N° 472
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025,
TOME IV
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
Par M. Bertrand SORRE,
Député.
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Voir les numéros : 324, 468 (annexe n° 24).
___
Pages
première partie – analyse des crÉdits
II. programme 140 : enseignement scolaire public du premier degrÉ
III. programme 141 : enseignement scolaire public du second degrÉ
IV. programme 230 : vie de l’ÉlÈve
V. Programme 139 : enseignement privÉ du premier et du second degrÉs
VI. Programme 214 : soutien de la politique de l’Éducation nationale
VII. programme 143 : enseignement technique agricole
A. Des politiques publiques impliquant un rÉseau complexe d’acteurs
B. des rÉsultats satisfaisants qui ne doivent pas masquer de fortes disparitÉs
1. Un phénomène en recul quels que soient les indicateurs retenus
a. De fortes disparités sociales et territoriales
b. Des déterminants plus individuels
a. Un enseignement sur mesure, adaptable aux besoins et souhaits des élèves
b. Un accompagnement des jeunes renforcé pour prévenir le décrochage
a. Des partenariats avec les acteurs de l’insertion et le service public de l’emploi
b. La gratification et l’augmentation des périodes de formation en monde professionnel (PFMP)
3. Une meilleure adaptation de la carte des formations
B. Après une année de Mise en œuvre, DE premiers résultats à approfondir
1. Optimiser et pérenniser la réforme du lycée professionnel
a. Les BDE : un dispositif pertinent qui peut encore être amélioré
b. Le déploiement des dispositifs Tous droits ouverts et Ambition emploi reste limité
2. Améliorer le pilotage global de la lutte contre le décrochage scolaire
b. Clarifier les objectifs et unifier le pilotage de l’orientation
3. Consolider et amplifier la prévention du décrochage scolaire
a. Anticiper dès le collège la détection des élèves à risque de décrochage
b. Poursuivre les efforts à destination des élèves en difficulté sur les premiers cycles
1. Réunion du mercredi 30 octobre 2024 à 16 heures trente (suite)
2. Réunion du mercredi 30 octobre 2024 à 21 heures
Annexe : liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis
La relative stabilité du budget de la mission Enseignement scolaire pour 2025, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, marque le souhait du Gouvernement de poursuivre l’ambition portée par le ministère de l’Éducation nationale de garantir à chaque élève, quelle que soit sa situation ou son origine sociale ou territoriale, la possibilité de s’instruire, de poursuivre l’excellence et d’acquérir la maîtrise des savoirs fondamentaux dans un cadre apaisé. La circulaire de rentrée 2024 indique du reste que « l’ensemble des priorités fixées peut au fond se résumer à une seule : assurer la cohésion sociale dans l’école et par l’école, pour ne laisser aucun élève au bord du chemin ».
La mission Enseignement scolaire resterait ainsi dotée, en 2025, du premier budget de l’État : 88,83 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 88,82 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse de 2,09 % soit 1,8 milliard d’euros de plus par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Cette hausse fait suite à celle d’environ 4,4 % en 2024. Depuis 2022, le budget du ministère de l’Éducation nationale a ainsi augmenté de 7,8 % et 6,4 milliards d’euros en trois ans, contre 6,7 milliards d’euros sur la période 2017-2022, et 4,5 milliards d’euros sur la période 2012‑2017.
Votre rapporteur pour avis salue pour l’essentiel la consolidation des moyens dévolus à l’enseignement scolaire, qui permet d’assurer la poursuite de l’essentiel des chantiers engagés dans la période précédente par l’Éducation nationale : garantir l’acquisition par tous des savoirs fondamentaux, lutter contre les inégalités sociales et territoriales et pour l’inclusion de tous, renforcer l’attractivité du métier d’enseignant et améliorer le bien-être des élèves et des personnels. Il regrette toutefois que cette continuité soit associée à un schéma d’emplois enseignants négatif. La baisse démographique est certaine dans le premier degré, mais elle doit permettre, à effectif constant, de préserver l’école en ruralité, de mieux accompagner les élèves en situation de handicap et d’améliorer durablement le taux d’encadrement des élèves, pour que les politiques déployées puissent démontrer leur efficacité. S’agissant du second degré, la baisse démographique est à peine amorcée, et la dépense par élève a légèrement baissé depuis 2017 tandis que le nombre d’élèves par classe, très élevé avec un pic au niveau seconde (31,6 élèves par classe en moyenne), a même augmenté, quoique faiblement, sur cette période. Le déploiement des groupes de besoin et de la réforme du lycée professionnel nécessitent un accompagnement humain renforcé sur ce niveau. Enfin, il considère que la reprise démographique dans l’enseignement agricole doit être accompagnée, cet enseignement étant vital pour le présent comme pour l’avenir des territoires ruraux.
