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N° 471

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 324)
de finances pour 2025

 

 

 

TOME IX

 

POUVOIRS PUBLICS

 

PAR M. Emmanuel DUPLESSY

Député

——

 

 Voir le numéro : 468 – III – 34

 

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2024 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, 60 % des réponses au questionnaire thématique étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION.................................................... 5

Première partie : les crédits de la Mission pouvoirs publics pour 2025

I. La Présidence de la République

A. Les dépenses de personnel

B. Parmi les dépenses de fonctionnement, celles liées à l’activité diplomatique du Président connaissent une hausse conséquente

1. Les dépenses de fonctionnement liées à l’administration de la présidence se maintiennent à un niveau stable

2. Les dépenses de fonctionnement liées aux activités présidentielles augmentent sensiblement

C. Les dépenses de déplacements présidentiels et des missions qui s’y rapportent maintenues à un niveau élevé

D. Les dépenses d’investissement, en très légère baisse dans le projet de loi de finances, font l’objet d’une baisse importante dans la version actualisée des projets de dépense

II. Les dotations des assemblées parlementaires

A. La dotation de l’Assemblée nationale

1. Les dépenses

2. Les recettes

B. La dotation du Sénat

1. L’action n° 1 : Le Sénat au titre de sa mission institutionnelle.

2. L’action n° 2 : le jardin du Luxembourg

3. L’action n° 3 : Le musée du Luxembourg

C. La Chaîne parlementaire

1. Action n° 1 : La chaîne parlementaire – Assemblée nationale

2. Action n° 2 : La chaîne parlementaire – Public Sénat

III. Le Conseil constitutionnel

IV. La Cour de justice de la République

Deuxième PARTIE : LE RECOURS PAR LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE AUX ENQUÊTES D’OPINION ET AUX PRESTATIONS DE CABINETS DE CONSEIL

I. UNE ABSENCE DE COMMANDE D’ÉTUDES D’OPINION COMPENSÉE PAR LA RÉCEPTION DES ENQUÊTES COMMANDÉES PAR LES MINISTÈRES

A. UN TRAVAIL DE VEILLE RÉALISÉ PAR LE CENTRE DE VEILLE ET D’ANALYSE DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

B. LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE BÉNÉFICIE DES ENQUÊTES ET ANALYSES RÉALISÉES OU COMMANDÉES VIA LE SERVICE D’INFORMATION DU GOUVERNEMENT (SIG)

1. Le SIG : un service gouvernemental auquel la Présidence de la République ne fait pas appel directement

2. Un manque de clarté quant au rôle de la présidence de la République dans la définition des enquêtes gouvernementales

II. LES RECOURS PASSÉS AUX PRESTATIONS DE CABINETS DE CONSEIL PAR LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE DOIVENT INCITER À POSER UN CADRE JURIDIQUE CLAIR DE CETTE PRATIQUE

A. LE RECOURS À UNE PRESTATION DE CONSEIL RÉMUNÉRÉE EN 2018 PRÉSENTÉE COMME NÉCESSAIRE POUR OBJECTIVER LA RÉFORME DES SERVICES

B. LES RECOURS PASSÉS AUX PRESTATIONS PRO BONO CONFIRMENT LA NÉCESSITÉ D’INTERDIRE CETTE PRATIQUE, QUI CONTREVIENT AU PRINCIPE D'ÉGAL ACCÈS À LA COMMANDE PUBLIQUE ET À LA LIBRE CONCURRENCE, POUR ÉCARTER TOUT RISQUE DE CONFLIT D’INTÉRÊTS

1. Trois cabinets de conseil ont effectué des prestations pro bono pour des manifestations liées à la présidence de la République entre 2018 et 2021

2. Des prestations consistant en un appui préparatoire à l’organisation de grands sommets

3. Des interventions pro bono échappant à tout cadre juridique à même de garantir la libre concurrence et l’absence de conflits d’intérêts

a. Au stade de la commande : une absence de réglementation se traduisant par l’absence de mise en concurrence

b. Au stade de l’exécution : le caractère non systématique de l’existence d’une convention révèle la faiblesse de l’encadrement des prestations gratuites et prive la puissance publique des moyens de contrôler finement leur conduite

4. La pratique du pro bono inspire une suspicion légitime quant aux bénéfices retirés par les cabinets de conseil

Examen en commission

Personnes entendues

 


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MESDAMES, MESSIEURS,

Pour la première fois, la commission des Lois a décidé de se saisir pour avis, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, de la mission « Pouvoirs publics ».

Il s’agit là d’une mission particulière d’un double point de vue.

D’abord, elle regroupe en son sein les dotations des pouvoirs publics constitutionnels, qui relèvent très directement du champ de compétence de la commission des Lois. Elle réunit ainsi les dotations de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat, ainsi que de la Chaîne parlementaire, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. Aussi apparaissait-il opportun que la commission se saisisse du sujet.

Ensuite, il s’agit, en application de l’article 7 de la Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), d’une « mission spécifique » qui regroupe les crédits des pouvoirs publics qui ne sont pas soumis à toutes les obligations issues de la LOLF. Le principe de séparation des pouvoirs implique en effet l’autonomie financière des pouvoirs publics, qui reçoivent chaque début d’année une dotation globale. L’annexe au projet de loi de finances présentant les crédits de cette mission développe le montant des crédits par dotation, mais la LOLF ne prévoit pas de projet annuel de performances à l’appui de cette présentation.

Le projet de budget pour 2025 a fait l’objet d’une polémique, largement reprise dans les médias, fondée sur la hausse de dotation demandée par la Présidence de la République et les assemblées parlementaires. Ces hausses consistaient en l’indexation sur l’inflation des dotations, qui constituent l’immense part des ressources des pouvoirs qui sont au cœur du fonctionnement institutionnel. Néanmoins, dans un contexte budgétaire d’austérité et compte tenu des efforts demandés aux administrations et donc aux Français et aux Françaises, votre Rapporteur pour avis salue la décision de ces pouvoirs publics de renoncer à ces augmentations.

Toutefois, dans le cas de la présidence de la République, votre Rapporteur propose d’aller plus loin et de respecter la volonté du chef de l’État qui a fait savoir, dans un communiqué, qu’il souhaitait que « la présidence de la République donne l’exemple ».

Ainsi, dans une démarche d’exemplarité et de partage de l’effort, il apparaît utile et nécessaire que la Présidence de la République réduise sa dotation à proportion égale de l’effort demandé aux Français et aux Françaises. Votre Rapporteur veillera, au cours de l’examen du projet de loi de finances, à l’adoption des amendements qui permettront une stricte proportionnalité entre l’effort demandé à l’ensemble des administrations et à la Présidence de la République.

Outre l’analyse de l’évolution des crédits des pouvoirs publics, le présent avis comporte une partie thématique consacrée à la dotation de la présidence de la République, et plus spécifiquement à la question du recours aux cabinets de conseil et aux commandes d’études d’opinion. Ces deux sujets ont pu soulever de légitimes interrogations ces dernières années et ces derniers mois. Aussi votre Rapporteur a-t-il jugé utile de cerner les pratiques élyséennes en la matière.

   Première partie : les crédits de la Mission pouvoirs publics pour 2025

Les six dotations composant la mission Pouvoirs publics sont examinées par le rapporteur pour avis.

Tableau récapitulatif des crédits ouverts en loi de finances pour 2024 et dans le projet de loi de finances pour 2025

 

LFI 2024

PLF 2025

Variation
LFI 2024 / PLF 2025

(en euros)

AE et CP

AE et CP

AE et CP

Présidence de la République

122 563 852

125 662 386

+ 2,53 %

Assemblée nationale

607 647 569

617 977 578

+ 1,70 %

Sénat

353 470 900

359 479 900

+1,70 %

La chaîne parlementaire

35 245 822

35 552 822

+ 0,87 %

Conseil constitutionnel

17 930 000

16 850 000

-          6,02 %

Cour de justice de la République

984 000

984 000

=

TOTAL

1 137 842 143

1 156 506 686

+ 1,64 %

Source : documents budgétaires.

À l’exception de la Cour de justice de la République et du Conseil constitutionnel, les pouvoirs publics ont initialement sollicité des dotations en augmentation, comprise entre 0,87 % pour la chaîne parlementaire, et 2,53 % pour la présidence de la République. Dans le projet de loi de finances, les crédits des pouvoirs publics s’élèvent ainsi en 2025 à 1,156 milliard d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, ce qui correspond à une hausse de 1,64 %.

Toutefois, à la suite des annonces gouvernementales relatives à la situation budgétaire du pays, la présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat ont indiqué qu’ils renonceraient, en cours de débat parlementaire, à l’augmentation sollicitée de leurs dotations.

I.   La Présidence de la République

Les crédits initialement demandés par la présidence de la République pour l’année 2025 sont en augmentation de 2,53 % par rapport à ceux demandés en 2024. Cette hausse, qui peut sembler modérée, doit néanmoins être replacée dans son contexte. Il s’agit, d’abord, de la plus forte demande d’augmentation des dotations de la mission. Elle intervient, ensuite, un an après une hausse significative de la dotation, passée de 110,50 M€ en LFI pour 2023 à 122,60 M€ en 2024, soit une augmentation de 10,96 % entre 2023 et 2024.

La présidence de la République a initialement indiqué solliciter une hausse conforme aux orientations fixées par le Gouvernement en limitant l’évolution de la dotation 2025 à l’application d’un taux d’inflation de 1,6 % sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement, et de 3,1 % sur les dépenses de personnel. Néanmoins, ces contraintes – l’inflation et l’impact des mesures indiciaires et gouvernementales sur les dépenses de personnel – s’exerceront tout autant sur d’autres acteurs publics à qui des efforts sont par ailleurs demandés.

Dans ces conditions, votre Rapporteur considère que l’effort proposé par la Présidence de la République n’était pas à la hauteur de ceux demandés aux autres acteurs publics.

Face à l’émoi suscité dans l’opinion publique, la Présidence de la République a annoncé renoncer à l’augmentation de sa dotation.

Extraits reproduits dans la presse du communiqué de presse de la présidence de la République

« Dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances 2025, le gouvernement a annoncé de nombreuses économies. Dans ce contexte, le chef de l’État souhaite que la présidence de la République donne l’exemple. Aussi, l’Élysée annonce qu’elle ne sollicitera pas d’augmentation de la dotation de la présidence l’année prochaine. »

Source : Le Figaro.fr

Un amendement gouvernemental devrait être déposé lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi de finances pour 2025 afin de porter la dotation 2025 au niveau de la dotation 2024. Votre rapporteur sera très attentif aux modifications apportées à la dotation en cours de débat parlementaire.

Avant que ne débute l’examen des crédits de la mission pouvoirs publics, la présidence de la République lui a communiqué une présentation actualisée du budget pour 2025, dans laquelle elle indique que « malgré le contexte inflationniste et les mesures structurelles affectant les dépenses de personnel, la présidence maintient sa dotation au niveau de 2024, afin de participer aux efforts budgétaires du gouvernement ».

Cette présentation tient compte du renoncement à l’augmentation de la dotation, ces chiffres diffèrent donc de ceux figurant dans les annexes au projet de loi de finances.

Dans sa version révisée, le projet de budget indique des recettes en progression de 0,4 % au lieu de 2,9 % dans le projet de budget initial. Cela s’explique par le renoncement de l’augmentation de la dotation, qui se maintiendra à 122,6 M€, et par une légère augmentation des produits propres, qui passeront de 2,5 M€ à 3 M€ (+ 19,2 %).

En conséquence de l’augmentation moindre des recettes, la présidence de la République annonce limiter les dépenses totales à 125,6 M€ (contre 128,7 dans le projet initial), afin que le budget soit à l’équilibre sans prélèvement sur trésorerie.

Prévisions actualisées des dépenses de la présidence de la République, après renoncement à l’augmentation de la dotation

Source : Réponse actualisée de la Présidence de la République au questionnaire budgétaire, au 17 octobre 2024

A.   Les dépenses de personnel

● Les crédits des dépenses de personnel s’élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 à 78,79 millions d’euros en AE et en CP, soit une augmentation de 3,9 %.

La présidence de la République indique appliquer l’augmentation de 3,1 % notifiée par le ministère de l’économie, qui doit permettre d’absorber les mesures structurelles tenant à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires et à la mise en œuvre de la politique de rémunération des militaires.

Les effectifs de la présidence de la République restent globalement stables et s’élèvent à 816 équivalents temps plein travaillés (ETPT) au 1er juillet 2024 (598 fonctionnaires et 218 contractuels) contre 802 ([1])  en 2023. Sont à signaler quelques créations d’ETPT, notamment 7 (pour un montant de 400 000 euros) destinés au fonctionnement de la Maison Élysée, et 3 (pour un montant de 200 000 euros) pour l’internalisation des services du « help desk ».

 Dans le projet de budget actualisé, la présidence indique limiter l’augmentation des dépenses de personnel à 1,3 % (76,8 M€). Votre rapporteur n’a toutefois pas d’indication sur la façon dont l’augmentation sera contenue, en dépit des mesures structurelles indiquées plus haut.

B.   Parmi les dépenses de fonctionnement, celles liées à l’activité diplomatique du Président connaissent une hausse conséquente

L’ensemble des dépenses de fonctionnement de la présidence de la République s’élèvent à 20 millions d’euros (en AE et en CP) dans le projet de loi de finances pour 2025. Elles s’élèvent à 21,3 millions d’euros dans le projet actualisé. Cette augmentation peut étonner dans l’optique d’une diminution de la dotation. L’explication réside dans l’importante diminution des dépenses d’investissement à laquelle consent la présidence de la République pour réduire le montant global de la dotation. La décision semble avoir été prise en conséquence de récupérer une partie de la diminution des crédits d’investissement au profit des dépenses de fonctionnement, tout en faisant atterrir la demande de dotation au niveau de 2024.

1. Les dépenses de fonctionnement liées à l’administration de la présidence se maintiennent à un niveau stable

● Les dépenses de fonctionnement rattachées à l’administration de la présidence comprennent l’administration générale, les moyens généraux, la gestion immobilière, les télécommunications, l’informatique et le numérique, les frais de sécurité, et les frais d’action sociale. Au total, ces dépenses passent de 15,7 M€ en LFI 2024 à 15,9 M€ dans le PLF 2025, soit une augmentation de 0,8 %.

Parmi les différentes dépenses composant cette catégorie, la présidence de la République parvient à faire sensiblement diminuer (-34,4 %) les frais de gestion immobilière, tandis que les moyens généraux augmentent de 13,7 %. Pour parvenir à ce résultat, la présidence indique poursuivre ses efforts de maîtrise et de rationalisation des coûts sur les postes de dépenses tels que le parc automobile et la téléphonie.

Il convient en outre de noter que cette augmentation faible des coûts de fonctionnement se fait en intégrant les charges de fonctionnement supplémentaires liées à l’ouverture, en juillet 2024, de l’espace muséal « La Maison Élysée », dont l’accès est gratuit.

● Le complément d’informations sur le budget actualisé accentue l’augmentation des dépenses de fonctionnement, qui passeraient à 16,8 M€.

2. Les dépenses de fonctionnement liées aux activités présidentielles augmentent sensiblement

Ces dépenses correspondent aux réceptions organisées au palais de l’Élysée dans le cadre de l’activité diplomatique et nationale du Président de la République.

Elles s’élèvent à 3 549 274 € dans le PLF pour 2025 contre 3 327 023 € dans la LFI 2024, soit une augmentation de 6,7 % qui provient essentiellement de la hausse conséquente des crédits demandés s’agissant des frais de fonctionnement de l’activité diplomatique (+ 26,5 %), contre une diminution de 0,3 % pour les frais de fonctionnement de l’activité hors diplomatie.

En 2023, parmi les réceptions les plus coûteuses qui se sont déroulées au palais de l’Élysée figurent, d’après la Cour des comptes ([2]), l’exposition du Fabriqué en France (233 000 €), la fête de la musique (210 000 €), les journées européennes du patrimoine (208 000 €), et la rencontre avec les maires de France (144 000 €). Deux réceptions particulièrement coûteuses s’ajoutent à cela, même si elles intègrent la rubrique « déplacements » du budget parce qu’elles n’ont pas eu lieu au palais de l’Élysée. Il s’agit du dîner d’État organisé en l’honneur du premier ministre indien Narendra Modī au musée du Louvre (412 000 €), et du dîner d’État organisé en l’honneur du roi Charles III au château de Versailles (474 851 €).

Les informations complémentaires relatives au budget actualisé révèlent une augmentation de ces dépenses, qui s’élèveraient à 4 500 000 €, soit une hausse conséquente de 35,3 %. Faute d’élément explicatif complémentaire, votre Rapporteur s’étonne de cette augmentation forte de la dépense au regard des chiffres inscrits dans le projet de loi de finances.

C.   Les dépenses de déplacements présidentiels et des missions qui s’y rapportent maintenues à un niveau élevé

Le coût des déplacements internationaux de la présidence de la République a particulièrement augmenté ces dernières années. Dans son analyse des comptes pour 2024, la Cour des comptes ([3]) , qui a examiné les activités de la direction des opérations (DIROP) et s’est à ce titre intéressée à l’organisation des déplacements présidentiels, relève que les déplacements internationaux ont coûté 17,24 M€ en 2023, contre 12,05 M€ en 2022 et 8,44 M€ en 2019.

Le coût total des déplacements du Président de la République (déplacements internationaux et nationaux) a été retracé par la présidence de la République en réponse au questionnaire budgétaire.

Coût des déplacements du Président de la République en 2023

La liste des déplacements effectués en France et à l’étranger au cours de l’année 2023

 

TOTAL DES DÉPLACEMENTS ANNÉE 2023

Dépenses par type de déplacement

Nombre

AE consommés

Dont ET60 (AE)

CP consommés

Dont ET60 (CP)

Remboursement/participation (Y compris ministère)

Dépenses nettes (CP)

Dépenses par type de déplacement
(dont ET60)

Déplacements Europe

24

4 515 868

1 170 387

4 201 541

1 105 507

69 096

4 132 444

Déplacements étrangers hors Europe

19

11 502 015

6 467 502

8 842 655

4 014 450

139 839

8 702 816

Sommets internationaux en France

1

147 315

 

147 315

0

0

147 315

Déplacements Paris-province

68

4 146 791

848 829

4 041 507

732 147

52

4 041 454

Déplacements en outre-mer

1

1 610 871

970 167

1 608 313

970 167

11 548

1 596 765

Autres déplacements et dépenses *

 

2 527 612

582 631

4 356 349

582 631

5 816

4 350 533

TOTAL

113

24 450 470

10 039 516

23 197 679

7 402 902

226 352

22 971 328

Principalement Missions individuelles

Source : Réponse de la présidence de la République au questionnaire budgétaire

Coût des déplacements du Président de la République au premier semestre 2024

Source : réponse au questionnaire budgétaire

 

La Cour des comptes, dans le rapport précité, a identifié certains critères accentuant le coût des déplacements, parmi lesquels figurent « la typologie et la structure des déplacements » ([4]) . Ainsi, la Cour relève que la proportion de déplacements européens et internationaux augmente, mais aussi qu’il est plus fréquent que des tournées internationales soient menées (par exemple en Océanie), afin d’optimiser l’agenda présidentiel. Toutefois, cela complexifie l’organisation des déplacements, augmente le nombre de missions préparatoires simultanées et augmente le nombre de personnes composant la délégation officielle. La Cour relève à ce titre que « parmi les cinq déplacements les plus coûteux en 2023, seul celui en Chine (1,8 M€) est mono-destination, les quatre autres étant des tournées internationales : la tournée présidentielle en Océanie (Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Papouasie) a ainsi coûté 3,0 M€, celle en Afrique (Congo, Angola, Congo, RDC) 1,90 M€, la visite au Japon pour le sommet du G7 couplée à un déplacement en Mongolie 1,8 M€ et le déplacement en Inde et au Bangladesh 1,3 M€ » ([5]) . Pour réduire les coûts de ces déplacements, la Cour des comptes suggère qu’au-delà de la question de la stabilisation de l’agenda présidentiel en amont des déplacements, « il pourrait être nécessaire de normer davantage les déplacements et, en particulier, de plafonner la taille des délégations officielles et non officielles par type de destination ou de déplacement, sur le modèle de ce qu’imposent les sommets internationaux pour lesquels les accréditations ne sont accordées qu’en nombre limité » ([6]) . Votre rapporteur souscrit à ces préconisations susceptibles de contribuer efficacement à la maîtrise du budget de la présidence de la République compte tenu du niveau de dépenses consacrées aux déplacements.

