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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 324)
de finances pour 2025
TOME III (RECT.)
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
PAR Mme Laure MILLER
Députée
——
Voir le numéro : 468 – III – 28
— 1 —
SOMMAIRE
___
Pages
introduction................................................ 5
I. L’Évolution des crÉdits consacrÉs À l’immigration et À l’intÉgration
A. Le programme 303 « immigration et asile »
1. L’action n° 1 « Circulation des étrangers et politique des visas »
2. L’action n° 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile »
a. Les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA)
b. L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile
c. L’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA)
3. L’action n° 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière »
B. lE PROGRAMME 104 « IntÉgration et accÈs À LA NATIONALITÉ FRANçAISE »
1. L’action n° 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants »
2. L’action n° 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants »
3. L’action n° 14 « Accès à la nationalité française »
4. L’action n° 16 « Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants »
a. Le régime juridique de la rétention
b. Un changement de public qui affecte les conditions de prise en charge en rétention
1. Un travail d’anticipation indispensable pour les sortants de prison
a. Les difficultés propres à l’éloignement des sortants de prison
b. Les voies d’amélioration existantes
a. Un régime d’intervention du juge judiciaire particulièrement complexe
a. La hausse du nombre de places en CRA doit être poursuivie
b. La conception des lieux de rétention et la formation des policiers doivent être améliorées
I. Audition de M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
II. Examen pour avis des crédits
— 1 —
La mission « Immigration, asile et intégration » porte les crédits (hors dépenses de personnel) de la direction générale des étrangers en France (DGEF) et se structure autour de trois grands axes : la gestion des flux migratoires, l’accueil et l’examen de la situation des demandeurs d’asile, et l’intégration des personnes immigrées en situation régulière. Deux opérateurs participent à la mise en œuvre de ces politiques : l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
La mission comporte deux programmes : le programme 303 « Immigration et asile », qui regroupe environ 80 % des crédits, et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui représente 20 % des crédits.
Les crédits de paiement (CP) de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits en projet de loi de finances (PLF) pour 2025 enregistrent une baisse de 5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) votée pour 2024. La baisse des crédits porte principalement sur le programme 104 (‑15 %) tandis que la diminution est plus limitée s’agissant du programme 303 (‑2,54 %). Ces crédits permettront ainsi de consolider l’effort réalisé depuis plusieurs années afin d’accroître les moyens accordés à la politique d’immigration dans ses différents axes. Les crédits du PLF pour 2025 poursuivront notamment l’action en faveur de la garantie du droit d’asile via le renforcement des moyens humains de l’OFPRA (+29 ETPT) ainsi que la politique d’intégration des primo-arrivants.
Après avoir présenté les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », votre rapporteure a fait le choix de s’intéresser cette année à la politique de priorisation du placement en rétention administrative des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public.
— 1 —
I. L’Évolution des crÉdits consacrÉs À l’immigration et À l’intÉgration
Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits dans le PLF pour 2025 s’élèvent à 1,73 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 2,05 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 1,97 % en AE et de 5,04 % en CP par rapport à la LFI pour 2024.
A. Le programme 303 « immigration et asile »
Le programme n° 303 « Immigration et asile » comprend l’essentiel des crédits de la mission. Il finance les politiques publiques relatives à l’entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière ainsi qu’à l’exercice du droit d’asile.
Pour 2025, les crédits augmentent de 2,04 % en AE et diminuent de 2,54 % en CP par rapport à la LFI pour 2024, pour s’établir à respectivement à 1,36 milliard d’euros et à 1,68 milliard d’euros. Votre rapporteure regrette tout particulièrement la baisse des crédits dédiés à l’action n° 3 « lutte contre l’immigration irrégulière » alors même que celle-ci doit constituer une priorité de l’action gouvernementale.
ÉVOLUTION DES CRÉdits du programme 303
(en millions d’euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
||||
Numéro et intitulé de l’action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
01 – Circulation des étrangers et politique des visas |
0,52 |
0,52 |
0,52 |
0,52 |
- |
- |
|
02 – Garantie de l’exercice du droit d’asile |
975,66 |
1 407,23 |
|
1 404, 57 |
+ 12, 63 % |
- 0,19 % |
|
03 – Lutte contre l’immigration irrégulière |
299,96 |
260,70 |
173, 39 |
199, 30 |
- 42,20 % |
- 23,55 % |
|
04 – Soutien |
57,29 |
56,70 |
87, 89 |
76, 93 |
+53,40 % |
+35,69 % |
|
Total |
1 333,43 |
1 725,14 |
1 360, 65 |
1 681, 33 |
+2,04 % |
-2,54 % |
Source : projet annuel de performances pour 2025.
1. L’action n° 1 « Circulation des étrangers et politique des visas »
L’action n° 1 vise à répondre aux besoins de circulation des personnes et à favoriser l’attractivité de la France dans ses domaines d’excellence.
Les crédits dédiés à cette action doivent permettre de concilier l’objectif de simplification des procédures pour la délivrance des visas aux étrangers de bonne foi tout en assurant un contrôle effectif au regard des enjeux sécuritaires.
Pour 2025, la dotation prévue reste stable par rapport à 2024, à hauteur de 520 000 euros.
2. L’action n° 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile »
L’action n° 2 représente plus de 80 % des crédits du programme. Pour 2025, ils s’élèvent à 1,1 milliard d’euros en AE et 1,4 milliard d’euros en CP, soit une augmentation de 12,63 % en AE et une légère diminution de 0,19 % en CP par rapport à l’exercice précédent.
Cette action comprend les crédits destinés à garantir un traitement adéquat des demandes d’asile ainsi que la prise en charge des demandeurs d’asile pendant la durée d’instruction de leur demande. Elle regroupe ainsi les crédits destinés au financement de l’allocation pour demandeurs d’asile, aux centres d’accueil et d’hébergement ainsi que la subvention pour charge de service public allouée à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
a. Les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA)
À l’action n° 2 figurent les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), qui est attribuée à ces derniers afin de répondre à leurs besoins élémentaires de subsistance durant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande, conformément aux dispositions de la directive « Accueil » du 26 juin 2013. Les bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) y sont également éligibles.
Gérée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et versée aux demandeurs d’asile par l’Agence de services et de paiement (ASP), l’ADA voit son montant varier selon la composition familiale des demandeurs et leur mode d’hébergement.
Pour 2025, la dotation inscrite est de 353 millions d’euros. Ce montant se décompose en deux parts, l’ADA versée aux demandeurs d’asile, dont la dotation s’élève à 246,6 millions d’euros (en baisse de 16 % par rapport à la loi de finances 2024) et l’ADA versée aux bénéficiaires de la protection temporaire, dont le montant s’élève à 106,8 millions d’euros.
La baisse la dotation s’appuie sur l’accélération du traitement des demandes d’asile par l’OFPRA qui se poursuivra en 2025 grâce aux 29 emplois supplémentaires ouverts qui devraient permettre une économie de 4,4 millions d’euros.
Par ailleurs, en lien étroit avec la DGEF, l’OFII poursuivra son pilotage en intensifiant ses dispositifs de contrôle, notamment de lutte contre les fraudes.
b. L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile
L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile est assuré à travers plusieurs dispositifs adaptés à la situation des différents publics.
DÉcomposition de la partie « accueil et hÉbergement d’asile » des dÉpenses d’intervention de l’action n° 2
(en millions d’euros)
|
En AE (PAP pour 2025) |
En CP (PAP pour 2025) |
En AE (PAP pour 2024) |
En CP (PAP pour 2024) |
Accompagnement social |
3,1 |
3,1 |
- |
- |
Hébergement – CADA |
394,25 |
394,25 |
389,56 |
389,56 |
Hébergement – CAES |
3,7 |
68,02 |
15,78 |
77,26 |
Hébergement – HUDA |
115, 03 |
356, 48 |
32,64 |
402,73 |
Hébergement – CPH |
116, 02 |
116,02 |
117,15 |
117,15 |
Source : projets annuels de performances pour 2024 et 2025.
La dotation « accompagnement social » permet de financer les actions en faveur de publics particulièrement vulnérables, notamment la prise en charge médico-psychologique des demandeurs d’asile victimes de torture. Elle couvre également certains frais d’interprétariat et de transport pour les demandeurs d’asile entre leur lieu d’hébergement et le pôle régional Dublin (PRD) ainsi que lors des opérations de mises à l’abri.
Les crédits totaux alloués à l’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés s’élèvent à 639,1 millions d’euros en AE et à 944,8 millions d’euros en CP. Ils augmentent de 13 % en AE et diminuent de 5 % en CP par rapport à la loi de finances 2024. Le nombre total de places d’hébergement s’élève ainsi à 119 437 à la fin de l’année 2024 contre 82 762 en 2017.
Ces hébergements se déclinent en plusieurs dispositifs :
● Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) constituent l’hébergement de référence pour les demandeurs d’asile en procédure normale. Ce dispositif d’hébergement pérenne compte plus de 360 centres qui offrent des prestations d’accompagnement social et administratif. La dotation pour 2025, qui s’élève à 394,2 millions d’euros, aura pour objet de financer les 49 190 places du parc.
● Les centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) visent à garantir aux personnes souhaitant engager une démarche d’asile une mise à l’abri permettant une évaluation immédiate de leur situation administrative, afin de les orienter ensuite vers une structure adaptée. La durée maximale de séjour étant fixée à un mois, cette rotation garantit la fluidité de tout le système et tente ainsi de prévenir l’installation de campements sur la voie publique. En 2025, la dotation de 3,7 millions d’euros en AE et de 68,02 millions d’euros en CP permettra de financer et d’entretenir le parc, qui représentera 6 667 places.
● Le parc d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) complète les places dans les CADA. Il s’agit d’un dispositif d’hébergement d’urgence, mais une part de celui-ci offre en réalité des prestations et conditions d’accueil similaires à celles en CADA et peut donc être considérée comme de l’hébergement pérenne. Ce parc comprend d’abord des places d’hébergement d’urgence gérées au niveau déconcentré par les préfets (le « HUDA local ») et des places du parc d’hébergement d’urgence relevant du programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (« PRAHDA »). La dotation pour 2025, qui s’élève à 115,03 millions d’euros en AE et à 356,48 millions d’euros en CP, permettra le financement des 5 351 places du programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRAHDA) et des 40 011 places du parc d’hébergement d’urgence réparties sur tout le territoire.
● Les centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH) ont pour mission de renforcer l’accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des réfugiés présentant des vulnérabilités particulières et nécessitant une prise en charge complète dans les neuf premiers mois suivant l’obtention de leur statut. En 2025, la dotation de 116,02 millions d’euros permettra notamment le financement des 11 109 places du parc d’hébergement des CPH.
c. L’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA)
L’action n° 2 prévoit le versement de la subvention de l’État à l’OFPRA mentionnée à l’article L. 121-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Elle s’élève à 97,2 millions d’euros en AE et en CP. Elle sera toutefois complétée par des fonds européens du fonds asile, migration et intégration (FAMI) à hauteur de 10,8 millions d’euros. La dotation consolidée de l’établissement s’élèvera ainsi à 108 millions d’euros, soit un maintien de son niveau à celui établi par la loi de finances pour 2024 (108,2 millions d’euros). Ce maintien à un niveau élevé des crédits dévolus à l’Office a pour objet de financer, d’une part, la variation de la masse salariale à effectif constant et, d’autre part, un renforcement des effectifs avec le recrutement de 29 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en 2025. Ces dépenses supplémentaires seront compensées par une économie de 2,9 millions d’euros sur les espaces « France asile ».
Ainsi, le plafond d’emplois de l’Office, qui s’établissait à 1 036 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour 2024, est relevé à 1 065 ETPT par le PLF pour 2025.
L’enjeu, pour l’Office, reste toujours de ramener les délais de traitement des demandes d’asile à deux mois à l’horizon 2027. En 2024, le délai est en moyenne de 132 jours sur les huit premiers mois de l’année. Il est attendu de l’établissement qu’il rende a minima 161 000 décisions en 2025, soit une moyenne de 13 400 décisions par mois. Votre rapporteure se réjouit de la hausse des moyens alloués à l’Office pour le traitement des demandes d’asile. Les auditions menées dans le cadre de cet avis ont souligné l’intérêt du traitement rapide des demandes, tant pour la qualité du service rendu au demandeur que sur le plan budgétaire afin de maîtriser les montants versés au titre de l’ADA.
3. L’action n° 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière »
Cette action finance l’ensemble des missions menées dans le domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière. Elle regroupe notamment les dépenses liées au maintien en zone d’attente ou en rétention et les procédures d’éloignement, ainsi que l’accompagnement social, juridique et sanitaire des personnes non admises sur le territoire national. Elle inclut également les opérations de réacheminement et d’éloignement du territoire des étrangers qui font l’objet, par exemple, d’une mesure de non-admission ou d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). L’action ne recouvre pas les mesures d’expulsion au titre de l’ordre public qui relèvent du programme 176 « police nationale » (expulsion et assignation à résidence).
Pour l’année 2025, les crédits demandés s’établissent à 173,39 millions d’euros en AE et à 199,30 millions d’euros en CP.
69,08 millions d’euros sont ainsi destinés au fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA), des locaux de rétention administrative (LRA) et des zones d’attente. Ces crédits permettent de couvrir les frais de fonctionnement courant – prestations de restauration, de blanchisserie, entretien immobilier et frais d’interprétariat. La capacité de rétention reste identique en 2025 à celle de 2024. Elle a été portée à 1 959 places dans l’hexagone avec la livraison du CRA d’Olivet (90 places) en février 2024 et l’extension du CRA de Perpignan (12 places) en 2023. La prochaine livraison est prévue en 2026 avec le CRA de Bordeaux (140 places).
Votre rapporteure souligne la nécessité de poursuivre l’effort budgétaire consacré au développement de nouvelles places en CRA. Le placement en CRA demeure en effet un dispositif clef pour l’efficacité de la politique d’éloignement. La loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur a fixé un objectif de 3 000 places ouvertes en 2027. Cet objectif apparaît difficilement tenable au regard de la programmation budgétaire actuelle, qui supposerait la création de 1 000 places sur la seule année 2027.
20,14 millions d’euros en AE comme en CP sont consacrés à la prise en charge sanitaire des personnes en CRA. Le montant alloué en 2025 correspond à la reconduction des crédits votés en LFI 2024.
52,07 millions d’euros en AE comme et 56,38 en CP, enfin, sont consacrés aux frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière, dont la mise en œuvre revient, au sein de la police nationale, à la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF). Ces dépenses couvrent notamment les frais de billetterie centrale (avion de ligne commerciale, train ou bateau) et les dépenses locales de déplacement terrestre, maritime, et aérien supportés par les services administratifs et techniques de la police nationale « SATPN » (Mayotte, Guyane, Guadeloupe, La Réunion) et le secrétariat général de l’administration du ministère de l’intérieur.
L’action n° 4 regroupe une partie des moyens nécessaires au fonctionnement courant de la direction générale des étrangers en France (DGEF), dont une partie des dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention relevant du fonctionnement courant des services, et les dépenses liées aux systèmes d’information. Pour rappel, les effectifs de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Ces crédits ont pour objectif de doter les services de moyens de fonctionnement appropriés et optimisés pour mener à bien les orientations et les projets des programmes 303 et 104, ainsi que d’assurer la modernisation des outils informatiques et les études afférentes.
En nette augmentation, les AE et les CP s’élèvent pour 2025 à 87,89 millions d’euros en AE et à 76,93 millions d’euros en CP, contre 57,29 en AE et 56,70 millions d’euros en CP en LFI pour 2024. Cette augmentation résulte de la poursuite du transfert des crédits consacrés au développement, à la maintenance et à l’hébergement de grands programmes numériques, précédemment inscrits au programme 216 « Administration générale et territoriale de l’État ».
B. lE PROGRAMME 104 « IntÉgration et accÈs À LA NATIONALITÉ FRANçAISE »
Ce programme comprend quatre actions qui concourent à l’intégration des étrangers en situation régulière. Pour 2025, les crédits du programme s’élèvent à 369,41 millions d’euros en AE et 366,42 millions en CP, soit une baisse respectivement de 14,37 % et de 15,05 % par rapport à la LFI pour 2024.
éVOLUTION DES Crédits du programme 104
(en millions d’euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
|||
Numéro et intitulé de l’action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
11 – Accueil des étrangers primo‑arrivants |
245,99 |
245,99 |
268,37 |
268,37 |
+ 9,09 % |
+ 9,09 % |
12 – Intégration des étrangers primo-arrivants |
174,55 |
174,55 |
98,33 |
95,40 |
- 43,73 % |
-45,41 % |
14 – Accès à la nationalité française |
1,36 |
1,31 |
1,36 |
1,31 |
- |
- |
16 – Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants |
9,3 |
9,3 |
1,34 |
1,34 |
- 85,55 % |
- 85,55 % |
Total |
431,41 |
431,36 |
369,41 |
366,42 |
-14,37 % |
-15,05 % |
Source : projet annuel de performances pour 2024.
1. L’action n° 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants »
Cette action finance l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), opérateur public qui contribue aux missions de la DGEF, ainsi que ses dépenses d’intervention. L’OFII est notamment chargé de la gestion des flux d’entrées et de sortie dans le nouveau dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile, du pilotage du premier accueil des demandeurs d’asile et de la gestion de l’ADA. L’OFII est également chargé de l’intégration des étrangers en situation régulière. Cet accueil se matérialise pour l’étranger par la signature d’un contrat d’intégration républicaine (CIR). Enfin, l’OFII assure des missions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France au titre de l’immigration professionnelle et familiale, à la lutte contre l’immigration irrégulière avec l’intervention de médiateurs sociaux dans les centres de rétention administrative, à l’aide au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière ainsi qu’à leur réinsertion dans leur pays d’origine.
Pour 2025, la subvention pour charges de service public versée à l’OFII s’élève à 242 millions d’euros, soit une hausse de 22 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent. Cette augmentation s’explique par le niveau élevé de fonds européens perçus par l’opérateur en 2024, qui avait alors conduit à une baisse du niveau de financement de l’opérateur en crédits nationaux.
Les effectifs de l’OFII sont en baisse, avec un schéma d’emplois de -29 ETPT en 2025. 5 ETPT sont par ailleurs transférés au programme 216 (conduite et pilotage des politiques de l’intérieur), compte tenu du transfert de la compétence en matière d’amendes administratives pour les employeurs ayant recours à des travailleurs non autorisés à travailler, de l’OFII vers le ministère de l’intérieur (DGEF), prévu par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
2. L’action n° 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants »
Cette action vise à faciliter l’intégration des étrangers durant les années qui suivent leur admission à séjourner durablement sur le territoire français. Elle regroupe l’ensemble des crédits destinés à l’intégration des étrangers primo‑arrivants et permet de rendre compte de l’ensemble des efforts consentis en faveur de l’intégration des étrangers, quel que soit le motif de leur admission au séjour.
Après une hausse de 37 % en 2022, de 70,4 % en 2023, et de 28,9 % en 2024, les crédits dédiés à cette action connaissent une diminution avec une baisse de 45,41 % en CP.
3. L’action n° 14 « Accès à la nationalité française »
L’action n° 14 finance le fonctionnement courant de la sous-direction de l’accès à la nationalité française (SDNAF) du ministère de l’intérieur, localisée à Rezé (Loire-Atlantique), notamment l’entretien des locaux et les fournitures documentaires à destination des préfectures en lien avec la procédure de naturalisation (dossiers remis lors des cérémonies d’accueil, livrets de citoyenneté).
Pour 2025, les AE s’élèvent à 1,36 million d’euros et les CP à 1,31 million d’euros, soit le même niveau qu’en loi de finances pour 2024.
Votre rapporteure rappelle que 61 640 personnes sont devenues françaises en 2023 ([1]).
4. L’action n° 16 « Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants »
Cette action finance l’accompagnement de la rénovation et de la modernisation des foyers de travailleurs migrants (FTM) dans le but de leur permettre d’accéder à un logement individuel, autonome et conforme aux standards actuels.
Les AE et les CP prévus pour cette action s’élèvent, pour 2025, à 1,34 million d’euros, ce qui représente une baisse de 85,55 % par rapport à la LFI pour 2024. Cette baisse s’explique par le transfert à hauteur de 5,6 millions d’euros des crédits de ce programme vers le programme 177 « hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « cohésion des territoires ». Ce transfert résulte d’une simplification de l’organisation administrative décidée en 2024 par la DGEF et la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), afin de consolider le rattachement de la commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (CILPI) à cette dernière.
II. la priorisation du placement en rÉtention administrative des Étrangers À l’origine de troubles À l’ordre public
D’après Eurostat et, selon les années, la France est le pays qui procède au plus d’éloignements forcés de l’Union européenne : 11 409 éloignements forcés ont été réalisés en 2022 et 18 915 en 2019, dernière année pré-pandémie, selon les chiffres cités par la Cour des comptes dans son rapport de janvier 2024.
Il est néanmoins possible d’accroître encore ce nombre, et c’est en ce sens que votre rapporteure a fait le choix, dans le cadre de cet avis budgétaire, de s’intéresser à la pertinente politique de priorisation du placement en rétention administrative des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public.
La rétention administrative constitue en effet un dispositif indispensable à une politique efficace d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Prévue par l’article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle permet de maintenir dans un lieu fermé un étranger qui fait l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente de l’exécution de cette mesure. Le placement en rétention est en outre subordonné à la condition que l’étranger ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite.
En 2023, 40 056 personnes ont fait l’objet d’une mesure de rétention. Ce chiffre s’élève à 15 120 personnes au premier semestre de l’année 2024. Le parc de rétention administrative comporte désormais 27 centres de rétention administrative (CRA) depuis la mise en service d’un nouveau centre en février 2024 à Olivet (Loiret).
Le placement en rétention administrative peut ainsi concerner tout étranger en situation irrégulière, faisant l’objet d’une mesure d’éloignement forcé et ne présentant pas de garanties de représentation suffisantes. Toutefois, le dispositif a été recentré depuis 2020 sur les individus susceptibles de constituer une menace grave à l’ordre public, conformément à une circulaire du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 3 août 2022 prévoyant leur placement prioritaire en rétention administrative. Le ministère de l’intérieur estime ainsi que les individus constituant une menace grave à l’ordre public représentent désormais environ 85 % des retenus.
Fermement convaincue que l’éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace pour l’ordre public doit constituer une priorité de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière, votre rapporteure a choisi d’en dresser, dans le cadre de cet avis, un premier bilan.
Tout en soutenant le ciblage de la rétention sur ces profils les plus dangereux, votre rapporteure identifie des pistes d’amélioration afin d’adapter le cadre de la rétention à la prise en charge de ce nouveau public.
1. Un recours en hausse à la rétention administrative, nécessaire pour faire face aux obstacles à l’exécution des décisions d’éloignement
a. Le régime juridique de la rétention
La rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé un étranger qui fait l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente de son renvoi forcé.
Le placement d’un étranger en rétention est, en premier lieu, subordonné à l’existence d’une mesure d’éloignement forcé et exécutoire prise à son encontre ([2]).
Depuis 2016, le placement en rétention d’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement forcé est, en second lieu, conditionné au fait qu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ou, depuis les modifications apportées par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 portée par Gérald Darmanin pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qu’il représente une menace pour l’ordre public.
Cet encadrement répond notamment aux exigences de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour ». Celle-ci prévoit que la rétention administrative ne doit être mise en œuvre que lorsque le recours à d’autres mesures moins coercitives ne permet pas de prévenir le risque de fuite.
C’est pourquoi, l’assignation à résidence doit en principe être préférée à la rétention, cette dernière n’étant ainsi justifiée que si l’assignation n’est pas suffisante pour prévenir le risque de fuite.
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile (CESEDA) fixe huit situations où le risque de fuite est en principe établi « sauf circonstances particulières ». Il s’agit notamment du cas où l’étranger est entré ou s’est maintenu irrégulièrement en France, a déclaré ne pas vouloir se conformer à une obligation de quitter le territoire français, s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement, fait l’objet d’une décision d’éloignement prise par un autre État européen, a effectué une fraude au séjour ou ne présente pas de garanties de représentations suffisantes car il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation, a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographies, qu’il ne dispose pas de résidence effective et permanente.
La décision de placement en CRA relève de l’autorité préfectorale, elle ne peut toutefois pas être prolongée sans l’intervention du juge judiciaire.
En effet, la rétention constitue une atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution, justifiant qu’elle soit encadrée et placée sous le contrôle du juge judiciaire. Son principe a ainsi été admis par le Conseil constitutionnel sous réserve de l’entourer de garanties suffisantes, et notamment de prévoir l’intervention du juge « dans le plus court délai possible » ([3]).
La directive « retour » fixe une durée maximale de rétention de six mois, sauf en l’absence de coopération de la part de l’étranger ou du pays d’origine pour la délivrance des documents de voyage, permettant de porter la durée de rétention à dix-huit mois.
La durée maximale de rétention et les modalités de sa prolongation par le juge judiciaire ont été modifiées à 18 reprises par le législateur français depuis 1980.
Initialement prévue pour une durée de 7 jours en 1980, la durée maximale de rétention a été portée à 90 jours par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. En outre, une durée maximale dérogatoire de 210 jours est prévue pour les individus liés à des activités à caractère terroriste ([4]) .
La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration n’a pas modifié la durée totale maximale de rétention de 90 jours mais a porté à quatre jours, au lieu de deux précédemment, la durée initiale du placement en rétention, avant saisine du juge.
La prolongation de la rétention peut être décidée par le juge judiciaire selon une procédure complexe, qui peut l’amener à statuer à quatre reprises sur les demandes successives de prolongation. En outre, les motifs permettant la prolongation diffèrent selon le stade de la procédure.
Lors de la première saisine ([5]), le juge apprécie par une même décision et lors d’une audience unique la légalité de l’arrêté de placement en rétention et la demande de prolongation au-delà du délai de 96 heures. Il s’assure notamment de la motivation de la décision de placement, de sa nécessité au regard des perspectives d’éloignement à brève échéance et des risques de fuite ainsi que de sa proportionnalité au regard de l’existence de moyens moins coercitifs, telle l’assignation à résidence, pouvant être utilisés ([6]) .
Le législateur ne fixe pas de motifs légaux justifiant un maintien en rétention pour une période de 26 jours après le placement initial de 96 heures ([7]).
En revanche, au-delà de 30 jours de rétention, la prolongation ne peut avoir lieu que pour des motifs précis et encadrés :
– en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
– lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
– lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ou de l'absence de moyens de transport.
Au terme d’un délai de 60 jours, ce n’est qu’à titre exceptionnel, que le juge peut prolonger la rétention pour une durée de 15 jours, renouvelable une fois, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours précédant sa saisine ([8]) :
– l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
– il a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement une de demande de protection contre l’expulsion en raison de son état de santé ou une demande d’asile ;
– la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
b. Un recours accru à la rétention pour faire face aux obstacles à l’exécution des mesures d’éloignement
Le placement en CRA apparaît comme le moyen le plus efficace pour exécuter les décisions de retour. Il permet en effet de faire face aux obstacles souvent rencontrés dans la mise en œuvre des décisions d’éloignement. Ces difficultés sont bien connues, elles tiennent notamment aux problèmes d’identification de l’étranger ou encore aux délais d’obtention de laissez-passer consulaires.
