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N° 471

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 324)
de finances pour 2025

 

 

 

TOME VI

 

OUTRE-MER

 

PAR M. Yoann GILLET

Député

——

 

 Voir le numéro : 468 – III – 32

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2024.

 

À cette date, seules 41 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 5

Première partie : Un budget 2025 de renoncement

I. l’Évolution des crédits de la mission

II. Les crédits du programme 138 « Emploi outre-mer »

III. Les crédits du programme 123 « Conditions de vie outremer »

DEUXIÈME PARTIE : LA SITUATION MIGRATOIRE, SÉCURITAIRE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE MAYOTTE

I. Mayotte : un bijou français menacé par la submersion migratoire

A. le 101ème département : un territoire qui a tout pour devenir un paradis français dans l’océan indien

1. Une situation géographique stratégique et un environnement naturel sans commune mesure en France

2. Une population attachée aux valeurs de la République et à la Nation

3. Des infrastructures nécessaires pour transformer et développer durablement Mayotte

B. Un territoire menacé par une immigration massive

1. Un territoire en proie depuis plusieurs dizaines d’années à des arrivées migratoires massives, principalement issues des Comores

a. Une immigration principalement issue des Comores

b. De plus en plus d’étrangers issus de Madagascar et de la région des Grands Lacs

2. Une forte présence migratoire irrégulière que la puissance publique peine à juguler faute de moyens adaptés

3. Des flux migratoires ayant des conséquences profondes sur la démographie de Mayotte

a. Une population particulièrement jeune et à la croissance dynamique, portée par les naissances des mères d’origine étrangère

b. Jusqu’à 760 000 personnes pourraient habiter sur Mayotte d’ici 2050 en cas de maintien des flux migratoires actuels

C. Le droit du sol et l’existence de titres de séjour territoriaux encouragent cette pression migratoire

1. Le « droit du sol » : une incitation à l’immigration qui doit être abolie

a. Le régime juridique relatif à l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence

b. Les spécificités déjà prévues pour Mayotte

c. L’impérieuse nécessité de supprimer le droit du sol

2. Les titres de séjour à validité territoriale font peser l’immigration illégale comorienne et africaine sur la seule population mahoraise

II. Des conséquences dramatiques sur l’ensemble des politiques et services publics

A. Une insécurité endémique qu’il est urgent d’endiguer

1. La délinquance du quotidien transforme la vie des habitants en un enfer

2. Des infrastructures et moyens insuffisants pour juguler l’insécurité

a. Des conditions de travail dégradées pour nos forces de l’ordre

b. Le centre pénitentiaire de Majicavo, triplement saturé

B. L’École et la santé : deux services publics À bout de souffle qui subissent de plein fouet la pression migratoire

1. Une école saturée et dans l’incapacité de répondre aux ambitions légitimes de la population mahoraise

2. La santé : un luxe désormais réservé aux Comoriens ?

C. Des enjeux essentiels d’aménagement du territoire

1. Des infrastructures saturées : l’exemple de la crise de l’eau

2. La persistance d’un habitat insalubre et la progression des « bangas » pour loger les personnes issues de l’immigration clandestine

Liste des propositions

Examen en commission

programme et personnes rencontrées lors du déplacement du rapporteur pour avis

 

 


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Mesdames, Messieurs,

À l’aube de l’examen du volet « dépenses » du projet de loi de finances pour 2025, et alors que votre rapporteur renouvelle pour la troisième année cet exercice, il ne peut que constater une nouvelle fois la situation préoccupante des crédits alloués à nos outre-mer. Le budget 2025 proposé par le Gouvernement, qui regroupe, outre la mission « Outre-mer », l’ensemble des crédits destinés aux territoires ultramarins, marque cette année un recul significatif pour ces territoires.

Alors que votre rapporteur regrettait déjà, les années passées, l'insuffisance des crédits de la mission « Outre-mer », ce projet pour 2025 affiche une diminution brutale et drastique des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission, fragilisant encore un peu plus l’action de l’État dans nos territoires d’outre-mer, où les besoins sont pourtant immenses. Cette tendance austère traduit en creux un manque de vision du Gouvernement pour nos outre-mer.

Dans le détail, si les crédits du programme « Emploi outre-mer » sont en très légère hausse, cette augmentation ne saurait pour autant compenser les carences budgétaires des budgets précédents et la baisse drastique sur l’ensemble de la mission. Les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » subissent par exemple une très lourde perte. Ce programme est pourtant un outil important en matière de politiques de logement, d’aménagement du territoire et de soutien aux collectivités, et est un vecteur d’actions en faveur du développement des infrastructures et de l’amélioration des conditions de vie dans les territoires ultramarins.

Votre rapporteur a souhaité, pour la partie thématique de son rapport, consacrer son étude à la situation migratoire, sécuritaire, économique et sociale de Mayotte. Ce département français, situé dans l’océan Indien, est confronté à des défis immenses, exacerbés par sa proximité géographique avec les Comores. Mayotte fait ainsi face à une crise migratoire d'une ampleur exceptionnelle, qui pèse lourdement sur ses services publics. L’insécurité, l’engorgement des infrastructures de santé, la saturation des écoles, collèges et lycées, ainsi que les récentes difficultés rencontrées en matière de gestion des ressources en eau et de régulation des habitations illégales sont autant d’exemples des problèmes que peut susciter une immigration incontrôlée, qui emporte à Mayotte des conséquences très lourdes pour la démographie de l’île.

À l’issue d’un déplacement de huit jours sur place, et après avoir entendu l’ensemble des acteurs concernés, votre rapporteur formule 23 recommandations afin de répondre aux crises que subissent au quotidien les Mahorais.

 


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   Première partie : Un budget 2025 de renoncement

I.   l’Évolution des crédits de la mission

La mission « Outre-mer » du projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2025 regroupe les crédits dont dispose le ministère pour la conduite de ses actions dans les territoires ultramarins. Comme les deux années précédentes, à l’occasion desquelles votre rapporteur a eu l’honneur de rapporter les crédits de cette mission pour la commission des Lois, elle comporte douze actions, réparties en deux programmes :

– le programme 138 « Emploi outre-mer » regroupe quatre actions respectivement vouées au soutien des entreprises ultramarines, aux dispositifs d’aide à la formation professionnelle, aux moyens de pilotage des politiques publiques ainsi qu’au financement de l’économie afin de pallier les carences de l’offre bancaire d’investissement outre-mer ;

– le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » comprend huit actions : logement, aménagement du territoire, continuité territoriale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux, soutien à l’investissement des collectivités territoriales, coopération régionale, fonds exceptionnel d’investissement et accès au financement bancaire.

Le PLF pour 2025 fait apparaître une très forte et inacceptable diminution des crédits de la mission « Outre-mer ». La prévision s’élève à 2,78 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une baisse de 12,52 % par rapport au budget voté pour l’exercice précédent. Les crédits de paiement (CP) diminuent eux aussi drastiquement, s’établissant à 2,55 milliards d’euros, soit une perte de 8,89 %. Cette diminution affecte particulièrement le programme 123, dont les crédits diminuent de plus de 36 %.

Alors que les exercices précédents se limitaient à de timides augmentations des crédits de la mission, largement insuffisantes au regard de l’inflation, des enjeux d’investissement et d’accompagnement de nos territoires ultramarins, le budget 2025 est un budget de rupture et de recul, qui marque la totale déconnexion entre les besoins de terrain et les arbitrages pris par le Gouvernement pour financer la mission « outre-mer ». S’il était voté en l’état, il se traduirait concrètement, demain, par un accompagnement insuffisant de ces territoires, pouvant aller jusqu’au retrait total de l’État dans la mise en œuvre de certaines politiques publiques en outre-mer, où les besoins sont pourtant particulièrement importants.

Évolution annuelle des crédits de la Mission Outre-mer ([1])

Numéro et intitulé (programme et action)

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

(millions d’euros)

(millions d’euros)

LFI 2024

PLF 2025

Variation

LFI 2024

PLF 2025

Variation

138

Emploi outre-mer

1 899,4

1 971,9

+3,81 %

1 884,7

1 949,3

+3,43 %

1

Soutien aux entreprises

1 539,2

1 642,9

+6,74 %

1 539,2

1 642,9

+6,74 %

2

Aides à l’insertion et à la qualification professionnelle

321,6

315,3

-1,95 %

309,1

295

-4,58 %

3

Pilotage des politiques des outre-mer

3,61

3,61

-

3,37

3,37

-

4

Financement de l’économie

35

10,1

-75,15 %

33

8,1

-75,47 %

123

Conditions de vie outre-mer

1 281,6

810,8

-36,74 %

919,8

605,8

-34,14 %

1

Logement

291,9

260

-10,93 %

193,8

184,1

-5 %

2

Aménagement du territoire

233,2

86,4

-62,95 %

174,4

41,6

-76,15 %

3

Continuité territoriale

76,3

62,9

-17,56 %

76,2

62,8

-17,59 %

4

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

21

10,15

-51,67 %

21

10,15

-51,67 %

6

Collectivités territoriales

428,9

257,1

-40,06 %

328,4

202,2

-38,41 %

7

Insertion économique et coopération régionales

1,0

1,0

-

1,0

1,0

-

8

Fonds exceptionnel d’investissement

160,0

110,0

-31,25 %

87,3

70,9

-18,71 %

9

Appui à l’accès aux financements bancaires

69,3

23,3

-66,33 %

37,7

32,9

-12,68 %

Total Mission

3 181

2 782,7

-12,52 %

2 804,5

2 555,1

- 8,89 %

Source : projet annuel de performance relatif à la mission outre-mer, annexé au PLF pour 2025.

Comme les années précédentes, votre rapporteur constate que le niveau des restes à payer ([2]) demeure très élevé pour le programme 123 (2,26 milliards d’euros estimés au 31 décembre prochain, soit plus du double des crédits de ce programme pour 2025). Les restes à payer du programme 138 sont estimés, quant à eux, à 59,3 millions.

Votre rapporteur regrette en outre que les crédits votés pour l’année 2024 n’aient pas été dépensés comme le disposait la loi de finances initiale votée. En effet, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a annulé, pour l’exercice 2024, 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 10,2 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 78,8 millions d’euros en AE et en CP sur la mission « Outre-mer », répartis entre :

– 74,9 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 123, concernant principalement l’action 6 « collectivités territoriales » (-34 M€ en AE et -22 M€ en CP) et l’action 2 « aménagement du territoire » (-18,90 M€ en AE et -16,40 M€ en CP) ;

– 3,9 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 138, imputés intégralement à l’action 2 « aide à l’insertion et à la qualification professionnelle », et qui se traduit par une diminution du nombre de volontaires stagiaires recrutés par le Service militaire adapté (SMA) (-410 recrutements). Une décision d’autant plus incompréhensible que le SMA est un dispositif d’insertion dont les résultats sont spectaculaires (plus de 90 % de réussite à Mayotte par exemple).

En somme, le budget 2025 s’inscrit dans la tendance austère des années précédentes, et marque même un recul inquiétant par rapport aux crédits votés en timide augmentation pour la mission outre-mer en 2024, puis pour partie gelés par le Gouvernement quelques mois après la promulgation de la loi de finances pour 2024.

De tels choix viennent confirmer le mépris le plus abject des gouvernements successifs envers nos compatriotes ultramarins.

Crédits de paiement DEMANDÉS ET votés pour la mission Outre-mer sur les Quinzième et seizième Législatures ainsi que pour l’année 2025

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

CP demandés dans le projet de loi de finances initial

2 491

2 409

2 435

2 467

2 489

2 658

 

2 555

CP votés en loi de finances initiale

2 576

2 372

2 436

2 472

2 543

2 804

-

Source : commission des Lois, à partir des projets de loi de finances et les lois de finances initiales pour les années 2019 à 2025.

 

 

 

 

II.   Les crédits du programme 138 « Emploi outre-mer »

Le programme 138 « Emploi outre-mer » enregistre dans son ensemble une légère hausse par rapport à l’exercice 2024, mais deux de ses quatre actions subissent une perte parfois considérable de crédits. In fine, et comme le regrettait déjà votre rapporteur l’an passé, cette augmentation en trompe-l’œil, surtout une fois prises en considération les perspectives d’inflation de 1,8 % pour l’année 2025, ne couvre en rien le manque cruel de moyens déjà déploré pour les exercices précédents.

Les crédits du programme s’établissent ainsi à 1,97 milliard d’euros en AE (+ 3,8 %) et 1,95 milliard d’euros en CP (+ 3,4 %). L’action n° 1 (soutien aux entreprises) est en fait la seule action à la hausse.

● Une « hausse » des crédits de soutien aux entreprises qui n’est toujours pas à la hauteur des enjeux (action n° 1)

L’action n° 1, « Soutien aux entreprises », vise à améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines en diminuant le coût du travail. Elle finance les exonérations et allègements de charges sociales spécifiques aux outre-mer en faveur des entreprises et des travailleurs indépendants. Elle représente l’essentiel des crédits du programme (83,3 %) et progresse en 2025 (1,64 milliard d’euros en AE comme en CP, soit une hausse de 6,74 % par rapport à 2024).

L’augmentation prévue ne doit pas dissimuler une économie générale attendue par le Gouvernement. La hausse pour 2025 correspond ainsi à la prévision des besoins budgétaires définis par l’Urssaf en juin 2024 dans le cadre d’un groupe de suivi, mais elle est par ailleurs minorée de 180 M€ en AE et en CP, au titre des économies engendrées par une réforme du dispositif d’accompagnement des entreprises.

● Une diminution des crédits de l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle (action n° 2)

L’action n° 2 porte sur l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle des jeunes ultramarins. Elle finance la mise en œuvre du service militaire adapté (SMA). Elle comprend aussi les crédits alloués à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) pour la conduite de programmes de formation et de mobilité professionnelles, y compris à l’égard des cadres (programmes « cadres de Mayotte », « cadres pour Wallis-et-Futuna », « cadres d’Avenir Nouvelle-Calédonie ») et ceux destinés à l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS).

L’action n° 2 enregistre une baisse de ses AE (- 1,95 %) et de ses CP (- 4,58 %). Comme l’an dernier, elle devrait bénéficier d’un abondement des fonds européens et d’attribution de produits pour un montant estimé à 40 millions d’euros en AE comme en CP.

La baisse de crédits envisagée pour l’année 2025, d’un montant de 8 millions d’euros, s’explique en partie par des économies liées au report de certaines opérations d’infrastructures du SMA – votre rapporteur ne peut que le regretter tant il a pu constater, au cours de son déplacement à Mayotte, l’importance du SMA et les besoins en investissements nécessaires au fonctionnement de cette structure (voir infra). La restriction budgétaire souhaitée par le Gouvernement aura également des conséquences sur l’extension du dispositif « Cadres d’avenir » opéré en 2024 et sur la subvention pour charge de service public de LADOM, d’après les réponses de l’administration au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

● Les autres actions

Représentant moins de 0,2 % des crédits du programme, l’action n° 3 regroupe les crédits nécessaires au pilotage des politiques publiques outre-mer, notamment le financement des dépenses de fonctionnement du ministère des Outre-mer et de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer (dépenses immobilières, personnels, fluides, informatique). Elle enregistre une stagnation de ses crédits (3,61 millions d’euros en AE et en CP), malgré la poursuite du développement du portail numérique DECIGEOM, qui met à disposition de l’administration et du public ([3]) des données sur les outre-mer, sous la forme de cartes et de tableaux. En réalité, une fois prise en compte l’inflation attendue en 2025, toute stagnation entraîne, en euros constants, une diminution déguisée des crédits.

Regroupant désormais à peine 0,5 % des crédits du programme, l’action n° 4 porte sur le financement de dispositifs de soutien à l’économie. Elle concentre notamment les aides au fret (2,38 M€ en CP, en baisse de plus de 57 % par rapport à l’an dernier – ce qui est très largement insuffisant pour avoir un effet sur le pouvoir d’achat des Ultramarins), le prêt de développement outre-mer, les subventions d’investissement dans le cadre d’appels à projets et le soutien au micro-crédit.

Cette action enregistre dans son ensemble une baisse dramatique
(-71,15 % en AE et de -75,47 % en CP, soit -25 M€ d’AE et de CP) qui porte principalement sur les prêts de développement outre-mer (PDOM) et le soutien aux structures appartenant à l’économie sociale et solidaire.

 

 

III.   Les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre‑mer »

Les crédits consacrés à l’amélioration des conditions de vie outre-mer sont retracés au sein du programme 123 et connaissent pour 2025 une diminution drastique, à rebours des besoins. Ils s’établissent en effet à 810,8 millions d’euros en AE, ce qui représente une baisse de près de 37 % sans commune mesure avec les crédits votés en LFI 2024, tandis que les CP suivent la même tendance (- 34,1 %) pour atteindre 605,8 millions d’euros. Une seule action voit son budget stagner (l’action n° 7 consacrée à l’insertion économique et à la coopération régionale), toutes les autres accusent des baisses très fortes (de -11 % à -66 %).

● Une diminution de 11 % des crédits consacrés au logement (action n° 1)

Représentant environ 32 % du montant du programme, les crédits de l’action n° 1, qui concourent au financement de la politique du logement (« ligne budgétaire unique »), concernent le logement social (agrandissement, rénovation, adaptation), l’aménagement du foncier, mais aussi l’amélioration du parc privé et la résorption de l’habitat insalubre et informel.

En la matière, les indicateurs que se donne le Gouvernement portent sur :

– le délai d’attente pour l’attribution d’un logement social, qui mesure la rapidité de satisfaction de la demande. Alors qu’en 2024, la cible est fixée à 13 mois, elle est en constante augmentation depuis trois ans et se trouve rallongée d’un mois en 2025 ;

– la pression de la demande sur le logement social, qui rapporte le nombre de relogements dans le parc social (hors mutations internes au parc social) au nombre de demandeurs de logements sociaux, au cours d’une année donnée. Ce ratio était de 5,2 en 2021 et de 5,5 en 2022, et la cible était fixée à 4,7 pour 2024. Elle est désormais portée, pour 2025, à 6,3. Si elle est atteinte, cela signifiera qu’une seule demande de logement social sur 6,3 serait satisfaite en moyenne, outre-mer, l’an prochain. Un ratio qui, s’il était atteint, prouverait l’échec de la stratégie (s’il en existe vraiment une) mise en place ces dernières années.

Comme l’an dernier, votre rapporteur regrette que le département de Mayotte soit exclu du calcul de ces deux indicateurs. Il relève en outre la faiblesse des ambitions à moyen terme du Gouvernement, qui se fixe des cibles pour le moins modestes, et dégradées année après année : un délai moyen d’attente de 14 mois en 2026, un ratio de pression sur le logement social de 6,1 la même année, soit des conditions tout à fait inacceptables pour nos compatriotes ultramarins.

Cette perte d’ambition du Gouvernement se traduit très concrètement dans la baisse de 11 % du budget dévolu, l’an prochain, à cette action, qui correspond à une perte de 32 M€ d’AE et 10 M€ de CP.

● Des crédits consacrés à la continuité territoriale en baisse (action n° 3)

La politique de continuité territoriale est définie à l’article L. 1803-1 du code des transports comme « tendant à rapprocher les conditions d’accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de l’hexagone, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d’outre-mer ».

L’essentiel des crédits de cette action est dévolu au fonds de continuité territoriale chargé de financer, sous condition de ressources et en faveur des personnes ayant leur résidence habituelle outre-mer, les aides à la continuité territoriale de l’État.

Les crédits de cette politique connaissent pour 2025 une forte baisse, de l’ordre de 13,4 millions d’euros (en AE et en CP), soit - 17,6 % par rapport à la loi de finances votée pour 2024, imputés quasi exclusivement sur le budget du fonds de continuité territoriale.

● Une importante diminution des crédits consacrés à l’aide à l’accès aux financements bancaires (action n° 9)

L’action n° 9 pour l’appui à l’accès aux financements bancaires finance traditionnellement les prêts à intérêts bonifiés accordés par l’Agence française de développement (AFD) aux collectivités territoriales. Les plus fortes bonifications sont destinées aux projets liés au traitement des déchets, à l’eau, à l’assainissement et aux projets à impact social outre-mer (climat, biodiversité). En 2025, l’action n° 9 permettra également de soutenir :

– le financement des TPE-PME dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique, via un soutien à la société de gestion des fonds de garantie d’outre-mer ;

– le fonds outre-mer.

L’action n° 9, qui connaissait déjà une forte baisse de ses AE (- 13,1 %) comme de ses CP (-9,1 %) en 2024, diminue encore davantage en 2025. Ses crédits s’établissent ainsi à 23,35 M€ en AE (-66 %) et 33 M€ en CP (-12,68 %).

● La chute des crédits destinés au soutien aux collectivités territoriales (action n° 6)

Les crédits de l’action n° 6, consacrée au soutien aux collectivités territoriales, recouvrent trois types de financements :

– les dotations aux collectivités territoriales et les autres financements adaptés à leurs spécificités ;

– les secours d’urgence et de solidarité nationale liées aux calamités ;

– les actions de défense et de sécurité civiles.

L’action porte aussi les crédits du dispositif COROM ([4]). Créés par la loi de finances initiale pour 2021, les contrats de redressement outre-mer (COROM) visent à apporter le soutien technique ([5]) et financier de l’État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux.

Les crédits de cette action connaissent une chute impressionnante, tant en AE (257 M€ de crédits prévus, en baisse de 40 %) qu’en CP (202,20 M€, en diminution de 38,4 %). Cette baisse se traduira par une limitation du nombre de collectivités pouvant bénéficier de la signature d’un COROM en 2025, ainsi que par un allongement des délais de paiement pour les opérations d’investissement des collectivités.

● Les autres actions : des baisses de crédits tous azimuts

L’action n° 2, relative à l’aménagement du territoire, diminue drastiquement (-63 % en AE et -76,15 % en CP). Elle finance les actions menées dans le cadre des contrats de convergence et de transformation prévus par la loi dite « ÉROM » ([6]). Elle recouvre aussi des actions en faveur du tourisme, ou finançant les abris anticycloniques en Polynésie française, le plan séisme Antilles ou encore le fonds mahorais de développement économique, social et culturel.

D’après les réponses communiquées par l’administration à votre rapporteur, la baisse programmée des crédits dans le PLF 2025, qui représente une perte de 146 M€ d’AE et 132 M€ de CP, concerne les contrats de convergence et de transformation renouvelés et signés avec les collectivités locales en 2024, ainsi que le plan séismes Antilles, le volet « fonctionnement » du contrat de développement de la Nouvelle Calédonie et le fonds mahorais de développement économique, social et culturel – à rebours des besoins dans l’ensemble de nos territoires ultramarins.

Les crédits de l’action n° 4, relative aux politiques sanitaire, sociale, culturelle, sportive et à destination de la jeunesse, accusent eux aussi une baisse de 52 % en AE et en CP. Ils ne représentent plus que 1,25 % des crédits du programme. Ces pertes contribueront à réduire l’accompagnement du Gouvernement en faveur du territoire de Wallis-et-Futuna, qui avait bénéficié en 2024 d’aides importantes au titre du filet social et du soutien à l’agence de santé. Des économies ont par ailleurs été anticipées à hauteur de 2 M€ d’AE et de CP correspondant, d’une part, à la non-reconduction d’actions en faveur de la sécurité routière (le Gouvernement considérant que cette dépense relève du budget du ministère de l’Intérieur) et, d’autre part, à l’accompagnement des personnes atteintes d’un cancer (qui relève du programme porté par le ministère de la Santé).

Enfin, l’action n° 7 (insertion économique et coopération régionales) n’évolue pas, tandis que les crédits de paiement de l’action  8 (fonds exceptionnel d’investissement) marquent une baisse de 31,25 % pour retourner à leur niveau des années 2019-2023, pourtant largement insuffisant au regard des enjeux d’équipement dans nos territoires ultramarins.

De façon générale, et comme le défendait déjà votre rapporteur l’an passé, il est urgent d’entreprendre un grand plan d’investissements dans les services publics et les infrastructures d’outre-mer (écoles, services publics, réseaux routiers, accès à l’eau, réseau téléphonique et internet…), ce que le budget 2025 présenté par le Gouvernement ne permet pas.

Le PLF 2025, tel que présenté par le Gouvernement, est celui d’une France qui sacrifie ses compatriotes ultramarins. Il est un budget de renoncement.

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*     *


   DEUXIÈME PARTIE : LA SITUATION MIGRATOIRE, SÉCURITAIRE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE MAYOTTE

Pour la troisième année de ses travaux consacrés au budget de nos Outre-mer, votre rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son avis budgétaire à la situation migratoire, sécuritaire, économique et sociale de Mayotte. Ce territoire français, véritable bijou national de l’océan Indien, fait face à des défis immenses, exacerbés par sa situation géographique, son insularité et sa proximité avec les Comores.

Le sujet choisi est large et dépasse le cadre des crédits de la mission « Outre-mer ». Néanmoins, à Mayotte, les problématiques s’entremêlent et trouvent pour l’essentiel leur part dans une même cause, liée à la pression migratoire exceptionnelle que subit ce territoire et qui emporte des conséquences sur toutes les politiques publiques. Cette situation migratoire, cumulée à des difficultés structurelles dans les domaines économique et social, génère des tensions croissantes et quotidiennes.

Pour rédiger cet avis, votre rapporteur s’est rendu une semaine à Mayotte. Ce déplacement, organisé du 23 au 30 septembre 2024, lui a permis de rencontrer les représentants des acteurs politiques, économiques, associatifs et citoyens du département, ainsi que des fonctionnaires et des militaires faisant vivre Mayotte au quotidien. Il tient à les remercier chaleureusement pour leur accueil et le temps qu’ils lui ont consacré.

  1.   Mayotte : un bijou français menacé par la submersion migratoire

Mayotte, surnommée « l’île aux parfums », est un véritable joyau de la République française. Située dans l’océan Indien, entre Madagascar et le continent africain, elle est mondialement connue pour la richesse de son lagon, l’un des plus grands et des plus beaux du monde. Ses eaux cristallines et ses récifs coralliens abritent une biodiversité exceptionnelle, faisant de Mayotte un site touristique unique.

Mais Mayotte n’est pas l’« eldorado » qu’elle devrait être. Ce département fait en effet face à une menace d’une amplitude sans commune mesure sur notre territoire. Sa proximité avec l’Union des Comores et son statut de département français en font une terre d’immigration massive, se traduisant par des flux migratoires quotidiens qui nuisent aux équilibres économiques et sociaux de l’île déjà fragiles. Malgré quelques restrictions votées par le législateur, le droit du sol, qui confère automatiquement la nationalité française à tout enfant né sur le territoire, contribue à cette situation, tout comme la persistance du titre de séjour territorialisé, légitimement décrié par les Mahorais, qui ont le sentiment (à juste titre) d’affronter seuls une véritable submersion migratoire. Des solutions existent pour rendre aux Mahorais leur souveraineté, mais encore faut-il avoir le courage de les défendre.

A.   le 101ème département : un territoire qui a tout pour devenir un paradis français dans l’océan indien

1.   Une situation géographique stratégique et un environnement naturel sans commune mesure en France

Mayotte, 101ème département français, se situe à l’entrée nord du canal du Mozambique dans l’océan Indien. Elle se trouve ainsi à mi-chemin entre Madagascar et l’Afrique et est donc particulièrement éloignée de l’hexagone, localisé à 8 000 km de distance. Le département est un archipel, constitué de deux îles principales nommées Grande-Terre (363 km²) et Petite-Terre (11 km²). Elles sont séparées par un bras de mer de 2 km.

Mayotte est l’ensemble volcanique le plus ancien de l’archipel des Comores. Il s’élève à une altitude moins élevée que les autres îles de l’océan Indien en raison de l’érosion et de l’affaissement. Ses reliefs montagneux culminent à 700 mètres d’altitude tandis que ceux des Comores atteignent 2 361 mètres. Le relief est par ailleurs particulièrement accidenté : 63 % de la surface de Grande-Terre se caractérise par des pentes d’inclinaison supérieure à 15 % et/ou se situant à plus de 300 mètres d’altitude ([7]). La topographie montagneuse de l’île induit une concentration importante de la population sur les espaces plats, notamment sur la mince bande littorale de l’île.

Mayotte est soumise à un climat tropical maritime qui se caractérise par l’alternance de deux saisons. L’hiver austral correspond à une période fraîche et sèche tandis que l’été austral est une période chaude et pluvieuse s’étendant d’octobre à mars. Ainsi, 75 % des précipitations ont lieu durant l’été austral.

Enfin, l’archipel présente une importante biodiversité, notamment en raison du lagon clos dans lequel il est enserré. Ce dernier est entouré par une double barrière corallienne. Il concentre 25 % de la biodiversité mondiale selon le dossier exploratoire soumis aux experts de l’UNESCO par Mayotte et représente un potentiel touristique hors du commun.

Répartition des écosystèmes marins côtiers de Mayotte

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Source : Extrait de Hily et al. (2010) « Les herbiers de phanérogames marines de l’outre-mer français ». Documentation Ifrecor.

Cette situation géographique n’est néanmoins pas qu’un avantage. Du fait de sa géographie particulière, l’archipel de Mayotte est exposé à de nombreux aléas naturels : risques sismiques, volcanique et tsunamique, mouvements de terrain, érosion côtière et affaissement de l’île, ainsi que les risques cycloniques, d’inondation et de sécheresse.

Ainsi, 92 % de la population est concernée par un aléa, tous niveaux confondus, dont près de la moitié de la population par un aléa fort ([8]). La population est particulièrement exposée à ces risques en raison de vulnérabilités de différents ordres : le caractère exigu et insulaire du département ; son isolement de l’hexagone, d’une part, et des pays voisins, d’autre part ; la forte densité démographique et la concentration des populations sur les zones littorales ; l’importance de la pauvreté parmi la population (77 % de la population mahoraise vivrait sous le seuil de pauvreté en 2021) ; la persistance de l’habitat informel et précaire avec les « bangas » (voir infra).