La demande de dotation pour 2025 est en faible baisse (- 100 000 €, soit une baisse de 0,5 %) pour les dépenses consacrées aux déplacements présidentiels, dont la plus grande part relève des déplacements diplomatiques (14,8 M€).

Il faut néanmoins souligner que dans le cadre de la LFI 2024, les crédits de déplacements augmentaient de 31,87 %, après avoir augmenté de 6,67 % entre 2022 et 2023. L’importante augmentation de ces crédits dans la loi de finances pour 2024 avait été justifiée par les répercussions de l’inflation sur le coût de chaque déplacement, mais aussi par la part importante (estimée à 30 %) de déplacements imprévisibles, car liés à l’actualité, et dont le coût est élevé.

La Présidence de la République indique que cette redéfinition réalisée dans le cadre de la construction du budget en 2024 s’était avérée justifiée au regard des dépenses déjà réalisées et de celles prévisibles d’ici la fin de l’année 2024. Elle soutient qu’en 2025, l’agenda stratégique présidentiel restera impacté par « des facteurs exogènes et conjoncturels ». Il est évident que l’inflation et le caractère imprévisible de l’agenda international continueront d’avoir un impact sur les dépenses liées aux déplacements.

Néanmoins, et comme le souligne d’ailleurs la présidence de la République dans les documents budgétaires, des leviers sont encore mobilisables pour maîtriser certains coûts. Sont notamment cités l’optimisation des déplacements dans le cadre de sommets internationaux (qui se caractérisent par des tensions sur l’offre d’hébergement), une meilleure anticipation des réservations, et un encadrement des formats des missions préparatoires.

La Cour des comptes, dans son analyse précitée, a confirmé que des améliorations étaient intervenues : l’organisation pour les réunions internationales tend par exemple à être plus normée et donc mieux anticipée. Toutefois, la Cour a également constaté qu’un certain nombre de marges d’améliorations subsistent. En particulier, elle relève que l’anticipation doit encore être améliorée, que les missions de préparation doivent être moins tardives, que le pôle diplomatique doit être mieux sensibilisé à l’impact des changements de programme, et que les dépenses de transport, qui sont le poste principal de dépense pour chaque déplacement, doivent pouvoir être rationalisées.

Votre rapporteur estime primordial que la présidence de la République poursuive et intensifie son engagement dans le suivi de ces différentes recommandations formulées par la Cour des comptes.

Par ailleurs, la situation politique française et la perte de légitimité du Président de la République liée au contexte de cohabitation résultant des élections législatives anticipées rendent cette nécessité plus impérieuse encore, alors même que l’activité du président de la République sur la scène internationale pourrait être plus importante qu’auparavant.

À cet égard, il constate avec satisfaction que le projet de budget actualisé accentue ses efforts de maîtrise de cette dépense, qui s’élèverait à 20 M€ en 2025, soit une baisse de 5,2 % par rapport à la LFI 2024, et appelle à maintenir cette trajectoire en utilisant tous les leviers précités.

D.   Les dépenses d’investissement, en très légère baisse dans le projet de loi de finances, font l’objet d’une baisse importante dans la version actualisée des projets de dépense

● L’enveloppe consacrée aux dépenses d’investissement s’élève dans le PLF 2025 à 9,1 M€ en AE et CP.

Elle doit permettre de réaliser les opérations d’investissement courant (acquisition de matériel de sécurité, mais aussi de matériel informatique ou de téléphonie, et des véhicules).

Elle intègre également les investissements immobiliers, qui entrent dans le cadre d’une politique pluriannuelle d’investissements immobiliers 2024-2027.

 

Les axes du schéma directeur immobilier 2023-2027

En 2023, la présidence a finalisé le nouveau schéma directeur immobilier 2023-2027 qui s’articule autour de quatre axes :

– L’adaptation au réchauffement climatique, l’amélioration de la sobriété énergétique des bâtiments et l’empreinte verte des équipements, l’accroissement des actions en faveur du développement durable ;

– L’optimisation des surfaces et l’amélioration de la qualité de vie au travail ;

– La mise aux normes techniques des emprises ;

– L’entretien patrimonial clos et couvert.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Ces dépenses d’investissement, en particulier celles relatives à l’amélioration de la sobriété énergétique, représentent un coût réel mais sont ensuite sources d’économies. Ainsi, si la mise en place de la géothermie à l’hôtel d’Évreux a représenté un investissement important (692 k€ en 2023 pour le forage, 120 k€ en 2024 pour le raccordement au chauffage urbain des emprises d’Évreux et de Marigny, et 1 600 k€ pour la concession relative à la géothermie en 2024), ces travaux permettront à terme de réduire l’impact carbone de la présidence et seront sources d’économies de fonctionnement.

● Ce sont toutefois principalement ces dépenses d’investissements qui font l’objet d’un effort important pour tenir compte de l’absence d’augmentation de dotation en 2025. Dans le projet actualisé, la présidence rapporte ces dépenses pour 2025 à 7 465 667 €, soit une diminution de 18,1 %.

Votre rapporteur s’interroge néanmoins sur la fluctuation de ces dépenses d’investissement qui, pour être pertinentes et être menées en temps utile, avant que le patrimoine ne se dégrade, doivent faire l’objet d’une planification de moyen et de long terme. En ce sens, même si le principe de séparation des pouvoirs implique que les pouvoirs publics disposent d’une autonomie financière, il s’interroge sur les conséquences potentiellement dommageables de cette autonomie s’agissant des dépenses d’investissement. Celles-ci pourraient ainsi être soumises aux aléas de l’alternance politique, et le patrimoine de l’État pourrait être dégradé si un Président décidait de geler des dépenses d’investissement nécessaires afin de compenser des dépenses de fonctionnement non maîtrisées. Il s’agit là d’une question qui, au regard des enjeux en présence, mérite d’être posée.

 

II. Les dotations des assemblées parlementaires

En application de l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires, « les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées parlementaires font l’objet de propositions préparées par les questeurs de chaque Assemblée et arrêtées par une commission commune composée des questeurs des deux assemblées. Cette commission délibère sous la présidence d’un président de chambre à la Cour des comptes désigné par le premier président de cette juridiction. Deux magistrats de la Cour des comptes désignés par la même autorité assistent à la commission ; ils ont voix consultative dans ses délibérations ».

La Commission commune ayant arrêté le montant des crédits des assemblées parlementaires dans le projet de loi de finances pour 2025 s’est réunie le 17 septembre 2024.

Ces crédits sont répartis, au sein de la mission « Pouvoirs publics », en trois dotations : celle de l’Assemblée nationale, celle du Sénat qui comporte trois actions (action n° 1 pour le Sénat, action n° 2 pour le Jardin du Luxembourg et action n° 3 pour le Musée du Luxembourg), et celle de « La Chaîne Parlementaire », qui comporte deux actions (action n° 1 LCPAN et action n° 2 Public Sénat).

Dans le projet de loi de finances pour 2025, les crédits demandés par l’Assemblée nationale et le Sénat s’élèvent respectivement à 618 millions d’euros (+ 10,3 millions d’euros par rapport à 2024) et 359,5 millions d’euros (+ 6 millions d’euros par rapport à 2024), soit une augmentation de 1,70 %. La dotation demandée au titre des chaînes parlementaires représente 35,5 millions d’euros, en augmentation de 0, 87 %.

La hausse de la dotation des assemblées sollicitée dans le projet de loi de finances se limitait à l’application du taux d’inflation. Toutefois, les présidents et les questeurs des deux assemblées ont annoncé renoncer à cette augmentation.

 

Communiqué de presse annonçant le renoncement des assemblées parlementaire à l’indexation sur le taux d’inflation de la dotation de l’État pour les assemblées parlementaires

Dotation de l’État pour le fonctionnement des assemblées parlementaires

Le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, la Présidente de l’Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, et les questeurs des deux assemblées ont décidé, d’un commun accord, de renoncer à l’indexation sur le taux d’inflation de la dotation de l’État pour le fonctionnement des assemblées parlementaires (soit + 1,7 % en 2025).

Cette indexation avait été approuvée à l’unanimité par le Bureau du Sénat en juillet dernier et par celui de l’Assemblée nationale en septembre, soit en amont des annonces récentes du Gouvernement relatives à la préparation du projet de loi de finances pour 2025.

Les chiffres étant désormais connus, et la situation économique analysée, il est normal et indispensable que les deux assemblées participent à l’effort demandé à tous pour redresser les finances publiques de notre pays.

Lors du projet de loi de finances pour 2025, des amendements seront déposés à l’initiative des Questeurs du Sénat et de l’Assemblée nationale pour supprimer l’augmentation de la dotation de l’État aux assemblées.

Source : communiqué de presse commun de la Présidente de l’Assemblée nationale Mme Yaël Braun-Pivet et du Président du Sénat M. Gérard Larcher, signé par les questeurs des deux assemblées

Votre rapporteur pour avis partage l’analyse selon laquelle dans le contexte budgétaire actuel, il aurait été malvenu que les assemblées ne se soumettent pas aux mêmes restrictions budgétaires. Il juge donc positivement cette décision prise par les organes dirigeants des deux assemblées.

Il rappelle toutefois que l’indexation des dotations parlementaires sur l’inflation résultait d’une décision récente, prise en 2023, après une très longue période de gel des dotations au cours de laquelle les finances des assemblées s’étaient dégradées.

L’absence d’application de l’inflation aux dotations parlementaires ne saurait donc être une solution sur le long terme, étant précisé que dans une démocratie moderne, il est indispensable que le Parlement dispose de moyens suffisant pour exercer efficacement ses fonctions constitutionnelles.

Cela est d’autant plus important qu’au regard du contexte politique déjà mentionné, la mécanique justifiant une baisse des dotations de l’Élysée conduit à justifier une hausse des activités du Parlement et donc de ses dépenses. En l’absence de majorité absolue, les chambres apparaissent retrouver la plénitude de leurs prérogatives constitutionnelles. Or, comme cela a déjà été indiqué, le Parlement, contrairement à la présidence de la République, a déjà vu ses budgets être gelés pendant plusieurs années.

Sur le plan méthodologique, votre Rapporteur souligne que les analyses qui suivent sont fondées sur les chiffres présentés dans les annexes budgétaires au PLF 2025, qui ont été fixés avant la décision de renonciation à l’indexation des dotations sur l’inflation.

S’agissant de l’Assemblée nationale, il n’est actuellement pas prévu que la baisse de dotation se traduise par la présentation d’un budget rectifié, elle se financera donc en puisant dans les réserves.

  1.   La dotation de l’Assemblée nationale

Après une hausse limitée à 2,6 % de sa dotation en 2024, en application du programme de stabilité 2023-2027 présenté par le Gouvernement en avril 2023, l’Assemblée nationale a initialement sollicité pour 2025 la reconduite de la dotation 2024, seulement revalorisée du montant de l’inflation (+ 1,7 %).

Les annexes au projet de loi de finances présentent un projet de budget fondé sur cette hypothèse, avec des dépenses en hausse qui s’élèveraient à 643,19 M€, pour des recettes comprenant une dotation de 617,98 M€, et 2,13 M€ de recettes propres. Il en résulte un déficit en progression de 10,41 M€ par rapport au déficit prévu dans le budget 2024.

1. Les dépenses

Le montant total des dépenses, estimé à 643,19 M€ pour 2025 (+3,4 %), comprend 604,5 M€ de dépenses de fonctionnement, et 38,94 M€ de dépenses d’investissement.

● Les dépenses d’investissement, en hausse de 17,9 %, correspondent principalement aux investissements immobiliers qui sont budgétés à hauteur de 31,6 M€. Les investissements relatifs aux systèmes d’information sont évalués à 5,7 M€ en 2025.

Principaux investissements immobiliers de l’Assemblée nationale en 2025

Les investissements immobiliers 2025 seront principalement consacrés aux chantiers suivants :

– rénovation de l’accueil du public et création d’espaces de médiation (12,3 M€) ;

– restructuration et modernisation des 3ème et 4ème étages de la zone Colbert au Palais Bourbon, et verrière de la salle Colbert (9,1 M€) ;

– renouvellement du contrôle d’accès et des serrures (1,6 M€) ;

– opération d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments ( 2,2 M€) ;

– renforcement de la sûreté et de la sécurité (2,3 M€).

Source : Annexes au projet de loi de finances

● Les dépenses de fonctionnement s’élèveraient à 604,25 M€, en hausse de 2,6 %, et se décomposent comme suit :

– Les charges parlementaires, qui représentent 57,7 % du total avec 348,81 M€, verraient leur augmentation contenue à 1,7 %, qui s’explique notamment par l’augmentation de la contribution et de la subvention de l’Assemblée à la Caisse de pensions des anciens députés, de la subvention au Fonds d’assurance mutuelle différentielle d’aide au retour à l’emploi (FAMDRE) et des moyens consacrés aux frais matériels des députés ; Il est à noter que ces hausses sont amplifiées par la dissolution du 9 juin 2024, bien qu’elles soient partiellement compensées par la baisse des crédits consacrés aux frais de secrétariat des députés le temps de la reconstitution de leurs équipes.

– Les charges de personnel, qui représentent un tiers des crédits de fonctionnement, s’élèveront à 199,39 M€ (+ 5 %). Cette hausse s’explique par une révision à la hausse des prévisions d’effectifs (en raison d’une prévision à la baisse des départs à la retraite).

– Les dépenses consacrées aux services extérieurs (dépenses d’entretien et réparations courantes, locations, subventions et dépenses de communication) seraient en légère baisse (– 0,8 %), grâce, en particulier, à la mise en place d’un marché global de performance ;

– Les crédits destinés aux impôts, taxes et versement assimilés s’établiraient à 5,11 M€.

– Les achats de biens et fournitures (10,8 M€, soit + 14,9 %) sont en hausse, principalement en raison de la hausse des dépenses énergétiques, qui s’explique non seulement par la hausse des prix de l’électricité mais aussi par la croissance de la consommation en raison de l’ouverture aux usagers de l’ensemble immobilier Olympe de Gouges.

– Le projet de budget prévoit enfin, côté dépenses, une provision pour dépenses imprévues, fixée à 1 M€ pour l’année 2025, afin de faire face aux aléas pouvant affecter le budget en cours d’exercice.

2. Les recettes

Les recettes propres de l’Assemblée nationale sont très résiduelles. Elles proviennent notamment des reversements par les caisses primaires d’assurance maladie des indemnités journalières des collaborateurs et contractuels de droit public en arrêt de travail, ou de produits tels que les redevances dues en contrepartie de l’occupation de locaux de l’Assemblée. Le projet de budget pour 2025 les estime à 2,13 M€.

La principale ressource budgétaire de l’Assemblée nationale est donc la dotation versée par l’État.

Afin de mieux cerner l’impact important qu’aura la décision récente de renonciation à l’indexation sur l’inflation sur les finances de l’Assemblée nationale, votre Rapporteur souligne que de 2012 à 2021, le montant de la dotation de l’Assemblée nationale s’est établi à 517,89 M€. Durant cette période de gel de la dotation, le déficit s’est substantiellement aggravé, en particulier sous la XVe législature, atteignant en 2022 le montant de 39,3 M€. Face à une situation devenue budgétairement insoutenable, une dotation complémentaire a été versée en 2022, pour couvrir les frais du renouvellement de l’Assemblée nationale. Puis, il a été décidé en 2023 de porter le montant de la dotation à hauteur des dépenses de fonctionnement prévues, et de l’indexer, à l’avenir, sur l’inflation.

Dans l’hypothèse d’une dotation 2025 avec application de l’inflation, le budget aurait tout de même été déficitaire de 23,07 M€. Le maintien de la dotation au niveau de 2024 creusera donc potentiellement ce déficit et impliquera d’opérer un prélèvement sur les réserves de l’Assemblée, qui ne sont pas inépuisables.

 

B.   La dotation du Sénat

 

Par tradition, le rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur la mission Pouvoirs publics ne procède qu’à une analyse superficielle de la dotation d’une assemblée parlementaire dont il ne relève pas. Votre rapporteur pour avis s’inscrit dans cette même tradition, respectueuse du principe d’autonomie des assemblées parlementaires.

Le Sénat prévoit un budget pour 2025 d’un montant total de 379 M€, dont la hausse s’explique par l’évolution concomitante des crédits d’investissement et des crédits de fonctionnement. Les ressources qui financeront ces dépenses proviennent principalement ([7]) de la dotation de l’État, complétée par les produits budgétaires propres de l’institution, ainsi que par un prélèvement sur disponibilités de 4,17 M€.

La dotation demandée dans le projet de loi de finances pour 2025 s’élève à 347 675 700 euros. Toutefois, au regard du communiqué publié par les présidents des assemblées, cette dotation devrait être revue à la baisse au cours du débat parlementaire, pour s’établir, comme en 2024, à 341,9 M€.

Comme pour l’Assemblée nationale, il est utile de rappeler que la dotation du Sénat a été gelée entre 2008 et 2021. Le Sénat estime qu’en raison de l’inflation cumulée sur cette période, ce gel a été équivalent à une diminution de près de 15 % de la dotation. C’est, comme pour l’Assemblée nationale, en 2022 que la dotation a été revalorisée, pour faire face à l’inflation et aux mesures structurelles touchant les rémunérations (augmentation du point d’indice notamment).

1. L’action n° 1 : Le Sénat au titre de sa mission institutionnelle.

● Le Sénat anticipe une augmentation de 1,65 % de ses dépenses de fonctionnement, portées à 354 M€, en raison de l’inflation et des dépenses de rémunération. Ces dépenses renvoient à plusieurs catégories de dépenses :

– Les charges parlementaires, qui renvoient non seulement à l’indemnité parlementaire, mais aussi aux charges de sécurité sociale, de retraite, et aux aides à l’exercice du mandat parlementaire (dotation versée à l’association pour la gestion des assistants de sénateurs, avances pour frais de mandats). Ces charges sont globalement stables puisqu’elles n’augmentent que de 0,44 %.

– Les dépenses de personnel, qui correspondent à la rémunération des personnels (titulaires, stagiaires, contractuels et temporaires). Elles atteindraient, hors charge, 107,4 M€, soit une augmentation de 1,5 % liée aux effets en année pleine de l’attribution de cinq points d’indice, devenue effective en avril 2024, et par la hausse des effectifs moyens des contractuels ;

– Les autres dépenses de fonctionnement se rapportent aux achats (dont la hausse de 4,02 % s’explique principalement par le renchérissement des fluides), aux travaux, ou encore aux dépenses liées aux missions et réceptions ;

● Le Sénat anticipe une augmentation de 5,39 % de ses dépenses d’investissement, qui s’élèveraient à 11,2 M€. Une partie de ces dépenses s’inscrit dans la continuité d’importantes opérations de rénovation et de modernisation des bâtiments, débutées en 2017. Certaines opérations lancées en 2023, telles que la restauration des façades et des couvertures du Palais du Luxembourg, se poursuivront en 2025. L’année 2025 sera par ailleurs celle de la montée en puissance du projet de refonte du système de vidéo protection débuté en 2024 (0,74 M€ en 2025) et de la rénovation de la salle d’accueil du 15, rue de Vaugirard (2,6 M€ en 2025).