En outre, la Cour des comptes estime à 1,5 % la part de personnes sous OQTF qui quittent volontairement le territoire ([9]) , ce qui démontre que la mise en œuvre de mesures de contrainte est indispensable.
Ainsi, en maintenant l’étranger objet d’une mesure d’éloignement forcé dans un lieu fermé, l’autorité administrative peut prévenir le risque de fuite et engager la procédure d’identification, ou le cas échéant la poursuivre, et engager les démarches auprès du pays de renvoi pour obtenir les documents de voyage.
Cela permet par ailleurs d’engager les poursuites pénales prévues par le CESEDA en cas de manque de coopération de l’étranger ([10]) .
Le taux d’éloignement depuis les CRA était de 40,58 % au premier semestre 2024, représentant un peu moins d’un retenu sur deux effectivement éloigné. Ce taux qui était de 43 % en 2022 avait connu une baisse importante en 2023, où il s’élevait à seulement 35 %.
Toutefois, plus de la moitié du total des éloignements forcés réalisés au premier semestre 2024 ont été réalisés depuis un centre de rétention administrative ([11]) . Cette proportion est stable sur les trois dernières années ce qui démontre que les CRA demeurent des outils indispensables à la politique d’éloignement.
Dans ce contexte, l’augmentation du nombre de places en CRA constitue une priorité. Entre 2017 et 2022, la première phase du « plan CRA » a permis un fort accroissement de la capacité immobilière de rétention, via l’augmentation des capacités des CRA existants et la construction de nouveaux centres.
Au premier semestre 2024, le parc des centres de rétention administrative est constitué de 27 CRA, dont 23 situés dans l’Hexagone et 4 dans les départements ultramarins, représentant désormais une capacité immobilière de 1 959 places dans l’Hexagone et 229 outre-mer, soit 2 188 places au total. Il faut également y ajouter les 31 locaux de rétention administrative (LRA), représentant une capacité de 180 places.
Conformément à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI), un objectif de 3 000 places a été fixé à l'horizon 2027. Un effort est également prévu s’agissant des LRA. Les directives du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer du 3 août 2022 ont ainsi fixé un objectif d’augmentation d’un tiers des capacités de rétention en LRA afin d’atteindre 300 places.
Malgré l’augmentation de ces capacités de rétention, le dispositif apparaît encore sous dimensionné au regard des besoins. Après l’ouverture du nouveau CRA de Lyon 2 (140 places) en 2022, d’Olivet (90 places) en février 2024 et l’extension du CRA de Perpignan (12 places) en 2023, l’ouverture du prochain CRA est celui de Bordeaux en mars 2026, qui aura une capacité de 140 places. L’objectif de 3 000 places en 2027 est donc très élevé. La baisse de 42 % en autorisations d’engagement des crédits de de la mission « Immigration, asile et intégration » liés à la lutte contre l’immigration irrégulière dans le projet de loi de finances pour l’année 2025 compliquerait l’atteinte de ce dernier.
Votre rapporteure regrette tout particulièrement le retard pris dans le développement des capacités de rétention. Cela est d’autant plus dommageable que la capacité visée de 3 000 places est en elle-même insuffisante au regard des besoins constatés. Ainsi, sur l’année 2023, ce sont 2 967 refus d’admission en CRA qui ont été prononcés pour le motif d’une capacité d’hébergement insuffisante ([12]) .
En outre, comme le soulignait déjà le rapport de la Cour des comptes de janvier 2024, la capacité totale réelle d’accueil des CRA est inférieure à la capacité théorique en raison de la neutralisation de places liées au manque d’effectifs ou à la réalisation de travaux.
Au premier semestre 2024, dans l’Hexagone, la capacité réelle d’accueil s’élevait ainsi à 1650 places sur les 1959 existantes ([13]) .
2. Un ciblage opportun de la rétention sur les étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public depuis 2022
a. L’éloignement des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public constitue un objectif central de la politique d’éloignement, concrétisé par leur placement prioritaire en CRA depuis 2022
Les mesures d’éloignement ne visent pas systématiquement des étrangers dont le comportement constitue une menace à l’ordre public. Ainsi, la mesure la plus courante d’éloignement, l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), vise avant tout à mettre fin à une entrée ou au maintien irrégulier sur le territoire. L’atteinte à l’ordre public ne constitue qu’un des sept motifs permettant à l’administration de prononcer une OQTF lorsque l’étranger séjourne irrégulièrement depuis moins de trois mois sur le territoire. En 2022, sur les 129 681 OQTF prononcées à l’encontre des ressortissants issus de pays tiers, 9 837 l’ont été sur ce motif ([14]) .
L’expulsion vise elle spécifiquement à éloigner l’étranger représentant une menace grave à l’ordre public ([15]) . Elle peut concerner un étranger même s’il séjourne régulièrement en France et même s’il n’a pas fait l’objet d’une condamnation pénale. Cette décision, qui résulte d’un arrêté pris, selon les cas, par le ministre de l’intérieur ou, le préfet demeure toutefois rare et exige un seuil de gravité de la menace supérieur au seul trouble à l’ordre public justifiant une OQTF. Ainsi, en 2023, 530 mesures d’expulsion ont été prononcées.
L’éloignement des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public constitue toutefois une priorité de la politique d’éloignement. Elle figure ainsi en première position parmi les sept objectifs prioritaires de la politique d’éloignement définis par la circulaire du ministre de l’intérieur du 20 novembre 2017. Cet objectif a été régulièrement réaffirmé, tout particulièrement depuis l’instruction du ministre de l’intérieur du 29 septembre 2020 relative à l’éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public.
La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a également fait évoluer le régime juridique des mesures d’éloignement afin de favoriser l’éloignement des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public. Elle a notamment permis de faciliter la levée des protections existantes contre les OQTF et les expulsions ([16]) .
Selon les données transmises par le ministère de l’intérieur, sur la base d’une enquête effectuée auprès des préfectures, au 31 août 2024, 2021 mesures d’éloignement (1 791 OQTF et 230 expulsions) ont pu être prononcées et parmi elles, 83 exécutées grâce à la levée des protections et aux assouplissements apportés par la loi du 26 janvier 2024.
Afin de favoriser l’éloignement des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public, une circulaire du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 3 août 2022 ([17]) prévoit leur placement prioritaire en rétention administrative « y compris lorsque l’éloignabilité ne paraît pas acquise au jour de la levée d’écrou ou de l’interpellation ». La circulaire dispose que, « en cas de manque de places disponibles, il convient de libérer systématiquement les places occupées par les étrangers en situation irrégulière sans antécédents judiciaires non éloignables et de les assigner à résidence. »
Cette instruction a été immédiatement suivie d’effets. Ainsi, alors que la part des étrangers constituant une menace à l’ordre public en CRA était de 7,4 % sur l’année 2021, elle s’élevait à 85,8 % au premier semestre 2024 ([18]) .
En outre, la loi du 24 janvier 2024 a également renforcé les possibilités de placement en centres de rétention administrative des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public.
D’une part, elle insère dans l’article L. 741-1 du CESEDA la menace à l’ordre public comme l’un des motifs permettant le placement en rétention administrative. Elle prévoit également la possibilité de prolonger la rétention après le délai de trente jours en cas de « menace pour l’ordre public », en supprimant la nuance de « gravité » de la menace, et intègre la menace à l’ordre public comme un motif de prolongation exceptionnelle au-delà de 60 jours ([19]) .
D’autre part, elle a élargi la possibilité de placer en rétention des demandeurs d’asile lorsque qu’ils représentent une menace à l’ordre public ([20]) .
Le recours à la rétention est également facilité par l’allongement de la durée pendant laquelle l’OQTF conserve son caractère exécutoire ([21]) – permettant en conséquence le placement en rétention - et la réduction à 48 heures au lieu de sept jours du délai nécessaire entre deux placements en rétention en raison de circonstances nouvelles de fait ou de droit ([22]) .
b. Un changement de public qui affecte les conditions de prise en charge en rétention
La priorisation du placement en rétention administrative des étrangers à l’origine de trouble à l’ordre public a profondément modifié la physionomie de la rétention administrative dont la vocation n’était pas originellement d’accueillir un public présentant un niveau élevé de dangerosité.
Il en résulte comme le relève la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) « une augmentation de la part des retenus sortant de prison ou de garde à vue, dont il est désormais presque systématiquement indiqué au CGLPL, lors de ses visites, qu’elle « change l’ambiance de la rétention » et est à l’origine d’une nette augmentation des violences et incidents graves » ([23]) .
Si la part des sortants de prison ne présente qu’une partie des étrangers identifiés comme susceptibles de causer un trouble à l’ordre public, les données du ministère de l’Intérieur indiquent bien une augmentation des incidents constatés dans les CRA, envers les effectifs de la police nationale et entre les retenus eux-mêmes, depuis la mise en place de la priorisation des étrangers constituant une menace à l’ordre public. Ainsi, le nombre d’incidents signalés a augmenté de 61 % entre 2021 et 2023 pour s’élever à 1 430 incidents constatés cette année-là.
Ces incidents traduisent en partie l’inadaptation des locaux de rétention administrative qui sont, notamment pour les plus anciens, peu sécurisés.
Les conditions matérielles de la rétention
Le CESEDA impose des normes générales relatives à l’accueil des retenus en CRA notamment ([24]) :
- Des chambres collectives non mixtes, contenant au maximum six personnes ;
- Des équipements sanitaires, comprenant des lavabos, douches et cabinets d'aisance, en libre accès et en nombre suffisant, soit un bloc sanitaire pour dix retenus ;
- Un téléphone en libre accès pour cinquante retenus ;
- Au-delà de quarante personnes retenues, une salle de loisirs et de détente distincte du réfectoire ;
- Un local permettant de recevoir les visites des familles et des autorités consulaires ;
- Un local réservé aux avocats ;
- Un espace de promenade à l'air libre.
Le nombre maximum de retenus par CRA est fixé à 140 personnes.
En outre, la personne retenue dispose d’un droit à l’information dans une langue qu’elle comprend, de l’ensemble des droits dont elle est titulaire, et en particulier des droits de la défense. Ainsi, elle est informée qu’elle peut demander, pendant toute la période de rétention, l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin. Elle doit également être mise en mesure d’accéder à un avocat en permanence.
Des conventions sont conclues entre l’administration et des associations présentes au sein des centres de rétention. Ces associations apportent une aide juridique et sociale aux personnes retenues.
En vertu de l’article R. 744-19 du CESEDA, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) fournit également une assistance aux personnes retenues en matière d’accueil, d’information, de soutien psychologique et d’aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ, qui portent notamment sur la récupération des bagages des personnes retenues, la réalisation de formalités administratives, l’achat de produits de vie courante. 48,85 ETP de l’OFII sont aujourd’hui dédiés à ces missions en CRA ([25]) .
Le manque de sécurité pèse sur les conditions de travail des agents de la police aux frontières et des intervenants extérieurs mais aussi sur la prise en charge des retenus.
L’association La Cimade souligne que « les nouveaux fonctionnements imposés par les directions des CRA ne permettent pas d’accéder librement aux bureaux de l’association » ([26]) . Des difficultés sont également signalées par l’OFII dont l’intervention des agents auprès des retenus est désormais souvent conditionnée à la présence conjointe de policiers. Or, le manque d’effectifs de police ne permet pas toujours à ces agents l’accès aux retenus pour effectuer leur mission ([27]) .
La priorisation des profils à l’origine de troubles à l’ordre public soulève également des difficultés au regard de l’allongement de la durée moyenne de rétention qu’elle induit. En effet, ces profils sont placés en CRA au regard de la menace à l’ordre public qu’ils représentent sans que leur « éloignabilité » ne soit acquise au jour de leur placement, ce qui nécessite une durée plus importante pour réaliser leur retour. Ainsi, la durée moyenne de rétention connaît une augmentation continue ces dernières années, de 16,6 jours en 2019, elle s’élevait à 25,77 jours en 2022, 29,89 jours en 2023 et à 32,54 jours au premier semestre 2024 ([28]) .
L’augmentation de la durée de rétention constitue « la principale difficulté due à la priorisation d’un certain public » selon La Cimade. Outre, l’impact de l’enfermement sur les droits fondamentaux des personnes, les centres de rétention n’ont pas été conçus, à l’instar des établissements pénitentiaires, pour accueillir les personnes sur une longue durée. Les équipements et les activités à disposition des retenus sont réduits, ce qui peut augmenter les tensions. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté estime que « Le quotidien en centre de rétention administrative est marqué par un ennui profond, générateur d’oisiveté et de tensions. Il est exceptionnel de voir organisées des activités collectives, et les rares équipements mis à disposition aux fins de distraction sont souvent dégradés ou incomplets » ([29]) .
B. La priorisation des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public appelle des adaptations du dispositif de rétention administrative
Au regard des changements profonds que la priorisation des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public induit pour leur prise en charge en rétention et dès lors que la menace à l’ordre public constitue depuis la loi du 26 janvier 2024 l’un des motifs justifiant le placement, votre rapporteure estime indispensable d’adapter le cadre de la rétention à la prise en charge de ce nouveau public.
1. Un travail d’anticipation indispensable pour les sortants de prison
a. Les difficultés propres à l’éloignement des sortants de prison
Votre rapporteure souhaite souligner que le placement en CRA des étrangers sortants de prison, doit être évité autant que possible, en privilégiant l’organisation de leur départ pendant leur détention et en procédant ainsi à leur éloignement dès leur levée d’écrou.
En effet, comme cela a été indiqué précédemment, les centres de rétention ne sont pas adaptés à la prise en charge des profils les plus dangereux et notamment des auteurs d’actes criminels. En outre, le coût d’une journée en centre de rétention administrative a été estimé par la Cour des comptes à 602 € par jour en 2022, en prenant en compte les dépenses de fonctionnement et d’investissement ainsi que la masse salariale des policiers affectés dans les centres de rétention. En ne retenant que les coûts salariaux, la Cour des comptes estime que le coût d’une journée de rétention s’élève à 410 € en moyenne, ce qui demeure sensiblement plus élevé que les coûts salariaux pour un détenu en prison, estimés à 134 € par jour par la direction de l’administration pénitentiaire en 2020 ([30]). Cela constitue également un élément important en faveur d’une plus grande utilisation du temps de la détention pour organiser l’éloignement des étrangers dangereux.
Les sortants de prison représentent 25,6 % des étrangers admis en CRA au premier semestre 2024, dans l’Hexagone ([31]) . Les outils statistiques dont dispose l’administration ne permettent toutefois pas de connaître le nombre de sortants de prison éloignés dès leur levée d’écrou.
L’objectif est de mettre à profit le temps de l'incarcération afin de prononcer les mesures d’éloignement, de purger les contentieux pendants devant les juridictions administratives, d'identifier les étrangers concernés et d'obtenir, avant leur libération, les documents de voyage nécessaires à leur éloignement effectif du territoire.
Votre rapporteure n’ignore toutefois pas les difficultés tenant à l’éloignement des étrangers sortants de prison. En premier lieu, par définition, une peine de prison fait obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement dès lors que l’étranger doit exécuter sa peine sur le territoire national. En deuxième lieu, il est parfois difficile d’anticiper la date de sortie des détenus en raison notamment des mécanismes de remise ou d’aménagement de peine.
Or, le Ministère de l’intérieur ne peut anticiper trop amont l’éloignement des étrangers détenus au risque de voir la validité de la mesure d’éloignement remise en cause au jour de son exécution ([32]). Cela nécessite donc une coopération particulièrement fine entre les magistrats, l’administration pénitentiaire et le ministère de l’intérieur pour suivre la situation des étrangers détenus dont l’éloignement est envisagé.
La circulaire du 16 août 2019, co-signée par le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice et le ministre de l’Action et des Comptes publics, relative à l’amélioration de la coordination du suivi des étrangers incarcérés faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, a actualisé le protocole-cadre pour définir les dispositifs de transmission d’information pour les sortants de prison.
À cette fin, des procédures de communication entre les établissements pénitentiaires, les services territoriaux du ministère de l’Intérieur (préfectures, services de la police nationale et de la gendarmerie nationale) et les autorités judiciaires ont été mises en place, par voie dématérialisée à l’aide notamment de messageries fonctionnelles dédiées, accessibles à toutes les personnes du service concerné.
b. Les voies d’amélioration existantes
Afin de favoriser les éloignements des sortants de prison dès la levée d’écrou, il apparaît nécessaire de renforcer la coopération entre le ministère de l’intérieur et le ministère de la Justice. Malgré la signature de protocoles dans chaque département par le préfet et l’administration pénitentiaire, la Cour des comptes relevait que « l’ensemble des parties prenantes pointent encore certaines difficultés de coordination » ([33]), quant à l’anticipation des dates de sorties ou de l’information sur les mesures d’éloignement visant les étrangers détenus. La mise en place d’applicatifs dédiés à l’échange d’informations entre les différentes administrations pourrait ainsi permettre de fluidifier cette coopération.
Recommandation n° 1 : renforcer la transmission d’informations entre les services du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Justice, au besoin via la mise en place d’applicatifs dédiés ou via l’accélération de l’interconnexion des systèmes d’information.
En outre, les procédures dites de « libération expulsion » pourraient être davantage mobilisées ([34]) . La libération conditionnelle dite « expulsion » est un dispositif particulier qui prévoit la libération anticipée des étrangers condamnés faisant l’objet de certaines mesures d’éloignement ([35]) en la subordonnant à l’exécution de cette mesure. Cette procédure demeure peu utilisée et pourrait être davantage utilisée pour anticiper l’éloignement des étrangers les plus dangereux.
Recommandation n° 2 : accroitre le recours à la procédure dite de « libération expulsion ».
Ces propositions doivent nécessairement s’accompagner d’un travail de coopération avec les pays d’origine des détenus – dont les enjeux dépassent le cadre de cet avis – dès lors que l’absence de reconnaissance de la nationalité ou de délivrance de laissez-passer consulaires dans les délais utiles constituent les principales difficultés à la mise en œuvre des mesures d’éloignement selon le Ministère de l’Intérieur.
En parallèle de cette question, votre rapporteure souhaite ouvrir le débat sur les perspectives à envisager pour les étrangers en situation irrégulière se maintenant sur le territoire français mais ne présentant pas de troubles à l’ordre public. Ainsi, pour ces profils, l’assouplissement des critères d’éligibilité à une aide au retour volontaire – aide visant à encourager le départ d’une personne étrangère en situation irrégulière de manière non coercitive, en lui versant une somme d’argent – solution nettement moins coûteuse qu’un éloignement forcé, pourrait être une réponse envisagée.
Accentuer les encouragements au départ des personnes étrangères en situation irrégulière se maintenant sur le territoire français mais ne constituant pas de menaces à l’ordre public de manière non coercitive, solution nettement moins coûteuse qu’un éloignement forcé, permettrait de renforcer les moyens sur les éloignements forcés des étrangers en situation irrégulière se maintenant sur le territoire français à l’origine de troubles à l’ordre public.
2. Une adaptation inachevée du cadre juridique régissant la rétention administrative à la prise en charge des étrangers constituant une menace à l’ordre public
a. Un régime d’intervention du juge judiciaire particulièrement complexe
Les modalités d’intervention du juge judiciaire sur le contrôle du placement et de la prolongation de la rétention sont particulièrement complexes. Le séquençage de son intervention, issue des différentes réformes législatives ayant allongé la durée de rétention, conduit à ce qu’il puisse statuer quatre fois sur la rétention d’une même personne, chacune de ses interventions étant de surcroît susceptibles d’appel. La récurrence de ces interventions conduit à une saturation des juridictions qui doivent statuer dans des délais particulièrement courts. Cela nécessite également un travail de suivi particulièrement fin de la part du parquet et des autorités préfectorales pour identifier les retenus dont le profil justifie l’appel d’une décision de remise en liberté.
L’appel contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention doivent s’exercer dans un délai de vingt-quatre heures de leur prononcé devant le premier président de la cour d’appel ou un magistrat délégué ([36]) . Celui-ci dispose alors d’un délai de 48 heures pour statuer à peine de dessaisissement, ce qui entraîne alors la libération du retenu.
En principe, ce recours n’est pas suspensif. Toutefois, en application de l’article L. 743-22 du CESEDA, le ministère public peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif lorsqu’il lui apparaît que l’intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives, ou en cas de menace grave pour l’ordre public. Depuis la loi du 26 janvier 2024, cette demande peut désormais être formée à tout moment dans le délai d’appel ([37]) .
En outre, l’article L. 743-22 du CESEDA prévoit le caractère automatiquement suspensif de l’appel formé par le procureur de la République ou le préfet, contre une décision mettant fin à la rétention lorsque l’intéressé a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou s’il fait l’objet d’une mesure d’éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
En revanche, en dehors de cette dernière hypothèse, l’appel formé par le préfet ne peut pas revêtir de caractère suspensif. Cette faculté serait pourtant particulièrement utile aux autorités préfectorales qui, en l’absence de condamnation pénale, sont souvent les plus à même de disposer d’informations sur la dangerosité du retenu. De surcroît, l’appel suspensif demeure peu utilisé par les magistrats du parquet.
Il apparaîtrait ainsi pertinent d’élargir les cas permettant au préfet de demander au magistrat du siège de rendre son appel suspensif.
Recommandation n° 3 : permettre au préfet de demander au magistrat du siège de rendre son appel suspensif à l’encontre d’une décision mettant fin à la rétention d’un étranger.
b. Une prise en compte encore insuffisante de la menace à l’ordre public dans les motifs de prolongation
La loi du 26 janvier 2024 a intégré la menace à l’ordre public comme un motif permettant la prolongation de la rétention au-delà de 60 jours de rétention, sans toutefois modifier l’économie générale des modalités de contrôle du juge judiciaire.
Il en résulte des textes dont l’interprétation est ambiguë et l’application difficile. En effet, les « situations » permettant les deux dernières prolongations de la rétention à titre exceptionnel au-delà de 60 jours doivent en principe être apparues dans les quinze derniers jours de la rétention.
Or, une telle condition n’est pas adaptée à la prise en compte de la menace que peut représenter l’étranger retenu. En effet, la circonstance qu’il n’ait causé de troubles à l’ordre public dans les 15 derniers jours de sa rétention ne peut suffire à caractériser son absence de dangerosité.
Il apparaît ainsi nécessaire de revoir les motifs permettant les deux dernières prolongations pour mieux en prendre en compte la menace à l’ordre public et permettre le prolongement de la rétention pour les profils les plus dangereux jusqu’à 90 jours.
Recommandation n° 4 : revoir les motifs permettant les deux dernières prolongations de la rétention pour mieux en prendre en compte la menace à l’ordre public.
En outre, si la notion de menace à l’ordre public n’est pas définie dans la loi et permet, sous le contrôle du juge, de conférer une marge d’interprétation aux autorités administratives, il pourrait être pertinent d’harmoniser les pratiques des préfectures sur la catégorisation des étrangers susceptibles d’être qualifiés comme tels, afin d’assurer la priorisation de l’édiction des mesures d’éloignement et du placement en CRA sur les profils les plus dangereux.
Recommandation n° 5 : harmoniser les pratiques des préfectures sur la catégorisation des étrangers susceptibles de constituer une menace à l’ordre public, afin d’assurer la priorisation de l’édiction des mesures d’éloignement et du placement en rétention des profils les plus dangereux.
3. Une poursuite indispensable du développement des CRA, qui doit être accompagné d’une réflexion sur la conception des lieux de rétention et la formation des policiers.
a. La hausse du nombre de places en CRA doit être poursuivie
Le nombre de places en CRA a connu une augmentation importante ces dernières années, qui ne permet toutefois pas encore de répondre aux besoins. Comme cela a été indiqué précédemment, de nombreux placements en CRA ne sont pas effectués, faute de places disponibles.
La tension sur le parc de rétention risque de s’accroître au cours des prochaines années en raison de l’augmentation de la durée moyenne des placements liée au changement de public. Elle sera encore renforcée si le Législateur décide d’augmenter la durée maximale de rétention.
C’est pourquoi, votre rapporteure réitère ses inquiétudes quant à l’insuffisance des moyens budgétaires pour atteindre l’objectif de 3 000 places ouvertes en 2027.
De surcroît, la création de nouveaux centres de rétention administrative doit permettre d’améliorer le maillage territorial. En effet, les distances importantes entre les CRA et les établissements pénitentiaires ou les aéroports nécessitent de mobiliser des escortes et demandent des ressources humaines plus importantes.
Recommandation n° 6 : poursuivre la création de nouveaux centres de rétention administrative en assurant un maillage territorial adéquat.
Enfin, en l’absence de possibilité de placement en centres de rétention, le recours à l’assignation à résidence doit être favorisé. Celle-ci peut être prononcée soit par le juge des libertés et de la détention en substitution du maintien en rétention ([38]) , soit par l’autorité préfectorale ([39]) . La circulaire du 3 août 2022 déjà mentionnée, soulignait que l’assignation à résidence était « trop peu exploitée aujourd’hui ».
Recommandation n° 7 : accroître l’assignation à résidence des étrangers pour lesquels le placement en centres de rétention n’est pas possible.
b. La conception des lieux de rétention et la formation des policiers doivent être améliorées
La conception des nouveaux CRA doit s’adapter au changement de public accueilli dans ces centres en garantissant la sécurité des personnels et des personnes retenues.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, tout comme les associations d’aide aux migrants, dénoncent en ce sens un « phénomène de carcéralisation » des centres de rétention lié au renforcement des contrôles et de la sécurisation des sites ([40]) .
Si l’augmentation des normes de sécurité semble indispensable au regard du changement de profils des retenus, votre rapporteure souligne que la construction des futurs CRA et la réhabilitation des centres existants devraient être davantage réalisées en s’appuyant sur les policiers et les intervenants qui y œuvrent.
Recommandation n° 8 : améliorer la conception des nouveaux centres de rétention en s’appuyant sur les besoins des policiers et intervenants extérieurs qui y travaillent.
En outre, le renforcement de la formation des agents de la police aux frontières qui assurent la sécurisation des CRA est indispensable. Comme le souligne la CGLPL « la majorité des fonctionnaires de police ne sont pas formés au caractère particulier de l’emploi en centre de rétention administrative et à la prise en charge des personnes retenues, notamment des techniques de désescalade et de prévention des violences. En l’absence de formation adaptée, les agents exercent une fonction de garde et de surveillance, apprise sur le tas et éloignée de leur cœur de métier. Ils se résignent alors à reproduire des pratiques – mal comprises - de l’administration pénitentiaire dont ne subsiste que l’aspect sécuritaire et dont est gommée la dimension de prise en charge et de prévention. »
Recommandation n° 9 : renforcer la formation des agents de la police aux frontières à la prise en charge du nouveau public présent dans les centres de rétention.
Le renforcement de la formation ne peut en outre être déconnecté de la nécessité d’augmenter les effectifs de la police aux frontières affectés au sein de centres de rétention.