2.   Une population attachée aux valeurs de la République et à la Nation

L’histoire de Mayotte est singulière au sein de la République française. L’île fut cédée à notre pays en 1841 par le sultan Andriantsouli, devenant ainsi une colonie. En 1886, la France instaura un protectorat sur l’ensemble de l’archipel des Comores, auquel Mayotte était intégrée. Cet archipel connut divers statuts au fil du temps : de colonie en 1912, les Comores devinrent territoire d’outre-mer (TOM) en 1946 dans le cadre de la Constitution de la IVème République.

Lors du référendum du 22 décembre 1974 sur l’indépendance du territoire des Comores, les habitants de Mayotte exprimèrent, à une large majorité de 63,8 %, leur volonté de demeurer dans la République française, tandis que les autres îles de l’archipel votaient au contraire en faveur de l’indépendance. Cette différence de choix amena Mayotte à prendre un chemin politique distinct de ses voisines comoriennes, en restant dans la communauté nationale. Consultés à nouveau en février 1976, les Mahorais ont plébiscité à 99,4 % le maintien de l’île dans l’ensemble français.

Au cours des décennies suivantes, le statut de Mayotte évolua progressivement. En 1976, l’île devint une collectivité territoriale de la République, puis, en 2001, elle acquit le statut de département, entérinant l’accord sur l’avenir de Mayotte du 27 janvier 2000, plébiscité par près de 73 % des Mahorais, consultés afin d’en avaliser le contenu. Mayotte devint officiellement le 101ème département français le 31 mars 2011 à l’issue de la consultation du 29 mars 2009, marquée par un soutien massif de 95,2 % des votes exprimés. Ce statut fit de Mayotte un département d’outre-mer (DOM), la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte créant une collectivité unique, le « Département de Mayotte » exerçant les compétences dévolues aux départements et régions d’outre-mer. Cette transformation juridique fut également marquée par des adaptations nécessaires à l’application du droit commun, dans un contexte local marqué par des spécificités culturelles et sociales.

Avec cette départementalisation, Mayotte est désormais pleinement intégrée à la République, tout en restant un territoire confronté à des enjeux migratoires, économiques et sociaux importants dans sa relation avec ses voisins de l’archipel des Comores. Il ressort de leur histoire que les Mahorais sont un peuple profondément attaché aux valeurs de la République et fier d’appartenir à la Nation française.

Un vecteur d’intégration et levier de développement essentiel :
le service militaire adapté

Créé dans les années 1960 par le Premier ministre Michel Debré sous la direction du général Jean Némo, le service militaire adapté (SMA) avait dès l’origine pour objectif de contribuer au développement des outre-mer. Contrairement à la fonction classique des forces armées, le SMA a pour missions principales la mise en valeur des territoires ultramarins et la participation aux opérations de secours. Le premier régiment fut créé en Guyane en 1961, et est notamment à l’origine de la construction de la route de l’Ouest depuis Cayenne, permettant à la fois de développer les infrastructures de transport et de former des jeunes français à certains métiers.

Jusqu’à présent, le SMA continue de répondre à ces objectifs en proposant aux jeunes ultramarins des parcours de formation professionnelle, dans un cadre militaire. En conséquence, le SMA est structuré comme un régiment de l’armée de terre, mais ses unités de combat sont remplacées par des unités de formation.

Il accueille deux types de volontaires, tous âgés de 18 à 25 ans, qui sont répartis en deux catégories :

– les stagiaires, jeunes sans diplôme qui intègrent le SMA pour suivre une formation de six à douze mois, en fonction de la filière choisie. Cette formation commence par deux mois d’apprentissage du savoir-vivre militaire (discipline, hygiène, vie en communauté, etc.) et se poursuit ensuite par des stages et formations professionnels. Durant ce parcours, les jeunes peuvent passer leur permis de conduire ;

- les techniciens, qui sont des jeunes diplômés intégrant le SMA comme aide-moniteurs, afin d’accompagner les jeunes dans leur formation au sein des différentes filières professionnelles. Leur contrat initial d’un an est renouvelable jusqu’à cinq ans.

Source : site du service militaire adapté.

Le régiment du SMA à Mayotte est aujourd’hui le deuxième plus important de l’Outre-mer, avec près de 1 000 jeunes engagés. D’ici 2030, ses objectifs de développement visent à atteindre un effectif de 1 200 jeunes. Si cette augmentation est une bonne nouvelle, elle pose néanmoins un défi en termes d’infrastructures car les installations actuelles, situées à Combani, sont saturées. Le projet d’extension du SMA dans le sud de l’île est envisagé, ce qui permettrait non seulement de mieux toucher la jeunesse, mais aussi de renforcer la capacité du régiment à participer aux opérations de secours dans le Sud de Grande-Terre.

Votre rapporteur a été impressionné par son déplacement au SMA de Mayotte, où il y a rencontré de nombreux jeunes investis dans leur formation et des personnels prenant à cœur leur mission de service public. À Mayotte singulièrement, le SMA est un puissant vecteur d’intégration qu’il convient de préserver et même de renforcer. Or, les diminutions de crédits envisagées par le Gouvernement (voir supra) se traduiront dès l’an prochain par des restrictions budgétaires pour les régiments, ce qui va à l’encontre des besoins dans nos territoires ultramarins.

Au lieu de s’attaquer aux mauvaises dépenses, le Gouvernement propose là des “économies” sur un dispositif utile et dont les résultats sont spectaculaires.

Recommandation n° 1 : renforcer et à terme généraliser le service militaire adapté (SMA) qui est un formidable outil d’insertion et de formation


3.   Des infrastructures nécessaires pour transformer et développer durablement Mayotte

De par sa situation insulaire, Mayotte dépend de trois infrastructures clé pour assurer le transport des personnes et des marchandises : l’aéroport de Dzaoudzi, le port de commerce de Longoni ainsi que la gare maritime internationale. Si ces infrastructures assurent aujourd’hui a minima leur rôle, elles doivent néanmoins être modernisées afin d’accompagner le développement de Mayotte et répondre aux ambitions des Mahorais pour leur département.

● L’aéroport de Dzaoudzi : l’unique point d’entrée aérien de l’île

L’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, ouvert en 2014, joue un rôle essentiel dans le désenclavement de Mayotte. Chaque année, cet aéroport, propriété de l’État, gère un trafic d’environ 450 000 passagers, un volume équivalent à celui d’un petit aéroport régional. Il emploie au total environ 350 personnes – incluant à la fois le personnel du gestionnaire de la concession, Edeis, ainsi que les manutentionnaires et les services de l’État présents sur place.

Air Austral, la principale compagnie opérant sur l’île, représente à elle seule près de 60 % du trafic total. Votre rapporteur ne peut que partager l’étonnement des élus et citoyens qu’il a rencontrés, et qui ont regretté l’absence de la compagnie nationale sur cet aéroport. Si la présence d’Air France à Dzaoudzi avait été envisagée au début des années 2020, il semblerait que la compagnie aérienne ait renoncé à cette desserte, à la demande des représentants de son personnel de bord.

L’aéroport est confronté à des difficultés et des défis à la fois infrastructurels et environnementaux. D’une part, il est dépourvu d’une piste suffisamment longue pour accueillir des vols long-courriers directs. Ainsi, tous les vols vers la France hexagonale doivent effectuer une escale technique – généralement à Nairobi – puisque la piste ne permet pas aux avions de s’envoler avec une cuve de carburant suffisamment pleine, contribuant à augmenter le coût des vols, déjà particulièrement élevé en comparaison des tarifs pratiqués à La Réunion. Les élus locaux se sont ainsi pleinement mobilisés pendant des années afin d’obtenir la construction d’une piste plus longue améliorant la desserte de Mayotte.

Mais, en plus de ce défi logistique, l’aéroport est aussi menacé par des risques géologiques importants, liés à la proximité d’un volcan sous-marin situé à environ 20 kilomètres de l’infrastructure, et qui a été découvert en 2019. Cette situation géologique a finalement mené à l’abandon du projet d’allongement de la piste en début d’année 2024. Tout en renonçant au projet de « grande piste », le Gouvernement a cependant annoncé il y a quelques semaines la construction d’un nouvel aéroport sur Grande-Terre pour garantir la continuité territoriale et répondre à ces enjeux de sécurité de cette infrastructure à long terme. Des études seraient désormais en cours pour déterminer la faisabilité de ce projet, attendu d’ici 2035, car l’aéroport actuel pourrait être rendu inutilisable à cette échéance.

Ce problème structurel engendre des tarifs aériens plus élevés, comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur, et contribue à l’absence de concurrence des compagnies aériennes desservant l’aéroport.

Surtout, l’annonce de nouvelles études, en sus de celles déjà réalisées, et le report à l’année 2035 d’un éventuel projet de nouvel aéroport, aujourd’hui sans financement ni perspectives claires, constitue une immense déception pour les Mahorais. Votre rapporteur recommande d’engager dès à présent des consultations et de donner des gages de la volonté du Gouvernement de trouver des solutions afin d’éviter, dans les années à venir, un arrêt brutal du trafic aérien à Mayotte.

Recommandation n° 2 : engager dès à présent une conférence avec l’ensemble des parties prenantes afin de trouver des solutions viables (second aéroport, « piste longue ») et des perspectives claires pour le futur de l’aéroport de Mayotte

Au cours de son déplacement, votre rapporteur a rencontré les effectifs de la police aux frontières présents à l’aéroport et échangé sur les enjeux migratoires. Ceux-ci ont des conséquences sur l’activité aéroportuaire. Ainsi, entre le début de l’année et la fin du mois de septembre 2024, les services de la police aux frontières avaient recensé 69 usurpations d’identité et saisi 42 faux papiers, en majorité pour des vols en direction de Paris. La vigilance des fonctionnaires de police permet ainsi de limiter l’immigration illégale de Mayotte vers la France hexagonale par la voie aérienne.

● Le port de commerce de Longoni : une plateforme d’import-export stratégique en cours de modernisation

Le port de commerce de Longoni constitue un maillon essentiel dans l’économie et le désenclavement de Mayotte. En 2023, il a accueilli près de 190 navires ; il gère un flux annuel d’environ 100 000 conteneurs, confirmant son rôle central pour les importations et exportations du territoire.

Il s’agit du seul port en eaux profondes de Mayotte, ce qui en fait une infrastructure incontournable pour l’approvisionnement en marchandises essentielles, comme le gaz consommé sur l’île. Cependant, cette situation rend le port vulnérable à la fois aux risques naturels (notamment en raison de sa situation géographique) et aux risques sociaux (en cas de blocages de l’infrastructure, par exemple).

La concession du port, attribuée par délégation de service public (DSP) en 2013, a été organisée autour de plusieurs plans d’investissement, qui n’ont, semble-t-il, pas tous été respectés. En 2015, l’état de délabrement avancé du quai n° 1 a nécessité de lourds travaux de réhabilitation, actuellement toujours en cours. Ce quai devrait être à nouveau pleinement opérationnel d’ici fin 2025. Le port de Mayotte aurait également besoin d’un troisième quai afin d’accueillir les transporteurs de manière plus efficiente.

Bien que le port de Longoni soit entouré de 27 autres ports dans la région, son statut de port français lui confère un avantage compétitif certain, en particulier en matière de compétences techniques et de sûreté, ce qui explique en partie ses coûts relativement élevés par rapport aux autres ports régionaux, selon le représentant du concessionnaire rencontré sur place par votre rapporteur.

La stratégie de développement du port vise à atteindre une capacité de traitement de 250 000 conteneurs par an d’ici 2050. À titre de comparaison, en 2013, le port gérait 52 000 conteneurs, et en 2022, ce chiffre avait quasiment doublé (à 99 000). Ce dynamisme nécessite toutefois des investissements rapides, qui devraient être engagés avant la fin de la DSP prévue en 2028, afin d’étendre les infrastructures de stockage et éviter ainsi la saturation du site à l’horizon 2030.

Un schéma directeur du port est en cours d’élaboration à cette fin. Celui-ci planifiera les travaux futurs et les besoins en financement pour soutenir la croissance continue. Ce document stratégique ne pourra pas faire l’impasse sur une question majeure à Mayotte : l’extension du foncier disponible pour l’agrandissement du port. Le schéma directeur devrait ainsi permettre au conseil départemental de sécuriser des parcelles autour du site actuel à cette fin et d’établir clairement un projet sur le moyen et long terme.

La question de l’agrandissement du port de commerce renvoie en creux à celle du foncier disponible sur Mayotte, dont beaucoup d’interlocuteurs ont entretenu votre rapporteur lors de son déplacement. En effet, Mayotte est encore marquée par le droit de propriété coutumier et, de fait, par des carences en détention de titres, ainsi que par un cadastre lacunaire. Alors que seuls 41 km² de l’île sont constructibles, ces difficultés d’identification du foncier ont des conséquences sur l’ensemble des projets d’aménagement urbain.

Dès 2026, le port devrait accueillir pour la première fois un paquebot de croisière de la compagnie MSC, ce qui marque une étape importante dans son développement. Votre rapporteur ne peut qu’insister sur le fait que le développement d’une véritable offre touristique réside dans la capacité de l’État à juguler l’immigration massive qui affecte ce département, et souhaite que les mesures qu’il propose dans le présent avis budgétaire contribuent in fine à cet objectif.

Du reste, votre rapporteur ne peut qu’insister sur la nécessité de développer une stratégie globale de développement des infrastructures de transport de Mayotte, sous l’égide de l’État et des collectivités territoriales, dans le cadre d’un plan plus large pour Mayotte.


Recommandation n° 3 : dans le cadre des projets de loi Mayotte, mettre en place une stratégie globale de développement des infrastructures de transport avec l’ensemble des parties prenantes posant un cap et des objectifs clairs pour l’ensemble des infrastructures essentielles du département

En outre, votre rapporteur recommande de s’appuyer sur Mayotte et ses infrastructures, actuelles et en devenir, en lien avec les entreprises gazières et pétrolières, dans le cadre du projet gazier du Canal du Mozambique.

Recommandation n° 4 : faire de Mayotte la base arrière du projet gazier du Canal du Mozambique porté par TotalEnergies et d’autres entreprises gazières et pétrolières

● La gare maritime internationale : une gare encore en devenir

La gare maritime internationale de Mayotte, située sur Petite-Terre, joue un rôle central dans les liaisons maritimes entre l’île et les Comores, avec environ 75 000 passagers (allers et retours) enregistrés chaque année. Parmi ces voyageurs, un tiers est des étrangers en situation irrégulière (ESI), principalement originaires des Comores, qui sont reconduits dans leur pays d’origine après un passage au centre de rétention administrative (CRA).

La gare, exploitée par la compagnie SGTM, ne dessert actuellement que les Comores, avec environ 350 escales par an. Cependant, des discussions sont en cours pour développer une nouvelle ligne à destination de Nosy Bé à Madagascar, ce qui élargirait l’offre de transport maritime dans la région.

Les reconduites aux frontières, organisées par l’État, font l’objet d’une rémunération versée à la compagnie SGTM. Cette prestation est encadrée par un marché public, qui fixe un prix révisable chaque année. En 2023, ce prix s’élevait à 283 euros par passager reconduit, pour un coût global estimé à environ 7 millions d’euros par an pour l’État. Cette somme est d’autant plus coûteuse que les personnes reconduites aux Comores essaient généralement (souvent avec succès) de revenir sur le territoire français quelques jours plus tard, conduisant à de nouvelles interceptions et de nouveaux renvois, coûteux pour nos finances publiques.

Cet argent pourrait être utilement investi ailleurs. La gare maritime souffre en effet de vétusté, les agents des douanes, de la police aux frontières (PAF) et de l’agence régionale de santé (ARS) travaillant encore dans des bâtiments préfabriqués, qualifiés de « provisoires » depuis de nombreuses années. À court terme, des améliorations sont prévues avec l’installation de scanners à rayons X pour faciliter le travail des douanes, mais des rénovations plus importantes sont nécessaires pour améliorer les conditions de travail des agents. Un projet, porté par le Conseil départemental et l’État, et financé en partie par l’argent de la France que certains aiment appeler « fonds européens », a été chiffré à 6 millions d’euros. Les autorités locales espèrent voir les travaux débuter en 2025.

B.   Un territoire menacé par une immigration massive

Si les départements et collectivités d’outre-mer présentent, en raison de leur relative prospérité économique au regard de leur environnement régional, une attractivité migratoire importante, Mayotte se « distingue tout particulièrement par des flux entrants importants au regard de [sa] population » ([9]).

La spécificité et l’intensité du défi migratoire auquel Mayotte est confrontée sont abondamment documentées par des rapports, notamment parlementaires, parus depuis une vingtaine d’années. Un rapport de l’Assemblée nationale de 2006 ([10]) soulignait déjà que « l’ampleur de l’immigration clandestine à Mayotte, qui ne cesse de s’accentuer au fil des années au point de concerner un tiers de la population, met en danger la cohésion sociale de l’île et constitue une menace pour la métropole, dans la mesure où elle constitue un terrain favorable à l’arrivée du fondamentalisme musulman ». Le problème n’est donc pas nouveau, mais il connaît une ampleur dramatique depuis plusieurs années sans qu’aucun des gouvernements successifs n’entreprenne de véritables mesures pour y remédier.

Ces migrations sont multifactorielles : perspective d’accès à la nationalité française via le « droit du sol » et au séjour pour les parents d’enfants français, aux soins, à la scolarisation pour les enfants, ou encore perspectives économiques dans la mesure où une économie informelle locale est développée à Mayotte. Initialement d’origine comorienne, l’immigration clandestine évolue depuis plusieurs années, Mayotte étant désormais confrontée à des étrangers en provenance d’Afrique des Grands Lacs, qu’il est plus difficile de reconduire.

La lutte contre l’immigration irrégulière met en lumière le manque flagrant d’investissement, de stratégie et de courage de l’État pour mettre un terme à ce phénomène qui pèse sur les seules épaules de nos compatriotes mahorais.

1.   Un territoire en proie depuis plusieurs dizaines d’années à des arrivées migratoires massives, principalement issues des Comores

a.   Une immigration principalement issue des Comores

Mayotte attire principalement des ressortissants des Comores. Cet état de fait peut s’expliquer par trois facteurs :

une proximité géographique, les Comores n’étant situées qu’à 70 kilomètres de Mayotte. La distance qui sépare les deux territoires peut être parcourue par la mer, surtout la nuit, via des « kwassas-kwassas », petites embarcations dotées d’un moteur ;

un contexte géopolitique, lié à l’absence de reconnaissance de l’appartenance de Mayotte à la France par les Comores, mais aussi aux liens historiques, culturels et familiaux existant entre Mayotte et les Comores ;

un important écart de développement économique : le produit intérieur brut (PIB) par habitant s’élève à Mayotte à 9 000 euros, contre 703 euros aux Comores ([11]).

La nationalité comorienne représente ainsi 87 % de la population étrangère de l’île ([12]). Parmi les 42 128 étrangers en situation régulière, on compte 36 628 personnes de nationalité comorienne ([13]). En 2021 et 2022, 57,6 % et 53 % des primo-délivrances de titres de séjour ont concerné des personnes de nationalité comorienne. La deuxième nationalité, malgache, représente sur les mêmes années 12,2 % et 9,5 % des primo-délivrances.

Parmi les Comoriens présents dans le département de Mayotte, l’INSEE ([14]) relève que les personnes nées à Anjouan, l’île des Comores la plus proche de Mayotte, sont majoritaires et bien plus nombreux que les natifs des îles plus éloignées (Grande Comore ou Mohéli).

L’immigration clandestine suit cette même tendance : selon les chiffres communiqués à votre rapporteur par la Marine nationale, 85 % des personnes interpellées se trouvant en situation irrégulière sont comoriennes.

Recommandation n° 5 : instaurer une diplomatie plus ferme avec les Comores en matière de lutte contre les trafics et l’immigration clandestine

b.   De plus en plus d’étrangers issus de Madagascar et de la région des Grands Lacs

De plus en plus, les flux migratoires proviennent de Madagascar et des pays africains des Grands Lacs (Burundi, République démocratique du Congo, Ouganda et Rwanda). Ainsi, parmi les 42 128 étrangers présents régulièrement sur le territoire mahorais, on compte, outre les 36 628 Comoriens, 3 511 Malgaches et 746 congolais ([15]).

Cette évolution se ressent également en matière d’immigration clandestine : 60 étrangers en situation irrégulière en provenance de l’Afrique des Grands Lacs avaient été reconduits en 2023, contre 180 entre le 1er janvier 2024 et la fin du mois de septembre. Cette situation traduit deux phénomènes : un accroissement du flux en provenance de cette région du monde d’une part, et une plus grande efficacité des services de l’État en matière de reconduite aux frontières d’autre part. Cette réalité est toutefois à nuancer : si l’État semble arriver aujourd’hui plus facilement à expulser les étrangers en situation irrégulière en provenance du Congo, il n’en est hélas pas de même pour d’autres pays, peu coopératifs pour réadmettre leurs ressortissants.

La France doit faire preuve de davantage de fermeté dans sa politique migratoire. Votre rapporteur préconise ainsi de conditionner la délivrance de titres de séjour vers Mayotte à la conclusion d’un accord de coopération avec les autorités des pays tiers en matière de reprise de leurs ressortissants en situation irrégulière.

Recommandation n° 6 : conditionner la délivrance des visas pour se rendre à Mayotte à l’acceptation par les pays tiers de la reprise de leurs ressortissants en situation irrégulière

Votre rapporteur s’inquiète tout particulièrement de la présence, encore faible mais en augmentation, de ressortissants d’origine somalienne à Mayotte. Leur présence sur le territoire se traduit en effet par un risque d’importation d’une pratique radicale de l’islam, à l’opposé de la pratique religieuse des Mahorais respectueuse des valeurs de la République. Il s’agit là d’un point de vigilance particulièrement sensible sur lequel les pouvoirs publics doivent porter leur attention.

2.   Une forte présence migratoire irrégulière que la puissance publique peine à juguler faute de moyens adaptés

Mayotte est la collectivité française la plus touchée par l’immigration irrégulière et qui subit depuis plusieurs années une diversification croissante de flux entrants d’immigration irrégulière rendant plus complexes les reconduites à la frontière.

Pour autant, les moyens mobilisés par l’État pour réguler l’immigration clandestine ne sont pas à la hauteur des enjeux, malgré la détermination et le grand professionnalisme des fonctionnaires et militaires qui s’y consacrent, et que votre rapporteur tient ici à saluer.

Afin de lutter contre l’immigration irrégulière par voie maritime en provenance des Comores, la Police nationale et la Gendarmerie maritime disposent de moyens pluriels : des bateaux pneumatiques semi-rigides (4 pour la Gendarmerie et 5 pour la Police nationale, dits « intercepteurs ») et 4 radars qui détectent la présence et déterminent la position des « kwassas », ainsi qu’un hélicoptère. Ces capacités de détection sont mises en œuvre par le poste de commandement de l’action de l’État en mer.

Ces moyens ont permis une amélioration de la détection et de l’interception des « kwassas-kwassas ». Au total, le nombre d’étrangers en situation irrégulière interpellés par ce biais est passé de 2 619 à 8 669 entre 2018 et 2023, selon les éléments transmis par la Marine nationale. Toutefois, il ressort des entretiens menés par votre rapporteur que ces matériels ne sont aujourd’hui plus adaptés et encourent à tout moment une panne préjudiciable à la mission de lutte contre l’immigration clandestine :

– d’une part, les intercepteurs sont en nombre tout à fait insuffisant pour couvrir l’ensemble du territoire de Mayotte. Pour permettre le « rideau de fer », promis par l’ancien ministre de l’Intérieur, il en faudrait au moins le double. Surtout, ces intercepteurs fonctionnent en continu, ce qui n’est pas prévu par le constructeur. Les moteurs font ainsi l’objet d’une obsolescence prématurée qui nécessite un entretien renforcé ;

– d’autre part, les radars installés sur l’île sont vieillissants. Installés depuis 2006, ils sont aujourd’hui vétustes, et parviennent plus difficilement à « capter » certains bateaux rapides, plus loin des côtes. Ils sont toujours utiles, mais leur technologie est partiellement obsolète. Malgré les engagements de l’ancien Ministre de l’Intérieur, aucun engagement financier pérenne n’a été pris pour procéder à leur remplacement dans des délais brefs, alors même que ces radars peuvent tomber en panne à tout moment et qu’ils ne couvrent pas l’ensemble des côtes de l’île.

La mission de lutte contre l’immigration clandestine doit être la première des priorités de l’État à Mayotte. Les moyens pour y parvenir ne doivent pas seulement être revus à la hausse, ils doivent être considérablement augmentés afin de doter les personnels d’un matériel efficace pour mener cette mission.

 

Recommandation n° 7 : accroître significativement et sans délai les moyens consacrés à la mission de lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, en permettant notamment le doublement de la flotte d’intercepteurs et l’acquisition de nouveaux radars de détection, couvrant la totalité de côtes

Recommandation n° 8 : disposer un patrouilleur de la marine nationale dans les eaux internationales pour mieux lutter contre l'immigration clandestine

Mayotte dispose d’un CRA de 136 places (dont 64 places pour les femmes et les familles), situé à Pamandzi. Au cours de l’année 2023, la durée moyenne de rétention des étrangers au CRA de Mayotte était inférieure à une journée, du fait de procédures de renvoi particulièrement efficaces vers les Comores. Toutefois, pour faire face à un accroissement de son activité, un second CRA, d’une capacité de 100 à 140 places, devrait être érigé à Grande-Terre en 2027.

Il convient d’ajouter aux capacités du CRA celles des locaux de rétention administrative (LRA). Entre 2020 et 2023, des LRA étaient ouverts par arrêté préfectoral et 114 places en LRA étaient à disposition de la préfecture. Depuis juin 2023, 3 LRA sont activés en permanence, représentant 114 places.

Si votre rapporteur ne peut que se féliciter de ce projet, qui est attendu par les personnels de la PAF et va dans la bonne direction, il s’inquiète néanmoins des conditions de travail particulièrement difficiles de certains agents. Le groupe d’appui opérationnel (GAO) du CRA, chargé de l’interpellation des personnes clandestines, est particulièrement éprouvé : depuis le début de l’année, 40 agents, sur les 70 effectifs que compte la PAF, ont été blessés au cours de leur mission.

 

 

 

D’une manière plus générale, les agents du CRA rencontrés par votre rapporteur lui ont fait part d’un changement en cours particulièrement inquiétants : les nouveaux arrivants au CRA, en provenance de l’Afrique des Grands Lacs, collaborent moins avec les forces de l’ordre que les ressortissants malgaches ou comoriens et sont plus agressifs. Ils ne veulent pas simplement « gagner de l’argent » puis repartir dans leur pays d’origine, mais généralement souhaitent au contraire s’installer en métropole. Le risque lié à l’importation d’un islam rigoriste a lui aussi été souligné une nouvelle fois au cours de cette visite.

3.   Des flux migratoires ayant des conséquences profondes sur la démographie de Mayotte

a.   Une population particulièrement jeune et à la croissance dynamique, portée par les naissances des mères d’origine étrangère

La croissance démographique de Mayotte est considérée par l’Insee comme « exceptionnelle » : sa population a doublé en vingt ans et été multipliée par quatre depuis 1958, avec une accélération marquée de la poussée démographique depuis 2012. Le territoire connaît une densité de population exceptionnelle, avec 829 habitants par km², parmi les plus élevées de France.

● En 1958, la population mahoraise comptait un peu plus de 23 000 personnes, contre 321 000 au 1er janvier 2024.

La population de Mayotte depuis 1958 et les taux de variation annuels moyens (en % par an)

Source : INSEE, Recensements de la population, Estimation pour 2024.

Elle a quadruplé entre 1985 et 2017, passant de plus de 67 000 habitants à 256 500 en 42 ans. Après une atténuation de la croissance démographique jusqu’en 2012, celle-ci a atteint en moyenne 3,8 % par an de 2012 à 2017, soit une croissance largement supérieure à celle qu’a connue la France métropolitaine. Au 1er janvier 2024, la population est évaluée par l’INSEE à 321 000 personnes (un chiffre clairement sous-estimé).

 

Cette croissance de la population est principalement portée par un excédent des naissances sur les décès. En 2022, les femmes avaient en moyenne 4,7 enfants à Mayotte, soit plus du double de la moyenne observée en France métropolitaine. Mayotte enregistre en moyenne 7 700 habitants supplémentaires chaque année selon les données officielles.

Le nombre d’enfants par femme n’est pas le même, selon que mère est native ou non de Mayotte. Comme le relevaient les auteurs d’une étude de l’Insee relative à la population de Mayotte à l’horizon 2050, « la croissance démographique à Mayotte repose sur le dynamisme des naissances. Or celles-ci sont portées pour les trois quarts par les mères nées à l’étranger. Elles ont une fécondité deux fois plus élevée que les mères natives de Mayotte : leur indicateur conjoncturel de fécondité est de 6,0 enfants par femme en 2017 contre 3,5 pour les femmes natives de Mayotte. » L’étude conclut ainsi que l’évolution de la population mahoraise dépendra donc en grande partie des scénarios migratoires (voir infra).

Naissances domiciliées à Mayotte selon la nationalité de la mère

Source : INSEE, statistiques de l’état civil

La population mahoraise est très jeune : l’âge moyen est de 23 ans et l’âge médian de 17,5 ans. Il est respectivement de 42,6 ans et 41,6 ans en 2024 en France métropolitaine, selon l’INSEE.