En complément de son analyse des crédits de la mission Enseignement scolaire, votre rapporteur a souhaité se pencher sur la lutte contre le décrochage scolaire, et plus spécifiquement sur les dispositifs destinés aux jeunes des lycées professionnels. En effet, si la France présente des résultats honorables en la matière au regard des objectifs européens, d’importantes disparités entre les filières générale et technologique, d’une part, et professionnelle, d’autre part, persistent, ainsi que de fortes inégalités sociales et territoriales. La lutte contre le décrochage scolaire constitue l’un des grands objectifs de la réforme du lycée professionnel, dont les dispositifs ont en partie été déployés à la rentrée 2023, et sur lesquels il semblait donc pertinent d’effectuer un point d’étape.
Au terme de son analyse, le rapporteur pour avis a proposé à la commission trois amendements :
– le premier consistait à revenir sur la suppression de 4 000 postes, en les redéployant et en les fléchant sur les besoins qu’il estime prioritaires : la préservation des écoles en ruralité ; la poursuite du déploiement des pôles d’appui à la scolarité (PAS) ; l’augmentation du nombre de postes au collège pour la mise en place dans de bonnes conditions des groupes de besoins et l’amélioration de la vie scolaire ; la réforme du lycée professionnel et de la carte des formations ;
– le second visait à créer 170 postes, dont 140 postes d’enseignants, dans l’enseignement technique agricole ;
– le troisième prévoyait d’augmenter à hauteur de 20 millions d’euros les moyens des maisons familiales rurales, ces établissements connaissant des difficultés et une dégradation de leur taux d’encadrement.
Ces trois amendements ont été adoptés par la commission.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 2 % ([1]) des réponses étaient parvenues.
première partie – analyse des crÉdits
I. UN budget SANCtuarisÉ dans un contexte de restrictionS budgÉtaireS aprÈs plusieurs annÉes de hausses inÉdites
L’année 2024 avait été marquée par une forte augmentation, de 5,31 %, soit 4,39 milliards d’euros, des crédits de la mission Enseignement scolaire. Cette hausse résultait, pour l’essentiel, de mesures de revalorisation salariale, certaines inconditionnelles comme les revalorisations « socle » et du point d’indice, d’autres liées à la mise en place du « Pacte » enseignant. Elle traduisait également plusieurs priorités du Gouvernement, en particulier l’amélioration de l’acquisition des savoirs fondamentaux, l’inclusion des élèves en situation de handicap, la mise en place de la réforme du lycée professionnel et la réduction des inégalités.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 permet la poursuite de ces grands objectifs. Sur un périmètre inchangé, les six programmes de cette mission connaîtraient ensemble une légère hausse de 1,98 % en autorisations d’engagement (AE) et de 2,09 % en crédits de paiement (CP). Les autorisations d’engagement passeraient ainsi de 87,11 milliards d’euros à 88,83 milliards d’euros et les crédits de paiement de 87 milliards d’euros à 88,82 milliards d’euros (contributions aux pensions de l’État incluses en AE comme en CP).
Sur le seul périmètre couvert par le ministère de l’Éducation nationale (c’est-à-dire en dehors du programme 143, Enseignement technique agricole, qui relève du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire), les crédits consacrés à l’enseignement scolaire seraient en très légère hausse pour atteindre 63,11 milliards d’euros en CP hors contributions aux pensions de l’État (contre 62,97 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2024) et 87,08 milliards d’euros en incluant celles-ci.