Recommandation n° 1 : renforcer la transmission d’informations entre les services du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Justice, au besoin via la mise en place d’applicatifs dédiés ou via l’accélération de l’interconnexion des systèmes d’information
Recommandation n° 2 : accroitre le recours à la procédure dite de « libération expulsion »
Recommandation n° 3 : permettre au préfet de demander au magistrat du siège de rendre son appel suspensif à l’encontre d’une décision mettant fin à la rétention d’un étranger
Recommandation n° 4 : revoir les motifs permettant les deux dernières prolongations de la rétention pour mieux en prendre en compte la menace à l’ordre public
Recommandation n° 5 : harmoniser les pratiques des préfectures sur la catégorisation des étrangers susceptibles de constituer une menace à l’ordre public, afin d’assurer la priorisation de l’édiction des mesures d’éloignement et du placement en rétention des profils les plus dangereux.
Recommandation n° 6 : poursuivre la création de nouveaux centres de rétention administrative en assurant un maillage territorial adéquat
Recommandation n° 7 : accroître l’assignation à résidence des étrangers pour lesquels le placement en centres de rétention n’est pas possible
Recommandation n° 8 : améliorer la conception des nouveaux centres de rétention en s’appuyant sur les besoins des policiers et intervenants extérieurs qui y travaillent
Recommandation n° 9 : renforcer la formation des agents de la police aux frontières à la prise en charge du nouveau public présent dans les centres de rétention.
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I. Audition de M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
Lien vidéo : https://assnat.fr/59AbBX
Lors de sa première réunion du mardi 22 octobre, la Commission auditionne M. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, sur les crédits des missions « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration ».
M. le président Florent Boudié. Mes chers collègues, avant d’auditionner le ministre, nous devons procéder à plusieurs nominations qui ont fait l’objet de discussions au sein du bureau de la commission des lois le 9 octobre dernier. Concernant la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, je propose la nomination d’Arthur Delaporte, nouveau membre de notre commission, ainsi que la mienne. Pour la proposition de loi adoptée par le Sénat relative au renforcement de la sûreté dans les transports, je suggère celle de Guillaume Gouffier Valente. Sous réserve de sa transmission, je propose celle de notre collègue Colette Capdevielle pour la proposition de loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités. Enfin, pour la proposition de loi adoptée par le Sénat créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, je propose la nomination d’Éric Pauget. Il s’agit de la reprise d’un texte interrompu par la dissolution.
Si vous approuvez ces nominations, nous pouvons les valider sans recourir à un scrutin. Je vous indique par ailleurs que nous suspendrons la réunion lors des votes en séance, environ un quart d’heure chaque fois, plutôt que pour leur durée totale.
Monsieur le ministre, nous vous accueillons pour la deuxième fois de cette législature afin que vous nous présentiez les missions budgétaires relevant du ministère de l’Intérieur : « Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) », « Sécurités », « Immigration, asile et intégration ». Au cœur du domaine régalien, votre ministère fait partie de ceux qui mettent en œuvre les orientations définies en la matière par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Notre commission est plus particulièrement attentive à l’exécution de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), dont la loi de finances pour 2025 constituera la troisième annuité.
Je vous cède la parole pour présenter les grandes lignes de ces missions budgétaires. Ensuite, nos trois rapporteurs pour avis s’exprimeront : Madame Agnès Firmin-Le Bodo pour AGTE, Monsieur Éric Pauget pour « Sécurités » et Madame Laure Miller pour « Immigration, asile et intégration ». Un orateur de chaque groupe interviendra ensuite pendant quatre minutes. Puis, les députés qui le souhaitent vous interrogeront pendant deux minutes chacun.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur. C’est mon premier budget, ma première loi de finances, préparée dans des conditions extrêmement difficiles dans le contexte de redressement des comptes publics et extrêmement contraintes en termes de délais. Un budget ne se résume pas à des choix comptables et techniques, mais il traduit également des choix politiques. Dans le contexte actuel, avec Michel Barnier, nous assumons le choix de ne pas sacrifier les priorités notamment sécuritaires à l’urgence budgétaire.
Cela aurait été démocratiquement discutable et économiquement préjudiciable. En effet, je vous rappelle qu’il y a dans notre pays un refus d’obtempérer toutes les vingt minutes, une attaque à l’arme blanche chaque heure et un millier d’agressions signalées chaque jour. Derrière ces chiffres froids, il y a des corps brisés, des existences mutilées et des vies volées, tant parmi nos concitoyens que parmi les forces de l’ordre. Il y a une quinzaine de jours, un gendarme a été grièvement blessé suite à un refus d’obtempérer et la semaine dernière un jeune policier de 29 ans a reçu une quarantaine de plombs de chevrotine. À ceux qui risquent leur vie pour protéger celle des autres, nous devons une protection suffisante, une volonté inébranlable et donc des moyens à la hauteur.
Cette approche se justifie également d’un point de vue économique. L’insécurité a en effet un coût considérable : 1 milliard d’euros pour les émeutes de juillet 2023, selon un rapport du Sénat, et 1,8 milliard d’euros par an pour la lutte contre l’immigration illégale, d’après la Cour des comptes. De plus, l’indice d’attractivité de notre territoire a diminué en 2024 pour revenir à son niveau de 2017, notamment en raison de l’augmentation de l’insécurité. Pour restaurer l’équilibre des comptes publics, il est impératif de rétablir l’ordre dans la rue et aussi aux frontières.
Le budget du ministère de l’Intérieur est donc préservé et renforcé. Avec 24,1 milliards d’euros, dont 15,06 milliards d’euros pour les dépenses de personnel et 9,05 milliards pour le fonctionnement et l’investissement, il respecte la trajectoire financière prévue par la LOPMI. Il augmente de 752 millions d’euros par rapport à la précédente loi de finances initiale. De plus, des évolutions à la hausse interviendront également à l’initiative du Gouvernement au cours des débats parlementaires, comme l’a annoncé le Premier ministre dans les Alpes-Maritimes.
Cette augmentation se répartira en 225 millions d’euros pour la masse salariale, notamment pour respecter les engagements pris dans le cadre des protocoles sociaux pour la police et la gendarmerie nationales, et 527 millions d’euros pour le fonctionnement et l’investissement. Ces derniers seront en particulier consacrés au renforcement du numérique au sein du ministère (+162 millions d’euros) et aux dépenses immobilières (+515 millions d’euros).
Concernant la mission « Sécurités », qui englobe la police, la gendarmerie, la sécurité civile et la sécurité routière, l’augmentation s’élève à 587 millions d’euros. Les principales orientations budgétaires que j’ai retenues sont les suivantes.
Pour la masse salariale, nous respecterons les engagements pris dans le cadre des protocoles de modernisation des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales de 2022, qui avaient fait l’objet d’un accord unanime avec les organisations syndicales.
En matière immobilière, nous poursuivrons les grands projets structurants en cours, tels que l’hôtel des polices à Nice ou l’hôtel de police de Valenciennes. Nous reprendrons également l’entretien du parc domanial de la gendarmerie nationale avec de nouvelles opérations de réhabilitation, notamment pour la caserne Babylone à Paris, Chauny dans l’Aisne, le site de Saint-Astier et la poursuite du plan d’urgence pour les outre-mer.
Nous étudions par ailleurs les conditions de recours à des marchés de partenariat avec le privé pour les besoins les plus structurants de la gendarmerie nationale, comme la réhabilitation en profondeur du site de Satory, dont l’investissement est estimé à environ 600 millions d’euros. Nous menons également une réflexion approfondie sur le devenir du modèle immobilier de la gendarmerie. Ma conviction est que ce modèle s’asphyxiera rapidement si nous ne prenons pas des décisions promptes. Entre les travaux d’entretien et l’allocation due aux collectivités et aux bailleurs sociaux, ce système a permis de différer certaines dépenses, mais nous sommes désormais rattrapés par les échéances et le modèle est en train de se bloquer.
Je m’engage à respecter les engagements pris dans le cadre de la LOPMI, notamment le déploiement des 238 nouvelles brigades de gendarmerie, que nous devrons mener à bien selon un calendrier précis.
En matière numérique, il est indispensable que policiers et gendarmes disposent d’équipements modernes pour optimiser leurs interventions. Simplifier les procédures en amont libère du temps pour la présence sur le terrain. Citons les caméras piétons, les murs d’écrans, les drones, les dispositifs anti-drogue et les systèmes d’information adaptés, en tenant compte des attentes des usagers. Depuis le 15 octobre 2024, le dépôt de plainte en ligne est généralisé sur l’ensemble du territoire national. La numérisation de la procédure pénale et le système d’aide à l’enquête sont en développement, permettant de gagner un temps précieux.
Concernant la sécurité civile, nous poursuivrons l’engagement de l’État dans les pactes capacitaires, soutenant l’investissement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et la politique des moyens aériens. Nous renouvellerons la flotte d’aéronefs avec l’acquisition de 36 hélicoptères EC145 pour 100 millions d’euros en 2025 et nous renforcerons la location de moyens aériens répondant aux événements climatiques, qui sont de plus en plus violents et fréquents.
Les crédits alloués à la sécurité routière permettront d’appliquer les orientations du comité interministériel du 17 juillet 2023 : éduquer, prévenir et sanctionner. De plus, le budget de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions augmentera de 13 millions d’euros pour financer le traitement des amendes, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique (dite « loi 3DS ») autorisant les collectivités volontaires à mettre en place des contrôles automatisés.
Pour la mission AGTE, les crédits augmentent de 300 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Ils soutiendront les préfectures et les directions départementales interministérielles, avec un accent sur l’investissement immobilier (+30 millions d’euros). Deux projets majeurs débuteront : le nouveau site de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen (140 millions d’euros pour l’exercice 2025) et celui de Saint-Denis pour l’administration centrale du ministère (296 millions d’euros en 2025), regroupant 2 700 agents et réutilisant un site olympique.
Enfin, la transformation numérique reste centrale, avec l’ouverture du réseau radio du futur et un travail sur l’hébergement et la sécurisation des systèmes d’information contre les cyberattaques.
Les crédits pour l’asile, l’immigration et l’intégration diminuent de 103 millions d’euros, en raison de la baisse du nombre d’Ukrainiens accueillis (de 96 000 à 39 000 estimés fin 2025) et d’une gestion plus efficace des places d’hébergement. De nouvelles places en centres de rétention administrative seront créées. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) bénéficiera de vingt-neuf postes supplémentaires pour réduire les délais de traitement des demandes d’asile, ce qui entraînera des économies sur l’allocation pour demandeurs d’asile et l’hébergement. Enfin, le déploiement des espaces France Asile prévus par la loi du 26 janvier dernier pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration permettra également de réaliser des économies, notamment en termes de transport.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis de la mission Administration générale et territoriale de l’État. La mission AGTE revêt une importance capitale pour notre commission, mais également pour l’ensemble de l’appareil étatique, car elle finance le fonctionnement de toute l’administration territoriale, au-delà du seul ministère de l’Intérieur. Cette mission s’articule autour de trois programmes principaux.
Le programme 354, dédié à l’administration territoriale de l’État, assure la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire au moyen des préfectures et des sous-préfectures, tout en coordonnant les diverses administrations déconcentrées. Le programme 232, consacré à la vie politique, veille au bon déroulement des élections et à la transparence du financement politique. Quant au programme 216, il finance les fonctions support du ministère de l’Intérieur.
Cette mission porte également deux opérateurs : l’Agence nationale des titres sécurisés, rebaptisée France Titres, et le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Elle intègre aussi une autorité administrative indépendante : la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Nos préfectures et sous-préfectures constituent l’épine dorsale de l’action étatique dans les territoires. Elles sont le théâtre quotidien des interactions entre nos concitoyens et les services publics, ainsi qu’entre l’État et les collectivités territoriales. La décennie 2010 a été marquée par une forte diminution des moyens de l’administration territoriale, avec la suppression de plus de 4 000 emplois. On a cru à tort que la dématérialisation des procédures, bien qu’indéniablement bénéfique pour les usagers, permettrait de supprimer tout contact humain au niveau local. Au lendemain de la crise sanitaire, la nécessité de renouer le lien entre les usagers et l’État territorial s’est imposée comme une évidence et figure désormais au cœur de la stratégie gouvernementale.
Le plan « missions prioritaires des préfectures » a été déployé, de nombreuses sous-préfectures ont rouvert et le réseau préfectoral s’est doté de points d’accueil numérique pour accompagner les usagers dans leurs démarches. Les standards téléphoniques ont été réorganisés et d’autres moyens de communication se sont développés, notamment par courriel ou grâce à des agents conversationnels. Les chiffres témoignent de l’ampleur de cette transformation. En 2023, l’administration territoriale a traité 17 millions d’appels. Pour les seuls titres sécurisés, France Titres a géré 2 millions d’appels et 1,5 million de courriels au premier semestre 2024.
Le ministère de l’Intérieur trouve par ailleurs un excellent relais dans le réseau des maisons France Services, dont il est le principal contributeur. Désormais, 99 % des Français disposent d’une maison France Services à moins de trente minutes de leur domicile. Cette avancée compense largement les fermetures de guichets physiques, offrant un lieu unique pour toutes les démarches, avec un maillage plus dense et des horaires d’ouverture élargis.
La formation des agents de ces maisons France Services a été considérablement renforcée, avec un doublement de la durée de formation initiale. Les contrats ont été stabilisés : environ 60 % des agents sont fonctionnaires et moins de 15 % ont des contrats inférieurs à dix-huit mois. Il convient de souligner qu’environ un tiers des maisons sont gérées par des acteurs associatifs ou La Poste, sans oublier l’engagement des collectivités territoriales dans leur bon fonctionnement.
Le lien entre les maisons France Services et les opérateurs, identifié comme une difficulté par la Cour des comptes, s’est nettement amélioré. Une ligne directe dédiée aux agents des maisons France Services a été mise en place pour contacter les services de France Titres, par exemple. Cette ligne a reçu 50 000 appels au cours du premier semestre 2024.
Ce réinvestissement dans l’accompagnement des usagers et l’attention portée à la qualité du service rendu portent leurs fruits. Les délais d’obtention des passeports et des cartes d’identité sont revenus à la normale après deux années difficiles. Il est donc souhaitable de préserver les moyens alloués à cette mission, ce qui est le cas puisque les crédits augmentent globalement de 6,5 % pour atteindre près de 5 milliards d’euros. L’évolution des crédits de paiement et des autorisations d’engagement suit la loi de programmation, même si les montants sont légèrement inférieurs aux prévisions. L’augmentation des crédits s’explique par le dynamisme des dépenses de la mission AGTE, tant pour le personnel (plus de 40 000 agents) que pour les investissements antérieurs, comme le financement du site unique de la DGSI ou le réseau radio du futur.
Pour autant, cette mission, qui représente un poste budgétaire important, doit contribuer à la réduction du déficit. Ainsi, les autorisations d’engagement diminuent, signe d’une temporisation des projets pluriannuels. Seuls les investissements numériques continuent de croître, ce qui paraît nécessaire au vu des besoins, des économies potentielles et des risques de cyberattaque.
Hors numérique, les dépenses de fonctionnement se réduisent : -5 % pour le programme « Administration territoriale de l’État » et -19 % pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Le plafond d’emploi diminue de 355 équivalents temps plein, soit respectivement -182 et -172 pour chacun de ces deux programmes. Cette baisse, représentant 0,8 % des effectifs, doit être relativisée dans un contexte où le taux de postes vacants dépasse 3 %, atteignant plus de 10 % dans certains départements comme le Val-d’Oise, l’Aube, la Moselle ou les Alpes-Maritimes. Le schéma d’emploi demeure stable, mais cette réduction du plafond devrait permettre de stabiliser les dépenses de personnel de cette mission à partir de 2027.
Il est judicieux qu’un budget contraint n’entraîne pas l’abandon brutal des nombreux projets de réforme et de modernisation nécessaires à l’État. Les efforts demandés sont ciblés et permettront de maîtriser les dépenses sur le long terme.
Monsieur le Ministre, je profite de votre présence pour vous interroger sur deux points. Quels enseignements tirez-vous d’abord des rencontres de l’administration territoriale de l’État et comment envisagez-vous la stratégie du réseau préfectoral pour l’avenir, sachant que la mission prioritaire des préfectures s’achève en 2025 ?
Ensuite, concernant le programme 216 relatif au financement du CNAPS, de nombreuses inquiétudes s’étaient exprimées quant à notre capacité à mobiliser suffisamment d’agents pour les Jeux olympiques et à faire respecter les règles du secteur. Il s’avère que les entreprises, surtout les PME, ont répondu présentes, tout comme le CNAPS. Le nombre de cartes délivrées a augmenté de 80 % entre janvier et juin 2024 par rapport à 2023, grâce notamment aux cartes spécifiques pour les grands événements, permettant à de nombreux étudiants d’obtenir un emploi d’été. Les critères d’attribution ont été strictement respectés, avec un taux de rejet des demandes supérieur aux années précédentes. Un rétrocontrôle des cartes précédemment attribuées a été effectué avec l’aide du nouveau service d’enquête administrative, le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS). Les contrôles pendant l’événement ont été nombreux : 4 000 agents contrôlés, 95% des entreprises intervenant sur les Jeux olympiques, souvent en coopération avec la justice, l’inspection du travail et l’Urssaf au sein des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF). Quel bilan tirez-vous du recours à la sécurité privée pendant les Jeux ? Cela vous inspire-t-il des évolutions concernant ce secteur et sa place dans le continuum de sécurité ?
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis de la mission Sécurités. Je tiens d’abord à exprimer mon soutien aux policiers récemment agressés à Marseille dans ma région alors qu’ils étaient en service.
Je vous présente aujourd’hui les crédits de la mission « Sécurités » dans son ensemble, réunissant pour la première fois les crédits de la sécurité civile, de la sécurité intérieure, de la gendarmerie, de la police et de la sécurité routière. Il semble en effet pertinent de proposer une approche globale de ce continuum de sécurité.
Dans le contexte budgétaire actuel qui impose une attitude responsable et raisonnable, les crédits de cette mission augmentent, renforçant ainsi la fonction régalienne de l’État. Les financements prévus dans le PLF pour 2025 respectent la programmation budgétaire fixée par la LOPMI. Cet équilibre me semble approprié et doit être maintenu.
Les crédits de la mission « Sécurités » progressent de 587 millions d’euros, soit une hausse de 3,5 % par rapport à 2024. Dans le détail, le programme consacré ) la police nationale augmente de 3,38 %, celui de la gendarmerie nationale de 5,18 %, tandis que ceux de la sécurité routière et de la sécurité civile baissent de 23 % de 5,58 %.
Au terme des auditions que j’ai menées, je souhaite attirer l’attention de la commission sur plusieurs points. Tout d’abord, concernant la modernisation de l’assiette et des critères de répartition de la taxe sur les conventions d’assurance (TSCA) versée aux SDIS, la réflexion reste insuffisante et doit s’approfondir dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
Je déplore par ailleurs que l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants des véhicules des SDIS ne soit toujours pas effective, faute de circulaire d’application. Pouvez-vous confirmer que cette circulaire est cours de relecture et rassurer les acteurs sur l’absence d’impact sur les crédits des pactes capacitaires ?
Concernant l’exécution du budget 2024, les annulations de crédits ont placé les responsables des différents programmes dans une situation délicate. Sur le PLF pour 2025, je m’inquiète de la réduction des crédits de la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police, qui pourrait compromettre sa montée en puissance prévue par la LOPMI. Avez-vous des précisions sur ce point ?
Je constate également que, contrairement aux prévisions de la LOPMI, les schémas d’emploi de la gendarmerie et de la police sont aujourd’hui nuls. Quelles en seront les conséquences ? Le protocole de modernisation des ressources humaines de la police signé en 2022 dans le cadre de la LOPMI sera-t-il respecté ?
Enfin, je m’inquiète des crédits d’investissement insuffisants pour les différents programmes, phénomène durable souligné notamment par la Cour des comptes. Cette problématique est particulièrement criante concernant l’immobilier de la gendarmerie.
À l’heure où la location prend le pas sur l’acquisition de matériel par les acteurs de la sécurité civile, qu’il s’agisse de moyens aériens ou terrestres pour la lutte contre les incendies ou de moyens de pompage d’envergure, je m’interroge sur la vision du ministère. Quelle stratégie doit être mise en œuvre ? Convient-il de privilégier des investissements lourds pour disposer de moyens en propre, d’envisager des solutions mutualisées à l’échelle européenne ou de considérer que la location offre davantage de flexibilité ? Comment comptez-vous aborder ces questions fondamentales et structurer le dialogue avec les acteurs concernés, afin de définir une véritable stratégie sur ces enjeux de long terme ?
En ce qui concerne les technologies innovantes en matière de sécurité intérieure et civile, la présence de la Technopole de Sophia Antipolis dans ma circonscription me permet fréquemment de rencontrer des start-up et des chercheurs présentant des technologies novatrices. Je souhaitais comprendre comment se structurent les relations entre l’État, les forces de l’ordre, la sécurité civile, les acteurs de la recherche et le tissu des entreprises de sécurité. Mon objectif était également d’identifier les freins budgétaires, organisationnels et juridiques au développement et au déploiement de ces nouvelles technologies.
Face à l’étendue du sujet, j’ai choisi de me concentrer particulièrement sur l’usage des drones, la vidéosurveillance dite intelligente, la cyberdéfense et certaines innovations en matière de lutte contre les incendies, notamment la lance diphasique, qui représente potentiellement une avancée majeure pour les sapeurs-pompiers. Mon rapport évoque également des projets utilisant l’intelligence artificielle au service des victimes, notamment pour les arrêts cardiaques.
Plusieurs conclusions se dégagent de mon analyse. Premièrement, nous sommes confrontés à un enjeu d’investissement important dans les nouvelles technologies. La police nationale reconnaît notre retard par rapport à de nombreux pays comparables. Il me paraît essentiel que nous maintenions notre avance dans les domaines où la France est reconnue, comme la cybersécurité et certaines technologies de sécurité civile, en consentant les investissements nécessaires.
Deuxièmement, il est impératif de mieux structurer les relations entre les différentes parties prenantes – l’État, les chercheurs et les entreprises capables de produire des solutions – tant pour la sécurité intérieure que pour la sécurité civile.
Enfin, le principal frein, notamment en matière d’utilisation de l’intelligence artificielle, est d’ordre juridique. Il nous incombe, en tant que législateurs, d’aborder ces sujets sans faux-semblants ni postures, pour éviter d’être dépassés ou de voir certains acteurs privés, notamment les GAFAM, utiliser des technologies que nous refusons à nos forces de l’ordre.
Un sondage récent mené en juin 2024 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), l’Institut OpinionWay et le Continuum Lab révèle une large confiance des Français dans l’utilisation par les acteurs publics des technologies de sécurité telles que la vidéosurveillance, l’intelligence artificielle, les outils d’analyse automatisée et l’exploitation des données biométriques.
La question de la reconnaissance biométrique et faciale est un sujet à la fois polémique et emblématique. Il me semble, conformément aux conclusions du rapport de nos collègues Latombe et Gosselin présenté à la commission des Lois en 2023, que nous devons progresser sur ces enjeux en menant un débat dépassionné, pragmatique et éthique. J’aimerais connaître votre sentiment et votre appréciation sur ces enjeux.
M. le président Florent Boudié. En réponse à la saison des feux de forêt de 2022, particulièrement intenses en Gironde, le président de la République a annoncé fin octobre 2022 la création d’une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile. Le projet prévoit l’implantation progressive de 580 sauveteurs à Libourne dans d’anciennes casernes militaires du centre-ville sur la période 2024-2028. À ce jour, 163 sauveteurs sont déjà arrivés et ils seront prochainement logés dans des structures modulaires que j’ai pu visiter récemment. La prise de commandement effective a eu lieu le 14 octobre 2024, attestant du bon lancement du projet. Néanmoins, deux points d’attention subsistent, faisant l’objet de l’amendement de crédits que j’ai déposé : la nécessité de signer le décret de création du régiment et la consolidation du financement du programme immobilier. Je relève notamment un besoin de 15,4 millions d’euros pour le titre 2, hors compte d’affectation spéciale. De plus, un besoin de financement de 41 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 59,3 millions d’euros en crédits de paiement est identifié pour le hors titre 2. J’espère que vous pourrez apporter des éclaircissements sur ces aspects financiers dans quelques instants.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis de la mission Immigration, asile et intégration. Après sept années consécutives de hausse, les crédits alloués à la mission « Immigration, asile et intégration » connaîtront une diminution en 2025. Ils s’élèveront à 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 5 % par rapport à la loi de finances 2024. En autorisations d’engagement, la réduction est plus modérée, s’établissant à 1,97 %.
Le programme 303, « Immigration et asile », qui concentre la majorité des crédits de cette mission, finance les politiques publiques relatives à l’entrée et à la circulation des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et à l’exercice du droit d’asile. Ses crédits augmenteront de 2,04 % en autorisations d’engagement, mais ils diminueront de 2,54 % en crédits de paiement par rapport à 2024.
L’action 2, « Garantie de l’exercice du droit d’asile », finance notamment l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). La dotation inscrite dans le PLF est réduite de 16 % pour l’ADA classique. Cette diminution repose sur l’hypothèse d’une croissance modérée de la demande d’asile et d’un traitement accéléré des dossiers, grâce aux renforts significatifs de l’OFPRA, qui bénéficie de 28 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
La loi « immigration » du 26 janvier 2024 prévoit une réforme du contentieux, incluant la simplification des procédures et un recours accru à la vidéo-audience. Je m’interroge sur la prise en compte de ces évolutions législatives dans l’appréhension globale des crédits.
Le PLF pour 2025 intègre une dotation de 106,8 millions d’euros pour financer l’ADA versée aux bénéficiaires de la protection temporaire. Je salue cette budgétisation, tout en regrettant qu’elle n’ait pas été étendue à l’hébergement de ces bénéficiaires. En effet, les crédits de l’action 2, finançant les dispositifs d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, subissent une baisse de 5 % en crédits de paiement par rapport à 2024. Je sollicite des précisions sur le montant de la dotation consacrée à l’hébergement des bénéficiaires de la protection temporaire et les raisons de la non-budgétisation de ces crédits.
Malgré le contexte budgétaire contraint, je regrette particulièrement la réduction des moyens dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière. Les crédits de l’action 3 du programme 303 diminuent de 42 % en autorisations d’engagement (environ 100 millions d’euros) et de 23,5 % en crédits de paiement (61 millions d’euros). Cette baisse implique-t-elle un report de l’ouverture de nouvelles places dans les centres de rétention administrative (CRA) Comment comptez-vous poursuivre cette augmentation, conformément à nos objectifs inscrits dans la LOPMI et à vos propres engagements depuis votre nomination ?
Concernant le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », ses crédits diminuent de 14 % et 15 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, s’établissant respectivement à 369 et 366 millions d’euros. Cette évolution s’explique en partie par le transfert de 5,6 millions d’euros de l’action 16 vers le programme 177 de la mission « Cohésion des territoires ».
Je note une baisse de 45 % des crédits de paiement de l’action 12, « Intégration des étrangers primo-arrivants », qui finance notamment le plan « Agir, pour l’emploi et le logement des personnes réfugiées ». Ayant constaté l’efficacité de celui-ci dans ma circonscription, je souhaiterais avoir des précisions sur l’évolution de son budget pour 2025.