● Un habitant sur deux n’est pas né à Mayotte

 Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques (INED) parue en 2018, plus d’un habitant sur deux n’est pas né à Mayotte. Dans le détail, les démographes pointent deux faits :

– d’une part, la contribution à la natalité des mères étrangères progresse continuellement entre 2013 et 2017 (années de référence de l’étude). Ainsi, « après une période de relative stabilité jusqu’en 2013 (environ 7 000 naissances annuelles entre 2007 et 2013), la natalité ne cesse d’y progresser, avec une contribution grandissante des mères étrangères (74 % en 2017), Comoriennes pour la plupart (69 %). Quant aux pères, ils sont pour une moitié Français et pour l’autre, étrangers, le plus souvent Comoriens. » Ainsi, l’étude de l’INED précise que près des trois-quarts des naissances se font par une mère comorienne ;

– d’autre part, l’étude révèle que 42 % des naissances sont issues de deux parents étrangers. Or, comme le révèlent les auteurs, il s’agit d’un « résultat d’importance, car ces enfants seront les premiers susceptibles d’être concernés par les nouvelles dispositions du code de la nationalité introduites en 2017 ([16]) et qui révisent le « droit du sol » : elles imposent en effet que pour en bénéficier un enfant né à Mayotte ait – au jour de sa naissance – au moins un de ses parents qui réside de manière régulière depuis plus de trois mois sur le territoire de Mayotte. »

En 1985, seuls 12 % de la population de Mayotte n’étaient pas natifs de l’île. Cette part représente désormais 55 % de la population. Par ailleurs, votre rapporteur observe qu’à ce phénomène s’ajoute aussi celui des reconnaissances frauduleuses de paternité que connaissent les états civils à Mayotte : il s’agit, le plus souvent, de pères mahorais déclarant un enfant étranger sans en être le géniteur en échange d’une somme d’argent, permettant ainsi à l’enfant d’acquérir frauduleusement la nationalité française par le droit du sol.

b.   Jusqu’à 760 000 personnes pourraient habiter sur Mayotte d’ici 2050 en cas de maintien des flux migratoires actuels

À l’horizon 2050, selon l’INSEE, la population de Mayotte continuera d’augmenter. L’Institut prévoit ainsi une population comprise entre 440 000 et 760 000 personnes, qui varie en fonction de trois hypothèses de migration, l’immigration étant le principal moteur démographique sur le territoire. Une prévision inquiétante qui rendrait la situation irréversible.


L’évolution de la population de Mayotte à l’horizon 2050 selon trois scénarios de projection

 

Source : Insee, Recensements de population, Omphale

● Une première hypothèse repose sur le maintien des flux migratoires observés entre 2012 et 2017, marqués par un solde migratoire positif (+ 1 100 personnes par an).

Un tel scénario conduirait à un triplement de la population mahoraise par rapport à son niveau de 2017, pour atteindre 760 000 habitants, soit une augmentation moyenne de la population de 3,3 % par an. La densité de population atteindrait les 2 000 habitants/km², faisant de Mayotte le département le plus densément peuplé de France, après Paris et la petite couronne parisienne.

Toutefois, comme le rappellent les auteurs de l’étude, « actuellement, la quasi-totalité des logements de Mayotte sont des maisons individuelles. Cette projection purement démographique n’aurait donc de sens que dans un scénario d’évolution radicale de l’aménagement du territoire mahorais. »

● Deux autres scenarii, basés sur une réduction des flux migratoires, conduisent à une augmentation plus réduite de la population mahoraise

Si Mayotte connaissait un solde migratoire nul, c’est-à-dire un nombre d’arrivées équivalent au nombre de départs de l’île, Mayotte compterait 530 000 habitants en 2050, soit un doublement de sa population de 2017.

Dans ce scénario, une baisse du nombre d’arrivées de jeunes femmes étrangères entraînerait une baisse de la fécondité par femme, qui se stabiliserait à hauteur de 3,1 enfants par femme en 2030. En 2050, il y aurait deux fois moins de naissances à Mayotte que dans le scénario basé sur un maintien des flux migratoires.

 

Enfin, sous l’empire du troisième scénario envisagé par l’INSEE, le solde migratoire de Mayotte serait déficitaire, comme il l’était entre 2007 et 2012, c’est-à-dire à hauteur de 1 600 personnes par an.

440 000 habitants peupleraient l’île en 2050, soit 180 000 de plus qu’en 2017. L’INSEE rappelle toutefois que « même dans ce scénario de déficit migratoire, le rythme de croissance de la population serait beaucoup plus important que la moyenne nationale. Mais une telle évolution prolongerait la tendance au ralentissement constatée depuis 1985, interrompue par la période de rebond de 2012-2017. »

L’évolution migratoire rapide, et la proportion grandissante de personnes d’origine étrangère parmi la population mahoraise, bouleverse cette société et pose d’importants problèmes d’intégration dans la République, mais également plus prosaïquement soulève la question de la capacité d’absorption de cet afflux de population étrangère par les services publics. Votre rapporteur constate que cet accroissement rapide de la population à Mayotte, dans des proportions sans équivalent sur le reste du territoire français, nuit au développement de l’île (voir infra) et appelle dès lors à mobiliser tous les moyens nécessaires pour contenir la pression migratoire, et donc démographique.

C.   Le droit du sol et l’existence de titres de séjour territoriaux encouragent cette pression migratoire

1.   Le « droit du sol » : une incitation à l’immigration qui doit être abolie

a.   Le régime juridique relatif à l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence

Juridiquement, il convient de distinguer les modalités dites d’attribution de la nationalité, qui intervient à la naissance, des modalités dites d’acquisition de celle-ci, qui intervient au cours de la vie. Il existe plusieurs modalités d’acquisition de la nationalité française : à raison du mariage, de la naissance et de la résidence en France, etc.

La dénomination largement utilisée dite du « droit du sol ‘simple’ » renvoie à des mécanismes d’acquisition différée de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers, et faisant état d’une résidence habituelle en France. Cette tradition française à l’œuvre depuis 1804 prévoit que la naissance sur le territoire français, lorsqu’elle est doublée d’une durée de résidence sur le territoire national significative, conduit à l’acquisition de la nationalité française.

Plusieurs modalités d’accès à la nationalité sont prévues par le droit :

l’enfant né en France de parents étrangers acquiert de plein droit la nationalité française à sa majorité, si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans (article 21-7 du code civil) ;

l’enfant né en France peut, à partir de l’âge de 16 ans, réclamer la nationalité française par déclaration ([17]) si, au moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans (article 21-11 du même code).

Dans les mêmes conditions qu’à l’alinéa précédent, la nationalité peut être réclamée au nom de l’enfant né en France mineur à partir de l’âge de treize ans, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l’âge de huit ans (article 21-11 du même code).

conditions d’acquisition de la nationalité française par naissance et résidence

Article du code civil

Âge d’acquisition

Conditions

Modalité

Article 21-7

Majorité

Né en France et si à la majorité, a en France sa résidence et a eu en France sa résidence habituelle pendant une période continue ou discontinue d’au moins 5 ans, depuis l’âge de 11 ans

De plein droit

Article 21-11 (premier alinéa)

À partir de l’âge de 16 ans

Né en France et, au moment de la déclaration, a en France sa résidence et a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins 5 ans, depuis l’âge de 11 ans

Par réclamation

Article 21-11 (second alinéa)

À partir de l’âge de 13 ans

Né en France et, au moment de la déclaration, a en France sa résidence et a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins 5 ans, depuis l’âge de 8 ans

Par réclamation

Il convient d’ajouter à ce « droit du sol simple » un mécanisme usuellement appelé « double droit du sol » codifié à l’article 19-3 du code civil, qui prévoit qu’est français l’enfant né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né ([18]). Il s’agit dès lors non d’une modalité d’acquisition de la nationalité française mais d’une modalité d’attribution de celle-ci.


b.   Les spécificités déjà prévues pour Mayotte

En raison du contexte très particulier existant à Mayotte, les règles d’acquisition de la nationalité y ont été adaptées. Le département de Mayotte relève en effet de l’article 73 de la Constitution. Il ressort de cet article que les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Si le troisième alinéa de cet article dispose « par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire », l’alinéa suivant exclut explicitement la nationalité du champ de cette dérogation.

Le législateur a pu dès lors adapter, dans une certaine mesure, la législation relative à l’acquisition de la nationalité à Mayotte. Les dispositions relatives au droit du sol dans ce département ont ainsi été modifiées par l’article 16 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Cette loi prévoit une condition supplémentaire relative à la régularité du séjour de l’un des parents au moins au moment de la naissance de l’enfant sur le sol français. En effet, il résulte désormais de l’article 2493 du code civil, modifié par cette loi, que les articles 21-7 et 21-11 du même code ne sont applicables à Mayotte que si, à la date de sa naissance, l’un des parents au moins de l’enfant réside en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois ([19]). Néanmoins, les fausses déclarations de paternité viennent minorer la portée de cette mesure, quoi qu’il en soit insuffisante même sans être contournée.

Le Conseil constitutionnel, saisi de cette loi ([20]), a jugé ces dispositions conformes à la Constitution. Il a rappelé dans un premier temps la situation singulière de Mayotte, qui comporte une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé et croissant d’enfants nés de parents étrangers ; il a jugé que ces circonstances étaient des « caractéristiques et contraintes particulières de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, d’y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ». Dans un second temps, il a considéré que l’adaptation se bornait à modifier certaines conditions d’exercice du droit à l’acquisition de la nationalité française et que, en tant qu’elles étaient applicables à l’ensemble des enfants nés à Mayotte de parents étrangers quelle que soit la nationalité de ces derniers ou leur origine géographique, elles étaient proportionnées, adaptées et insusceptibles de constituer une discrimination.

c.   L’impérieuse nécessité de supprimer le droit du sol

En 2021, le Gouvernement a souhaité présenter un projet de loi relatif au développement accéléré de Mayotte et portant dispositions diverses sur la Guyane. Son article 1er avait pour objet d’allonger la durée de résidence du parent requise pour bénéficier des dispositions des articles 21-7 et 21-11 du code civil de trois à mois à un an. L’avant-projet de loi a néanmoins reçu un avis défavorable du conseil départemental de Mayotte le 13 janvier 2022. Le Gouvernement l’a alors abandonné.

Deux propositions de loi constitutionnelle, l’une déposée au Sénat ([21]), l’autre à l’Assemblée nationale ([22]), comportaient également un article prévoyant la création d’un article 73-1 dans la Constitution, en application duquel « Les personnes nées à Mayotte de parents étrangers ne peuvent acquérir la nationalité française que si la République en décide à leur majorité, dans des conditions fixées par la loi », sans que celles-ci n’aient été votées par le Parlement.

Votre rapporteur estime impératif de ne plus tergiverser et d’aller au bout de la logique poursuivie timidement par le précédent Gouvernement dans la dernière loi consacrée à l’immigration, en abolissant définitivement le droit du sol à Mayotte, comme l’a constamment défendu le Rassemblement National. Cette disposition constitue en effet une incitation à l’immigration et un appel d’air qui fragilise la politique migratoire de la France. C’est pour cette même raison que le Rassemblement National estime d’ailleurs que le droit du sol devrait être supprimé sur l’ensemble du territoire national.

Recommandation n° 9 : abolir le droit du sol sur l’ensemble du territoire français, et a minima sur Mayotte

Recommandation n° 10 : rétablir le délit de séjour irrégulier et interdire toute naturalisation d’une personne s’étant rendue coupable de ce délit


2.   Les titres de séjour à validité territoriale font peser l’immigration illégale comorienne et africaine sur la seule population mahoraise

L’accès aux autres départements français de l’étranger titulaire d’un titre de séjour délivré à Mayotte est subordonné à l’obtention d’une autorisation spéciale. En effet, il résulte du contexte migratoire spécifique de Mayotte que les titres de séjours délivrés à Mayotte sont revêtus d’une portée territoriale limitée, afin de limiter les déplacements vers les autres territoires français.

Il résulte de l’article L. 441-8 du CESEDA que les titres de séjour délivrés par le représentant de l’État à Mayotte n’autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte. Plusieurs titres ne sont néanmoins pas soumis à cette disposition, parmi lesquels : les réfugiés et les titulaires d’un passeport talent. Ce dispositif a été mis en place pour contenir l’immigration légale sur ce territoire, limitant ainsi l’accès à l’hexagone et aux autres départements et territoires d’outre-mer. Cependant, cette spécificité crée une impasse pour les personnes en situation régulière à Mayotte, qui se retrouvent confinées sur l'île sans possibilité de mobilité ailleurs en France.

Votre rapporteur entend ces difficultés, mais il relève également que la suppression pure et simple du titre de séjour territorialisé comme réclamée par certains pourrait avoir des conséquences aujourd’hui non maîtrisables pour le reste du territoire français. Elle ouvrirait une nouvelle voie d’immigration légale vers la métropole en utilisant Mayotte comme plateforme de transfert. À ce stade de ses réflexions, il n’en recommande donc pas la suppression.

II.   Des conséquences dramatiques sur l’ensemble des politiques et services publics

La crise migratoire qui frappe Mayotte ne se contente pas d’accroître la pression démographique sur l’île ; elle a également des répercussions profondes sur l’ensemble des politiques et services publics. L’insécurité que subissent les Mahorais, principalement liée à une délinquance du quotidien omniprésente, mobilise pleinement les forces de l’ordre. À Mayotte comme ailleurs en France, un lien direct est à tisser entre l’immigration illégale massive et l’insécurité que subit ce territoire de la République.

L’impact de l’immigration sur les infrastructures hospitalières est tout aussi préoccupant : le centre hospitalier de Mayotte (CHM), qui concentre l’essentiel des capacités sanitaires de l’île, est largement saturé. Cette situation est aggravée par une demande de soins en constante augmentation, liée en partie à l’afflux de personnes migrantes en situation irrégulière, souvent dans des conditions de santé précaires. Les Mahorais disent d’ailleurs du CHM qu’il est “l’hôpital des étrangers”.

 

     

Le système éducatif mahorais est également sous tension, avec des classes surchargées et des écoles qui peinent à accueillir tous les élèves dans de bonnes conditions. Le manque de ressources et de personnels enseignants compromet la qualité de l’enseignement, affectant durablement l’avenir des jeunes générations sur l’île.

Enfin, les infrastructures de l’île, déjà fragiles, sont elles aussi confrontées à cette pression démographique. Le développement de l’habitat illégal, notamment sous forme de « bangas », reflète l’incapacité des autorités à répondre aux besoins en logements décents. Ces constructions précaires se multiplient dans des zones non viabilisées, posant de graves problèmes d’urbanisme et de salubrité. La crise de l’eau, survenue récemment, et dont les stigmates se poursuivent aujourd’hui, illustre également les conséquences d’une démographie incontrôlée sur les ressources naturelles de l’île. La demande en eau, qui a fortement augmenté en raison de la croissance de la population, a contribué à l’épuisement rapide des ressources et à l’instauration de coupures régulières d’eau, ôtant à des centaines de milliers de personnes l’accès à cette ressource vitale.

 

A.   Une insécurité endémique qu’il est urgent d’endiguer

1.   La délinquance du quotidien transforme la vie des habitants en un enfer

Le territoire de Mayotte est marqué par une forte délinquance de subsistance, exacerbée par un contexte socio-économique fragile. Sur les neuf premiers mois de l’année 2024, 5 000 faits de délinquance ont été constatés dans la zone police de Mayotte, selon les estimations transmises par la direction territoire de la police nationale (DTPN) à votre rapporteur à l’occasion de son déplacement.

La particularité de la délinquance mahoraise réside dans sa dimension d’appropriation et de conflit territorial entre bandes rivales, qui s’affrontent par l’intermédiaire d’armes par destination et de chiens, élevés dans des conditions parfois indignes. Cette violence territoriale prend quotidiennement la forme de « caillassages » ciblant les bus scolaires et de scènes de violences autour des établissements, principalement durant les moments de transport vers et à la sortie des écoles (de 4h30 à 7h, vers midi puis de 15h à 18h). Ces incidents perturbent profondément le quotidien des habitants et mobilisent les forces de l’ordre qui se positionnent chaque jour préventivement sur des axes stratégiques afin de limiter les conflits. Entre la dernière rentrée scolaire et la fin du mois de septembre 2024, plus de 90 mineurs ont été interpellés pour de tels faits par les fonctionnaires de police.

Un autre phénomène récurrent sur l’île est celui des blocages de route, permettant l’immobilisation et le pillage des véhicules par les bandes positionnées sur le barrage. Mayotte connaît en outre d’intenses épisodes de ralentissements sur les axes de circulation routière empruntables, qui s’avèrent de fait régulièrement saturés – si bien qu’un Mahorais habitant le Nord de l’île et travaillant au Sud doit prévoir plusieurs heures de trajet, pour seulement quelques dizaines de kilomètres à parcourir. Les Mahorais craignent cette situation, qui rend leur véhicule particulièrement vulnérable.

Si Mayotte ne connaît pas de criminalité organisée telle que celle des grandes métropoles (hormis les filières migratoires), il est à noter l’émergence récente d’un trafic de résine de cannabis via la poste, par conteneurs ou à bord des « kwassas-kwassas ».

D’une manière plus générale et diffuse, la société mahoraise éprouve un fort sentiment d’insécurité. Une fois la nuit tombée, nombreux Mahorais ne sortent plus de chez eux par crainte d’être confrontés à des délinquants, à qui l’espace public semble ainsi appartenir tous les soirs. Si Mayotte abrite des plages magnifiques, certaines d’entre elles ne sont plus recommandées, ou uniquement en groupes, afin d’éviter les agressions à la machette dont certains délinquants ont fait leur spécialité.

Pour faire face à cette délinquance, les forces de la police nationale sous la direction du DTPN comptent désormais 800 personnels, un effectif ayant doublé en quatre ans. Ce chiffre inclut 760 agents actifs opérant au sein des différentes unités (police aux frontières, police judiciaire, sécurité publique, renseignement territorial), ainsi qu’une quarantaine d’agents administratifs. Tous travaillent dans des conditions particulièrement difficiles et dégradées.

2.   Des infrastructures et moyens insuffisants pour juguler l’insécurité

a.   Des conditions de travail dégradées pour nos forces de l’ordre

Les conditions de travail des policiers à Mayotte sont rendues particulièrement difficiles, en raison aussi de l’usure rapide des équipements. Les véhicules de service sont souvent dégradés en quelques semaines, en particulier du fait des « caillassages » qu’ils subissent au quotidien, et beaucoup ne sont pas ou plus équipés de climatisation, pourtant indispensable en raison de la chaleur. Par ailleurs, il n’y a pas suffisamment de radios pour équiper les forces de l’ordre, ce qui compromet la sécurité des agents sur le terrain. Bien que les effectifs aient été renforcés, les ressources matérielles, notamment en véhicules et en armements, demeurent insuffisantes. Cette situation oblige les équipes à se relayer au commissariat, réduisant temporairement leur présence sur le terrain.

Les policiers sont également confrontés, comme le reste de la population mahoraise, au coût élevé de la vie sur l’île, notamment en matière de logement, ce qui complique leur installation sur l’île et leur fidélisation. Les loyers élevés, les embouteillages fréquents et la vie chère constituent autant d’obstacles qu’une politique d’attractivité des ressources humaines efficace devrait prendre en compte. Par ailleurs, les personnels administratifs et les policiers adjoints ne bénéficient pas des mêmes bonifications salariales que les autres policiers, ce qui accentue les difficultés pour ces deux catégories.

Recommandation n° 11 : revoir les dispositifs d’indemnisation des fonctionnaires de police en mobilité sur Mayotte afin de les rendre plus attractifs et les ouvrir aux personnels administratifs et policiers adjoints

La fidélisation des effectifs constitue un enjeu majeur pour la direction territoriale de la Police nationale (DTPN) à Mayotte. Les policiers, qu’il s’agisse de gardiens de la paix ou d’officiers, sont en poste pour une durée initiale de quatre ans, renouvelable une fois pour deux ans supplémentaires. Toutefois, la prolongation au-delà de cette période n’est accordée qu’à de rares exceptions, notamment en cas d’union ou de présence d’enfants avec une personne résidant localement, et uniquement à la demande de l’agent, qui sollicite alors auprès de sa hiérarchie une « fidélisation ». La rareté des « fidélisations » contraint les agents, même les plus motivés, à quitter l’île à l’issue des six années, alimentant une rotation constante des effectifs, qui pose un défi permanent en termes de recrutement pour la DTPN.

Recommandation n° 12 : généraliser et faciliter le dispositif de prolongation des postes des gardiens de la paix et des officiers sur Mayotte lorsque ceux-ci souhaitent s’y établir au-delà de la durée maximale de six ans

 Enfin, votre rapporteur estime nécessaire de créer, dans les outre-mer, des écoles de formations aux métiers de la sécurité. Ces écoles auront pour vocation de former les futurs gendarmes et policiers nationaux et municipaux afin d’inciter et de favoriser le recrutement de personnels ultramarins.

Recommandation n° 13 : créer des écoles de formations aux métiers de la sécurité dans les outre-mer, afin de favoriser le recrutement de Français d’outre-mer dans la gendarmerie, la police nationale et les polices municipales

b.   Le centre pénitentiaire de Majicavo, triplement saturé

Le centre de Majicavo, inauguré en 2014 après l’agrandissement de l’ancienne maison d’arrêt, compte 186 personnels, dont 118 surveillants pénitentiaires, chiffre qui a été porté à 133 au début de l’année 2024 grâce à l’arrivée de 15 agents supplémentaires.

Le centre pénitentiaire se classe parmi les établissements les plus saturés de France. Avec une capacité théorique de 278 places, il accueillait 640 détenus lors du déplacement de votre rapporteur sur place vendredi 27 septembre dernier – soit un taux d’occupation de 230 % – et a connu un pic de 678 prisonniers enregistré en début d’année 2024. La population carcérale est largement composée d’étrangers, représentant en moyenne 65 % des détenus. Parmi eux, la majorité sont des Comoriens, aux côtés de quelques ressortissants Malgaches, Congolais, Somaliens et Burundais.

Cette surpopulation a des conséquences concrètes sur les détenus, qui vivent à quatre, voire à cinq, dans des cellules conçues pour en accueillir deux. Elle en a également pour le personnel pénitentiaire, qui travaille dans un établissement particulièrement bruyant dont la conception architecturale laisse songeur. Surtout, cette situation n’est pas exempte de risques : au lendemain de la visite de votre rapporteur, le centre pénitentiaire a ainsi vécu une mutinerie et une prise d’otages de plusieurs heures, durant lesquelles une trentaine d’émeutiers avaient pris le contrôle du centre de détention pour les hommes, nécessitant une intervention du GIGN.

Situé sous une colline, le centre pénitentiaire de Majicavo subit régulièrement des tentatives de projection de denrées et de produits divers à destination des détenus. Si par le passé, ces projections concernaient des produits tels que des savons ou des mangues, ces dernières années ont vu une recrudescence de téléphones portables et de petites quantités de stupéfiants introduits dans l’établissement – les vidéos de la mutinerie et de la prise d’otages prises par les détenus ont d’ailleurs largement circulé sur les réseaux sociaux. En seulement quatre mois, les surveillants ont saisi 55 téléphones portables.

 

Pour diminuer la pression pesant sur le centre pénitentiaire, le ministre de la Justice de l’époque avait annoncé en 2022 la construction d’un nouvel établissement. Toutefois, deux ans plus tard, le terrain destiné à accueillir ce centre n’a toujours pas été identifié.

Pourtant, ce chantier n’a jamais été aussi urgent. Au lendemain de la mutinerie survenue au centre pénitentiaire, le directeur de l’établissement a annoncé publiquement et devant les caméras sa démission, souhaitant par son geste alerter les autorités sur les conditions insoutenables de travail des personnels et d’hébergement des détenus. Cette décision courageuse ne doit pas laisser indifférent. Votre rapporteur espère qu’elle mettra un terme aux tergiversations et poussera le Gouvernement à réagir pour faire face à la saturation et au manque d’infrastructures appropriés, alors que l’État n’offre aujourd’hui aucune perspective concrète quant à la construction d’un second centre pénitentiaire.

Recommandation n° 14 : lancer sans délai le chantier de construction du second établissement pénitentiaire


B.   L’École et la santé : deux services publics À bout de souffle qui subissent de plein fouet la pression migratoire

1.   Une école saturée et dans l’incapacité de répondre aux ambitions légitimes de la population mahoraise

Le développement du système éducatif à Mayotte est relativement récent : le premier lycée a ouvert en 1980 et les écoles maternelles en 1993.

En 1976, au début de la structuration du système éducatif, il y avait environ 3 000 élèves au sein des établissements scolaires. Lors de la rentrée scolaire de 2023, plus de 113 870 jeunes sont scolarisés à Mayotte (62 680 dans le 1er degré, 50 024 dans le 2nd degré, 1 170 en post-bac).

● L’école, victime collatérale de la pression migratoire

L’académie de Mayotte accueille aujourd’hui environ 115 000 élèves, un chiffre supérieur à celui de territoires tels que la Corse ou la Martinique, malgré la petite taille de son territoire. Parmi ces élèves, 54 000 sont inscrits au collège et au lycée, un nombre qui ne cesse d’augmenter sous l’effet d’une croissance démographique soutenue. Cette pression démographique place Mayotte face à un défi considérable : celui du bâti scolaire, c’est-à-dire la construction et la maintenance des infrastructures éducatives.

Dans le premier degré, la responsabilité de la construction et de l’entretien des écoles publiques revient aux communes. Dans le second degré, Mayotte fait exception au reste du territoire national, car l’État y a conservé la compétence exclusive en matière de construction et d’entretien des collèges et lycées.

À Mayotte, il est coutume de dire que la maternité voit la naissance d’une classe par jour. Selon les estimations fournies par la préfecture, au cours d’une table ronde tenue en la présence de votre rapporteur, il serait nécessaire d’ouvrir entre 1 000 et 1 200 classes supplémentaires d’ici à 2030 pour répondre à l’augmentation constante du nombre d’élèves scolarisés. Votre rapporteur ne méconnaît pas l’investissement de l’État en la matière – entre 2019 et 2023, un investissement de 417 millions d’euros a été mobilisé pour la construction d’infrastructures scolaires dans le secondaire. Cependant, cet effort, bien que substantiel, est principalement une réponse à la pression démographique que subit l’île, en raison d’afflux de Comoriens sur place.

Cette situation engendre un sentiment d’injustice chez les Mahorais, qui jugent que les sommes importantes investies dans les infrastructures scolaires bénéficient avant tout aux enfants des familles comoriennes en situation irrégulière, au détriment des jeunes Mahorais. Selon les données transmises par l’Éducation nationale lors de son déplacement, près de la moitié des élèves scolarisés à Mayotte seraient en situation irrégulière, avec des taux pouvant dépasser 80 % par endroits – c’est le cas à Koungou, où 80 % des parents ne sont pas en situation légale sur le territoire français.

La France s’oblige à scolariser l’ensemble des enfants se trouvant sur son territoire, quelle que soit leur situation administrative ou celle de leurs parents. Si cet idéal universel peut s’appliquer sur le reste de notre territoire, il est impossible à mettre en œuvre à Mayotte, où l’afflux massif de nouveaux élèves étrangers asphyxie le système éducatif, au détriment de l’ensemble des enfants mahorais et étrangers. Dès lors, votre rapporteur formule une recommandation « cadre », de laquelle découleront ensuite toutes les autres, qui se trouveront impossibles à mettre en œuvre autrement : il faut à tout prix cesser la scolarisation automatique des enfants étrangers sur Mayotte, afin de traiter dignement l’ensemble des enfants que l’Éducation nationale n’arrive aujourd’hui plus à prendre en charge correctement.

Recommandation n° 15 : mettre en place un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique sur Mayotte

● Des classes faussement dédoublées, faute de place

La réforme du dédoublement des classes de CP et CE1 en éducation prioritaire, mise en place progressivement depuis 2017 sur le territoire national (à la charge des communes), vise à améliorer la réussite des élèves en réduisant la taille des classes. Cependant, la mise en œuvre de cette réforme à Mayotte rencontre des obstacles spécifiques liés au manque d’infrastructures et de ressources.

À l’école de Majicavo-Lamir, où votre rapporteur s’est rendu, en l’absence de foncier disponible pour construire de nouvelles salles, la solution adoptée a consisté à doubler les effectifs d’enseignants et d’élèves dans la même salle de classe, avec deux groupes dos à dos. Cette configuration ne respecte pas l’esprit de la réforme, qui repose sur la réduction effective du nombre d’élèves par classe afin de faciliter un meilleur apprentissage. Au contraire, cette situation illustre un niveau de précarité inédit dans le système éducatif de Mayotte.

Recommandation n° 16 : assurer le respect du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les écoles publiques de Mayotte

Par ailleurs, la saturation des écoles conduit les établissements scolaires mahorais à adopter un fonctionnement atypique par roulements : ainsi, dans une même salle, une classe aura cours la matinée, tandis qu’une autre classe aura cours l’après-midi, ce qui permet à un établissement censé accueillir six classes d’en ouvrir douze. Cette solution de repli, qui vise à accueillir en urgence un nombre sans cesse plus élevé d’élèves mahorais, mais surtout étrangers, n’a rien d’évident pour les enfants, qui ne sont ainsi pas pris en charge par l’éducation nationale tout au long de la journée, comme c’est le cas ailleurs sur le territoire national.

● Des pénuries d’enseignants

Le manque d’enseignants à Mayotte est un problème récurrent, comme l’a constaté votre rapporteur à l’école maternelle et primaire Majicavo-Lamir, qui connaît des absences fréquentes dans certaines classes pendant parfois plusieurs semaines. Cette situation a été mieux anticipée cette année, bien que certaines classes étaient encore sans enseignant à la rentrée scolaire, notamment en raison de l’absence de contractuels recrutés pour pallier le manque de professeurs titulaires ([23]).

Cette pénurie a des conséquences concrètes pour les parents, en particulier d’enfants de petites et moyennes sections de maternelle : lorsqu’il n’y a pas de personnel pour encadrer les enfants le matin, ceux-ci doivent en effet rester chez eux, sous la garde de leur famille, car il y a très peu de crèches et de structures d’accueil à Mayotte.