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS de la mission enseignement scolaire
PAR PROGRAMME
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
LFI 2024 |
PLF 2025 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
|
140 - Enseignement scolaire public du premier degré |
26 873,76 |
27 490, 91 |
26 873,76 |
27 490, 91 |
141 - Enseignement scolaire public du second degré |
38 424,61 |
39 523,11 |
38 424,61 |
39 523,11 |
230 - Vie de l’élève |
8 129,02 |
8 143,06 |
8 099, 02 |
8 153,06 |
139 - Enseignement privé du premier et du second degrés |
9 035,31 |
8 938,18 |
9 035,31 |
8 938,18 |
214 - Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 945,55 |
3 000,00 |
2 873,78 |
2 980,82 |
143 - Enseignement technique agricole |
1 697,38 |
1 732,85 |
1 695,67 |
1 731,05 |
TOTAL Enseignement scolaire |
87 105,63 |
88 828,11 |
87 002,15 |
88 817,13 |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
Ce sont essentiellement les dépenses de titre 2, dont les contributions au compte d’affectation spéciale « Pensions de l’État » (CAS Pensions) qui expliquent la hausse observée entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 et le PLF pour 2025. Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel (titre 2) sur l’ensemble des programmes de la mission représente ainsi 59,07 milliards d’euros hors CAS pensions en 2025 (58, 78 milliards en LFI 2024), soit 72,1 % du total de la mission. En incluant la contribution au CAS Pensions, le montant des dépenses de titre 2 s’élève à 83,3 milliards d’euros (80,74 milliards en LFI 2024), soit 93,8 % du total de la mission. Au total, les dépenses de titre 2 sur l’ensemble de la mission sont en augmentation de 3,2 %.
Cette trajectoire globale des dépenses de titre 2 résulte principalement de quatre effets :
– l’impact des mesures d’attractivité adoptées en LFI pour 2024 qui se poursuit, qu’il s’agisse des revalorisations « socle » (indemnités de fonction), du relèvement du point d’indice et des mesures de carrière qui s’étendent en année pleine (promotions facilitées à la hors classe et à la classe exceptionnelle), pour un montant de 96 millions d’euros, ou de la mise en œuvre du Pacte, dont le volume consommé en 2023-2024 est sanctuarisé en 2024-2025 (700 millions d’euros), en partie réorienté et augmenté pour la mission remplacements de courte durée (+ 65,7 millions d’euros). Il convient d’y ajouter les effets mécaniquement amplifiés du glissement vieillesse-technicité (+ 382 millions d’euros) ;
– l’impact à la baisse du schéma d’emplois, qui prévoit la suppression de 4 035 postes d’enseignants, décomposés en 3 155, 180 et 700 équivalents temps plein (ETP) (soit 1 052, 60 et 233 équivalents temps plein travaillé (ETPT), ces suppressions étant effectives en septembre 2025) respectivement sur les programmes 140 Enseignement scolaire public du premier degré, 141 Enseignement scolaire public du second degré et 139 Enseignement privé du premier et du second degrés. Ces réductions d’effectifs, très largement concentrées sur le premier degré, sont consécutives, quoique non proportionnelles, à la baisse démographique observée depuis 2017 dans le premier degré (– 414 000 élèves, soit – 7 %) et, dans une bien moindre mesure, depuis 2022 dans le second degré (– 11 766 élèves, soit – 0,3 %) ;
– une modification de périmètre sur le programme Vie de l’élève consistant à basculer les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et, dès lors qu’ils ont signé un CDI, les assistants d’éducation (AED), soit 18 350 ETP, sur le titre 2, pour environ 490 millions d’euros en tenant compte des effets de revalorisation salariale de ces personnels ;
– l’impact à la hausse du schéma d’emplois, avec un solde positif de 2 000 et 35 ETP respectivement sur les programmes 230 Vie de l’élève et 214 Soutien de la politique de l’éducation nationale. L’essentiel de cette augmentation, sur le programme Vie de l’élève, correspond à des postes d’AESH qui seraient créés (+ 2 000 postes) et à l’extension en année pleine des recrutements d’AESH effectués en 2024, pour un total d’environ 90 millions d’euros.