2. L’action n° 2 : le jardin du Luxembourg

Partie intégrante du domaine immobilier géré par le Sénat, le Jardin du Luxembourg, ouvert au public, devrait avoir en 2025 un budget de 13 556 760 €, en baisse de 0,16 %.

Les dépenses de fonctionnement, qui correspondent à hauteur de 79 % aux dépenses de personnel, augmenteront faiblement (+ 1,96 %), tandis que les dépenses d’investissement seront en baisse de 13,91 %.

Les recettes proviennent principalement de la dotation - le montant initialement demandé se porte à 11 804 200 € - et des recettes propres du Jardin (générées par les produits des prises de vues, les redevances versées par les exploitants titulaires de concessions dans le Jardin, et les recettes tirées de diverses manifestations), qui devraient rester à un niveau stable, à hauteur de 796 500 € en 2025. Le prélèvement sur les disponibilités est estimé, dans le projet de budget, à 956 060 €.

3. L’action n° 3 : Le musée du Luxembourg

Le budget 2025 du Musée du Luxembourg est identique à celui de 2024.

Les dépenses, d’investissement (70 000 €) comme de fonctionnement (98 200 €), sont maintenues au même niveau. Les recettes proviennent de la redevance d’exploitation d’un montant de 155 000 €, la gestion du musée étant confiée à la Réunion des musées nationaux (RMN) dans le cadre d’une délégation de service public. En l’absence de contribution de l’État au budget du musée, le Sénat complète ces recettes en opérant un prélèvement sur les disponibilités du Sénat à hauteur de 13 200 €.

C.   La Chaîne parlementaire

Les deux chaînes parlementaires (LCP-AN et Public Sénat), qui partagent le même canal de diffusion sur le réseau de télévision numérique terrestre (TNT) et peuvent coproduire des émissions, présentent deux budgets distincts. Leurs moyens ne sont pas mutualisés, qu’il s’agisse des équipements ou des personnels, en raison de la nécessité de maintenir un plateau dans chaque assemblée, et de préserver l’indépendance éditoriale de chaque chaîne.

Les dotations au titre de ces chaînes sont distinctes de celles affectées aux assemblées. Elles sont toutefois versées, par l’État, à chacune des assemblées, qui procèdent au reversement des sommes.

1. Action n° 1 : La chaîne parlementaire – Assemblée nationale

LCP-AN sollicite pour 2025 la même dotation que pour 2024, soit 17 597 822 €.

Les annexes au projet de loi de finances ne donnent aucune autre information sur la préparation de ce budget. Votre rapporteur pour avis a reçu – très tardivement – les réponses au questionnaire budgétaire adressé à la chaîne.

La chaîne a fait état du caractère atypique de l’année 2024 en raison de la nomination de son nouveau président-directeur général, qui a pris ses fonctions le 10 juin 2024, soit le lendemain de la dissolution. Cela a impliqué pour la chaîne de réviser sa grille pour couvrir les élections législatives tout en respectant les règles de décompte du temps de parole, et de préparer la couverture des soirées électorales et des débuts de la nouvelle législature. Il en a résulté une charge de 210 000 € non prévue au budget initial, ce qui a supposé certains ajustements pour mettre le budget à l’équilibre (notamment report du lancement de nouvelles émissions et diminution du nombre d’émissions enregistrées).

S’agissant du budget 2025, la chaîne n’a pas demandé d’augmentation de sa dotation en raison des contraintes financières actuelles. Elle a sollicité le maintien de sa dotation, pour la mise en œuvre du projet présenté par le nouveau PDG, dont l’objectif est d’accroître l’impact de LCP auprès des publics.

2. Action n° 2 : La chaîne parlementaire – Public Sénat

Public-Sénat sollicite en 2025 une dotation de 17 955 000 €, en progression de 1,74 %. Cette dotation représente 96 % des ressources de la chaîne, qui perçoit en outre 750 000 € de produits d’exploitation (parrainages, coproductions, commercialisation d’espaces publicitaires pour des campagnes d’intérêt général).

La chaîne présente comme suit son budget d’exploitation dans le PLF 2025 :

– Un budget d’exploitation de 18,2 M€, principalement porté par le coût de grille (qui comprend les dépenses de personnel), puis, dans une moindre mesure, par les coûts de diffusion, les frais généraux, les impôts et taxes et les frais d’amortissement.

– Un budget d’investissement stable, établi à 530 000 €, qui comprend le renouvellement du matériel technique, informatique, l’habillage de la chaîne et la mise en place d’un nouveau système d’information de gestion des ressources humaines.

III. Le Conseil constitutionnel

En 2025, le Conseil constitutionnel sollicite une dotation d’un montant de 16,8 M€, contre 17,9 M€ en 2024, soit une baisse de 6,02 %.

Cette baisse intervient toutefois après une hausse conséquente de la dotation l’année dernière : la dotation 2024 était en hausse de 34,86 % par rapport à l’exercice précédent, principalement en raison de l’octroi d’une enveloppe additionnelle exceptionnelle de 3,84 millions d’euros destinée à la rénovation du rez-de-chaussée des locaux, justifiée par des raisons de sécurité et pour permettre le raccordement du Conseil au réseau de climatisation Fraîcheur de Paris. En dehors de cette enveloppe exceptionnelle, la hausse de la dotation en 2024 était de 6,02 %.

En dépit de sa baisse au regard de l’année n-1, la dotation 2025 est donc maintenue à un niveau élevé, ce que justifie le Conseil constitutionnel par le maintien des dépenses de fonctionnement et d’investissement à un niveau équivalent à celui de l’exercice en cours, et par la nécessité de « reconstituer une réserve minimale de précaution alors que, sous l'effet notamment de l'inflation, celle-ci s'est presque entièrement résorbée ces dernières années, au risque de le priver de moyens de fonctionnement suffisants lorsque surviennent dans la vie publique des échéances imprévues requérant son intervention ». Comme l’indique le tableau ci-dessous, le recours aux disponibilités financières est devenu systématique ces dernières années. Or, le financement du déficit sur les disponibilités financières fait peser un risque sur la gestion budgétaire, ces disponibilités étant arrivées, en 2023, à un niveau historiquement bas.

Il apparaît donc nécessaire d’opérer une appréciation plus juste des dépenses, d’autant que la revalorisation conséquente en 2024 de la dotation ne semble pas avoir mis un terme à ces prélèvements sur disponibilités.

Évolution de la situation financière du Conseil constitutionnel

 

Crédits budgétés en LFI (A)

Prélèvement sur les disponibilités financières (B)

Crédits consommés (A + B)

Niveau des disponibilités financières

2019

11 719 229 €

5 073 646,89 €

16 792 875,89 €

3 124 243,45 €

2020

12 504 229 €

3 124 243,45€

15 628 472,45€

1 764 212,38 €

2021

12 019 229 €

1 764 212,38€

13 783 441,38€

1 069 833,17€

2022

15 963 000 €

1 069 833,17€

17 032 833,17€

1 390 059,77€

2023

13 295 000 €

1 390 059,77€

14 685 059,77€

236 154,53€

2024

17 930 000 €

236 154,53€

 

 

Source : Réponse du Conseil constitutionnel au questionnaire budgétaire

 

Le Conseil constitutionnel indique en outre tenir compte dans la demande de dotation de la perspective de la prise en charge à venir, en 2025, du contentieux électoral et du contentieux des comptes de campagne liés aux élections législatives consécutives à la dissolution du 9 juin 2024.

 

Dans ces conditions, les crédits budgétaires pour 2025 devraient être consommés suivant la répartition suivante :

Répartition du budget prévisionnel 2025 du Conseil constitutionnel

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au PLF 2025

 

En 2025, si la rémunération des membres restera équivalente à celle de 2024 (2,15 M€), les autres dépenses connaîtront une diminution :

– Les dépenses de personnel devraient passer de 10,1 à 9,9 M€ ;

– Les dépenses de fonctionnement devraient s’élever à 3 019 000 € (contre 3 080 403) € ;

– Les dépenses d’investissement passeront de 2,6 M€ à 1,8 M€ ;

Le Conseil constitutionnel souligne néanmoins l’importance des chantiers restant à conduire au titre de son exemplarité en termes de développement durable, ainsi qu’un plan de continuité informatique qu’il s’agira de déployer à moyen terme.

Enfin, s’agissant de l’activité contentieuse du Conseil constitutionnel, outre la surcharge d’activité à venir précitée, liée au contentieux électoral, votre rapporteur souhaite souligner la charge que pourrait également constituer à l’avenir le risque d’une demande d’intervention accrue du Conseil constitutionnel en raison de l’adoption de lois que les parlementaires et le Gouvernement savent présenter un risque important d’inconstitutionnalité.

Jusqu’à présent, les saisines réalisées dans le cadre du contrôle de constitutionnalité sont à un niveau assez stable pour le contrôle a priori, et plutôt en baisse pour la question prioritaire de constitutionnalité.

Nombre de saisines du Conseil constitutionnel

 

2019

2020

2021

2022

2023

Au 30 juin 2024

Article 61C alinéa 1

8

6

8

2

1

3

Article 61C alinéa 2

24

19

26

18

21

12

Article 61-1C

65

57

94

51

49

19

Article 54C

0

0

0

0

0

0

Source : réponse du Conseil constitutionnel au questionnaire budgétaire

Néanmoins, votre Rapporteur a été marqué par le choix fait par la précédente majorité, sous la XVIème législature, de voter la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », tout en sachant qu’un certain nombre de dispositions étaient inconstitutionnelles, ce qu’a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024 en censurant plus de trente articles. Or, au regard du contexte politique actuel dans lequel l’extrême droite est très représentée à l’Assemblée nationale, et dans lequel le nouveau ministre de l’intérieur M. Retailleau déclare au Journal du dimanche que « l’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré », votre rapporteur s’inquiète de la démultiplication de ce type de votes au mépris du risque d’inconstitutionnalité. Votre rapporteur entend donc souligner le caractère peu responsable de ces votes et de ces propos, tant politiquement que sur le plan budgétaire.

IV. La Cour de justice de la République

La Cour de justice de la République, prévue par les articles 68-1 et 68-2 de la Constitution, juge les membres du Gouvernement qui sont pénalement responsables des crimes ou délits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.

Elle comprend quinze juges, douze parlementaires, élus en nombre égal par l’Assemblée nationale et le Sénat, et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la Cour.

La Cour est saisie au terme de la procédure suivante :

– L’examen de la plainte par la commission des requêtes : toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes, qui ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République.

Le procureur général près la Cour de cassation peut également saisir d’office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes.

– L’instruction est menée par la commission d’instruction composée des trois juges magistrats, qui diligentent toute mesure utile. Ils peuvent conclure qu’il n’y a pas lieu de poursuivre, ou procéder au renvoi devant la Cour ;

– Le jugement : en cas de renvoi du dossier devant la Cour, la formation de jugement, qui comprend les quinze membres de la Cour, délibère, par bulletins secrets à la majorité absolue.

En 2025, la Cour de justice de la République sollicite une dotation – qui est son unique source de financement - équivalente à celle de 2024. Elle s’élève à 984 000 €.

Prévisions budgétaires 2025 de la CJR comparée aux budgetS LFI 2024

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2025

 

La demande de dotation est maintenue à un niveau constant, malgré la baisse d’activité liée à la baisse du nombre de saisines, qui avaient explosé durant la crise du COVID ([8]). Toutefois, les plaintes déposées depuis 2020 ayant fait l’objet d’une décision favorable de la commission des requêtes sont en cours d’instruction, et une affaire est en cours d’audiencement.

La Cour ne procède à aucune dépense d’investissement, l’intégralité des crédits demandés est donc affectée à des frais de fonctionnement.

En 2025, certaines de ces dépenses sont envisagées à la hausse :

– Les dépenses liées aux indemnités des magistrats augmenteront du fait de la mise en place du prélèvement à la source, qui sera désormais réglé sur la dotation de l’année.

– Les dépenses de fonctionnement augmenteront pour tenir compte de l’augmentation du nombre de fonctionnaires et de magistrats désormais présents de façon permanente à la Cour, passé de 5 à 10 personnes depuis 2020.

D’autres dépenses sont en revanche revues à la baisse, en raison de la baisse d’activité. Tel est le cas :

– Des dépenses liées aux frais de justice, qui comprennent les frais d’interprète, de traduction, d’expertise, de transport et de perquisition, de déplacements, les actes d’huissiers et les indemnités des témoins ;

– Des frais de tenue de procès.

La principale source d’économie qui pourrait être envisagée serait de mettre un terme au bail locatif (qui vient d’être renouvelé pour neuf ans), en cas d’emménagement de la cour dans l’ancien Palais de justice de l’île de la cité. Celui-ci fait toutefois l’objet d’importants travaux qui empêcheront d’envisager ce projet avant 2028, voire 2029.

En cas de solde positif en fin d’exécution budgétaire, la Cour procède à un reversement total à la direction du budget. Un important reversement de 72 531 € euros avait ainsi été effectué en 2023 pour l’exécution 2022. L’appréciation du montant de la dotation 2023 a été davantage en adéquation avec les dépenses réelles, puisqu’en fin d’exercice, le solde positif ne s’élevait qu’à 4,93 euros. Cela pourrait être le signe d’une meilleure appréciation du montant des dépenses, et devra être confirmé lorsque l’exercice 2024 sera achevé.

   Deuxième PARTIE : LE RECOURS PAR LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE AUX ENQUÊTES D’OPINION ET AUX PRESTATIONS DE CABINETS DE CONSEIL

Les recours aux enquêtes d’opinion et aux prestations des cabinets de conseil par la Présidence de la République sont deux questions qui ont pu, à différentes périodes, animer le débat public.

Si l’examen de la présentation de la dotation budgétaire de la présidence de la République en annexe du projet de loi de finances ne fait apparaître aucune dépense en la matière, le rapporteur pour avis a souhaité approfondir le sujet afin d’établir si la présidence de la République bénéficie de ce type de services sans que cela ne grève son budget. L’objectif était aussi de comprendre suivant quelles procédures la présidence pouvait éventuellement bénéficier de l’aide de cabinets de conseil ou des résultats d’études d’opinion.

Il s’avère en effet que, bien que sur le plan budgétaire la présidence de la République ne procède à aucune commande directe d’étude d’opinion, elle bénéficie des résultats des études commandées par le Gouvernement (I). Il est également apparu que sous le précédent quinquennat, des cabinets de conseil ont effectivement apporté un appui – à titre gratuit - à des projets à l’organisation desquels la présidence de la République était partie prenante (II).

I.   UNE ABSENCE DE COMMANDE D’ÉTUDES D’OPINION COMPENSÉE PAR LA RÉCEPTION DES ENQUÊTES COMMANDÉES PAR LES MINISTÈRES

La survenue, sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, de l’affaire des « sondages de l’Élysée »  ([9]), avait abouti, sous la présidence de M. François Hollande, au renoncement à toute commande d’études d’opinion par le chef de l’État.

Les rapports successifs de certification des comptes de la présidence de la République par la Cour des comptes depuis la présidence de M. Emmanuel Macron indiquent que cette décision a prospéré puisque, chaque année, ces rapports mentionnent que la présidence n’a commandé aucune étude d’opinion.

Un travail de veille est désormais mené en interne à la présidence de la République (A). Toutefois, il convient de souligner que la présidence de la République bénéficie, en pratique, des résultats des études d’opinion commandées par le Gouvernement (B).

A.   UN TRAVAIL DE VEILLE RÉALISÉ PAR LE CENTRE DE VEILLE ET D’ANALYSE DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Lors de l’entretien mené par votre rapporteur, la direction du cabinet du Président de la République a non seulement rappelé que la présidence ne procédait à aucune commande d’étude d’opinion, mais a aussi souligné que ces instruments comportaient des biais et qu’ils n’étaient pas nécessairement les plus opérationnels pour détecter des signaux faibles sur des mouvements d’opinion. En conséquence, la présidence de la République a décidé d’approfondir la réforme de la direction de la communication afin de développer son propre centre de veille et d’analyse qualitative de l’opinion.

La réforme des services de la présidence de la République menée en 2019 a abouti à la création de quatre directions ([10]), dont la direction de la communication, dotée d’une centaine d’agents, qui assuraient initialement quatre missions principales : la correspondance et le standard téléphonique (réponses aux sollicitations), les relations avec la presse et la veille médiatique, la communication numérique, la veille stratégique et les relations avec les publics. En 2023, la direction a poursuivi sa transformation, avec le regroupement des effectifs sur un même site, et la création d’un service consacré au « dialogue citoyen » qui regroupe le standard, les équipes de veille, et un nouveau département chargé de la veille et de l’analyse.

L’objectif de cette réforme est de disposer d’un plateau de veille qui fonctionne à 360 ° sur tous les supports de communication avec le public (téléphonie, digital, presse, etc.), centralise les informations et peut les faire remonter au conseiller opinion du cabinet.

La présidence juge cette organisation plus opérationnelle pour repérer des signaux faibles dans l’opinion afin de déterminer quels sujets prennent de l’ampleur sur les différentes parties du territoire.

La Présidence de la République a indiqué disposer en outre des remontées d’information effectuées par les préfets, qui peuvent également alerter sur les questions qui se posent au sein des territoires.

Cette réforme, réalisée à effectif et à budget constants, semble avoir atteint les objectifs poursuivis par la présidence de la République en termes d’amélioration de l’analyse de l’opinion. Elle ne doit néanmoins pas occulter le fait qu’elle ne s’est pas réellement substituée aux études d’opinion, puisque celles commandées par le Gouvernement sont en réalité transmises à la Présidence de la République.

B.   LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE BÉNÉFICIE DES ENQUÊTES ET ANALYSES RÉALISÉES OU COMMANDÉES VIA LE SERVICE D’INFORMATION DU GOUVERNEMENT (SIG)

1. Le SIG : un service gouvernemental auquel la Présidence de la République ne fait pas appel directement

Le Service d’information du Gouvernement (SIG) est un service placé sous l’autorité du Premier ministre et dont le cœur de l’activité est de prendre en charge la communication gouvernementale. Cela recouvre plusieurs types d’activités, dont l’analyse de l’opinion, au motif que, pour pouvoir faire de la communication gouvernementale, le SIG a besoin au préalable de connaître l’opinion afin d’adapter la stratégie de communication. Les données recueillies par le biais des études d’opinion visent donc à orienter la façon dont doit être menée la communication sur les politiques publiques.

Le SIG effectue à la fois une analyse de l’opinion publique et une veille médiatique, coordonne la communication au niveau intergouvernemental, accompagne la communication gouvernementale dans les environnements numériques, et organise la communication de crise avec une anticipation en amont.

Le département de veille et d’analyse, qui compte treize équivalents temps plein, effectue la veille des médias et l’analyse des sondages.

Le SIG réalise de façon régulière des sondages, telles que les « questions d’actualité », qui reviennent chaque semaine, et consistent en un sondage quantitatif : les questions sont fermées, posées en ligne à un panel de 1000 personnes constituant un échantillon représentatif. Ces sondages internes sont conçus par les experts de l’opinion du service. Lorsqu’il est fait appel à un institut, ce dernier fait une proposition ensuite analysée et complétée par le SIG.