L’absence d’enseignants dans les classes pose singulièrement, à Mayotte, la question de l’attractivité du métier, alors que les personnels de l’éducation nationale y travaillent dans des conditions dégradées. Des dispositifs existent d’ores et déjà, mais force est de constater qu’ils demeurent insuffisants pour attirer les enseignants. Comme les policiers, ils déplorent le coût de la vie plus élevé à Mayotte, le foncier plus rare et donc plus cher et ses répercussions sur les prix du logement, les problématiques sécuritaires rencontrées à Mayotte et également aux abords des établissements (voir infra) ainsi qu’une bonification de leur rémunération inférieure à Mayotte à ce qu’elle est à La Réunion.

Mayotte est d’ailleurs si peu attractif pour les enseignants fonctionnaires que les contractuels représentent une très large majorité des enseignants : ils sont 58 % en moyenne dans le second degré, et cette proportion peut atteindre 80 % dans certains établissements.

Votre rapporteur ne peut qu’appeler le Gouvernement à réétudier la question et à mobiliser les moyens nécessaires pour assurer la présence d’enseignants dans les classes à Mayotte.

Recommandation n° 17 : revoir les dispositifs d’indemnisation des enseignants fonctionnaires et contractuels de Mayotte afin de les rendre plus attractifs, a minima en les alignant avec les régimes indemnitaires applicables à La Réunion

Il préconise également la mise en place de concours locaux d’enseignants du premier degré.

Recommandation n° 18 : recruter de nouveaux enseignants du premier degré en mettant en place des concours locaux complémentaires

● L’absence de restauration scolaire, faute de moyens adéquats

Dans le premier degré, il n’existe pas de cantine scolaire à Mayotte, ce qui pose un véritable problème dès lors que le repas scolaire pourrait, pour certains élèves, être le seul vrai repas de la journée. En lieu et place, des collations sont proposées aux enfants durant la pause – prises en charge pour partie par l’État, les familles doivent payer environ 35 à 40 euros par enfant et par an – qui se composent généralement d’un fruit ou d’un jus, d’un produit laitier comme, et d’un morceau de pain ou d’un gâteau. Les produits servis sont, de l’avis des personnes rencontrées par votre rapporteur, trop sucrés ou trop salés, ne contribuant pas à une alimentation saine.

Dans le second degré, seuls deux lycées sont équipés d’une cantine scolaire, et la restauration scolaire est quasiment inexistante dans les autres établissements. Ce manque de services de restauration scolaire dans le système éducatif aggrave les difficultés des élèves, notamment issus de familles pauvres qui peinent à fournir des repas équilibrés à leurs enfants.

Recommandation n° 19 : établir un plan pluriannuel de programmation du renforcement de l’offre de restauration scolaire, dans le primaire et le secondaire afin de doter toutes les écoles, collèges et lycées de Mayotte d’une prestation de restauration scolaire

Une synergie entre la restauration collective de l’éducation nationale et l’agriculture mahoraise pourrait contribuer à soutenir le développement de l’agriculture à Mayotte, alors que les investissements pour soutenir la filière agricole sont insuffisants. Votre rapporteur a d’ailleurs eu l’occasion de visiter une exploitation agricole de volailles qui finalise la construction de ses nouveaux bâtiments d’élevage.

 

Il y a constaté que Mayotte est, comme le reste du territoire français, touché par une concurrence déloyale, avec l’importation de volailles en provenance de Pologne notamment. Par ailleurs, de grandes quantités de légumes entrés illégalement sur le territoire et cultivés avec des produits interdits en France sont en vente un peu partout dans le département (parfois en provenance de Chine). Plus globalement, le coût des denrées est plus élevé à Mayotte qu’en France hexagonale et les Mahorais peinent à manger suffisamment et avec des aliments de qualité - d’où l’intérêt de fournir un repas complet et équilibré aux jeunes mahorais dans les écoles de la République.

● Des transports scolaires régulièrement attaqués

D’un point de vue sécuritaire, votre rapporteur a été surpris, lors de ses visites des collèges Frédéric d’Achery et Nelson Mandela, de constater d’une part l’important dispositif de protection, composée de personnels de l’éducation nationale chargés de sécuriser les écoles, et de policiers aux abords des établissements scolaires, ainsi que les murs et dispositifs anti-intrusion dont bénéficient ces mêmes établissements qui ressemblent davantage à des prisons. Il tient à remercier les personnels pleinement mobilisés tous les jours de classe afin de permettre aux élèves d’accéder en toute sécurité à leur école.

Il ressort des entretiens menés par votre rapporteur que, si la violence au sein des établissements est contenue, elle est néanmoins très fréquente, voire quotidienne, en dehors des écoles, collèges et lycées, où des affrontements entre « bandes » rivales sont fréquents. Cibles privilégiées, les transports scolaires sont régulièrement caillassés – votre rapporteur en a été le témoin au cours de son séjour –, ce qui contribue à l’insécurité générale ressentie et vécue par les Mahorais.

Si l’école est un sanctuaire, il importe que les moyens qui permettent d’y accéder le soient également. Votre rapporteur préconise ainsi de renforcer la sécurité aux abords des établissements scolaires.

Recommandation n° 20 : développer des services publics de transports scolaires sûrs (bus notamment) et sécuriser les déplacements des enfants (et notamment, les violences dans les transports et aux abords des établissements)

Conséquence de l’ensemble de ces difficultés, le niveau des Mahorais à l’école est largement inférieur à celui des élèves de la France hexagonale. Si l’on se réfère aux tests de niveau mis en place par le Gouvernement depuis 2017, les jeunes mahorais accusent notamment de grosses lacunes en français et en mathématiques. En français, alors que le niveau moyen des élèves de sixième de France hexagonale est de 256,7 points, il n’est que de 189,2 points à Mayotte, qui se trouve ainsi au bas du classement national. Il en est de même en mathématiques (254,1 points en moyenne nationale, 183 sur Mayotte).

 Votre rapporteur recommande, d’une part, de renforcer les cours de français à l’école de la République et, d’autre part, d’en imposer également aux parents maîtrisant mal la langue nationale.

Recommandation n° 21 : renforcer les heures de français à l’école primaire et au collège à Mayotte

Recommandation n° 22 : mettre en place des cours de français obligatoires et gratuits pour les parents d’élèves ne maîtrisant pas ou mal notre langue

2.   La santé : un luxe désormais réservé aux Comoriens ?

● Un système de santé qui repose surtout sur le CHM

Le système de santé mahorais est d’abord et principalement structuré autour du centre hospitalier de Mayotte (CHM), situé à Mamoudzou. Votre rapporteur a eu l’occasion de le visiter en compagnie de la députée de la seconde circonscription de Mayotte, Anchya Bamana, qu’il remercie pour sa présence à ses côtés au cours de cette séquence et pour l’énergie que la parlementaire met au service de son territoire.

D’une capacité de 420 lits en médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), le CHM concentre toutes les capacités hospitalières du département et réalise l’essentiel des consultations et des soins de premier secours.

Selon un récent rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, ses capacités sont très faibles en comparaison de celles des hôpitaux métropolitains. Comme l’observaient les auteurs, « À part pour l’activité de maternité, le nombre de lits disponibles est bien en deçà des ratios moyens constatés au niveau hexagonal. Le différentiel de capacité rapporté à la population recensée est considérable en MCO, le nombre de lits représentant à peine 40 % de la moyenne hexagonale, avec 1,56 lit pour 1 000 habitants (…) En médecine, la capacité de Mayotte pour 1 000 habitants représente moins de 30 % de la moyenne hexagonale, un tiers pour ce qui est de la chirurgie. »


Les capacités hospitalières en mco À Mayotte et en métropole

 

Source : Rapport d’information n° 833 (2021-2022) de Mme Catherine DEROCHE, MM. Jean-Luc FICHET, Dominique THÉOPHILE et Mme Laurence COIN, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 juillet 2022

Quatre centres médicaux de référence (CMR) offrent une prise en charge médicale de premier secours et assurent une permanence 24 heures sur 24, les accouchements et l’accueil des suites de couches. Enfin, dix centres de consultation périphériques assurent les soins primaires (suivis des plaies, renouvellement de pansements, suivis de traitements) et les actions de prévention.

L’offre de soins de ville est insuffisante, Mayotte souffrant d’une faible densité médicale. Elle repose essentiellement sur quatre maisons de santé pluridisciplinaires labellisées et trois centres de santé de proximité, spécialisés en médecine générale, ophtalmologie et ORL. Lors d’une table ronde de votre rapporteur à laquelle participaient également des représentants de l’Agence régionale de santé, il lui a été indiqué qu’il faudrait dix fois plus de médecins pour parvenir à une couverture similaire à celle en métropole. Selon un récent rapport parlementaire, 390 professionnels de santé libéraux seulement exerçaient à Mayotte en 2021 ([24]).


Cartographie de l’offre de soin mahoraise

Source : Agence régionale de santé (ARS)

● À la maternité de Mamoudzou, les deux tiers des accouchements sont le fait de mères étrangères.

Chaque année, la maternité de Mamoudzou, considérée comme la plus grande d’Europe, réalise entre 7 000 et 8 000 accouchements, sur un total de 10 000 accouchements à l’échelle de l’île, avec un pourcentage élevé (70 %) de mères d’origine étrangère, principalement des Comoriennes. Toutefois, pour la première fois en sept ans, les services du CHM anticipent que le nombre de naissances passera en dessous des 10 000 en 2024. En dépit de cette activité intense, la maternité ne dispose que de six salles d’accouchement, alors qu’en France hexagonale, une maternité réalisant 4 000 accouchements en compte le double.

La maternité est par ailleurs confrontée à une pénurie de sages-femmes : alors qu’il faudrait 120 professionnelles pour assurer un fonctionnement dégradé et 170 pour un service optimal, l’établissement ne peut compter que sur 70 à 90 sages-femmes. Le problème de l’attractivité des postes est exacerbé par la prédominance des contrats courts et le recours à la réserve sanitaire, qui désavantage le recrutement de titulaires. De fait, seules 20 sages-femmes sur l’ensemble du service sont actuellement titulaires, les autres étant souvent des réservistes, ce qui représente un fardeau supplémentaire pour le personnel permanent qui doit les former.

Cette situation n’est pas sans conséquences sur l’aide sociale à l’enfance (ASE). Votre rapporteur a en effet eu l’occasion de rencontrer le directeur de l’ASE ainsi que plusieurs travailleurs sociaux au cours de son déplacement à Mayotte. Force est de constater que la démographie exceptionnelle du département, liée de fait à l’immigration irrégulière, fragilise l’action sociale, dont les structures se trouvent aujourd’hui en état de saturation.


● Un service de traitement des urgences à bout de souffle

Les services d’urgence du CHM sont en situation critique. Il faudrait un effectif de 30 urgentistes pour assurer un fonctionnement normal, mais seulement 15 postes sont budgétisés, et seuls trois sont pourvus. Lors de la visite de votre rapporteur, le service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) était d’ailleurs fermé depuis plus d’un mois en raison de la pénurie de médecins. La situation est aggravée par l’absence de médecins régulateurs au centre 15 au point qu’il soit arrivé, à deux reprises, que le directeur de l’ARS - également médecin urgentiste de métier - y ait travaillé pour des régulations de douze heures.

Repenser le système de la réserve sanitaire – qui constitue à la fois un renfort inestimable et une fragilité dans le système de soin – et déployer une politique attractive à l’égard des titulaires est nécessaire pour diminuer la pression pesant sur le système de soin mahorais. Votre rapporteur renvoie sur ce point au rapport de sa collègue, la députée de Mayotte Anchya Bamana, rapporteure pour avis de la mission « Santé » pour la commission des Affaires sociales, qui consacre le thème de son avis budgétaire à la question de l’accès aux soins à Mayotte.

● Les évacuations sanitaires : un coût croissant, lié à l’absence de certaines spécialités sur place et à la saturation de l’offre hospitalière

Le service des évacuations sanitaires (EVASAN), chargé de l’organisation des transferts de patients vers d’autres hôpitaux, doit faire face à une demande croissante, avec environ 1 600 évacuations par an. Ce chiffre est en constante augmentation : alors que le CHM de Mayotte comptabilisait 500 évacuations sanitaires en 2010, ce chiffre est monté à 1 450 en 2021 ([25]).

Les Évacuations sanitaires depuis Mayotte

Source : Rapport d’information n° 833 (2021-2022) de Mme Catherine DEROCHE, MM. Jean-Luc FICHET, Dominique THÉOPHILE et Mme Laurence COIN, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 juillet 2022.

Chaque vol coûte en moyenne 30 000 euros, ce qui obère le financement du système de santé de l’île.

Le rapport sénatorial précité soulignait déjà les conséquences de la pression migratoire sur le système de santé mahorais. Il relevait en particulier que « la démographie galopante, portée notamment par une vague migratoire non maîtrisée en provenance des Comores, fait peser une charge lourde sur le système de soins et génère des tensions préoccupantes avec les Mahorais. L’activité de maternité subit particulièrement l’impact des migrations.

Le système de soins mahorais, bien qu’en expansion, en modernisation et en montée en capacité rapides, ne peut pas suivre la pression démographique.

Au-delà de l’impact sur l’activité des structures de soins, l’impact financier est important pour le CHM et l’ARS, alors que l’aide médicale d’État n’est pas applicable à Mayotte. »

C.   Des enjeux essentiels d’aménagement du territoire

1.   Des infrastructures saturées : l’exemple de la crise de l’eau

Conséquence de la démographie non maîtrisée à Mayotte, certaines infrastructures sont aujourd’hui inadaptées.

Un exemple flagrant de cette difficulté réside dans la gestion de l’eau, Mayotte ayant été frappée, ces derniers mois, par une sécheresse aiguë, dont les stigmates se ressentent encore parmi la population.

En moyenne, 50 % de la ressource en eau de l’île provient des prélèvements sur les rivières, qui alimentent deux retenues d’eau construites dans les années 2000 – en période sèche, cette proportion chute à environ 25 %, mettant en danger l’ensemble du réseau d’approvisionnement. Par ailleurs, une proportion plus résiduelle, de l’ordre de 6 à 7 % de l’eau consommée, provient d’une usine de dessalinisation installée sur Grande-Terre.

Or, l’an dernier, la saison des pluies a été très insuffisante, représentant seulement 40 % des précipitations habituelles, projetant Mayotte au cœur d’une crise de l’eau particulièrement sévère.

Face à cette situation, des coupures d’eau fréquentes ont été mises en place dès juillet 2023. La population a ainsi dû s’organiser pour faire face à ces coupures pouvant durer jusqu’à deux jours sur trois à certains endroits de l’île, au cœur de la crise. Ces coupures ont entraîné des problèmes sanitaires, liés à l’usage d’eau impropre à la consommation et à une hydratation insuffisante. La population, en particulier celle habitant des espaces précaires et des bidonvilles (les « bangas ») a été particulièrement exposée aux maladies hydriques comme la fièvre typhoïde et l’hépatite​. ​

Les autorités ont annoncé un plan d’investissement, le « Plan Eau Mayotte » (2024-2027), d’un montant de 700 millions d’euros, pour renforcer la production d’eau et améliorer les infrastructures. L’un des projets portés par ce plan est la construction d’une seconde usine de dessalinisation sur Grande-Terre, prévue pour 2026. Malgré ces investissements, les besoins restent importants et en constante augmentation en raison de la pression démographique liée à l’immigration, laissant planer des incertitudes quant à la capacité des infrastructures à répondre aux besoins futurs des habitants de Mayotte.

2.   La persistance d’un habitat insalubre et la progression des « bangas » pour loger les personnes issues de l’immigration clandestine

Mayotte souffre d’un déficit de logements disponibles, à la fois dans les parcs privés et publics, qui peut s’expliquer par trois facteurs. Au-delà de la géographie contraignante de l’archipel, la rareté du foncier disponible – difficulté également rencontrée par les services publics – restreint la surface de foncier aménageable. De plus, les coûts élevés de construction, supérieurs à ceux de la France hexagonale, freinent la production de logements. Or, la demande en logements est importante à Mayotte du fait d’une forte croissance démographique dopée par l’immigration, conduisant à l’expansion d’un habitat de fortune illégal, généralement occupé par des personnes en situation irrégulière.


● Mayotte souffre d’un important déficit de logements sociaux

La situation du logement social dans les Outre-mer se caractérise par des besoins en logements sociaux très importants du fait, d’une part, d’une croissance démographique souvent très supérieure à celle des départements hexagonaux et, d’autre part, d’une très forte proportion des ménages modestes. De fait, 66 % des habitants de Mayotte vivent dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) contre 8 % en moyenne en France ([26]).

Selon les chiffres transmis par le Gouvernement à votre rapporteur, Mayotte comptait, en fin d’année dernière, 1 288 logements sociaux toutes catégories confondues. Le Gouvernement estime en parallèle qu’il faudrait 1 000 à 1 200 logements supplémentaires par an pour répondre à la demande dans ce département.

Le parc social est ainsi bien loin de suffire aux besoins de la population mahoraise, ce qui semble d’ailleurs expliquer les objectifs très faibles que se fixe le Gouvernement pour les années à venir – ainsi que votre rapporteur thématique l’exposait dans la partie budgétaire du présent avis, le Gouvernement vise un délai moyen d’attente de 14 mois en 2026 pour l’obtention d’un logement social et un ratio de pression sur le parc social de 6,1 la même année.

● La progression inquiétante des « bangas »

Selon les données transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, le département de Mayotte comptabilisait environ 38 000 logements indignes et insalubres en 2022. Ce chiffre, très important, est à mettre en perspective avec ceux de l’Insee, qui estimait qu’en 2017 Mayotte comptait 63 100 résidences principales ([27]).

Estimation du nombre de logements indignes et insalubres – juillet 2022

Guadeloupe

22 237

Martinique

32 152

Guyane

37 287

La Réunion

17 700

Mayotte

38 000

Total DOM

147 376

Source : Évaluation de la mise en œuvre de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 « portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer » - DGOM juillet 2022.

L’habitat mahorais est marqué par l’habitat spontané, autrement dit des bidonvilles autoconstruits avec des matériaux de récupération en dehors de toute autorisation juridique ([28]). Ces logements de « fortune » sont implantés sur l’ensemble du territoire et représentent environ 39 % du parc de logement selon l’Insee ([29]). Le Gouvernement dénombre ainsi près de 30 000 baraquements de « fortune » ([30]) aussi appelés « bangas » à Mayotte en 2024.

Leur nombre continue de croître : dans le cadre d’une audition organisée par la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a estimé que 1 000 logements informels supplémentaires par an sont édifiés à Mayotte et en Guyane ([31]). Le caractère illicite de ces constructions ainsi que leur développement rapide invitent à une grande prudence quant à la fiabilité des chiffres présentés. Le rapport d’information n° 5033 souligne ainsi que « ces chiffres sont certainement sous-estimés et très évolutifs » ([32]).

L’expansion de l’habitat spontané suscite de nombreuses difficultés. D’une part, les quartiers d’habitat spontané sont particulièrement vulnérables face aux aléas naturels. En effet, si certains logements spontanés sont ensuite pérennisés, la plupart sont constitués à partir de cases en tôle, un matériau peu résistant aux aléas naturels. D’autre part, ils s’étendent souvent sur des zones exposées aux risques naturels : selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 8 000 cases sont concernées à Mayotte ([33]).

Les conditions de vie insalubres favorisent l’apparition de maladies, pesant ainsi ensuite sur le système de santé mahorais déjà en crise. Mayotte a d’ailleurs connu un épisode de choléra cette année, avec l’apparition de cas importés en provenance des Comores. Au 30 septembre 2024, 221 personnes ont été infectées et cinq sont décédées. La propagation de la maladie à Mayotte est désormais contenue, mais la situation migratoire impose une vigilance constante des autorités sanitaires.

En outre, alors que ces zones d’habitat spontanées sont communément perçues comme « des quartiers de relégation concentrant les populations étrangères en situation illégale sur le territoire » ([34]), ils suscitent un sentiment fort de rejet de la part d’une partie des Mahorais. Des opérations de « décalage » illégales sont même entreprises par certains d’entre eux, comme a pu le constater la Défenseure des droits dans son rapport sur le sujet ([35]).

Enfin, ces constructions, déjà précaires et dangereuses pour leurs occupants, menacent aussi le système électrique de l’île, pèsent sur son système de distribution d’eau, voire constituent une menace pour la biodiversité, certaines de ces habitations étant construites à proximité de la mangrove.

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Le budget pour 2025 consacré à nos outre-mer est un budget dangereux ; il affaiblit nos politiques publiques et nourrit un sentiment de distanciation, voire de rupture, entre ces territoires de la République et la France hexagonale.

Cette proposition de budget est d’autant moins compréhensible que les besoins sont immenses. À Mayotte, où nos services publics craquent de toutes parts, nul ne saurait comprendre le retrait de l’État. À l’inverse, les Mahorais souhaitent, légitimement, que l’État joue pleinement son rôle en garantissant la souveraineté de la France sur son sol, en protégeant nos frontières et en assurant le bon fonctionnement des services publics.

Votre rapporteur ne méconnaît pas la situation financière de l’État, ni la nécessité impérieuse d’assainir nos finances publiques. En revanche, il conteste fermement l’idée que nos compatriotes ultramarins devraient être ceux qui, en bout de chaîne, loin de l’hexagone et donc peut-être du pouvoir, paient les conséquences de décisions budgétaires injustes et de l’incompétence du président de la République et des gouvernements successifs qui ont mis la France en état de faillite.

Des efforts financiers doivent être faits, mais ils doivent être réalisés ailleurs, en premier lieu dans la lutte contre l’immigration clandestine, dont votre rapporteur a pu démontrer les coûts exorbitants pour les Mahorais et, in fine, pour l’État. Car à Mayotte, le lien entre immigration et sécurité, entre immigration et santé publique, entre immigration et politique du logement, entre immigration et éducation de nos enfants, n’a jamais été aussi fort. Cette situation appelle à prendre des décisions audacieuses et courageuses et à défendre une véritable vision d’avenir pour nos Outre-mer.

Recommandation n° 23 : créer un grand ministère d’État de la France d’Outre-mer et de la politique ultramarine

 

 


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   Liste des propositions

Recommandation n° 1 : renforcer et à terme généraliser le service militaire adapté (SMA) qui est un formidable outil d’insertion et de formation

Recommandation n° 2 : engager dès à présent une conférence avec l’ensemble des parties prenantes afin de trouver des solutions viables (second aéroport, « piste longue ») et des perspectives claires pour le futur de l’aéroport de Mayotte

Recommandation n° 3 : dans le cadre des projets de loi Mayotte, mettre en place une stratégie globale de développement des infrastructures de transport avec l’ensemble des parties prenantes posant un cap et des objectifs clairs pour l’ensemble des infrastructures essentielles du département

Recommandation n° 4 : faire de Mayotte la base arrière du projet gazier du Canal du Mozambique porté par TotalEnergies et d’autres entreprises gazières et pétrolières

Recommandation n° 5 : instaurer une diplomatie plus ferme avec les Comores en matière de lutte contre les trafics et l’immigration clandestine

Recommandation n° 6 : conditionner la délivrance des visas pour se rendre à Mayotte à l’acceptation par les pays tiers de la reprise de leurs ressortissants en situation irrégulière

Recommandation n° 7 : accroître significativement et sans délai les moyens consacrés à la mission de lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, en permettant notamment le doublement de la flotte d’intercepteurs et l’acquisition de nouveaux radars de détection, couvrant la totalité de côtes

Recommandation n° 8 : disposer un patrouilleur de la marine nationale dans les eaux internationales pour mieux lutter contre l'immigration clandestine

Recommandation n° 9 : abolir le droit du sol sur l’ensemble du territoire français, et a minima sur Mayotte

Recommandation n° 10 : rétablir le délit de séjour irrégulier et interdire toute naturalisation d’une personne s’étant rendue coupable de ce délit

Recommandation n° 11 : revoir les dispositifs d’indemnisation des fonctionnaires de police en mobilité sur Mayotte afin de les rendre plus attractifs et les ouvrir aux personnels administratifs et policiers adjoints

Recommandation n° 12 : généraliser et faciliter le dispositif de prolongation des postes des gardiens de la paix et des officiers sur Mayotte lorsque ceux-ci souhaitent s’y établir au-delà de la durée maximale de six ans

Recommandation n° 13 : créer des écoles de formations aux métiers de la sécurité dans les outre-mer, afin de favoriser le recrutement de Français d’outre-mer dans la gendarmerie, la police nationale et les polices municipales

Recommandation n° 14 : lancer sans délai le chantier de construction du second établissement pénitentiaire

Recommandation n° 15 : mettre en place un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique sur Mayotte

Recommandation n° 16 : assurer le respect du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les écoles publiques de Mayotte

Recommandation n° 17 : revoir les dispositifs d’indemnisation des enseignants fonctionnaires et contractuels de Mayotte afin de les rendre plus attractifs, a minima en les alignant avec les régimes indemnitaires applicables à La Réunion

Recommandation n° 18 : recruter de nouveaux enseignants du premier degré en mettant en place des concours locaux complémentaires

Recommandation n° 19 : établir un plan pluriannuel de programmation du renforcement de l’offre de restauration scolaire, dans le primaire et le secondaire afin de doter toutes les écoles, collèges et lycées de Mayotte d’une prestation de restauration scolaire

Recommandation n° 20 : développer des services publics de transports scolaires sûrs (bus notamment) et sécuriser les déplacements des enfants (et notamment, les violences dans les transports et aux abords des établissements)

Recommandation n° 21 : renforcer les heures de français à l’école primaire et au collège à Mayotte

Recommandation n° 22 : mettre en place des cours de français obligatoires et gratuits pour les parents d’élèves ne maîtrisant pas ou mal notre langue

Recommandation n° 23 : créer un grand ministère d’État de la France d’Outre-mer et de la politique ultramarine

 


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   Examen en commission

 

Lors de sa deuxième réunion du mercredi 30 octobre 2024, la Commission auditionne M. François-Noël Buffet, ministre chargé des Outre-mer, sur la politique du gouvernement dans les Outre-mer et sur les crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/XvMD7M

M. le président Florent Boudié. Cette audition, la première depuis votre nomination, vous permettra de nous présenter les crédits de la mission Outre-mer ainsi que les grandes orientations de la politique du nouveau gouvernement concernant les outre-mer.

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer. Le processus budgétaire actuel revêt un caractère à la fois normal et exceptionnel, notamment en raison des contraintes temporelles. Je vous propose d’examiner objectivement la mission outre-mer, en soulignant à la fois ses atouts et ses axes d’amélioration.

L’effort global de l’État en faveur des territoires ultramarins, tous ministères confondus, devrait atteindre 24,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 26,2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) pour l’année 2025. Il convient de noter, à ce stade des travaux, une légère baisse par rapport à 2024.

La mission outre-mer représente 15 % des dépenses de l’État dans ce domaine et la lettre plafond établie par le précédent gouvernement fixe les crédits pour 2025 à 2,8 milliards d’euros en AE et 2,5 milliards d’euros en CP. Cela représente une diminution de 7 % en AE et en CP par rapport au projet de loi de finances 2024, mais une augmentation de 2 % par rapport à 2023. La baisse est particulièrement marquée pour le programme 123, intitulé « Conditions de vie outre-mer », avec une diminution de 37 % des autorisations d’engagement, tandis que le programme 138, « Emploi outre-mer », enregistre une légère hausse, qui est entièrement due à l’augmentation du montant du remboursement des exonérations de charges sociales à la Sécurité sociale.

Tout d’abord, lors de l’examen du projet de loi de finances 2024, la mission outre-mer a bénéficié de plusieurs amendements, pour un total de 277 millions d’euros, augmentant les crédits initialement inscrits. Certaines de ces dépenses étaient destinées à être pérennisées, d’autres non. Les crédits inscrits au projet de loi de finances 2024, soit 2,9 milliards en AE et 2,7 milliards en CP, constituent donc des données de référence, mais il convient également de se référer au niveau des dotations de l’exercice 2023.

Ensuite, le plafond de la mission n’intègre pas l’éventuelle reconduction de l’aide exceptionnelle de 100 millions d’euros accordée au conseil départemental de Mayotte pour 2024, ce qui biaise en partie les comparaisons.

Face à la baisse annoncée des crédits de la mission outre-mer, nous avons adopté une position claire : renégocier ce montant et tenir les engagements de l’État, fondement d’une relation de confiance entre le gouvernement et les acteurs ultramarins. Notre objectif est de trouver un équilibre entre la contribution des outre-mer à l’effort national de redressement des comptes publics et la préservation des intérêts essentiels de nos territoires ultramarins. Notre budget devra tenir compte de ces efforts partagés.

Il est primordial que les crédits obtenus correspondent à la capacité des acteurs locaux de les dépenser efficacement. Les crédits budgétaires ne sont pas sous-consommés, mais il importe de vérifier que chaque euro est nécessaire et efficace pour honorer nos engagements. Une attention particulière doit également être portée à la consommation des fonds européens, qui complètent souvent les fonds nationaux et dont l’utilisation varie selon les territoires.

J’ai obtenu auprès du ministre en charge des comptes publics les crédits nécessaires pour assurer une fin de gestion pour l’année 2024. Ainsi, 220 millions d’euros en AE et 225 millions d’euros en CP ont été dégelés. En outre, nous avons obtenu de nouveaux crédits, soit 55 millions d’euros en AE et 33 millions d’euros en CP.