Les dépenses hors titre 2 connaissent quant à elles une relative stabilité, en dépit d’une baisse apparente (4,97 milliards d’euros en PLF pour 2025 contre 5,68 milliards d’euros en LFI pour 2024), qui s’explique essentiellement par la bascule vers le titre 2 des crédits relatifs à la rémunération des personnels contractuels, auparavant rémunérés hors titre 2.
Cette stabilité permet, comme l’explique la présentation stratégique de la mission, d’assurer la pérennité des dispositifs lancés ou annoncés en 2023, qui s’articulent autour de quatre grandes priorités :
– l’amélioration de l’acquisition des savoirs fondamentaux : cette priorité continue de s’articuler autour du « choc des savoirs », avec le déploiement de plans de formation en français, mathématiques et maternelle, la poursuite et le renforcement de l’accueil dès 2 ans en QPV ou encore du dispositif Devoirs faits. S’y ajoutent à la rentrée 2024 la mise en place de « groupes de besoins » en 6ème et 5ème, s’appuyant sur les résultats aux évaluations nationales, l’extension de ces évaluations à tous les niveaux de l’école primaire, et la réinstauration de temps de lecture et d’écriture quotidiens en CM1 et CM2 ; le « choc des savoirs » se déploie aussi dans les lycées professionnels, dans le cadre de la réforme annoncée en 2023, et pleinement déployée à compter de la rentrée 2024 (il sera revenu en détail sur cette réforme dans la seconde partie du présent rapport) ;
– l’engagement de l’école pour l’égalité et la mixité : à la rentrée 2024, 513 000 élèves en situation de handicap (ESH) seraient inscrits en milieu scolaire ordinaire, contre 468 000 en 2023. Pour améliorer encore ce résultat, les efforts de recrutement, de revalorisation salariale et de pérennisation du statut des AESH se poursuivent et, à compter de la rentrée 2024, l’État prendra en charge leur rémunération sur les temps méridiens. Enfin, quatre académies expérimenteront la mise en place de pôles d’appui à la scolarité (PAS), pour un accompagnement plus efficace et individualisé des ESH : cent PAS sont ainsi constitués dès la rentrée 2024, représentant 100 ETP d’enseignants des premier et second degrés (bénéficiant pour cela de décharges complètes, outre deux ETP de personnels médico-sociaux relevant des ministères sociaux). Afin de lutter contre les inégalités sociales et territoriales, outre la pérennisation des dédoublements de classes déjà initiés en REP et REP +, seraient implantées des classes bilangues ou internationales dans les établissements les moins attractifs ou les plus isolés (47 sections internationales implantées depuis 2022 dans des collèges défavorisés), le déploiement des territoires éducatifs ruraux et des « internats d’excellence ruraux » se poursuivrait et 60 nouvelles classes de très petite section seraient ouvertes dans le cadre du programme « Quartiers 2030 », qui permettra également d’expérimenter l’accueil en collège sur des horaires étendus (8 h-18 h). Les dispositifs visant à améliorer l’orientation des élèves (découverte des métiers au collège, stages de seconde, cordées de la réussite) seraient maintenus et une nouvelle plate-forme, Avenir, serait déployée par l’Onisep d’ici la fin de l’année 2024.
– le renforcement de l’attractivité du métier de professeur avec la poursuite en 2025 du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation « Notre école, faisons-la ensemble » à travers la mobilisation des crédits du fonds d’innovation pédagogique, la pérennisation des revalorisations salariales et du Pacte et des plans massifs de formation continue (en mathématiques, français et maternelle, mais aussi sur la lutte contre le harcèlement, le secourisme en santé mentale et l’éducation à la sexualité) ;
– la mobilisation pour les valeurs de la République et le bien-être des élèves et du personnel reste également pleine et entière. Il s’agit notamment de la lutte contre le harcèlement, avec la consolidation des dispositifs tels que le numéro d’alerte et la généralisation à tous les établissements du programme pHARe et, dans le premier degré, des cours d’empathie. Ensuite, et de façon inédite, une force mobile scolaire serait créée à la rentrée 2024 (financée hors mission Enseignement scolaire), qui aura pour rôle de venir en appui en moins de 24 heures aux équipes académiques en cas de crise, notamment pour protéger les personnels de l’Éducation nationale.