Le SIG propose également aux ministères un marché public comprenant différents lots, sur lesquels les ministères ayant déclaré leur intérêt au moment de la passation du marché disposent d’un droit de tirage. Les enquêtes qui peuvent être commandées par ce biais répondent à différentes méthodes : il peut s’agir d’enquêtes qualitatives ou quantitatives, à questions fermées ou ouvertes, menées ou non en groupe et suivant différents supports (réunions, enquête en ligne…). Au total, le marché proposé aux administrations comprend neuf lots ([11]), qui correspondent à ces différentes méthodes et couvrent l’ensemble des besoins des ministères, exprimés à chaque renouvellement de marché.

La présidence de la République a indiqué n’être jamais commanditaire des sondages du SIG, ce qu’a confirmé le SIG.

Votre rapporteur pour avis juge néanmoins utile de préciser qu’en l’absence de commande directe, la Présidence de la République peut tout de même bénéficier des résultats des études menées, voire tenter d’orienter leur contenu (2).

2. Un manque de clarté quant au rôle de la présidence de la République dans la définition des enquêtes gouvernementales

Votre rapporteur pour avis a cherché à établir si la présidence de la République pouvait participer, plus ou moins directement, aux commandes d’études d’opinion transmises au Gouvernement.

Le rôle le plus direct, qui consisterait pour la présidence de la République à commander directement des études auprès du SIG, peut-être écarté. La présidence de la République n’engage aucun crédit auprès du SIG pour commander des études d’opinion.

Sur le principe, il serait envisageable de permettre à la présidence de la République de disposer d’un droit de tirage sur le marché du SIG.

Toutefois, pour disposer de ce droit de tirage, il faut se déclarer au moment de la passation du marché (qui a été passé en 2023 et s’achèvera en 2027). Or, le SIG a indiqué que la présidence de la République n’avait pas déclaré son intention de faire partie de ce marché. Actuellement il n’existerait donc pas de solution juridique pour la présidence de la République de passer commande directement en passant par le marché du SIG, il conviendrait de prévoir un marché spécifique à la présidence de la République.

Face au constat de l’absence de commande directe, votre rapporteur s’est interrogé sur la possibilité d’une influence moins directe de la Présidence de la République sur le contenu des enquêtes gouvernementales.

En effet, le cabinet de la présidence de la République lui a initialement indiqué pouvoir participer au « débat général d’orientation des enquêtes ». Interrogé ultérieurement sur ce point, le SIG a déclaré qu’il n’existait pas de réunion préparatoire aux enquêtes qui serait menée par le SIG et à laquelle participerait un conseiller de la présidence. Dans la pratique, le SIG se contente de prendre la commande d’un ministère et de la transcrire sur le plan technique.

La présidence de la République a ensuite confirmé qu’il n’existait pas de réunion institutionnalisée sur les sondages avec le SIG, mais que des « échanges informels sur les dynamiques d’opinion en cours, parfois en marge de réunions de coordination avec Matignon sous les précédents gouvernements », pouvaient avoir lieu.

Il est évident qu’en période de concordance des majorités, rien n’empêcherait la présidence de la République de solliciter auprès des services du Premier ministre que telle ou telle question l’intéressant soit incluse dans une étude d’opinion en cours de commande.

La question est d’autant plus légitime que les études d’opinion commandées par les ministères ou les « Questions d’actualité » comportent occasionnellement des questions qui portent directement sur la présidence de la République.

Le SIG a ainsi relevé qu’en 2024, huit vagues des « questions d’actualité » comportaient une mention de la présidence de la République en tant qu’institution.

Liste des enquêtes menées par le SIG en 2024 comportant au moins une mention de la présidence de la République

8 vagues de Questions d’actualité comportent au moins une question mentionnant la présidence de la République :

- Vague des 3-4 janvier : post-test des vœux ;

- Vague des 17-18 janvier : post conférence de presse du 16 janvier ;

- Vague des 21-22 février : opinion sur la position du PR concernant le conflit en Ukraine ;

- Vague des 28-29 février : opinion sur la position du PR concernant le conflit en Ukraine ;

- Vague des 6-7 mars : opinion sur la position du PR concernant le conflit en Ukraine ;

- Vague des 13-14 mars : opinion sur la position du PR concernant le conflit en Ukraine ;

- Vague des 15-16 mai : perception de la mobilisation de l’Exécutif concernant l’attractivité de la France à l’étranger, dans le cadre de Choose France ;

- Vague des 24-25 juillet : post test interview du 23 juillet.

En outre, à l’occasion du baromètre de l’action gouvernementale, au moins une question mentionne le président de la République dans chacune des 4 vagues réalisées en 2024, avec l’objectif de temporaliser la question (« depuis l’élection d’E. Macron, diriez-vous que… »).

Source : réponse du SIG au questionnaire du Rapporteur pour avis

Le SIG a par ailleurs transmis à votre rapporteur les questions du baromètre qui concernaient le Président de la République, et celles-ci présentent un intérêt évident pour la présidence

 

Questions relatives à la présidence de la République dans le baromètre de l’action gouvernementale

Dans chacune des 4 vagues du baromètre de l’action gouvernementale, au moins une question mentionnait la présidence de la République :

- « Au sujet de la politique menée par le Gouvernement depuis l’élection d’E. Macron, diriez-vous que… ? La politique menée commence à produire des résultats positifs pour le pays / La politique menée portera ses fruits dans les mois ou les années qui viennent /  La politique menée ne produira pas de résultats positifs » ;

- « Depuis l’élection d’E. Macron en mai 2017, diriez-vous que le montant des impôts, des taxes et des cotisations que vous payez… ? Augmente / baisse/ reste stable » ;

- « Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, diriez-vous que cette perte d’autorité de l’État… ? tend à s’accentuer / tend à s’atténuer… ».

Source : réponse du SIG au questionnaire du Rapporteur pour avis

Les réponses à ces questions sont en pratique susceptibles d’intéresser la présidence de la République pour mesurer l’effet de certaines déclarations ou prises de position du chef de l’État.

La Présidence de la République pourrait être d’autant plus intéressée à faire indirectement la demande d’inclusion de certaines questions dans les enquêtes que le contenu de celles qui sont effectuées par le SIG sont systématiquement transmises à la présidence de la République.

En effet, le SIG est destinataire des résultats des questions d’actualité et des sondages passés ad hoc ([12]) : il reçoit un fichier avec la synthèse des réponses et les ventilations par typologie d’audience. Le SIG transmet ensuite ces résultats au Premier ministre, au ministère chargé du porte-parolat du Gouvernement, ainsi qu’à la Présidence de la République.

En l’espèce, le nombre limité de questions faisant mention de la présidence de la République ne semble pas indiquer une influence importante exercée sur les commandes du SIG ou des ministères, de sorte qu’il n’apparaît pas nécessaire de formuler une préconisation appelant à davantage de transparence en la matière.

Votre rapporteur s’est toutefois interrogé sur le fondement de la transmission des résultats des enquêtes à la présidence de la République, qui semble reposer sur la décision du Premier ministre, le SIG étant sous sa tutelle. Dans le contexte politique actuel, le Premier ministre Michel Barnier a, pour le moment, décidé de maintenir cette communication à la présidence.

Néanmoins, en période de cohabitation, il serait tout à fait envisageable que la communication des résultats à la présidence de la République soit interrompue. Votre rapporteur souligne en conséquence que si la situation politique évoluait vers une cohabitation plus « dure », il serait judicieux de suivre la façon dont la présidence de la République se positionnerait sur le sujet.

En cas de volonté du chef de l’État de procéder de nouveau à ses propres commandes d’études d’opinion, l’établissement d’une procédure formalisée avec la passation d’un marché serait indispensable, pour éviter tout risque de retour aux affaires dénoncées sous la Présidence de M. Nicolas Sarkozy.

Recommandation n° 1 : En cas de changement de doctrine et de volonté de la présidence de la République de commander de nouveau directement des études d’opinion, élaborer un marché spécifique pour la présidence de la République.

 

II.   LES RECOURS PASSÉS AUX PRESTATIONS DE CABINETS DE CONSEIL PAR LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE DOIVENT INCITER À POSER UN CADRE JURIDIQUE CLAIR DE CETTE PRATIQUE

Le recours, par l’administration étatique, à des prestataires externes, et notamment aux cabinets de conseil, a, ces dernières années, fait l’objet d’importants travaux de l’Assemblée nationale ([13]), du Sénat ([14]) ou encore de la Cour des comptes ([15]). Ces travaux visaient essentiellement les commandes passées par les ministères, la présidence de la République restant hors du champ de ces investigations.

Afin de lever le voile sur cet angle mort du recours au conseil privé dans la sphère étatique, votre rapporteur s’est entretenu avec des cabinets de conseil dont il était de notoriété publique qu’ils avaient, sous le quinquennat précédent, apporté leur appui à l’organisation de certaines manifestations dont la présidence de la République était, sinon seul organisateur, du moins partie prenante.

Deux cabinets de conseil contactés, le Boston consulting group (BCG) et Roland Berger, ont répondu favorablement à l’invitation de votre Rapporteur pour avis, ce dont il les remercie.

Votre Rapporteur s’étonne en revanche du refus qui lui a été opposé par le cabinet de conseil Mc Kinsey, destinataire de la même invitation. Ce cabinet s’est réfugié derrière le prétexte de poursuites judiciaires en cours à son encontre pour refuser cette audition, en dépit de la proposition faite de demeurer sur des questions générales qui n’empiéteraient pas sur l’enquête judiciaire en cours. Votre Rapporteur tient à souligner combien il juge ce refus d’informer la représentation nationale tout à fait regrettable et contraire à l’exigence de transparence qui devrait prévaloir s’agissant de la question des interactions des cabinets de conseil avec la sphère publique.

Après s’être entretenu avec le directeur de cabinet du Président de la République, M. Patrice Faure ([16]), votre Rapporteur a relevé que la doctrine actuelle de la présidence de la République est de ne plus recourir aux prestations de cabinets de conseil.

Tel n’a pas toujours été le cas puisqu’au cours du quinquennat précédent, la présidence de la République a recruté, en une occasion, un cabinet de conseil pour une mission de restructuration interne des services (A).

Surtout, au cours de la même période, trois cabinets de conseil ont réalisé des prestations pro bono pour la présidence de la République. En dépit de l’absence d’impact de ces prestations sur les finances de la présidence de la République, votre Rapporteur considère indispensable de ne pas reconduire de telles pratiques (B).

  1.   LE RECOURS À UNE PRESTATION DE CONSEIL RÉMUNÉRÉE EN 2018 PRÉSENTÉE COMME NÉCESSAIRE POUR OBJECTIVER LA RÉFORME DES SERVICES

Le cabinet de conseil Eurogroup a été retenu par la présidence de la République en 2018 et 2019 pour une mission de conseil en plusieurs étapes consacrée à la réforme des services de la Présidence de la République.

Le recours à un cabinet de conseil a été justifié à votre Rapporteur par la présidence de la République par la nécessité « d’objectiver les choses », et d’avoir un regard extérieur pour parvenir à faire changer la structure administrative.

La Cour des comptes a apporté un certain nombre d’éléments sur cette mission, qui permettent de mieux en cerner les contours.

Dans son analyse des comptes de la présidence de la République en 2018, la Cour des comptes ([17]) relève qu’« une réflexion pour réorganiser l’ensemble des services de la Présidence a été engagée. Dans le cadre de cette démarche, un cabinet a été sollicité pour établir un diagnostic de l’organisation actuelle, principalement fondée sur un héritage historique, puis pour accompagner la démarche de transformation. L’objectif fixé en 2019 consiste à passer d’une structure répartie en 17 services à une organisation en quatre directions ».

Dans son analyse des comptes menée l’année suivante, la Cour des comptes a consacré la partie thématique de son étude à cette réorganisation des services de la présidence ([18]). Elle y indique que dès son élection, le Président de la République avait souhaité revoir l’organisation des services, le directeur de cabinet ayant souligné, en 2017, « les limites d’une organisation historique, efficace mais peu efficiente, mise à l’épreuve par l’accroissement de la charge de travail ». La Cour indique « qu’à partir de mars 2018, un appui extérieur a été sollicité pour confirmer ce premier diagnostic, le mettre en perspective et définir une organisation générale cible. En juin 2018, le cabinet de conseil à qui ces missions ont été confiées a proposé une nouvelle organisation d’ensemble assortie d’un plan de transformation à mettre en œuvre en deux ans. La nouvelle organisation, fondée sur quatre nouvelles directions au sein desquelles les seize anciens services ont été répartis, a été validée durant l’été 2018 » ([19]).

La Cour indique que « face à l’ampleur du projet, l’appui d’un cabinet de conseil a été sollicité. Il est intervenu dans toutes les phases du plan de transformation, initialement pour analyser, approfondie l’état des lieux effectué en interne afin d’en déduire un modèle d’organisation puis proposer et participer à la mise en place du plan de transformation. Le montant consolidé de l’ensemble de ces prestations s’est élevé à 1,1 M€ TTC » ([20]) (soit 0,95 M€ HT, dont 0,9 acquittés à l’union des groupements d’achats publics (UGAP).

Votre rapporteur s’est interrogé sur la façon dont le cabinet de conseil avait été sélectionné pour obtenir les différentes phases de cette mission de conseil. La Cour des comptes a, sur ce point également, apporté certaines informations.

D’après la Cour des comptes, la première phase de la prestation n’a pas fait l’objet de mise en concurrence, en application du 11° de l’article 14 de l’ordonnance n° 2015899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui écarte l’application de l’ordonnance aux marchés publics « qui exigent le secret ou dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité conformément aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’État l’exige, à condition que cette sécurité ou cette protection ne puisse pas être garantie par d’autres moyens ». La Cour des comptes a d’ailleurs recommandé de « renforcer le suivi » des services fournis par le prestataire, retenu selon une procédure sans publicité ni mise en concurrence.

Les deux missions suivantes, qui ont été confiées au même cabinet, mais cette fois par le biais d’un marché à bons de commande de l’union des groupements d’achats publics, semblent indiquer qu’une procédure de mise en concurrence aurait sans doute pu être envisageable dès la première mission, ce qui paraît préférable au regard des montants en jeu. Votre Rapporteur souhaite insister sur le caractère vertueux de la mise en concurrence en pareille circonstance.

Votre rapporteur relève en outre que la Cour des comptes avait considéré qu’en dépit de la mise en place d’un tableau de suivi des commandes et des livrables, et compte tenu des montants en jeu, le suivi de l’exécution du marché aurait pu être « perfectionné en organisant un contrôle mensuel du montant chiffré des prestations réalisées » ([21]).

Le cabinet du président de la République a indiqué que l’ensemble des recommandations d’organisation ont été mises en œuvre, soulignant ainsi l’utilité de cette externalisation qui a permis d’aller suffisamment loin dans une réforme qui aurait pu faire face à des résistances en interne.

Votre Rapporteur entend cet argument, et constate que la Cour des comptes a jugé favorablement cette réforme, conduite « dans des délais contenus (…) sans dysfonctionnement notable et en obtenant de premiers résultats »  ([22]).

Il s’étonne en revanche davantage de la mention, dans le rapport de la Cour des comptes, du recours à un « second cabinet, expert en formation et en appui individuel (coaching) », dont il ignore le nom, qui aurait fourni un « accompagnement complémentaire » en réalisant des « formations individualisées sur la base du volontariat » ([23]), pour un coût total de 80 794 € TTC. Le cabinet de la présidence de la République lui a indiqué, lors d’un entretien, que la présidence de la République n’opérait actuellement aucune dépense en matière de formation ou de coaching, expliquant que les fonctionnaires détachés peuvent avoir recours aux formations de leurs administrations d’origine, et que les membres du cabinet, recrutés pour une expertise spécifique, sont en principe sélectionnés pour leur capacité à œuvrer immédiatement dans leur domaine de compétence.

Recommandation n° 2 : Éviter le recours aux cabinets de conseil pour le compte de la présidence de la République.

En cas d’impérieux besoin, définir le cadre du recours à une prestation de conseil suivant les principes suivants :

- Définition d’une procédure d’appréciation du besoin de recourir à une expertise extérieure (justification de l’absence de compétence interne dans le domaine concerné) ;

- Obligation de procéder à une mise en concurrence, sauf impératif dûment justifié de sécurité ;

- Définition d’une procédure de suivi de l’exécution de la prestation de conseil.

B.   LES RECOURS PASSÉS AUX PRESTATIONS PRO BONO CONFIRMENT LA NÉCESSITÉ D’INTERDIRE CETTE PRATIQUE, QUI CONTREVIENT AU PRINCIPE D'ÉGAL ACCÈS À LA COMMANDE PUBLIQUE ET À LA LIBRE CONCURRENCE, POUR ÉCARTER TOUT RISQUE DE CONFLIT D’INTÉRÊTS

1. Trois cabinets de conseil ont effectué des prestations pro bono pour des manifestations liées à la présidence de la République entre 2018 et 2021

Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la présidence de la République a bénéficié, à plusieurs reprises, de prestations réalisées à titre gratuit par des cabinets de conseil dans le cadre de trois manifestations initiées par l’Élysée :

– En 2018, 2019 et 2020 le cabinet Mc Kinsey a participé à l’organisation du sommet Tech for good ;

– En 2019, 2020 et 2021, le cabinet Boston Consulting Group (BCG) a participé à l’organisation du sommet Choose France ;

– En 2021, le cabinet Roland Berger a contribué à l’organisation de la manifestation « Scale-up Europe » ;

Ces différents sommets, s’ils bénéficiaient parfois d’une équipe organisationnelle externe à la présidence de la République, doivent néanmoins être perçus comme des projets initialement portés par le Président Emmanuel Macron. Ils sont d’ailleurs présentés comme tels sur les pages du site internet de l’Élysée consacrées à ces évènements, qui se sont chaque fois conclus par des réunions ou sommets organisés dans des palais présidentiels et en présence du Président de la République.

Ainsi, l’organisation des sommets Choose France reposait principalement sur le travail mené par le secrétariat général de Business France, et une personne travaillant au ministère de l’économie et des finances travaillait sur le projet. Bien que le pilotage de la présidence de la République ait été qualifié de « lointain » dans le cadre de la conduite du projet, la page consacrée à ce sommet sur le site internet de l’Élysée en attribue l’initiative directe au Président de la République : « Instauré par le Président Emmanuel Macron, Choose France vise à présenter et expliquer aux grandes entreprises internationales les réformes menées pour favoriser l’activité économique de notre territoire » ([24]). Le sommet est d’ailleurs organisé, en juin, au Château de Versailles, autour du Président de la République et en présence des hautes autorités françaises.

Il en va de même s’agissant de l’initiative Scale-Up Europe, qui consistait à faire travailler ensemble 200 personnalités influentes de la tech européenne afin d’élaborer des recommandations pour favoriser l’émergence de géants technologiques en France. Si l’organisation concrète relevait des équipes de M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des communications électroniques, le caractère présidentiel de l’initiative est également revendiqué sur le site de l’Élysée qui indique que « le Président Emmanuel Macron a lancé en décembre 2020 une initiative inédite : Scale-Up Europe ». Le site indique en outre que le résultat du travail mené pendant plusieurs mois par « 200 personnalités influentes de la tech européenne (entrepreneurs, investisseurs, chercheurs, institutionnels) » a fait l’objet de la rédaction d’un manifeste remis le mardi 15 juin 2021 au Président.

