en crédits de paiement en 2024, pour un total de 157 millions d’euros (hors dissuasion).

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Il tend à abonder de 100 millions le programme Environnement et prospective de la politique de défense, afin de réunir les fonds nécessaires à la bonne réalisation du projet de création du bataillon de réservistes du renseignement en 2024.

Les récents événements internationaux ont mis sur le devant de la scène l’importance du renseignement humain combiné au renseignement technique. Il est indispensable de prévoir un budget destiné à ce poste stratégique pour nos armées et nos intérêts.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Demande de retrait ou avis défavorable.

La brigade de renseignement a été dissoute en 2016 au profit du commandement du renseignement. Votre amendement me permet toutefois de souligner le rôle que les réservistes jouent dans le domaine du renseignement – je pense en particulier à la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) et à la DRSD (direction du renseignement et de la sécurité de la défense), qui relèvent toutes les deux du programme 144 dont je suis rapporteur pour avis. Mais si vous créez une brigade au sein de l’armée de terre, elle doit relever de l’armée de terre, c’est-à-dire du programme 178 et non du programme 144 comme vous l’indiquez dans le dispositif de votre amendement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Même avis.

Je salue l’importance des réservistes de l’armée de terre. Celle-ci est en train d’adapter en profondeur son modèle et sa doctrine d’emploi des réservistes pour préparer le doublement de leur nombre, prévu dans le cadre de la LPM. Cette refonte se fera dans la durée. Le besoin est élevé s’agissant de la création d’une réserve de compétences, mais il est encore trop tôt pour évaluer précisément les crédits spécifiquement nécessaires au bataillon de réservistes du renseignement et il ne m’apparaît pas opportun de flécher des crédits, en particulier vers ce poste, alors que d’autres fonctions critiques, comme le cyber ou la maintenance, ont également besoin d’être renforcées par des réservistes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN34 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Avoir une dissuasion nucléaire consolidée, de grands programmes d’armement renouvelés et de grandes ambitions dans le domaine du spatial ne doit pas nous faire oublier qu’à la fin des fins, sur le terrain, quand le militaire se retrouve face à l’ennemi, il a besoin d’une cartouche pour se défendre contre celui qui veut le tuer.

La France est le seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies à ne pas avoir de filière nationale de production de munitions de petit calibre. Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous devons apprendre des dernières années – je pense aux pénuries de masques et de médicaments que nous ne produisions même plus en France. N’ayons pas la même naïveté s’agissant des munitions de petit calibre : en la matière aussi, nous pouvons connaître des situations exceptionnelles qui fragiliseraient les acheminements. L’amendement vise à relancer cette filière sur notre territoire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. La relocalisation de filières critiques pour l’approvisionnement de nos armées, dont celle dont vous parlez, est un sujet important et une exigence de la loi de programmation militaire. Notre commission avait amendé le rapport annexé de la LPM en ce sens. Soyez donc rassuré sur ce point.

Néanmoins, il serait prématuré d’inscrire à cette fin des crédits dans la loi de finances pour 2024, notamment au profit du programme 146 : le sujet nécessite des travaux structurels, en lien avec les industriels, qui ne se relancent pas d’un trait de plume sur un programme aussi important.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Julien Rancoule (RN). Nous préconisions cette relocalisation dans le rapport de la mission flash sur les stocks de munitions dont j’étais rapporteur avec Vincent Bru. Dans ce cadre, nous avions rencontré des industriels et des personnes de différents ministères, dont l’intérieur ; ils nous avaient dit qu’un projet était déjà dans les tuyaux et que les munitions devaient commencer à être produites fin 2024. Il serait donc parfaitement pertinent de voter dans ce PLF un budget destiné à appuyer ce projet.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit une enveloppe de 16 milliards d’euros en faveur des munitions, notamment de petit calibre. Vous avez donc été entendu.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN38 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Il vise à alerter le Gouvernement sur la nécessité, dans un objectif d’attractivité, de fidélisation et de disponibilité des réservistes opérationnels des trois armées, de leur accorder une carte de circulation militaire, au même titre qu’à leurs camarades d’active.

Cela permettrait de faciliter leurs déplacements sans surcharger la cellule de transport régimentaire par la demande de bons unitaires de transport, de les fidéliser par une réduction de 75 % sur leurs voyages sur le réseau ferroviaire national et de rendre attractive la réserve opérationnelle.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. C’est un amendement d’appel au Gouvernement, qui n’est pas représenté ici. Je vous invite donc à le retirer pour le redéposer en vue de la séance, en espérant qu’il n’y aura pas eu de 49.3 d’ici là et que vous aurez une réponse du ministre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN40 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Avant le projet Fomedec (formation modernisée et entraînement différencié pour les équipages de chasse), la formation des pilotes comprenait des étapes sur le TB-30 Epsilon et l’Alphajet. Fomedec a fusionné les phases d’Epsilon et Alphajet, conservant seulement la transition opérationnelle à Cazaux. Avec le projet Mentor présenté en 2019, cette phase se déroule à Cognac, grâce à des PC-21 de nouvelle génération, plus économiques. Mais leur nombre ne permet pas à l’ensemble des élèves de s’entraîner pour honorer leur contrat opérationnel ; on a besoin de cinq nouveaux PC-21 NG, dont le coût est estimé à 12 millions l’unité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Vous avez raison de souligner l’apport de ces avions à la formation des pilotes, qui permettent notamment de se familiariser avec l’avionique du Rafale, et leur avantage économique. La base de Cognac recevra bientôt des drones Male (volant à moyenne altitude et de longue endurance) et des ALSR (avions légers de surveillance et de reconnaissance). Le chef d’état-major ne nous a fait part d’aucune alerte au sujet des PC-21. Avant les neuf commandés en 2021, l’armée de l’air et de l’espace en avait déjà dix-sept.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN41 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Si la LPM prévoit une augmentation de 460 ETP d’ici à 2030, le niveau des années 2015-2016 est loin d’être atteint alors que le SSA a subi une dizaine d’années d’arbitrages budgétaires défavorables. Un rapport d’information sénatorial a alerté sur la pénurie, qui pourrait coûter cher dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. Il convient donc de renflouer l’enveloppe consacrée aux ressources humaines du SSA en l’abondant de 20 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je comprends l’objectif, mais je doute que 20 millions suffisent. Les postes sont ouverts, mais non pourvus ; ce n’est donc pas en en ouvrant davantage que l’on rehaussera les effectifs. Et avec 20 millions, on ne peut pas à la fois ouvrir les postes et revaloriser significativement les rémunérations. Une réflexion plus globale est nécessaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN42 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Le rapport d’information sénatorial que j’ai cité signale l’urgence d’accélérer l’acquisition de groupements médico-chirurgicaux (GMC) dans la perspective d’un conflit de haute intensité. Pour préparer le SSA à un engagement majeur, la priorité est de reconstituer sa capacité à déployer des hôpitaux de campagne. Il apparaît donc essentiel d’acquérir dès 2024 trois GMC de plus, pour un coût total de 18 millions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Même avis que sur le précédent amendement. Nous n’avons malheureusement pas les effectifs qui permettraient d’armer ces trois GMC supplémentaires. Il faut d’abord recruter et, pour cela, rendre le SSA plus attractif.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

Amendement II-DN43 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Selon la LPM, l’armée de l’air et de l’espace prévoit l’acquisition de six systèmes de drones Male Eurodrone d’ici à 2035, pour un montant initial de 2 milliards. Toutefois, lors du vote final de la LPM, il n’était pas encore question du drone Male Aarok, développé par Turgis & Gaillard. Véritable vedette du Salon du Bourget, ce drone français moins coûteux et plus léger que l’Eurodrone a suscité l’intérêt des armées, à commencer par le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, qui s’est déclaré « prêt à payer pour voir » lors d’une audition ici même.

Le PLF pour 2024 offre précisément l’occasion de payer pour voir, en vue de doter les armées, si les premiers achats sont concluants, d’un outil souverain de surveillance et de renseignement. Le coût unitaire est estimé entre 5 et 10 millions. Il conviendrait de doter nos armées de quatre appareils, ce qui représente un investissement relativement peu important au regard des gains capacitaires et des retombées économiques attendus.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Nous avons tous été bluffés par ce drone. Le ministre lui-même, au Sénat, l’a jugé très intéressant. Son premier vol devrait avoir lieu dans quelques mois. Malgré l’intérêt qu’il suscite et le retard que nous accusons dans ce domaine, il est donc encore trop tôt pour engager en 2024 des crédits de paiement sur ces capacités précises.

La LPM prévoit de consacrer 5 milliards aux drones. Nous sommes d’accord concernant l’objectif et la solution. Patience !

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). En effet, nous avons tous été frappés par ce produit de Turgis & Gaillard, et je suis d’accord avec le chef d’état-major de l’armée de l’air : cela vaut la peine de payer pour voir. Mais je ne voterai pas l’amendement, car le drone ne vole pas encore. Il faudra envisager de lui consacrer des crédits, à l’intérieur de l’enveloppe de 5 milliards, dès que nous aurons la certitude que le vecteur et les différents effecteurs fonctionnent. Je ne suis pas du tout contre l’amendement ; simplement, c’est trop tôt.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Je soutiens l’amendement. Il faut envoyer des signaux positifs à notre BITD, surtout quand elle est « rafraîchissante » : ici, une entreprise qui a développé sur fonds propres un projet que les grands consortiums mettent plusieurs années à faire aboutir – je ne reviens pas sur les délais de développement  de l’Eurodrone. Ce produit a la confiance de la DGA (direction générale de l’armement) et du ministre ; il a été vendu en Ukraine pour un essai : si les Ukrainiens ont mis de l’argent pour le développer, je ne vois pas pourquoi nous n’en ferions pas autant.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Le signal que vous souhaitez est envoyé par la LPM : ce sont les 5 milliards, que nous investirons dans des solutions réellement éprouvées. Ne vous inquiétez pas : dans quelques mois, le sujet sera traité.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il y a effectivement un projet avec la BITD ukrainienne, mais il ne s’agit pas du même modèle que celui qui pourrait intéresser les armées françaises : celui-là est plus simple, avec une motorisation plus légère et des objectifs qui ne sont pas exactement les mêmes. Si l’idée est un produit sinon alternatif à l’Eurodrone, du moins complémentaire, ce n’est pas cela qui est vendu à l’Ukraine.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN46 de M. Michaël Taverne

Mme Caroline Colombier (RN). La BITD française constitue un pilier solide de notre économie et les grandes entreprises de ce secteur en sont autant de fleurons. En effet, les exportations d’armement constituent pour tout un pan de notre industrie une véritable force d’entraînement d’autant moins négligeable que notre pays ne cesse de battre des records de déficit commercial et de baisse de la part de l’industrie dans la production nationale de richesses.

Dans ce contexte, la baisse de 8,1 % du budget alloué à la politique de soutien aux exportations conduite par la DGA apparaît parfaitement contre-productive, alors même que l’État se doit, tout autant pour la BITD que pour le reste de nos entreprises, notamment industrielles, de soutenir l’export et de promouvoir nos productions nationales.

Nous proposons donc d’abonder de 5 millions le budget de la sous-action DGA/Soutien aux exportations de l’action 52 du programme 212.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous souhaitons que la BITD puisse se développer sans être dépendante de l’export. Un soutien appuyé à l’export ne garantirait pas la souveraineté du pays : si notre BITD dépend des achats d’autres puissances, nous serons dans leur main.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN49 de M. Emeric Salmon

M. Laurent Jacobelli (RN). Les conditions de logement sont importantes pour attirer et fidéliser les militaires. En préparant notre rapport d’information, mon collègue Chenevard et moi-même avons constaté combien la question était récurrente. Or 25 % seulement du patrimoine immobilier de la défense est en état. Nous proposons donc des crédits supplémentaires pour que nos soldats vivent dans des conditions décentes.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La somme proposée, de 15 millions, n’est pas suffisante face aux enjeux. Nous ne pouvons pas laisser entendre qu’elle le serait. Je vous demande donc de retirer l’amendement pour réévaluer ce montant à la hausse en séance.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN52 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Le programme MGCS (système principal de combat terrestre), conduit avec les Allemands, est en déshérence totale. L’objectif en était politique avant d’être opérationnel. Le ministre allemand de l’économie s’est dit prêt à se libérer des règles et des engagements européens pour défendre avant tout l’industrie allemande. D’ailleurs, il a commencé, signant avec d’autres partenaires – la Suède, l’Italie, l’Espagne – un autre programme qui, contrairement à ce qui a été dit ici même, pourrait concurrencer le MGCS.