II. programme 140 : enseignement scolaire public du premier degrÉ
Le programme 140, Enseignement scolaire public du premier degré, est sous la responsabilité de la directrice générale de l’enseignement scolaire. Sa mise en œuvre, fortement déconcentrée, poursuit deux objectifs : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun exigibles au terme de la scolarité primaire, et promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif en optimisant les moyens alloués. L’enseignement public du premier degré concernait, en 2023, 5,49 millions d’élèves, 346 977 enseignants et 43 163 écoles ([2]).
Les crédits du programme 140 seraient en hausse de 2,3 %, passant de 26,87 à 27,49 milliards d’euros en AE et en CP.
Les dépenses de personnel, qui représentent 97,4 % des crédits du programme, augmenteraient de 2,44 % (après une augmentation de plus de 27 % en 2024), passant de 26,77 milliards d’euros en LFI pour 2024 à 27,43 milliards d’euros dans le PLF pour 2025 (CAS compris). Cette hausse, de 654,4 millions d’euros, s’expliquerait principalement par des effets de hausse mécaniques :
– en premier lieu, l’écart entre la loi de finances pour 2024 et le socle d’exécution retenu lors de la construction du PLF pour 2025, qui s’explique notamment par le changement du taux de contribution au CAS Pensions (+ 225,7 millions d’euros) ;
– le financement du glissement vieillesse-technicité (GVT) solde (+ 265,1 millions d’euros) ;
– plus marginalement, les effets de montée en charge des mesures catégorielles d’accélération de carrière engagées à la rentrée 2023 (+ 7,5 millions d’euros).
Ces effets sont partiellement compensés par des arbitrages à la baisse. Le schéma d’emplois du programme 140 connaît ainsi une baisse de 3 155 emplois à la rentrée 2025, qui tient compte de deux effets :
– la baisse de la population scolaire dans le premier degré entre 2017 et 2024 (– 414 000 élèves soit – 7 %). En comparaison, les effectifs enseignants ont baissé de seulement 0,23 % sur la même période. Selon les prévisions données dans les réponses au questionnaire budgétaire, les effectifs d’écoliers reculeraient encore entre 2024 et 2025, avec 74 000 élèves en moins, soit 1,4 %, quand la réduction des effectifs enseignants prévue dans le schéma d’emplois 2025 serait limitée à 0,9 %. La trajectoire envisagée semble donc ici compatible avec la poursuite des objectifs mentionnés au point suivant ;
– la poursuite de l’amélioration du taux d’encadrement des élèves et de l’accueil des élèves de moins de trois ans, avec l’ouverture de 60 nouvelles classes de toute petite section dans les quartiers prioritaires de la ville, ainsi que de l’amélioration de l’inclusion des élèves en situation de handicap, avec la création de 80 ETP en 2025 pour accompagner la substitution progressive des PAS aux pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial).
En outre, les indemnités de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) seraient réduites de près de 140 millions d’euros sur ce programme. Ce choix est expliqué par le souhait de sanctuariser le montant des parts de Pacte versées au niveau de la consommation 2024, tout en l’orientant davantage vers les remplacements de courte durée, donc sur le second degré et le programme 141 (on ne retrouve toutefois pas une augmentation à due concurrence des ISOE dans ce dernier programme). Couplée à la réduction de 44 % prévue en 2025 des crédits consacrés à la rémunération des heures supplémentaires dans le premier degré, qui passent de 33,7 à 18,8 millions d’euros, cette réduction des ISAE budgétées en 2025 pourrait, selon votre rapporteur, avoir pour conséquence d’amputer la rémunération de certains professeurs des écoles déjà volontaires pour effectuer ces temps de travail supplémentaires.