Ces montants permettent de progresser sur de nombreux sujets, dont le paiement du solde de l’aide exceptionnelle au conseil départemental de Mayotte voté pour 2024, à hauteur de 40 millions d’euros, le renforcement des capacités de la Sogefom à garantir des prêts bancaires aux entreprises de Nouvelle-Calédonie, le financement, dans ce territoire, de la poursuite des opérations prévues au contrat de développement, ou encore la prise en charge par l’État des navettes maritimes requises par le blocage de la route de Saint-Louis, dont la réouverture récente permet d’envisager la réorganisation. Enfin, une partie de ces crédits permet le remboursement des exonérations de charges auprès de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Conformément aux engagements pris par le Premier ministre, nous souhaitons renforcer l’appui de l’État au développement des territoires et à la création de valeur. Soutenir l’investissement des collectivités et répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens requièrent le portage de divers projets tels que des équipements routiers ou des centres de santé. La nouvelle génération des contrats de convergence et de transformation (CCT) a ainsi été signée et l’État s’est engagé à hauteur de 794 millions d’euros. La signature tardive de ces contrats, en 2024, a contraint le niveau de consommation de ces crédits, qui s’élèvent à 73 millions d’euros en AE et 59 millions d’euros en CP.

Dans les années à venir, il est impératif que les crédits mobilisés répondent à la capacité effective d’engagement des projets. Aussi, il convient de lisser les crédits des CCT sur une plus longue période, dont j’ai obtenu qu’elle soit limitée à six ans, à l’instar des contrats de plan État-région (CPER). Nous calculons au plus près des besoins le montant de l’annuité, en fonction, d’une part, de la montée en charge de ces nouveaux contrats et, d’autre part, du solde de la génération précédente.

De la même manière, le niveau de crédits du fonds exceptionnel d’investissement (FEI) est déterminé en fonction de ce qui apparaît soutenable pour les collectivités. Le montant de 160 millions d’euros adopté en 2024 n’a pas donné lieu à une programmation correspondante, traduisant sans doute un niveau trop élevé de ces crédits. C’est la raison pour laquelle 110 millions d’euros sont prévus en AE.

Par ailleurs, les communes les plus fragiles seront accompagnées dans l’assainissement de leurs finances, au titre des contrats de redressement outre-mer (Corom), dispositif dont je sais que nous partageons une appréciation très positive. Les crédits nécessaires à la mise en œuvre des douze contrats en cours s’élèvent à 8 millions d’euros, conformément aux engagements pris sur la période 2024-2026. Enfin, je souhaite que les moyens de l’Agence française de développement (AFD) dédiés tant au financement des collectivités territoriales qu’au soutien de l’ingénierie locale soient sanctuarisés.

Les dispositifs fiscaux portés par la mission outre-mer participent à cette croissance. La défiscalisation des investissements productifs est ainsi prolongée jusqu’en 2029. Je sais qu’il existe des tentatives de modifier à nouveau le seuil des chiffres d’affaires au-delà duquel une entreprise n’est plus éligible à la défiscalisation et doit recourir au crédit d’impôt. Ce système a des avantages, notamment celui de supprimer le recours à un monteur qui prélève une commission. En revanche, il présente d’autres inconvénients, tels que le préfinancement ou le délai pour obtenir le bénéfice du crédit d’impôt. C’est pourquoi, sans être fermé à des évolutions sur le curseur du dispositif, je souhaite que soient évalués les impacts d’une réforme plus profonde qui viendrait compromettre les projets nécessaires aux territoires ultramarins.

Nous voulons aussi donner des perspectives à la jeunesse. En effet, la jeunesse ultramarine est confrontée à des défis majeurs en matière de formation et d’insertion professionnelle. Les besoins sont considérables et les solutions multiples pour faire face à la croissance démographique à Mayotte et en Guyane, et à l’exode des populations de Martinique, de Guadeloupe ou de Wallis-et-Futuna. Pour répondre à ces enjeux démographiques, nous mobilisons 115 millions d’euros pour financer la construction, la rénovation et l’extension d’établissements scolaires à Mayotte, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.

Nous souhaitons également valoriser les talents et les parcours des jeunes ultramarins, notamment à travers le programme « Cadres d’avenir », qui accompagnera 110 talents vers l’excellence pour l’année scolaire 2024-2025. L’aide au retour des forces vives et l’accompagnement des étudiants seront au cœur des nouvelles mesures portées par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom). Au total, 22 millions d’euros financeront l’aide à la formation professionnelle, parmi lesquels 11 millions d’euros seront dédiés aux dispositifs locaux de formation des cadres.

Les moyens du service militaire adapté (SMA) s’élèveront à 73 millions d’euros en AE et 59 millions d’euros en CP. Ce dispositif d’insertion professionnelle pour les publics les plus éloignés de l’emploi a démontré son efficacité, avec un taux d’insertion supérieur à 75 % pour les 6 000 jeunes volontaires stagiaires.

En matière d’emploi, nous sommes particulièrement attentifs à l’efficacité du dispositif d’exonération des cotisations sociales prévu par la loi pour l’ouverture et le développement économique de l’outre-mer (Lodeom). Cet outil est passé de 1 milliard d’euros de compensation en 2018 à près de 1,8 milliard d’euros en 2023, reflétant l’amélioration du marché de l’emploi dans la plupart des territoires ultramarins, malgré des taux de chômage nettement plus élevés qu’en métropole. Aussi, la réforme nationale des exonérations de charges patronales devra être adaptée aux spécificités ultramarines. Le gouvernement a prévu un article d’habilitation à cet effet, nécessitant le recours à des ordonnances qui, dans ce cas, offriront le temps nécessaire pour analyser sereinement les conclusions attendues d’une mission inter-inspections.

Le pouvoir d’achat des Ultramarins constitue une préoccupation majeure. Le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, signé le 16 octobre dernier, vise à réduire de 20 % en moyenne le prix de 6 000 produits alimentaires importés parmi les plus consommés localement. L’adaptation de ce dispositif à d’autres territoires est à l’étude. Ces orientations complètent les outils existants, tels que l’appui à la négociation des boucliers qualité-prix et aux observatoires des prix, des marges et des revenus, dont les moyens d’étude s’élèveront à 600 000 euros en AE en 2025.

Nous souhaitons également améliorer les conditions de vie au quotidien. Concernant le logement, les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) s’élèvent à 260 millions d’euros en AE et 180 millions d’euros en CP. Bien que cela représente une diminution de 32 millions d’euros en AE par rapport à la loi de finances 2024, il s’agit d’une augmentation de 16 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2023.

Cette évolution ne remet pas en question le niveau d’intervention de l’État ni la dynamique engagée en matière de soutien à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux, qui a notamment permis de financer la construction et la réhabilitation de plus de 8 500 logements en 2024. Cette démarche sera renforcée dans le cadre du futur plan logement outre-mer 3, en cours de finalisation.

La continuité territoriale constitue un enjeu majeur d’équité et de solidarité envers nos concitoyens ultramarins. Grâce au relèvement du seuil de ressources, le nombre de bénéficiaires est passé de 38 879 entre 2018 à 78 810 en 2023. Il est souhaitable que ces moyens soient maintenus.

Pour répondre aux risques spécifiques des outre-mer, le plan séisme Antilles sera financé à hauteur de 600 000 euros en AE et en CP. S’y ajoutent les crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, qui, pour la Martinique, s’élèvent à 31,8 millions d’euros pour 2024-2027. Les abris anticycloniques en Polynésie française bénéficieront de 2,5 millions d’euros en AE et environ 1,5 million d’euros en CP.

Conscient de l’importance de ces dispositifs protégeant nos concitoyens, je m’engage à ce que ces crédits soient alloués aux projets les plus structurants, en cohérence avec la capacité de réalisation des acteurs. Les moyens de la sécurité civile ultramarine seront renforcés, passant de 400 000 euros en 2024 à 1,71 million d’euros en 2025. Enfin, je veillerai à ce que les crédits alloués aux plans chlordécone et sargasses, contenus dans le programme 162 « Cohésion des territoires », restent compatibles avec leur avancée.

Il est nécessaire d’adapter le niveau des crédits consacrés aux outre-mer aux spécificités de ces territoires. Au-delà des crédits du ministère chargé des outre-mer, de nombreuses missions portent les enjeux des politiques publiques ultramarines, et devront faire l’objet d’une attention particulière lors du débat parlementaire. Je pense en particulier à Mayotte, au regard de sa situation spécifique et des travaux en cours, et de la nécessité d’assurer sa convergence économique et sociale avec les dispositifs nationaux à un rythme adapté. Cette orientation s’inscrit dans la continuité du projet de loi Mayotte. Le gouvernement s’appuiera sur les travaux déjà menés et collaborera avec les principaux ministères concernés avant de revenir vers les élus mahorais.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Permettez-moi de poser un diagnostic clair sur le projet de budget du gouvernement pour nos outre-mer, mais aussi de rectifier certains de vos propos mensongers. Non, tout ne va pas bien, et non, le gouvernement n’en a pas pris conscience.

Après deux années de réduction des crédits en euros constants et loin des besoins de nos compatriotes ultramarins confrontés quotidiennement au coût élevé de la vie et à l’affaiblissement des services publics, le budget 2025 que vous défendez se révèle brutal et austère, injuste et méprisant.

Les crédits de la mission outre-mer accusent une baisse de 12,5 % en AE et de 9 % en CP par rapport à l’exercice précédent, compromettant ainsi les projets d’aménagement et les services de proximité dans ces territoires qui en ont pourtant cruellement besoin.

Le programme « Conditions de vie en outre-mer » subit la diminution la plus importante, avec une baisse de 36 % qui impactera négativement les politiques de logement, d’aménagement du territoire et de soutien aux collectivités. Ces enjeux sont pourtant essentiels pour améliorer les conditions de vie dans des territoires confrontés à d’immenses défis économiques et sociaux.

De nombreux amendements, émanant de divers bords politiques, s’opposeront à cette logique d’austérité qui traduit un manque de vision du gouvernement pour nos outre-mer et un mépris inacceptable envers nos compatriotes ultramarins. Je m’engage à soutenir toutes les initiatives cohérentes avec le projet de contre-budget du Rassemblement national.

Avec une telle proposition budgétaire, comment espérez-vous disposer des moyens nécessaires pour résoudre les crises que traversent nos Antilles, la situation institutionnelle en Nouvelle-Calédonie ou encore la dramatique dégradation des services publics à Mayotte ou en Guyane ?

En tant que rapporteur pour avis, j’ai choisi cette année de me concentrer sur Mayotte, comme je l’avais fait l’an dernier pour la Guyane, en examinant la situation migratoire, sécuritaire, économique et sociale de ce département. Je m’y suis rendu en septembre et j’y ai rencontré de nombreux acteurs politiques, économiques, associatifs, ainsi que des citoyens et des fonctionnaires qui font vivre Mayotte au quotidien malgré les difficultés. Je tiens d’ailleurs à leur rendre un hommage appuyé.

Mayotte a tout d’un bijou français au cœur de l’océan Indien, mais sa proximité avec les Comores a transformé ce petit paradis en un enfer que peu d’entre nous peuvent imaginer depuis la métropole. La situation migratoire y est telle que tout craque. Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) datant de 2018, 55 % de la population de Mayotte n’est pas native de l’île, contre seulement 12 % en 1985. Cette proportion continue d’augmenter, la croissance démographique étant désormais portée aux deux tiers par la natalité des mères d’origine comorienne.

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qualifie la croissance démographique de Mayotte d’exceptionnelle : sa population a doublé en vingt ans et quadruplé depuis 1958, avec une accélération marquée depuis 2012. Chaque jour, des bateaux clandestins affluent depuis les Comores, qui refusent de reconnaître Mayotte comme département français, engendrant ainsi des tensions diplomatiques.

Certains de ces bateaux sont certes interceptés par les forces de l’ordre, mais nous sommes loin du « rideau de fer » promis par l’ancien ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.

Les moyens de lutte contre l’immigration clandestine sont unanimement jugés insuffisants et obsolètes. Les radars de détection sont vieillissants et ne couvrent pas l’intégralité des côtes. La flotte d’intercepteurs est insuffisante, et sans navire de la Marine nationale dans les eaux internationales, la lutte contre l’immigration irrégulière est inefficace. C’est la raison pour laquelle j’exhorte le gouvernement à s’engager à remplacer rapidement les radars, à renforcer la flotte d’intercepteurs et à assurer la présence permanente d’un navire de la Marine nationale dans les eaux internationales.

À Mayotte, le lien entre insécurité et immigration est désormais incontestable. La population carcérale à Mayotte est composée en moyenne de 65 % d’étrangers. Ce département est le seul en France à connaître un couvre-feu de fait en soirée, en raison de l’insécurité générée par des bandes rivales s’affrontant quotidiennement dans de nombreuses communes. Les Mahorais subissent une délinquance quotidienne, alimentée en partie par des mineurs désœuvrés et de jeunes majeurs sans figure d’autorité.

Malgré leur détermination, les forces de l’ordre peinent à maîtriser cette situation et œuvrent dans des conditions dégradées, marquées par un manque de moyens matériels nuisant à leur sécurité et leur efficacité. Le gouvernement doit s’engager concrètement à améliorer les conditions de travail des forces de l’ordre en outre-mer, au-delà des simples promesses.

La situation migratoire à Mayotte impacte l’ensemble des services publics. Le système de santé, principalement assuré par le centre hospitalier de Mayotte, est au bord de la rupture. Conçu pour une population bien moindre, l’établissement, que les Mahorais surnomment l’« hôpital des étrangers », est en permanence saturé, avec des services sous-dimensionnés face aux besoins croissants. Cette situation entraîne des délais d’attente excessifs pour les patients, un épuisement du personnel médical et des difficultés de recrutement. À titre d’exemple, les urgences ne disposent que de trois médecins au lieu des trente nécessaires. Les Mahorais les plus vulnérables, notamment les enfants et les personnes âgées, sont parfois contraints se faire soigner à La Réunion, à 1 400 kilomètres, via des évacuations sanitaires coûteuses.

Le système éducatif mahorais est également sous tension. Les écoles font face à des effectifs surchargés, les classes de CP et CE1 ne sont pas correctement dédoublées, et aucune offre de restauration scolaire n’est proposée. Les infrastructures sont insuffisantes pour offrir un cadre d’apprentissage digne de l’école de la République. Le manque de ressources et de personnel enseignant affecte durablement l’avenir des jeunes générations. En 1976, Mayotte comptait 3 000 élèves ; aujourd’hui, ils sont près de 115 000. Il est courant de dire qu’il faudrait ouvrir chaque jour une nouvelle classe pour absorber l’immigration. Les services de l’Éducation nationale estiment que 50 % des élèves sont en situation irrégulière, avec des pics à 80 % dans certaines zones.

Les infrastructures essentielles au développement économique et à la qualité de vie à Mayotte souffrent également de cette pression démographique. Le logement en est un exemple frappant, avec le développement des bangas, ces habitations illégales de fortune, installées dans des zones inadaptées. La politique de logement social, sous la responsabilité directe du ministre, manque d’ambition. Le gouvernement se fixe un objectif bien peu ambitieux, d’ailleurs repoussé d’année en année, avec un délai moyen d’attente de quatorze mois et un ratio de pression sur le logement social de 6,1.

Pour répondre à ces difficultés, vingt-trois recommandations concrètes ont été formulées dans le rapport :

  1. renforcer et généraliser le SMA, formidable outil d’insertion et de formation, ainsi que vous l’avez souligné et auquel vous retirez pourtant 8 millions d’euros dans le budget 2025 ;
  2. organiser une conférence avec toutes les parties prenantes pour trouver des solutions viables et de définir des perspectives claires pour le futur aéroport de Mayotte ;
  3. dans le cadre des projets de loi relatifs à Mayotte, élaborer une stratégie globale de développement des infrastructures de transport, en fixant des objectifs précis pour l’ensemble des infrastructures essentielles du département ;
  4. positionner Mayotte comme base arrière du projet gazier du canal du Mozambique, porté par TotalEnergies et d’autres entreprises du secteur ;
  5. adopter une diplomatie plus ferme avec les Comores en matière de lutte contre les trafics et l’immigration clandestine ;
  6. conditionner la délivrance des visas pour Mayotte à l’acceptation par les pays tiers de la reprise de leurs ressortissants en situation irrégulière ;
  7. accroître significativement et rapidement les moyens dédiés à la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, notamment par le doublement de la flotte d’intercepteurs et l’acquisition de nouveaux radars couvrant l’intégralité des côtes ;
  8. déployer un patrouilleur de la marine nationale dans les eaux internationales pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine ;
  9. supprimer le droit du sol sur l’ensemble du territoire français, ou du moins à Mayotte ;
  10. rétablir le délit de séjour irrégulier et interdire toute naturalisation d’une personne ayant commis ce délit ;
  11. revoir les dispositifs d’indemnisation des fonctionnaires de police en mobilité à Mayotte afin de les rendre plus attractifs et les étendre aux personnels administratifs et policiers adjoints ;
  12. faciliter et généraliser le dispositif de prolongation des postes de gardien de la paix et des officiers à Mayotte au-delà de la durée maximale de six ans pour ceux qui souhaitent s’y établir ;
  13. créer des écoles de formation aux métiers de la sécurité dans les outre-mer pour favoriser le recrutement de Français d’outre-mer dans la gendarmerie, la police nationale et la police municipale ;
  14. lancer sans délai la construction du second établissement pénitentiaire à Mayotte ;
  15. instaurer un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique à Mayotte ;
  16. garantir le respect du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les écoles publiques ;
  17. revaloriser les dispositifs d’indemnisation des enseignants fonctionnaires et contractuels de Mayotte en les alignant au minimum sur les régimes indemnitaires applicables à La Réunion ;
  18. recruter de nouveaux enseignants du premier degré en organisant des concours locaux complémentaires ;
  19. rétablir un plan pluriannuel de programmation pour renforcer l’offre de restauration scolaire dans le primaire et le secondaire, afin d’équiper toutes les écoles, collèges et lycées ;
  20. développer des services publics de transport scolaire sûrs et sécurisés pour les déplacements des enfants ;
  21. renforcer les heures d’enseignement du français à l’école primaire et au collège ;
  22. mettre en place des cours de français obligatoires et gratuits pour les parents d’élèves ne maîtrisant pas ou mal notre langue ;
  23. créer un grand ministère d’État de la France d’outre-mer et de la politique ultramarine.

Dans l’intérêt de nos compatriotes mahorais et malgré le peu d’intérêt que le président de la République semble porter à l’outre-mer, je vous exhorte à agir et à rompre avec le mépris affiché par vos prédécesseurs. Mayotte est française et fière de l’être. Les Mahorais, comme l’ensemble de nos compatriotes ultramarins méritent d’être entendus et de ne plus se sentir oubliés par Paris.

Mme Florence Goulet (RN). Alors que vous affirmez que des réformes structurelles sont indispensables en outre-mer, votre projet de budget de 2,5 milliards d’euros est marqué par une baisse de 250 millions d’euros de crédit par rapport à la loi de finances 2024. Nous prenons acte que le ministère des outre-mer retrouve enfin son statut de ministère de plein exercice, mais nous sommes encore bien loin du grand ministère d’État de l’outre-mer et de son domaine maritime proposé par Marine Le Pen depuis 2017.

Ce budget manque de volontarisme parce qu’il manque de vision. Vous faites le choix de poursuivre les orientations des années passées qui ont mené à des impasses, tout en diminuant drastiquement certains programmes pourtant majeurs. Que s’est-il passé, depuis 2017, pour améliorer la vie de nos compatriotes ultramarins ? Il faut rappeler que la situation sécuritaire, sociale, sanitaire, économique, environnementale et migratoire s’est aggravée et que leur quotidien n’a jamais été aussi difficile. Nos compatriotes ultramarins ont conscience qu’après tant d’années de mauvais choix politiques et budgétaires, tout n’est pas rattrapable d’un coup de baguette magique.

Vous ne pouvez pas leur demander de se serrer toujours plus la ceinture alors que ce budget 2025 ne s’attaque toujours pas à la racine de leurs problèmes. Qu’en est-il des chantiers à ouvrir pour que Mayotte, la Guadeloupe et la Martinique puissent disposer enfin d’une eau potable suffisante et de qualité, alors que vous diminuez les crédits destinés à financer les bonifications pour les investissements liés au traitement de l’eau ? Qu’en est-il de l’octroi de mer, ce chantier fiscal majeur qui devrait répondre à la question du coût de la vie en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion et à Mayotte ? Le Rassemblement national propose depuis longtemps d’ouvrir le débat sur sa reconfiguration. Qu’en est-il de la reprise des lois de défiscalisation, comme les lois Pons et Perben, qui avaient en leur temps largement contribué à l’activité économique et à l’emploi ?

Certes, le gouvernement a disposé de peu de temps pour préparer son budget dans un contexte de grande précarité financière, mais ces circonstances devraient l’amener à dépenser mieux. Or dans ce budget apparaît, par exemple, une diminution de plus de 30 % du programme 123 concernant les conditions de vie en outre-mer, notamment le logement, la continuité territoriale ou le financement des TPE-PME.

Il est pourtant plus que temps de valoriser les atouts des territoires d’outre-mer en développant une économie bleue, une filière agricole digne de ce nom, une économie de service dans les domaines de l’information et de la communication, et des bases logistiques d’exportation vers les pays voisins. Cela suppose de mettre en œuvre des filières de formation innovantes, de moderniser les infrastructures portuaires, de mieux protéger et exploiter les ressources, notamment halieutiques, mais aussi minières et énergétiques, dans le respect de la biodiversité. Il s’agit également de soutenir et faire monter en gamme le secteur du tourisme, de s’attacher à la sécurité alimentaire en investissant dans une agriculture locale de qualité et des activités agroalimentaires associées à une agriculture tropicale exportatrice. En somme, tout ce que ce budget rabote ou empêche par manque d’investissement volontariste.

Au-delà des questions institutionnelles maintes fois débattues, le temps est venu de revoir le modèle économique des outre-mer et de tracer une voie d’avenir. C’est pourquoi le Rassemblement national réclame une grande loi de programme sur quinze ans, porteuse de réelles ambitions stratégiques pour les outre-mer, notamment pour sa jeunesse.

M. Moerani Frébault (EPR). Les crédits destinés aux territoires ultramarins sont actuellement répartis entre 32 missions et 105 programmes budgétaires, ce qui fragmente l’engagement de l’État et complique l’évaluation de l’impact réel des efforts déployés pour le rattrapage économique et social de ces territoires.

La mission outre-mer se voit allouer 2,8 milliards d’euros en AE et 2,5 milliards en CP. Nous saluons l’augmentation de 3,5 % des crédits pour l’emploi outre-mer, qui renforce notamment le régiment du service militaire adapté (RSMA). Cependant, ces avancées sont ternies par la réduction du programme 123 « conditions de vie outre-mer » de 36 % en AE et 34 % en CP. Cette baisse est difficilement justifiable au regard des indicateurs socio-économiques qui témoignent d’un retard persistant par rapport à l’hexagone. Elle affecte la continuité territoriale, le logement et l’aménagement du territoire.

Je vous invite à considérer les réalités concrètes derrière ces chiffres. En Martinique et en Guadeloupe, le prix des produits alimentaires est en moyenne 40 % plus élevé que dans l’hexagone. À La Réunion, 30 % des habitants vivent dans des logements précaires, un taux atteignant 50 % à Saint-Martin où la demande de logements sociaux est criante. À Mayotte, 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, tandis que le taux d’échec scolaire dépasse 50 %. En Guyane, un habitant sur trois ne dispose pas d’un accès fiable à l’eau potable. En Nouvelle-Calédonie, 20 % du PIB et 800 entreprises ont été détruits à la suite des émeutes, avec des répercussions jusqu’à Wallis-et-Futuna. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la montée des eaux contraint déjà au déplacement de certaines familles. En Polynésie française, le coût de la vie est tel que le panier moyen est 50 % plus cher qu’en métropole, avec un taux d’emploi à peine supérieur à 55 % de la population en âge de travailler.

Ces chiffres reflètent la réalité quotidienne de centaines de milliers de nos concitoyens ultramarins. Ils traduisent une précarité persistante, un éloignement géographique aux lourdes conséquences économiques, des infrastructures parfois insuffisantes et une exposition accrue aux effets du changement climatique. Cette situation exige un engagement sans faille et des moyens budgétaires adaptés, faute de quoi les inégalités s’accentueront davantage.

Nous comprenons la nécessité d’optimiser l’utilisation des ressources, mais il est impératif que le budget alloué aux territoires d’outre-mer ne devienne pas une variable d’ajustement dans les efforts de réduction du déficit. Les répercussions de chaque coupe budgétaire se font sentir immédiatement dans nos territoires et dans la vie de nos concitoyens.

Nous saluons votre engagement et les actions déjà entreprises pour répondre aux besoins de nos territoires d’outre-mer. Mes collègues et moi-même sommes pleinement disposés à échanger et à apporter nos recommandations pour la mise en place de mesures pérennes et efficaces, en commission et dans l’hémicycle.

Nous accueillons favorablement l’annonce par le Premier ministre de la tenue d’un comité interministériel des outre-mer (Ciom) début 2025, et nous serons attentifs aux décisions qui y seront prises. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le calendrier et les modalités organisationnelles prévus pour ces travaux, ainsi que les mesures envisagées pour garantir l’efficacité et le suivi des propositions qui en découleront ?

Je vous remercie pour l’engagement que vous pourrez renouveler en faveur de nos territoires et de leurs habitants qui, plus que jamais, nécessitent une solidarité réelle et un soutien indéfectible de la part de l’État.

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Ce budget 2025 constitue une véritable provocation envers nos territoires, qui s’enflamment sur la question de la vie chère et des ruptures d’égalité. Cela démontre une fois de plus que nos peuples et nos territoires servent de variables d’ajustement budgétaire et que le pouvoir central ne saisit toujours pas la situation réelle des outre-mer, ni ne mesure leur potentiel.

Les chiffres font froid dans le dos, puisque le budget prévoit une baisse de 76 % pour l’aménagement du territoire, c’est-à-dire les projets structurants portés par les collectivités territoriales à travers les CCT. Ces collectivités voient leur fardeau s’alourdir davantage avec une baisse de 38 % de leur dotation, notamment pour celles en difficulté à travers le dispositif Corom ; une baisse de 52 % pour le sanitaire et social, la culture, la jeunesse et le sport ; une baisse de 75 % pour la ligne budgétaire liée aux entreprises, notamment l’aide au fret ; une baisse de 18 % pour la continuité territoriale et de 19 % pour le fonds exceptionnel d’investissement. Si l’on ajoute les coupes dans le budget du logement social et de l’insertion professionnelle, ainsi que le report de la revalorisation des retraites, la cure d’austérité est totale.

Ces chiffres font d’autant plus froid dans le dos qu’au 1er trimestre 2024, le taux de chômage atteint 11,7 % en Martinique, 16,2 % en Guyane, 17,3 % en Guadeloupe, 18,9 % à La Réunion et même 34 % à Mayotte, contre 7,2 % en France hexagonale. Ils sont d’autant plus inquiétants que le besoin de logements s’élève à 110 000 dans l’ensemble des outre-mer. 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social, mais seulement 15 % en bénéficient. Le coût de la vie dans ces territoires est en moyenne de 19 % à 40 % plus élevé que dans l’hexagone, la grande pauvreté y est cinq à quinze fois plus fréquente, et les retraités les plus pauvres de France se trouvent notamment à Mayotte et à La Réunion.

En revanche, votre gouvernement a fait le choix d’augmenter les seuls dispositifs de défiscalisation pour les entreprises via les mécanismes d’exonération de cotisations sociales, sans qu’aucune évaluation de leur efficacité n’ait été fournie. Depuis plus de trente ans, les politiques de l’État central envers les outre-mer se résument à cela : de la défiscalisation sans la moindre évaluation. Face à ces inégalités criantes, les citoyens de plusieurs collectivités ultramarines font entendre leur voix, en Nouvelle-Calédonie-Kanaky, en Martinique, à La Réunion ou encore en Guadeloupe.

Le gouvernement doit cesser de répondre aux revendications de nos territoires par une politique de défiscalisation, par la répression comme en Martinique ou en Nouvelle-Calédonie et par le mépris. La seule réponse à la hauteur de nos attentes légitimes serait un budget tenant compte de nos besoins socio-économiques, lesquels sont bien connus à Paris, et depuis longtemps. Cela nécessiterait courage et vision politique, vertus qui ne sont pas parmi les plus courantes parmi les représentants de l’exécutif, et votre gouvernement ne fait pas exception à cette règle, monsieur le ministre.

Hier, dans l’hémicycle, en réponse à ma question, vous avez reconnu une baisse de 33 % du budget dédié à l’outre-mer. Confirmez-vous ce chiffre ? Et si oui, envisagez-vous de démissionner, étant donné que vous semblez vous-même en désaccord avec ces arbitrages budgétaires ?

M. Jiovanny William (SOC). Le budget de l’outre-mer s’appauvrit, avec une diminution d’environ 300 millions d’euros en CP et 400 millions d’euros en AE. Ces coupes budgétaires sont extrêmement déséquilibrées et semblent refléter une volonté délibérée.

En effet, vous assumez de mettre en péril l’ensemble des politiques publiques sociales spécifiques aux outre-mer en réduisant considérablement les crédits du programme 123, à hauteur de 470 millions d’euros en AE et 314 millions d’euros en CP. Vous ne tenez pas compte des enseignements tirés de la crise, notamment celle liée à la vie chère.

Concernant le programme 138, le gouvernement a choisi d’augmenter les crédits de l’action 1 d’un peu plus de 100 millions d’euros. Nous ne nous y opposons pas, mais nous refusons la politique consistant à déshabiller un programme pour en habiller un autre. Ainsi, l’action 2 subit une baisse de 6 millions d’euros en AE et de 15 millions en CP, alors que le programme 138 s’inscrit dans une réalité économique des territoires d’outre-mer marquée par un taux de chômage élevé. Nous constatons des trous dans la raquette, par exemple l’exclusion des sportifs de haut niveau, agréés et mineurs, qui ne perçoivent aucune aide à la mobilité bien qu’ils contribuent au rayonnement de la France.