La France ne doit pas être le dindon de la farce. Il nous faut prévoir ce qui va arriver. Six ans ont été nécessaires pour se mettre d’accord sur les objectifs du MGCS : dans de telles conditions, il y a une probabilité non nulle qu’un projet aille dans le mur…

Parce que nous avons besoin de cet équipement, parce que nous ne pouvons pas laisser aux seuls Allemands le sort de la souveraineté de notre défense, nous proposons que l’on prépare un plan B pour le MGCS.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. C’est un amendement d’appel, mais si je m’en tiens à l’objectif que vous venez d’expliciter, il est satisfait. En effet, tout est fait pour que, à partir de 2025, l’ensemble des options qui sont sur la table puissent être activées. Quant à l’autre projet auquel vous vous référez – un projet de composants, non de système de combat –, connaissez-vous le montant total qui lui est alloué ? 30 millions. Et celui que notre pays inscrit, dès 2024, dans le projet de loi de finances pour engager les études sur le MGCS, en AE ? 33 millions. En réalité, il n’y a pas de concurrence entre les deux projets.  Le MGCS est conforté par la volonté politique et la convergence des besoins militaires, qui sont les deux premiers prérequis. Pour le troisième, la convergence des industriels, 2024 sera l’année de vérité.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je me contente de lire les interviews des dirigeants allemands. Ils expliquent qu’ils préparent leur avenir ; pendant ce temps, ils stérilisent les projets français. Dans quelques années, ils auront le char du futur, avec d’autres partenaires, et nous n’aurons rien. Si vous ne l’avez pas compris, nous allons le répéter à nouveau. Les Allemands avancent pratiquement à visage découvert ! Il n’y a qu’en France que l’on a quelques dirigeants qui ne veulent pas voir la vérité. Nous ne pouvons pas rester le bec dans l’eau, sans plan B. C’est la moindre des sagesses.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous avons déposé un amendement analogue.

Notre collègue Belhamiti nous explique qu’il n’y a pas de concurrence entre les deux programmes en faisant valoir qu’ils sont financés à hauteur l’un de 30, l’autre de 33 millions : ce n’est vraiment pas convaincant.

Quoi qu’il en soit, on observe une inflexion dans les discours de la majorité et du Gouvernement : on nous dit désormais que nous aurons un moment pour reprendre nos billes. Le travail d’alerte que nous menons depuis des mois commence donc à porter ses fruits. Je peux comprendre que vous ayez besoin de sauver la face, mais notre argumentation est désormais bien étayée. Les cycles industriels français et allemand ne se synchroniseront pas. Les Allemands ont bien l’intention d’empêcher la France de mobiliser sa capacité à investir dans un projet alternatif. Au bout du compte, il y aura un projet allemand tandis que, côté français, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Heureusement, nos armées et la DGA ne nous ont pas attendus pour commencer à travailler sur toutes les hypothèses du système futur de combat terrestre ! Nos discussions franches avec eux nous montrent que toutes les options sont sur la table. Je parlais d’un plan B dès mon rapport de l’année dernière. Il y a 33 millions d’AE dans le budget cette année : c’est que l’on commence à accélérer les études. Les Allemands sont dans une logique incrémentale et il est anachronique de considérer que l’incrément nourri par les 30 millions de partenariat européen est un concurrent du MGCS, lequel viendra bien plus tard. Nous avons eu ces débats dans le cadre de la LPM. Tout est possible, mais gardons-nous de tuer le projet dans l’œuf. Il est dans l’intérêt de la France de développer cette capacité en coopération, en maintenant ses exigences de souveraineté et de liberté d’exportation.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN53 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Après le MGCS, le Scaf (système de combat aérien du futur), qui en est une sorte de pendant, en moins caricatural, dans la collaboration à marche forcée avec nos amis allemands. La France, avec Dassault, serait capable de s’en sortir toute seule. Ce que l’on appelle le couple franco-allemand n’en a plus que le nom : nous sommes les seuls à le vouloir, et le projet s’enlise. Ne restons pas dénudés, ne livrons pas les clés de la défense française à un pays qui ne veut pas de nous et reste tourné vers les États-Unis.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN55 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Un tiers des militaires ne renouvellent pas leur contrat ; un tiers ne vont pas au bout de leur engagement. À cela s’ajoutent les difficultés de recrutement. Nous proposons donc que l’on augmente la rémunération des militaires de la marine nationale. Lorsque les montants offerts ne peuvent rivaliser avec ceux du privé et que les conditions de vie ne sont pas toujours à la hauteur de ce qui est attendu, les effectifs sont à l’avenant. Il est chaque année plus difficile de recruter et de conserver les troupes.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. L’ancien marin que je suis pourrait se réjouir de cet amendement, mais nos forces armées sont un tout. Le retex (retour d’expérience) de la précédente LPM a montré que plusieurs mesures avaient commencé à produire des effets, comme la NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires), qui représente cette année, pour sa troisième phase, 351 millions d’euros. J’avais fait adopter dans le cadre de la LPM un amendement prévoyant une modification, avec augmentation, de la grille indiciaire de l’ensemble des militaires. Elle concernera les hommes du rang dès 2024, les sous-officiers en 2025 et les officiers en 2026.

Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez déposé trois amendements : un pour l’armée de terre, un pour la marine et un pour l’armée de l’air, mais vous avez oublié le soutien interarmées. Je vous demande un retrait au profit de mon amendement, qui se veut global. Il permettra, en effet, de répondre à l’ensemble des situations, sans s’y prendre au doigt mouillé – mais ce n’est pas un reproche, car je sais la difficulté de trouver un chiffre satisfaisant parmi les informations qui nous sont données. J’ai pris pour référence l’ensemble des mesures indiciaires dans la fonction publique – l’augmentation du point d’indice et ce qu’on appelle les mesures « Guérini ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN56 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Je me demande si Mme Magnier, du groupe Horizons, sera elle aussi vouée aux gémonies par M. Cormier-Bouligeon. Elle a, en effet, déposé un amendement faisant appel au même mécanisme que ceux de La France insoumise, du parti socialiste, c’est-à-dire de tout le monde en fait.

L’amendement II-DN56 concerne, cette fois, les forces de l’armée de l’air et de l’espace.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je soutiens cet amendement. Toutes les mesures qui permettront de recruter et surtout de garder les sous-officiers, officiers et techniciens, à qui on fait des ponts d’or au sein de la BITD et ailleurs, sont évidemment bienvenues.

La commission rejette l’amendement.

 

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Le minimum, dans une commission telle que la nôtre, serait de faire preuve de respect. J’aimerais que ceux de nos collègues qui en traitent d’autres de tocards soient rappelés à l’ordre. Qu’est-ce qui leur permet de nous insulter ?

M. le président Thomas Gassilloud. Je n’avais pas entendu.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Nous nous sommes fait insulter et diffamer au début de la réunion – vous n’étiez pas là. Je me suis donc permis de dire à un de nos collègues qu’il avait un comportement de tocard, ce que je confirme, en précisant que ce n’est ni injurieux ni diffamatoire, contrairement aux propos qui nous visaient.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Se faire insulter par les députés du Front national est une forme de légion d’honneur.

 

Amendement II-DN57 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Merci à notre collègue qui est resté vingt-trois ans au parti socialiste, aux côtés de François Mitterrand, lequel avait reçu la francisque. Qu’il assume son héritage !

Nous souffrons, s’agissant des avions à très forte capacité d’emport, d’un vrai manque. Nous avons des appareils pouvant embarquer 17 tonnes, 25 tonnes ou 37 tonnes, mais pas 150 tonnes. En cas de besoin, par exemple pour transporter des chars, nous avons recours à des avions appartenant à des armées d’autres pays, comme les États-Unis d’Amérique. Puisqu’il est beaucoup question de souveraineté – nous sommes très heureux que ce terme soit à nouveau au centre des débats –, il faudrait développer notre propre avion à forte capacité d’emport. Tel est l’objet du présent amendement.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. C’est une capacité qui nous manque, en effet, mais votre amendement prévoit d’y consacrer 100 millions d’euros, alors qu’il faudrait plutôt des milliards pour mener un tel projet. Par ailleurs, le général Mille, que nous avons auditionné, n’a pas fait état d’un besoin prioritaire dans ce domaine, contrairement à ce qu’il nous a dit à propos du renouvellement des Casa ou des Hercule C-130. Il s’agit d’une capacité que nous aimerions bien avoir, naturellement, mais que nous ne pouvons pas nous offrir dans le contexte actuel. Il existe un projet européen en la matière, mais je ne sais pas si cela peut vous plaire. Il me semble pourtant que c’est le bon échelon : ce ne sont pas des capacités de transport auxquelles on a recours quotidiennement. Pour ces raisons, demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Vous dites que nous n’avons pas besoin de cette capacité au quotidien, mais que se passe-t-il au Niger ? Les A400M ne suffisent pas pour transporter tout le matériel entreposé depuis des années dans ce pays. Nous avons une carence en ce qui concerne les gros-porteurs, ce qui nous contraint à nous tourner vers des solutions qui ne sont pas souveraines, comme la location d’Antonov.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage la préoccupation à l’origine de cet amendement. Le général Mille a dit que nous pouvions être confrontés à des problèmes en matière de transport stratégique. Nous le savons, les Antonov arrivent en fin de vie. Par ailleurs, si nos amis américains peuvent nous aider avec leurs C-5 Galaxy, cela ne va pas très loin. Le problème est qu’il s’agit d’un programme qui coûterait de 5 à 15 milliards d’euros et pour lequel il n’existe pas de marché. Les seuls pays qui peuvent s’offrir ces capacités sont les États-Unis, la Chine, peut-être – mais je doute qu’on vende des avions aux Chinois – et l’Europe, collectivement. Ce n’est pas en mettant sur la table 100 millions d’euros, au petit bonheur la chance, qu’on aboutira une solution. Néanmoins, cette question mérite de faire l’objet d’un véritable travail. Une mission parlementaire avait été créée à ce sujet il y a quelques années, mais je pense que nous devrions retravailler sur le dossier pour voir ce qui peut marcher.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN60 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). On a mis six ans à se mettre d’accord sur l’objectif du MGCS, et il est clair que ce char ne verra pas le jour avant 2040 – et encore c’est une hypothèse optimiste. Entre-temps que fera-t-on ? Nous avons des chars qui commencent à vieillir et nous vivrons une période tampon assez délicate à gérer. Par ailleurs, les signaux qui nous parviennent quant à l’état du monde ne sont pas très encourageants. Il ne faudrait donc pas se trouver dépourvu quand la bise sera venue. Nous proposons – tenez-vous bien – une solution franco-allemande, codéveloppée par Nexter, dont le capital est mixte, et potentiellement disponible à moyen terme, à savoir l’E-MBT. Ne restons pas sans armement à force de courir après des chimères.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Jacobelli croît tantôt au couple franco-allemand et tantôt il n’y croit pas, ce qui n’est pas très cohérent. Vous avez déjà enterré le MGCS, un peu comme le croque-mort qui, dans les albums de Lucky Luke, prend les mesures des gens de leur vivant. Nous essayons, pour notre part, de voir le verre d’eau à moitié plein, parce que nous sommes aux responsabilités et que nous voulons préparer l’avenir. Force est de constater que des avancées substantielles ont été réalisées ces derniers temps : un accord a été trouvé entre les états-majors français et allemands au sujet des besoins militaires et un High Level Common Operational Requirements Document a été signé en septembre 2023 par les ministres Sébastien Lecornu et Boris Pistorius.

Comme l’a indiqué devant nous le chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat), la question primordiale est celle des besoins militaires. Or les forces terrestres, que vous le vouliez ou non, ne souhaitent pas un char Leclerc amélioré, le Cemat a été très clair lors son audition. L’enjeu est de ne pas rater le changement de génération en allouant des ressources à un modèle intermédiaire. De plus, indépendamment du développement industriel qui suivra, le programme MGCS permet de travailler sur les caractéristiques du système de char du futur et sur les briques technologiques nécessaires, comme l’a rappelé notre excellent collègue Belhamiti.