S’agissant des sommets Tech for Good, il n’a pas été possible d’obtenir d’éléments précis de la part du cabinet Mc Kinsey. Mais le site internet de l’Élysée explique que le sommet Tech for Good est une « initiative lancée par le Président français Emmanuel Macron en 2018 » qui « vise à renforcer la coopération et la collaboration entre acteurs de toutes tailles pour mettre l’innovation, la technologie et l’économie au service de l’humanité et du bien commun » ([25]). Surtout, le site internet souligne qu’« avec l’appui stratégique et méthodologique des équipes de McKinsey & Company, plus de 80 dirigeants du collectif ont pris des engagements concrets en 2019 et se sont engagés dans leur mise en œuvre ».

La présidence de la République a donc donné une impulsion réelle à ces projets et, même lorsqu’il existait une structure organisationnelle consacrée à l’évènement, un conseiller de l’Élysée était associé, ou au moins ponctuellement consulté, pour les grandes décisions stratégiques liées à l’organisation de l’évènement.

2. Des prestations consistant en un appui préparatoire à l’organisation de grands sommets

S’il n’est pas possible d’établir avec exactitude la teneur de l’intervention du cabinet Mc Kinsey à l’organisation de Tech for good, les cabinets de conseil BCG et Roland Berger ont au contraire explicité ce en quoi ont consisté les prestations pro bono réalisées dans le cadre de Choose France et Scale-up Europe.

La contribution du cabinet Boston Consulting group (BCG) à l’organisation des éditions 2020, 2021 et 2022 du sommet « Choose France »

Lors des trois éditions 2020, 2021 et 2022 du sommet « Choose France », BCG a apporté un support technique à Business France dans l’organisation du sommet.

BCG a d’abord, en amont, préparé des analyses afin d’identifier les enjeux clef et de définir les problématiques sur chacun des thèmes retenus. Ces analyses ont été communiquées aux participants au sommet.

BCG a ensuite :

– conduit une cinquantaine d’entretiens avec les entreprises participantes sur les sujets retenus, produit les synthèses de ces échanges ;

– préparé le déroulement et l’animation de chaque atelier, en y intégrant les résultats des analyses préparatoires et résultant des entretiens conduits ;

– en 2020 et 2021, animé les tables rondes avec les équipes de Business France, pris des notes et produit les synthèses des tables rondes destinées à être communiquées aux participants et à la presse économique ;

– réalisé des rapports publiés par Choose France, sur différentes thématiques telles que les industries intelligentes et les chaînes de valeur durable en 2020, la résilience des industries en europe en 2021, et les défis du développement durable et le futur du travail en 2022.

Source : réponse de BCG au questionnaire du Rapporteur pour avis

 

La contribution du cabinet Roland Berger au projet « Scale-up Europe » en 2021

L’objet de la prestation était d’accompagner l’écosystème européen des start-ups dans la coordination de l’initiative Scale-Up Europe.

Dans cette perspective, le cabinet Roland Berger a :

– Conduit 30 entretiens auprès de dirigeants de start-up et d’acteurs de l’écosystème ;

– Aidé à la coordination de l’initiative (organisation des 15 points hebdomadaires et des 3 comités de pilotage) ;

– Aidé à la tenue de 6 ateliers thématiques avec des acteurs de l’écosystème ;

– Rédigé un rapport complet d’étude avec 21 recommandations pour l’écosystème européen.

Source : réponse de Roland Berger au questionnaire du Rapporteur pour avis

Dans les deux cas envisagés, les cabinets de conseil ont contribué à structurer une démarche à l’état de projet, nécessitant de fédérer de nombreux acteurs dans un écosystème spécifique (par exemple, la tech).

Le cabinet Roland Berger estime que l’un des atouts du cabinet était précisément de bien connaître l’écosystème visé afin de fédérer de nombreux acteurs, ce qu’aurait eu plus de difficulté à faire seule la présidence de la République faute de ce travail préalable sur l’écosystème.

Votre rapporteur a cherché à savoir si une réflexion formalisée avait été menée en interne à la présidence de la République pour constater le besoin de recours à une expertise externe, à défaut de solution en interne. L’actuel cabinet du Président de la République a expliqué que le cabinet aux responsabilités au moment de la réalisation de ces différentes prestations avait probablement estimé qu’il n’existait pas de compétence étatique interne pour organiser ce type de sommets, compte tenu de leurs spécificités.

Le cabinet du Président de la République a toutefois rappelé que désormais, la présidence ne ferait plus appel à des cabinets de conseil pour de telles prestations, mais s’appuierait sur une structure du ministère des affaires étrangère montée ad hoc pour monter de tels projets, à l’instar de ce qui se fait actuellement par exemple pour le sommet du G7. Une équipe projet avec un secrétariat général et un budget serait ainsi mise en place, pour prendre en charge l’organisation de l’évènement.

Toutes ces prestations, qualifiées de pro bono, ont consisté en des interventions réalisées gratuitement par les cabinets de conseil pour l’administration. Elles ont échappé, à ce titre, à tout encadrement juridique précis, ce qui suscite un certain nombre de difficultés, notamment au regard du principe de libre concurrence et en matière de prévention des conflits d’intérêts.

3. Des interventions pro bono échappant à tout cadre juridique à même de garantir la libre concurrence et l’absence de conflits d’intérêts

L’absence d’encadrement juridique des prestations pro bono se manifeste au stade de la formalisation de la « commande » (a), comme au stade de l’exécution de la prestation (b).

a. Au stade de la commande : une absence de réglementation se traduisant par l’absence de mise en concurrence

Le caractère gratuit des prestations pro bono conduit à ce qu’elles soient réalisées par des cabinets de conseil choisis sans avoir fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence.

Dans la mesure où il ne s’agit pas, pour la présidence de la République, d’avoir recours à un marché public, aucun appel d’offres, qui permettrait à tous les cabinets intéressés de présenter une candidature, n’est passé.

Les conditions dans lesquelles tel cabinet de conseil a été choisi pour faire la prestation pro bono sont variables, mais il n’a pas été possible de les établir avec précision pour chacune des prestations évoquées.

● Pour le sommet Tech for good, les conditions de mise en relation entre Mc Kinsey et la présidence de la République ne sont pas clairement établies.

Faute d’avoir pu s’entretenir avec les représentants du cabinet Mc Kinsey, votre Rapporteur n’a pas connaissance des conditions dans lesquelles le contact s’est noué entre les représentants de ce cabinet de conseil et le cabinet de la présidence de la République durant le premier quinquennat de M. Emmanuel Macron. Il en résulte une suspicion logique mais regrettable sur les motivations sous-tendant ce partenariat.

L’actuelle direction du cabinet du Président de la République a indiqué ne pas être en mesure de l’expliquer précisément. Au cours de l’entretien, a néanmoins été évoquée une « porosité entre les gens des cabinets ministériels et ces cabinets de conseil », ce qui tend à conforter les inquiétudes quant au risque d’offrir un avantage à un cabinet plutôt qu’à un autre en fonction des accointances entre le personnel du cabinet de la présidence et la direction du cabinet de conseil.

● Pour le sommet Choose France, c’est le cabinet de conseil BCG qui a spontanément proposé son appui pro bono.

BCG a expliqué que le cabinet avait proposé d’offrir cette prestation, après avoir été invité aux éditions 2018 et 2019 du sommet. Ces premières éditions n’avaient pas donné lieu à l’organisation de tables rondes, fréquemment organisées dans d’autres sommets internationaux tels que le forum économique mondial de Davos où BCG contribue également à titre pro bono à l’organisation de débats. Le cabinet a jugé pertinent de proposer de mettre à disposition son expertise en la matière pour que de telles tables-rondes soient organisées dans le cadre des éditions suivantes de Choose France. Pour ce faire, BCG a pris contact avec le secrétariat général de Business France et avec un conseiller du cabinet du Président de la République pour proposer de contribuer, lors des éditions futures, à l’organisation de telles tables rondes sur des sujets bien connus du cabinet de conseil.

En l’espèce, l’initiative de la contribution du cabinet de conseil ne procède donc pas de la présidence de la République, qui en a toutefois accepté le principe.

● Pour le sommet Tech for good, en revanche, c’est un conseiller du cabinet du président de la République qui a contacté le cabinet de conseil Roland Berger afin de leur indiquer qu’une initiative impliquant différents participants tels qu’Hello tomorrow, était en cours de structuration, et que la participation d’un cabinet de conseil pourrait-être intéressante. Le cabinet Roland Berger suppose qu’il a été contacté en première intention en raison de son caractère européen, qui correspondait à la philosophie européenne du projet, mais aussi de sa connaissance de l’écosytème de la « tech ». Le cabinet Roland Berger s’est effectivement déclaré intéressé et a proposé de contribuer au secrétariat du processus en raison de sa capacité à réunir les acteurs du secteur dont il avait déjà une bonne connaissance.

Que l’initiative provienne d’un cabinet de conseil lui-même, ou qu’elle soit provoquée par un conseiller de la présidence de la République, la difficulté tient à ce qu’il n’existe aucune transparence, et aucune mise en concurrence. C’est donc le cabinet de conseil qui, le premier, a l’idée de proposer sa contribution, ou un cabinet qui est considéré comme le plus pertinent par un conseiller de la présidence qui reçoit l’opportunité d’assurer une prestation qui, bien qu’assurée à titre gratuit, pourra au moins procurer des retombées intéressantes en termes d’image.

Votre Rapporteur peut comprendre qu’un cabinet de conseil qui dispose d’une expertise sur un sujet soit tenté de la valoriser auprès d’une institution aussi prestigieuse que la Présidence de la République française. Mais il considère qu’il est de la responsabilité de la puissance publique d’être consciente de l’atteinte portée par ces prestations pro bono aux principes de transparence et de libre concurrence.

Réfléchissant à la possibilité d’imaginer la publication, par la présidence de la République, d’une directive interne qui établirait une procédure de mise en concurrence pour de telles prestations gratuites - qui ne sont pas, par définition, soumises au code des marchés publics - votre Rapporteur en est parvenu à la conclusion qu’aucune solution satisfaisante ne pourrait émerger. En effet, en tout état de cause, d’éventuels nouveaux entrants sur le marché du conseil ne seraient jamais en mesure de financer de telles missions réalisées gratuitement, et tout appel à contribution resterait en réalité réservé aux quelques grands cabinets de conseil déjà suffisamment établis pour pouvoir postuler.

b. Au stade de l’exécution : le caractère non systématique de l’existence d’une convention révèle la faiblesse de l’encadrement des prestations gratuites et prive la puissance publique des moyens de contrôler finement leur conduite

Compte tenu des dépenses publiques engagées lorsque les administrations publiques ont recours à des prestations de conseil, la bonne gestion implique la mise en place d’un suivi de la prestation conformément au cahier des charges, défini lors de la passation du marché.

Or, lorsqu’il s’agit d’une prestation pro bono, il n’existe pas de cahier des charges au sens habituel du terme, ce qui suscite un risque d’une maîtrise très relative par la puissance publique de la teneur de la prestation réalisée.

Rien n’interdit pourtant la passation d’une convention, conclue à titre gratuit entre les parties, qui définisse non seulement la teneur de la prestation, mais surtout les limites auxquelles doit se tenir le cabinet de conseil, par exemple en termes d’évocation de la mission dans sa publicité interne ou externe à la collaboration.

Votre rapporteur a pu établir que seules certaines des prestations pro bono réalisées pour la présidence de la République ont fait l’objet d’une telle convention.

Ainsi, la première prestation de BCG pour le sommet Choose France, lors de l’édition 2020, n’a pas fait l’objet de convention. Par la suite, en raison du succès de cette édition et du souhait de BCG de renouveler cette proposition de partenariat les années suivantes, la relation a été contractualisée pour les éditions 2021 et 2022 du sommet.

Contenu de la « lettre de partenariat » conclue entre Choose France et le cabinet BCG.

BCG et le secrétariat général du sommet Choose France ont signé une convention – intitulée « lettre partenariat » – spécifiant l’objet du partenariat et la teneur de la contribution de BCG. La convention spécifie notamment que l’organisation de la séquence est « concertée avec le Secrétariat général du Sommet ». Le caractère pro bono de la prestation est également acté dans une clause précisant que « le partenariat ne donne lieu à aucune rétribution ou rémunération, sous quelque forme que ce soit ».

La lettre de partenariat évoque en outre les conditions aux termes desquelles BCG peut communiquer sur ce partenariat, cette communication étant très restreinte avant le sommet, et plus large ensuite. Une fois l’évènement terminé, le cabinet est autorisé à utiliser les résultats des débats pour promouvoir son rôle dans la préparation des ateliers et à exploiter, pour sa communication interne et externe, les supports produits pour l’événement, sous réserve des droits à l’image.

Source : réponse de BCG au questionnaire du rapporteur pour avis

Le cabinet Roland Berger a indiqué, lors de son audition, que l’établissement d’une convention pouvait intervenir y compris pour une prestation pro bono de courte durée, à l’exemple de celle menée par ce cabinet pendant quelques semaines lors de la crise du covid – le cabinet avait alors mené une mission courte pour le compte de la direction générale des entreprises au sujet des commandes de masques. Sans indiquer si une telle convention avait été conclue dans le cadre des prestations réalisées pour la présidence de la République, le cabinet a confirmé qu’il s’agissait d’une bonne pratique.

S’agissant des prestations réalisées par le cabinet Mc Kinsey, votre rapporteur n’a pu obtenir de réponse du cabinet de conseil sur l’existence de telles conventions. Le cabinet du Président de la République a semblé indiqué qu’une telle convention existait. Pourtant, le rapport de la commission d’enquête du Sénat souligne « qu’aucun contrat n’a été signé pour cadrer l’intervention de Mc Kinsey lors de l’édition 2018 »  ([26]). Il est possible qu’aucune convention n’ait été signée pour la première édition, et que cela ait été rectifié pour les éditions suivantes, à l’image de ce qui s’est passé pour le cabinet BCG, mais il est, ici encore, particulièrement regrettable que le cabinet Mc Kinsey n’ait pas accepté de répondre au rapporteur sur ce point.

Au terme de ces constatations, votre Rapporteur pour avis juge qu’il n’est pas acceptable que l’établissement d’une convention ne soit pas systématique. Il s’agit là d’un outil – certes minimal – susceptible de donner à la puissance publique un droit de regard sur la prestation menée. Un tel document peut aussi permettre de poser des obligations, notamment en termes de confidentialité. Elle permet aussi de confirmer le caractère gratuit de la mission, et de faire taire le doute sur l’existence d’une éventuelle contrepartie commerciale.

4. La pratique du pro bono inspire une suspicion légitime quant aux bénéfices retirés par les cabinets de conseil

Les prestations de conseil réalisées à titre gratuit suscitent l’interrogation quant à leur motivation réelle, dans un milieu lucratif très concurrentiel : si la mission ne donne lieu à aucune rémunération, quel est donc l’intérêt du cabinet de conseil qui propose de mettre gratuitement à disposition du temps de travail de ses collaborateurs ?

La réponse ne peut pas consister à minimiser le coût de telles prestations. En effet, les auditions menées par votre Rapporteur ont confirmé que ce coût, s’il devait y avoir facturation, ne serait pas négligeable.

● Des prestations au coût non négligeable.

Dans le cas de la mission réalisée en 2021 par Roland Berger, c’est une équipe de trois collaborateurs, pilotée par trois directeurs associés seniors, qui a été mobilisée sur Scale-Up Europe, pour un total de 145 « jour-homme », qui est l’unité de mesure de référence pour établir une facturation dans le conseil. Cette unité pouvant avoisiner les 2000 €, le montant d’une telle prestation pourrait être équivalent à un peu moins de 300 000 €.

Le cabinet BCG a, pour sa part, considéré que la facturation aurait pu atteindre le montant de 200 000 € par édition dans le cadre des prestations réalisées pour les sommets Tech for Good.

Le coût de la mobilisation des consultants sur ces projets rend d’autant plus légitime l’interrogation sur les contreparties attendues par les cabinets de conseil qui proposent de telles prestations.

● Des bénéfices en termes d’image

L’absence de rémunération ne signifie pas l’absence de bénéfice pour les cabinets de conseils. Si ceux-ci ne reçoivent pas de paiement direct, ils en espèrent néanmoins un bénéfice en termes d’image, d’amélioration de leur réputation, et peuvent faire de la participation à cette mission un argument commercial pour obtenir de futurs marchés.

Les cabinets auditionnés par votre rapporteur n’ont pas contesté que ces missions offraient une visibilité appréciable. Roland Berger a par exemple expliqué que sa contribution au sommet ne lui donnait pas de visibilité directe durant l’évènement (le cabinet n’était pas sur scène, par exemple, pour la restitution), mais lui avait offert une visibilité auprès d’acteurs de la tech européenne qui relèvent de l’un des secteurs pour lesquels le cabinet travaille. Au regard des acteurs présents qui étaient parfois déjà clients de Roland Berger, la mission permet de confirmer les compétences détenues par le cabinet sur le sujet.

Le cabinet BCG a également confirmé que la mise en ligne des rapports BCG-Choose France, avec l’apparition des deux « marques » sur les livrables, donnait de la visibilité au cabinet sur les thèmes abordés. Ce cabinet a également souligné que cette mission permettait de renforcer ses liens avec ses clients : certaines des entreprises invitées au sommet Choose France étaient déjà clientes de BCG au moment du sommet, et ont donc pu voir que le cabinet s’engageait sur des sujets de société présentés comme constituant une part importante de la philosophie de l’entreprise.

Sur le plan interne à l’entreprise, les deux cabinets de conseil auditionnés ont aussi souligné la vertu de ces prestations pour leurs propres collaborateurs, qui apprécient de mener ce type de missions sur des sujets considérés comme importants.

Si les cabinets soulignent ne pas pouvoir chiffrer l’apport de ces prestations en termes d’image, et ajoutent donc qu’il ne s’agit pas là de la seule motivation, mais aussi d’une opportunité d’offrir à leurs collaborateurs des missions qu’ils apprécient mener.

Pourtant, le doute quant au bénéfice réel des cabinets de conseil est au cœur de la critique adressée à ces prestations pro bono. D’ailleurs, au cœur des travaux menés par la commission d’enquête du Sénat, le Gouvernement avait cerné cette difficulté puisqu’il avait, début 2022, défini une nouvelle politique en la matière dans une circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles ([27]). S’agissant spécifiquement des prestations pro bono, la circulaire précise que « les missions dites pro bono, effectuées à titre gracieux au bénéfice des administrations publiques, ne doivent donner lieu à aucune contrepartie » et « qu’aucun droit de suite ne peut être accordé au prestataire d’une mission pro bono ».

Si une telle mesure, que pourrait faire sienne la présidence de la République, est louable, elle ne paraît pas suffisante.

L’interrogation sur les bénéfices tirés des prestations pro bono n’est en effet qu’un élément parmi d’autres, conduisant à la critique de ce procédé. À cela s’ajoute le manque de transparence, l’absence d’encadrement et l’absence de mise en concurrence.

Votre rapporteur pour avis considère qu’une position plus ferme doit donc être retenue, consistant en l’interdiction du recours aux prestations pro bono par la présidence de la République.

Il partage ainsi le sens de l’une des dispositions de la proposition de loi ([28]) encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Cette proposition, adoptée en deuxième lecture par le Sénat et transmise à l’Assemblée nationale qui doit l’examiner en deuxième lecture, vise à renforcer les obligations de transparence dans les relations entre les administrations et leurs conseils, à encadrer le recours aux prestations de conseil, et à créer de nouvelles obligations déontologiques applicables aux prestataires. Elle reprend, en particulier, l’une des dix-neuf propositions de la commission d’enquête du Sénat consacrée aux cabinets de conseil ([29]), qui est d’interdire aux cabinets de conseil de réaliser des prestations gratuites (pro bono) pour l’État et ses opérateurs, en maintenant uniquement la possibilité de réaliser des missions de mécénat dans les secteurs « non marchands » (humanitaire, culture, social, etc.) ».