Pour l’action 3, je note que les dépenses de fonctionnement du cabinet ministériel n’ont pas diminué. L’action 4, dédiée au financement de l’économie, est presque entièrement vidée, passant de 35 millions d’euros à 10 millions d’euros en AE et de 32,9 millions d’euros à 8 millions d’euros en CP. Cela entre en contradiction avec vos discours encourageant l’entrepreneuriat et la création de valeur, tout en réduisant drastiquement les dispositifs tels que le microcrédit outre-mer ou le prêt de développement outre-mer.

Concernant le programme 123, de nombreuses actions sont vidées de leur substance : logement social, accompagnement des collectivités locales, mesures en faveur de la continuité territoriale, solidarité nationale.

Le groupe Socialistes et apparentés désapprouve ce budget qui fragilise davantage les personnes, les ressources et les collectivités locales sur les plans social, économique et moral. Nous proposerons des amendements afin de tenter d’atténuer l’aigreur de nos populations.

Enfin, je note et je regrette la contradiction entre les propos tenus ici par le Rassemblement national et ce que nous voyons dans l’hémicycle.

M. Philippe Gosselin (DR). Votre engagement sincère envers les outre-mer est indéniable. Néanmoins, le budget actuel suscite une certaine insatisfaction.

Aujourd’hui, nous n’examinons que deux programmes de crédits de la mission outre-mer, ce qui offre une vision très partielle des moyens que l’État consacre à ces territoires. Il est important de rappeler que l’engagement global s’élève à environ 24 milliards d’euros, répartis dans 105 programmes et 32 missions. Le contexte actuel de crise et de malaise rend cette situation peu satisfaisante.

La situation à Mayotte est particulièrement préoccupante, bien que je ne partage pas tous les points de vue de notre collègue rapporteur. Nous constatons également la persistance de la vie chère dans les Antilles et en Guyane. En Nouvelle-Calédonie, des enjeux liés à l’ordre, à l’autorité et à la reconstruction nécessitent des crédits spécifiques. Une inquiétude se manifeste concernant la possible réduction de l’accès des jeunes à la formation au sein du RSMA, un service qui a prouvé son efficacité. Mon groupe souhaite se faire le porte-parole de cette amertume et de ces préoccupations.

Nos inquiétudes se prolongent au sujet du Ciom évoqué par le Premier ministre dans son discours de politique générale et annoncé pour le premier trimestre 2025. Il convient en effet de lui donner de la consistance, et s’assurer que les CPER soient respectés, avec un engagement affirmé de l’État.

Je souhaiterais également vous entendre sur les évolutions statutaires des Outre-mer, que le président de la République avait évoquées il y a un an.

Enfin, bien que cela ne relève pas directement de la mission examinée aujourd’hui, je m’interroge sur les crédits qui pourraient être consacrés à la reconstruction en Nouvelle-Calédonie, tant sur le plan des infrastructures que pour accompagner la consolidation économique dont ce territoire a grandement besoin.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). J’ai quitté l’Assemblée nationale en 2017, je la retrouve en 2024 et, en écoutant ces débats et en découvrant votre budget, je ressens une grande fatigue. Rien n’a fondamentalement changé. Pire, vous annoncez des baisses de crédit, alors même que je dois reconnaître que les intentions du grand plan de convergence de 2017 étaient assez ambitieuses et portées au nom de l’accomplissement de l’idéal révolutionnaire de 1789 qui voulait instaurer, où que l’on se situe en France, l’égalité. Nous en sommes loin désormais.

Le produit intérieur brut (PIB) moyen par habitant, qui est de 38 000 euros en hexagone, est de 11 000 euros à Mayotte, 15 000 euros en Guyane et d’environ 23 000 euros en Martinique et en Guadeloupe. D’autres critères, davantage évocateurs pour notre groupe politique parce qu’ils relèvent de l’indice de développement humain ou d’éléments très concrets pour la vie des gens, tels que le taux de chômage, l’accès à l’eau potable, la gestion des déchets, la pollution, le taux d’abonnement à la fibre ou encore les prix et les salaires, témoignent d’une catastrophe à tous les niveaux.

De manière très velléitaire, les grandes intentions, les grandes stratégies pour l’outre-mer s’accumulent, sans tenir compte des demandes locales, sans associer les populations et les élus locaux. Et, en guise d’aboutissement, on finit par décréter une forme d’impuissance traduite par des budgets revus à la baisse.

Or ces inégalités ont des conséquences dans la vie des gens. D’abord, elles renforcent la dépendance vis-à-vis de l’hexagone et obèrent les capacités de développement de ces territoires. Elles freinent les stratégies d’intégration régionale qui permettraient aux outre-mer de s’inscrire dans leur environnement. Elles accentuent des formes de dépendance énergétique inutiles. Il existe dans ces environnements des ressources naturelles qui pourraient favoriser le développement de la géothermie, de l’énergie solaire, de la biomasse, d’une autre gestion des déchets. Et pourtant, jusqu’à 95 % de l’économie et des habitudes de vie reposent encore sur les hydrocarbures.

Je pourrais citer bien d’autres exemples du contraste entre les intentions politiques affichées et l’absence d’un réel et sérieux pilotage politique soutenu par un budget à la hauteur de ces ambitions. Le groupe Écologiste et social déposera un certain nombre d’amendements en commission des finances et insistera sur certains aspects tels que la lutte contre la vie chère, les chèques alimentaires, la lutte contre l’habitat insalubre, la rénovation du parc social, l’emploi des jeunes, la lutte contre la pollution et pour la santé environnementale, la mise en place d’un plan d’infrastructures pour l’eau potable, d’un plan de gestion déchets, d’un plan de lutte contre la prolifération des sargasses, ou encore le soutien à la reconstruction de Kanaky.

Une colère profonde s’installe et, pire encore, une résignation et une grande fatigue devant tant d’impuissance.

M. Frantz Gumbs (Dem). J’espère que malgré l’austérité budgétaire, vous trouverez les moyens de nous rendre visite à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, deux territoires qui n’ont pas encore été mentionnés aujourd’hui.

Dans le contexte budgétaire actuel, la mission outre-mer dispose de ressources insuffisantes au regard des retards économiques et sociaux que connaissent l’ensemble des territoires d’outre-mer. Les territoires ultramarins, par leur histoire, leur culture et leur richesse, font partie intégrante de l’histoire d’une France, indivisible selon sa Constitution mais certainement pas au regard de la réalité.

Ces territoires affrontent des défis spécifiques, notamment en matière de développement économique et social. Le budget 2025 de 2,55 milliards d’euros, en baisse de 8 %, soulève des interrogations. Si l’augmentation des crédits pour le soutien aux entreprises constitue une avancée, la diminution drastique de l’enveloppe allouée au programme 123 envoie un mauvais signal.

La vie chère demeure un fléau, impactant les biens de consommation courante, le logement, mais aussi les billets d’avion : cette année, certains étudiants ultramarins ne pourront pas passer Noël en famille. Les écarts de prix avec l’hexagone sont intolérables et engendrent des inégalités sociales inacceptables.

Le gouvernement annonce vouloir ajuster le budget par amendements. Certes, il s’agit d’une première étape. Il est cependant essentiel que cet ajustement soit significatif et durable. La mise en œuvre d’une politique discontinue, par à-coups, est préjudiciable tant pour nos compatriotes ultramarins que pour la crédibilité des paroles données et des politiques menées. Oui, la politique de l’urgence est dommageable, et il nous faut privilégier une vision à long terme pour les outre-mer, une vision qui place l’humain au cœur de nos politiques.

En dépit de cela, vos objectifs 2025, en toute responsabilité vis-à-vis de la situation du pays, peuvent être encouragés. Pour le soutien à la compétitivité des entreprises, les exonérations de cotisations sociales permettent une réduction du coût du travail, un levier important pour encourager la création d’emplois et la croissance économique. Je me réjouis à cet égard de l’adoption de la préservation en l’état des dispositions du régime dit Lodeom. Tous les groupes politiques s’y sont montrés favorables, et je forme le souhait que le gouvernement et le Sénat se joindront à cette unanimité.

En ce qui concerne le logement, des crédits importants, soit 184 millions d’euros, restent affectés aux logements sociaux et à la lutte contre l’habitat indigne. Les crédits dédiés à l’insertion professionnelle sont encourageants, ce qui contribuera peut-être à faire baisser le taux de chômage dans les collectivités d’outre-mer. Enfin, la hausse de 18,5 % du fonds exceptionnel d’investissement témoigne d’une volonté de soutien aux projets structurants pour le développement économique, social et environnemental.

Ainsi, ce budget, bien que marqué par des contraintes, manifeste tout de même une certaine ambition en allouant des ressources ciblées sur les besoins considérés comme prioritaires par le gouvernement.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le Groupe Horizon & Indépendants prend acte de la baisse des crédits proposée par le gouvernement. Si cette baisse est notable, de l’ordre de 12 % en AE et 9 % en CP par rapport à 2024, notre groupe souhaite rappeler qu’elle intervient dans un contexte budgétaire que l’on sait difficile, qui nous demande collectivement de faire des choix responsables.

Nous relevons toutefois le maintien de certains efforts ciblés à destination des outre-mer, notamment la hausse significative des crédits alloués au fonds exceptionnel d’investissement à hauteur de 18,5 % en 2025 pour atteindre 110 millions d’euros. Ce fonds permettra en effet d’accompagner les collectivités dans des investissements structurants pour leur avenir.

Par ailleurs, si l’action 2 du programme 184, portant sur l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, est en baisse de 2 % en AE et de 5 % en CP, nous notons que la majeure partie des crédits de ce programme alloués au soutien aux entreprises est en hausse de 6 % par rapport à 2024.

Notre groupe accueille favorablement la proposition du gouvernement de garantir un soutien continu aux entreprises afin de favoriser la création d’emplois durables dans les outre-mer. Enfin, il est important de rappeler qu’en plus des fonds spécifiques alloués à la mission outre-mer, les territoires ultramarins bénéficient des crédits des autres missions thématiques du budget général de l’État, tout comme les autres territoires français.

Je vous remercie d’avoir souligné les efforts nécessaires à produire en faveur de l’accompagnement de la jeunesse de ces territoires. Nous avons pu constater les effets bénéfiques du SMA, et il importe de pérenniser ce système d’insertion.

Il me reste à souligner que le vote du budget intervient dans un contexte difficile pour les territoires d’outre-mer. En effet, la coupure de courant généralisé qu’a connue la Guadeloupe en fin de semaine dernière a conduit à plusieurs barrages et à un couvre-feu partiel afin de prévenir le risque de nouveaux troubles à l’ordre public. Nous souhaitons remercier les équipes d’EDF ainsi que les élus locaux pour leur mobilisation qui a permis de limiter l’impact d’une telle situation. En Martinique, alors que des actes de violence accompagnent les mobilisations contre la vie chère depuis plusieurs semaines, les habitants ont été pris au piège des barrages tenus par les émeutiers. Au nom de mon groupe, je tiens à souligner l’action des forces de l’ordre mobilisées pour permettre un retour au calme.

Enfin, s’agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’Assemblée nationale examinera la semaine prochaine la proposition de loi organique votée ce jour en commission, visant à reporter le renouvellement général des membres du Congrès des assemblées de province. Notre groupe soutient pleinement ce texte, qui permettra de donner le temps aux partis prenants de trouver une solution concertée et globale.

Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire votre ressenti au regard de votre déplacement en Nouvelle-Calédonie ? Dans quel délai la délégation interministérielle sera-t-elle nommée, et avec quelle feuille de route ? Quels moyens pourrez-vous apporter afin d’accompagner l’indispensable reconstruction de la Nouvelle-Calédonie ?

À Mayotte, les problèmes sont multiples. Que comptez-vous faire des travaux engagés par le précédent gouvernement ? Un projet de loi sur Mayotte est-il envisagé ?

M. Max Mathiasin (LIOT). En 2017, lors de l’adoption de la loi pour l’égalité réelle par le Parlement, je n’étais pas encore député. J’avais accueilli avec circonspection cette notion d’« égalité réelle », car la République, lorsqu’elle biaise et ironise, m’incite à la méfiance. L’ajout du qualificatif « réelle » au mot « égalité » me paraissait en effet masquer une ruse puisque, au pays de Descartes, l’égalité ne me semblait pouvoir n’être que réelle.

Aujourd’hui, j’aurais pu être rassuré en entendant monsieur le rapporteur déclamer un catalogue de vingt-trois propositions. Et si nous n’étions plus guidés par l’exhortation d’Aimé Césaire à cesser d’« être le jouet sombre au carnaval des autres », nous pourrions bien nous sentir rassurés et dormir tranquille, nous Guadeloupéens, Martinique, Guyanais, Mahorais et autres ultramarins, en pensant que nos problèmes allaient être réglés par ceux-là même qui les utilisent pour chasser les bulletins de vote.

Vous débutez votre mandat dans un contexte particulièrement difficile. La Martinique est en effervescence, la Guadeloupe bouillonne, Mayotte éprouve une inquiétude extraordinaire. En Guyane, territoire presque aussi vaste que le Portugal, l’État possède 90 % des terres. Comment justifier l’absence d’une réforme foncière qui aurait permis aux jeunes Guyanais de s’établir comme agriculteurs sur leurs propres terres ?

Pourquoi sommes-nous toujours à quémander sur la question de la continuité territoriale ? Soit la France est une et indivisible, et assume pleinement son statut de puissance maritime présente dans trois océans, héritage de son expansion passée, soit elle n’est pas en mesure de tenir sa promesse républicaine à l’égard de ses anciennes colonies. Comment expliquer, en effet, que nous ne bénéficions que de 20 à 25 euros d’aide à la continuité territoriale quand, en Corse, cette aide s’élève à 200 euros ?

Je n’aborderai pas la problématique du coût de la vie, sur laquelle tant a été dit, mais j’aimerais que soit évoquée celle de la sécurité des personnes. Car on assassine beaucoup chez nous, au nom du trafic de drogue et du trafic d’armes.

Enfin, j’aimerais vous demander si le prêt à taux zéro (PTZ) pour les maisons individuelles sera maintenu ou rendu applicable dès 2025 dans les outre-mer.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Ce matin, lors de l’examen de la proposition de loi sur le report des élections en Nouvelle-Calédonie, j’ai salué, une fois n’est pas coutume, le changement de méthode. Dans ce territoire meurtri, nous avons en effet constaté un changement radical par rapport aux décisions inconsidérées de vos prédécesseurs, monsieur le ministre. Je m’interrogeais cependant sur la généralisation de ce changement de méthode aux autres territoires ultramarins, et je dois vous dire qu’à cet égard l’exemple de la crise en Martinique n’était pas de nature à me rassurer. L’examen de votre budget, marqué par une baisse de 250 millions d’euros en AE et 400 millions d’euros en CP, a achevé d’anéantir mes espoirs et ceux des députés de mon groupe, composé pour moitié de députés ultramarins.

De manière générale, le groupe GDR est fortement opposé à l’idée selon laquelle la dette de la France doit être réglée par les ménages et les services publics. Nous pensons qu’un autre budget est possible, que de nouvelles recettes peuvent être identifiées du côté des plus riches, et qu’il n’est pas acceptable, dans un contexte d’inflation et de crise économique, de faire payer la dette par les plus pauvres. Or, en baissant le budget dédié à l’outre-mer, c’est aux très pauvres que vous vous attaquez.

Les indicateurs sociaux et économiques sont sans appel. Les territoires ultramarins figurent parmi les plus défavorisés de la République : retards de développement, inégalité persistante, taux de chômage record, écarts de prêts insupportables, mortalité infantile supérieure à l’hexagone, échecs scolaires deux fois plus élevés que la moyenne. Je vous épargne les chiffres, parce que vous les connaissez, et qu’ils cachent la vie d’enfants, de femmes et d’hommes dont le quotidien dépend de votre budget, de notre budget. Or c’est justement le programme « Conditions de vie outre-mer » qui subit l’une des baisses les plus importantes.

Au regard de la situation catastrophique en Nouvelle-Calédonie, des manifestations dans les Antilles contre la vie chère, de la crise du logement sans précédent à La Réunion, de la crise de l’eau à Mayotte et plus généralement de la situation terrible de ce territoire, j’avais tendance à penser que cette année, le budget outre-mer aurait dû être encore plus important que les années précédentes.

Il faudra faire mieux avec encore moins. Je comprends bien qu’il s’agit là du credo de votre gouvernement. Mais je crains, concernant les outre-mer, que vous n’y parviendrez pas. Le changement de méthode ne suffira pas. Il ne fera pas baisser les prix, il ne logera pas les milliers d’Ultra-marins mal logés ou sans logement, il ne paiera pour de l’eau potable à Mayotte ou en Martinique, ni pour des routes en Guyane, ni pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, et encore moins pour la continuité territoriale en Polynésie.

La baisse du budget impliquerait d’établir des priorités, et j’estime que le coût de la vie, le travail, la lutte contre le chômage, le logement, la santé figurent parmi les plus pressantes. Mais prioriser suppose des sacrifices. Que faisons-nous de nos entreprises, de notre jeunesse, de nos associations, de nos collectivités ? À moins qu’il ne faille choisir, comme l’ont fait nos collègues du Rassemblement national, quel territoire aider en premier ? Ils ont choisi Mayotte. Monsieur Tjibaou choisirait sans doute la Nouvelle-Calédonie, d’autres la Martinique ou la Guadeloupe, et moi-même je choisirais très certainement La Réunion.

En vérité, ce coup de rabot sur le budget des outre-mer est une attaque intolérable portée aux territoires les plus pauvres de notre République. Vous dites avoir été oublié dans la première partie du projet de loi de finances, je dois dire, monsieur le ministre, que je regrette presque que vous ne nous ayez pas oubliés dans votre course effrénée aux économies.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Je souhaite exprimer mon émotion et ma tristesse face aux interventions de mes collègues ultramarins, tant dans l’hémicycle qu’en commission. Vos propos, empreints de dignité malgré un désespoir et une résignation parfois perceptibles, m’ont profondément touchée. Je tiens à vous assurer que vous n’êtes pas seuls. Nous sommes nombreux, ici, à vouloir vous soutenir. Les enjeux, considérables, varient d’un territoire à l’autre. Je remercie monsieur le rapporteur d’avoir mis l’accent sur Mayotte, dont la situation s’avère particulièrement complexe en raison d’une croissance démographique exceptionnelle engendrant de multiples défis.

Il est impératif de trouver des moyens plus efficaces pour vous aider, vous qui êtes partie intégrante de la France. C’est dans cette optique que nous interrogeons la diminution des budgets. Cependant, la question financière n’est peut-être pas l’unique solution. Ne devrions-nous pas envisager un véritable plan Marshall ? L’intervention de M. Amirshahi sur la valorisation des richesses de vos territoires m’a particulièrement interpellée. Sommes-nous en mesure de vous accompagner efficacement dans l’exploitation et la mise en valeur de ces ressources ?

La présentation fragmentée des missions n’offre pas une vue d’ensemble sur ce sujet. C’est pourquoi il serait judicieux d’élaborer une réflexion d’ensemble, un plan ayant pour objectif de construire une approche de soutien pertinente aux outre-mer, et non de recourir en permanence à des perfusions – et je vous prie de me pardonner l’usage de ce mot, dont je ne voudrais pas qu’il vous choque. L’objectif serait de favoriser un développement économique autonome, basé sur des initiatives locales correspondant aux enjeux spécifiques de chaque territoire. Qu’il s’agisse des Antilles, de La Réunion, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie ou d’autres territoires, les problématiques sont distinctes. Vous êtes les plus à même de les appréhender et y répondre avec vos compétences, à condition que l’on vous en donne les moyens.

Le groupe UDR avait décidé de s’abstenir sur cette mission en raison de la baisse des budgets. Néanmoins, nous nous réservons la possibilité de voter en faveur des amendements, dans l’espoir qu’ils apportent des solutions adaptées à vos attentes. Je tenais à vous faire part humblement de mes réflexions, bien que ma connaissance de vos problématiques soit sans doute imparfaite. Soyez assurés, en tout cas, de notre détermination à vous soutenir.

M. François-Noël Buffet, ministre. Je souhaite en premier lieu m’adresser à M. le rapporteur pour avis de votre commission. Je suis fort étonné que, bien que nous ne connaissions pas, il ait entamé son propos par un procès d’intention sur le mensonge. Sachez que j’ai occupé de nombreuses fois votre place dans une autre commission et que je n’y ai jamais rapporté au nom de mon parti politique, mais toujours au nom de la commission. Je constate qu’ici, les choses sont différentes. Ce ne sont pas mes pratiques et, en tant que républicain convaincu souhaitant que chacun puisse s’exprimer librement pour construire ensemble, par principe, je ne qualifierai jamais quelqu’un de menteur. Voilà tout ce que j’avais à vous dire.

Applaudissements dans la salle.

Par ailleurs, j’ai été à plusieurs reprises le rapporteur de missions sur Mayotte et je connais également ce territoire. Je suis conscient que mon arrivée au ministère n’intervient pas dans les meilleures conditions pour obtenir vos suffrages. La situation est effectivement très complexe. Lorsque j’ai pris mes fonctions, il y a un mois, j’ai découvert une lettre de plafond du précédent Premier ministre entérinant une baisse de 37 % du budget des outre-mer, notamment pour le programme 123, « conditions de vie en outre-mer ». Ma première réaction n’a évidemment pas été l’enthousiasme.

J’ai examiné la situation, conscient du délai restreint et de l’impossibilité de revoir entièrement la politique ultramarine dans ce temps imparti. Mon objectif premier a consisté à identifier des pistes permettant de retrouver des crédits budgétaires et de rééquilibrer la situation. Je ne vous promettrai pas de revenir au niveau budgétaire de l’an dernier, ce serait irréaliste. Néanmoins, je m’efforce de progresser pour améliorer l’équilibre budgétaire.

Ce rééquilibrage passera probablement par des amendements gouvernementaux, mais peut-être aussi par d’autres moyens, afin de gagner en souplesse budgétaire. En excluant les 100 millions d’euros destinés à Mayotte, l’objectif est de récupérer un peu plus de 200 millions d’euros. À ce jour, nous avons déjà trouvé près de 60 millions d’euros. Le travail se poursuit, notamment lors des réunions interministérielles, et potentiellement en séance via vos amendements.

Je sais la fragilité de l’outre-mer, pour des raisons multiples et variées selon les territoires. Mais je suis également persuadé de leur capacité à surmonter ces difficultés, qui ne datent pas d’hier. Les problèmes financiers sont réels et l’État doit mener des politiques appropriées à cet égard. Mais il existe aussi des dysfonctionnements locaux, des difficultés d’ingénierie, d’optimisation et de portage de projets, notamment concernant l’utilisation des fonds européens comme j’ai pu le constater aux Antilles.

Augmenter les budgets ne suffira pas si nous ne sommes pas en mesure de les utiliser efficacement. Cela nous placerait dans une double difficulté : non seulement nous n’aurions pas réalisé les projets, mais nos compatriotes seraient considérés comme incapables de le faire, ce qui est bien évidemment faux. Il n’y a aucune raison que nos compatriotes ultramarins et les responsables des collectivités locales ou des départements et régions d’outre-mer (Drom) ne puissent pas mener à bien des projets. Or la complexité des procédures entrave la rapidité d’action. Par exemple, la construction d’un programme immobilier nécessite cinq ans entre la prise de décision et la livraison de l’immeuble. Cette lenteur ne s’explique pas uniquement par des questions financières, mais également par des problèmes de foncier, de procédures et d’autres facteurs. Il est impératif d’examiner ces aspects.

L’orientation à la baisse de la LBU tient compte de la consommation réelle des crédits, qui varie selon les territoires. Pourquoi ces crédits n’ont-ils pas été entièrement consommés ? Parce que leur consommation se heurte à des problèmes de foncier, à des recours, et à certaines normes qui perturbent les processus. Aussi, et je le dis sans réserve, l’État devra accompagner nos collectivités, nos Drom, nos élus dans la simplification des démarches et l’accélération des procédures. Chaque euro investi par l’AFD est en capacité de générer 10 euros. L’effet de levier est donc considérable, et il convient de l’exploiter au mieux et partout, comme il convient de soutenir le potentiel économique et les capacités de développement de l’outre-mer.

Sur le plan économique, le coût élevé de la vie représente évidemment un problème majeur. Il est incompréhensible que les prix en Martinique soient en moyenne 40 % supérieurs à ceux de l’hexagone. Cette situation est inacceptable au regard du devoir de la France de traiter équitablement l’ensemble de ses habitants.

Je suis convaincu que le système actuel est obsolète et doit être repensé. La révision de l’octroi de mer, qui suscite des tensions car cette imposition représente des recettes importantes pour les collectivités locales, ne peut s’effectuer hâtivement. Une approche globale s’impose : il faut restructurer le dispositif et entreprendre une réforme structurelle, en y adossant des projets de développement à moyen et long terme pour chaque territoire.

Sans une telle vision, nos débats resteront stériles. Certains réclameront davantage, d’autres jugeront les efforts insuffisants, et nous continuerons à parer au plus pressé avec les moyens disponibles. Ce n’est pas la solution pour les outre-mer.

La véritable solution réside dans l’élaboration de stratégies de fond à moyen et long termes, portées par les collectivités locales et accompagnées par l’État, lequel doit mener en parallèle ses propres projets. C’est dans ce cadre que le Ciom prend tout son sens. Le dernier date de 2023 et, dès à présent, nous devons évaluer ce qui a été engagé, ce qui peut être fait, et ce qui reste pertinent.

Je souhaite mettre en place rapidement ces évaluations, afin qu’au premier trimestre 2025, conformément aux déclarations du Premier ministre, nous puissions élaborer une stratégie solide et pérenne, y compris sur le plan financier. L’évaluation des politiques publiques menées, notre capacité d’action et l’efficacité de nos interventions sont, à mon sens, les axes primordiaux de notre réflexion. Je ne cherche nullement à vous leurrer, mais j’estime que chacune de nos initiatives doit viser l’efficacité immédiate, au bénéfice de nos concitoyens. Tout le reste n’est que rhétorique.

Par ailleurs, d’autres enjeux se présentent. Ainsi, l’inscription de nos territoires dans leur zone géographique est fondamentale, afin d’en finir avec cette relation bilatérale entre la France hexagonale et les territoires ultramarins. À ce titre, il est impératif que nos territoires participent aux discussions pour coexister harmonieusement avec leurs voisins. Nous devons parvenir à définir une position claire sur ce sujet, qui ouvre de nouvelles perspectives et devrait contribuer à réduire, sur certains aspects, le coût de la vie. Sur le plan de la formation professionnelle, je conçois aisément que les jeunes préfèrent travailler dans leur région, et la région d’un Néo-Calédonien, ce n’est ni l’Aveyron ou la Méditerranée.

En un mois, je n’ai naturellement pas été en mesure d’aborder tous les sujets relatifs aux outre-mer. En revanche, il conviendra de les appréhender tous une fois l’étape budgétaire franchie.

Chaque territoire recèle des atouts, chacun est porteur de valeurs et de réussite, chacun représente une opportunité pour tous. Je mesure votre scepticisme quant à mes propos, mais nous nous efforcerons de concrétiser nos objectifs en nous appuyant sur un principe fondamental : le respect de la parole de l’État. Et cela commence par honorer ses engagements financiers.

Le projet de loi sur Mayotte, envisagé par le gouvernement précédent, reviendra probablement à l’ordre du jour. Il comporte plusieurs volets : une partie constitutionnelle traitant du droit du sol et du droit du sang, une partie relevant d’une loi organique, et une partie plus générale. Des discussions ont déjà eu lieu avec les élus mahorais, et nous les reprendrons afin de rendre ce texte concret et de faire avancer la situation à Mayotte.

En matière de santé, je tiens à rappeler que 244 millions d’euros sont alloués à la modernisation du site de Mamoudzou. Le projet de second hôpital débutera en 2026. Des maisons de santé accueillant des spécialistes de La Réunion sont également en cours de développement.

Concernant le logement, Mayotte est le territoire qui consomme le plus de LBU. Malgré les efforts considérables et l’arrivée d’un second opérateur, les problèmes fonciers persistent. Mais si la situation demeure insatisfaisante, de nombreuses avancées ont été réalisées.

Sur le plan sécuritaire, des actions sont en cours, telles que le remplacement de radars ou la constitution d’équipages pour la protection maritime. La maison d’arrêt est actuellement surpeuplée, mais un projet de construction a été annoncé avec un début des travaux prévu en 2027. Nous veillerons à sa réalisation effective.

Des projets d’envergure sont à l’étude, notamment concernant l’aéroport, le traitement de l’eau et la dessalinisation. Sur ce dernier point, je rappelle que le plan eau 2016-2023 a permis d’engager 411 millions d’euros prêtés par l’AFD, auxquels s’ajoutent 514 millions d’euros.

Vous m’avez interrogé, monsieur Frébault, sur le calendrier du Ciom. L’objectif est qu’il se tienne en mars, et je tiens à ce que cette date soit arrêtée dès à présent.

Monsieur Gaillard, je vous confirme que les engagements de l’État sur les contrats de convergence seront maintenus. Je préconise que la première annuité corresponde à la consommation réelle des crédits. La défiscalisation fait l’objet d’évaluations régulières, et un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) a d’ailleurs permis de mettre fin à des abus l’année dernière.

Les accords conclus sur la vie chère en Martinique permettront, dès le 1er janvier 2025, de réduire les prix des produits de consommation courante de 20 %. Certes, la parité avec l’hexagone n’est pas atteinte, mais cet objectif me paraît irréaliste. Néanmoins, des marges de progression subsistent, et cette approche pourrait être dupliquée dans d’autres territoires.

Concernant la continuité territoriale, notre objectif pour 2025 consiste à maintenir le niveau budgétaire de 2024, soit 76 millions d’euros, contre les 63 millions d’euros initialement prévus dans le projet de loi de finances. Des améliorations pourront être apportées à la faveur des débats.