En attendant, notre responsabilité est de prévoir les moyens de pérenniser et de moderniser le char Leclerc pour le faire durer jusqu’en 2040 ou 2045 – c’est ce qui est prévu par la loi que nous venons d’adopter. En 2024, 21 chars Leclerc rénovés seront ainsi livrés à l’armée de terre et la LPM prévoit 200 chars rénovés en 2035.

Je me permets aussi de vous faire remarquer que vous voulez ponctionner 100 millions sur les crédits des journées défense et citoyenneté, alors que nous devons favoriser l’engagement de nos jeunes dans les armées, et sur le programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, que vous prétendez défendre – c’est vraiment faire preuve de duplicité.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je pense qu’il y a un problème à l’éducation nationale puisqu’on peut apparemment être député sans savoir lire. Voici ce que nous avons écrit : « Cette minoration est proposée pour les besoins de la recevabilité financière. En cas d’adoption de l’amendement, il est demandé au Gouvernement de lever cette compensation ». Il faudrait en finir avec les clowneries.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’organisation de nos travaux ne suit absolument aucune logique. Nous passons des chars aux avions puis au logement, avant de revenir en arrière. Aucune réflexion n’est possible dans ces conditions. De plus, la majorité n’est quasiment pas représentée, parce qu’elle sait très bien que le Gouvernement aura recours au 49.3. C’est donc un véritable cirque : nous ne faisons que ridiculiser l’institution parlementaire, que le Gouvernement piétine continuellement. C’est uniquement parce qu’il s’agit de nos armées que nous resterons jusqu’à la fin de ce débat.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage les préoccupations de notre collègue Jacobelli au sujet de l’avenir du MGCS, mais j’ai écouté très attentivement le chef d’état-major de l’armée de terre. Il nous a dit qu’il ne souhaitait pas un char intérimaire, mais que, comme l’ont également expliqué le délégué général à l’armement et le ministre, il faudrait faire un choix fondamental en 2025 et que, de toute façon, ce qui serait fait dans le cadre du programme E-MBT pourrait servir à un plan B si le MGCS ne devait pas voir le jour. Notre collègue pose donc une bonne question, mais il est peut-être trop tôt pour y répondre. Attendons 2025.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je note que nos collègues de La France insoumise ne sont pas contents d’avoir à défendre des amendements identiques à ceux du Rassemblement national. Au-delà de la question de l’ordre d’examen des amendements, qui peut effectivement se poser, François Cormier-Bouligeon a apporté une réponse de fond : ne tuons pas l’initiative MGCS avant de lui avoir donné une chance d’aboutir. L’année 2024 sera déterminante.

L’amendement rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN61 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). L’Agence européenne de défense est un organe de ce qu’on appelle « l’Europe de la défense », qui est une chimère, on le voit bien. Il y a peu d’export d’armement français vers nos partenaires européens privilégiés. Les nations d’Europe centrale et de l’Est regardent vers les États-Unis d’Amérique, et les principales coopérations européennes dans le domaine de l’armement enchaînent les difficultés. Confier toujours plus de pouvoir à l’Union européenne pour notre défense revient, de facto, à céder des bouts de notre souveraineté, au détriment d’accords bi, tri ou quadrilatéraux portant sur de vrais projets, à l’image de ce qui a été fait hier pour Ariane ou Airbus. Nous proposons donc de réduire les financements de l’Agence européenne de défense.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Il existe un certain nombre de programmes européens dans lesquels la France est particulièrement engagée. Puisque l’exposé sommaire de l’amendement évoque le SHOM (service hydrographique et océanographique de la Marine), je précise que la relève des bâtiments participant à son fonctionnement est programmée et qu’un travail assez important est réalisé en lien avec l’Occar (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement), par exemple pour l’EPC, la future corvette de patrouille européenne dont nous avons parlé ce matin, et les Fremm (frégates multimissions). Par conséquent, avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je rejoins ce qui a été dit quant à la manière dont l’examen des amendements est organisé. Nous avons eu des débats de très grande qualité sur la loi de programmation militaire, dont ce budget est une déclinaison. Le regroupement des amendements selon les noms des premiers signataires nous empêche aujourd’hui d’avoir de véritables échanges sur le fond.

S’agissant de l’Europe de la défense, nous avons une vision absolument contraire à celle de M. Jacobelli. L’Europe est une garantie de paix, grâce à la coopération entre les pays. Il faut approfondir cette coopération, qui a d’abord été économique : nous avons besoin que l’Europe ait aussi une voix politique et géopolitique forte – c’est elle qui peut peser – et une défense. Je suis donc totalement hostile à cet amendement.

Les buts de l’Agence européenne de défense sont les suivants : « l’harmonisation des exigences pour la mise à disposition de capacités opérationnelles ; la recherche et l’innovation pour le développement de démonstrateurs technologiques ; les formations et exercices de maintenance visant à soutenir des opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune » – nous avons besoin de tout cela. Je souligne aussi que l’agence travaille notamment avec l’Ukraine, la Norvège et la Suisse.

Nous avons besoin de cette agence, de plus de coopérations, d’armées qui fonctionnent ensemble et, plus globalement, d’un socle politique et militaire européen.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN62 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Je suis d’accord avec les autres groupes de l’opposition : il est très compliqué de débattre dans ces conditions, et très inintéressant. Cela m’intéresserait, revanche, de parler du MGCS et de l’Europe de la défense de manière détaillée, au lieu de passer sans cesse du coq à l’âne en bâclant les débats.

Le retex d’Orion nous a montré que la navigation satellitaire posait certains problèmes. Dès qu’il pleut, les tablettes cessent de fonctionner et les signaux satellitaires ont leurs limites : il a donc fallu reprendre les bonnes vieilles cartes, la bonne nouvelle étant que nos officiers, sous-officiers et soldats ont été suffisamment astucieux et ingénieux pour utiliser des systèmes alternatifs. Au lieu de tout miser sur le satellitaire, il faudrait investir dans d’autres solutions, comme les technologies inertielles, qui permettent d’éviter non seulement les piratages mais aussi les ruptures de signal.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Cet amendement, outre qu’il est seulement d’appel, apporterait une mauvaise réponse à une vraie question. Il y a eu, effectivement, un problème d’accès aux données et de traitement, l’audition du général Métayer l’a confirmé, mais ce n’est pas un problème de génération de données. Or ce que vous proposez, au sujet du programme Omega, est d’arrêter de générer des données de géolocalisation par le biais de satellites, au profit de solutions faisant appel à des centrales inertielles. Ce n’est pas parce qu’on a eu un problème d’accès aux données, avec les terminaux fournis à nos soldats, que les données dont nos forces en opération ont besoin sont générées par un mauvais système. C’est sur le SIC, le système d’information et de communication, c’est-à-dire les réseaux opérationnels d’accès à l’information, qu’il faut faire porter un effort. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage, une fois de plus, l’inquiétude exprimée par notre collègue. Par ailleurs, je n’ai pas la même lecture que le rapporteur pour avis : il s’agit, pour moi, d’un amendement d’appel visant à lancer une alerte sur le risque du tout-satellitaire et non à supprimer des budgets. Nous ne devons surtout pas retirer des crédits au programme Omega, mais le tout-technologique est un problème : on sait la nécessité de pouvoir fonctionner en mode dégradé. Je voterai, à titre personnel, pour cet amendement que je trouve judicieux.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN63 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il s’agit, par cet amendement, de renforcer le maintien en condition opérationnelle. En effet, nous avons besoin d’une grande disponibilité des matériels. La LPM va dans le bon sens, mais il faut reconnaître que nous avons des équipements sous-dimensionnés auxquels on demande beaucoup. Nous sommes encore dans une logique de flux qui montre ses limites. Il faudrait passer, au moins partiellement, à une logique de stocks, comme l’ont souligné différents rapports, issus de députés de divers groupes, mais cela ne sera pas fait dans les mois qui viennent, il suffit de s’entretenir avec des officiers généraux pour le savoir.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Quand on donne des leçons de compétence, d’une manière assez péremptoire, encore faudrait-il être soi-même à la hauteur. Or notre collègue Jacobelli a mal lu le projet de loi de finances pour 2024 : celui-ci prévoit une hausse de 230 millions d’euros pour l’entretien programmé des matériels, ce qui représente les trois quarts de la hausse des crédits du BOP (budget opérationnel de programme) de l’armée de terre. Au total, le budget de l’entretien programmé des matériels des forces terrestres s’élèvera en 2024 à 1,46 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 19 % – excusez du peu – par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. S’agissant de la programmation pour 2024-2030, par ailleurs, le budget alloué au MCO doit augmenter de 40 % par rapport à la précédente LPM : il s’élèvera à 49 milliards d’euros, dont 13,2 milliards pour l’armée de terre.

Au-delà de la question des crédits, il faut prendre en compte l’accroissement de la performance du MCO. J’ai entendu, moi aussi, des officiers généraux, notamment le DC Simmt (directeur central de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres). La Simmt finalise actuellement sa nouvelle ambition pour 2030, qui vise à adapter son mode de fonctionnement aux enjeux de la haute intensité. La constitution de stocks de pièces de rechange est un enjeu bien pris en compte par la Simmt, qui a lancé une démarche tendant à augmenter l’efficience du MCO terrestre, notamment par la renégociation des contrats de soutien en service. Il s’agit de disposer de davantage de pièces de rechange en passant d’une logique de contrats forfaitaires orientés vers la performance à une logique de constitution de stocks. C’est la direction que nous sommes en train de prendre, et je dois dire que le DC Simmt fait preuve d’une certaine fermeté en la matière.

Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN64 de M. Laurent Jacobelli

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’entretien programmé du matériel doit déjà bénéficier de 49 milliards d’euros sur la période 2024-2030 . L’effort prévu par le PLF est à la hauteur de la promesse faite par la LPM en matière de MCO, auquel iront plus de 5,7 milliards, soit une progression de 745 millions d’euros. Par conséquent, avis défavorable si l’amendement n’est pas retiré.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN67 et II-DN68 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Comme nous l’avons dit lors des débats sur la loi de programmation militaire, le réchauffement climatique et ses effets, en matière de disparition de la biodiversité et d’amplification des catastrophes climatiques, sont un phénomène global et extrêmement déstabilisant d’un point de vue environnemental, social, économique et géostratégique qu’il faut prendre en compte dans l’organisation de nos armées.

L’amendement II-DN67 demande ainsi une augmentation des crédits alloués à la prospective de défense. Nous avons besoin de moyens pour penser la politique de défense dans un monde qui se réchauffe, où on a moins de pétrole et d’eau et où les conditions opérationnelles deviennent plus difficiles.

L’amendement suivant vise à augmenter les moyens de la coopération internationale et de la diplomatie. Une politique de défense est solide, nous l’avons également souligné pendant tout l’examen de la LPM, s’il existe à ses côtés une politique diplomatique forte.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients des enjeux du réchauffement climatique, notamment sur le plan environnemental, et sommes tous impliqués sur cette question. Néanmoins, le montant très élevé – 100 millions d’euros – qui est proposé dans votre premier amendement est assez surprenant : il est sans rapport avec les montants consacrés aux dispositifs de soutien pluriannuels à la recherche mis en place par la DGRIS (direction générale des relations internationales et de la stratégie). Cette dernière a mis en place, en 2016, un observatoire « Défense et climat » dont vous avez peut-être connaissance et qui a fait l’objet d’un marché de 1,44 million d’euros passé avec l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Ce marché a d’ailleurs été renouvelé en mai 2022, pour une durée de quatre ans. Tous les travaux de cet observatoire sont diffusés sur son site internet et sont donc accessibles.

En ce qui concerne l’amendement suivant, j’ai un petit doute sur l’abondement de l’action 08 du programme 144, qui finance des actions de natures très diverses, comme le programme mondial de lutte contre les mines antipersonnel et l’Agence européenne de défense : une fois encore, le montant que vous proposez – 50 millions d’euros – me paraît peu en rapport avec ce que fait la DGRIS de manière générale.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN69 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement revient sur la question de l’Europe de la défense. Nous proposons une augmentation des crédits prévus pour la planification des moyens et la conduite des opérations afin d’accroître les coopérations opérationnelles avec les forces armées d’autres pays européens grâce à des échanges de savoir-faire et à une standardisation de procédures.