Cette année, je me suis intéressée à la politique de priorisation du placement en rétention administrative des étrangers à l’origine de troubles à l’ordre public. Je remercie les administrations et associations qui ont contribué à mes travaux. L’éloignement des étrangers présentant une menace à l’ordre public constitue une priorité légitime de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière. La circulaire de Gérald Darmanin du 3 août 2022 a instauré le placement prioritaire en rétention administrative des étrangers représentant une menace pour l’ordre public. Bien que cette mesure puisse légalement s’appliquer à tout étranger en situation irrégulière faisant l’objet d’une mesure d’éloignement forcé et ne présentant pas de garanties de représentation suffisantes, elle se concentre désormais presque exclusivement sur les profils susceptibles de troubler l’ordre public.
Les auditions menées dans le cadre de cet avis ont mis en évidence les effets bénéfiques de cette priorisation sur l’éloignement des étrangers menaçant l’ordre public. Le taux d’éloignement dans les centres de rétention administrative a connu une augmentation significative, passant de 35% en 2023 à 40% au premier semestre de cette année. Cette hausse démontre que le ciblage de la rétention sur les profils à risque n’affecte pas l’efficacité de la politique d’éloignement.
Néanmoins, l’examen de cette politique de priorisation soulève plusieurs problématiques que j’ai développées dans mon avis. La première concerne la nécessité d’intensifier la coopération entre les services du ministère de la justice et ceux du ministère de l’Intérieur. Cette collaboration est essentielle pour anticiper les sorties de détention et procéder à l’éloignement des étrangers ayant commis des actes délictueux ou criminels dès leur libération. Le placement en CRA ne constitue pas une fin en soi. Un renforcement de cette politique interministérielle permettrait d’éviter certains placements. Un protocole a été élaboré en 2019 et il serait pertinent que le ministère en dresse un premier bilan pour évaluer son déploiement sur le territoire et identifier les marges de manœuvre existantes.
Par ailleurs, la durée moyenne de rétention tend à s’allonger. Actuellement, la durée maximale de rétention est fixée par la loi à 90 jours, même si la directive retour autorise une durée allant jusqu’à 18 mois. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a porté cette durée à 210 jours pour les retenus liés à des activités à caractère terroriste. Ce sujet nous invite à vous questionner sur deux points : quels ont été les effets de cette durée prolongée pour les étrangers terroristes ? A-t-elle facilité concrètement leur éloignement ? De plus, il convient de s’interroger sur la disponibilité des places en centres de rétention administrative, car un allongement de la durée entraînerait une rotation plus faible dans un contexte déjà contraint. L’objectif de 3 000 places en 2027 pourra-t-il être atteint ? Cela supposerait la création de 1 000 places en deux ans. Les besoins supplémentaires liés à une éventuelle prolongation de la durée maximale de rétention ont-ils déjà été évalués ?
Enfin, la prédominance des profils menaçant l’ordre public en rétention invite à repenser les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD). Il conviendrait de mieux prendre en compte le critère de la menace dans les motifs de prolongation. Actuellement, le caractère suspensif de l’appel est une faculté relevant uniquement du procureur, qui doit le solliciter auprès du président de la cour d’appel dans les quatre heures. Une réflexion pourrait être menée avec le garde des Sceaux pour examiner cette procédure, notamment la possibilité d’étendre cette faculté au préfet, dans le respect de la séparation des pouvoirs et de l’équilibre entre libertés publiques et sécurité des citoyens.
Cette priorisation a des conséquences importantes sur la rétention, dont l’objet initial n’est pas d’accueillir des publics présentant un niveau élevé de dangerosité. Cela affecte les conditions de travail des personnels d’accueil des détenus, ce qui pourrait nécessiter une formation spécifique des agents de police affectés à ces centres. Il conviendrait également de repenser ces lieux de prise en charge en tenant compte de l’expérience des professionnels et celle des intervenants extérieurs.
M. Michaël Taverne (RN). Le bilan de votre prédécesseur se caractérise par une insécurité croissante et une immigration massive et incontrôlée, constituant un double défi considérable. Vous avez démontré, du moins dans vos discours, votre conscience de la situation réelle de notre pays dans ces domaines et surtout votre adhésion à nos constats et à une partie de nos solutions. Néanmoins, nous ne saurions nous contenter de belles paroles et nous attendons, comme nos concitoyens, des actes.
L’espoir suscité par votre nomination s’amenuise progressivement. Le tandem surprenant que vous formez avec un ministre de la Justice dont l’idéologie semble incompatible avec le sursaut sécuritaire et la fermeté judiciaire que vous prônez y contribue certainement. De plus, votre empressement à solliciter l’application du pacte européen sur l’asile et la migration, pourtant rejeté par plusieurs gouvernements de pays membres de l’Union européenne, suscite notre perplexité, voire notre méfiance.
Concernant les crédits alloués pour l’année 2025 aux trois missions rattachées à votre ministère, notamment les missions « Sécurités » et « Immigration, asile et Intégration », notre groupe exprime plusieurs interrogations et inquiétudes. Pour la mission « Immigration, asile et intégration », la diminution du budget total de près de 2 %, et surtout la réduction drastique de 42,2 % du budget de l’action de lutte contre l’immigration irrégulière, nous préoccupent fortement et remettent en question la sincérité de vos déclarations d’intention quant à la lutte indispensable contre l’immigration clandestine.
S’agissant de la mission « Sécurités », l’effort budgétaire consenti ne répond pas aux enjeux et certains arbitrages nous interpellent. La réduction de près de 8 % du budget de la police judiciaire nous semble difficilement justifiable et nous espérons obtenir de votre part une inflexion ou, à défaut, des éclaircissements. Vous avez exprimé votre volonté de mener une guerre contre les narcotrafiquants, mais avec quels moyens ? La police judiciaire, chargée de remonter les filières et de démanteler les réseaux, a déjà été affaiblie par votre prédécesseur et vous semblez poursuivre dans cette voie. Je vous rappelle le mouvement organisé à Marseille en octobre 2022, où un policier fort de 22 ans d’expérience vous a sensibilisé à cette problématique.
Dans le cadre de son contre-budget présenté récemment, notre groupe préconise une augmentation des crédit de cette mission de 400 millions d’euros afin de garantir la trajectoire définie par la LOPMI publiée en janvier 2023. Financé par la réalisation d’économies sur des dépenses inutiles, cet effort devrait permettre un renforcement des moyens de nos forces de l’ordre. Nous proposerons, par voie d’amendement, l’augmentation des crédits alloués à plusieurs missions, notamment la formation de nos policiers, la police des étrangers et les moyens généraux de la gendarmerie. Face à l’ensauvagement de notre société, à l’augmentation constante de la délinquance et de la criminalité sur notre territoire, phénomènes souvent liés à une immigration incontrôlée, les moyens budgétaires doivent être à la hauteur des enjeux. Il est temps que les actes correspondent aux paroles.
M. Vincent Caure (EPR). Le budget que vous présentez est globalement en baisse, ce que le groupe EPR regrette, tout en comprenant le contexte budgétaire particulièrement contraint qui est le nôtre. Certaines baisses semblent logiques, notamment la diminution importante des crédits du programme « Vie politique », justifiée par l’absence théorique d’échéance électorale majeure en 2025, contrairement à 2024. De même, la réduction de 23,6 % des crédits alloués au programme « Sécurité et éducation routière » s’explique par la fin d’une période d’investissements conséquents dans les infrastructures, telles que l’amélioration des routes et la mise en place de radars.
Nous sommes cependant plus dubitatifs concernant la baisse des crédits alloués à la mission « Immigration, asile et intégration », particulièrement marquée par rapport à 2024, et notamment le report du déploiement du plan d’ouverture des places en CRA. Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur ce point, au regard de la politique de fermeté prônée.
Nous nous inquiétons également de la diminution de 5,58 % des crédits du programme « Sécurité civile », notamment au vu des récents épisodes pluvieux ayant entraîné des inondations dans de nombreux départements, ainsi que des feux de forêt de plus en plus fréquents. Des explications sur ce sujet seraient appréciées.
En revanche, nous saluons la préservation de la dynamique héritée du vote de la LOPMI, que nous avons défendue et soutenue. Les hausses significatives des crédits des programmes consacrés à la police et à la gendarmerie nationales s’inscrivent dans la continuité de l’action menée depuis plusieurs années, notamment par votre prédécesseur Gérald Darmanin. Je pense en particulier à l’augmentation de 35 % des dépenses liées à l’immobilier dans le programme « Police nationale » pour moderniser les infrastructures et améliorer les conditions de travail des agents et l’accueil du public. Les efforts consentis pour augmenter les effectifs de la gendarmerie nationale sont également notables, avec la création prévue de 80 nouvelles brigades et 7 escadrons de gendarmerie mobiles pour renforcer la sécurité sur le territoire, ainsi que la hausse de 3,60 % des crédits de personnel pour la police nationale.
La politique de revalorisation salariale des forces de sécurité, initiée en 2022, se poursuit en 2025 pour reconnaître les spécificités et les risques du métier. La trajectoire de la LOPMI se traduit aussi par une augmentation de 3,19 % des crédits du programme « Administration territoriale de l’État », avec l’extension du réseau des sous-préfectures, la modernisation des installations dédiées à la gestion de crise et la convergence du socle informatique commun à l’ensemble des services. La présence de l’État dans les territoires est une priorité du président de la République, et je me réjouis de sa concrétisation dans ce budget.
La séance est suspendue de dix-sept heures cinquante à dix-huit heures cinq.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). En tant que rapporteur pour les crédits de la mission « Sécurité civile » à la commission des finances, je souhaite attirer l’attention sur la situation des sapeurs-pompiers. Leur rôle crucial lors des récentes inondations, avec 1 300 interventions pour sauver des vies, mérite d’être souligné. Les syndicats de sapeurs-pompiers soulignent que ce service public, le moins onéreux de France, assure la sécurité de nos concitoyens. Toutes les six secondes, une équipe de pompiers part en intervention, totalisant près de cinq millions d’interventions en 2022. Ce service repose majoritairement sur des volontaires, représentant 80 % des effectifs, contre 15 % de professionnels. Il convient également de mentionner les associations de sécurité civile, composées de bénévoles, que l’État ne subventionne qu’à hauteur de 0,50 euro par personne. Les sapeurs-pompiers interviennent dans une multitude de situations : arrêts cardiaques, étouffements d’enfants, accouchements, incendies. Dernièrement, de l’Ardèche à l’Assemblée nationale, ils ont secouru la France confrontée aux inondations. Du Bataclan aux Jeux olympiques, en passant par les crises quotidiennes, ils répondent toujours présents.
Cependant, ce service public risque de se transformer en service discount. Les associations agréées de sécurité civile sont déjà en difficulté financière et la plupart des SDIS tirent la sonnette d’alarme, peinant à équilibrer leur budget. Certains n’ont même pas pu verser toutes les primes dues, y compris pour les interventions lors des Jeux olympiques. Le PLF pour 2025 n’offre aucune perspective aux pompiers. Qu’en est-il des trimestres de retraite votés en 2023 pour les volontaires ? Quel plan de recrutement est prévu pour les professionnels, notamment pour pallier le manque de volontaires en journée ? Quelle stratégie pour leur santé ? Même la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris fonctionne en sous-effectif, ce qui lui permet paradoxalement d’équilibrer son budget. De plus, l’annulation de la livraison de deux Canadairs pour nos forces de sécurité civile est préoccupante.
Ce budget ne suffira pas. Ce service public, bien que le moins coûteux, doit être reconnu à sa juste valeur. Il est impératif d’envoyer des signaux positifs aux sapeurs-pompiers du pays. Votre budget actuel ne répond pas à cette exigence. Face à l’ampleur des missions et des enjeux, comment comptez-vous y répondre ?
M. Hervé Saulignac (SOC). L’examen approfondi des missions qui nous occupent et l’exposé du ministre devant notre commission laissent le goût amer d’un budget en trompe-l’œil, émanant d’un État aux ambitions démesurées par rapport à ses moyens.
Concernant la mission AGTE, il est important de rappeler les coupes budgétaires significatives opérées en février dernier : une réduction de 65 millions d’euros pour le programme « Administration territoriale » et de 84 millions d’euros pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». En termes d’effectifs, la situation était déjà préoccupante, la réorganisation de l’État ayant entraîné une diminution de 14 % des effectifs. Le Gouvernement ne manque pas de panache quand il évoque un renforcement et un réarmement de l’État, alors qu’en réalité, les effectifs seront tout juste « préservés », terme pudique retenu dans le bleu budgétaire.
Ce budget traduit un certain renoncement. Par exemple, concernant le renouvellement des titres de séjour, l’objectif initial de 30 jours pour 2024 a été repoussé à 55 jours pour 2025. Cette révision à la baisse des ambitions crée, de fait, les conditions propices à l’irrégularité.
Vous avez évoqué votre intérêt pour des équipements modernes et efficaces. Malheureusement, je constate une baisse de 31 % des crédits alloués au programme du réseau radio du futur, censé interconnecter les forces de sécurité et de secours et éliminer les zones blanches. L’objectif reste limité à l’équipement de seulement treize départements, le futur attendra, alors que nous sommes pourtant là au cœur de notre sécurité.
Quant à la mission « Sécurités », l’apparence est flatteuse avec une augmentation de 3,5 % des crédits pour 2025. Cependant, une analyse approfondie révèle une réalité moins reluisante : pour financer le maintien de l’ordre, vous réduisez les moyens de la police judiciaire. Cette police ne sera ni plus nombreuse, ni mieux formée. Les députés de mon groupe présenteront un amendement visant à augmenter le budget alloué à la formation, dans l’optique d’une police mieux formée et donc plus efficace.
L’ambition de remettre du bleu partout semble avoir été abandonnée. La trajectoire initiale de 356 équivalents temps plein supplémentaires en 2025, validée dans la LOPMI, a apparemment disparu, avec un schéma d’emploi nul dans ce PLF.
Le programme sécurité et éducation routière subit également des coupes budgétaires, avec une chute de plus de 23 %. La sécurité civile voit quant à elle son budget réduit de 4,1 %. Plus choquant encore, le budget dédié à la lutte contre le suicide dans la police passe de 2,9 millions d’euros à 1,6 million d’euros.
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous n’attendions certes pas du pragmatisme de la part du Gouvernement en matière d’immigration, mais nous pensions au moins qu’il était attaché à l’intégration des étrangers présents en France. Il n’en est rien, avec une baisse de plus de 14 % sur ce programme. Le Gouvernement s’engage dans une véritable fuite en avant : vous réduisez de 16 % les crédits de l’allocation pour demandeurs d’asile, vous baissez les objectifs de recrutement à l’OFPRA qui tombent à 29 postes et vous diminuez aussi les crédits consacrés à l’intégration. Tout cela repose sur une hypothétique baisse de demandes d’asile en 2025, pari pour le moins hasardeux.
En conclusion, bien que nous ne soyons pas réunis aujourd’hui pour débattre de la mission « justice », je tiens à souligner qu’en matière d’administration de l’État, de sécurité des Français comme d’immigration, aucune politique efficace ne peut être menée sans le concours de l’institution judiciaire. Nous ne sommes pas dupes des hausses de crédits discutées aujourd’hui, dès lors qu’elles sont le corollaire des baisses de crédits de la mission « Justice », dont nous débattrons dans quelques semaines.
M. Ian Boucard (DR). Nous examinons aujourd’hui le budget 2025 pour les missions « Sécurité », « Immigration et asile », ainsi qu’AGTE. Ces enjeux revêtent une importance croissante pour nos concitoyens. Il est impératif d’allouer les moyens nécessaires pour garantir la sécurité de tous, améliorer la gestion des flux migratoires et assurer une présence efficace et équitable de l’État sur l’ensemble du territoire.
Je réaffirme le soutien total du groupe de la Droite républicaine aux premières orientations que vous avez données, qui sont conformes à la volonté de la majorité des Français. Nous réitérons également notre attachement à la défense de nos forces de l’ordre.
Ce projet de budget semble aller dans la bonne direction. Une augmentation des budgets est prévue pour la police et la gendarmerie, respectivement de 2,87 et 3,03 %, ce qui permettra d’accroître leur présence dans les zones les plus touchées par la délinquance. Il est toutefois essentiel que ces moyens soient répartis équitablement, notamment dans nos zones rurales et péri-urbaines, également confrontées à un accroissement de la délinquance et des incivilités.
Je souligne l’importance du soutien à la sécurité civile, particulièrement face aux catastrophes naturelles. La modernisation de notre flotte aérienne est une avancée positive, mais il est crucial d’aller plus loin compte tenu de la multiplication des événements climatiques, comme nous l’avons malheureusement constaté ces derniers jours.
Le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » soulève des interrogations. La baisse de 42,2 % des crédits pour la lutte contre l’immigration irrégulière est incompréhensible dans un contexte de flux migratoires importants. De même, les moyens alloués aux CRA semblent insuffisants. Nous disposons actuellement d’environ 2 000 places et 1 000 places supplémentaires sont prévues d’ici 2027, conformément à l’amendement que la Droite républicaine avait fait adopter dans le cadre de la LOPMI. Il est donc paradoxal que le budget propose de réduire les financements des CRA, alors que nous devons les renforcer pour mener à bien leur mission.
Quant à la mission AGTE, le budget devrait passer de 3,85 à 4,15 milliards d’euros, soit une hausse de 300 millions d’euros. Une diminution de 5,5 % des crédits dédiés au fonctionnement courant est cependant prévue, présentée comme la consolidation des efforts réalisés en 2024 pour rationaliser l’organisation des services. Cette baisse doit être considérée comme une opportunité pour repenser notre administration, qui souffre parfois d’une bureaucratie lourde et d’une multiplication des normes affectant son efficacité.
Concernant la gestion des CRA, enjeu essentiel dans notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière, pouvez-vous préciser les mesures envisagées pour améliorer leur sécurité et leur capacité dans les prochaines années ? Dans le cadre de l’optimisation de la gestion immobilière du ministère, quelles actions sont prévues pour traiter efficacement la problématique des loyers impayés des casernes de gendarmerie en 2024 et éviter qu’elle se reproduise en 2025 ?
Mme Sandra Regol (EcoS). Vous nous l’avez dit, un budget, ce ne sont pas que des choix comptables, ce sont surtout des choix politiques et nous les assumons, je vous cite. Cette année encore, c’est en baissant les dépenses de formation pour la police nationale que s’exprime votre choix politique, alors que les objectifs de la LOPMI demandaient d’augmenter de 50 % le temps de formation continue des policiers, promesse issue du Beauvau de la sécurité. Cette question n’est pas anecdotique face aux nouvelles formes de délinquance ou quand on compare les résultats, notamment de tirs, entre la gendarmerie et la police nationales, avec les victimes que l’on sait.
Dans le cadre du programme 176 relatif à la police nationale, nous constatons une hausse des crédits de paiement, mais pas de façon uniforme. Notamment, la mission de police judiciaire, comprenant la police scientifique et judiciaire (PSJ), subit une diminution de 30 millions d’euros. Cette réduction s’ajoute aux baisses déjà endurées les années précédentes et à une dévalorisation continue de leur travail, contraignant ces agents à manifester régulièrement leur mécontentement. Pourtant, comme le souligne le récent rapport sénatorial sur le narcotrafic que vous aimez à citer, c’est précisément le travail d’enquête approfondi, nécessitant des moyens conséquents, qui permet de lutter efficacement contre la grande délinquance. Je vous invite à prendre connaissance des critiques exprimées dans ce rapport.
Nous proposons donc par voie d’amendement d’allouer davantage de moyens à la police judiciaire, mais également d’améliorer le travail de terrain et les relations avec la population en rétablissant une police de proximité, mesure largement plébiscitée.
Enfin, la police figure parmi les professions les plus touchées par le suicide, phénomène qui affecte malheureusement des agents de plus en plus jeunes. Vous avez affirmé qu’un budget reflète des choix politiques assumés. Réduire de moitié les crédits alloués au programme de lutte contre le suicide dans la police constitue donc un choix politique que nous ne partageons pas, puisque nous demandons au contraire une amélioration de la prise en charge psychologique et un renforcement des moyens de prévention.
Concernant les pompiers, la situation demeure préoccupante face aux inondations, aux incendies de grande ampleur et à la sécheresse chronique dans certaines régions.
Le budget du programme 161 subit une nouvelle diminution de 50 millions d’euros, s’ajoutant aux réductions déjà opérées l’an dernier. Malgré l’évidence du réchauffement climatique, votre gouvernement persiste à ignorer ses effets et ses impacts dans l’élaboration du budget. Vous négligez les aspects de prévention et d’anticipation, préférant des investissements à court terme qui s’avéreront bien plus coûteux à long terme. Je me permets de rappeler le rapport de notre collègue Pauget sur la valeur du sauvetage.
Cette baisse de 50 millions d’euros correspond précisément au montant que pourrait dégager annuellement la modification de la taxe de séjour que nous avons proposée dans le volet recettes de ce PLF. Cette mesure permettrait un meilleur financement et impliquerait davantage les touristes, notamment étrangers, qui bénéficient de la protection de nos sites sans y contribuer actuellement. La même logique s’applique à la TSCA évoquée précédemment.
Pourquoi persistez-vous à refuser ces moyens de financement pour notre sécurité civile ? Depuis la LOPMI, on nous promet l’acquisition de quatorze bombardiers d’eau Canadair, promesse sans cesse reportée. Au lieu de cela, vous optez pour la location d’hélicoptères, solution certes utile mais insuffisante dans la lutte contre les incendies et qui de surcroît dilapide l’argent public au profit de sociétés de location privées.
Vous avez souligné que les insécurités ont un coût. La sécurité en a un également. À titre d’exemple, les feux en Gironde ont engendré des dépenses de 1 million d’euros par jour pour la mobilisation et la logistique des pompiers, auxquelles s’ajoutent 60 000 euros quotidiens en carburant au plus fort des interventions. Voilà le prix de l’inaction et de votre politique.
Paradoxalement, vos choix d’économies ciblent l’anticipation, avec une nouvelle réduction de 21 millions d’euros sur l’action 11 dédiée à la prévention et à la gestion des crises. Cette décision met une fois de plus en danger la vie de nos pompiers.
Pour conclure, j’aimerais vous interroger sur la prise en charge de la santé et des maladies professionnelles de nos pompiers.
M. Philippe Latombe (Dem). Je vous remercie pour votre présentation et je salue le travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs. Les missions AGTE, « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration » revêtent une importance particulière.
Concernant le budget alloué à l’administration générale et territoriale de l’État, nous constatons avec satisfaction une dynamique haussière. Pour 2025, le PLF prévoit un montant total de crédits de paiement de 4,96 milliards d’euros, soit une augmentation substantielle de 6,5 % par rapport à 2024, supérieure à celle des deux années précédentes. Cette progression permet d’accroître les dépenses d’investissement pour nos collectivités, notamment pour le déploiement des systèmes de vidéosurveillance, et elle s’inscrit dans la trajectoire fixée par la LOPMI.
Néanmoins, nous déplorons la tendance à la baisse des effectifs, particulièrement au niveau des services préfectoraux. Ces derniers assument pourtant la lourde responsabilité du pilotage territorial des politiques gouvernementales. Le maintien de l’accueil des usagers comme objectif prioritaire demeure salutaire. Le rétablissement d’un accueil généraliste au sein des points d’accueil numériques a permis aux préfectures d’accompagner 336 000 usagers en 2023.
S’agissant du budget alloué à la mission « Sécurités », nous partageons la satisfaction du rapporteur Pauget quant à sa préservation. Le budget 2025 entérine une augmentation des crédits de la mission de 587 millions d’euros, s’inscrivant ainsi dans la trajectoire budgétaire définie par la LOPMI. Cette orientation s’avère d’autant plus pertinente que les enjeux sécuritaires préoccupent particulièrement nos concitoyens. Nous saluons d’ailleurs la mobilisation continue de nos forces de l’ordre durant les Jeux olympiques et soulignons l’importance de garantir les traitements correspondants. Nous resterons vigilants quant à la bonne réalisation des dépenses d’investissement, notamment concernant l’immobilier de la gendarmerie.
À cet égard, pouvez-vous nous garantir que le déploiement du plan gendarmerie sera effectif dans le cadre du présent budget et que le calendrier 2024-2025 sera respecté ?
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous regrettons l’enveloppe budgétaire allouée. En effet, les crédits de paiement pour 2025 enregistrent une baisse de 5 % par rapport à 2024. Cette diminution affecte principalement le programme d’intégration et d’accès à la nationalité française (-15 %), tandis qu’elle est plus limitée pour le programme immigration et asile (-2,54 %). Il est surprenant de constater que la baisse des crédits touche la lutte contre l’immigration irrégulière, pourtant considérée comme prioritaire. Toutefois, nous saluons l’accélération du traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, favorisée par l’augmentation des ETP, contribuant ainsi à la réduction des délais et à la maîtrise du budget.
Nous déplorons à nouveau la part moindre du budget consacrée à la politique d’intégration, également en baisse. Celle-ci constitue pourtant un enjeu aussi important que la lutte contre l’immigration irrégulière.
Avez-vous constaté une mauvaise maîtrise du budget concernant ces crédits? Comment expliquez-vous cette baisse et quelles réponses envisagez-vous ? Enfin, comment justifiez-vous la moindre ventilation des crédits pour le programme dédié à l’intégration et quels chantiers majeurs comptez-vous engager pour garantir son effectivité, notamment en collaboration avec les initiatives des collectivités ?
M. Laurent Marcangeli (HOR). L’importance des missions qui nous réunissent aujourd’hui n’est plus à démontrer. Elles se situent au cœur des responsabilités de l’État et, par conséquent, de son budget. Pour 2025, leur enveloppe totale s’élève à plus de 32 milliards d’euros en crédits de paiement. 25 milliards sont alloués à la sécurité de nos concitoyens, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à l’exercice précédent. Près de 5 milliards sont destinés à assurer la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire et à décliner localement les politiques publiques nationales. Enfin, le budget consacré à l’immigration s’établit à un peu plus de 2 milliards d’euros pour 2025, accusant une baisse de 5 %.
Dans un contexte de tension budgétaire nécessitant de dégager 60 milliards d’euros d’économies, les budgets présentés témoignent de l’effort demandé par le Gouvernement. Ils ne suivent ainsi que partiellement la trajectoire prévue dans la LOPMI votée sous la précédente mandature. Si la mission « Sécurités » voit son budget augmenter, elle est néanmoins marquée par la stagnation des effectifs de la police nationale.
Le groupe que je préside tient à réaffirmer son attachement à ce qui doit constituer une priorité absolue : la sécurité de nos concitoyens. À cet égard, nous serons particulièrement attentifs au déploiement des 239 nouvelles brigades de gendarmerie dans nos territoires. Pourriez-vous nous préciser combien viendront s’ajouter aux 80 brigades déjà créées l’an dernier ?
De même, nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur la diminution significative du budget alloué à la lutte contre l’immigration irrégulière, tout en rappelant que ce dernier avait connu une hausse de 50 % l’année précédente. Nous estimons notamment que la construction de nouvelles places en CRA, telle que prévue par la LOPMI, doit demeurer prioritaire.