Je vous annonce, monsieur Gumbs, que nous nous rendrons naturellement à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Ma dernière visite remonte à l’année dernière, mais la situation a évolué et requiert un renforcement budgétaire. La réalité de ces deux territoires diffère des autres collectivités, mais les enjeux demeurent majeurs, notamment en matière de préfecture et de justice.

La Nouvelle-Calédonie traverse une période charnière. Il est impératif de trouver les moyens de relancer l’économie, de créer des emplois et de stabiliser une population en déclin. Entre 2014 et 2023, 18 000 habitants ont quitté le territoire, auxquels s’ajoutent 6 000 départs au premier semestre 2024. Parmi eux, on compte un nombre alarmant de professionnels de santé. Les événements de mai dernier ont entraîné une perte de 15 % du PIB calédonien, soulevant des questions quant à la viabilité du territoire.

L’État s’est immédiatement mobilisé, au-delà des mesures de maintien de l’ordre public, dans un contexte de calme fragile. Nous avons débloqué 500 millions d’euros supplémentaires via l’AFD pour soutenir les collectivités locales, alloué 4 millions d’euros à la province Sud pour la mise en place d’un transport maritime contournant la route de Saint-Louis, et prolongé le chômage partiel jusqu’en décembre.

Il convient de rappeler que les transferts annuels de l’État en Nouvelle-Calédonie s’élèvent à 1,7 milliard d’euros. Entre les budgets 2024 et 2025, une aide supplémentaire d’environ 1,3 milliard d’euros sera allouée pour faire face à la crise. Nous prévoyons donc un budget conséquent pour les années à venir, s’inscrivant dans un projet à moyen et long terme pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, élaboré en collaboration avec le président du gouvernement et le Congrès.

La question du nickel se pose avec acuité. L’usine de la province Nord est fermée, celle de Thio a été détruite par ses propres ouvriers, mettant 350 personnes au chômage, tandis que l’usine de la province Sud survit difficilement. Nous devons repenser l’avenir de cette industrie, indissociable de l’identité calédonienne, en concertation notamment avec le président de la province Nord.

Sur le plan institutionnel, tous les acteurs locaux ont exprimé leur volonté de collaborer. Aussi, je pense que le dialogue reste ouvert. Nous avons donc rétabli un processus qui débutera par la visite prochaine des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le Premier ministre sera l’interlocuteur politique principal, et le Président de la République interviendra si une réforme constitutionnelle s’avère nécessaire. Parallèlement, nous dépêchons une délégation de techniciens pour examiner l’utilisation des fonds alloués et faciliter le paiement des fournisseurs par les collectivités locales.

Sur l’aspect institutionnel encore, mais concernant les autres territoires, nous attendons le rapport de MM. Pierre Égéa et Frédéric Montlouis-Félicité sur l’évolution institutionnelle des outre-mer, qui devrait être finalisé courant novembre. Cependant, je tiens à souligner que cette question de la structure institutionnelle, si elle peut constituer un moyen d’évoluer, n’est pas la solution à tous les maux, qui sont avant tout d’ordre économique et de développement. Le gouvernement reste néanmoins ouvert à des discussions et des échanges libres, sans contrainte et en toute transparence.

Le PTZ, évoqué par M. Mathiasin, est actuellement applicable pour la construction neuve dans les Drom, uniquement pour le bâti collectif. L’extension du zonage prévue par le gouvernement sera appliquée, et j’envisage la possibilité de l’étendre au bâti individuel dans les Drom. Cette mesure répondrait non seulement à une demande de logement social, mais aussi à un besoin d’accession à la propriété. Je considère en effet qu’il est essentiel que les populations puissent s’inscrire dans un parcours résidentiel, quel que soit le territoire.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je souhaite apporter quelques précisions concernant mes propos antérieurs. Vous m’avez reproché de vous avoir traité de menteur. Or les mots ont un sens, et je n’ai parlé que de « propos mensongers » dans votre intervention liminaire. C’est la langue de bois qui a mené les outre-mer dans l’état dans lequel ils se trouvent, et parfois il est essentiel de s’exprimer avec franchise.

Je me réjouis d’apprendre par votre voix que les travaux de la nouvelle prison à Mayotte commenceront en 2027. Cependant, je m’interroge sur la faisabilité de ce calendrier. En effet, ni le préfet ni l’administration pénitentiaire ne sont actuellement en mesure d’identifier le terrain destiné à accueillir cet établissement. Compte tenu des délais nécessaires pour l’acquisition foncière, les études environnementales et l’obtention du permis de construire, cette annonce me semble très optimiste. La situation est d’ailleurs identique pour le nouvel aéroport, pour lequel aucun terrain n’a encore été identifié.

Je salue l’arrivée annoncée de spécialistes au sein d’une maison médicale à Mayotte. Néanmoins, j’attire votre attention sur l’urgence de la situation sanitaire. À titre d’exemple, le service des urgences du centre hospitalier de Mayotte ne compte actuellement que trois médecins pour trente postes nécessaires, et n’en comptera plus qu’un seul en décembre.

Quant aux radars, nous partageons votre avis sur la nécessité de les remplacer. Cependant, l’installation des nouveaux dispositifs, promise en 2022 pour 2024, n’a toujours pas débuté. Aucune ligne budgétaire n’a été prévue et le cahier des charges n’est pas rédigé. Considérant les délais inhérents à la commande publique, il est difficile d’envisager l’arrivée de ces nouveaux radars avant plusieurs années.

En conclusion, je vous invite à ne pas vous éloigner des réalités de nos compatriotes mahorais et des difficultés auxquelles ils sont confrontés.

M. le président Florent Boudié. Nous passons aux questions des députés.

M. Davy Rimane (GDR). Je ne voudrais pas résumer vos propos à leurs accents incantatoires, mais je crains que la réalité nous rattrape dès demain, lorsque nous procéderons à l’examen détaillé de votre budget.

La baisse des crédits de certaines missions, notamment dans les domaines de la justice et de l’intérieur, est inquiétante. J’étais en Guyane récemment, et j’ai visité la sous-préfecture de Saint-Laurent-du-Maroni. Ce que j’y ai vu est tout simplement honteux. Le bâtiment se délabre sans que personne n’intervienne pour sécuriser les zones dangereuses ou ramasser les débris. Les usagers sont contraints d’attendre dehors, exposés aux intempéries. Cette situation est indigne de la République française : nos concitoyens ne devraient pas avoir à effectuer leurs démarches administratives dans de telles conditions.

Dans le cadre des lois d’orientation et de programmation des ministères de l’intérieur et de la justice, nous avions formulé des propositions adaptées aux réalités du terrain, mais elles n’ont pas été prises en compte. Or les chantiers à mener sur nos territoires sont dantesques. Dès lors, si votre gouvernement souhaite véritablement apporter des réponses concrètes, il est impératif que les décisions soient suivies d’actions. Dans le cas contraire, nous risquons une rupture inévitable entre les populations et la République. Alors, il sera bien difficile de reprocher à nos concitoyens une forme de violence tant leur situation résulte d’une accumulation de problèmes depuis des décennies.

Mme Anchya Bamana (RN). Nous constatons avec regret la réduction les crédits alloués aux outre-mer dans le budget. Cette diminution intervient alors que la situation à Mayotte se dégrade, notamment en raison de l’immigration illégale et de l’afflux quotidien de nouvelles populations.

Un contrat d’engagement a été conclu en 2023 entre l’État et le département de Mayotte. Il s’avère essentiel de soutenir ce territoire dans l’exercice de ses missions, particulièrement en matière de protection maternelle et infantile, d’aide sociale à l’enfance (ASE) et de transport scolaire.

Mayotte enregistre annuellement plus de 10 000 naissances, dont 75 % de mères étrangères. Sa maternité est la plus grande d’Europe. La protection maternelle et infantile (PMI) est donc fortement sollicitée, d’autant qu’elle prend en charge une proportion nettement supérieure de mères et d’enfants qu’en métropole : 60 % contre 20 %.

Pour permettre à l’ASE de répondre durablement aux défis auxquels elle est confrontée, le contrat d’engagement liant l’État et Mayotte doit être reconduit au minimum pour 2025, idéalement jusqu’en 2027. Rappelons qu’entre 2019 et 2022, les dépenses de l’ASE ont augmenté de plus de 90 %.

Le secteur du transport scolaire fait également face à une forte hausse des dépenses dans un contexte de grande insécurité. Le département ne dispose d’aucune visibilité sur le renouvellement de ses financements pour 2025, alors que l’immigration irrégulière continue de grever son budget.

Qu’en est-il de la reconduction de ces financements dans ce contexte de réduction budgétaire ? N’oubliez pas de conjurer le sentiment d’abandon des Mahorais.

M. Elie Califer (SOC). Monsieur le ministre, votre franchise face à l’ampleur de la tâche est louable, tout comme votre suggestion d’inscrire les outre-mer dans leurs zones géographiques respectives. Cette volonté est aussi la nôtre. Cependant, au vu du budget alloué à l’accompagnement régional, nos marges de manœuvre s’avèrent limitées. Si nous empruntons cette voie, un travail approfondi sur les normes s’impose, sujet que la commission des lois est particulièrement à même d’aborder.

Vous avez évoqué un possible déficit de technicité et d’ingénierie dans nos territoires. Permettez-moi d’apporter un éclairage différent sur ce point. En Guadeloupe, et plus précisément dans la commune que j’ai eu l’honneur d’administrer, l’État a mis en place un programme de logement il y a dix ans. Or, à ce jour, il n’a pas su le concrétiser.

Concernant la LBU, bien que les fonds soient fléchés, nous rencontrons de réelles difficultés pour les consommer. Les financements sont disponibles, mais les programmes ne se concrétisent pas faute de plans de financement complets.

Mme Sophie Blanc (RN). La situation en Guadeloupe et en Martinique est devenue intenable. Les prix de l’alimentation y dépassent de 40 % ceux de la métropole. Selon un rapport de la Cour des comptes, cet écart s’explique non seulement par des marges bénéficiaires importantes et une concurrence restreinte, mais aussi par l’octroi de mer. Cet impôt, vestige de l’Ancien Régime, alourdit gravement le prix des produits importés par voie maritime par des pays non-membres de l’Union européenne.

Les récents événements en Guadeloupe, marqués par des émeutes et des actes de vandalisme, révèlent un malaise profond et une frustration croissante face à une situation économique devenue insoutenable. Dans ce contexte, je tiens à rappeler les amendements que nous avons proposés pour renforcer le pouvoir d’achat des Ultramarins dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances. Nous préconisons notamment une réforme de l’octroi de mer. En exonérant les produits français et ceux de l’Union européenne, nous pourrions substantiellement améliorer le pouvoir d’achat des habitants des outre-mer. Quelle sera votre position concernant cet amendement qui n’a pas encore été examiné en séance ?

Nous avions également proposé un taux de TVA à 0 % sur un panier de 100 produits de première nécessité. Il est particulièrement regrettable que cet amendement soit tombé, car il aurait permis d’alléger significativement la charge financière pesant sur nos compatriotes ultramarins.

Concernant les dépenses budgétaires relevant de la seconde partie du projet de loi de finances, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour lutter contre la vie chère ?

Mme Béatrice Bellay (SOC). Je m’inquiète pour vous car tous ceux qui ont fait montre de bonne volonté au poste que vous occupez n’y ont guère duré. Aussi, je vous souhaite longue vie à ce poste, parce que je pense que vous avez compris que le développement de nos pays des océans supposait un changement de vision. Je l’affirme : construire une vision décoloniale de ces territoires est impératif. Et je vous le dis également : votre parti, Les Républicains, doit se garder des chimères et des objectifs électoraux.

J’espère que nous serons unis dans le refus de la suppression de l’octroi de mer, qui nourrit aujourd’hui le service public et qui offre aux collectivités ultramarines la possibilité de décider de l’orientation de la fiscalité issue de la consommation des habitants des pays des océans.

Notre groupe a sollicité la baisse de la TVA dans tous les pays des océans par le biais d’un amendement qui a été adopté et qui était mieux-disant que celui du gouvernement, que nous avons quand même fait adopter. Nous souhaitons vous entendre sur votre accompagnement sur cette réduction de la TVA pour les biens et services.

Par ailleurs, nous requérons, à l’image du Medef, la mise en œuvre d’une véritable mesure de continuité territoriale qui serait de nature à faire baisser les prix.

M. Emmanuel Tjibaou (GDR). Je souhaite soulever la question de la traduction concrète, en termes budgétaires, de la solidarité exprimée dans le discours de politique générale du Premier ministre. Cette interrogation se justifie par la dégradation des services publics dans nos territoires, qui se trouvent aujourd’hui dans des situations critiques. Nous nous interrogeons également sur la capacité de la France à concrétiser ses ambitions dans la zone indo-pacifique sans disposer des moyens nécessaires.

Lors de cette séance, nous entendons beaucoup de paroles, mais peu d’actions concrètes. Nous ne sommes pas dupes, au vu de notre expérience avec le gouvernement précédent. Le délai qui nous est accordé pour restaurer un semblant de qualité de vie en Nouvelle-Calédonie dépendra largement des crédits alloués aux collectivités pour faire face à cette situation d’urgence.

Je suis originaire de la province Nord, où nous ne disposons que d’un médecin pour 50 000 habitants. Cette situation critique illustre une réalité qui va au-delà des chiffres : elle traduit l’aspiration de notre pays à prendre en charge son destin. Assumer cette responsabilité implique d’être comptable de nos actes.

Nous allons au-devant de discussions institutionnelles, mais il est impératif de répondre en premier lieu aux problématiques économiques. Sans cela, aucun dialogue institutionnel ne pourra reprendre dans un pays qui a faim.

M. François-Noël Buffet, ministre. Je confirme que la construction d’un nouveau centre pénitentiaire de 400 places et d’un centre de semi-liberté de 20 places est prévue à Mayotte et commencera en 2027. Actuellement, nous sommes à l’étape de recherche du foncier.

Concernant les autres questions de sécurité, l’État poursuit le renforcement des dispositifs de surveillance maritime. Un ensemble d’outils technologiques, comprenant des radars de détection et des drones de surveillance, a été déployé pour surveiller les côtes mahoraises. Une barge équipée d’un radar sera mise en service fin 2024 sur le lagon afin d’améliorer la couverture de détection. De plus, le financement du ponton de l’ilot de Mtsamboro a été sécurisé pour renforcer la présence des intercepteurs dans ce secteur sensible.

Je souligne, dans la continuité des propos de M. Rimane l’importance de l’état des bâtiments publics. Si la préfecture de Saint-Laurent-du-Maroni est en mauvais état, nous devons examiner le budget du ministère de l’intérieur alloué aux outre-mer pour garantir des services publics en bon état. Je rappelle qu’en Nouvelle-Calédonie, nous finançons à 100 % la reconstruction des bâtiments scolaires détruits et à 70 % celle des autres bâtiments publics.

À l’attention de Mme Bamana, qui a évoqué la continuité de l’État à Mayotte sur les questions de petite enfance et de santé, je rappelle que nous tentons de sanctuariser 100 millions d’euros et de les allouer de manière pérenne. Ces fonds seront en tout cas prévus pour 2025. Par ailleurs, la construction d’une maison départementale de l’enfance est prévue, avec la création de places en famille d’accueil, le développement de l’offre de garde, et la mise en place de bilans de santé et de vaccination.

Je ne fais aucune généralité, monsieur Califer, à propos des problèmes d’ingénierie. Mais je pense qu’un coup de pouce est parfois nécessaire, et je suis d’accord avec vous concernant l’impérative simplification des normes.

En réponse à Mme Blanc, qui m’a interpellé sur le coût de la vie, je souligne que l’accord trouvé en Martinique sur les prix est le fruit d’une concertation avec l’État, la collectivité territoriale de Martinique, mais aussi les professionnels du monde économique.

Concernant l’octroi de mer, je vous le redis, madame Bellay et madame Blanc, il est maintenu tel qu’il est en 2025. Si des évolutions doivent se produire, il faudra au préalable se donner le temps de la discussion. Il est naturellement inenvisageable de prendre une décision brutale, qui mettrait en difficulté les collectivités locales.

Monsieur Tjibaou, des avancées budgétaires sont en cours d’arbitrage pour la Nouvelle-Calédonie, et certaines ont déjà été annoncées. Des amendements seront portés par le gouvernement. Le texte que vous avez voté ce matin en commission des lois est extrêmement important pour le report des élections des membres du Congrès des assemblées de province. La date n’est de ces élections n’est pas fixée. Place maintenant à la discussion et, je l’espère, à des avancées positives pour la Nouvelle-Calédonie.

M. le président Florent Boudié. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses, et je souligne que nous avons été nombreux ce matin à souligner que ce report des élections, s’il était adopté la semaine prochaine en séance, ne serait pas une finalité, mais inaugurerait une nouvelle période.

 

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Puis, la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Outremer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CL263 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous proposons d’élaborer un plan de reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, la crise provoquée par le précédent gouvernement ayant aggravé une situation sociale et économique déjà très difficile.

L’examen du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie a suscité de vives contestations. Le Caillou est alors tombé dans une situation explosive, et la suspension du texte n’a pas permis de mettre un terme à la crise. Le coût des dégâts causés aux infrastructures et aux commerces est estimé à pas moins de 2,2 milliards d’euros. La crise économique et sociale dans laquelle était déjà plongée la Nouvelle-Calédonie s’est aggravée. En raison des fermetures d’entreprises, 6 000 emplois ont été détruits, sur les 67 000 du secteur privé. Selon les dernières estimations, le chômage partiel toucherait 29 % de l’effectif salarié.

Il est temps que l’État prenne ses responsabilités. Les aides financières accordées jusqu’à présent sont limitées : elles s’élèvent à quelque 400 millions d’euros, dont des prêts et avances que la collectivité devra rembourser, en dépit de ses difficultés. Aussi reprenons-nous à notre compte la proposition formulée par le Congrès, qui consiste à mettre en œuvre un plan de reconstruction étalé sur cinq ans, doté de 4,2 milliards d’euros au total, soit 840 millions par an à partir de 2025.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sur le fond, la demande du Congrès de la Nouvelle-Calédonie me paraît tout à fait légitime, d’autant que le financement d’un plan ambitieux de reconstruction des infrastructures et du tissu économique local contribuerait à restaurer la paix sociale dans l’archipel. Toutefois, cet amendement ne s’inscrit pas dans un contre-budget global. En toute responsabilité, je préfère donc m’en remettre à la sagesse de notre commission.

M. Philippe Gosselin (DR). Pour différentes raisons, nous aurons un peu de mal à voter cet amendement, qui a cependant le mérite de mettre en lumière de vrais besoins. On estime que la Nouvelle-Calédonie aura rapidement besoin de plus de 2 milliards d’euros ; de son côté, le Congrès a évalué à 4,5 milliards les crédits nécessaires au financement d’un plan de reconstruction soutenu par l’ensemble des forces politiques de la collectivité. En tout cas, le sujet est aujourd’hui sur la table, et il convient de rappeler avec force et de façon assez unanime que des mesures particulières devront être prises, même si elles ne le seront peut-être pas dans le cadre du présent budget.

M. le président Florent Boudié. Je confirme vos propos. Nous avons d’ailleurs adopté ce matin, lors de l’examen des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, un amendement de M. Delaporte allant dans ce sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL236 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL283 de M. Yoann Gillet et II-CL329 de M. Christian Baptiste (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). L’amendement II-CL236 vise à garantir un droit humain fondamental : l’accès à une eau potable, constante et abordable.

L’absence d’approvisionnement fiable rend insoutenable la vie quotidienne de milliers de familles, d’enfants et de personnes âgées. En mars dernier, l’Unicef a rappelé qu’un enfant sur trois vivant à Mayotte, en Guyane ou à La Réunion n’a pas d’accès garanti à l’eau. Une telle situation, alarmante, serait absolument inconcevable dans n’importe quel département de l’Hexagone. Pourtant, les citoyens ultramarins doivent composer avec ces manques au quotidien. Des écoliers voient même parfois leur journée de classe annulée faute d’eau potable à disposition.

Nous proposons donc d’allouer, dès 2025, une enveloppe de 500 millions d’euros à la réhabilitation des infrastructures vétustes en vue d’assurer un approvisionnement continu et abordable. Nous vous demandons d’adhérer largement à ce plan d’urgence, qui vise à rendre effectif, de manière immédiate et durable, un droit fondamental reconnu par une résolution adoptée en 2010 par l’Assemblée générale des Nations unies.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Manque d’assainissement, défaillance voire absence de réseaux d’adduction, contamination de l’eau : les problèmes rencontrés par nos compatriotes ultramarins sont nombreux et divers.

Selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese), 31,7 % des Mahorais n’ont pas accès à l’eau courante dans leur logement. En période normale, 50 % de l’eau provient des rivières, mais en période sèche, ce taux chute à 25 %. Cela met en tension l’ensemble du réseau d’approvisionnement : la population doit faire face à des coupures pouvant durer plusieurs jours, ce qui provoque de graves problèmes sanitaires du fait de l’usage d’eau impropre à la consommation. En Guyane, entre 15 % et 20 % de la population est privée d’eau potable, alors que la région dispose de la troisième réserve d’eau au monde. À La Réunion, un habitant sur deux ne peut pas boire l’eau du robinet car elle est impropre à la consommation. Cette situation est totalement inacceptable dans la septième puissance économique mondiale, mais l’État reste très en retrait sur cette question.

Nous devons garantir l’accès à l’eau potable, qui est un droit reconnu dans de nombreux pays et par plusieurs organisations internationales auxquelles appartient la France. Aussi notre amendement II-CL283 vise-t-il à lancer un véritable plan d’urgence afin de rendre effectif le droit d’accès à l’eau dans les outre-mer. Nous montrerons ainsi à nos compatriotes ultramarins qu’ils sont respectés et considérés.

M. Jiovanny William (SOC). Afin de faire face à la crise de l’eau que connaît la Guadeloupe, l’amendement II-CL329 vise à augmenter de 10 millions d’euros la subvention exceptionnelle versée au syndicat mixte chargé de la gestion de l’eau et de l’assainissement dans cette région.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement II- CL236 au profit de mon amendement II-CL283. S’agissant de l’amendement II-CL329, qui est un peu différent, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL246 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Dans les territoires insulaires et éloignés, l’autonomie énergétique doit s’imposer comme un objectif prioritaire. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), les collectivités d’outre-mer bénéficient en effet d’un environnement qui leur permettrait d’atteindre une telle autonomie, avec 100 % d’énergies renouvelables. Pourtant, elles importent encore largement une énergie très carbonée.

En mars dernier, le Cese a estimé que l’objectif d’une autonomie énergétique des régions ultramarines en 2030 serait « difficilement atteignable », car ces collectivités « dépendent encore en grande majorité de centrales thermiques fonctionnant au charbon et au fioul ». Il est donc nécessaire d’accompagner les outre-mer pour accélérer cette bifurcation. Aussi proposons-nous de créer, au sein de la mission Outre-mer, un nouveau programme dédié à l’« autonomie énergétique des collectivités ultramarines ».

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). La situation est tendue à La Réunion, où les salariés de la société Albioma ont fait part des grandes difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés. Alors que notre île pourrait utiliser le soleil, le vent, ses rivières pérennes et l’océan qui l’entoure afin d’être autonome en énergie, les deux tiers de sa production électrique sont assurés par deux usines qui fonctionnent avec des pellets de bois importés du Canada. Les investissements ne sont pas au rendez-vous, si bien que nous devons recourir à des accords internationaux qui ne sont absolument pas en faveur de notre population. Si ces deux usines s’arrêtent de fonctionner, La Réunion connaîtra une crise économique sans précédent. Notre île a pourtant tous les atouts qui lui permettraient d’être un laboratoire en matière d’innovation et de développement des énergies vertes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL235 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CL323 de M. Christian Baptiste (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Une fois encore, la ligne budgétaire unique consacrée au logement dans les outre-mer est en baisse, de 10,93 % en autorisations d’engagement (AE) et de 5 % en crédits de paiement (CP). Par notre amendement II-CL235, nous proposons de la doubler.

L’an dernier, un amendement identique avait été adopté, à l’unanimité, en séance publique. Même les membres de l’ancienne majorité, qui participent à l’actuel « socle commun », avaient voté pour. Je me souviens que M. Gosselin avait pris la parole, dans l’hémicycle, pour soutenir cet amendement, qui a ensuite été rayé d’un trait de plume élyséen.

Il s’agit non seulement de répondre aux besoins fondamentaux de nos territoires en logements sociaux, mais également d’assurer le développement économique de nos collectivités en soutenant le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). À La Réunion, en effet, la crise de cette filière a des répercussions sur l’emploi.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à faire preuve de constance en votant cet amendement favorisant la justice sociale et le développement économique. Vous enverrez ainsi un signal très fort au pouvoir exécutif. Ensuite, l’Élysée, ou plutôt Matignon, fera ce qu’il voudra…

M. Jiovanny William (SOC). Je souscris entièrement aux arguments de M. Gaillard, qui valent également pour l’amendement II-CL323.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Ces deux amendements vont dans le même sens : ils visent à augmenter les crédits consacrés au logement. Je déplore la faiblesse de cette politique publique dans nos outre-mer ; vous avez d’ailleurs vous-mêmes rappelé, à juste titre, l’insuffisance des investissements de l’État dans ce domaine. Sur le principe, je ne peux donc qu’être favorable à une revalorisation des crédits concernés, mais pour la raison que je vous ai expliquée tout à l’heure, je m’en remettrai à la sagesse de notre commission. J’espère toutefois que notre vote incitera la Gouvernement à faire mieux – il n’est pas interdit de rêver…

Mme Émeline K/Bidi (GDR). À La Réunion, 50 000 habitants attendent un logement social, mais on n’en construit qu’à peu près 1 600 par an. À ce rythme-là, et à condition que le nombre de demandeurs reste stable, il faudrait trente-deux ans pour résorber la crise du logement. Or, dans ma région, le principal bailleur social est CDC Habitat, une filiale de la Caisse des dépôts, qui dépend elle-même de l’État. Si l’État accepte donc de se prêter à lui-même les 200 millions d’euros évoqués dans l’amendement II-CL235, nous n’aurons peut-être pas besoin de trente-deux ans pour régler la crise du logement !

M. Philippe Gosselin (DR). Je suis de ceux qui considèrent que la politique du logement est transversale : en encourageant la construction de logements, nous menons aussi une politique sociale, économique et familiale.

Ces dernières années, nous n’avons pas assez investi dans ce domaine. Depuis sept ans, au niveau national, nous construisons chaque année 100 000 logements de moins : cela fait donc 700 000 logements qui manquent à l’appel. Je montrerai une fois de plus la constance de mes engagements, sans pression mais en cohérence avec mes votes passés. Je suis donc tout à fait favorable à ces deux amendements.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements II-CL244 de Mme Sandrine Nosbé et II-CL327 de M. Jiovanny William (discussion commune)

M. Jiovanny William (SOC). Mon amendement II-CL327 est quasiment un amendement d’appel, car les 25 millions d’euros demandés ne permettraient d’assurer une continuité territoriale concrète que dans une seule collectivité. Il faudrait en réalité plus de 100 millions d’euros par an pour couvrir l’ensemble des territoires ultramarins.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL247 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CL335 de M. Philippe Naillet (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Par notre amendement II-CL247, nous voulons appeler l’attention de l’ensemble de la nation sur le besoin de transports publics ferroviaires dans les outre-mer.

Jusque dans les années 1970, un train faisait le tour de l’île de La Réunion ; pour des raisons politiques et économiques, il a été abandonné au profit du tout-voiture. D’autres territoires ultramarins ont aussi besoin de transports ferroviaires, notamment de type tram-train, reliant les villes entre elles et permettant de circuler à l’intérieur de ces dernières. Si nous ne prévoyons pas d’enveloppe pour la réalisation de ces travaux, nos plaidoyers en faveur de la transition écologique ne sont que des mots creux.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. M. Ratenon a cité, dans l’exposé sommaire de son amendement, le bilan des états généraux des mobilités : 77 % des Réunionnais ont exprimé leur souhait de voir se développer un réseau ferroviaire dans leur île. Ces deux amendements visent donc à répondre à une demande des citoyens. Ils permettraient par ailleurs de contribuer aux efforts réalisés en vue de réduire la congestion routière. À titre personnel, je ne peux donc qu’y être favorable, mais pour les raisons que j’ai déjà expliquées, je m’en remettrai à la sagesse de notre commission.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Le Gouvernement a récemment annoncé son intention d’augmenter la taxe de solidarité sur les billets d’avion ; le produit de cette taxe est affecté à un fonds ferroviaire, lequel permet d’entretenir les lignes de chemin de fer existantes mais pas d’en construire de nouvelles. Or, chez nous, il n’existe pas de réseau ferroviaire : nous payons donc la taxe sur les billets d’avion sans bénéficier d’aucune contrepartie.

Il y a cinquante ans, un train circulait à La Réunion. Il n’y en a plus aujourd’hui, et ce n’est pas la politique menée par le Gouvernement qui nous permettra d’en retrouver un !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL279 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les infrastructures des outre-mer sont dans un état déplorable. Certains logements sont insalubres. Les écoles et les hôpitaux sont sous pression. Les bibliothèques et les espaces culturels ou sportifs ne sont pas à la hauteur, non plus que les services d’urgence et d’action sociale. Le réseau routier est lacunaire et les transports publics demeurent très peu développés ; cette situation n’est pas tenable, car plusieurs heures sont bien souvent nécessaires pour parcourir quelques kilomètres. Nos compatriotes ultramarins ont trop souvent, à juste titre, le sentiment d’être oubliés.

Cette carence en matière d’infrastructures est d’autant plus criante que les territoires d’outre-mer font face à une forte croissance démographique. Au vu du très faible taux d’équipement scolaire, les collectivités ne peuvent répondre aux besoins de scolarisation. Au-delà du nombre insuffisant d’établissements, les syndicats d’enseignants et les associations de parents d’élèves dénoncent l’état de certaines infrastructures vieillissantes. Les hôpitaux sont saturés et souffrent du même manque de moyens.