Suivant la position du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN70 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). L’armée – nous en avons aussi parlé lors de l’examen de la loi de programmation militaire – est propriétaire de très nombreux bâtiments. Comme il faut faire des efforts en matière de rénovation thermique dans le cadre de l’ensemble des politiques de l’État, cet amendement a pour objectif d’augmenter fortement les moyens prévus pour la politique immobilière du ministère des armées. On ne dispose que de fort peu de temps pour rénover de très nombreux bâtiments et atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. C’est un amendement tout à fait intéressant qui, si nous l’avions examiné et adopté dans l’ordre prévu par le règlement de l’Assemblée, aurait fait tomber l’amendement de M. Jacobelli, qui proposait 15 millions d’euros supplémentaires. Le présent amendement de Mme Chatelain aurait dû être examiné en premier, puisqu’il propose une augmentation des crédits plus importante, de 150 millions – ce qui permettrait de faire des choses.

Nos collègues du Rassemblement national ne pourront pas, compte tenu de l’amendement qu’ils ont eux-mêmes déposé, se prononcer contre celui-ci, mais nous allons voir si c’est l’intérêt général qui guide leurs votes ou bien un intérêt purement politique.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN71 de Mme Cyrielle Chatelain

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose à notre collègue de retirer son amendement, car il me semble déjà satisfait par le « plan familles II », qui repose sur une coordination renforcée avec les acteurs locaux. Nous pourrions peut-être discuter de l’intégration des associations d’habitants en séance avec le ministre.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN72 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement concerne l’inclusion des personnes en situation de handicap dans nos forces armées. Le taux d’emploi de ces personnes y reste en deçà de la moyenne nationale, ce qui est préjudiciable non seulement pour elles, mais aussi pour nos armées, qui sont privées de compétences et de talents précieux. C’est pourquoi nous souhaitons augmenter les moyens en faveur de la politique menée dans ce domaine.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je sais que la députée Chatelain connaît les restrictions d’accès aux armées, compte tenu de ce qu’il est convenu d’appeler le profil Sigycop. Néanmoins, je comprends que cet amendement tend à favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap dans l’ensemble du ministère. Comme il n’y a pas de restrictions pour les civils du ministère des Armées, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN73 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cette proposition risque d’être moins consensuelle que les précédentes. En cohérence avec ce que nous avons défendu lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous considérons que, même si nous ne pouvons pas sortir de la dissuasion nucléaire d’une manière unilatérale, il faudrait commencer à penser un système de défense bâti sur une autre dissuasion, non nucléaire. Nous souhaitons donc réduire progressivement les moyens alloués à la dissuasion nucléaire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. En effet, nous avons déjà eu ce débat. La France est exemplaire en matière de réduction des arsenaux nucléaires. Nous avons abandonné la composante terrestre de notre dissuasion et démantelé nos sites pour les essais nucléaires, ainsi que nos installations d’enrichissement de matières nucléaires, tout cela d’une façon irréversible. Ce sont des efforts considérables que d’autres grandes puissances n’ont pas faits. Doit-on aller plus loin ? Il est vrai que vos propositions ont une cohérence, même si on pourrait reparler de la contribution du nucléaire civil à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Seulement, le contexte ne nous permet pas d’engager une nouvelle réduction de notre arsenal nucléaire. Si nous devions le faire, ce serait un signal très négatif pour nos alliés et nos compétiteurs. Avis défavorable.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Au risque d’énoncer un truisme, une dissuasion n’est dissuasive que si elle est au meilleur niveau. Si elle est en dessous du niveau de ses compétiteurs, elle ne dissuade plus personne et ne sert donc à rien – dès lors, autant prévoir 0 euro pour ce volet. Il faut soit moderniser soit abandonner notre dissuasion.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN76 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner plus de moyens à l’armée de l’air et de l’espace pour faire face à l’augmentation du coût du carburant et accroître son activité. Je rappelle que la norme au sein de l’Otan est d’au moins 180 heures de vol par an et par pilote de chasse. Or nous en étions à 164 heures en 2022 et que nous avons une cible à 147 heures en 2023 – je ne dirai rien de l’objectif pour 2024, car il est confidentiel.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN78 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’A400M, dont nous avons parlé ce matin, est un peu un game changer – pardon d’employer ce terme, que je n’aime pas beaucoup. C’est un atout qu’on emploie tout le temps, pour les opérations Sagittaire au Soudan et Apagan en Afghanistan et maintenant au Niger. La LPM a sanctuarisé au moins trente-cinq A400M. Je propose que nous en ayons trois de plus. C’est une nécessité, notamment pour donner une réassurance aux populations qui vivent dans nos Outre-mer et envoyer un signal stratégique à nos compétiteurs. Nous pourrons également utiliser ces vecteurs pour apporter notre appui lorsque des cataclysmes climatiques se produiront dans la zone indo-pacifique. L’amendement tend à augmenter les crédits pour permettre la livraison d’un A400M supplémentaire dès 2024.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’objectif fixé par la LPM, que nous avons adoptée il y a quelques semaines, est effectivement d’avoir au moins trente-cinq A400M – cela dépendra notamment de la vitalité d’Airbus à l’export. Il n’y a pas lieu, à ce stade, de remettre en cause ce que nous venons de voter. Par ailleurs, nos capacités dans ce domaine ne nous ont jamais mis en défaut par rapport à nos ambitions opérationnelles, qu’il s’agisse de Sagittaire ou d’autres opérations. Je comprends votre ambition – nous sommes plusieurs à la partager ici – qui est de prépositionner des A400M à des endroits stratégiques, par exemple dans l’Indo-Pacifique, mais ne le faisons pas comme cela, maintenant. Il faut donner sa chance à la loi de programmation militaire, que vous avez votée, comme nous. Par conséquent, même si nous pouvons nous rejoindre sur l’objectif d’un accroissement de nos capacités en ce qui concerne l’A400M, avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. J’avais déjà déposé un amendement lors de l’examen de la LPM afin d’augmenter le nombre d’A400M. Il faut prévoir les choses : un A400M, c’est aussi un équipage et des mécaniciens, des infrastructures, des supports. Nos armées ont besoin de visibilité. Or on ne sait pas quand l’objectif de trente-cinq A400M sera atteint. Je reviens un instant sur nos échanges au sujet du Pang (porte-avions de nouvelle génération) : ce n’est pas seulement un vecteur, mais aussi un équipage, et le premier officier qui commandera ce porte-avions entre aujourd’hui à l’École navale. Il faut aussi prévoir les pilotes pour les A400M. Par ailleurs, nous limitons notre ambition opérationnelle alors que nous pourrions faire beaucoup plus, afin d’être plus présents, d’exercer davantage d’influence et de force, notamment Outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN80 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Orion a notamment mis en exergue les failles du SSA (service de santé des armées) : on ne pourrait soigner que huit blessés en situation d’urgence vitale par jour. Or on sait que le chiffre serait malheureusement bien supérieur en cas de conflit de haute intensité. Cet amendement demande donc l’achat de structures médicales mobiles robustes pour assurer des soins médicaux d’urgence et un soutien sanitaire continu dans des zones éloignées des structures hospitalières traditionnelles. Ce n’est que la traduction des besoins exprimés par nos généraux.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement d’appel. Attendons l’avis du ministre en séance : sagesse.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). L’organisation des débats est particulièrement problématique : nous revenons une fois encore sur la question du SSA.

Le ministre avait été interpellé à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances de l’an dernier, puis de la LPM. On nous a expliqué que la restructuration du SSA faisait l’objet d’un moratoire, et la nouvelle feuille de route n’a pas été présentée à notre commission ni, a fortiori, devant la représentation nationale. Nous savons que le ver est dans le fruit depuis un long moment, mais n’avons aucune vision d’ensemble.

Cet amendement d’appel, même si je comprends bien son intention, ne permettra pas d’établir une stratégie crédible et durable pour le SSA. Nous avons affaire à un problème global qui ne se réglera pas en mobilisant 100 millions d’euros.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais il s’agit au moins d’un premier pas. Je sais que vous avez à cœur, comme nous, le service de santé des armées et son personnel.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN86 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). L’Institution de gestion sociale des armées (Igesa) joue un grand rôle dans la vie de nos militaires et de leurs familles : elle leur apporte un soutien important, qu’il s’agisse des activités de loisir, de l’accueil des enfants ou des prêts financiers – la liste n’est pas exhaustive. Malheureusement, il est difficile de pourvoir aux besoins de toutes les familles. Je pense en particulier aux places dans les crèches et les autres espaces d’accueil de la petite enfance. Il est nécessaire d’aider l’Igesa à se développer, afin que le plus grand nombre puisse bénéficier de ses services.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement au profit du mien, le II-DN169, qui prévoit un montant supérieur. Compte tenu des besoins de cet organisme essentiel, 10 millions d’euros ne suffiront pas.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN87 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). Les infrastructures sont un peu le parent pauvre du budget de nos armées : les montants prévus s’apparentent plus à l’utilisation d’un fond de tiroir qu’à un réel investissement. Pourtant, les parties communes des logements militaires, casernes et autres emprises n’échappent pas aux dégradations liées au temps – problèmes de plomberie, d’isolation, de salubrité, voire de sécurité, qui ne sont pas en soi des fatalités et méritent d’être traités. Plus le règlement de ces problèmes traînera, plus les budgets de rénovation seront élevés. Il serait donc bénéfique pour tous que les réparations aient lieu au plus tôt. De plus, avec la diminution des Opex, nos militaires seront amenés à passer plus de temps dans ces locaux – raison de plus pour que les rénovations soient faites.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Compte tenu des besoins réels, cet amendement ressemble trop à une posture.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN91 de M. Bastien Lachaud

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel porte sur un sujet que nous avons déjà abordé, le MGCS, auquel nous ne croyons pas. Notre proposition repose sur une note de l’Ifri qui a établi la nécessité de l’E-MBT en tant que gap-filler (bouche-trou) – j’emploie ce mot pour faire plaisir à notre collègue Thiériot, qui affectionne les anglicismes. L’E-MBT nous permettra d’avoir, comme les Allemands, un matériel sur l’étagère ou en tout cas de faire en sorte que le savoir-faire ne se soit pas complètement perdu chez Nexter le jour où il faudra retirer nos billes du MGCS. Je souligne au passage que Nexter n’est plus indépendant : KNDS prend les décisions. C’est la conséquence de choix politiques qui nous avaient pourtant été présentés comme un moyen de garantir la pérennité et la souveraineté de l’industrie de défense dans le domaine terrestre, ce qui n’a pas été tout à fait vrai, à l’évidence.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous en avons déjà débattu et nous en reparlerons, comme notre collègue Belhamiti l’a dit, courant 2024, quand la situation commencera à s’éclaircir. Sur le plan capitalistique, M. Saintoul a probablement raison, mais la R&D et la production de Nexter, ou anciennement Nexter, sont encore en France.

M. le président Thomas Gassilloud. Sachant qu’on en est, de mémoire, à 50-50 sur le plan capitalistique, en ce qui concerne KNDS.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN93 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel, d’un montant de 1 euro, demande de réinternaliser la fonction Red Air, qui sert à la préparation des pilotes. Son externalisation est la conséquence de la fin de vie de l’Alpha Jet, avion utilisé pour ce type d’exercice, et de difficultés en matière de ressources humaines. Le fait que des entreprises privées fassent des profits sur la préparation des armées nous pose un problème de principe.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Lors de la présentation de mon rapport, j’ai évoqué la fonction Red Air et fait part de mon étonnement d’un contrat de sept ans avec un potentiel prestataire pour simuler la force adverse lors des exercices de l’AAE. J’y vois l’illustration de la faiblesse de l’actuel format de notre aviation de chasse.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN94 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Si l’Alpha Jet arrive en fin de vie, qu’adviendra-t-il de la Patrouille de France, qui est la vitrine de l’AAE ? La Patrouille de France volera-t-elle sur un avion qui n’est pas français ? Sinon, il faut prévoir qu’elle vole sur Rafale.