Recommandation n° 3 : Interdire aux pouvoirs publics le recours aux prestations gratuites (pro bono) des cabinets de conseil.


   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 9 heures, la Commission procède à l’examen pour avis des crédits de la mission « Pouvoirs publics » (M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis)

Lien vidéo : https://assnat.fr/MzuVsV

M. le président Florent Boudié. Je vous remercie d’être présents ce matin alors que nous avons siégé jusqu’à vingt-deux heures hier. Notre calendrier est excessivement contraignant et l’examen pour avis de missions budgétaires qui ne seront probablement pas discutées en séance a quelque chose d’un peu ésotérique.

Pour la première fois, la commission des lois a décidé de se saisir pour avis des crédits de la mission Pouvoirs publics – un souhait qui est à la fois le mien et celui du bureau –et de la mission Conseil et contrôle de l’État pour les crédits du programme 165, Conseil d’État et autres juridictions administratives.

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Pour la première fois, la commission des lois examine pour avis les crédits de la mission Pouvoirs publics. S’interroger sur les dotations qui permettent à notre démocratie de fonctionner est sain, tout d’abord parce que ces dotations, leur montant et leur utilisation, sont peu discutées au sein même de nos institutions, mais aussi parce que le fonctionnement de nos institutions préoccupe particulièrement nos concitoyens, notamment le train de vie de l’État, de ses représentants et de ses élus. En effet, dans un contexte où la dépense publique est particulièrement questionnée à cause de l’important déficit laissé par le précédent gouvernement, et alors même que l’accès à des services publics de qualité continue de reculer pour nombre de nos concitoyens et concitoyennes, les dépenses des pouvoirs publics sont, à raison, particulièrement scrutées.

La présidence de la République avait initialement demandé une dotation de 128,7 millions d’euros, soit en hausse de 2,53 %. Cette dotation devait financer les dépenses suivantes : 79 millions de dépenses de personnel – premier poste de dépenses avec plus de 60 % des crédits –, 16,4 millions de dépenses de fonctionnement – gestion immobilière, sécurité, télécommunications, numérique et moyens généraux –, 24,5 millions pour les activités présidentielles, dont 21 millions pour les seuls déplacements et plus de 3 millions pour les réceptions présidentielles, et 9 millions pour l’investissement.

La présidence de la République a toutefois annoncé qu’elle renoncerait à cette augmentation, le chef de l’État ayant souhaité donner l’exemple. Un amendement gouvernemental devrait donc être déposé en séance publique pour rétablir la dotation de 2025 au niveau de celle de 2024, soit 125 millions. Toutefois, je vous proposerai d’adopter un de mes amendements qui propose, dans la droite ligne de ce devoir d’exemplarité, de réduire la dotation de la présidence de 3,75 %, à proportion, donc, de l’effort demandé aux Françaises et aux Français, aux collectivités territoriales et aux administrations dans le projet de budget initial présenté par le Gouvernement.

Cette baisse me paraît accessible, grâce à une meilleure maîtrise des dépenses relatives aux déplacements et aux réceptions présidentielles. La Cour des comptes a d’ailleurs dégagé des pistes d’amélioration : meilleure anticipation, maîtrise de la taille des délégations et meilleure organisation des déplacements. Il existe de larges marges de manœuvre qui permettront à la présidence de la République de tenir un budget plus contraint, sans incidence directe ni sur ses prérogatives constitutionnelles ni sur les activités présidentielles, à la différence de nombreux services publics et administrations qui n’ont plus de marges de manœuvre budgétaires.

Les deux assemblées parlementaires ont renoncé à l’augmentation initiale de leur dotation à hauteur de l’inflation. Cette décision est sage – les parlementaires doivent prendre leur part dans l’effort demandé à la nation –, mais il y a une certaine injustice dans cette décision, au même titre que dans l’effort demandé aux Français, en raison du gel des dotations des deux assemblées pendant une dizaine d’années jusqu’en 2021. L’Assemblée doit disposer des moyens d’exercer ses fonctions constitutionnelles et cette décision ne doit donc pas être pérennisée sur le long terme. Une réflexion sur le rôle et le fonctionnement de notre assemblée, et donc sur ses moyens, devra rapidement être conduite. Plusieurs de vos amendements, dont je partage l’esprit, pour la plupart, touchent d’ailleurs à la politique d’externalisation, en particulier des missions d’entretien, une question qui se pose de façon transversale à l’ensemble de l’État.

Je vous proposerai d’associer la voix de la commission à la démarche entreprise par l’Assemblée nationale et d’adopter mon amendement – identique à celui des trois questeures – pour geler la dotation de l’Assemblée nationale pour 2025.

La dotation du Conseil constitutionnel affiche une baisse de 6,02 %. En effet, la dotation de 2024 était particulièrement élevée pour financer d’importants travaux. La dotation pour 2025 de 16,8 millions devrait permettre au Conseil de faire face au regain d’activité lié au contentieux électoral et au contentieux des comptes de campagne liés aux élections législatives.

Je saisis l’occasion pour appeler votre attention sur notre responsabilité collective de ne pas surcharger le Conseil constitutionnel, dont la saisine est parfois motivée par la simple communication politique. Je rappelle que certains articles de la loi « immigration » avaient été votés en toute conscience de leur inconstitutionnalité. Nous avons toutes et tous à respecter la Constitution au même titre que nous respectons la loi, quand bien même nous militons légitimement pour la changer.

Je ne m’étendrai pas sur les dotations des chaînes parlementaires, qui augmentent très faiblement, et de la Cour de justice de la République, qui demeure équivalente.

J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport au recours aux prestations de sondage et de cabinet de conseil par la présidence de la République.

La présidence de la République ne commande plus de sondage, ni directement ni par l’entremise du service d’information du gouvernement. L’Élysée s’est toutefois dotée d’un centre de veille et d’analyse, qui ne produit certes pas d’études d’opinion, mais qui permet de centraliser des informations et de faire remonter depuis les préfectures les questions qui prennent de l’ampleur sur les territoires. Par ailleurs, la présidence de la République reçoit les résultats des sondages d’opinion commandés par le Gouvernement. Ponctuellement, les vagues de questions d’actualité commandées par le service d’information du Gouvernement (SIG) concernent parfois la présidence de la République et la perception qu’en ont les Français. Le cabinet du président de la République a en effet reconnu que des échanges informels sur les dynamiques d’opinion pouvaient avoir lieu au cours de réunions de coordination avec Matignon. La disparition de conseillers communs à Matignon et à l’Élysée sous le présent gouvernement limitera peut-être ces interactions, mais le Premier ministre Michel Barnier semble avoir accepté de poursuivre la transmission des résultats des études d’opinion à la présidence de la République.

S’agissant des cabinets de conseil, je me suis particulièrement intéressé aux prestations pro bono, donc gratuites, réalisées durant le premier quinquennat du président Emmanuel Macron par trois cabinets de conseil, McKinsey, Boston Consulting Group (BCG) et Roland-Berger. Je remercie d’ailleurs les deux derniers cabinets d’avoir accepté de me rencontrer pour éclaircir les conditions de leur participation à l’organisation de deux sommets organisés par l’Élysée et je vous fais part de mon incompréhension face à la décision du cabinet McKinsey de ne pas avoir répondu à ma sollicitation, ce qui me semble porter atteinte au principe de transparence que commande la collaboration avec les pouvoirs publics.

Ces prestations pro bono, qui ont consisté à apporter un appui dans l’organisation des grands sommets à l’Élysée ou au château de Versailles, posent question au regard des principes d’égal accès à la commande publique et de libre concurrence. En outre, cette pratique n’est pas suffisamment encadrée pour éviter tout risque de conflit d’intérêts.

J’ai notamment pu faire les constats suivants. L’initiative et la prise de contact avec le cabinet de conseil proviennent dans certains cas de la présidence de la République elle-même, dont le choix repose sur des critères indéterminés, alors que dans d’autres cas il s’agit d’une proposition spontanée du cabinet de conseil. Toutes ces prestations n’ont pas fait l’objet d’une convention prévoyant un encadrement minimal. Elles n’ont certes pas été rémunérées, mais elles apportent toutefois au cabinet des bénéfices, au moins en termes d’image, qu’il est difficile de chiffrer, et ce malgré l’interdiction de recevoir des contreparties. Elles échappent, du fait de leur gratuité, à un encadrement juridique minimal et suscitent une suspicion légitime quant aux bénéfices réels qui sont retirés par les cabinets de conseil. Ma conclusion est dès lors identique à celles de nos collègues qui travaillaient sur une proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets privés dans les politiques publiques : il faut interdire le recours par les pouvoirs publics à des prestations gratuites des cabinets de conseil.

M. le président Florent Boudié. Je ne suis pas certain que l’itinéraire particulier de la loi « immigration » ait à ce point pesé sur l’activité du Conseil constitutionnel et sur ses moyens.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Bryan Masson (RN). Le contexte budgétaire dans lequel nous examinons ce projet de loi de finances (PLF) est tendu. Le Rassemblement national a proposé un contre-budget de 15 milliards d’économies supplémentaires et cette mission, comme les autres, est l’occasion de faire des économies et de participer à l’effort collectif.

Depuis sept ans, grâce au duo de choc Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, la France connaît une de ses plus grandes crises économiques avec une dette et des impôts qui explosent alors que ceux qui font des efforts et ceux qui n’en font pas sont toujours les mêmes. S’il n’y avait pas eu de polémiques médiatiques, personne n’aurait songé à demander la diminution des budgets de la présidence de la République et des assemblées.

Nous défendrons un amendement visant à réduire de 15 millions d’euros les crédits de la présidence de la République pour revenir aux niveaux de 2022. N’oublions pas que ces crédits sont passés de 102 millions en 2017 à 125 millions et qu’ils ont enregistré 8 millions de déficit en 2023. C’est inacceptable et nous proposerons des amendements pour faire des économies.

M. Ludovic Mendes (EPR). Le budget total de la mission Pouvoirs publics s’élève à 1,15 milliard, en augmentation de 1,64 %. Elle regroupe six programmes budgétaires : le programme 501, Présidence de la République ; le programme 511, Assemblée nationale ; le programme 521, Sénat ; le programme 531, Conseil constitutionnel ; le programme 533, Cour de justice de la République et le programme 541, La Chaîne parlementaire.

Ces moyens traduisent les priorités suivantes : assurer le fonctionnement optimal des institutions républicaines ; renforcer la modernisation et la transparence – des investissements sont prévus pour moderniser les infrastructures et les systèmes d’information, en particulier pour les assemblées parlementaires et la présidence de la République ; soutenir la rationalisation et la maîtrise des coûts – l’ensemble des institutions continuent de s’efforcer de maîtriser les dépenses dans un contexte budgétaire contraint, notamment à travers des plans de rationalisation des dépenses de fonctionnement ; améliorer la gestion des dépenses de personnel – la dotation prend en compte les évolutions salariales et les coûts de retraite.

Pour rappel, le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale ont annoncé le gel du budget du Parlement. Ces modifications se feront par amendement lors des débats parlementaires.

Ne soyons pas tentés d’utiliser l’examen et les débats sur le budget de l’Élysée comme moyen détourné pour attaquer la présidence de la République. Ceux qui souhaitent absolument taper sur la présidence de la République ne cherchent qu’à mettre de l’huile sur le feu pour déstabiliser encore un peu plus notre démocratie et la Ve République, mais j’ose croire que nous serons à la hauteur.

Nous saluons les décisions prises par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale de contribuer à l’effort commun.

Ces différents budgets assurent le fonctionnement des institutions qui protègent et font vivre notre démocratie, notamment grâce aux débats qui garantissent la diversité politique de notre pays. Il me paraît donc essentiel de garantir à ces institutions des moyens dignes pour exercer leur mission.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Comme tous les orateurs, je n’ai que quatre minutes pour commenter un budget de plus de 1 milliard.

Je n’ai que quatre minutes pour vous rappeler qu’il y a deux ans, un homme, Moussa Sylla, agent d’entretien du sous-traitant Europ Net, est mort après avoir perdu le contrôle d’une autolaveuse au cinquième sous-sol de notre assemblée. Le procès de son employeur pour homicide involontaire s’est ouvert la semaine dernière. L’Assemblée, pourtant donneur d’ordre, s’est défaussée : aucun membre de la direction ne s’est rendu au procès et une enquête interne sur cet accident du travail a été refusée au prétexte que M. Sylla n’était pas embauché directement par notre institution. La CGT de l’Assemblée a découvert que le plan de prévention conclu avec Europ Net avait été changé en catastrophe après l’accident. Afin de couvrir quel manquement ? Telles sont les conséquences du recours de plus en plus fréquent à l’externalisation, mais aucune leçon n’a été tirée de la mort de cet homme après que sa tête ait violemment percuté un mur : la sous-traitance va se poursuivre. Le contrat avec Europ Net n’est même pas mentionné dans le budget qui nous est soumis.

Je n’ai que quatre minutes pour vous dire que, au début de l’année 2024, les sénateurs n’ont pas hésité à augmenter leurs frais de mandat de 700 euros par mois et que les députés ont jugé pertinent de faire de même à hauteur de 300 euros. N’est-il pas indécent d’augmenter cette enveloppe alors que des fonctionnaires et des travailleurs sous-traitants, qui font vivre notre institution, sont essorés et, pour beaucoup, précarisés ?

Je n’ai que quatre minutes pour vous rappeler que le coût de notre démocratie française est en réalité fort modeste. La dotation de 618 millions de l’Assemblée nationale semble faible par rapport au budget de 1 milliard du Bundestag. Notre chambre souffre d’un manque de moyens chronique. Les moyens de notre ambition démocratique passent par le recrutement de davantage d’administrateurs, par la titularisation des travailleurs précaires et par une enveloppe suffisante pour rémunérer correctement nos collaborateurs.

Le pouvoir exécutif coûte bien plus cher. Est-il acceptable qu’une seule personne, le chef de l’État, dépense l’équivalent d’un cinquième du budget de notre assemblée ? Est-il raisonnable que ses coûts de déplacement aient doublé depuis 2021 et que son budget ait progressé de plus de 10 % en 2024 et de plus de 3 millions d’euros pour 2025 ? Était-il indispensable de donner 171 réceptions somptuaires en 2023 alors que, sous la Ve République, il n’y en avait jamais eu plus de 150 par an ? Était-il sérieux de gaspiller l’argent public en homards bleus, gratins de cèpes et autres volailles de Bresse marinées au champagne pour le dîner de gala offert à Charles III à Versailles, qui nous a coûté 474 000 euros, plus encore que celui de M. Modi, dont la facture s’élevait déjà à 412 000 euros ? On nous répondra qu’activité diplomatique oblige, la grande cuisine permet de faire briller les ors de la République. Mais regardons la réalité en face : depuis longtemps, la France enchaîne les échecs. Notre pays qui, en 2003, avait parlé au monde entier en refusant la guerre en Irak, brille désormais par son suivisme et son silence sur le génocide du peuple palestinien et sur le massacre du peuple libanais.

Pendant ce temps, les dîners d’État gavent les intimes d’Emmanuel Macron aux frais de la princesse. Son ami Bernard Arnault est invité à tous les dîners offerts aux chefs d’État. Une récente enquête du Nouvel Obs recense les multiples avantages que M. Arnault tire de sa relation avec le Président. Présent le 8 juin au dîner avec M. Biden, le milliardaire a vécu comme une humiliation de ne pas avoir été mis au courant de la dissolution du lendemain, dont il a tout de même été informé bien avant tout le monde. Il décrète ensuite qu’il faut à tout prix éviter un Premier ministre de gauche, ulcéré par les « dingueries fiscales » du Nouveau Front populaire. Il est allé jusqu’à suggérer des noms de Premier ministre à Emmanuel Macron ! L’argent public sert-il à construire le réseau d’influence des oligarques ?

Je n’ai que quatre minutes pour vous rappeler que Brigitte Macron coûte 300 000 euros par an aux contribuables, alors qu’elle n’exerce aucune fonction. C’est cher payé pour récolter des pièces jaunes en robe Louis Vuitton.

Les dépenses de la présidence de la République sont guidées par le fait du prince. Aucun effort de nettoyage de ses comptes n’est prévu dans le budget 2025. En guise de premier pas vers cet effort, nous voterons contre ce budget.

M. le président Florent Boudié. Manifestement, en quatre minutes, on peut dire beaucoup de choses et avec beaucoup de mesure... Vous avez comparé l’Assemblée au Bundestag. Vous auriez tout aussi bien pu comparer le chef de l’État de la République française avec ceux d’autres États.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Ce budget est sensible, car il concerne des institutions qui sont vues par nos concitoyens comme un thermomètre de la sobriété des dépenses publiques.

Les crédits de paiement de la mission sont en hausse de 1,64 %. Cette hausse est de 1,7 % pour l’Assemblée nationale et le Sénat et de 2,53 % pour la présidence de la République.

En 2025, les crédits de celle-ci atteindront la somme de 125,7 millions contre 122,6 millions en 2024. Cette augmentation est due aux dépenses de fonctionnement de l’activité présidentielle liée à l’activité diplomatique, qui augmentent 6,7 % et qui sont distinctes de l’ensemble des dépenses de fonctionnement de la présidence. Le document budgétaire reste imprécis sur les frais alloués à l’activité du conjoint en tant que personnalité publique. Les prévisions pour 2026 et 2027 reproduisent le même schéma d’une hausse toujours plus forte des crédits alloués à la présidence que celle prévue pour les deux assemblées.

Le budget pour 2025 de notre assemblée progresse de 3,4 %, en raison notamment du coût de la dissolution et de la réalisation de travaux. Nous saluons la décision conjointe des présidents du Parlement de renoncer à l’augmentation de leur budget.

Les crédits alloués au Conseil constitutionnel diminuent de 6 % alors que la charge contentieuse à la suite des élections législatives de juin et juillet 2024 augmentera en 2025, ce qui aurait mérité des précisions. Nous avions déjà observé dans le passé que les documents budgétaires étaient insuffisamment explicites sur certaines évolutions. Une plus grande transparence est nécessaire à notre travail de contrôle.

Nous proposerons des amendements visant à une diminution des crédits de la présidence, même si nous n’avons pas beaucoup de marge. Les crédits de la présidence devraient retrouver leur niveau de l’époque de la présidence de François Hollande. Nous souhaitons rééquilibrer les budgets de la présidence et des assemblées.

Mme Émilie Bonnivard (DR). La situation économique désastreuse et le poids de la dette nous obligent tous à faire des économies. Sans sombrer dans le populisme à la mode dans cette enceinte, qui nourrit la défiance de nos concitoyens et affaiblit notre démocratie, il est indispensable de réformer nos institutions et de réduire leur train de vie. Nous devons faire cet effort pour que nos concitoyens comprennent ce que nous leur demandons.

Dans le cadre d’un budget élaboré par Bercy dans l’urgence, l’augmentation des crédits de la présidence de la République et des deux assemblées pour tenir compte de l’inflation était quasi mécanique. Notre mission de parlementaires – le Premier ministre l’a souligné – est d’amender un tel budget et c’est ce que notre groupe compte faire.

La présidence de la République et les deux assemblées ont certes renoncé à la hausse de leur dotation, mais cela ne va pas assez loin. Nous proposons une année blanche, c’est-à-dire le strict maintien des dotations au niveau de 2024 afin de réduire le déficit tout en maintenant des institutions au service de notre démocratie et de nos concitoyens.