Les crédits hors titre 2 sont pour leur part en nette baisse, passant de 99 millions d’euros en LFI pour 2024 à 62 millions d’euros dans le PLF pour 2025. Cette variation importante s’explique pour l’essentiel par la non-pérennisation de l’enveloppe ouverte en LFI 2024 à hauteur de 33 millions d’euros pour l’acquisition de manuels scolaires pour le premier degré (une enveloppe conséquente étant toutefois ouverte pour cette dépense sur le programme 141), ainsi que par la quasi-suppression des montants des crédits pédagogiques prévus à l’action 2 - Enseignement élémentaire, en baisse de 3,6 millions d’euros, soit 92 %. Les crédits du fonds d’innovation pédagogique (FIP) sont en revanche maintenus à hauteur de 10 millions d’euros. Ces crédits devraient permettre aux établissements scolaires de bénéficier de financements pour mettre en œuvre un projet innovant s’inscrivant dans le cadre d’un projet pédagogique cohérent au service de la réussite des élèves, identifié par des concertations locales lancées dans le cadre du CNR Éducation Notre école, faisons-la ensemble.
PROGRAMME 140 Enseignement scolaire public du premier degrÉ
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2025/2024
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2024 (en millions d’euros) |
PLF 2025 (en millions d’euros) |
Variation |
01 – Enseignement préélémentaire |
6 484,94 |
6 643,42 |
+ 2,44 % |
02 – Enseignement élémentaire |
13 215,42 |
13 503,95 |
+ 2,18 % |
03 – Besoins éducatifs particuliers |
2 255,25 |
2 310,25 |
+ 2,44 % |
04 – Formation des personnels enseignants |
992,72 |
1 014,38 |
+ 2,18 % |
05 – Remplacement |
2 211,91 |
2 265,97 |
+ 2,44 % |
06 – Pilotage et encadrement pédagogique |
1 588,37 |
1 624,97 |
+ 2,30 % |
07 – Personnels en situations diverses |
125,15 |
127,97 |
+ 2,25 % |
Total |
26 873,76 |
27 490,91 |
+ 2,30 % |
Source : projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
● La poursuite et l’amplification de la mise en œuvre du choc des savoirs
Comme l’année passée, le PLF pour 2025 prévoit des moyens significatifs pour renforcer l’acquisition des savoirs fondamentaux aux classes stratégiques de l’école primaire (actions 1 et 2). Dans cette perspective, la rentrée 2025 devrait permettre :
– le déploiement de nouveaux programmes traduisant une approche de l’enseignement des mathématiques et du français aux cycles 1 et 2, autour du triptyque « manipuler, verbaliser, abstraire » ;
– l’entrée en vigueur de nouveaux programmes pour l’enseignement préélémentaire.
La généralisation des évaluations nationales est confortée et se poursuit à la rentrée 2024, les tests de positionnement étant désormais disponibles à tous les niveaux, du CP au CM2. De même, la limitation à 24 des classes de grande section (GS), CP et CE1 hors éducation prioritaire est maintenue, ainsi que les plans de formation des enseignants, financés par l’action 4, notamment les plans « mathématiques et français », qui concernaient près de 70 % des professeurs des écoles à la fin de l’année scolaire 2023-2024.
● L’engagement de l’école au service de l’égalité et de la mixité
La réduction des inégalités territoriales est au cœur des priorités de l’action conduite depuis 2017 en matière d’enseignement scolaire. À ce titre, les territoires éducatifs ruraux (TER) poursuivent leur déploiement : après l’ajout de seize nouveaux TER en 2024 aux 185 déjà existants, le budget qui leur est consacré sur le programme 140 devrait encore augmenter pour l’année 2025 de plus de 30 %, soit 800 000 euros.
Dans l’éducation prioritaire (EP), le dédoublement des classes de CP et CE1 est achevé depuis la rentrée 2023 et maintenu pour l’année 2025, tandis que devrait se poursuivre le dédoublement progressif des classes de GS : ces dédoublements devraient contribuer à atteindre la cible fixée par le PAP à l’indicateur 2.2, à savoir un écart en EP tous niveaux confondus de – 6 élèves par classe par rapport à l’éducation hors EP dès 2025 (contre – 5,3 en 2023).