Ce budget démontre néanmoins la volonté du Gouvernement de maintenir un niveau élevé de sécurité et de cohésion sociale en renforçant la présence de l’État sur l’ensemble du territoire. La mission AGTE reflète bien la dynamique nouvelle insufflée par la LOPMI dans le réarmement des territoires. L’extension du réseau des sous-préfectures, le renouvellement des installations dédiées à la gestion de crise et la convergence du socle informatique commun à tous les services en sont la preuve. La modernisation du système d’information via des projets comme le réseau radio du futur et le cloud de seconde génération témoigne également d’un engagement à long terme dans l’innovation. Nous saluons par ailleurs le maintien des crédits consacrés aux maisons France Services.
La mission « Immigration, asile et intégration » traduit une volonté forte d’accélérer les procédures administratives, notamment pour le traitement des demandes d’asile. L’OFPRA prévoit de rendre 161 000 décisions en 2025 grâce à une augmentation de ses effectifs de 29 ETP. Ce renforcement est bienvenu et permettra de traiter plus rapidement les dossiers, évitant ainsi que des situations irrégulières ne perdurent et que les étrangers sans droit au séjour ne s’installent durablement sur notre territoire.
Cette dynamique s’inscrit dans le prolongement de la loi votée le 26 janvier 2024, que le groupe Horizon et Indépendants a soutenu. Cette loi nous a dotés d’outils renforcés pour mettre fin au séjour de ceux dont le comportement menace l’ordre et la sécurité publique dans notre pays, tout en réaffirmant nos exigences d’intégration et de respect des principes de la République.
Mme Martine Froger (LIOT). En matière d’immigration, je constate une contradiction entre vos discours martiaux et la baisse des crédits, notamment ceux alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière, qui diminuent de 23,55 %. Cette réduction ne s’accorde pas avec vos déclarations sécuritaires.
Je conteste votre affirmation selon laquelle nous disposons d’un budget en hausse d’un côté et d’une réduction des places d’accueil de l’autre. L’annexe au PLF pour 2025 pour la mission « Immigration, asile et intégration » indique que le parc dédié aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection internationale est budgété pour 113 258 places, soit une diminution de 6 179 places par rapport à 2024. Comment justifiez-vous cette réduction ? Anticipez-vous une hausse modérée des demandes d’asile en 2025 ? Je rappelle que de 2015 à 2020, les six hypothèses d’évolution des demandes d’asile présentées dans les projets de loi de finances ont été démenties par les faits, parfois de manière significative.
Concernant la politique d’intégration par la langue et l’emploi, second pilier de la loi immigration que vous avez renforcé en tant que sénateur, je m’étonne de constater que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) perd des effectifs en 2025 et que son budget s’élève à 275 millions d’euros contre 281 millions en 2023. Cet acteur clé pour l’intégration des primo-arrivants devra donc faire plus avec moins. Je déplore également la diminution des crédits pour le déploiement territorial de cette intégration. L’intégration par le travail nécessite un dialogue avec les partenaires locaux pour répondre au mieux aux besoins des bassins d’emploi.
Au-delà de cette trajectoire peu encourageante, je m’interroge sur l’avenir du dispositif de régularisation pour les métiers en tension. Déjà strictement encadrées, ces régularisations sont bénéfiques à certains secteurs. Pourquoi donc envisager l’abrogation de la circulaire Valls ?
Vous évoquez déjà une nouvelle loi sur l’immigration, alors que tous les décrets de la loi récemment promulguée n’ont pas été publiés, que toutes les mesures n’ont pas encore été mises en œuvre et que vous prévoyez une réduction des crédits. En réalité, vous ne disposez ni des moyens pour financer ni pour appliquer ces nouvelles mesures.
Pour conclure, je tiens à souligner que les moyens accordés par ce budget 2025 à votre ministère doivent financer notre sécurité et lutter contre les troubles à l’ordre public. Or les projets de multiplication des lieux d’enfermement administratif, d’augmentation de la durée de rétention, les injonctions à la fermeté adressées aux préfectures, l’obsession de la délivrance des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sans discernement, combinés à la diminution des crédits, ne contribuent pas à apporter sérénité et objectivité à ce qui devrait nous préoccuper tous : une politique migratoire juste et respectueuse des libertés fondamentales telles que le droit à la santé et à la dignité. C’est également ce qu’ont exprimé nos concitoyens lors des dernières consultations.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Force est de constater que le budget alloué à la mission « Immigration, asile et intégration » ou en tout cas ce qu’il en reste ne semble pas bénéficier de votre arrivée au ministère. La loi « immigration » du 26 janvier 2024 a marqué un tournant dans notre politique migratoire dont on observe déjà les effets néfastes. Désormais, cette politique se focalise presque exclusivement sur le contrôle et la répression des étrangers, au détriment de l’accueil et de l’intégration. Vous assurez la continuité de cette stratégie en ressassant, comme Valeurs actuelles, le récit qui fait de l’étranger un délinquant par essence et vous mentez délibérément aux Français en leur faisant croire que l’exécution d’OQTF garantirait automatiquement leur sécurité et que, comme tous les ministres, vous allez réussir à en exécuter plus. Cette obsession dangereuse se reflète dans les choix budgétaires de cette mission, qui connaît une diminution de plus de 5 % en 2025 par rapport à 2024.
Bien que vous affirmiez par voie de presse que l’intégration est en panne depuis longtemps, le programme 104 d’intégration et d’accès à la nationalité française subit une baisse de près de 15 %. L’action 12, dédiée à l’intégration des étrangers primo-arrivants, enregistre une réduction drastique, impactant notamment les cours de français langue étrangère. Cette décision semble paradoxale au vu du renforcement des exigences linguistiques prévu par la loi du 26 janvier 2024 pour les étrangers en situation régulière. Or la suppression des budgets alloués aux formations de l’OFII et aux structures de proximité compromettra l’accès à la langue et à la stabilité administrative pour des personnes qui, nous le savons, resteront sur le territoire français. L’État impose une obligation de certification pour l’obtention de titres de séjour, mais l’OFII n’a plus les moyens d’honorer ses missions d’intégration. Sans ressources pour l’apprentissage de la langue, cette exigence devient discriminatoire. Cela ne vous dérange guère, mais comment intégrer sans y mettre les moyens ?
Par ailleurs, vous vous réclamez de l’ordre, mais vous réduisez de 71 millions d’euros les crédits du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, les contraignant souvent à vivre dans la rue, alors qu’ils ont droit à un logement décent. Cette décision aggravera la situation et mettre à la rue encore plus de demandeurs d’asile. Ce sont vos choix budgétaires qui vont créer du désordre, car quand on accueille bien, cela se passe bien.
Par contraste, vous prévoyez d’augmenter le nombre de places en CRA, avec un objectif d’accroissement de la capacité d’ici 2027. Quel est le sens de cette inflation continue des places en CRA, alors que la rétention est de plus en plus utilisée comme un outil de politique sécuritaire, y compris pour des personnes sans parcours pénal et dont l’expulsion est manifestement impossible ? Vous militez ardemment pour une prolongation de la durée de rétention et une réduction du contrôle du JLD. Ces annonces soulèvent des inquiétudes quant à la transparence et au respect des droits dans les CRA. Pourriez-vous clarifier votre position sur le rôle des associations dans les centres de rétention administrative ? Quelle est votre vision concernant l’aide à l’exercice des droits des personnes retenues ? Enfin, je m’étonne que vous n’ayez pas évoqué vos intentions concernant les circulaires de régularisation des travailleurs sans papiers, même si nous sommes dans le cadre d’un débat budgétaire.
Mme Brigitte Barèges (UDR). Après les promesses, les actions au sens propre et au sens figuré. Le groupe UDR estime que le budget vous présentez est un budget de renoncement sur l’immigration et sans ambition pour la police. Nous le qualifierions volontiers de « macroniste ». Il est triste que vous vous soyez si vite résolu à l’inaction et à l’immobilisme. En effet, vos discours volontaristes, si séduisants soient-ils, ne masquent pas l’aveu d’impuissance que traduit ce budget face aux flux migratoires que vous ne parvenez manifestement pas à endiguer. Les prévisions pour 2025, jusqu’alors non communiquées, font état de 147 000 demandeurs d’asile, chiffre qui suscite notre inquiétude et nous laisse penser qu’il y a une forme de tromperie sur la marchandise.
Concernant la mission « Immigration, asile et intégration », nous avons levé le lièvre de la baisse considérable des crédits alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière. Comme l’a souligné notre président Éric Ciotti dans un courrier qu’il vous a adressé jeudi dernier au nom du groupe UDR, votre budget prévoit une diminution sans précédent de près de 24 % des crédits de paiement, passant de 206 millions d’euros à 199 millions d’euros, et de 42,20% des autorisations d’engagement, réduites de 299 millions d’euros à 173 millions d’euros. Ce désarmement de notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière, tant en investissement qu’en fonctionnement, est inacceptable.
Cette réduction budgétaire révèle votre manque de volonté de consacrer les moyens nécessaires à la lutte contre l’immigration irrégulière ou à la poursuite de l’effort indispensable de construction de CRA supplémentaires. Le budget montre d’ailleurs clairement que vous vous contenterez d’achever les projets précédemment votés, notamment les 3 000 places supplémentaires obtenues grâce à un amendement d’Éric Ciotti dans la loi d’orientation, sans pour autant poursuivre ces efforts sur le long terme, d’où cette chute drastique des autorisations d’engagement.
Vous justifiez cette baisse en arguant qu’une réduction des délais de traitement des dossiers de demande d’asile entraînera un besoin moindre en places de CRA. Permettez-moi d’exprimer mon scepticisme quant à cette explication, qui s’apparente à un vœu pieux. La diminution des crédits de fonctionnement constitue pour nous une source de préoccupation majeure.
Sans vouloir rappeler l’actualité récente et les drames que nous vivons, dus au relâchement dans la nature de personnes sous OQTF par manque de moyens de suivi et de places en CRA, il est évident qu’avec un tel budget, vous ne pourrez prétendre avoir tout mis en œuvre pour protéger les Français. Il faut au contraire maintenir a minima ces crédits et poursuivre l’augmentation de l’effort financier pour la construction de CRA. Comme l’a indiqué le président Ciotti dans sa lettre, puisque le Gouvernement s’y refuse, le groupe UDR proposera un amendement en ce sens lors de la discussion budgétaire.
De plus, sur les programmes de la mission « Immigration, asile et intégration », vous augmentez encore les autorisations d’engagement pour la garantie de l’exercice du droit d’asile (+12,63 %) et pour l’accueil des étrangers primo-arrivants (+9 %), tout en réduisant massivement le financement de leur intégration (-73 % en autorisations d’engagement, -45 % en crédits de paiement). C’est à nouveau exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire : diminuer l’accueil et accroître l’intégration de ceux qui sont déjà présents sur notre territoire.
Ce budget porte ainsi la marque de votre renoncement ou peut-être de votre impuissance à agir concrètement pour lutter contre l’immigration irrégulière. L’espoir aura été de courte durée.
M. Sacha Houlié (NI). L’examen des crédits figurant dans votre projet de loi de finances doit nous éclairer vos priorités. Or il laisse dubitatif. En matière de sécurité, vous avez affirmé à maintes reprises que la lutte contre la criminalité organisée constituait votre priorité. Je vous en ai félicité, ce qui est peu commun de ma part. Cependant, comment expliquez-vous que le budget présenté prévoie un schéma d’emploi nul tant dans la police que dans la gendarmerie ? Pourquoi refusez-vous d’embaucher de recruter de nouveaux agents pour combattre ces fléaux ? Cette décision contredit l’esprit de la LOPMI, adoptée il y a deux ans, qui prévoyait le recrutement de 8 000 agents supplémentaires durant le quinquennat.
Plus préoccupant encore, comment justifiez-vous la réduction de plus de 8 % du budget de la police judiciaire, dont la mission essentielle est d’enquêter sur les réseaux criminels et les trafics de stupéfiants ? Il semblerait que vous ayez privilégié la communication au détriment d’une action publique efficace.
Concernant les investissements, le rapporteur note qu’aucun projet immobilier ne pourra être réalisé pour la police nationale. Qu’en est-il des 238 brigades de gendarmerie annoncées, pour lesquelles nous avions voté la LOPMI ? Pouvons-nous compter sur les 40 à 60 brigades promises annuellement pour la période 2024-2027, notamment dès 2025 ?
Sur le plan de l’immigration, je ne suis guère étonné des coupes opérées dans la mission « Immigration, asile et intégration », principalement dans les dépenses d’intégration, dont vous réduisez de moitié les crédits alloués. Je me permets de vous suggérer que la meilleure façon de diminuer l’ADA serait de les autoriser à travailler. C’était l’objet de l’article 4 de la loi immigration que vous avez malencontreusement supprimé.
Vous réduisez également les crédits dédiés à la lutte contre l’immigration illégale. Je déplore vos déclarations, depuis votre dernière audition, sur la régularisation des travailleurs et la remise en question de la circulaire Valls. En maintenant ces personnes dans l’illégalité, alors qu’elles contribuent à la société, vous persistez à désorganiser celle-ci en paralysant les préfectures et en décourageant les employeurs et salariés qui aspirent simplement à travailler sereinement.
Enfin, comment interpréter la suppression de près de 350 postes dans les préfectures et sous-préfectures, alors que vous vantiez récemment le retour de la déconcentration de l’État dans les départements ?
M. Bruno Retailleau, ministre. Pour éviter une crise financière qui affecterait principalement les Français les plus vulnérables, le Premier ministre a dû entreprendre un effort de redressement des comptes sans précédent depuis cinquante ans. Aucun domaine ne peut être exempté de cet effort. Néanmoins, le budget de mon ministère augmente de 752 millions d’euros. La mission « Sécurités » bénéficie ainsi d’une hausse de 587 millions d’euros, dont 160 millions pour la police nationale et 519 millions pour la gendarmerie nationale. De plus, lors de sa récente visite dans les Alpes-Maritimes, le Premier ministre a confirmé qu’un amendement budgétaire viendra renforcer significativement les crédits de mon ministère. Bien que je ne puisse pas encore en préciser le montant, il est évident que les chiffres actuels sont provisoires et qu’ils seront revus à la hausse.
Il convient de souligner qu’en France, il n’existe pas de corrélation directe entre la dépense publique et l’efficacité des services publics. Malgré l’augmentation constante des budgets de certains services publics depuis des années, les Français perçoivent une détérioration dans des domaines tels que la santé et la sécurité. Cette situation démontre que le niveau de dépense n’est pas nécessairement garant de la performance. Des réformes s’imposent, notamment concernant le budget de l’immigration, qui sera également augmenté grâce à l’amendement mentionné précédemment.
Je confirme notre intention de créer une quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile à Libourne. Le chef de corps a déjà été désigné et installé. Actuellement, nous finalisons le recrutement du personnel. La programmation immobilière est en cours de définition et, malgré un léger retard, nous prévoyons de commencer l’investissement dès 2026. Le site choisi est remarquable sur le plan patrimonial, s’agissant d’une ancienne caserne de gendarmerie datant du XVIIe siècle. En termes d’effectifs, nous avons déjà atteint 40 % de notre objectif, qui est fixé à 580 équivalents temps plein. Je signerai prochainement le décret de création de cette unité, soit à Paris, soit sur place si nécessaire. Cette signature constituera l’acte essentiel et définitif de création, en complément des moyens concrets déjà alloués à la mission de cette unité.
Concernant l’administration territoriale de l’État, je m’efforce, fort de mon expérience d’élu local, de faire en sorte que le ministère de l’Intérieur ne se cantonne pas uniquement à la sécurité. Bien que l’actualité nous accapare beaucoup sur ce sujet, je tiens particulièrement à l’administration territoriale de l’État, qui bénéficiera dans ce budget de plus de 300 millions d’euros, avec un effort notable en matière immobilière. Notamment dans les préfectures que je connais bien, elle fonctionne avec des effectifs très réduits. Aucune diminution d’effectifs n’est envisagée pour l’instant et le schéma d’emploi demeurera stable, mais je souhaiterais obtenir quelques dizaines de postes supplémentaires, la masse salariale étant disponible. Il faudra donc négocier avec Bercy pour assouplir le schéma d’emploi.
Plus de 400 tables rondes ont été organisées par les préfets dans le cadre des rencontres de la transition écologique. Il convient désormais d’en restituer les résultats et d’en tirer les enseignements pour élaborer un plan d’action, conformément à mon engagement envers les organisations syndicales.
Le personnel des entreprises privées de sécurité a été largement sollicité pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Nous réfléchissons à son intégration dans le continuum de sécurité. Cette ressource humaine qualifiée, qui a démontré sa compétence durant les Jeux, pourrait être utile à divers postes, privés ou publics, sous réserve de passer certains concours. Nous sommes disposés à les accompagner et à soutenir leur qualification.
La séance est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.
M. Bruno Retailleau, ministre. Je signerai bientôt la circulaire concernant la fiscalité des véhicules des SDIS, qui a été abordée dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.
La baisse de la réserve opérationnelle s’explique par un effet JOP en 2024, qui a entraîné un gonflement temporaire. En 2025, nous augmenterons de 4 000 le nombre de réservistes. Nous avons revu ses vocations, ce qui nous permettra d’adapter ses effectifs en fonction des besoins.
Je tiens particulièrement aux protocoles car ils représentent des engagements envers les organisations syndicales. La stratégie immobilière concerne l’administration territoriale de l’État, mais surtout la gendarmerie nationale. Nous réalisons d’importants efforts, notamment pour les sites de la DGSI et le site « Universeine » à Saint-Denis, qui regroupera 2 700 salariés.
Pour la gendarmerie, nous devons repenser le modèle de financement. Actuellement, nous avons externalisé les financements en sollicitant des bailleurs sociaux et des collectivités, mais les loyers ont doublé en quinze ans, passant de 300 à 600 millions d’euros. Cette augmentation de 100 millions tous les cinq ans risque de conduire à un blocage. Nous devons envisager de nouveaux modes de financement, notamment les partenariats public-privé (PPP) pour les grands projets comme le site de Satory. Cependant, il faudra probablement reprendre en régie directe certains investissements pour éviter l’asphyxie financière.
Concernant le numérique, vous avez raison de mentionner la lance diphasique, qui a été testée avec succès. Nous devons investir dans les technologies modernes, y compris l’intelligence artificielle. Le rapport de Philippe Latombe et de Philippe Gosselin est intéressant à cet égard. Nous avons expérimenté une caméra algorithmique pendant les JOP, capable de détecter des présences ou des objets inhabituels, ainsi que des flux anormaux, sans recourir à la reconnaissance faciale. Nous ne devons pas nous priver de ces avancées technologiques, sous peine de prendre du retard par rapport à nos partenaires du G7.
Pour la sécurité civile, nous réaliserons d’importants investissements dans les hélicoptères. Concernant les Canadairs, 31 millions d’euros seront dépensés en 2024, mais sans règlement cette année, ce qui explique le trou d’air dans le budget.
Quant à la sécurité routière, nous disposons des budgets nécessaires pour les campagnes de sensibilisation. Les chiffres actuels sont encourageants, avec le deuxième meilleur bilan depuis la pandémie à la fin de l’été dernier, même s’il y a toujours trop de décès.
Enfin, le budget de la gendarmerie nationale prévoit une remise à niveau de 175 millions d’euros pour l’immobilier.
Je tiens à assurer à la rapporteure Laure Miller que nous appliquerons la loi « immigration » votée en janvier 2024. Bien que mon prédécesseur ait fait le maximum pour publier les décrets, une dizaine seulement sont parus sur la vingtaine prévue. S’agissant de décrets en Conseil d’État, leur publication a été interrompue lorsque le Gouvernement est devenu démissionnaire. Nous reprenons et accélérons ce travail afin de donner toute sa force au texte voté en janvier dernier.
Un amendement budgétaire sera présenté pour augmenter les moyens alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière. Toutefois, des économies sont nécessaires. L’affectation de 29 équivalents temps plein à l’OFPRA permettra de réduire les délais et les procédures, générant des économies sur l’ADA. De même, l’hébergement sera optimisé pour mieux correspondre aux besoins des demandeurs d’asile et des réfugiés. Le nombre d’Ukrainiens hébergés passera de 96 000 à 39 000 en 2025, engendrant également des économies. La décentralisation de France Asile et l’expérimentation d’un guichet unique dans trois régions réduiront les frais de transport.
Pour l’intégration, le budget 2025 s’élève à 372 millions d’euros, contre 370 millions exécutés en 2024. Nous mobiliserons davantage les fonds européens, notamment le fonds Asile Immigration. Le dispositif « Agir » bénéficiera de 38 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 17 millions de fonds européens. Ce programme inédit visera l’intégration de 25 000 personnes de manière globale. Les contrats d’intégration républicaine (CIR) ont été renforcés en matière linguistique et civique, passant d’un objectif de moyens à un objectif de résultats.
Concernant les CRA, je suis favorable à une prolongation de la rétention pour les auteurs de crimes sexuels, compte tenu de leur taux élevé de récidive. Une mesure législative sera nécessaire. L’objectif de 3 000 places en CRA d’ici 2027 n’est pas entravé par des contraintes budgétaires, mais par des délais procéduraux. Nous disposons de 40 millions d’euros pour engager la construction de CRA à Mérignac, Dunkerque (cofinancé par les Britanniques), Dijon, Nantes et Béziers. Une task-force sera créée pour accélérer les procédures de construction.
Le JLD, conformément à la loi, prend en considération la perspective d’éloignement des individus. Cependant, il me semble plus fondamental d’examiner la probabilité de récidive, de réitération et de dangerosité pour la société. Mon prédécesseur a eu raison de cibler dans les CRA les personnes les plus dangereuses. Néanmoins, je ne pense pas que l’augmentation des places en CRA constitue la solution miracle. C’est pourquoi je m’efforce de conclure des accords européens ou bilatéraux avec des pays d’origine, de transit ou des pays tiers sûrs, afin d’accélérer les éloignements et de ralentir le flux d’entrée. Une circulaire que j’adresserai aux préfets leur rappellera l’existence de la mesure de « libération conditionnelle éloignement » permettant une réduction de peine couplée à un éloignement, évitant ainsi le passage par les CRA.
Concernant l’hébergement, nous observons une baisse de 6 500 places, compensée par l’augmentation du taux de disponibilité des places grâce à la fin de travaux. De plus, le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) sur la plaque parisienne, actuellement sous-utilisé, offre une flexibilité supplémentaire pour accueillir différents publics.
Je maintiens que le pacte asile-immigration est bénéfique au niveau européen. Il introduit une innovation juridique majeure pour la frontière extérieure de l’Europe, en créant une sorte de fiction juridique considérant les arrivants comme dans une situation extraterritoriale. Cela permettra d’accélérer les traitements, notamment pour les demandeurs d’asile provenant de pays dont le taux de protection moyen est inférieur à 20 %, ce qui facilitera les éloignements rapides. Je proposerai un vecteur législatif de transposition de ce pacte et cette mesure devra être complétée par la révision de la directive retour, actuellement mal nommée puisqu’elle entrave les retours.
Concernant les CRA et la lutte contre l’immigration irrégulière, aucune baisse budgétaire n’est prévue. Le changement apparent résulte d’une réforme de la police nationale et d’une modification de la présentation comptable qui vise à faire coïncider l’action de police judiciaire avec la filière correspondante. Je reconnais la souffrance de la filière investigation, avec près de 1,9 million de procédures en instance. Je réfléchis à des mesures pour revaloriser l’ensemble de la filière, particulièrement au sein de la police nationale, où il est nécessaire de valoriser les enquêteurs de police judiciaire.
Enfin, les pactes capacitaires verront leur budget augmenter de plus de 40 millions d’euros, permettant de soutenir l’action des SDIS. Cette approche est vertueuse, car elle les conforte et permet, grâce à des marchés nationaux, de réaliser des économies d’échelle et d’obtenir de meilleurs prix. J’ai exposé l’importance de l’interopérabilité des équipements entre les SDIS, notamment pour les colonnes de lutte contre les feux de forêt. Concernant la quatrième unité d’instruction et d’intervention, j’en ai parlé précédemment. Quant à la flotte aérienne, j’ai évoqué les hélicoptères civils et les avions bombardiers d’eau Canadair. Deux ont été commandés sur les quatre prévus. J’ai demandé au directeur général de la Sécurité civile d’envisager également la location d’appareils pour plus de souplesse. Étant donné les problèmes de fabrication des Canadair, externalisée au Canada, il est nécessaire de repenser l’ensemble de notre flotte aérienne (Canadair, Dash, hélicoptères) avec un objectif stratégique à dix ou quinze ans.
Le Beauvau de la sécurité sera relancé en novembre prochain avec quatre chantiers. J’ai abordé les CRA, la mission « Immigration, asile et intégration », l’immobilier et le protocole RH.
Le modèle français de sécurité civile repose sur trois piliers essentiels : la mixité des statuts (bénévolat, volontariat, professionnels, personnel civil et militaire), une forte territorialisation et la complémentarité entre moyens locaux et nationaux. Ce modèle nous permet d’assurer une défense efficace du territoire face aux diverses crises.
Deux points méritent notre attention. D’une part, il est impératif de refuser l’application de la directive européenne sur les 35 heures aux sapeurs-pompiers volontaires, qui risquerait de les assimiler à des salariés et fragiliserait notre modèle. D’autre part, nous devons constamment adapter ce modèle.
Concernant les retraites des sapeurs-pompiers volontaires, une solution de gratification des pensions a été votée par le Parlement à l’unanimité, pour un coût de 75 millions d’euros. Je propose de privilégier une solution de fidélisation à partir de 2025, en attribuant des trimestres par tranches de dix ans puis de cinq ans supplémentaires. L’enjeu principal est en effet la fidélisation à long terme.
Enfin, le projet de radio du futur, d’un montant de 65 millions d’euros, permettra de rendre le réseau plus résilient et plus solide. Bien que sa mise en place ait été difficile, ce réseau est essentiel pour maintenir les communications en cas d’effondrement des réseaux classiques, comme nous l’avions constaté lors de la tempête Xynthia en Vendée.
Le plan de mobilisation contre le suicide dans la police nationale ne connaît pas de baisse effective. Nous avons simplement ajusté les crédits au niveau des années précédentes, en fonction de leur consommation réelle. C’est une démarche de bonne gestion.
Quant aux délais de délivrance des titres, ils demeurent élevés, notamment pour les naturalisations. Cette augmentation s’explique principalement par la hausse significative des demandes, passant de 77 000 en 2020 à 155 000 en 2023. Le déploiement des trois premiers sites expérimentaux France Asile devrait permettre de réduire considérablement ces délais, de même que le renfort de 29 équivalents temps plein à l’OFPRA.
J’ai déjà fourni des réponses détaillées concernant la sécurité civile et l’immigration. Je réaffirme notre volonté d’améliorer l’efficacité et de réaliser des économies sur certains points. Un amendement gouvernemental viendra d’ailleurs rehausser les crédits.
Pour la gestion des CRA, il est nécessaire de poursuivre le criblage tout en revoyant la durée de rétention, notamment pour les individus présentant le plus haut degré de dangerosité. Nous devons anticiper, en utilisant diverses mesures, comme la libération conditionnelle ou l’éloignement. Nous proposerons d’améliorer la coordination avec les pays d’origine et entre la justice et le ministère pour optimiser les départs et réduire la pression sur les CRA.