La dotation parlementaire doit ainsi permettre à nos assemblées de remplir leur rôle constitutionnel sans faillir. Après des années de gel, les assemblées ont obtenu une revalorisation l’an dernier et nous estimons que le Parlement peut jouer un rôle fort en cette période de cohabitation sans indexation de sa dotation sur l’inflation.

L’effort budgétaire initialement proposé pour la présidence de la République ne suffit pas. Depuis 2017, le budget de l’Élysée a augmenté de 20 %, notamment pour financer les activités diplomatiques, et il était en déficit de plus de 8 millions l’année dernière. Il est indispensable de faire preuve de davantage de rigueur financière. Les déplacements internationaux du président sont essentiels, mais il faut s’interroger sur la taille des délégations accompagnant le Président, qui est de plus en plus importante. Je ne suis ainsi pas certaine que tous les membres de la délégation française lors du récent déplacement au Maroc auraient dû être pris en charge par l’État.

Le groupe Droite républicaine tient à souligner l’importance d’une gestion exemplaire des fonds publics pour préserver la confiance de nos concitoyens dans nos institutions. Nous devons aller plus loin que l’année blanche et réfléchir à un plan de réduction des dépenses du Parlement et de l’Élysée sur trois ans en identifiant précisément ce qui est essentiel au fonctionnement de notre démocratie. Cette logique doit également être appliquée aux administrations centrales.

Mme Sandra Regol (EcoS). Nous donnons notre avis alors que les décisions ont déjà été prises, ou sont sur le point de l’être, par la commission des finances. C’est un peu ironique, mais c’est la logique parlementaire du moment et nous continuons à perdre pied et à nous enfoncer.

Nous constatons tous les jours que l’exemplarité de notre démocratie n’est pas satisfaisante. Pour y remédier, il est important d’une part d’encadrer les frais de fonctionnement de la présidence de la République et d’autre part d’allouer les moyens nécessaires au contrôle de l’exécutif.

Emmanuel Duplessy, que je remercie pour son travail, tire la sonnette d’alarme sur les dépenses de fonctionnement de la présidence de la République, qui augmentent significativement. Cette augmentation est symbolique, mais c’est un symbole qui compte aux yeux des Françaises et des Français, car ils voient dans le même temps les crédits des services publics – école, hôpital, et j’en passe – continuer à diminuer. Ne mésestimons jamais les effets de la frustration sur une population, l’élection américaine est là pour nous le rappeler.

Pour ma part je veux insister sur le manque d’outils d’accès à l’information et de contrôle concernant les dépenses de la présidence de la République : je pense notamment à l’absence d’indicateurs de performance sur le suivi des déplacements présidentiels et au défaut d’évaluation des projets d’investissement liés à la transition énergétique et à la réduction de l’empreinte écologique des bâtiments officiels. En ces matières, la transparence budgétaire n’est pas au rendez-vous et nous sommes très loin des standards européens. Signe de l’absurdité de notre calendrier, mon groupe est en train de proposer, en ce moment même en commission des finances, des amendements destinés à assurer une gestion budgétaire plus rigoureuse et transparente.

J’insisterai aussi sur la faiblesse des moyens dont dispose le Parlement français pour assurer ses missions constitutionnelles, notamment celle qui consiste à contrôler l’action du Gouvernement et à évaluer les politiques publiques. Si le Parlement n’a plus les moyens de travailler efficacement, de contrôler le Gouvernement et l’administration, de réclamer des comptes et d’enquêter sur les actions de l’exécutif, la tâche des gouvernants s’en trouve naturellement facilitée et la démocratie abîmée. La démocratie a un coût. Dans le contexte actuel, il n’était certes pas opportun d’indexer les dotations parlementaires sur l’inflation, comme initialement prévu. Néanmoins, cette non-indexation doit rester exceptionnelle, ainsi que l’a expliqué notre rapporteur pour avis. Les juridictions administratives jouent aussi un rôle indispensable dans le contrôle de l’exécutif. À cet égard, les réformes successives en matière d’asile et d’immigration – qui ont notamment conduit à la généralisation du juge unique et au recours à la visioconférence – fragilisent la qualité de la justice rendue, donc notre État de droit, notion que certains ministres semblent trouver facultative.

Pour conclure, je dirai un mot sur la Cour des comptes. À l’heure où les services publics sont de plus en plus menacés, une exigence constitutionnelle devrait être pleinement traduite dans les faits, celle que nous dicte l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Dans un ouvrage récent, les magistrates financières Camille Andrieu et Adeline Baldacchino estiment que la Cour des comptes n’est pas encore la maison du citoyen qu’elle devrait être, affirmation qui n’est pas sans fondement. Sa fonction d’évaluation des politiques publiques et d’information des citoyens gagnerait à être renforcée au bénéfice d’un nouveau modèle de contrôle de l’action publique par la société elle-même C’est le sens de la démocratie et de nos institutions. Nous déciderons de notre vote à l’issue des débats.

M. le président Florent Boudié. Vous avez anticipé sur la mission Conseil et contrôle de l’État, chère collègue.

Mme Blandine Brocard (Dem). Indexer le coût budgétaire de nos institutions sur l’inflation ne serait pas tout à fait un non-sens car elles ont subi, comme les Français et les entreprises, une augmentation de leurs factures, loyers et frais afférents. Il est cependant logique que nous donnions l’exemple, de même que le Sénat et la présidence de la République, à un moment où nous demandons à d’autres, aux collectivités territoriales en particulier, de faire des efforts et de réduire leurs dépenses de fonctionnement.

La non-indexation n’est d’ailleurs pas une première pour notre assemblée dont le budget a été gelé de 2008 à 2012 et a même subi un coup de rabot de 14 millions d’euros en 2012. Comparée à 2008, la progression de sa dotation n’est que de 7,13 % alors que le taux d’inflation a dépassé 32 % au cours de cette période. À la lecture des amendements, il est amusant de constater que seuls nos collègues de gauche proposent d’augmenter fortement le budget de l’Assemblée nationale. Lorsque j’interviens dans les écoles et les collèges, je rappelle que le budget de nos cinq principales institutions démocratiques – la présidence de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République – est de 1,16 milliard d’euros, ce qui représente de 1 à 1,40 euro par mois et par Français, soit le coût d’un café. Tel est le coût de notre démocratie qui n’a pas de prix.

Face aux défis financiers auxquels nous sommes confrontés, le groupe Démocrates votera pour les amendements proposant de geler les budgets de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la présidence de la République. En revanche, nous demeurons vigilants à l’égard d’amendements qui viendraient modifier de manière significative la structure de ce budget, auquel cas notre groupe se verrait contraint de s’opposer à cette mission dans sa rédaction actuelle.

M. Jean Moulliere (HOR). Cette mission contient les dotations budgétaires d’institutions indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie : présidence de la République et assemblées parlementaires, sans oublier le Conseil constitutionnel, garant de notre État de droit. Dans le contexte économique et budgétaire tendu que nous traversons, il est pourtant impératif que toutes nos institutions sans exception participent à l’effort collectif. Nos concitoyens ne sauraient comprendre – et nous ne saurions d’ailleurs justifier – que les pouvoirs publics ne soient pas concernés par l’effort important que nous nous apprêtons à consentir pour 2025.

À l’instar de la majorité des maires de nos communes, qui montrent l’exemple dans la bonne gestion des deniers publics, il nous faut aussi donner l’exemple d’une gestion responsable. Comment demander à chacun de faire un effort sans nous engager dans la même démarche ? Alors que le Premier ministre a annoncé un plan d’économies de 60 milliards d’euros pour redresser les finances publiques, la mission Pouvoirs publics voit son budget augmenter de plus de 1,64 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cette hausse s’explique par l’évolution des crédits alloués à plusieurs institutions publiques, notamment la présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat. Face aux interrogations des Français sur ces hausses de crédits, ces institutions ont pris la décision de renoncer à leur augmentation pour 2025. Le groupe Horizons & indépendants salue cette démarche responsable et indispensable, qui envoie un signal de solidarité à nos concitoyens, ce qui est plus que nécessaire au regard des efforts auxquels nous devrons tous individuellement consentir. Notre groupe appelle aussi à diminuer les dépenses, un effort difficile mais nécessaire au vu de la conjoncture. Il y va de notre souveraineté nationale.

Les comptes de l’Assemblée nationale portent la trace de la dissolution de juin dernier, dont le coût a été estimé à 28,54 millions d’euros dans le budget rectificatif validé en septembre par le bureau. Depuis plusieurs années, le budget prévoit d’ailleurs des dépenses supplémentaires supérieures à la dotation attribuée par l’État, les déficits étant comblés par des prélèvements sur les réserves de l’Assemblée nationale. Cette situation problématique, malgré les efforts de maîtrise des dépenses déjà engagés, doit conduire à une réflexion globale : le fonctionnement financier et budgétaire de l’Assemblée nationale doit perdurer sans mettre ses réserves en péril, dans la continuité d’une démarche d’économies.

Sous réserve de la mise en conformité de cette mission avec les annonces de gel des dépenses, le groupe Horizons & indépendants votera pour les crédits de cette mission.

M. Paul Molac (LIOT). Au moment où l’État demande des efforts à tous nos concitoyens, il paraît plus que nécessaire que nous montrions l’exemple. Quand je dis « nous », je pense aux parlementaires, aux institutions recensées par notre rapporteur pour avis, et bien sûr à l’Élysée. Notre groupe appelle donc à geler les crédits pour 2025 : il n’est pas possible d’augmenter les dotations des institutions de la République quand le Gouvernement propose des coupes budgétaires pour les services publics essentiels, les collectivités locales et les particuliers. Notre rapporteur général, Charles de Courson, a déposé en commission des finances un amendement qui annule toutes les hausses prévues. Nous appelons tous les groupes à soutenir cette démarche.

Au-delà de ce message, je tiens à insister sur deux points : le coût de la dissolution, décidée unilatéralement, de l’Assemblée nationale ; le budget de l’Élysée. Pour notre assemblée, le coût net de la dissolution serait de l’ordre de 28,5 millions d’euros, mais le coût brut total atteindrait 43 millions d’euros, essentiellement constitué de l’indemnisation des collaborateurs parlementaires dont les contrats n’ont pas été renouvelés. En plus de susciter une crise politique juste avant les Jeux olympiques, la décision du Président aura aggravé les finances des pouvoirs publics.

À l’Élysée, dont le budget n’est toujours pas maîtrisé, on donnerait plutôt dans le style cigale : la présidence de la République demandait initialement une hausse de 3 millions d’euros de son budget avant d’y renoncer. Dont acte. Ce geste reste néanmoins limité, le budget du palais étant passé de 100 à 126 millions d’euros depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron en 2017. Mes amendements visant à réduire le budget de l’Élysée ont été déclarés irrecevables, mais des amendements identiques de Charles de Courson auraient connu un meilleur sort. Cette réduction devrait donc pouvoir se faire.

La dotation de l’Élysée progresse plus vite que l’inflation, alors que le chef de l’État s’est parfois opposé à l’indexation des dotations aux collectivités et que celle des retraites pourrait être remise en cause. Nous devons donner l’exemple. Nous ne nions pas la légitimité du coût des missions du Président de la République, mais, à l’instar de la Cour des comptes, nous pensons que certaines dépenses de déplacements, d’événements ou de dîners sont mal maîtrisées. Le seul dîner de réception du roi Charles III à Versailles a coûté 475 millions d’euros, pardon 475 000 euros, alors que nos amis allemands ont dépensé 43 000 euros pour un dîner au château de Bellevue avec le nouveau roi et son épouse. Notre dîner a coûté plus de dix fois plus que le leur. Selon la Cour des comptes, le lieu de réception y est pour beaucoup : un dîner classique au palais de l’Élysée revient à environ 60 millions d’euros, pardon 60 000 euros. Je n’ai jamais été comptable ! Quoi qu’il en soit, je dois dire que certains députés ont rendu une partie de leur dotation en fin mandat, pour des montants non négligeables qui peuvent atteindre 20 000 euros, voire plus. Nous sommes nombreux à l’avoir fait et nous aimerions que les autres institutions aient une gestion aussi bonne que la nôtre. Nous avons tous un devoir d’exemplarité, l’Élysée comme les autres.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Le budget de la présidence de la République a augmenté de 2,5 %, celui de l’Assemblée nationale 3,4 % – un taux qui s’explique en partie par le coût de la dissolution –, et celui du Sénat de 1,7 %. Quant au budget du Conseil constitutionnel, il a diminué de 6 %. Nous pensons qu’il faut revenir sur ces hausses pour toutes les raisons déjà évoquées et notamment, en ce qui concerne l’Élysée, pour le recours régulier et non contrôlé à ce fameux cabinet de conseil McKinsey, dont a parlé le rapporteur pour avis. À défaut d’une annulation de ces hausses, le groupe UDR voterait contre l’adoption des crédits de cette mission.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Olivier Marleix (DR). Il n’y avait pas d’orateur pour le groupe GDR, et, même si je ne prétends pas parler en leur nom, je sais les membres de ce groupe très attachés à la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, afin de prévenir les conflits d’intérêts. Merci, monsieur le rapporteur pour avis, d’avoir parlé de ces cabinets de conseil, vrais nids à conflits d’intérêts. Il est assez surprenant de voir que la présidence de la République demande à tel ou tel cabinet de conseil de venir organiser un sommet. Cette situation surréaliste rappelle le privilège royal de l’Ancien Régime, et elle est inéquitable pour les cabinets qui n’ont pas le bonheur d’être dans les petits papiers d’untel ou d’untel. Monsieur le président de la commission, il est urgent d’inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat. Si les choses n’ont pas avancé à l’Assemblée, c’est parce que votre prédécesseur manquait d’enthousiasme pour le sujet. J’espère que ce ne sera pas votre cas.

En revanche, monsieur le rapporteur pour avis, j’ai été un peu plus embêté de vous entendre donner quitus au Conseil constitutionnel lorsqu’il bafoue les droits des parlementaires, notamment tels que prévus à l’article 45 de notre Constitution. Sur le droit d’amendement, le Conseil constitutionnel a fait une censure contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution. Je vous invite à vous référer à l’excellent amendement de Jean-Luc Warsmann, adopté lors de la révision de la Constitution de 2008. Il n’y a pas d’équivoque : « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » Il n’est pas question de « lien, même indirect, avec les articles du texte », contrairement à ce que réécrit le Conseil constitutionnel de sa propre initiative. Soyez plus insoumis, monsieur le rapporteur pour avis.

M. le président Florent Boudié. Vous vous référez au groupe GDR, puis aux Insoumis. On sent un basculement. Quant à la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, elle a été examinée par la commission des lois et dans l’hémicycle en première lecture. La question est désormais celle de son retour en deuxième lecture.

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. La qualité des informations financières données pose en effet la question de la transparence. Leur présentation nous oblige à travailler sur de grosses masses et à privilégier une analyse quantitative, alors que nous devrions pouvoir les raccorder à une activité selon une approche plus qualitative. Les règles de présentation et de transmission des documents budgétaires sont à revoir dans le but de nous permettre de faire des analyses plus poussées et pertinentes.

En ce qui concerne les dépenses de l’Assemblée nationale, je me réjouis de voir que la majorité des groupes se prononce pour un gel, malgré le contexte rappelé : son budget a été gelé pendant de longues années alors que ses charges augmentaient et que ses moyens ne sont pas forcément à la hauteur de son rôle constitutionnel. Il serait intéressant de réfléchir au rôle de l’Assemblée, à ses besoins et aux moyens mis à sa disposition. Nous n’allons pas le faire par voie d’amendement dans le cadre de cet exercice budgétaire, qui plus est dans le contexte politique actuel.

La dynamique du budget de la présidence de la République est différente : sa hausse interroge et, comme la Cour des comptes, je pense qu’il existe des marges de manœuvre plus importantes qu’ailleurs pour réduire les dépenses ; d’où mon amendement qui propose d’aller plus loin que le simple gel, en rabotant plus de 1,5 million d’euros, somme raisonnable qui ne nous fait pas tomber dans une forme de populisme pointée par certains intervenants. J’ai appliqué une règle simple : le taux de 3,5 % correspond à la baisse de 60 milliards d’euros rapportée aux budgets de l’État et de la sécurité sociale. Puisqu’on arrive déjà à une baisse de 2,5 % avec le gel, le coup de rabot supplémentaire ne représente donc qu’une baisse de 1 % du budget de l’Élysée. J’espère que vous allez vous rallier à cette position raisonnable.

M. Philippe Gosselin (DR). Comme beaucoup, je me réjouis du gel du budget de l’Assemblée nationale à une période où l’on demande à nos concitoyens de faire des sacrifices et à l’État de réaliser des économies et d’améliorer sa gestion.

Nous devons cependant saisir cette occasion pour dire que le Parlement ne joue pas pleinement son rôle. En application de l’article 24 de la Constitution, nous devons voter la loi, mais aussi contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques – ce que nous faisons de façon encore très insuffisante. Une forme de légicentrisme à la française nous fait croire que la loi peut tout résoudre : chacun se défie de la loi et se plaint d’un excès de normes mais, au moindre problème, se tourne vers le Parlement pour qu’il légifère. Alors, continuons à évaluer et élaguons ! Il est très important d’évaluer les politiques publiques à une époque où il est nécessaire de faire un meilleur usage de l’argent dont nous disposons. Sans doute faudrait-il porter nos efforts sur ce point dans les années à venir. Ce ne serait pas de l’argent dépensé, mais de l’argent bien placé. Il serait en tout cas mieux placé que les dizaines de millions dépensés dans cette malheureuse dissolution et le départ de nombreux collègues et de collaborateurs depuis le mois de juillet.

M. le président Florent Boudié. Cette dissolution a coûté cher au sens propre comme au sens figuré…

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendements II-CL341 de Mme Marietta Karamanli, II-CL344 de M. Bryan Masson, II-CL444 de M. Emmanuel Duplessy et II-CL204 de M. Paul Molac

Mme Marietta Karamanli (SOC). Notre amendement vise à réduire le budget alloué à la présidence de la République afin d’abonder celui de l’Assemblée nationale, selon un jeu devenu hélas classique lors des débats sur les missions. Il faut néanmoins rappeler que le budget de l’Élysée est resté longtemps stable à quelque 100 millions d’euros, avant d’exploser au cours des dernières années. Il faut revenir à la raison. Cette augmentation est justifiée par l’inflation, mais l’Élysée doit pouvoir fournir des efforts qui sont demandés à toute la population. Enfin, il est nécessaire de conforter les capacités d’évaluation et de prospectives du Parlement. Un rééquilibrage des pouvoirs, lié à l’impossibilité de trouver une majorité après la dissolution, rend indispensable le renforcement des capacités d’analyse en amont de la prise de décisions publiques.

M. Bryan Masson (RN). Notre amendement vise à réduire de 15 millions d’euros les crédits alloués à la présidence de la République pour ramener ce budget à son niveau de 2022, sachant que notre groupe demande une baisse de 47 millions d’euros du budget de cette mission.

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Comme déjà indiqué, mon amendement vise à réduire la dotation de l’État à la présidence de la République au prorata des mesures de maîtrise budgétaire proposées par le Gouvernement dans le PLF pour 2025 : 4,7 millions d’euros, dont 3,5 millions correspondent à un simple gel du budget, le reste étant une diminution supplémentaire.