Au regard des enjeux, le budget pour 2025 illustre le cruel manque d’ambition et de vision du Gouvernement pour ces territoires. Pire : il reflète un certain mépris. Un renforcement des crédits du fonds exceptionnel d’investissement pourrait permettre de soutenir davantage de projets ainsi que de répondre aux besoins d’ingénierie des collectivités.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL281 et II-CL286 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. La forte augmentation du coût du fret a des effets importants sur le quotidien de nos compatriotes vivant dans les outre-mer, où la vie est déjà bien plus chère que dans l’Hexagone. Le PLF pour 2025 alloue à l’aide au fret une enveloppe de 4,37 millions d’euros en AE et de 2,38 millions en CP, ce qui apparaît très insuffisant au vu de la situation économique actuelle. Alors que le taux de chômage est proche de 30 % dans certains territoires et que le niveau de pauvreté est parfois cinq fois plus élevé qu’en métropole, l’État a le devoir d’agir. Aussi l’amendement II-CL281 vise-t-il à abonder de 20 millions d’euros les crédits relatifs à l’aide au fret maritime. Cela permettra de faire baisser le prix des biens de première nécessité et de favoriser la production locale.

Quant à l’amendement II-CL286, il vise à augmenter les crédits alloués à l’opération Harpie. La grande majorité des exploitations d’or en Guyane sont illégales ; or cet orpaillage illégal représente une production de 10 à 12 tonnes par an, contre 1 à 2 tonnes pour l’activité déclarée. Selon la Fédération des opérateurs miniers de Guyane, l’orpaillage illégal détournerait chaque année quelque 750 millions d’euros du PIB guyanais. Véritable fléau sécuritaire, mais aussi économique, sanitaire et environnemental, il concourt également au développement des trafics et de la délinquance. Les forces de l’opération Harpie ne sont pas épargnées par ces violences. Lors de mon déplacement en Guyane, il y a un an, j’ai rencontré ces gendarmes et légionnaires, et je peux vous dire l’inquiétude qui est la leur face à la montée des violences. Je veux d’ailleurs leur rendre hommage et saluer leur travail remarquable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL280, II-CL287, II-CL291, II-CL290 et II-CL288 de M. Yoann Gillet (discussion commune)

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les territoires d’outre-mer ne sont malheureusement pas épargnés par l’insécurité. Le département de Mayotte, plongé dans un climat de violences quotidiennes, en est un triste exemple. Vivre à Mayotte, c’est vivre un enfer ! Je m’y suis rendu il y a quelques semaines, et j’y ai vu une violence qu’aucun de nos compatriotes ne devrait jamais subir sur le territoire de la République. Je propose donc, par mon amendement II-CL280, de créer un fonds d’équipement et de sécurité à Mayotte.

Je formule la même proposition pour la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, qui font respectivement l’objet des amendements II-CL287, II-CL291, II-CL290 et II-CL288.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL234 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CL337 de M. Elie Califer (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Notre amendement II-CL234 vise à créer une agence de soutien à l’ingénierie locale des collectivités d’outre-mer – un sujet que M. le ministre a évoqué tout à l’heure. Nous nous inscrivons en faux contre cette assertion, que l’on nous renvoie souvent à la figure, selon laquelle les collectivités d’outre-mer ne seraient pas capables d’utiliser l’argent accordé par Paris. Il n’empêche que notre capacité à former des jeunes, et surtout à les garder sur place, une fois diplômés, pour qu’ils contribuent au développement de nos territoires, pose une vraie difficulté. La commission des affaires économiques a d’ailleurs adopté ce matin un amendement comparable au mien, visant à créer des instituts régionaux d’administration (IRA) ultramarins. La création de ce genre d’organismes me semble essentielle pour nous permettre de monter en gamme.

M. le président Florent Boudié. Je n’ai, quant à moi, monsieur Gaillard, pas compris de la même façon que vous les propos du ministre à ce sujet.

M. Elie Califer (SOC). Le fonds outre-mer (FOM), piloté par l’Agence française de développement (AFD) pour le compte du ministère chargé des outre-mer, est un fonds d’assistance à maîtrise d’ouvrage visant à appuyer le renforcement des capacités des territoires ultramarins pour la réalisation de projets structurants. Par notre amendement II-CL337, nous demandons une augmentation de la dotation de ce fonds afin de renforcer l’ingénierie des collectivités d’outre-mer.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

M. Philippe Gosselin (DR). Je n’ai vu dans les propos du ministre aucune forme de condescendance. Avec Davy Rimane, dans le cadre de la délégation aux outre-mer, nous avons effectué au printemps une mission de six semaines dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer : je peux vous assurer que cette question revenait à chaque fois. Sans vouloir faire de comparaison hasardeuse, j’ai été longtemps maire d’une petite commune rurale et je me trouvais aussi très démuni car je n’avais pas de capacité d’ingénierie.

Si cette question mérite d’être posée – à la délégation aux outre-mer, nous remettrons le sujet sur la table dans quelques petites semaines –, je ne suis pas sûr que la création d’une agence soit la réponse la plus adaptée. Ce genre d’organismes, dont nous essayons d’ailleurs de réduire le nombre, présente parfois l’inconvénient de cloisonner les choses.

M. Elie Califer (SOC). Il ne s’agit pas forcément de créer une agence : l’AFD est déjà compétente en la matière, mais il faudrait lui donner des moyens supplémentaires.

Il est vrai que les petites collectivités subissent une crise de l’ingénierie car on observe une sorte de fuite des compétences : tous les jeunes que nous formons trouvent ensuite des emplois au niveau national. Cependant, rassurez-vous, les assemblées départementales ou régionales ont toujours les moyens d’agir.

M. Philippe Gosselin (DR). J’ai parlé de la création d’une agence en réaction à l’amendement II-CL234. Effectivement, monsieur Califer, l’AFD agit déjà dans ce domaine.

J’observe, comme vous, ce phénomène d’aspiration des compétences. Encore une fois, je ne veux pas faire de comparaison hasardeuse, mais il me semble que les collectivités rurales sont confrontées au même problème : nous cherchons aussi le moyen de garder nos jeunes et nos compétences. Ultramarins et ruraux, même combat !

M. le président Florent Boudié. Je partage votre constat.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL334 de M. Elie Califer

M. Elie Califer (SOC). Il s’agit d’augmenter la dotation du fonds de secours permettant aux territoires ultramarins de faire face aux nombreux aléas naturels de forte intensité auxquels ils sont fréquemment exposés. Vous avez sans doute en tête quelques images d’événements terribles survenus récemment dans l’Hexagone ; sachez que les outre-mer ont subi, l’an dernier, au moins cinq phénomènes comparables, qui ont causé de gros dégâts.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Vous avez raison de rappeler les risques naturels auxquels sont confrontés nos territoires ultramarins – j’évoque d’ailleurs la situation de Mayotte dans mon avis budgétaire. Je confirme l’importance du fonds de secours pour les outre-mer (FSOM), que vous proposez d’abonder de 10 millions d’euros. À titre personnel, je suis favorable à votre amendement, mais en tant que rapporteur pour avis, je m’en remets à la sagesse de notre commission, pour des raisons déjà évoquées.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CL332 de M. Philippe Naillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Encore une fois, je m’en remets à la sagesse des commissaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL239 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). M. le rapporteur pour avis a évoqué tout à l’heure la situation d’urgence à Mayotte. Nous voulons y apporter des solutions concrètes.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL328 de M. Elie Califer

M. Jiovanny William (SOC). Nous proposons d’allouer 25 millions d’euros supplémentaires à la recherche portant sur les sujets très importants liés au chlordécone.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendements II-CL285, II-CL284 et II-CL292 de M. Yoann Gillet (discussion commune)

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Nos compatriotes ultramarins sont confrontés à des prix élevés, voire très élevés, dans les secteurs de l’alimentation, du logement et des transports. Les ménages les plus modestes sont en première ligne face au problème du coût de la vie, qui est 19 % à 38 % plus élevé dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone, selon les chiffres de l’Autorité de la concurrence. En Guyane, le prix d’un pack d’eau peut atteindre 18,50 euros et l’alimentation est 42 % plus chère qu’en métropole. Cette situation injuste frappe durement les familles les plus précaires.

Afin de combattre la vie chère, nous proposons, par notre amendement II-CL285, de créer un fonds exceptionnel visant à renforcer les aides alimentaires, notamment pour les familles les plus modestes des territoires ultramarins. La difficulté croissante à boucler les fins de mois appelle d’urgence une réponse forte de la part de l’État.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL243 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). On l’a dit, le coût de la vie est 30 % à 40 % plus élevé dans nos territoires que dans l’Hexagone. Les causes de ce niveau des prix sont multiples : marges abusives, éloignement géographique, insularité, dépendance aux importations, risques naturels…

La prime de vie chère, instituée après la seconde guerre mondiale, visait initialement à attirer les fonctionnaires de l’Hexagone dans les anciennes colonies en compensant les difficultés liées au coût de la vie dans ces territoires. Ainsi, elle ne s’applique qu’aux fonctionnaires, ce qui exclut une grande partie de la population qui fait pourtant face aux mêmes difficultés, d’autant que plus de 21 % des Ultramarins perçoivent le RSA. Notre amendement vise donc à étendre la prime de vie chère aux personnes les plus précaires, c’est-à-dire aux bénéficiaires des minima sociaux et aux travailleurs payés au Smic. Nous assurerons ainsi une justice économique et sociale face aux inégalités persistantes.

Nous inviterons bien entendu le Gouvernement à lever le gage.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

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*     *

Lors de sa troisième réunion du mercredi 30 octobre 2024, la Commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/bXsVGj

Article 35 et état B (suite) : Crédits du budget général

Amendement II-CL242 de M. Jean-Hugues Ratenon

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet amendement vise à financer des postes supplémentaires de conseillers référents en insertion au sein des centres communaux d’action sociale (CCAS) dans les outre-mer.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 33,6 % des bénéficiaires du RSA résidant en outre-mer l’ont perçu durant les dix dernières années, contre 19,5 % dans l’Hexagone. Les CCAS signalent régulièrement que le manque de personnel nuit à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA et à l’efficacité des politiques menées en leur faveur.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL245 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL326 de M. Jiovanny William et II-CL238 de M. Jean-Hugues Ratenon (discussion commune)

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’amendement II-CL245 vise à instaurer, à titre expérimental dans les collectivités d’outre-mer volontaires, des bornes de comparateur de prix.

Les citoyens ultramarins se mobilisent fortement contre la vie chère dans les outre-mer ; des révoltes ont éclaté en Martinique pour dénoncer le coût de la vie qui est entre 19 % et 38 % plus élevé en moyenne que dans l’Hexagone. Dans ce contexte, il est primordial d’accroître la transparence dans la fixation des prix pour soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs réunionnais.

M. Jiovanny William (SOC). Les neuf observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) ont pour mission d’analyser le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et de fournir régulièrement aux pouvoirs publics des informations sur leur évolution.

Ils disposent de moyens faméliques – le budget de celui de la zone Antilles-Guyane est de 15 000 euros. Le protocole d’accord signé par l’État en Martinique prévoit de renforcer les missions et les moyens de l’OPMR. Cet amendement vise donc à revaloriser le budget de ces observatoires.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’amendement II-CL238 vise à renforcer le budget des OPMR afin de lutter contre la vie chère. Le PLF prévoit une enveloppe de 600 000 euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), c’est-à-dire une stagnation, alors que les OPMR doivent être renforcés.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit là de bonnes idées. Néanmoins, pour les raisons que j’évoquais cet après-midi, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL240 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CL340 de Mme Béatrice Bellay (discussion commune)

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Notre amendement tend à alerter sur les concentrations de marchés dans les outre-mer ; nous proposons la création d’une autorité de la concurrence spécifique aux outre-mer.

M. le rapporteur pour avis. Ces amendements répondent aux besoins particuliers de ces territoires où les concentrations de marché ont des effets disproportionnés sur le coût de la vie. En dotant l’Autorité de la concurrence de moyens propres afin de renforcer le contrôle exercé sur les situations de monopole, l’État fournirait une réponse adaptée aux enjeux de régulation. Sagesse.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je ne comprends pas pourquoi vous vous en remettez à notre sagesse, alors que vous semblez être favorable à ces amendements.

M. le rapporteur pour avis. Dans la mesure où ces amendements ne s’inscrivent pas dans le cadre du contre-budget du Rassemblement national, il est difficile d’avoir une vision globale des crédits qui seraient alloués à la mission Outre-mer. Dans un esprit de responsabilité budgétaire, je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL331 de M. Jiovanny William

M. Jiovanny William (SOC). Il vise à augmenter les effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui manque de moyens.

M. le rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL325 de Mme Béatrice Bellay

M. le rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL241 de M. Jean-Hugues Ratenon

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet amendement, qui a été adopté en commission des affaires économiques, vise à financer la formation des agents des CCAS ultramarins en matière de violences familiales, qui sont un sujet grave et préoccupant.

M. le rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL333 de M. Philippe Naillet

M. le rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL336 de M. Elie Califer

M. le rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL339 de Mme Béatrice Bellay

M. le rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL249 de M. Jean-Hugues Ratenon

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il vise à créer un complément de bourse alloué aux étudiants ultramarins, adapté aux réalités économiques particulières des outre-mer, afin de prendre en compte les préoccupations liées au pouvoir d’achat – logement, fournitures scolaires et frais de déplacement notamment.

M. le rapporteur pour avis. Votre amendement accroîtra de 8 millions d’euros l’effort de l’État en faveur des étudiants boursiers dans les outre-mer. S’il est louable d’aider davantage les étudiants les plus modestes, outre-mer comme partout en France, l’immigration étudiante est très importante et se transforme trop souvent en filière d’immigration clandestine. Cette aide risque de créer un appel d’air en matière d’immigration, ce dont les outre-mer n’ont pas besoin. Avis défavorable.

M. Philippe Gosselin (DR). Il s’agit d’aider des étudiants français originaires des outre-mer, et non des étudiants étrangers.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce que dit l’amendement – à moins que vous ne souhaitiez instaurer une priorité nationale. Si vous voulez appliquer cette mesure qui figure au programme de Marine Le Pen, je vous en félicite ; mais, aujourd’hui, les dispositifs d’aide aux étudiants ne sont pas réservés aux citoyens français.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Il s’agit d’étudiants ultramarins. Ils sont français.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Non, les bourses ne sont pas réservées aux étudiants français. Mais, encore une fois, si vous souhaitez aller dans ce sens, j’approuve !

M. Philippe Gosselin (DR). Rien n’empêche légalement de fixer certains critères et le fait d’être d’origine ultramarine pourrait être pris en considération. Selon moi, l’argument de M. le rapporteur ne vaut pas ; je lui laisse la responsabilité de ses propos.

Sur le fond, la question posée par cet amendement est pertinente. La différence est bien réelle, et cela fait partie des points qu’il faudra voir avec le ministère des outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL248 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL338 de M. Christian Baptiste

M. Jiovanny William (SOC). Des mesures ont été prises pour la gestion des sargasses, qui causent beaucoup de dégâts, notamment sur le plan de la santé, mais seulement en Martinique : le dispositif n’existe pas en Guadeloupe ou à Saint-Martin. L’amendement tend à y remédier.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL250 de M. Jean-Hugues Ratenon

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons le développement d’une aide au retour et à la réinsertion pour les détenus ultramarins ayant accompli leur peine dans un autre territoire que celui dont ils sont issus et qui se retrouvent, une fois sortis de prison, sans attaches familiales solides, sans domicile fixe et souvent sans emploi. Nous proposons de faire en sorte qu’ils puissent revenir sur leur terre d’origine et renouer des liens pour reconstruire leur vie.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Outre-mer modifiés.

Après l’article 60

Amendement II-CL282 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les infrastructures sont trop souvent déficientes ou insuffisantes à Mayotte, principalement en raison de l’insuffisance des investissements depuis plusieurs décennies. Un récent rapport du Sénat a ainsi dressé un constat alarmant : les taux d’équipements culturels et sportifs et en matière de services d’urgence et d’action sociale sont bien inférieurs à ceux de la France hexagonale.

La crise migratoire empire tout : l’hôpital de Mayotte est saturé et la demande de soins explose, en partie à cause de l’afflux d’immigrés clandestins. Les conditions de scolarité sont également intolérables : faute de place, les classes sont faussement dédoublées. À l’école de Majicavo Lamir, où je me suis rendu, en l’absence de foncier disponible pour de nouvelles constructions, une même salle accueille quatre classes, deux le matin et deux l’après-midi, dos-à-dos, et la cantine est inexistante – on donne un bout de pain et une brique de jus de fruit aux enfants. Le manque cruel de services publics aggrave les difficultés des élèves, notamment ceux issus de familles pauvres, qui peinent à fournir des repas équilibrés à leurs enfants. Par ailleurs, les infrastructures routières sont gravement saturées : il n’existe que quatre routes nationales à Mayotte, où un trajet de quelques kilomètres prend plusieurs heures. L’aéroport est également confronté à des défis à la fois infrastructurels et environnementaux. Enfin, le développement de l’habitat indigne reflète l’incapacité de l’État à répondre aux besoins de nos compatriotes ultramarins, alors qu’on continue à accueillir une immigration toujours plus nombreuse.

Où est le plan d’investissement pour les services publics et les infrastructures à Mayotte ? Le budget pour 2025 fait l’impasse sur cette question. Mon amendement propose l’établissement d’un rapport sur les moyens financiers concrets qui sont nécessaires pour répondre efficacement aux besoins en matière d’infrastructures et d’équipements.

M. Philippe Gosselin (DR). On parle parfois d’amendement d’appel : nous avons là un amendement « tribune ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL293 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’Inspection générale des finances a remis en juillet 2023 un rapport sur le fonctionnement de la filière nickel qui dresse un tableau préoccupant et propose des pistes pour consolider sa viabilité économique.

Depuis plus de dix ans, la filière se heurte à différents problèmes, notamment du côté des métallurgistes : volatilité du prix du nickel ; incapacité à atteindre le niveau de production attendu, notamment à cause de la baisse de la teneur en nickel du minerai et de l’impossibilité d’accéder à certains sites d’extraction ; coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre trop élevés. Sauf intervention des pouvoirs publics, la fermeture de certains sites semble inévitable, ce qui aurait de très lourdes conséquences sur l’emploi et les finances publiques en Nouvelle-Calédonie.

Dans le contexte de la mobilisation de l’argent des Français pour financer l’augmentation de la contribution française à l’Union européenne, le gouvernement de M. Barnier se devait d’en appeler à des fonds européens pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie et la transition de son mix énergétique, indispensable à la filière du nickel. Nous demandons un rapport d’évaluation sur la situation de cette filière en Nouvelle-Calédonie et sur l’avenir des appuis budgétaires de l’État en la matière.

M. Philippe Gosselin (DR). Si j’étais rapporteur, je dirais que cet amendement est satisfait : l’État n’a pas attendu qu’il soit déposé pour se pencher sur la crise du nickel. Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement d’un risque de fermeture d’usines : celle du Nord a déjà fermé, une autre a été en partie détruite et la troisième ne va pas bien. Si vous avez des solutions au sujet de l’Indonésie, de la Chine et des cours mondiaux, nous sommes preneurs, mais je ne crois pas que cela relève d’un rapport parlementaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL252 de M. Jean-Hugues Ratenon

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous demandons une évaluation de l’efficacité des dépenses fiscales effectuées en faveur de l’emploi dans les outre-mer. Les dépenses fiscales de soutien aux entreprises prévues par cette mission budgétaire visent à renforcer la compétitivité des entreprises, essentiellement par des dispositifs d’exonération ou de réduction des cotisations sociales patronales. Quand on regarde le taux de chômage dans les outre-mer, on ne peut que douter de leur efficacité.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les très nombreuses dépenses fiscales pour l’emploi outre-mer captent l’essentiel du budget de la présente mission. Il faut évaluer très précisément ces dépenses, comme la Cour des comptes a appelé à le faire. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL256 de M. Jean-Hugues Ratenon

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Par cet amendement, nous appelons à une réforme du bouclier qualité prix dans les outre-mer, en vue de faire baisser radicalement les prix des produits de première nécessité. Face à l’incessante flambée des prix dans les territoires ultramarins, amplifiée par leurs particularités géographiques, économiques et sociales qui sont uniques, il est impératif d’agir de manière concrète et efficace.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Ce bouclier, instauré en 2012, plafonne le prix de certains des produits les plus courants. C’est un bon dispositif qu’il convient de renforcer. Je ne peux qu’être favorable à cet amendement, d’autant que j’avais déposé le même l’année dernière – mais ceux qui l’ont déposé cette année ne l’avaient pas soutenu à l’époque.

La commission rejette l’amendement.

 


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   programme et personnes rencontrées lors du déplacement du rapporteur pour avis

 Lundi 23 septembre

– visite de la base navale de la Marine nationale, en présence du commandant François-Xavier Pilven

– table ronde sur la situation économique des entreprises, avec MM. Bourahima Ali Ousseni, président de la CPME Mayotte, et Fahardine Mohamed, vice-président du Medef Mayotte

 Mardi 24 septembre

– visite des écoles maternelle et primaire de Majicavo Lamir et du collège d’Archery de Koungou, en présence de MM. Jacques Mikulovic, recteur de l’Académie de Mayotte, Thierry Denoyelle, inspecteur d’académie, et Eric Durand, inspecteur de la circonscription de Koungou Sud

– visite du port de commerce de Longoni, en présence de MM. Omar Simba, directeur du port, Thierry Verneuil, commandant du port, Jacques Martial Henry, Vincent Liétard et Freddy Novou, chargés de mission pour l’entreprise Mayotte Channel Gateway (MCG) et Parfait Daka, chargé de mission du conseil départemental

– visite du collège Nelson Mandela de Doujani, en présence de M. Sébastien Thomas, principal du collège

– visites du bidonville de la Vigie, en présence du capitaine de gendarmerie Rodolphe Meulenyzer, et de plusieurs effectifs sous sa responsabilité, et du centre de supervision urbaine (CSU) de Dzaoudzi, en compagnie de plusieurs policiers municipaux

 Mercredi 25 septembre

– commémorations de la journée nationale d’hommage aux harkis

– visite du centre hospitalier de Mayotte (CHM), en présence de M. Mohamed Zoubert, directeur de cabinet du directeur général du CHM, et Mme Anchya Bamana, députée de la seconde circonscription de Mayotte

– table ronde avec les représentants des associations Mlezi Maore et de Solidarité Mayotte, en présence de MM. Thiery Lande, directeur des opérations et de la performance de Mlezi Maore, Sébastien Denjean, directeur de Solidarité Mayotte, et Gilles Foucaud, directeur-adjoint

– table ronde relative à la crise de l’eau, en présence de M. Aurélien Diouf, directeur de cabinet du préfet de Mayotte, M. Alexandre Bugay, directeur de cabinet du directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et Mme Marie-Pia Jungbluth, cheffe du service interministériel de défense et de protection civiles

 Jeudi 26 septembre

– visite de la gare maritime internationale, en présence de MM. Omar Simba, Thierry Verneuil et Parfait Daka, et Mme Cybèle Foolchand, chargée de communication et développement commercial de la Société de gestion et de transport maritime (SGTM)

– table ronde portant sur les enjeux de développement pour Mayotte au conseil départemental, avec Mme Zamimou Ahamadi, 5ème vice-présidente, chargée des finances et affaires européennes, MM. Mohamed El Hadi Soumaila, directeur général des services, et Enfanne Haffidhou, directeur général adjoint chargé de la gestion financière et vie institutionnelle

– visite de la maison d’enfants à caractère social de la Convalescence, en présence de M. Abdou Liharithi Antoissi, directeur de l’aide sociale à l’enfance (ASE)

– visite du centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte, en présence du commandant Victor Francisco et du lieutenant-colonel Thibaut Mylander

 Vendredi 27 septembre

– visite du centre pénitentiaire de Majicavo, en présence de Mme Marie Deyts, adjointe au chef d’établissement

– visite d’une exploitation agricole en cours d’installation, en présence de MM. Eric Bianchini, directeur de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de Mayotte, et Naouiroudine Ndzakou, agriculteur

 Samedi 28 septembre

– visite du marché couvert de Mamoudzou, en présence de M. Bourahima Ali Ousseni, membre de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Mayotte

– Séquences d’échanges avec les forces de l’ordre du commissariat de police de Mamoudzou, en présence de M. Patrick Longuet, directeur territorial de la police nationale (DTPN) et la commandante Patricia Adrian, rencontre avec les effectifs du commissariat, découverte de la circonscription de Mamoudzou avec la brigade anti-criminalité (BAC) de nuit et séquence nocturne avec la brigade nautique de la police aux frontières (PAF)

 

 Lundi 30 septembre

– visite du régiment du service militaire adapté (RSMA) de Mayotte, en présence du colonel Benjamin Soubra, chef de corps du RSMA, du commissaire de première classe Jean Claude Bernard, directeur financier, et d’autres militaires placés sous la responsabilité du chef de corps

– visite de l’aéroport de Mayotte, en présence de M. Jonathan Lacombe, directeur de l’aéroport, et temps d’échanges avec M. Christophe Maurin, chef du service de la PAF de l’aéroport (SPAFA).

Votre rapporteur a par ailleurs échangé avec de nombreux Mahorais ou Français de métropole présents sur place en dehors des visites et rencontres ci-dessus listées.

 

 

 

 


(1) Chiffres arrondis.

(2)  Les restes à payer correspondent à l’écart entre les autorisations d’engagements (AE) consenties pour un programme donné et les crédits paiement (CP) déjà dépensés pour couvrir ces AE.

(1) https://observatoire.outre-mer.gouv.fr/cms/

(1) Pour une analyse du dispositif des COROM, nous renvoyons au rapport d’information n° 256 du Sénat, publié le 21 juin 2023 : https://www.senat.fr/rap/r22-756/r22-756.html

(2) L'assistance technique de l’État doit permettre de mettre en place des réformes organisationnelles ainsi que des outils de gestion et de suivi.

(3) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

(1) Pour plus de détails sur la situation géographique de Mayotte, voir : IEDOM, Rapport annuel économique sur Mayotte, 2022.

([8])  Avis budgétaire n°4525 (2021-2022) du député M. Mansour Kamardine sur la sécurité civile, à partir de données transmises par la préfecture de Mayotte.

([9]) Les chiffres clés de l’immigration en 2022, Ministère de l’intérieur et des outre-mer.

([10])  Rapport d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte, MM. Didier Quentin et René Dosière, mais aussi M. Mansour Kamardine, Assemblée nationale, XIIème législature, 8 mars 2006.

(1) Quel développement pour Mayotte ? Rapport public thématique de la Cour des comptes, juin 2022.

(2) Rapport au Parlement sur les étrangers en France en 2022, Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, version provisoire.

(3) Rapport au Parlement sur les étrangers en France en 2022, Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, version provisoire.

(4) La société de Mayotte en pleine mutation, INSEE Analyses, n° 12, mars 2017.

([15]) Rapport au Parlement sur les étrangers en France en 2022, Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, version provisoire.

([16]) Voir la partie consacrée à l’immigration.

([17]) Acquisition de la nationalité par déclaration.

([18])  Il ne s’agit pas d’une modalité d’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence, mais d’une attribution de la nationalité à la naissance.

(1) En conséquence l’article 2495 du code civil est également modifié pour y disposer qu’à la demande de l'un des parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu’au jour de la naissance de l'enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois est portée sur l’acte de naissance de l’enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d’État. Lorsque l'officier de l'état civil refuse d'apposer la mention, le parent peut saisir le procureur de la République, qui décide, s’il y a lieu, d’ordonner cette mesure de publicité en marge de l'acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État.

(2) Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, disponible ici : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018770DC.htm

([21])  Proposition de loi constitutionnelle n° 646 rect. relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile, M. Bruno Retailleau et cosignataires, 25 mai 2023.

([22])  Proposition de loi constitutionnelle n° 1322 relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile, Mme Anthoine et cosignataires parmi lesquels votre rapporteur Mansour Kamardine, 2 juin 2023.

([23]) Selon les données transmises par l’éducation nationale, le taux de contractuels parmi les professeurs est très élevé sur Mayotte, tant dans le 1er degré (30 %) que dans le 2nd degré (50 %).

([24])  Rapport d'information n° 833 (2021-2022) de Mme Catherine DEROCHE, MM. Jean-Luc FICHET, Dominique THÉOPHILE et Mme Laurence COIN, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 juillet 2022.

([25]) Rapport d’information n° 833 (2021-2022) de Mme Catherine DEROCHE, MM. Jean-Luc FICHET, Dominique THÉOPHILE et Mme Laurence COIN, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 juillet 2022.

([26]) IEDOM, Rapport annuel économique 2022, 2023.

([27]) Évolution des conditions de logement à Mayotte : Quatre logements sur dix sont en tôle en 2017, INSEE Analyses n° 18, août 2019.

([28]) Glossaire Géoconfluences, Bidonville, quartier informel, quartier d’habitat spontané, habitat précaire, autoconstruction

([29]) INSEE Analyse, « Évolution des conditions de logement à Mayotte en 2017 », août 2019.

([30]) Présentation de l’amendement n° 136 du projet de loi rénovation de l’habitat dégradé déposé le 26 février 2024 examiné en première lecture au Sénat.

([31]) Rapport d’information n° 5033 (2022-2023) sur l’habitat en outre-mer par Mme. Ramlati Ali, M. Hubert Julien-Laferrière et Mme. Karine Lebon fait au nom de la délégation aux outre-mer.

([32]) Ibid.

([33]) Fondation Abbé Pierre, Agir contre le mal-logement dans les départements et territoires d’outre-mer – Etat des lieux 2023, février 2023.

([34]) Ibid

([35]) Défenseur des droits, Rapport sur les opérations dites de « décalage » à Mayotte, 9 mai 2018