Il ne s’agit pas de dépouiller les forces opérationnelles de l’AAE, mais d’anticiper la fin de vie de l’Alpha Jet et de réfléchir à l’avenir de la Patrouille de France. Sommes-nous prêts à mettre les moyens pour la doter de Rafale ou devrons-nous accepter l’idée qu’elle vole sur des avions étrangers ?

M. le président Thomas Gassilloud. Si j’étais un peu taquin, je dirais que vos alliés écologistes refusent le survol des communes qu’ils dirigent par la Patrouille de France. J’ai eu ce débat avec le maire de Lyon.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je me sens surveillé et cela m’inquiète. Il y a une dizaine de jours, j’ai adressé au Gouvernement une question écrite sur l’avenir de la Patrouille de France compte tenu de la fin de vie des Alpha Jet. Il suffit de me suivre sur les réseaux sociaux pour le savoir. Cet amendement me surprend donc.

J’ai posé au ministre des armées la question du devenir de la Patrouille de France, qui fait la fierté de la France. Je vois mal les Rafale remplir cette mission de prestige, pour de nombreuses raisons, au premier rang desquelles le format de l’aviation de chasse l’AAE. Nous avons peu de Rafale. Gardons-les pour les missions opérationnelles, pour la posture permanente de sûreté aérienne et pour la dissuasion.

Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je ne doute pas que les maires écologistes ayant refusé le survol de leur commune par la Patrouille de France ont des arguments tout à fait solides liés aux enjeux de leurs communes respectives, qu’ils défendent ardemment.

Nous voyons l’intérêt de l’amendement de nos collègues du groupe La France insoumise. Nous le voterons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN95 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il porte sur un sujet à la fois budgétaire et démocratique.

Le financement des missions opérationnelles ne relève pas officiellement du budget des Opex. Il ne fait pas l’objet d’un vote du Parlement, conformément à l’article 35 de la Constitution. Elles remplissent pourtant tous les critères des Opex. Les militaires qui servent dans ce cadre bénéficient d’un statut quasi-identique à celui des militaires qui servent en Opex, pensions mises à part, ce qui n’est pas rien.

Comment en assurons-nous le financement ? Par le truchement du budget opérationnel de programme (BOP) Opex du programme 212 et par le truchement du BOP du programme 178, en espérant un collectif budgétaire de fin d’année permettant de bénéficier d’un financement interministériel. Il en résulte une fragilité budgétaire, pour les armées, et démocratique, s’agissant d’une forme de contournement du vote du Parlement.

Le présent amendement vise à basculer le financement des missions opérationnelles sur le BOP Opex, afin que le Gouvernement assume qu’elles sont des Opex, que leur budget fasse l’objet d’un débat et d’un vote au Parlement, et que le budget des armées soit sécurisé.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. À mon tour, je me sens espionné, ayant soulevé la question dans mon rapport pour avis sur le précédent projet de loi de finances ! Je ne peux donc qu’abonder dans votre sens, Monsieur Lachaud.

Toutefois, une telle décision ne peut être prise au détour d’un amendement. Elle ferait en revanche un excellent sujet de réflexion pour notre commission pour l’année à venir, en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

M. le président Thomas Gassilloud. Le ministre a indiqué qu’il attendait des propositions à ce sujet de la part de ses services et de l’état-major des armées (EMA).

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN96 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement est une variante du précédent. Faut-il financer les missions opérationnelles sur le budget des Opex ou par un programme propre ? En réalité, on nous demande de ne pas choisir et d’attendre que le ministre lui-même prenne la décision. C’est l’une de nos traditions, en Macronie, de décider de nous dessaisir de notre pouvoir !

Plus sérieusement, il y a bel et bien un problème. Si, d’après le ministre, nous sommes dans une zone grise depuis plus d’un an, et si les missions opérationnelles relèvent bien du droit des Opex, alors le vote du Parlement a été allègrement contourné et les missions Lynx et Aigle se déroulent dans un cadre qui n’est pas démocratique, ni même constitutionnel.

Nous devrions nous élever contre cet état de fait, mais, manifestement, le souci du respect des institutions n’est pas universellement partagé.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN97 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons appris que le standard F4.2 du Rafale sera livré avec un an de retard. Tous les programmes, au demeurant, connaissent des retards récurrents. Pour que le Standard F5 ne soit pas livré en retard, nous proposons d’en lancer les travaux par anticipation.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait. La ligne budgétaire Rafale F5 dont vous demandez la création existe. Elle a été introduite dans le projet de loi de finances pour 2024 à la sous-action 09.59 du programme 146, qui prévoit des crédits de plus de 65 millions pour le passage du Rafale au standard F5 et pour l’acquisition de drones d’accompagnement.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous retirerons l’amendement pour le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique, où nous sommes certains d’avoir des débats fructueux avant le 49-3.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-CF98 de M. Aurélien Saintoul

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Il vise à permettre la désinsectisation des logements des militaires et de leurs familles en cas d’infestation par les punaises de lit. La crise des punaises de lit continue dans notre pays. Il y en a partout. Les logements des militaires, lesquels effectuent de nombreux déplacements, n’en sont pas exempts.

En 2018, on comptait au moins 400 000 sites infestés, dont 100 000 En Île-de-France. Si les punaises de lit ne transmettent pas de maladies à proprement parler, elles provoquent d’importants dégâts psychologiques, déstabilisent le rythme du sommeil et provoquent des insomnies ainsi que des troubles psychologiques et psychiatriques, voire un syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

S’en débarrasser, nul ne l’ignore, est très difficile. Les frais moyens induits par une désinfestation s’élèvent à 1 200 euros en moyenne, ce qui est considérable. Il s’agit donc d’un problème de santé publique et d’une ruine financière pour celles et ceux dont le logement est infecté.

Le présent amendement vise à prendre en charge la désinsectisation des logements des militaires au même titre que celle des casernes pour qu’elle soit réellement efficace. C’est du simple bon sens.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Comme l’a montré l’actualité récente, le taux de prévalence des punaises de lit dans le pays explose. Les logements de militaires n’en sont pas exempts.

Il est de notre devoir, pour la fidélisation des militaires et pour le bien-être de leurs familles, d’agir et de créer la ligne budgétaire proposée. Imaginez un marin parti en mer pour plusieurs mois apprenant que son logement est infesté de punaises de lit et que son épouse ou son époux est obligé de gérer seul la situation ! Il s’agit d’un problème de santé publique.

Les nombreux sourires que je vois suggèrent que tout le monde n’a pas pris conscience de l’importance du sujet. C’est dommage. De nombreux militaires trouveraient un intérêt à la création de la ligne budgétaire proposée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN100 de M. Bastien Lachaud

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à ouvrir le débat sur l’organisation des services de renseignement, où le tout-électronique prévaut de plus en plus. Le technologique et le numérique prennent de plus en plus de place dans la doctrine de renseignement. Nos services et nos agents se posent, légitimement, de plus en plus de questions sur l’avenir du renseignement d’origine humaine (ROHUM) et sur la place qu’il occupera.

Par le biais de la présente demande de rapport, nous espérons obtenir des réponses sur la place de l’humain dans les services de renseignement des armées. Les récents événements en Israël et au Niger prouvent que le ROHUM est essentiel et qu’il n’est pas remplaçable. À nos yeux, le tout-numérique n’est pas une solution. Il est nécessaire de s’assurer du recrutement et de la fidélisation de personnels formés et d’apporter des réponses claires sur la doctrine de renseignement envisagée pour les années à venir.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel n’est pas sans rappeler celui de M. Boccaletti que nous avons discuté auparavant. Il eut été de bonne méthode de procéder à des rassemblements thématiques.

L’équilibre entre le renseignement d’origine humaine et les autres sources de renseignement est une question pertinente, que j’évoque chaque année avec la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et dont je fais part dans mes avis sur le programme 144.

Je serai toutefois moins catégorique que vous s’agissant du Niger ou d’Israël, qui sont des cas différents. En ce qui concerne Israël, le problème a moins été le manque de renseignements humains que l’absence de prise en compte de ceux transmis par d’autres États alertant sur l’imminence d’une attaque. Votre exposé sommaire mériterait d’être plus nuancé.

J’ai abordé longuement le déménagement de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes ce matin, et je le fais également dans mon avis à paraître prochainement. Je suis ce projet de très près et je ne doute pas que la délégation parlementaire au renseignement (DPR) en fait autant. Le Parlement est donc associé au suivi de ce dossier, alors que votre exposé sommaire indique que ce n’est pas du tout le cas.

Par ailleurs, l’amendement est notamment cosigné par M. Lachaud, rapporteur pour avis du programme 178 – dont dépend la direction du renseignement militaire (DRM). Le Parlement est donc associé par son intermédiaire aux réflexions sur la place du renseignement humain, et je ne doute pas que son avis contribuera à nous éclairer utilement sur cette question.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN104 de M. Emmanuel Fernandes

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Les retours d’expérience du conflit en Ukraine montrent l’importance des blindés. Ils sont essentiels en raison de leur puissance de feu, de la protection qu’ils apportent à l’infanterie et de leurs capacités de franchissement.

Mais en même temps on a pu constater l’utilisation de drones de combat, qui complètent les matériels antichars plus traditionnels. D’où l’importance de protéger les chars Leclerc de manière passive, mais aussi active, afin de réduire leur vulnérabilité. Tel est l’objet des crédits supplémentaires proposés par cet amendement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’importance des systèmes de protection active constitue en effet l’un des retours d’expérience du conflit en Ukraine.

La direction générale de l’armement (DGA) conduit deux programmes – dénommés Prometeus (protection multi effets terrestre unifiée) et Pronoia (protection novatrice orientable intégrée d’autoprotection) – afin d’étudier la pertinence de tels dispositifs et de déterminer quels sont les véhicules qu’il conviendrait d’équiper en priorité. Cette réflexion doit se faire en conduite, pour pouvoir s'adapter de manière réactive aux évolutions technologiques, sous réserve de la maturité de la technologie.

Nous avions déjà eu ce débat lors de la discussion du projet de LPM. Le ministre des armées avait indiqué que la priorité pourrait être accordée aux véhicules blindés plutôt qu’aux chars de combat.

Enfin, l’ajout de systèmes de protection active fait partie des réflexions menées dans le cadre du programme de système principal de combat terrestre (MGCS).

Je vous propose de travailler ensemble sur cette question en vue du PLF pour 2025.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

Amendement II-DN106 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel a pour objet d’ouvrir l’accès à la délivrance de la carte du combattant et au titre de reconnaissance de la nation aux sous-mariniers embarqués à bord de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).

Cette carte du combattant permet de bénéficier, entre autres, de l’allocation de reconnaissance du combattant, de la rente majorée par l’État de la retraite mutualiste du combattant ou encore d’une demi-part supplémentaire de quotient familial pour le calcul de l’impôt sur le revenu au soixante-quatorzième anniversaire du combattant – un peu tard, mais c’est un autre sujet.

Pour obtenir cette carte, il faut avoir pris part pendant quatre mois à des opérations extérieures (Opex). Ce critère pose un problème aux sous-mariniers embarqués à bord d’un SNLE, dont les missions ne sont pas considérées comme des Opex.

La dissuasion nucléaire ayant pour objectif d’empêcher tout conflit, ils ne pourraient obtenir la carte du combattant qu’en cas d’échec de leur mission, c’est-à-dire d’engagement du feu nucléaire. Cette situation est pour le moins paradoxale.

Si vous considérez que la dissuasion nucléaire constitue le cœur du cœur de la défense de notre pays, selon l’expression de notre collègue Thiériot, ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de modifier la réglementation relative à la carte du combattant pour les sous-mariniers qui servent dans les SNLE ?

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Mon collègue Jean-Charles Larsonneur et moi-même avons posé plusieurs questions écrites à ce sujet, lesquelles ont manifestement été lues par d’autres collègues.

Nous sommes tous d’accord au sein de cette commission : il faut corriger cette anomalie. Mais il s’agit d’une affaire réglementaire et non pas budgétaire.