Je partage votre inquiétude concernant les loyers de la gendarmerie. Sans modification, nous risquons un blocage du système. Nous envisageons un équilibre entre l’externalisation de l’investissement pour les grands projets via des partenariats public-privé, et une gestion interne pour les projets courants. Cette transition engendrera des coûts et nous allons entamer une réflexion approfondie au sein du ministère pour apporter des réponses transparentes.
J’ai déjà répondu à la question sur les agents de police judiciaire (APJ). Quant à la police de proximité, le modèle des JOP n’est pas transposable en raison des renforts exceptionnels déployés. En revanche, nous réfléchissons à accroître la visibilité et la proximité des forces de l’ordre, notamment dans les transports publics. Je fournirai plus de détails à ce sujet lors de ma visite à Toulouse pour la cérémonie de sortie de la nouvelle promotion des gardiens de la paix.
Concernant la sécurité civile, je tiens à souligner l’augmentation budgétaire liée aux annonces présidentielles sur la formation des policiers. Les écoles de police poursuivront leur fonctionnement, leurs recrutements et la formation des jeunes gardiens de la paix.
Concernant les effectifs de l’administration territoriale de l’État, nous observons une stabilisation. Le schéma d’emploi demeure stable, mais je considère qu’une quarantaine d’emplois supplémentaires seraient nécessaires pour répondre aux nécessités de service et suivre la trajectoire de la LOPMI. Je m’efforcerai d’obtenir un déblocage sur ce point dans les mois à venir, sachant que nous disposons de la masse salariale requise.
Je confirme le montant de 587 millions d’euros alloué à la sécurité. Quant au déploiement des nouvelles brigades, une cinquantaine est prévue pour 2025. Nous disposons là encore de la masse salariale nécessaire, mais Bercy a pour l’instant bloqué le schéma d’emploi. Cela fera l’objet d’un amendement budgétaire visant à déverrouiller ce schéma, sans demander de crédits supplémentaires.
Concernant l’immigration irrégulière, j’ai déjà évoqué le plan « Agir, pour l'emploi et le logement des personnes réfugiées ». Cet effort en faveur de 25 000 personnes est sans précédent, avec un suivi très individualisé des publics concernés.
Il n’y a pas de mauvaise gestion du budget. Pour ce qui est du paiement des loyers de la gendarmerie, une sous-budgétisation a probablement eu lieu, à laquelle se sont ajoutées les dépenses liées à la Nouvelle-Calédonie et aux JOP. Les crédits ont été consommés plus rapidement que prévu. Je vous informe que projet de loi de fin de gestion comprendra les crédits nécessaires pour régler les loyers, en commençant par les petits bailleurs sociaux et les petites collectivités territoriales, suivies des plus grandes.
Pour les effectifs de la police nationale, nous avons déjà atteint 80 % de l’objectif fixé par la LOPMI. L’effort se poursuit, tenant compte des recrutements déjà effectués. Concernant l’OFPRA, les 29 ETP supplémentaires permettront de réduire les délais de procédure.
Quant à l’OFII, nous maintenons une stabilité entre les crédits inscrits et ceux consommés. L’OFII accomplit un travail remarquable et conservera ses moyens pour développer ses missions.
Concernant la circulaire Valls de 2011, le contexte juridique a évolué avec la nouvelle loi « immigration ». Deux changements majeurs sont à noter : la circulaire Valls concernait tous les métiers, alors que la nouvelle loi se concentre sur les métiers en tension. Une concertation est en cours dans toutes les régions pour établir la liste de ces métiers. La nouvelle circulaire prendra en compte cette cible votée dans la loi. De plus, le champ d’application et les méthodes de contrôle diffèrent. Les préfectures vérifient désormais le caractère réel et sérieux du travail pour détecter d’éventuelles filières clandestines qui exploitent des irréguliers. Ce contrôle s’avère nécessaire face à la facilité de produire de faux contrats de travail ou titres de location. De plus, il ne suffit plus de travailler, il faut également vérifier la compatibilité de l’insertion avec le respect des principes républicains.
Concernant le statut des personnes en situation irrégulière, je n’ai jamais affirmé qu’elles étaient par essence des délinquants. Néanmoins, lors d’un récent Conseil européen justice et affaires intérieures, j’ai constaté que les vingt-sept ministres de l’Intérieur, qu’ils soient de gauche, sociaux-démocrates ou de droite, tenaient un discours similaire. Tous les peuples européens réclament de la fermeté et une reprise de contrôle sur les flux migratoires. C’était très instructif.
Je confirme que le coût de la politique du logement pour les étrangers sur la seule plaque parisienne s’élève à 1,7 milliard d’euros. Il est légitime d’examiner l’efficacité de cette politique, notamment pour ceux qui occupent indûment ces logements.
Concernant les CRA et les associations, je souhaite mener une réflexion similaire à celle menée pour les médecins et les titres étrangers malades. Dans les CRA, nous pourrions envisager de confier la mission d’évaluation des droits à l’OFII, possiblement avec un magistrat indépendant. Sur la question de l’indépendance nécessaire pour exercer une telle mission, je vous rappelle qu’un autre organisme – l’OFPRA –, bien que dépendant de mon ministère, a su faire la démonstration qu’il ne manquait pas d’indépendance dans ses décisions.
Enfin, évaluer l’efficacité des politiques publiques uniquement à l’aune de la dépense publique serait une erreur pour notre pays.
Quant aux effectifs dans les préfectures, je répète qu’il n’y a pas de suppression de postes. Au contraire, je souhaiterais les augmenter, mais nous devons d’abord déverrouiller le schéma d’emploi.
M. Julien Rancoule (RN). Je souhaite vous interroger sur la diminution de plusieurs dizaines de millions d’euros du budget alloué à la sécurité civile. Cette réduction s’avère incompréhensible face aux défis colossaux auxquels nous sommes confrontés dans ce domaine. Les sapeurs-pompiers ont franchi le cap des 5 millions d’interventions en 2023, ce qui représente une augmentation de 30 % en une décennie. Parallèlement, le mode de financement des SDIS demeure inchangé depuis deux décennies, dans un contexte où les contraintes budgétaires pesant sur nos collectivités territoriales s’accentuent. Le nombre de volontaires, qui constituent 80 % des effectifs, stagne, voire régresse dans nos zones rurales. Il est donc impératif de valoriser leur engagement et de lancer une campagne nationale de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. Simultanément, les associations agréées de sécurité civile jouent un rôle essentiel et leur subvention doit être revalorisée. Actuellement, nous allouons 150 000 euros à une quinzaine d’associations, ce qui s’avère insuffisant.
Cet été encore, les pilotes de la sécurité civile ont rencontré d’importantes difficultés liées au manque de disponibilité de nos Canadair. Certes, un plan de renouvellement de la flotte est en cours, mais il ne suffira pas. Nous approchons dangereusement d’un point de rupture, avec des manquements dans l’entretien de nos appareils.
Par ailleurs, aucune ligne budgétaire n’est dédiée à l’innovation en matière de sécurité civile, malgré l’existence de solutions technologiques prometteuses. Il est primordial de soutenir ces innovations françaises pour régénérer et moderniser les équipements.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Un jeune homme de 27 ans s’est effondré dans le CRA du Mesnil-Amelot. Ses co-retenus ont vainement tenté de le secourir en pratiquant des massages cardiaques et en appelant à l’aide. Il est décédé. La veille, un autre retenu avait tenté de se suicider dans ce lieu sinistre où règne le désespoir.
La durée de rétention n’influe nullement sur l’efficacité des procédures d’éloignement. Pourtant, vous ne vous contentez pas de remplir ces centres infâmes. Parallèlement, vous continuez à détricoter l’exercice du droit d’asile. Comment justifier une réduction de 5 % des dépenses liées à l’hébergement des demandeurs d’asile, alors que vous prévoyez une augmentation équivalente du flux des demandes pour l’année à venir ? Cela se traduit par la suppression de 6 429 places dans les hébergements d’urgence. De plus, la dotation relative à l’ADA diminue de 16 % pour 2025, après une réduction de 10 % déjà votée en loi de finances pour 2024. Cette politique entraînera inévitablement une augmentation du nombre de personnes à la rue, affamées et livrées à elles-mêmes. J’attends vos explications sur la logique de ce calcul macabre, qui semble bien éloigné d’une mission d’accueil et de prise en charge d’êtres humains en exil.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Je souhaite attirer votre attention sur la situation des contrôles aux frontières intérieures, particulièrement à la frontière franco-italienne, à Menton. Depuis la décision du Conseil d’État d’annuler la possibilité d’effectuer des refus d’entrée sur le territoire national à partir du sol étranger, nous constatons une augmentation significative des admissions. La procédure actuelle s’avère extrêmement chronophage : elle mobilise trois agents pendant quinze heures pour réaliser une seule admission en retenue administrative. Durant ce laps de temps, ces agents ne peuvent assurer la surveillance de la frontière. L’effectif actuel compte quarante agents, mais il manque encore trente professionnels à Menton pour répondre aux besoins. Les autorités italiennes, quant à elles, accomplissent efficacement leur tâche, ce qui se traduit par un afflux important d’étrangers vers notre territoire. Nous sommes confrontés à un triple effet ciseau et à une désorganisation de la frontière. Dans ce contexte, comment pouvons-nous soutenir ces agents pour améliorer leur collaboration avec les autorités italiennes et améliorer la gestion de cette situation complexe ?
M. Paul Christophle (SOC). L’indicateur 2.1 de la mission « Sécurités » révèle des résultats mitigés concernant l’élucidation des infractions. En 2023, nous n’avons élucidé que 18,6 % des vols avec violence, 9,5 % des cambriolages à domicile et 71 % des homicides, laissant ainsi 29 % de ces derniers non résolus. La comparaison avec les années antérieures démontre une stagnation, voire une détérioration des taux d’élucidation. Nous reconnaissons l’abnégation et l’engagement de nos forces de l’ordre dans l’accomplissement de leurs missions. Néanmoins, ces chiffres soulèvent des interrogations quant aux moyens que l’État leur alloue. La réforme de la police nationale, qui a considérablement affaibli la police judiciaire, aura pour conséquence de concentrer les ressources sur la sécurité publique au détriment de l’élucidation des crimes. Le rapport 2023 de la Cour des comptes soulignait des disparités importantes entre les circonscriptions de sécurité publique. Certaines, sous-dotées, géraient en moyenne 304 procédures par enquêteur. Dans le cadre de ce PLF, quelles propositions formulez-vous pour remédier à cette situation ?
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’Assemblée nationale n’est pas responsable de la conduite chaotique des débats budgétaires. Il est regrettable que nous ne puissions pas poser l’intégralité de nos questions, entravant ainsi notre mission constitutionnelle de contrôle parlementaire. Certes, le ministre a apporté des réponses, mais de façon quelque peu prolixe.
Lors de votre visite au CRA du Mesnil-Amelot le 11 octobre dernier, vous avez manifesté votre intention de confier la mission d’assistance juridique et d’évaluation des droits à l’OFII, organisme placé sous votre tutelle. Cette initiative n’est pas inédite et s’est heurtée par deux fois à l’opposition du Conseil d’État, qui estime que de telles missions doivent être assurées par des organes spécialisés et indépendants, en l’occurrence des associations.
Plutôt que de transformer les CRA en zones de non-droit, où l’accès à la justice serait compromis, et d’exacerber des situations déjà instables, il serait judicieux, en tant que responsables politiques, de prendre connaissance du dernier rapport de ces associations sur les CRA. Ce document met en lumière des conditions sanitaires déplorables, point sur lequel je ne constate aucune proposition d’amélioration dans le budget actuel.
M. Bruno Retailleau, ministre. Concernant la sécurité civile, trois éléments sont à considérer. Premièrement, les annonces du président de la République ont engendré un pic en 2024, suivi d’un creux en 2025. Deuxièmement, la commande de 31 millions d’euros pour les Canadairs sera honorée en 2024, sans règlement prévu en 2025. Les crédits pour ces deux appareils devront être inscrits en 2026. Troisièmement, 20 millions supplémentaires seront reportés à 2026.
Les pactes capacitaires prévoient un investissement de 500 millions d’euros pour 36 hélicoptères. Une réflexion s’impose sur la flotte aérienne, incluant Canadairs, Dash et hélicoptères, car nous ne pouvons nous fonder sur des décisions prises il y a plus de trente ans.
En matière d’innovation, nous avons créé en 2024 un fonds nommé « Innov’Achats », bénéficiant à la sécurité civile et aux SDIS, notamment pour l’expérimentation de nouveaux sacs à eau héliportés particulièrement performants.
Concernant l’hébergement des demandeurs d’asile, la baisse de 6 500 places est compensée par l’augmentation du taux de disponibilité des places, la fin de certains travaux et la libération des places occupées indûment, y compris par des personnes ayant obtenu le statut de réfugié. De plus, la diminution du nombre de réfugiés ukrainiens libère des places supplémentaires.
La jurisprudence Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) découle d’un arrêtde la Cour de justice de l’Union européenne du 21 septembre 2023, confirmé en février par le Conseil d’État. Il interprète la directive retour, stipulant qu’un délai d’un mois doit être accordé, même à une personne en situation irrégulière, pour un départ volontaire. Cette procédure mobilise trois agents pendant quinze heures, les empêchant d’être sur le terrain. La dépense publique n’est pas la réponse à tout. En l’espèce, la solution réside plutôt dans la révision de la directive retour prévue au premier semestre 2025, qui inversera la charge de la preuve entre l’État et l’individu interpellé à la frontière. Il s’agit d’alléger les procédures.
Concernant les APJ, la réforme de la police nationale ne réduira pas leurs effectifs. Néanmoins, l’alourdissement des procédures, comme l’utilisation des caméras en garde à vue, diminue la présence sur le terrain. La simplification, notamment par la numérisation et la plainte en ligne, offrira des marges de manœuvre.
Quant aux CRA et à l’OFII, vous n’interprétez pas la jurisprudence correctement. L’OFPRA, bien que dépendant de mon ministère, reste indépendant. L’internalisation de la mission médicale par l’OFII a répondu aux exigences de l’Ordre des médecins. Mon objectif n’est pas de réduire la qualité du conseil fourni, mais d’assurer son impartialité. Je suis convaincu que l’OFII peut remplir cette mission.
II. Examen pour avis des crédits
Lors de sa deuxième réunion du mardi 22 octobre, la Commission procède à l’examen pour avis des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Laure Miller, rapporteure pour avis).
Lien vidéo : https://assnat.fr/93BJb9
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CL49 de M. Aurélien Lopez-Liguori, amendements II-CL67 et II-CL70 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). À Menton, le ministre de l’Intérieur a montré les dents et fait des promesses de fermeté face à l’immigration irrégulière. Quelle n’a pas été notre surprise de constater que le budget alloué à la lutte contre l’immigration illégale diminue de 40 % !
Nos concitoyens paient chaque jour le prix de l’inexécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) : Philippine, assassinée par un Marocain sous OQTF ; Lola, assassinée par une Algérienne sous OQTF ; Claire, violée par un ressortissant étranger sous OQTF ; et tant d’autres victimes remisées dans les rubriques de faits divers de la presse quotidienne régionale. Les gouvernements successifs qui ont refusé d’augmenter les moyens alloués à la lutte contre l’immigration illégale sont coresponsables de ces tragédies.
Les déclarations de fermeté ne suffisent pas ; place aux actes. Avec cet amendement raisonnable et nécessaire, nous proposons d’augmenter de 100 millions le budget alloué à la lutte contre l’immigration irrégulière. Cet argent permettrait de financer la création de places dans les centres de rétention administrative (CRA) et de mieux protéger leur personnel – agressé quotidiennement par des migrants dont le profil est de plus en plus dangereux. Il y va de la sécurité des Français, qui veulent tout simplement pouvoir marcher dans la rue ou prendre les transports en commun sans devenir les martyrs du laxisme migratoire.
Si vous vous y opposez seulement pour une question d’argent, je propose plus loin l’amendement II-CL151 qui permet de supprimer la moitié des subventions aux associations pro-migrants.
M. Yoann Gillet (RN). Philippine, Lola, Olivier, Barbara et Nadine sont les victimes de l’immigration irrégulière. Tous ces Français tués par des migrants délinquants seraient sans doute encore en vie si l’immigration était maîtrisée.
En octobre 2022, Emmanuel Macron avait annoncé un objectif de 100 % d’exécution des OQTF. Deux ans plus tard, les Français subissent toujours les conséquences de l’immigration clandestine. Alors que le Premier ministre se rendait à la frontière franco-italienne pour évoquer la lutte contre cette immigration, nous avons appris avec stupéfaction que les crédits qui lui sont alloués vont passer de 300 millions en 2024 à 173 millions en 2025. Ce choix est un véritable abandon par l’État de ses missions régaliennes, alors que près de 900 000 étrangers en situation irrégulière seraient présents sur notre territoire. Ce sont nos compatriotes qui subissent les conséquences du laxisme migratoire et des mauvaises décisions politiques.
En 2022, le taux d’exécution des OQTF était de seulement 6,9 % en France, contre 21,4 % en Grèce, 24 % en Italie, 32 % en Espagne et même près de 52 % au Danemark. Comment atteindre l’objectif de 100 % d’exécution avec un budget moindre ?
Plutôt qu’essayer de corriger les effets de l’immigration incontrôlée, le Gouvernement s’attaque aux crédits nécessaires à la sécurité des Français.
L’amendement II-CL67 prévoit d’augmenter de 60 millions les crédits afin de financer les actions fermes que nous exigeons. Il faut évidemment un budget conséquent pour expulser systématiquement les délinquants étrangers et exécuter de manière rigoureuse les OQTF.
L’amendement II-CL70 a pour objet de mieux lutter contre l’immigration de masse, et donc contre l’insécurité. Chaque jour, les flux migratoires hors de contrôle fragilisent la France et minent la sécurité de nos compatriotes. Pourtant, 326 000 premiers titres de séjour ont été accordés en 2023, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2023.
Alors que 75 % des Français réclament une politique migratoire plus stricte, ce Gouvernement continue de rester passif, comme les précédents, prisonnier de l’idéologie sans-frontiériste. Accorder des titres de séjour de manière anarchique et régulariser sans tenir compte de la qualité des individus, tout cela reste à l’ordre du jour. L’assassin de Samuel Paty détenait une carte de séjour pluriannuelle, tandis que l’auteur de l’attaque terroriste à Rambouillet avait obtenu une autorisation exceptionnelle de séjour avant que lui soit délivrée une carte de séjour valable jusqu’à la fin de 2021.
Il est donc impératif de prendre les mesures adéquates pour lutter contre l’immigration anarchique. Les Français le réclament et c’est nécessaire pour protéger notre pays.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Faut-il augmenter le budget consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière ? On peut partager cet objectif. D’ailleurs, vous auriez pu mettre à jour vos arguments, puisque le ministre s’est engagé tout à l’heure à amender le PLF pour rétablir ces crédits à leur niveau de 2024.
Vos amendements proposent de transférer des crédits depuis l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants vers l’action 03 Lutte contre l’immigration irrégulière. Mais une politique d’immigration doit marcher sur ses deux jambes : lutter contre l’immigration illégale d’un côté et intégrer les étrangers en situation régulière de l’autre. Votre proposition me paraît donc déséquilibrée.
Vous dites que vous voulez augmenter l’exécution des mesures d’éloignement. Je rappelle que la France est le pays européen qui réalise le plus d’éloignements. Vous pourriez d’ailleurs reconnaître que l’exécution des OQTF soulève des difficultés qui ne sont pas d’ordre budgétaire mais juridique et diplomatique – en raison notamment de la délivrance au compte-gouttes des laissez-passer consulaires par certains pays.
J’entends Mme Le Pen dire qu’elle va taper sur la table avec son petit poing et qu’elle va tout régler de cette manière. Ce n’est pas aussi simple. Malgré vos grands discours, vous ne pourrez pas résoudre des problèmes géopolitiques.
La loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration adoptée en début d’année va permettre de procéder plus systématiquement à des éloignements grâce à la réduction de la durée des recours et à la suppression des protections dont bénéficiaient certains étrangers.
Avis défavorable sur ces amendements.
M. Yoann Gillet (RN). Puisque vous nous dites que le Premier ministre est prêt à augmenter les crédits pour lutter contre l’immigration bien que le budget présenté soit très décevant, pourquoi n’adoptez-vous pas nos amendements ?
Ce que vous dites au sujet des OQTF est faux. En réalité, la France est le pays en Europe où le taux d’exécution des mesures d’éloignement est le plus faible. Ce ne sont pas les volumes qui importent, mais les taux. Il ne vous a pas échappé que les populations sont différentes, de même que le nombre de clandestins.
Un peu d’humilité, madame Miller. Vous estimez que vous avez les solutions et que tout est merveilleux. Mais depuis que préside celui que vous soutenez depuis sept ans, le pays ne s’est jamais aussi mal porté et il n’y a jamais eu autant d’insécurité et d’immigration. Plus de 80 % des Français réclament de la fermeté et approuvent massivement le programme du RN et de Marine Le Pen en la matière.
Mme Sandra Regol (EcoS). Notre travail de législateur ne doit pas s’appuyer sur les sondages ou sur des évaluations au doigt mouillé, mais sur des faits scientifiques étayés.
Dans 80 % des cas, les violences sexuelles sont le fait de proches des victimes et dans 98 % des cas, ce sont des hommes qui en sont responsables. Se focaliser sur la minorité des affaires où le mis en cause n’est pas un proche – et parfois est un étranger – constitue un mensonge sur les violences faites aux femmes. C’est aussi une façon d’instrumentaliser ces violences afin de s’en prendre aux valeurs essentielles de l’État de droit. Il est scandaleux d’entendre des arguments aussi peu fondés.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Il y a une forme d’abjection dans cette manière d’égrener les noms de victimes de violences, d’abus sexuels et de meurtres en soulignant que ceux qui les ont commis sont des personnes immigrées.
Mais les députés du RN ne parleront jamais de Louane, de Leila, de Brigitte, de Magali, de Christelle, d’Édith, de Lorraine, de Lorena, de Marie-Antoinette, de Cynthia et de toutes les femmes qui ont été assassinées cette année, la plupart du temps par leur mari ou par un proche. Ils n’en parleront jamais parce que ce n’est pas l’immigration qui est en cause, c’est le patriarcat.
Vous racontez n’importe quoi : 96 % des personnes faisant l’objet d’une OQTF n’ont commis absolument aucun délit. Et pour les 4 % restants, il s’agit le plus souvent de vols, c’est-à-dire d’une délinquance liée à la pauvreté. Vous ne vous préoccupez jamais des causes de l’immigration parce que vous êtes amis avec ceux qui en sont responsables – tel M. Bolloré, dont la chaîne de télévision se plaint de l’immigration alors qu’il exploite des matières premières en Afrique depuis des années. Vous ne parlez jamais des guerres, alors qu’elles sont la principale cause d’émigration. Vous attisez des peurs et vous ne réglez aucun des problèmes. Surtout, vous ne parlez jamais de la souffrance de ceux qui sont contraints de quitter leur pays.
Mme Elsa Faucillon (GDR). La France procède à un nombre bien plus important d’éloignements que les autres pays européens et 96 % des personnes visées par une OQTF n’ont en effet commis aucun délit.
La plupart travaillent, ont des enfants scolarisés et participent à la vie sociale et culturelle. Mais ils font l’objet d’une OQTF simplement parce qu’ils ont tenté de se faire régulariser ou n’ont pu obtenir un rendez-vous à la préfecture. Le système ne fonctionne pas.
Certains font systématiquement un lien entre l’étranger et le délinquant ou l’agresseur sexuel. Cette corrélation ne repose sur aucune étude scientifique. Outre ses biais racistes, un tel discours masque la réalité de la culture du viol et du patriarcat. Pour la combattre, il faut reconnaître que les viols sont majoritairement commis par des proches. Le procès des viols commis à Mazan montre que les profils des auteurs sont très hétérogènes, ce qui témoigne de la diffusion de la culture du viol dans la société française. Ce n’est pas une question de catégorie sociale, ni d’origine culturelle ou ethnique.
Mme Béatrice Roullaud (RN). La gauche ne comprend pas l’exaspération des gens. Nous citons les noms des victimes de personnes sous OQTF car leur mort aurait pu être évitée. Nous ne nions pas que beaucoup de faits ont lieu au sein des familles et nous les avons toujours dénoncés, notamment dans le cadre des travaux menés par la délégation aux droits de l’enfant. Mais vous devez entendre que 79 % des Français ne comprennent pas pourquoi les coupables n’avaient pas été expulsés. Les parents des victimes se disent que si cela avait été fait, leur fille serait en vie. Je vous demande d’y réfléchir.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL73 et II-CL74 de M. Yoann Gillet, II-CL53 de Mme Alexandra Masson, II-CL69 et II-CL71 de M. Yoann Gillet, II-CL170 de Mme Edwige Diaz et II-CL54 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). L’incapacité de l’État à contrôler les frontières outre-mer est l’un des principaux facteurs d’insécurité, comme le montre la situation de Mayotte, submergée par des flux migratoires qui ne faiblissent pas. Selon l’Insee, plus de 40 % de la population de l’île est étrangère et une majorité des immigrants est en situation irrégulière. Ces données sous-estiment très certainement l’ampleur du phénomène. À l’immigration en provenance des Comores s’est ajoutée celle venant de Madagascar et de la région des Grands Lacs. Sur 3 379 demandes d’asile en 2022, 1 780 émanaient de Comoriens, 733 de Malgaches et 866 de ressortissants de pays africains.
La submersion migratoire a atteint un niveau tel que tout craque. La porosité des frontières permet tous types de trafics, des gangs armés de machettes s’introduisent dans les établissements scolaires, des coupeurs de routes rançonnent les automobilistes et dès dix-huit heures, les honnêtes citoyens ne sortent plus de chez eux. Les services publics s’effondrent et l’économie locale souffre. L’immigration clandestine alimente une économie parallèle qui asphyxie le développement de l’île et décourage les entrepreneurs qui font face à une concurrence déloyale. La plupart des personnes soignées dans les hôpitaux sont en situation irrégulière.
Il règne à Mayotte une violence qu’aucun de nos compatriotes ne devrait jamais subir. Cette situation a été qualifiée à juste titre de bombe à retardement dans un rapport d’information de la commission des affaires étrangères, sans pour autant que cela entraîne une prise de conscience des pouvoirs publics. Cet état de choses appelle une réponse ferme et tel est l’objet de l’amendement II-CL74.
Sur le même thème, mon amendement II-CL69 tend également à alerter sur le fait que l’immigration massive et anarchique constitue l’un des terreaux de l’aggravation de l’insécurité dans notre pays. À l’exception du RN, la classe politique refuse de reconnaître ce qu’affirment 68 % des Français et ce que confirment les statistiques officielles, c’est-à-dire qu’il existe évidemment un lien direct entre insécurité et immigration ; même le Président de la République a fini par l’admettre.