Madame Karamanli, je vous ai rappelé les ordres de grandeur du budget présidentiel : 16 millions de dépenses de fonctionnement peu compressibles ; 24 millions pour les activités présidentielles – 21 millions pour les déplacements et 3,5 millions pour les réceptions. La baisse que vous demandez est quasiment supérieure au budget des activités présidentielles. En outre, le transfert de l’argent à l’Assemblée nationale est contradictoire avec la volonté unanimement exprimée de geler les dépenses de celle-ci. Même si votre questionnement sur les dépenses présidentielles est légitime, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

La baisse demandée par M. Masson est moins élevée mais reste très importante. Si vous estimez que le Président de la République est si peu légitime qu’il ne doit quasiment plus avoir d’activités présidentielles, voire qu’il ne doit plus pouvoir exercer ses compétences, vous auriez peut-être dû étudier plus en détail la résolution de destitution. L’idée est quand même de conserver les prérogatives présidentielles.

L’amendement de M. Molac est inopérant : le financement des retraites présidentielles – une vraie question, au demeurant – n’est pas géré au niveau du budget de l’Élysée, mais relève de la loi.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de retirer vos amendements au profit du mien.

M. le président Florent Boudié. Une destitution qui serait allée à son terme aurait eu un coût considérable.

M. Thibault Bazin (DR). La nouvelle donne entre l’Élysée et Matignon a mis fin aux conseillers partagés. Puisque les prérogatives du Président de la République sont plus limitées qu’il y a quelques mois, nous devrions constater une baisse des ressources correspondant à des tâches qui relèvent désormais exclusivement de Matignon. Or ce n’est pas le cas. Sachant que certains conseillers sont à l’origine du couac au Salon de l’agriculture avec les Soulèvements de la Terre, ou de la composition de la délégation controversée pour le voyage au Maroc, ou de la décision de dissoudre, on peut se dire qu’il y a des belles économies à faire dans l’intérêt de la France.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous allons retirer notre amendement et voter pour celui du rapporteur pour avis. Nous voulions montrer l’aberration d’un exercice qui consiste à vider un programme pour en alimenter un autre, alors que l’analyse devrait être plus fine et plus adaptée.

M. Bryan Masson (RN). Monsieur le rapporteur pour avis, je vous rassure : la baisse que nous proposons ne va pas handicaper la présidence de la République puisqu’elle consiste à revenir au budget de 2022. À l’époque, la présidence de la République fonctionnait très bien avec 15 millions d’euros en moins. Nous ne prônons ni le désordre ni la destitution.

M. Paul Molac (LIOT). Je vais retirer mon amendement d’appel et me rallier à celui du rapporteur pour avis. Cela étant, je tiens à rappeler que, depuis 2017, l’Assemblée nationale a un régime de retraite très proche de celui du droit commun, contrairement au Sénat. Il me semble qu’il faudrait aussi aligner la retraite du Président de la République sur le droit commun pour ne pas donner l’impression que certains Français sont plus égaux que d’autres.

Les amendements II-CL341 et II-CL204 sont retirés.

Successivement, la commission rejette l’amendement II-CL344 et adopte l’amendement II-CL444.

Amendements II-CL443 de M. Emmanuel Duplessy, II-CL415 de Mme Gabrielle Cathala, II-CL416 de M. Ugo Bernalicis, II-CL419 et II-CL420 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Mon amendement vise simplement à acter le gel de la dotation de l’Assemblée nationale. Malgré les réserves de fond déjà évoquées, c’est important dans le contexte politique et financier que nous connaissons.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je propose d’augmenter, de façon pérenne, la dotation de l’Assemblée nationale par une ponction sur les crédits de la présidence de la République, qui représentent un cinquième du budget de l’Assemblée nationale pour une seule personne. Le pouvoir législatif doit être doté de davantage de moyens.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). L’amendement II-CL416 tend à ponctionner, dans le même esprit, 3 millions d’euros sur le budget de la présidence de la République pour augmenter l’enveloppe consacrée aux collaborateurs des députés. La séparation des pouvoirs repose sur la recherche juridique mais aussi matérielle, pour être effective, d’un équilibre. Pour ce faire, il nous faut plus de moyens. Je saisis cette occasion pour saluer et remercier tous les collaborateurs qui nous accompagnent. Ils méritent une augmentation de salaire.

M. le président Florent Boudié. Vous avez raison au sujet de nos collaborateurs.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Mon second amendement concerne des dépenses que nous considérons comme trop luxueuses et inutiles de la présidence de la République : les dîners pour Charles III, Narendra Modi et le président de la Mongolie ont coûté plus de 1 million d’euros aux contribuables. Ce ne sont pas seulement La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon qui le pointent : la Cour des comptes a considéré dans son rapport annuel que ces dépenses étaient indécentes. Nous proposons de rebasculer ces crédits vers l’Assemblée nationale pour augmenter les salaires de nos collaborateurs et des différents agents de l’institution.

L’Assemblée est sous-dotée en administrateurs : ils sont moins nombreux qu’au Sénat et nous avons bien moins de personnel pour l’exercice de notre démocratie que nos voisins allemands ou le Parlement européen. Nous avons constaté que la commission des affaires étrangères avait cessé de publier des comptes rendus pendant quelques semaines faute de personnel disponible. Compte tenu de la charge de travail des administrateurs de notre assemblée, qui jouent un rôle essentiel, l’amendement II-CL420 a pour objet d’augmenter leur nombre.

M. le président Florent Boudié. Je signale au passage que l’Assemblée nationale compte plus d’administrateurs que le Sénat.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Les sénateurs sont moins nombreux : nous avons proportionnellement moins d’administrateurs.

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Je partage certaines préoccupations qui viennent d’être évoquées, mais notre objectif, relativement consensuel même s’il est injuste sur le fond, est de geler le budget de l’Assemblée nationale. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable aux amendements visant à l’augmenter.

M. Ludovic Mendes (EPR). L’amendement de M. Duplessy va dans le sens que défend mon groupe. L’amendement, symbolique, qui a été déposé par M. Bernalicis ouvre un véritable débat sur les moyens dont nous disposons pour rémunérer nos collaborateurs, sans qui nous ne pourrions pas travailler comme il se doit. Une revalorisation est nécessaire : il faudra en débattre prochainement avec la Questure.

Nous soutenons tous la famille de Moussa Sylla, mais il ne faut pas tout mélanger. La sous-traitance n’est pas simplement de la maltraitance : il y a des règles à l’Assemblée nationale et les entreprises concernées ont l’obligation de les respecter. Le plus gros problème dans la propreté, secteur que je connais bien, est la manière dont les contrats sont passés. M. Ruffin avait ouvert le débat, et Mme Keke avait également essayé de le faire, mais nous ne sommes jamais allés jusqu’au bout parce que ses termes étaient mal posés. C’est à l’entreprise de respecter le cadre spécifique qui est fixé par le donneur d’ordre. S’agissant de l’affaire Moussa Sylla, le procès s’est tenu le 25 octobre et nous attendons maintenant le jugement. Le procureur de la République a réclamé la condamnation des dirigeants de l’entreprise. Par ailleurs, le président de la Fédération des entreprises de propreté, M. Jouanny, est prêt à discuter avec nous. Faisons-le intelligemment.

M. Philippe Gosselin (DR). Je voudrais essayer de faire un peu œuvre de pédagogie. Je suis satisfait que l’Assemblée nationale montre l’exemple en n’augmentant pas son budget, mais cela ne devrait nullement nous empêcher de travailler sur le fonctionnement de notre institution. Il est toujours de bon ton de dire que les parlementaires coûtent trop cher et que leurs collaborateurs sont trop payés, mais en réalité les comparaisons avec l’étranger montrent que nous sommes, un peu comme la justice, en voie de clochardisation. Le Parlement français coûte beaucoup moins cher au contribuable que bien d’autres parlements et je ne prends même pas l’Allemagne comme référence en la matière. Nous sommes plutôt en dernière ou avant-dernière position.

Il ne faut pas entretenir une sorte d’antiparlementarisme. Demandez à nos collaborateurs ce qu’il en est et vous verrez qu’ils ne sont pas si bien payés. Ceux qui travaillent à Paris doivent se loger en région parisienne – ce n’est pas tout à fait pareil que d’être collaborateur en province. Par ailleurs, un député ou un sénateur gagne correctement sa vie, mais il travaille 70 ou 80 heures par semaine, sans vraiment avoir de jour de repos. Il faut en être conscient même si personne ne s’en plaint – si on n’aime pas les gens, le contact ou notre mission, il faut faire autre chose.

Nous devons exercer des missions, comme l’évaluation des politiques publiques, qui nécessitent des moyens si nous voulons travailler dans des conditions même pas normales, mais moins anormales, car on travaille mal à l’Assemblée nationale. Je ne dis pas que nous faisons du mauvais travail, mais que nous travaillons dans des conditions qui sont quand même assez moyennes. Nous avons là l’occasion de le rappeler de façon unanime, quelles que soient nos positions par ailleurs.

Successivement, la commission adopte l’amendement II-CL443, rejette l’amendement II-CL415, adopte l’amendement II-CL416 et rejette les amendements II-CL419 et II-CL420.

Amendements II-CL421 de Mme Gabrielle Cathala et II-CL278 de M. François Ruffin (discussion commune)

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Contrairement à notre collègue macroniste, je pense que le débat sur la sous-traitance et les dérives de l’externalisation a très bien été posé par notre ex-collègue Rachel Keke – je regrette qu’elle n’ait pas été réélue.

Notre amendement vise à internaliser les services d’entretien des locaux de l’Assemblée nationale. Quand on fait une recherche dans le budget des pouvoirs publics, on n’obtient pratiquement aucune information sur la façon dont l’actuelle externalisation est gérée. Nous avions ouvert un débat avant 2022, dans le cadre du PLF, qui a eu pour concrétisation, à la suite de négociations avec la questure, un treizième mois pour les femmes de ménage et l’ensemble des agents d’entretien de l’Assemblée nationale. Le combat doit maintenant se poursuivre pour obtenir une internalisation totale des services d’entretien des locaux de notre assemblée.

Mme Sandra Regol (EcoS). L’amendement II-CL278 vise à rémunérer dignement les personnes qui font le ménage chaque jour dans nos institutions. Elles nous permettent de travailler dans de bonnes conditions, mais on ne peut pas en dire autant quand on regarde nos comportements à leur égard. Il va de soi qu’elles doivent au moins avoir une rémunération permettant de respecter le dur travail qui est le leur.

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. Sur le fond je partage les objectifs de ces amendements, même si j’appelle votre attention sur un risque d’irrecevabilité. L’amendement de Mme Cathala, qui concerne l’Assemblée nationale, semble prévoir les montants nécessaires. J’invite à voter en sa faveur : l’internalisation des missions d’entretien à l’Assemblée nationale est un enjeu réel en matière de conditions de travail comme de gestion budgétaire. Même position concernant l’amendement de M. Ruffin.

M. Ludovic Mendes (EPR). Un débat a été ouvert à propos des agents de service qui interviennent à l’Assemblée nationale – par respect à leur égard, il ne serait pas mauvais d’arrêter de les appeler des « femmes de ménage ». C’est un métier que je connais bien, encore une fois, et je ne peux donc pas vous laisser dire tout et n’importe quoi. La propreté est une des branches qui ont le mieux travaillé avec les syndicats de salariés pour faire avancer les droits sociaux.

Oui, cette branche emploie parfois des personnes très peu qualifiées, qui sont accompagnées. Et oui, c’est un métier difficile. Contrairement à nous, ces personnes ne peuvent pas travailler en journée. Elles le font très tôt le matin ou très tard le soir. La réalité, c’est aussi qu’il s’agit souvent de femmes – à plus de 60 % – qui ne sont pas disponibles pour leurs enfants et qui n’ont pas un salaire vraiment adapté, parce qu’elles ne peuvent pas être à temps plein dans la même entreprise.

Un vrai travail de fond doit être mené, mais pas de la façon dont vous vous y prenez. Sans les entreprises en question, 250 000 personnes n’auraient pas d’emploi dans notre pays. Elles ont besoin d’être accompagnées correctement, car certains se font effectivement de l’argent sur leur dos : c’est une réalité qui a fait l’objet de plusieurs remontées. La Fédération des entreprises de propreté est prête, je l’ai dit, à travailler avec nous, mais pas de la façon que vous envisagez, car on ne réglera pas le problème ainsi. Si on n’aide pas ces personnes à travailler en journée, ce qui marche à l’Assemblée nationale, on n’améliorera jamais leurs conditions de travail. Faisons en sorte d’apporter des réponses, mais d’une autre manière, et arrêtez de parler de femmes de ménage – un peu de respect, s’il vous plaît.

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Je tiens à rassurer notre collègue Mendes : nous travaillons sur ces questions depuis des années, avant même d’avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée, et nous allons continuer.

Nous prenons le problème par le même bout que les personnes concernées. Ces femmes qui font du ménage ont des statuts précaires, comme vous l’avez dit, et ce sont, pour beaucoup d’entre elles, des cheffes de famille. Si leurs revendications ont été prises en compte, c’est parce qu’elles se sont battues, qu’elles se sont mobilisées, qu’elles ont lutté contre les entreprises sous-traitantes. Ce n’est pas grâce à la bonne volonté du secteur que la question est arrivée sur la table, mais parce que ces travailleuses se sont mises en grève et qu’elles se sont battues. C’est par ce bout-là que nous posons la question. Ce sont elles qui parlent de leur rémunération et de leur temps de travail.

Vous vous rappelez peut-être que nous avions déposé une proposition de loi, dont j’étais la cheffe de file : vous avez vidé ce texte de l’ensemble de nos propositions, pour faire en sorte que l’on n’avance pas à l’Assemblée nationale. Excusez-nous, mais nous continuerons à aborder le problème par le bout où les personnes concernées souhaitent des avancées et nous continuerons, ne vous en déplaise, à nous battre. À l’avenir, vous réfléchirez peut-être à deux fois avant de vider un texte qui permettrait une avancée sociale pour les femmes qui font le ménage à l’Assemblée nationale et ailleurs dans notre pays.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL422 de Mme Gabrielle Cathala

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Cet amendement revient sur la mort de Moussa Sylla, déjà évoquée, des suites d’un accident au cinquième sous-sol de notre assemblée. Le rapporteur me répondra que ce n’est pas au budget qu’il faut toucher et que notre amendement d’appel n’est pas fiable sur le plan financier, mais un débat mérite d’être ouvert puisque l’Assemblée est le donneur d’ordre dans cette histoire : elle ne peut pas se défausser sur son sous-traitant. Aucun responsable de notre assemblée ne s’est rendu au procès dans cette affaire, dont le jugement a été mis en délibéré au 24 janvier : on a tout simplement donné une image déplorable de l’institution.

Je vais vous lire un extrait d’un article de presse qui relate le procès : « Des membres de la famille de Moussa Sylla, des militant·es et une poignée d’inspecteurs du travail sont resté·es dans la salle jusqu’à la fin de l’audience. Et pendant six heures, une question n’a cessé de tarauder les membres de la famille de Moussa venus assister au procès : "Où sont les représentants de la direction de l’Assemblée nationale ?" Aucun d’entre eux n’a jugé utile de faire le déplacement. Si elle n’est pas l’employeur direct de leur défunt cousin et père, l’Assemblée nationale reste le donneur d’ordre. "Un homme est mort dans leurs locaux ! Ils ne nous considèrent pas comme des humains à part entière", tranche le cousin du défunt. "C’est pour l’Assemblée nationale que mon cousin travaillait et ils ne sont pas venus. Ils nous ont promis de nous aider, mais on n’a rien vu." Contactés par Mediapart, les services de l’Assemblée nationale n’ont pas répondu avant la parution de cet article. »

Voilà où nous en sommes. La mort d’un homme dans un sous-sol de l’Assemblée mériterait un peu plus de considération.

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. C’est effectivement un amendement d’appel, inopérant et en réalité irrecevable. Toutefois, compte tenu de sa portée symbolique et des arguments de notre collègue – l’Assemblée nationale doit effectivement se préoccuper des conditions de travail de ses sous-traitants et du respect des règles de sécurité –, je vous appelle à vous solidariser avec une démarche qui n’emportera aucune conséquence financière mais aura une valeur symbolique très forte et qui est attendue, notamment dans le monde du travail. Les accidents et la mort au travail sont des préoccupations quotidiennes, pas seulement à l’Assemblée nationale.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Pouvoirs publics, modifiés.

 

 

 

 

 


   Personnes entendues

 

   M. Michael Nathan, directeur

   M. Gaspard Tafoiry, secrétaire général

   M. Olivier Scalabre, directeur général

   Mme Adeline Lauriau, conseillère juridique exécutive et déléguée à la protection des données

   M. Alain Chagnaud, senior partner

 

DÉPLACEMENT

   M. Patrice Faure, directeur de cabinet du Président de la République

   M. Yannick Desbois, directeur-adjoint de cabinet, directeur général des services

   Mme Florence Leverino, directrice des ressources et de la modernisation

 


([1]) Source : Rapport spécial n° 1745 de Mme Marianne Maximi sur la mission « pouvoirs publics » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.

([2]) Cour des comptes, S2024-1053, Les comptes et la gestion des services de la présidence de la République, Exercice 2023.

([3]) Cour des comptes, idem.

([4]) Rapport op. cit., p. 55.

([5]) Idem, p. 55.

([6]) Idem, p. 55.

([7]) Au regard du budget exécuté en 2023, la dotation a couvert cette année-là 96,64 % des dépenses du Sénat.

([8]) 246 plaintes ont été déposées en 2020, puis 20 119 en 2021, 372 en 2022, et 61 au 31 août 2018.

([9])  Cette affaire, ensuite judiciarisée, reposait principalement sur la signature d’une convention entre la présidence de la République et un cabinet d’études « Opinion way », en l’absence de mise en concurrence, et selon une convention permettant la facturation sans contrôle d’études d’opinion réalisées pour le compte de l’Élysée.

([10])  Direction de la communication, direction des ressources et de la modernisation (fonctions support), direction de la sécurité de la présidence de la République, et direction des opérations (déplacements, évènements, intendance).

([11]) Le SIG a aussi la possibilité de passer un marché spécifique sur un sujet qui ne serait pas traité par un lot, et qui demanderait une méthode particulière (par exemple aller chez les sondés).

 

([12])  S’agissant des études d’opinion commandées sur le fondement du marché public par un ministère, le SIG transmet les résultats à ce ministère.

([13])  Cendra Motin, Rapport d’information n° 4928, Assemblée nationale, mission d’information relative aux différentes missions confiées par l’administration de l’État à des prestataires extérieurs (outsourcing), 19 janvier 2022, 138 p.

([14])  Éliane Assassi, Rapport fait au nom de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques sur « Un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », 16 mars 2022, 385 p.

([15])  Cour des comptes, Le recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil, Rapport public thématique, Juillet 2023, 149 p.

([16])  Entretien au Palais de l’Élysée le 2 octobre 2024. Le directeur de cabinet était accompagné de M. Yannick Desbois, directeur-adjoint de cabinet, directeur général des services, et de Mme Florence Leverino, directrice des ressources et de la modernisation.

([17])  Cour des comptes, Les comptes et la gestion des services de la présidence de la République, exercice 2018, p. 2.

([18])  Cour des comptes, Les comptes et la gestion des services de la présidence de la République, exercice 2019.

([19]) Idem, p. 21.

([20]) Idem, p. 22.

([21]) Idem, p. 23.

([22]) Idem, p. 25.

([23]) Idem, p. 23.

([24])  https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/choose-france

([25])  https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/tech-for-good-innover-pour-le-bien-commun

([26])  Rapport, op. cit., p. 199.

([27]) Circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles.

 

([28])  Proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, n° 720, déposée le mardi 21 juin 2022.

([29])  Rapport de Mme Éliane Assassi, op. cit.