J’émets un avis défavorable pour des raisons techniques. Mais il va falloir traiter cette question, qui concerne l’ensemble des sous-mariniers.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques II-DN130 de M. Jean-Charles Larsonneur, II-DN133 de Mme Isabelle Santiago et II-DN138 de Mme Anne Genetet, amendements II-DN129 de M. Julien Bayou et II-DN116 de Mme Josy Poueyto (discussion commune)

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. L’an dernier, nous avions voté le doublement des crédits du fonds spécial de soutien à l’Ukraine en les portant à 200 millions.

Or, le PLF pour 2024 ne prévoit pas de prolonger ce fonds. Cette mesure peut paraître brutale dans le contexte d’une longue guerre d’attrition, même si le ministre des Armées Sébastien Lecornu a expliqué qu’un processus était engagé pour faire évoluer l’aide à l’Ukraine. Il s’agit d’associer plus directement les industriels français avec la partie ukrainienne et de moins recourir à des acquisitions financées par ce fonds.

Son arrêt brutal apparaît comme un mauvais signal à nombre de collègues et sur la plupart des bancs. C’est la raison pour laquelle les amendements identiques et ceux qui leur sont très similaires proposent de maintenir le fonds spécial. Ils ne diffèrent que par les gages retenus, qu’il est d’ailleurs demandé au Gouvernement de lever car l’article 4 de la LPM prévoit que les dépenses exceptionnelles liées à l’Ukraine ne seront pas financées par la mission Défense.

Mme Anna Pic (SOC). Dans un contexte où l’attention est quelque peu détournée de l’Ukraine et où le Kremlin compte sur la lassitude des opinions publiques occidentales, il est essentiel de ne pas envoyer de mauvais signal. La disparition du fonds de soutien sans qu’il y ait encore véritablement un dispositif de remplacement pourrait être symboliquement perçue comme un abandon soudain de l’Ukraine par la France. L’amendement II-DN133 vise à accompagner le développement de stratégie destinée à se substituer aux cessions d’armement dont le ministre nous a parlé.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’amendement II-DN138 est identique. Comme l’a indiqué le ministre, les 200 millions du fonds de soutien sont déjà en partie consommés et d’autres sommes sont engagées au titre des commandes faites par les Ukrainiens. Nous souhaitons donc que ce fonds soit maintenu et nous demandons que l’article 4 de la LPM soit appliqué afin que les crédits de la mission Défense ne soient pas affectés par cette aide.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Cet amendement propose de pérenniser le fonds spécial de soutien à l’Ukraine.

Le groupe d’amitié France-Ukraine a récemment organisé un déplacement dans ce pays, et Murielle Lepvraud et moi-même y avons participé. Le soutien de la France est attendu par les Ukrainiens.

Ce n’est pas seulement l’avenir du peuple ukrainien qui se joue là-bas. Il s’agit d’un conflit entre la dictature et la démocratie. On compte seulement des régimes autoritaires dans le camp des Russes et des démocraties dans le camp ukrainien. Abandonner l’Ukraine signalerait à Poutine qu’il peut continuer à s’en prendre à la Moldavie et à déstabiliser l’Europe.

Ce conflit est bien sûr observé aussi par la Chine. Un succès russe serait nécessairement interprété comme la possibilité de l’emporter contre un adversaire soutenu par l’Ouest en ne respectant pas le droit de la guerre.

Il y a beaucoup à faire pour aider l’Ukraine : geler les avoirs russes, les affecter à la reconstruction et soutenir l’armement de ce pays. Mais cela commence dans l’immédiat par la pérennisation du fonds spécial de soutien.

M. Christophe Blanchet (Dem). Avec l’amendement II-DN116, le groupe Démocrate propose lui aussi de maintenir les 200 millions prévus dans le cadre du fonds spécial de soutien à l’Ukraine. Il s’agit bien d’un affrontement aux portes de l’Europe entre une démocratie et des dictatures. C’est l’avenir européen qui est en jeu.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Étant moi-même cosignataire de l’amendement II-DN138, je suis favorable à l’adoption des trois amendements identiques.

Demande de retrait pour les amendements II-DN129 et II-DN116, mais seulement pour des raisons de technique budgétaire.

Sur le fond, il faut bien mesurer que le Gouvernement propose d’aider au développement d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) ukrainienne, en association étroite avec les industriels français. Le fonds spécial de soutien a pour objet de rendre possibles des commandes directes de l’Ukraine auprès de nos industries de défense et, si possible, que l’industrie de défense ukrainienne puisse répondre au mieux aux besoins du front – y compris dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO), crucial dans un conflit qui va encore durer longtemps.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Du fait d’un petit loupé technique, le groupe Les Républicains n’a pas déposé un amendement identique.

Mais nous soutenons totalement ces amendements, qui constituent un signal. Après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël, on a tendance à regarder le Proche-Orient et à perdre de vue l’Ukraine. Il est très important que notre commission adopte ces amendements le plus largement possible, afin de montrer que nous n’oublions pas cette dernière.

Ensuite, le fonds spécial de soutien correspond à un besoin des armées ukrainiennes. Nous avons entendu ce qu’a dit le ministre des armées et nous sommes favorables au fait de passer d’une logique de cessions à une logique d’amorçage. Mais cela suppose aussi des crédits, et le fonds spécial peut et doit y participer. Des PME en ont besoin et certaines attendent la réouverture de ce fonds, comme par exemple Cybergun.

Enfin, comme cela a été dit par tous, la demande de pérennisation du fonds spécial ne se conçoit que dans le cadre de l’article 4 de la LPM, voté à l’unanimité, lequel dispose que l’aide à l’Ukraine ne doit pas se faire au détriment de nos armées. Nous appelons solennellement le ministre à respecter cet article.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements II-DN129 et II-DN116 tombent.

 

Amendement II-DN146 de M. Jean-Louis Thiériot

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à insister sur l’importance de réfléchir, dans le cadre de la fonction d’influence, au déploiement d’une stratégie avec les think tanks non étatiques. Je suis prêt à retirer l’amendement, dont le montant de 10 000 euros est symbolique, mais nous devons élaborer une véritable stratégie avec ces organisations pour que les think tanks français de la défense parviennent à faire entendre une voix indépendante de la France, même s’ils n’atteindront jamais la puissance de la Rand Corporation.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Je vous rejoins complètement sur voter objectif. J’en parlais ce matin dans ma présentation. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs think tanks dans le cadre de mes travaux ainsi qu’avec la DGRIS. Je pense que nous devons réfléchir aux moyens de soutenir davantage et mieux nos centres de recherche. La réforme du dispositif de soutien aux think tanks de la DGRIS mis en place en 2015 a porté ses fruits mais nous devons aller plus loin. Je vous propose de retirer votre amendement et de poursuivre la réflexion sur les modalités du renforcement de ce soutien.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement II-DN148 de M. Jean-Louis Thiériot est retiré.

 

Amendement II-DN156 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti-, rapporteur pour avis. Il vise à mettre en lumière la nécessité de la montée en puissance de nos capacités spatiales. Qui dominera l’espace aura un avantage sur le champ de bataille : nous n’avons pas suffisamment pris la mesure des besoins dans ce domaine ; l’amendement vise à combler notre retard pour ne pas revivre l’expérience des drones.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable. Le PLF traduit les engagements de la LPM et comporte ainsi la première étape du patch de 6 milliards d’euros programmés pour le spatial. Les autorisations d'engagement s’élèvent à 1,2 milliard en 2024 pour le programme de « maîtrise de l’espace », soit une augmentation supérieure à 200 % par rapport à 2023. La programmation satisfait l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN157 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’un de mes précédents amendements évoquait l’activité des aéronefs ; celui-ci cible leur disponibilité. Les restrictions de diffusion d’informations en matière de disponibilité des flottes nous empêchent d’analyser l’efficience du maintien en condition opérationnelle (MCO). Ayant pu consulter les chiffres, je propose d’abonder le MCO de 280 millions d’euros, afin que la flotte –  notamment le triptyque MRTT, A400M, Rafale – puisse voler plus fréquemment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN158 de M. Frank Giletti

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il vise à donner plus de moyens au programme Scorpion, afin de renforcer les capacités d’évacuation médicale du service de santé des armées (SSA). Nous avons en effet des interrogations sur les livraisons des véhicules Griffon sanitaire (SAN) et Serval SAN.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’évacuation des blessés figure en effet parmi les nombreux enseignements du retour d’expérience de l’exercice Orion.

Il s’agit d’un amendement d’appel, mais, sur le fond, la version sanitaire du Griffon et du Serval n’en est qu’une parmi d’autres du programme Scorpion, toutes également importantes et que la DGA doit qualifier successivement. Huit autres sous-versions sont ainsi prévues pour le Serval – infanterie, génie, mortier de 81 millimètres, mortier de 120 millimètres, poste de commandement, missiles de moyenne portée (MMP), sol-air de très courte portée et ravitaillement.

Il appartient aux forces de prioriser les livraisons des différentes versions en fonction de besoins militaires associés. De récentes avancées sont à saluer car la DGA a pu qualifier, le 25 septembre dernier, la version du véhicule de patrouille blindé sanitaire du Serval : les livraisons vont pouvoir débuter pour ce véhicule, qui sera destiné aux équipes médicales mobiles du SSA. Celui-ci en attend 135 exemplaires, afin de remplacer d’ici à 2029 la version « évolution contre les engins explosifs improvisés (Évol Cied) » du véhicule de l’avant blindé (VAB). Par ailleurs, le SSA sera doté de 196 Griffon SAN, la DGA ayant déjà qualifié cette version en 2022.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Amendement II-DN161 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous débutons l’examen d’une série d’amendements liés à lla partie thématique de mon rapport budgétaire.

Le premier concerne les militaires affectés Outre-mer, lesquels bénéficient tous d’un logement du ministère : le financement du loyer s’effectue par une retenue sur salaire, qui représente 10 % pour un militaire mais 15 % pour un agent civil du ministère des armées. Cet amendement vise à supprimer cette inégalité de traitement en ramenant la retenue des personnels civils à 10 % de leur salaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN162 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons déjà évoqué le sujet du coût du carburant pour les armées. Il s’agit de l’amendement que je proposais à nos camarades socialistes à la place du leur.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je partage votre inquiétude sur la hausse de ce coût. J’ai moi-même déposé un amendement en ce sens, qui me paraissait équilibré et proportionné aux besoins, alors que le vôtre, qui propose une augmentation des crédits de 100 millions d’euros, me semble quelque peu disproportionné ; j’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN163 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement porte sur le même sujet.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’avis est défavorable, car la loi de finances initiale pour 2024 prend déjà en compte pour partie votre demande. Nous rappelons chaque année l’existence de l’article 5 de la LPM, qui a joué dans les années précédentes.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant la position du rapporteur pour avis M. François Cormier-Bouligeon, la commission rejette l’amendement II-DN164 de M. Bastien Lachaud.

 

Amendement II-DN165 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à limiter les irritants du quotidien qui ennuient les militaires et contribuent à affaiblir leur fidélisation, en augmentant les stocks d’habillement du service du commissariat des armées (SCA). Actuellement, 2 % du catalogue se trouve en rupture de stock : les produits les plus demandés, notamment les chaussures noires plates de taille 44, manquent régulièrement. L’amendement abonde les crédits du SCA pour que celui-ci reconstitue ses stocks d’habillement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN166 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il porte sur le statut des personnes occupant le poste de baleinier en Polynésie française ; celles-ci sont indispensables pour l’accostage dans les atolls ; chacun de ces derniers est unique, si bien que le temps de formation est très long. Ils ont longtemps bénéficié du statut de personnels civils de recrutement local (PCRL) et pouvaient travailler jusqu’à l’âge de la retraite. Ils ont actuellement le statut de militaires commissionnés et ne peuvent donc pas dépasser dix-sept ans de service. L’essentiel de cette période est consacré à la formation, donc ils souhaiteraient pouvoir exercer plus longtemps.