Mais pendant que la délinquance et l’ensauvagement gangrènent notre société, le budget consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière demeure figé dans une routine d’échec. Le nombre d’infractions commises par des étrangers explose. Par exemple, en 2023, ils représentaient 53 % des personnes mises en cause pour des vols ou des actes de violence dans les transports en commun.
Les Français en ont assez des agressions gratuites, des vols, des viols. Alors que les personnes faisant l’objet d’une OQTF sont si nombreuses à commettre des délits, des crimes, voire des actes de terrorisme, qu’attend le Gouvernement pour déployer des moyens suffisants ?
Un mot, enfin, sur mon amendement II-CL54 qui vise à durcir les conditions d’accès à la nationalité. Si l’immigration, légale et illégale, a battu tous les records sous la présidence d’Emmanuel Macron et si des millions de nos concitoyens ne reconnaissent plus leur propre pays, c’est notamment en raison des modalités d’acquisition de la nationalité française. Les chiffres sont accablants : d’après l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, 4 millions de personnes sont devenues françaises entre 1982 et 2019. Avec 97 000 naturalisations lors de la seule année 2023, la France est même l’un des pays où l’obtention de la nationalité est la plus facile. (Exclamations.)
Certes, nombreux sont ceux à avoir mérité notre nationalité et à avoir épousé la France. Cependant, beaucoup d’autres n’auraient jamais dû devenir Français, dans la mesure où ils crachent sur ce qui est désormais leur drapeau. La nationalité française s’hérite ou se mérite. Plébiscitée par nos compatriotes, y compris ceux d’origine étrangère, cette logique doit prévaloir. Au total, 78 % des Français sont favorables au durcissement des conditions d’obtention de la naturalisation. D’ailleurs, si acquérir la nationalité est si simple, pouvoir en déchoir les personnes qui le méritent devrait l’être tout autant. J’y insiste, être Français ne se résume pas à un bout de papier : la France, c’est une histoire, une culture, une pensée, une vision.
Mme Edwige Diaz (RN). Chaque année, la France bat des records d’immigration et attribue davantage de titres de séjour. Or malgré cette flambée considérable, la tendance demeure : 2,4 millions de visas ont été délivrés en 2023, ce qui représente une hausse de 40 % en un an, tandis que 320 000 titres de séjour ont été accordés à des primo-arrivants, soit le nombre d’habitants de la ville de Nantes. En conséquence, l’an dernier, 4 millions de personnes étaient titulaires d’un titre de séjour dans notre pays, ce qui correspond à la population de la Croatie.
Dans la mesure où une large majorité de nos concitoyens sont favorables à une restriction des conditions d’accueil – d’après un sondage de l’institut CSA de décembre 2023, 80 % des Français estiment qu’il ne faut pas accueillir davantage de migrants –, il convient d’opérer un tournant majeur dans la politique d’attribution des titres de séjour. C’est pourquoi mon amendement II-CL170 vise à réduire de 520 000 à 100 000 euros le budget alloué à l’action 01, Circulation des étrangers et politique des visas, du programme 303.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. L’exposé sommaire de l’amendement II-CL170 fait état de « records migratoires », qui justifieraient une diminution de 420 000 euros des crédits alloués au traitement des demandes de visa. Or les chiffres en progression concernent principalement les travailleurs. Cela nous ramène au débat sur les métiers en tension et à la nécessité d’aider des secteurs qui peinent à recruter. Nous attendons toujours la réponse du RN sur cette question, mais peut-être ne dialoguez-vous pas avec des chefs d’entreprises sur le terrain.
Ce dont vous ne parlez pas non plus, c’est de la baisse de 5 % des délivrances de titres pour motif familial, ni de la hausse significative du nombre d’expulsions.
S’agissant des personnes ayant acquis la nationalité française, leur nombre est passé de 78 711 en 2022 à 61 640 en 2023, soit le chiffre le plus faible depuis 2018, cette évolution étant due à la hausse, depuis 2020, des exigences en matière de maîtrise de la langue.
Quant à la progression du nombre de demandes d’asile dans notre pays, elle est plus faible que la moyenne européenne.
Rappelons aussi que baisser les crédits alloués au traitement des demandes de visa serait contreproductif, puisque les moyens consacrés aux contrôles seraient moins importants. Je note d’ailleurs que l’amendement II-CL71 de M. Gillet tend, au contraire, à accroître les fonds alloués à cette ligne budgétaire. En tout état de cause, si vous souhaitez modifier les conditions de délivrance des visas, une proposition de loi constituerait un véhicule plus adapté.
En ce qui concerne l’amendement II-CL54, il est faux de dire que la France est l’un des pays où obtenir la nationalité est le plus facile. Peut-être pourriez-vous donc commencer par dire la vérité, ou alors indiquer vos sources. Quoi qu’il en soit, j’estime que l’acquisition de la nationalité doit continuer d’être encouragée comme l’aboutissement d’un parcours d’intégration réussi. Je rappelle enfin que les critères d’acquisition de la nationalité ne relèvent pas du PLF.
Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Mme Edwige Diaz (RN). La seule politique contreproductive en matière d’immigration est celle menée par Emmanuel Macron depuis sept ans. Vous pouvez faire mine de l’ignorer ou vous réfugier derrière de faux arguments teintés de mauvaise foi, mais je vous conseillerai plutôt d’aller sur le terrain : vous vous rendrez compte que les Français veulent un changement de cap dans ce domaine.
Par ailleurs, outre que nous n’estimons pas, contrairement à ce que vous avez sous-entendu, que les Français sont des fainéants, je rappellerai les propositions de Marine Le Pen pour favoriser le retour au travail. Nous souhaitons augmenter les salaires de 10 % dans la limite de trois Smic grâce à une exonération de cotisations patronales, mettre en adéquation les formations avec les emplois, ou encore favoriser la politique du logement.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Depuis quelques minutes, j’ai l’impression d’entendre un très mauvais disque rayé. Alors que l’immigration progresse partout dans le monde, la France, en réalité, n’en prend même pas sa juste part. L’augmentation de 2,5 % des primo-délivrances de titres de séjour à laquelle il a été fait allusion concerne avant tout les étudiantes et les étudiants – ne devrions-nous pas nous réjouir de l’attractivité de nos universités ? – et les personnes qui travaillent.
Quant à la question de la nationalité, vous assumez un positionnement xénophobe en estimant qu’il y aurait des Français de papier. Vous vous octroyez une sorte de haut patronage de la nationalité, au nom duquel vous pourriez décider de qui mérite de l’obtenir. Ils sont 4 millions à l’avoir acquise ces dernières années, avez-vous dit : c’est tant mieux !
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Collègues du RN, vous avez dit tout à l’heure que ceux qui acquièrent la nationalité française crachent sur le drapeau et l’histoire de notre pays, mais c’est vous qui faites cela avec de tels propos. Notre drapeau est né d’une révolution qui a consacré les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ; c’est d’ailleurs Robespierre, que vous méprisez, qui a inventé cette devise. C’est donc bien vous qui méprisez notre histoire.
Vous n’avez de cesse de faire peur en égrenant des chiffres, mais vous ne parlez jamais des réalités qui se trouvent derrière. Par exemple, vous affirmez vouloir lutter contre l’islamisme, mais vous refusez d’accueillir les personnes qui fuient le régime des talibans. Quant à l’immigration, vous ne dites pas que, dans notre pays, elle concerne principalement les étudiants, les travailleurs et le regroupement familial.
La France s’est faite par et avec l’immigration. Au total, 20 millions de personnes ont au moins un ancêtre étranger, à commencer par le chef de votre parti, M. Bardella. Arrêtez donc de nous bassiner avec l’immigration et respectez les Français, quelle que soit leur origine !
M. Paul Molac (LIOT). Qui demande la régularisation des étrangers ? Les chefs d’entreprise, car ils ont besoin de main-d’œuvre, tout simplement. Avec un taux de chômage de 4 % dans ma région, il est vrai que le recrutement est compliqué. Pour autant, le préfet nous répond qu’il a des quotas à respecter et qu’il doit donc expulser du monde ! Quant aux chiffres qui nous sont donnés, ils sont aussi idiots que celui de la proportion d’agressions commises par des hommes. Ce que je constate, c’est que la plupart des étrangers ne posent aucun problème.
Moi qui suis un allogène de la République, avec un arbre généalogique breton jusqu’au XVIIe siècle, je ne me retrouve en rien dans la vision du RN. Pourtant, la France a fortement matraqué les Bretons à certains moments.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Les arguments avancés par le RN laissent effectivement perplexe. Puisque les outre-mer ont été évoqués, prenons l’exemple de La Réunion. La population étrangère ne représente que 2 %, mais cela n’empêche pas le taux de pauvreté d’atteindre 38 %, les féminicides d’exploser. Une mère de famille de 34 ans s’est encore fait poignarder ce week-end par son conjoint – un Français, exactement comme les meurtriers des vingt et une autres femmes tuées sur l’île depuis 2015. Vos chiffres ne se vérifient donc pas dans ce territoire, où la pauvreté, la violence et les féminicides ne sont pas dues à l’immigration.
Quant à Mayotte, dont vous avez aussi parlé, vous avez raison : être Français dans ce territoire ne devrait pas représenter qu’un bout de papier, mais donner accès à des droits comme l’accès à l’eau, aux services publics, à l’école, ou encore à la santé. Si les habitants de ce département français en sont dépourvus, c’est à cause du sous-investissement chronique de la part de l’État.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Pour ma part, j’invite les collègues du RN à suivre un dossier de demande de nationalité du début à la fin : votre mandat sera terminé avant que l’intéressé ne l’ait éventuellement obtenue. Il s’agit d’un véritable parcours du combattant, long et particulièrement compliqué.
Par ailleurs, vous arrive-t-il de recevoir des gens comme cette dame d’Anglet, au Pays basque, qui est venue me demander de l’aide ? Propriétaire d’une boucherie-charcuterie ouverte depuis trois ou quatre générations, elle emploie depuis trois ans un Guinéen arrivé en France illégalement et qui est désormais titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) de boucher-charcutier. Alors qu’il est devenu l’élément moteur de son commerce, elle cherche à régulariser sa situation, d’autant qu’elle ne trouve absolument personne pour faire ce métier dans la région. Voilà la réalité à laquelle vous devez normalement être confrontés.
M. Ludovic Mendes (EPR). Je me suis senti insulté par les propos du RN. Je suis moi-même naturalisé et il semble, à vous entendre, que j’aime la France bien plus que vous.
Par surcroît, vous mentez sur les chiffres. Au total, 1 million de personnes ont été régularisées en Europe et proportionnellement à la population, la France n’arrive qu’en douzième position, derrière la Suède, qui est en tête, le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, ou encore l’Allemagne. Nous sommes donc loin des chiffres que vous annoncez.
Avec ces amendements, vous avez mélangé l’ensemble des étrangers et vous leur avez craché dessus. La réalité, c’est que pour faire fonctionner nos hôpitaux, nos Ehpad, nos usines, nous avons de la chance d’avoir ces personnes désireuses de venir en France. Et contrairement à ce que vous dites, elles ne sont pas sous-payées, car elles occupent des emplois qualifiés. Ce qui nous différencie, ce n’est pas la volonté de lutter contre les situations irrégulières, c’est que nous, nous aimons les étrangers qui aiment la France.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL48 de M. Yoann Gillet, II-CL20 de Mme Andrée Taurinya, II-CL47 de M. Andy Kerbrat, II-CL19 de M. Marc Pena et II-CL93 de Mme Martine Froger (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). Le chaos que nous vivons, qu’il s’agisse de l’insécurité grandissante ou de l’immigration incontrôlée, exige une action immédiate et déterminée de la part du Gouvernement. Mais que propose celui de M. Barnier face à ce fléau ? Un simple budget de continuité, et certainement pas de rupture.
Plus de 900 millions d’euros, voilà ce que l’État prévoit d’accorder en subventions, l’an prochain, aux associations immigrationnistes, alors qu’il investit moins de 70 millions chaque année dans le fonctionnement de nos CRA, dont l’utilité ne peut être niée par personne dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Or ni l’augmentation des capacités des CRA d’ici à 2027, ni l’allongement de la durée de détention, deux objectifs annoncés par le ministre de l’Intérieur et le Premier ministre, ne pourront se concrétiser avec un tel budget. Les belles paroles et les promesses, les Français n’en veulent plus. Il s’agit d’un abandon inacceptable des objectifs de la Lopmi, que nous avions pourtant votée.
Mon amendement II-CL48 tend donc à renforcer les moyens des CRA. Le temps des demi-mesures et du « en même temps » est révolu.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Qu’il est difficile de supporter ce que nous entendons ! Les membres du RN m’apparaissent à l’image d’une société de barbares, au sens que l’on donnait à ce mot dans l’Antiquité. À l’époque, les règles de l’hospitalité étaient inviolables. On se devait d’accueillir l’étranger qui échouait devant sa porte et de le faire asseoir à sa table, sans même lui demander son nom. Ce que nous entendons ce soir est à l’opposé de ce qui a fondé notre humanisme. C’est très grave.
Comme notre conception de l’accueil des étrangers est tout autre, nous proposons, par l’amendement II-CL20, de créer un fonds de soutien à la garantie du droit d’asile. C’est un sujet dont on ne parle jamais et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous étions opposés à la récente loi « immigration ». Plutôt que d’utiliser des crédits pour enfermer, nous estimons qu’il vaut mieux en disposer pour accueillir dignement – comme il se doit – tout être humain arrivant dans notre pays dans les conditions que nous connaissons.
M. Marc Pena (SOC). Dans sa chambre, un homme à la mâchoire fracturée souffre en silence, privé des soins spécialisés et vitaux dont il a besoin. Son voisin est atteint d’un cancer et ne peut non plus recevoir les soins adaptés. Dans la cour, un homme parle seul et passe ses nuits dehors. Le psychiatre ne vient qu’une demi-journée par semaine alors qu’ils sont une centaine de retenus. Tragiquement, l’un d’entre eux est décédé vendredi dernier, des suites de problèmes cardio-vasculaires. C’est le CRA du Mesnil-Amelot, que j’ai visité avant-hier, que je décris. Ces mots de Dostoïevski me reviennent alors : « Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons. »
Ce centre, le ministre de l’Intérieur lui-même s’y est rendu. Les personnes que j’évoque, il les a rencontrées. Pourtant, nos conclusions divergent. Le ministre souhaite augmenter la durée de rétention, alors que cela ne ferait qu’aggraver l’état déjà déplorable de l’accès aux soins dans ces lieux. La détresse des personnes est profonde, leur dignité bafouée. Malgré la circulaire gouvernementale de février 2022 et les nombreuses alertes des associations, les besoins en personnels de santé demeurent largement insatisfaits.
Voilà pourquoi, par l’amendement II-CL19, le groupe Socialistes propose d’allouer 3 millions d’euros supplémentaires pour renforcer la présence de soignants dans les CRA. Il ne s’agit pas que d’un amendement budgétaire : c’est un impératif moral et légal. J’appelle d’ailleurs le Gouvernement à renoncer à la compensation prévue pour assurer la recevabilité de l’amendement.
M. Paul Molac (LIOT). L’amendement II-CL93 de ma collègue Froger vise à alerter sur les conditions indignes de vie au sein des centres de rétention administrative, où, je le rappelle, une personne peut être retenue quatre-vingt-dix jours. S’agissant des CRA, le seul objectif affiché par le ministère de l’Intérieur est la construction de nouveaux établissements, afin d’atteindre les 3 000 places d’ici à 2027. Cette logique purement immobilière n’est pas à la hauteur des enjeux. Il convient de mobiliser des moyens pour nous conformer au principe de dignité humaine. Las, en dépit des avertissements de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, le ministère n’agit pas. Nous proposons donc de flécher 1 million d’euros en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les CRA.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Le budget alloué aux CRA pour 2025, qui s’élève à 69,08 millions d’euros, peut paraître limité, mais dans la mesure où le prochain établissement ne devrait ouvrir qu’en 2026, à Bordeaux, les crédits me semblent suffisants pour assurer le fonctionnement de ces centres, dont la capacité est actuellement de 1 959 places.
Par ailleurs, je suis un peu gênée par les exposés sommaires des amendements déposés par les membres du Nouveau Front populaire – exposés selon lesquels la rétention des étrangers s’inscrirait dans une politique de criminalisation des personnes en situation irrégulière, et ce au risque de faire un amalgame entre migrations et délinquance. Cette affirmation est une caricature qui dessert le débat. Cet amalgame, c’est le RN qui le fait.
Enfin, je rappellerai à Mme Taurinya que l’action 02 du programme 303 s’intitule Garantie du droit d’asile. Votre amendement est donc satisfait, sachant qu’il me semblait de toute façon contradictoire de vouloir ponctionner le budget des CRA au profit du fonds que vous vouliez créer.
Avis défavorable sur ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL18 de Mme Andrée Taurinya, II-CL37 Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL168 de Mme Edwige Diaz et II-CL50 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Plutôt que d’enfermer les demandeurs d’asile et de les priver de tous leurs droits, nous proposons de créer un fonds supplémentaire pour l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et accueillir ces étrangers dignement.
La vision du RN a progressivement contaminé – ou peut-être est-ce l’inverse – celle des gouvernements successifs, au moins depuis que M. Macron a accédé au pouvoir. Nous ne nous reconnaissons ni dans la loi « immigration » de 2024, ni dans les propos du ministre de l’Intérieur.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Le montant actuel de ADA est de 6,80 euros par jour, auquel il faut ajouter 7,40 euros si les étrangers visés ne bénéficient pas d’un hébergement. Nous proposons de l’augmenter, car il n’a pas été revalorisé malgré l’inflation élevée.
Nous prélèverions ainsi 20 millions d’euros sur l'action 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, afin d’abonder l’action 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303. Mais nous souhaitons que l’État lève ce gage.
Mme Edwige Diaz (RN). Les demandes d’asile en France sont actuellement traitées sur le territoire français. Avec Marine Le Pen et Jordan Bardella, nous souhaitons qu’elles soient désormais examinées par les ambassades se trouvant dans les pays d’origine ou, si c’est impossible, dans les pays voisins.
À cause du dévoiement actuel du droit d’asile, les crédits de l’action 02 du programme 303, Garantie de l’exercice du droit d’asile, augmentent de plus de 123 millions d’euros. Parmi les aides apportées aux demandeurs d’asile figure l’ADA, qui coûtera l’an prochain 350 millions d’euros, contre 300 millions en 2024. Il est impératif de maîtriser ce poste de dépenses dans un contexte économique alarmant au regard de la dette publique française et de la diminution du pouvoir d’achat de nos compatriotes.
Nous proposons donc de réduire les crédits de l’action 02 du programme 303 de 200 millions d’euros.
M. Yoann Gillet (RN). Les dépenses publiques continuent de croître plus vite que l’inflation. En cela, ce budget est une escroquerie. Il ne prévoit en outre aucune économie sur des questions clés comme l’immigration. À ce titre, il semble influencé par la gauche.
En 2023, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a enregistré 142 649 demandes d’asile, un chiffre en hausse de plus de 8,5 % par rapport à 2022. C’est le plus haut niveau jamais enregistré ; le pic de 2019 a même été dépassé.
Ce système dévoyé est devenu une machine incontrôlable, qui exerce un appel d’air et favorise l’immigration de masse. Or le Gouvernement continue de diminuer les crédits alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière tout en laissant exploser les dépenses injustifiées au profit des demandeurs d’asile. Sa priorité n’est ni la sécurité des Français ni la lutte contre l’immigration illégale, mais l’attribution d’allocations à ces étrangers, pour un montant de 350 millions d’euros en 2025, soit un montant supérieur à celui du fonds dédié à l’expulsion des délinquants étrangers. C’est scandaleux.
Nous proposons de réduire de 5 % le budget de l’ADA et de 10 % les crédits pour l’hébergement des demandeurs d’asile, soit une économie totale de 80 millions d’euros.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Le PLF pour 2025 prévoit une diminution de 16 % des crédits alloués à l’ADA, en se fondant sur l’hypothèse d’une hausse modérée des demandes d’asile, de 5 %, compensée par l’accélération du traitement des demandes d’asile grâce au renfort de 29 ETP à l’Ofpra.
Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire de l’amendement II-CL18, ces recrutements supplémentaires permettront d’assurer la qualité du traitement des demandes tout en réduisant les délais – c’est seulement si les délais se réduisaient à effectif constant qu’il faudrait s’inquiéter. Saluons le travail des officiers de protection instructeurs de l’Ofpra, qui examinent chaque demande rigoureusement.
Comme l’a noté la Cour des comptes, l’ADA a fait l’objet depuis plusieurs années d’une sous-budgétisation chronique, car l’aide versée aux Ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire n’était pas prise en compte dans le budget. Toutefois, elle l’est désormais, pour 106 millions d’euros.
Avis défavorable aux différents amendements, y compris à ceux visant à réduire les crédits de l’ADA, car cette aide est un droit pour les demandeurs d’asile.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Le RN, qui se plaint que certains « crachent sur la France », est toujours à côté de la plaque. Le peuple français « donne l’asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté » depuis 1793, c’est-à-dire depuis l’invention du drapeau tricolore. La Constitution de 1946 – juste après que nous avons chassé les nazis – contient la même idée et fait partie du bloc de constitutionnalité.
Les demandes de droit d’asile doivent être instruites sur le territoire de la République. Pensez-vous que les Ukrainiens puissent demander l’asile sous les bombes de M. Poutine, les Libanais sous les bombes de M. Netanyahou et les Afghans, sous la menace des talibans ? C’est ridicule. Au RN, vous donnez de la France une image qui n’est pas celle du pays des droits de l’homme et du citoyen.
M. Yoann Gillet (RN). C’est vous qui êtes ridicule, monsieur Léaument. En fermant les yeux sur le dévoiement du système, vous empêchez ceux qui en ont vraiment besoin, car ils sont en danger, de bénéficier du droit d’asile. Vous êtes dangereux. À gauche, vous ne colportez de tels discours qu’à des fins électoralistes, sans y croire, en jouissant de l’abri qu’offrent les beaux quartiers face à l’immigration et à l’insécurité.
M. Ludovic Mendes (EPR). Vous évoquez un dévoiement du droit d’asile sans citer de sources ni de chiffres. Je rappelle qu’un demandeur d’asile sur deux obtient l’asile dès la première demande ; certains l’obtiennent à la demande suivante.
Les seules demandes d’asile qui posaient problème étaient celles des Albanais, car l’Albanie est considérée comme un pays d’origine sûr. Nous avions donc organisé une mission en Albanie, à laquelle le président Boudié a participé. Depuis, le problème a été résolu. Continuez donc à dire des âneries, mais donnez au moins vos sources.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL176 de Mme Léa Balage El Mariky, II-CL24 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL175 de Mme Léa Balage El Mariky, II-CL21 de M. Andy Kerbrat, II-CL25 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL181 de Mme Léa Balage El Mariky et II-CL8 de M. Andy Kerbrat (discussion commune)
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Contrairement à ce qu’affirme le ministre de l’Intérieur, le volume des demandes d’accueil déposées par des Ukrainiens reste constant, alors que les personnes déplacées d’Ukraine bénéficient d’une protection temporaire jusqu’en 2026. L’amendement II-CL176 vise donc à stabiliser le budget dédié aux 11 000 places dans les sas d’urgence qui permettent l’accueil, l’hébergement et l'accompagnement social des Ukrainiens, conformément à la demande des gestionnaires, qui ont besoin de visibilité et de stabilité.
Alors qu’il était prévu de créer 3 000 places supplémentaires au sein du dispositif national d’accueil (DNA) en 2024, cela n’a finalement pas été fait. En outre, le présent PLF prévoit la suppression de 6 429 places d’hébergement d'urgence pour demandeurs d’asile. Avec l’amendement II-CL175, nous proposons de revenir sur ces deux décisions.
Le ministre de l’Intérieur explique que l’accélération des procédures d’examen des demandes d’asile permettra d’économiser sur le DNA. Pourtant, un demandeur d’asile sur deux est exclu du DNA, faute de places d’hébergement. Si nous réduisons encore le nombre de places, nous augmenterons celui des campements et accroîtrons la tension sur les dispositifs d’hébergement d’urgence de droit commun.
L’amendement II-CL181 vise à revaloriser la tarification des places réservées aux demandeuses d’asile victimes de violences. Ces femmes sont dix-huit fois plus souvent victimes de viols que la population générale. Le plan « vulnérabilité » adopté en 2021 avait été salué par les associations, mais la tarification n’a pas été revalorisée, alors que ces victimes de violences sexistes et sexuelles ont besoin d’un accompagnement spécifique. Les moyens financiers et humains des structures qui les accompagnent sont insuffisants. Le gage porte sur le programme Intégration et accès à la nationalité française ; je suis sûre que le Gouvernement le lèvera.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement II-CL24 vise à revenir sur la baisse du nombre de places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile prévue en 2025. Selon le bleu budgétaire, en 2025, les crédits de paiement pour ce parc diminueraient de 71,2 millions d’euros, et le nombre de places passerait de 119 427 à 113 258.
Le Gouvernement indique qu’il récupérera des places d’hébergement grâce à l’accélération des procédures devant l’Ofpra. Toutefois, cette accélération est incertaine. En outre, cette démarche fait courir le risque d’une dégradation des conditions d’examen des demandes d’asile.
Nous devons construire de nouvelles places d’hébergement d’urgence pour garantir l’exercice effectif du droit d’asile et assurer des conditions de vie dignes aux étrangers vivant sur notre territoire. Nous proposons donc de flécher 71,2 millions d’euros vers l’action 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303, Immigration et asile. Dans le respect de l’article 40 de la Constitution, la même somme serait prélevée sur l’action 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104.
Quant à l’amendement II-CL25, il est de repli. Il prévoit le même dispositif que le précédent, mais pour un montant moindre, de 30 millions d’euros.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Vous supprimerez 7 588 places d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile en 2025 – je rappelle que celles-ci avaient été créées pour pallier le manque de places en Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile). Le ministre de l’Intérieur justifie cette évolution par l’ouverture de 29 ETP supplémentaires à l’Ofpra, qui permettrait d’instruire les demandes plus vite, toujours plus vite.
Nous sommes préoccupés. Des places vont manquer. Et puis, pourquoi faudrait-il toujours aller le plus vite possible ? Le parcours des demandeurs d’asile est complexe. Ils doivent construire leur récit, qu’il faut prendre le temps de le recueillir. Or les agents de protection de l’Ofpra ont récemment mené plusieurs jours de grève, car le rythme d’abattage des dossiers qui leur est imposé nuit à leurs conditions de travail et à la qualité de l’instruction – je rappelle que la durée actuelle d’instruction des dossiers est en moyenne de 4,2 mois.
Au lieu de poursuivre ce traitement comptable et assez inhumain des demandes d’asile, il faudrait maintenir les places d’hébergement d’urgence dont vous prévoyez la suppression. Je rappelle en outre que seuls 29 ETP supplémentaires sont prévus pour l’Ofpra, qui compte 1 000 agents.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Nous sommes nombreux à nous préoccuper de la baisse prévue du nombre de places d’hébergement des demandeurs d’asile. Je rappelle toutefois qu’en 2017, notre pays ne comptait que 82 762 places de ce type, alors qu’il y en aura 113 258 en 2025. L’augmentation a donc été substantielle ces dernières années. Même si ce n’est pas suffisant pour les auteurs de ces amendements, un effort a déjà été fourni. L’accélération des procédures permettra en outre de libérer plus rapidement les places. Enfin, ces amendements sont gagés sur l’action Accueil des étrangers primo-arrivants. Or celle-ci joue un rôle d’accueil indispensable et je ne souhaite pas réduire ses crédits. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CL176.