Cet amendement d’appel vise à ouvrir une réflexion sur le statut des baleiniers, indispensables à notre présence en Polynésie.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Une fois n’est pas coutume, je suis en phase avec M. Lachaud. Les baleiniers n’appartenaient pas à la marine nationale, ils étaient rattachés aux gens de mer ; maintenant qu’ils ont rejoint la marine, ils ne peuvent pas servir plus de dix-sept ans car ils ne peuvent pas accéder au brevet supérieur. Il faut trouver une solution, qui pourrait emprunter la voie de la validation des acquis de l’expérience (VAE), pour que ces personnes, très peu nombreuses, puissent obtenir le brevet supérieur. L’avis est favorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Ils sont entre cinq et dix, pas plus.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN167 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Dans le cadre de la reconnaissance de la dette de l’État français à la suite des essais nucléaires dans le Pacifique, le ministère des armées a créé un statut de PCRL. Malheureusement, ces agents ne sont recrutés qu’à des postes équivalents aux catégories B et C de la fonction publique ; leur avancement est donc bloqué alors qu’ils remplissent souvent des tâches de catégorie A.

Ces agents apprécient ce statut protecteur et utile, mais ils aimeraient être reconnus à la hauteur de leurs qualifications – ils sont souvent surdiplômés –, de leur engagement et de la nature réelle des postes qu’ils occupent.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN168 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les forces de souveraineté sont très souvent sollicitées pour effectuer les évacuations sanitaires (Évasan), qui ne relèvent pourtant pas de leurs compétences. L’amendement vise à augmenter les moyens civils dédiés aux Évasan afin que les forces ne soient pas détournées de leurs missions opérationnelles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN169 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose une augmentation de 50 millions du budget de l’Igesa (institution de gestion sociale des armées), dont le rôle est fondamental tant pour les loisirs que pour la gestion des établissements sociaux et médico-sociaux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN170 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose de doter de 220 millions supplémentaires la rémunération indiciaire des personnels militaires de la marine nationale, de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de l’espace, mais aussi des personnels exerçant des fonctions de soutien et logistique interarmées relevant du programme 178. Ce montant correspond à l’ensemble des mesures générales concernant la fonction publique qui se sont appliquées aux armées et garantit que le financement des mesures interministérielles n’est pas ponctionné sur la LPM.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Avant l’article 50

 

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, elle rejette l’amendement II-DN2 de Mme Isabelle Santiago.

 

Amendement II-DN5 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). C’est une demande de rapport relatif à l’adaptation de la politique de rémunération des militaires, en vue d’améliorer l’équilibre entre rémunération indiciaire et indemnitaire.

Ces dernières années, le ministère des armées a repensé la solde de nos soldats en mettant en œuvre la NPRM. Le rapport annexé de la LPM 2024-2030 indique que « la revalorisation des grilles permettra […] aux militaires du rang de progresser dès les premières années de leur engagement […]. Une attention particulière sera portée à la reconnaissance des sous-officiers supérieurs […]. Les parcours d’officiers seront également valorisés en accompagnant mieux les potentiels et les performances constatées. La part indemnitaire de la politique salariale, quant à elle, ciblera les métiers et les expertises en forte tension et qui participent à nos pivots capacitaires ». Le PLF pour 2024 doit marquer l’achèvement du déploiement de la NPRM.

Ces efforts, salués par les principaux concernés, ne nous semblent cependant pas suffisants pour relever les défis de l’attractivité et de la fidélisation et face au sentiment de déclassement éprouvé par nos troupes. La baisse des cibles d’effectifs pour 2024 et la non-atteinte des objectifs de recrutement inscrits dans la LPM, pourtant votée il y a quelques mois, le prouve. La revalorisation du point d’indice est, elle aussi, bien insuffisante après plus de dix ans de gel.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN3 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport relatant les actions entreprises par le Gouvernement pour atteindre ses objectifs en matière de politique environnementale et de transition écologique dans le domaine des armées, et examinant la possibilité de créer une ligne budgétaire dédiée à la transition écologique dans le cadre de la mission Défense.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN1 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre concernant l’industrie de défense : politique d’accroissement et de gestion des stocks, notamment de munitions, maintien en condition des équipements, simplification des besoins, assouplissement des règles, etc.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable : l’amendement est satisfait par le rapport annuel prévu à l’article 9 de la LPM.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-DN8 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport formulant, conformément à la recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget 2022, une trajectoire d’autorisations d’engagement et de restes à payer, notamment pour le programme 146, sur une base pluriannuelle. Nous nous inquiétons toujours de l’augmentation des restes à payer.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 10 de la LPM prévoit déjà un rapport annuel sur l’évaluation de la programmation budgétaire. L’augmentation des restes à payer est liée à celle des capacités, conforme à l’ambition commune qu’exprime la LPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN9 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur l’évaluation et l’état d’avancement des programmes d’armement en coopération dans le secteur de la défense, qu’il s’agisse des coopérations avec les États partenaires établies sur une base plurinationale ou des programmes lancés dans le cadre de l’Union européenne et financés par des crédits communautaires. Ce rapport évalue également dans quelle mesure le PLF inscrit dans les faits la coopération européenne et en quoi ces partenariats renforcent l’autonomie stratégique nationale sur la scène européenne dans deux domaines en particulier : les équipements et l’industrie ; la recherche et le développement.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 9 de la LPM prévoit déjà un rapport annuel qui traite de cette question.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Il demande un rapport sur le coût du retrait anticipé des forces armées françaises au Sahel et la redirection des budgets qui leur sont dédiés. Il est souhaitable que ce rapport comprenne un volet détaillant le coût de retour des matériels et équipements et un autre précisant les coûts de transport de personnels et la juste rémunération des militaires déployés et rapatriés dans de brefs délais. Enfin, le rapport ferait état de la répartition des fonds utilisés pour assurer la présence française dans la région ainsi que la pérennité des missions de défense alors que l’on se tourne davantage vers la coopération de sécurité et de défense.

Contre la position du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de Mme Isabelle Santiago

Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons un rapport sur le coût de développement des matériels et technologies innovants adaptés aux nouveaux espaces de conflictualité, qui différenciera bien le spatial, le cyber et les fonds marins.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La politique d’innovation de défense fait déjà l’objet d’un rapport annuel précis : le DrOID (document de référence de l’orientation de l’innovation de défense), édité par l’AID (Agence de l’innovation de défense). Il est vrai que l’édition 2023 du document n’a pas encore été publiée, pour tenir compte des nouvelles priorités fixées dans la LPM, mais l’AID m’a fait savoir qu’il sera publié très prochainement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN109 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il demande un rapport destiné à faire la transparence sur le recours éventuel de l’État à des ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense) pour l’exercice budgétaire 2024.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN113 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il demande un rapport relatif à l’impact des reports de commande sur le coût des programmes et la capacité des armées à honorer les contrats opérationnels.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Défavorable. Nous en avons longuement parlé dans le cadre de la LPM. Il est normal de revoir les cibles d’année en année en fonction des priorités et contraintes géostratégiques et géopolitiques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN114 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Selon la Cour des comptes, la contribution de la France à l’Otan devrait coûter 830 millions d’euros en 2030. En parallèle, nous dépensons chaque année 700 millions en nature sur le flanc est de l’Europe, en mettant à disposition certains moyens de nos armées. Nous souhaitons savoir très précisément comment cette contribution en nature est prise en compte au sein de l’Otan dans le financement de l’Alliance par la France. Nous voulons également connaître les objectifs du Gouvernement s’agissant de l’obtention de financements de l’Otan. Bref, y a-t-il une vision, une stratégie française au sein de l’Otan, qui justifie que nous soyons revenus au sein du commandement intégré et qui prenne en compte ce que nous faisons pour l’Organisation de sorte que nos armées bénéficient de retours sur investissement ?

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis.  La question de l’OTAN et celle de notre stratégie vis-à-vis de cette organisation ont été longuement débattues pendant la LPM. Un rapport du gouvernement sur ces sujets est d’ailleurs prévu dans son rapport annexé.

Par ailleurs, rien n’empêche notre commission de faire une mission d’information sur ce sujet.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous auditionnerons mardi prochain les membres de la Cour des comptes qui ont consacré un rapport à cette question.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous avons déjà eu ce débat à propos de la LPM. Chaque fois, on nous dit que la commission va faire une mission d’information. Chiche !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN118 et II-DN120 de M. François Piquemal

Mme Martine Étienne. Le premier de ces deux amendements vise à obtenir un rapport relatif aux moyens mis en œuvre pour lutter contre les débris spatiaux. Il s’agit d’établir les priorités, en énumérant les risques et les moyens d’action, pour consacrer à ce problème un véritable budget en loi de finances et en programmation.

Les débris spatiaux, raison principale de la dégradation de nos matériaux, peuvent même détruire nos équipements. Le problème s’aggrave d’année en année, à mesure que le trafic spatial augmente et que les méga-entreprises aux dirigeants milliardaires, comme Elon Musk, se livrent à une course spatiale sans fin. L’ESA (Agence spatiale européenne) donne l’alerte et souligne l’importance de technologies permettant de prévenir le phénomène. Elle ajoute qu’« en parallèle, les régulateurs doivent surveiller de plus près les engins spatiaux placés sous leur juridiction ainsi que l’adhésion aux mesures d’atténuation des débris ».

Le second amendement demande un rapport sur les moyens mis en œuvre dans le domaine de la météo spatiale. Seule une parfaite connaissance, maîtrise et anticipation des événements comme les éruptions solaires permet d’appréhender convenablement le domaine spatial et de protéger nos matériaux. Or la météo spatiale ne fait pas l’objet d’une délégation de service public : ce sont des start-up, françaises ou non, qui travaillent sur cette question. Le Gouvernement prévoit-il de continuer à faire appel à des services privés ou souhaite-t-il investir dans un opérateur d’État spécifique ? L’étude de l’espace repousse les limites de nos connaissances et développe notre humanité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Chacun comprendra la préoccupation de La France insoumise concernant les vieux débris – spatiaux, évidemment – compte tenu de l’impact qu’ils peuvent avoir sur les activités de l’armée de l’air et de l’espace. Plus sérieusement, c’est un sujet qui se traite au niveau européen, notamment dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA). Je ne vois pas en quoi un rapport national aiderait cette agence à bien documenter et appréhender la question. Et ce n’est pas davantage par un rapport que nous traiterons le sujet de la météo spatiale. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une question importante de souveraineté à laquelle vous ne pouvez pas répondre « l’Europe fera ». La France n’est plus la première contributrice nette au budget de l’Agence spatiale européenne (ESA) : c’est désormais l’Allemagne, qui détermine donc un peu plus que nous les orientations de l’agence. Or nous n’avons pas les mêmes objectifs, la même vision de l’utilité de l’espace que les Allemands. Nous avons, pour notre part, un commandement de l’espace, qui a besoin de gérer la question des débris, et toutes nos armées dépendent de la météo spatiale. Ne balayons donc pas la question d’un revers de main.

Nous sommes les seuls à avoir insisté sur l’enjeu de l’espace lors des trois dernières campagnes présidentielles. Nous sommes ravis de constater que la majorité s’est enfin résolue, dans le cadre de la dernière LPM, à considérer l’espace, le cyber et les fonds marins comme des enjeux centraux, ainsi que nous le faisons depuis plus de dix ans. Néanmoins, vous n’allez pas assez loin. La manière dont vous réagissez à ces amendements démontre bien que vous n’avez pas encore pleinement compris l’importance de l’espace pour les conflits de demain et, au-delà, pour la survie de l’humanité.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Nos collègues de LFI sont les seuls à ne pas avoir voté la loi de programmation militaire et le renforcement de 6 milliards des moyens pour le spatial. Nous n’avons pas de leçons à recevoir dans ce domaine, Monsieur Lachaud. Par ailleurs, je n’ai pas dit « l’Europe fera », mais que ce n’est pas avec des demandes de rapport qu’on traitera ces questions.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je chercherai la date de l’anniversaire de notre collègue Bastien Lachaud pour lui offrir l’ensemble des discours d’Emmanuel Macron. Il pourra ainsi constater que son groupe n’est pas le seul à parler de ces sujets.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN143 de M. José Gonzalez.