Elle rejette successivement les autres amendements
Amendements II-CL3 et II-CL2 de Mme Andrée Taurinya
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Nous proposons de recruter de nouveaux agents dans les préfectures et sous-préfectures afin de garantir un meilleur accès aux droits des personnes étrangères.
Le projet de budget pour 2025 poursuit la dématérialisation à outrance, que la Défenseure des droits a dénoncée ici-même, car elle empêche le recours aux droits, précarise et crée même des sans-droits, par exemple ceux qui n’ont pas obtenu de rendez-vous à temps pour renouveler leur titre.
En outre, les procédures dématérialisées ont augmenté les délais. Si les files d’attente physiques ont disparu, elles se sont reconstituées dans le monde numérique, favorisant les trafics pour obtenir des rendez-vous le plus tôt possible.
Faute de garantir aux étrangers l’exercice effectif de leurs droits par la voie dématérialisée, l’État a été contraint deux fois par la justice à prévoir un accueil physique. Notre proposition lui permettrait d’appliquer ces décisions.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous sommes tous sensibles à la question de l’accueil des personnes étrangères dans les préfectures, mais ce débat et ces amendements relèvent de la mission Administration générale et territoriale de l’État, que nous avons déjà examinée tout à l’heure. Je rappelle au passage que les effectifs des préfectures ont retrouvé en 2024 leur niveau de 2018, ce dont nous pouvons nous satisfaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL144 de M. Karim Benbrahim, II-CL92 de Mme Martine Froger et II-CL116 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Karim Benbrahim (SOC). Notre politique d’accueil doit être humaine, ferme et dotée de moyens suffisants pour réussir l’intégration des étrangers au sein de la société française. Il faut notamment leur permettre de maîtriser la langue française, car cela leur facilitera la recherche d’un travail, le suivi d’une formation, l’accession à un logement et la création de liens sociaux.
Nous proposons d’abonder les crédits du programme 104 de 10 millions d’euros, car il est insuffisant sur ce point. Il est trop souvent question dans nos circonscriptions de difficultés d’accès à des cours d’apprentissage de la langue française. Nous demandons au Gouvernement de lever le gage.
M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement vise à renforcer la politique d’intégration des étrangers par la langue et le travail, en augmentant les moyens accordés à l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
La loi « immigration » avait pour second pilier une politique d’intégration renforcée et un meilleur accueil des étrangers en situation régulière, pour faciliter leur insertion dans le pays. Or, en 2025, l’Ofii perdra 29 ETP et son budget s’établira à 275,7 millions d’euros – c’est davantage qu’en 2024, mais moins qu’en 2023, quand l’Ofii disposait de 281,3 millions.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Je souscris aux amendements tendant à rétablir les crédits alloués à l’Ofii pour financer les cours de langue française aux primo-arrivants.
Quant à mon amendement, il vise les allophones installés en France depuis plusieurs années et qui souhaitent améliorer leur français. Même régularisés, ils veulent mieux s’insérer dans la société. Or, dans les centres sociaux de ma circonscription, ils sont nombreux, parfois des centaines, à attendre qu’une place dans les cours de français langue étrangère se libère. C’est dommage.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Nous sommes nombreux à partager vos objectifs. La maîtrise de la langue est indispensable à une intégration réussie. Le Gouvernement est pleinement mobilisé en la matière, comme l’a indiqué le ministre de l’Intérieur lors de son audition. Le taux d’atteinte du niveau A1 est en hausse depuis plusieurs années – à hauteur de 0,9 point entre 2022 et 2023, grâce au déploiement de nouveaux outils pédagogiques. Près de 70 % des signataires du contrat d’intégration républicaine avaient atteint ce niveau en 2023. Notons par ailleurs que les moyens de l’Ofii augmenteront de 25 millions d’euros en 2025.
Enfin, même si j’entends vos arguments, dans certains territoires, ma circonscription par exemple, l’offre de cours de français ne rencontre pas de demande. Peut-être faudrait-il donc mieux la répartir sur le territoire. Ce n’est pas, en tout cas, une question budgétaire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL7 de M. Andy Kerbrat
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter les crédits alloués au programme Intégration et accès à la nationalité française.
Le RN prétend que les migrants jouissent d’une situation formidable dans notre pays. En réalité, 26 % des étrangers vivent dans un logement suroccupé, contre 12 % pour le reste de la population, et 49 % des étrangers qui ont droit à l’AME (aide médicale de l’État) n’y recourent pas.
Dans le cadre du parcours d’intégration, les migrants reçoivent le Livret du citoyen, selon lequel « tous les citoyens ont accès, de façon égale, aux emplois dans l’administration » et sont « sélectionnés exclusivement selon leurs qualités et leurs compétences ». Les membres du RN, qui souhaitent exclure les binationaux des emplois publics, échoueraient donc à un test de citoyenneté ! Le Livret du citoyen rappelle également, au titre de la fraternité, qu’exprimer des opinions racistes est répréhensible. Les Français naturalisés sont peut-être plus français que vous !
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Je cite l’exposé sommaire de l’amendement : « C’est un leurre de croire que l’intégration des personnes étrangères doit se faire principalement par l’imposition d’un modèle type de bon citoyen français parlant correctement la langue et respectant des “valeurs républicaines” […]. »
Je veux bien entendre qu’il faut avoir accès aux droits, et notamment au logement, mais ce n’est pas incompatible avec le respect des valeurs républicaines et le fait de parler correctement le français.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Vous n’avez pas lu la suite : « l’intégration ne sera effective que lorsque les étrangers auront accès aux droits parmi lesquels celui de se loger décemment, d’avoir accès au marché de l’emploi. » Nous n’opposons pas ces différents besoins ; nous disons simplement qu’il est plus facile de s’intégrer quand on ne subit pas la précarité – et je pense que nous avons raison.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL4 de M. Andy Kerbrat et II-CL149 de Mme Céline Thiébault-Martinez (discussion commune)
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). L’amendement II-CL4 vise à dénoncer le manque de moyens alloués à l’accueil des mineurs non accompagnés et propose de les augmenter, afin d’assurer un accueil digne.
Les associations pointent de graves dysfonctionnements dans la prise en charge de ces mineurs dès leurs premiers contacts avec le dispositif de protection de l’enfance. Les problèmes peuvent perdurer jusqu’à ce qu’ils en sortent, parfois de manière expéditive. Cela conduit au maintien ou au retour à la rue de beaucoup d’entre eux, ou à une prise en charge inadaptée au sein de dispositifs pour personnes majeures. Plusieurs départements ont décidé, en toute illégalité, de ne plus accueillir les mineurs isolés et de nombreux jeunes ne sont plus mis à l’abri.
Une véritable politique publique de protection des mineurs isolés doit être mise en place. Ce sont avant tout des enfants et nous sommes au minimum tenus de respecter les conventions internationales, à défaut d’agir par simple humanité.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cet amendement propose de mettre en place des solutions d’hébergement alternatives à la rétention ou au placement en zone d’attente pour les mineurs étrangers, qu’ils soient accompagnés ou non par des adultes.
La loi « immigration » a interdit le placement en rétention des mineurs étrangers de moins de 18 ans. Elle prévoit également que les mineurs accompagnés d’adultes puissent être assignés à résidence plutôt que placés en rétention. Cette réforme était indispensable, la France ayant été condamnée à plus de dix reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour l’enfermement d’enfants dans des CRA ou des locaux de rétention administrative (LRA). Les conséquences psychologiques de ces pratiques sont dramatiques et bien documentées.
Or le bleu n’anticipe pas les conséquences de cette avancée législative conduisant à l’augmentation du nombre de mineurs qui ne pourront plus être placés en CRA ou en LRA.
L’amendement vise donc non seulement à garantir la prise en charge des mineurs dans des conditions dignes et adaptées, mais également à proposer des solutions d’hébergement respectueuses de leurs droits et de leur dignité, tant sur le territoire français que dans les zones d’attente.
C’est la raison pour laquelle il est proposé de transférer 1 million en AE et en CP de l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants vers l’action 03 Lutte contre l’immigration irrégulière. L’objectif n’étant pas de réduire le budget de l’État en matière d’intégration et d’accès à la nationalité française, nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL94 de M. Paul Molac et II-CL121 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement vise à adapter le dispositif de régularisation des travailleurs des métiers en tension aux spécificités de chaque territoire.
Ce dispositif, encore modifié par la loi de janvier 2024, reste piloté de manière centralisée par l’État et sans concertation avec les élus locaux. La liste des métiers en tension est établie par le ministère sans suffisamment tenir compte des besoins propres à chaque bassin d’emploi. Dans ma région, nous n’avons pas de mal à trouver de la main-d’œuvre pour les travaux publics alors que c’est difficile pour les usines agroalimentaires, ce qui nécessite souvent de recourir à des travailleurs étrangers.
Cet amendement propose donc de mettre en place à l’échelon départemental une commission réunissant des représentants de l’État, des organisations syndicales, du département et de la région. La liste des métiers en tension serait établie et actualisée chaque année après avis conforme de cette commission.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement vise à régulariser les travailleurs sans-papiers. Ils sont soumis à un système totalement hypocrite : ils ne sont pas censés travailler mais on leur demande de fournir des fiches de paie pour pouvoir être régularisés.
D’aucuns peuvent avoir une vision utilitariste et considérer qu’ils sont nécessaires dans les secteurs où l’on a besoin d’eux. Il s’agit avant tout de les protéger de l’exploitation, car ils sont utilisés comme une armée de réserve, avec des employeurs qui profitent largement de leur situation pour ne pas respecter le droit du travail et les transformer en salariés corvéables à merci.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. L’idée d’établir des listes de métiers en tension de manière territorialisée est très pertinente, mais le PLF n’est pas le texte qui convient pour une telle modification. Sagesse en ce qui concerne l’amendement II-CL94. Avis défavorable à l’amendement II-CL121.
M. Yoann Gillet (RN). Mme Faucillon parle de travailleurs sans-papiers : précisons qu’il s’agit en fait de travailleurs clandestins, qui travaillent illégalement et bafouent les lois de la République. Sans surprise, son amendement propose de tous les régulariser. Cette mesure est défendue depuis fort longtemps par l’extrême gauche, car cela l’arrangerait d’avoir quelques électeurs de plus. Mais les Français s’y opposent fermement. Quiconque ne respecte pas les lois de la République n’a rien à faire sur notre sol et ne peut prétendre à obtenir des papiers.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous avons la démonstration que le RN n’est pas l’allié des travailleurs. Le fait que des travailleurs soient sans-papiers est en effet utilisé par le patronat pour exercer une pression sur l’ensemble des salaires, y compris ceux des Français.
Contrairement à ce que vous dites, une très large majorité des Français sont favorables à la régularisation des travailleurs sans-papiers. Et ce pour une raison très simple : cette régularisation améliore le sort des intéressés et nos compatriotes sont des êtres humains. En outre, c’est la garantie de meilleures conditions de travail pour tous.
Vous êtes les alliés de ceux qui veulent faire pression à la baisse sur les salaires et diviser le peuple.
M. Paul Molac (LIOT). Un certain nombre de personnes ont un emploi et parfois ne peuvent pas obtenir le renouvellement de leurs papiers dans les délais. Pour cette raison, on leur dit alors de rester chez elles car elles n’ont plus le droit de travailler. C’est de la connerie à l’état pur.
Mme Sandra Regol (EcoS). Je suis tout à fait d’accord.
Elsa Faucillon a rappelé que des secteurs connaissent un besoin de main-d’œuvre. C’est le cas dans l’hôtellerie, le bâtiment et les travaux publics ou encore la viticulture. On peut se demander qui sont les patrons voyous qui profitent du système en employant des gens sans papiers. Un de nos anciens collègues, M. de Fournas, avait été épinglé pour avoir employé des travailleurs sans-papiers et les avoir logés dans des tentes sur sa propriété.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). C’est faux ! Un peu de dignité !
Mme Sandra Regol (EcoS). Lorsque nos collègues du RN critiquent les patrons voyous, ils se critiquent eux-mêmes.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Il faut dire la vérité : nous avons un problème de main-d’œuvre dans des secteurs économiques très particuliers, comme la viticulture, les pépinières et l’agroalimentaire.
Lorsque le chômage est de 3 ou 4 %, comme dans ma circonscription, on pénalise les entreprises si on ne leur permet pas de trouver la main-d’œuvre nécessaire. Les propos des membres du RN sont absolument dramatiques, et c’est la raison pour laquelle il n’y aura jamais d’union des droites ! Vous avez conservé le problème constitutif qu’avait le Front national avec les étrangers et cela réapparaît dans chacun de vos arguments. Les réponses que vous apportez aux problèmes économiques de notre pays sont tellement démagogiques que c’en est hallucinant !
M. Marc Pena (SOC). J’espère que les Français ont été nombreux à voir l’attitude parodique du RN ce soir. Ils vous rejettent très majoritairement et continueront de le faire. Il y a encore une droite républicaine qui a assisté avec consternation à vos interventions lamentables et pitoyables.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Nous n’avons pas été rejetés par les Français !
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements II-CL122 de Mme Elsa Faucillon, II-CL150 de Mme Céline Thiébault-Martinez et II-CL5 de Mme Andrée Taurinya (discussion commune)
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement II-CL122 vise à créer une nouvelle ligne budgétaire qui permettrait à la France de contribuer à la création d’une flotte européenne de sauvetage en Méditerranée – en s’inspirant de l’opération Mare Nostrum –, et d’élaborer un protocole d’intervention en cas de naufrage dans la Manche. Compte tenu du nombre record de décès, qui sont la conséquence directe de nos politiques migratoires, il nous semble en effet nécessaire de consacrer davantage de moyens aux sauvetages en mer.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Mon amendement II-CL150 est très similaire. En réponse à la situation dramatique que nous connaissons en Méditerranée et dans la Manche, nous proposons de créer un programme dédié aux opérations de recherche et de sauvetage en mer.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Le RN mène une campagne contre les associations qui viennent en aide aux personnes naufragées, ce qui revient littéralement à tuer des gens. En ce qui nous concerne, nous proposons de faire l’inverse en consacrant des crédits au sauvetage des victimes des passeurs. Nous ne pouvons reprocher aux migrants d’être dans cette situation. Notre devoir d’humanité est de sauver les personnes et les enfants qui se trouvent en danger de mort.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-CL147 de Mme Céline Thiébault-Martinez
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Soutenu par l’association Forum réfugiés, cet amendement vise à augmenter de 300 000 euros les crédits alloués au pôle protection de l’Ofpra, chargé de délivrer les documents d’état civil. L’objectif est de permettre le recrutement de 8 ETP supplémentaires afin de faire face à la hausse du nombre de bénéficiaires d’une protection internationale et donc de la quantité de documents à établir. Ces derniers sont en effet nécessaires pour l’accès au logement des réfugiés, en particulier dans le cadre des dispositifs d’intermédiation locative. Les effectifs de l’Ofpra ont progressé en 2023 et en 2024, mais de nouveaux recrutements sont nécessaires pour accélérer les délais d’obtention des actes et fluidifier le parcours d’intégration des personnes.
Je précise que ce n’est que pour assurer la recevabilité de l’amendement au titre de l’article 40 de la Constitution que nous prévoyons de prélever la somme de 300 000 euros dont il est ici question sur les crédits prévus pour l’action 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les effectifs de l’Ofpra sont déjà en forte hausse et son directeur, que j’ai auditionné, a conscience de la nécessité d’accélérer la délivrance des documents d’état civil aux réfugiés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL23 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer et à abonder un fonds pour le suivi psychologique des personnes migrantes.
Contrairement à ce que laissent penser les horreurs que nous avons entendues de la part de l’extrême droite, qui fait des migrants la source de tous les maux et particulièrement de la délinquance, ces derniers figurent parmi les personnes les plus précaires, les plus vulnérables et les plus soumises aux violences au sein de notre société. Dès l’origine, leurs parcours sont ponctués d’événements traumatiques. Ces violences invisibles ne doivent pas être évacuées, mais être prises en compte dans l’élaboration d’une politique claire. En effet, aux persécutions subies dans les pays de départ succèdent le choc du déracinement et le risque d’exploitation sur le chemin de l’exil. Puis, une fois arrivées dans notre pays, les personnes sont confrontées à l’isolement, au stress, à la précarité administrative et socio-économique, sans compter le harcèlement politico-médiatique qui fait d’elles, je l’ai dit, les boucs émissaires de tous les maux de notre société.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est saisie de cette question et a alerté sur le manque de prise en charge de cette population particulièrement exposée aux traumatismes et aux troubles mentaux. Elle recommande de lever les obstacles à leur accompagnement, de tenir compte de leur grande exposition aux violences aggravées, sexistes et sexuelles, et d’accorder une attention particulière aux personnes victimes de persécutions religieuses, en situation de handicap, ou s’identifiant comme LGBT.
Notre amendement constituerait une réponse à cet appel de l’OMS en faveur d’un meilleur accompagnement des migrants, notamment en matière de santé mentale.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL151 de M. Aurélien Lopez-Liguori
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Alors que des dizaines de milliers de Français vivent dans la rue, que 9 millions de nos concitoyens se trouvent sous le seuil de pauvreté et que 1 million de personnes peinent à payer leurs factures d’électricité, l’État a distribué, en 2023, près de 1 milliard d’euros de subventions à des associations pro-migrants. Si le soutien de celles qui aident des personnes entrées légalement est normal, il est inacceptable d’allouer des financements aux organismes qui accompagnent des migrants arrivés illégalement. Les Français n’en peuvent plus que l’argent public – leur argent ! – soit utilisé pour aider des étrangers qui n’ont rien à faire sur notre territoire. Ils n’en peuvent plus que priorité soit donnée à ceux qui ne respectent pas nos lois et que les autres soient préférés aux nôtres.
Le Gouvernement fait les gros bras, le ministre de l’Intérieur ayant déclaré vouloir interdire la présence, au sein des CRA, des associations aidant les clandestins, mais il faut maintenant passer aux actes. En 2023, 124 millions d’euros ont encore été versés à Coallia, 54 millions à France terre d’asile, 24 millions à Forum réfugiés, et rien ne nous garantit qu’il n’en ira pas de même à l’avenir. Or sans la diminution de leurs subventions, ces associations continueront d’encourager la submersion migratoire de notre pays et de notre continent. J’y insiste, cette préférence étrangère et cette propension à financer – surtout alors que l’argent nous manque – des associations qui crachent sur nos lois et sapent le travail de la police et de la justice doivent cesser ; c’est une folie suicidaire. Je propose donc de réduire de moitié le montant des subventions accordées aux associations en question.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL42 de M. Antoine Villedieu
M. Antoine Villedieu (RN). De nombreux réseaux d’immigration clandestine sont démantelés chaque année. Ces réseaux criminels ne cessent de s’adapter pour contourner nos lois et exploitent la misère humaine à des fins mercantiles. Récemment découvert, l’un d’entre eux proposait contre 15 000 euros une panoplie de faux documents – titres d’identité, permis de conduire, fiches de paie, avis d’imposition et même contrats de travail – à des individus en situation irrégulière qui pouvaient ainsi entamer des démarches de régularisation. C’est dire combien ces organisations sont sophistiquées et dangereuses pour notre sécurité et notre souveraineté.
C’est pourquoi je propose de renforcer les sanctions et d’augmenter les moyens consacrés à la lutte contre ces réseaux.
Mme Laure Miller (EPR), rapporteure pour avis. Nous avons déjà eu ce débat ; avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL171 de Mme Edwige Diaz
Mme Edwige Diaz (RN). Pour appeler l’attention sur les violences sexuelles commises par des personnes d’origine étrangère, je propose d’augmenter les moyens alloués au programme Intégration et accès à la nationalité française en ajoutant au cycle d’accueil des formations destinées à sensibiliser les primo-arrivants à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles qui, pour une part importante, sont le fait d’étrangers.
Plus de 63 % des agressions sexuelles subies par les femmes dans les transports en commun d’Île-de-France sont commises par des personnes de nationalité étrangère. Les étrangers représentent 8 % de la population vivant sur le territoire national mais 14 % des personnes mises en cause pour violences sexuelles.
Des formations sur la lutte contre les actes et propos à caractère sexiste sont dispensées dans un nombre croissant d’entreprises, publiques et privées, jusqu’aux plus hautes institutions de la République. Il est indispensable d’étendre cet accompagnement aux primo-arrivants. J’espère que tous les féministes sincères de cette commission voteront pour cette mesure de justice et de prévention.
Mme Laure Miller (EPR), rapporteure pour avis. Dans le cadre de leur contrat d’intégration républicaine, les primo-arrivants reçoivent déjà une formation civique qui englobe évidemment l’égalité entre les femmes et les hommes. Au demeurant, la défense des droits des femmes doit se faire en toutes circonstances, quelle que soit la nationalité des agresseurs. Or, en la matière, le groupe RN n’a jamais été au rendez-vous. Jugez plutôt : lors de l’adoption en 2018 de la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, tous les députés de votre groupe étaient absents sauf un, qui s’est abstenu ; en novembre 2022, les députés du RN ont voté contre le durcissement de l’amende en cas d’outrage sexiste ; en juin 2023, vos amis députés européens du RN ont voté contre la proposition de résolution visant à lutter contre les violences sexistes au sein des institutions européennes, et contre l’adhésion de l’Union européenne à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Je ne donne que ces quelques exemples mais il y en a bien d’autres.
La défense des droits des femmes n’est pas à géométrie variable. Avis défavorable.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Depuis deux siècles, l’extrême droite affirme que les voleurs, les délinquants et les violeurs sont étrangers. À l’époque, ils étaient italiens ou polonais ; désormais, ils sont afghans, etc. Le féminisme d’extrême droite est hypocrite : vous oubliez que les femmes les plus vulnérables sont précisément celles qui n’ont pas de papiers, à qui toute protection est refusée et qui, lorsqu’elles portent plainte pour violences, sont envoyées en CRA. Les unes subissent les violences de peur d’être expulsées, les autres sont expulsées plutôt que protégées, mais on ne vous entend jamais les défendre !
Mme Edwige Diaz (RN). De nouveau, Mme la rapporteure pour avis utilise des arguments de mauvaise foi, à moins qu’elle ne soit ignorante de l’actualité parlementaire. En 2018, le groupe RN ne comptait pas 126 députés comme aujourd’hui mais 6 seulement. Vous évoquez l’amende à l’encontre des auteurs d’outrage sexiste, mais pour quels résultats ? Les femmes sont-elles plus en sécurité dans la rue ? Non. Continuent-elles d’utiliser des stratégies d’évitement pour ne pas faire de mauvaises rencontres ? Oui.
Le RN est le premier défenseur des femmes, ne vous en déplaise : la proportion de femmes qui votent pour Marine Le Pen suffit à le prouver !
La commission rejette l’amendement.
Conformément à l’avis de Mme la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration modifiés.
Après l’article 60
Contre l’avis de Mme la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement II-CL115 de Mme Elsa Faucillon.
M. Éric Jalon, directeur général
M. Julien Boucher, directeur général
M. Didier Leschi, directeur général
Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale
M. Guillaume Landry, directeur de l’appui juridique
M. Adrien Chhim, responsable du service d’aide aux étrangers
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CONTRIBUTION ÉCRITE
([1]) 78 711 personnes étaient devenues françaises en 2022.
([2]) Obligation de quitter la France (OQTF) de moins de 3 ans, Interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), décision d'expulsion, Interdiction de circulation sur le territoire français, Interdiction judiciaire du territoire français (ITF), Mesure d'éloignement dans le cadre de l'Union européenne.
([3]) Décision DC n° 79-109, 9 janvier 1980, parag. 4
([4]) Article L. 742-6 et L. 742-7 CESEDA
([5]) Articles L. 741-1, L. 742-1 et L. 742-3 CESEDA
([6]) CAA Paris, 8 février 2016, n° 15PA02305
([7]) Article L. 742-1 CESEDA : « Le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l'autorité administrative. »
([8]) Article L. 742-5 CESEDA
([9]) Cour des comptes, La politique de lutte contre l’immigration irrégulière, janvier 2024, p79
([10]) Articles L. 824-1 et L. 824-2 du CESEDA
([11]) 6 405 éloignements forcés réalisés dont 3 335 étrangers retenus éloignés depuis les CRA au premier semestre 2024, selon les données transmises en réponse au questionnaire de votre rapporteure par la Direction générale des étrangers en France
([12]) Contribution écrite de la DGEF aux travaux de votre rapporteure.
([13]) Ibid
([14]) Avis n° 1778 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale de la république, sur le projet de loi (n° 1680)
de finances pour 2024, par Blandine Brocard
([15]) Article L. 631-1 CESEDA
([16]) Articles 35 et 37
([17]) Instruction du 3 août 2022 du Ministre de l’intérieur relative aux mesures nécessaires pour améliorer l’efficacité de la chaîne de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière connus pour troubles à l’ordre public
([18]) Contribution écrite de la DGEF aux travaux de votre rapporteure.
([19]) Article 40
([20]) Article 41
([21]) Article 72
([22]) Article 43
([23]) Contribution écrite de la CGLPL aux travaux de votre rapporteure.
([24]) Articles R. 744-6 et suivant du CESEDA
([25]) Contribution écrite de l’OFII aux travaux de votre rapporteure.
([26]) Contribution écrite de La Cimade aux travaux de votre rapporteure
([27]) Contribution écrite de l’OFII aux travaux de votre rapporteure.
([28]) Contribution écrite de la DGEF aux travaux de votre rapporteure.
([29]) Contribution écrite de la CGLPL aux travaux de votre rapporteure.
([30]) Cour des comptes, La politique de lutte contre l’immigration irrégulière, janvier 2024, p116
([31]) Contribution écrite de la DGEF aux travaux de votre rapporteure.
([32]) La jurisprudence administrative considère en effet que lorsque l’administration tarde à mettre en œuvre une mesure de départ forcé, l’exécution tardive est assimilé à une seconde décision dont la légalité est appréciée au regard des circonstances de droit ou de fait nouvelles.
([33]) Cour des comptes, La politique de lutte contre l’immigration irrégulière, janvier 2024, p90
([34]) Article 729-2 du code de procédure pénal
([35]) Mesure d'interdiction du territoire français, d'interdiction administrative du territoire français, d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur le territoire français, d'interdiction de circulation sur le territoire français, d'expulsion, d'extradition ou de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen
([36]) Article R. 743-10 du CESEDA
([37]) La législation précédemment en vigueur exigeait qu’elle soit formée dans un délai de dix heures à compter de la décision de première instance.
([38]) Article L. 743-13 CESEDA
([39]) Article L. 731-1 CESEDA
([40]) Recommandations du 19 mai 2023 relatives aux centres de rétention administrative de Lyon 2 (Rhône), du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), de Metz (Moselle) et de Sète (Hérault)