M. José Gonzalez (RN). Si le bloc NPRM, c’est-à-dire la nouvelle politique de rémunération des militaires, va globalement dans le bon sens, les associations professionnelles nationales nous ont alertés sur un point qui semble essentiel : certains profils sont pénalisés par l’indemnité de garnison et sa fiscalisation dès lors que le taux marginal d’imposition dépasse 15 %. Nous soulignons, par cet amendement qui demande au Gouvernement de nous remettre un rapport, la nécessité de modifier le décret du 24 mai 2023 pour aller vers une défiscalisation de l’indemnité et éviter à nos militaires une perte de pouvoir d’achat.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je suis favorable à la défiscalisation de l’indemnité de garnison, mais une demande de rapport n’est pas le bon moyen d’atteindre cet objectif. Il faudrait soit revenir maintenant sur le décret soit attendre 2025 pour voir réellement les effets de l’indemnité. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense modifiés.

 

 


—  1  —

   Annexe N° 1 :

Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

1. Auditions

 Économat des Armées ‒ M. le commissaire général de 1ère classe Philippe Pourqué, directeur général ;

 Haut comité d’évaluation de la condition militaire ‒ Mme Catherine de Salins, présidente ;

 Direction du renseignement militaire ‒ M. le général de corps d’armée Jacques Langlade de Montgros, directeur ;

 Service interarmées des munitions ‒ M. le général de brigade Éric Laval, directeur ;

 Ministère des armées – Secrétariat général pour l’administration – Mme Valérie Péneau, inspectrice générale de l’administration, directrice, adjointe au secrétaire général pour l’administration, déléguée à la transformation et de la performance ministérielles, M. le contrôleur général des armées Olivier Gousseau et M. Jean-François Poisson, responsable des achats ;

 État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général de corps d’armée Philippe Morales, major général ;

 Commissariat des armées – M. le commissaire général hors classe Philippe Jacob, directeur ;

 Direction du service de l’énergie opérationnelle – M. l’Ingénieur général de 1re classe Jérôme Lafitte, directeur ;

 État-major de l’armée de terre – M. le général de corps d’armée Marc  Conruyt, directeur des ressources humaines ;

 Ministère des armées – Secrétariat général pour l’administration – Mme Sylviane Bourguet, directrice à la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement ;

 Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information – M. le général de corps aérien Didier Tisseyre, directeur ;

 Service de santé des armées – M. le médecin général des armées Jacques  Margery, directeur central ;

 Délégation à l’information et à la communication de la défense – Mme Olivia  Penichou, déléguée ;

 Ministère des armées – Secrétariat général pour l’administration – M. Christophe Mauriet, secrétaire général ;

 Conseil supérieur de la fonction militaire – M. le contrôleur général des armées Christophe Jacquot, secrétaire général ;

 État-major de la Marine – M. le vice-amiral d'escadre Éric Janicot, directeur du personnel militaire ;

 Ministère des armées – Secrétariat général pour l’Administration - Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives – M. le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur de la mémoire, de la culture et des archives ;

 État-major des armées – M. le général des armées Pierre Vandier, major général ;

 État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général de corps aérien Manuel Alvarez, directeur des ressources humaines ;

 État-major de l’armée de terre – M. le général de division Jean-Christophe Bechon, major général ;

 Inspection des armées – M. le général d’armée Xavier Buisson ;

 État-major des armées – M. le général de corps aérien Éric Charpentier, sous-chef d’état-major « performance » ;

 Service d’infrastructure de la défense – M. l’ingénieur général hors classe de l’armement Alexandre Barouh, directeur central ;

 État-major des armées – Division Emploi des forces et protection – M. le général de division François-Xavier Mabin ;

 Ministère des armées – Secrétariat général pour l’administration – M. Thibaut de Vanssay, directeur des ressources humaines, M. Serge Pinson, chef du service de l’action sociale des armées, M. Dominique Bresson, directeur du projet plan Famille, Mme Bénédicte Le Deley, directrice de défense mobilité et Mme Caroline Ducret, chargée de mission auprès du directeur des ressources humaines ;

 Ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – Direction du budget – M. Clément Boisnaud, sous-directeur de la 5ème SD du budget et M. Benoît Malbrancke, sous-chef du bureau 5 BDM (défense et mémoire) ;

 État-major de la Marine – M. le vice-amiral d'escadre François Moreau, major général ;

 Ministère des armées – Secrétariat général pour l’administration – Mme Valérie Le Gleut, directrice adjointe du service national et de la jeunesse et M. Jean-Christophe Perrussel, chef du bureau performance-synthèse.

 

 

2. Déplacement en Polynésie française du 2 au 9 juin 2023

  Visites de l’ensemble des emprises occupées par les FAPF sur l’île de Tahiti :

  Rencontre avec l’ensemble des services de soutien présents sur la base de défense :


   Annexe N° 2 :

Liste des acronymes utilisés dans le rapport

(PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE)

A

AAE : armée de l'Air et de l'Espace

AEM : action de l’État en Mer

AGSC : administration générale et de soutien commun

ARS : agence régionale de santé

AVSIMAR : avion de surveillance et d’intervention maritime

B

BCC : bâtiments pour cadres célibataires

BdD : base de défense

BIL : bureau interarmées du logement

BTP : bâtiment et travaux publics

C

CASOM : centre d'action sociale d'Outre-mer

CEMA : chef d’état-major des Armées

CEP : centre d’expérimentations du Pacifique

CGA : contrôle général des armées

CICOS : centre interarmées de coordination du soutien

CMIT : cercle mixte interarmées de Tahiti

COM : collectivités d'Outre-mer

COMBdD : commandant de la base de défense

COMFOR : commandant des forces de présence à l’étranger

COMGEND : commandement de la Gendarmerie

COMIA : commandant interarmées

COMSMA : commandement du service militaire adapté

COMSUP : commandant supérieur des forces armées

COMZRP : commandant de la zone de responsabilité permanente

CPCO : centre de planification et de conduite des opérations

CPS : caisse de prévoyance sociale

CRER : centre de regroupement et d’évacuation de ressortissants

CRSD : contrat de redynamisation des sites de défense

CSG : centre spatial guyanais

CSOA : centre du soutien des opérations et des acheminements

CZM : commandant de zone maritime

D

DDG : délégué du Gouvernement

DIASS : direction interarmées du service de santé

DICOM : direction du commissariat d’Outre-mer

DID : direction d'infrastructure de la Défense

DIRISI : direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information

DMC : détachement mixte du commissariat

DPMM : direction du personnel militaire de la Marine

DRH : direction des ressources humaines

DRH-AAE : direction des ressources humaines de l'armée de l'Air et de l'Espace

DRH-AT : direction des ressources humaines de l'Armée de Terre

DRH-MD : direction des ressources humaines - Ministère de la Défense

DRM : direction du renseignement militaire

DROM : département et région d'Outre-mer

DTIE : direction des territoires, de l'immobilier et de l'environnement

E

EdA : économat des Armées

EIP : états insulaires du Pacifique

EMA : état-major des Armées

EMIA : état-major interarmées

EMSOME : état-major spécialisé pour l'Outre-mer et l'étranger

ENIM : établissement national des invalides de la Marine

ETP : équivalent temps plein

EVASAN : évacuation sanitaire

F

FA : formation administrative

FAA : forces armées aux Antilles

FAG : forces armées en Guyane

FANC : forces armées en Nouvelle-Calédonie

FAPF : forces armées en Polynésie française

FAZSOI : forces armées dans la zone sud de l’océan Indien

FISA : fiche individuelle de souhait d’affectation

FSI : forces de sécurité intérieure

G

GsBdD : groupement de soutien d’une base de défense

I

IEI : initiative européenne d’intervention

IFO : information à des fins opérationnelles

IGESA : institution de gestion sociale des armées

INFRA : infrastructures

J

JFT : journées formation territoire

JDC : journée défense et citoyenneté

JDM : journée défense et mémoire

L

LCOI : lutte contre l’orpaillage illégal

LPM : loi de programmation militaire

M

MCD : mission de courte durée

MCO : maintien en condition opérationnelle

MEDEVAC : évacuation médicale

MGA : major général des Armées

MINARM : ministère des Armées

MININT : ministère de l'Intérieur

ML : Maintenance lourde

MLD : mission de longue durée

MRTT : multi role transport tanker

N

NC : Nouvelle-Calédonie

O

OGZDS : officier général de la zone de défense et de sécurité

OMC : officier marinier commissionné

OME : Outre-mer et l’étranger

OPJ : officier de police judiciaire

OTIAD : organisation territoriale interarmées de défense

P

PAE : pôle aéronautique du Lamentin

PAM : plan annuel de mutation

PCRL : personnels civils de recrutement local

PME : petites et moyennes entreprises

POM : patrouilleurs Outre-mer

PUD : plans d’urbanisme directeurs

Q

QSR : qualité du service rendu

R

RGPP : révision générale des politiques publiques

RH : ressources humaines

RIM : renseignement d’intérêt militaire

RMI : relations militaires internationales

RSMA : régiment du service militaire adapté

S

SAMU : service d'aide médicale urgente

SCA : service du commissariat des armées

SEO : service de l'énergie opérationnelle

SGA : secrétariat général pour l'administration

SIC : systèmes d'information et de communication

SID : service d'infrastructure de la défense

SIMu : service interarmées des munitions

SLPA : service local de psychologie appliquée

SMSPP : société mahoraise de stockage des produits pétroliers

SRPP : société réunionnaise de produits pétroliers

SSA : service de santé des armées

STRATEVAC : évacuation médicale stratégique

 

T

TAM : travaux d’adaptation mineurs

TEMM : TotalEnergies marketing Mayotte

V

VAC : voies aériennes civiles

VMM : voie maritime militaire

Z

ZDS : zone de défense et de sécurité

ZEE : zone économique exclusive

ZRP : zone de responsabilité permanente

 


([1])  https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-service-de-sante-des-armees-une-capacite-consolider

([2])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047968574

([3])  Cyber-sécurisation des Automatismes Métiers : automates industriels de remontées d’alertes dans les dépôts de carburants.

([4])  Initiative pour l’entreposage multinational de munitions (MAWI) « MAWI » : https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_193622.htm?selectedLocale=fr

([5])  Arrêté du 29 juin 2023 du ministre des Armées portant création de l’État-major interarmées du territoire national métropolitain : https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/sga/Texte%203%20ARR%C3%8AT%C3%89%20portant%20cr%C3%A9ation%20de%20l%27%C3%A9tat-major%20interarm%C3%A9es%20du%20territoire%20national%20m%C3%A9tropolitain..pdf

([6]) La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a donné une définition des OPEX : « L'intervention, à l'extérieur du territoire national, vise, par la projection de capacités militaires, à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de la France dans le monde et à honorer nos engagements internationaux et nos responsabilités. Elle s'effectue en recherchant prioritairement un cadre multinational s'appuyant de façon privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion ».

([7])  Arrêté du 6 octobre 2022 accordant aux militaires participant à l'opération « Opérations en Europe orientale » le bénéfice des dispositions de l'article L. 4123-4 du code de la défense

([8])  Arrêté fixant le référentiel opérationnel des militaires placés sous l’autorité du ministre de la défense (20/12/2021). https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/sga/12 ARRÊTÉ fixant le référentiel opérationnel.pdf

([9])  https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-participation-de-la-france-lotan-une-contribution-croissante

([10]) Extrait d’une réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur.

([11])  https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/NEB-2022-Gestion-finances-publiques.pdf

([12])  https://www.senat.fr/rap/r16-661/r16-66115.html

([13])  SI de modernisation du recrutement du personnel militaire des trois armées, de la Légion étrangère et du SSA

([14]) SI de gestion des réservistes

([15]) système de solde des militaires

([16]) https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/le-commandant-francais-dans-le-pacifique-constate-une-pression-accrue-de-la-chine_866342

([17]) https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/le-commandant-francais-dans-le-pacifique-constate-une-pression-accrue-de-la-chine_866342

([18]) https://www.defense.gouv.fr/marine/actualites/caraibes-2022-entrainements-aeromaritimes-a-laube-saison-cyclonique-aux-antilles

([19]) Multi Role Tanker Transport, modèle d'avion militaire de transport et de ravitaillement à large fuselage

([20]) https://www.defense.gouv.fr/operations/actualites/faa-test-resilience-transmissions-interarmees-lexercice-triton-2023#:~%20:text=L'exercice%20%20TRITON%20%202023%20renforce,du%20%20fret%20%20n%C3%20%A9cessaire%20%20aux%20%20op%20%C3%20%A9rations

([21]) Point de raccordement via Internet