Enfin, les actions au service de l’école inclusive se poursuivent, notamment financées par l’action 3 – Besoins éducatifs particuliers : après la croissance du nombre d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) de 370 unités supplémentaires à la rentrée 2023, dont près d’un tiers dans le premier degré, la rentrée scolaire 2024 voit, dans le cadre de la nouvelle Stratégie nationale 2023‑2027 pour les troubles du neuro-développement, l’ouverture de 20 unités d’enseignement maternelle autisme (UEMA), onze unités d’enseignement élémentaire autisme (UEEA) et huit dispositifs d’autorégulation (DAR).
III. programme 141 : enseignement scolaire public du second degrÉ
Le programme 141 Enseignement scolaire public du second degré est également placé sous la responsabilité de la directrice générale de l’enseignement scolaire. Il poursuit trois objectifs : conduire le maximum de jeunes aux niveaux de compétences attendues en fin de formation initiale et à l’obtention des diplômes correspondants, favoriser la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur scolarité secondaire, et promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif en optimisant les moyens alloués. En 2023-2024, on dénombrait 7 805 établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), scolarisant 4,45 millions d’élèves et employant 376 769 enseignants ([3]).
Les moyens inscrits sur le programme 141 pour 2025 augmenteraient de 2,86 %, passant de 38,42 milliards d’euros en LFI pour 2024 à 39,52 milliards d’euros dans le PLF pour 2025, en AE et en CP.
Les dépenses de personnel, qui représentent 98,8 % des crédits du programme, augmenteraient de 2,87 %, passant de 37,96 milliards d’euros à 39,05 milliards d’euros. Cette variation à la hausse s’explique principalement par :
– l’écart entre la LFI 2024 et le socle d’exécution retenu lors de la construction du PLF pour 2025, pour un montant de 521 millions d’euros, qui inclut l’effet du changement du taux de contribution au CAS Pensions ;
– le financement du GVT (+ 335 millions d’euros) ;
– l’impact des mesures catégorielles, à hauteur de 88 millions d’euros, dont 65,6 millions d’euros au titre de la montée en charge du Pacte enseignant, afin notamment de mieux contribuer à couvrir les besoins de remplacements de courte durée, érigés en priorité nationale.
À l’inverse, le schéma d’emplois de ce programme connaîtrait, à l’instar de celui du programme 140 mais dans de bien moindres proportions, une baisse. En effet, le recul de la population scolaire est nettement moins sensible à ce stade dans le second degré : elle ne s’est amorcée que depuis 2022, avec une baisse des effectifs de 11 766 élèves, soit 0,3 %, entre 2022 et 2024, tandis que la baisse des effectifs d’enseignants a été de 0,7 % sur cette même période. Le taux d’encadrement par des enseignants s’est donc légèrement dégradé, alors que le nombre d’élèves par divisions est déjà de plus de vingt-cinq à tous les niveaux du collège et de plus de trente à tous les niveaux du lycée (hors lycée professionnel) ; la situation pourrait s’améliorer entre 2024 et 2025, la baisse des effectifs estimée dans le second degré étant de 11 250 d’élèves, soit – 0,2 %, tandis que le schéma d’emplois 2025 ne prévoit une baisse des effectifs enseignants que de 180 ETP, soit 0,04 %. Votre rapporteur appelle donc à une grande vigilance quant à la nécessité de ne pas répercuter en totalité la baisse démographique à venir dans le second degré sur les effectifs d’enseignants, afin d’améliorer le taux d’encadrement des élèves du second degré.
Enfin, la quasi-stabilité des parts fonctionnelles de Pacte budgétées sous forme d’ISOE, ainsi que celle des heures supplémentaires doivent être interprétées avec précaution, du fait de la sous-consommation des parts de Pacte dans les années précédentes. Il convient toutefois de relever que dans le cadre de la priorité nationale donnée aux remplacements de courte durée, la moitié des parts fonctionnelles de Pacte versées devront l’être pour ce type de missions, quand les parts versées au titre de la coordination et de la mise en œuvre de projets pédagogiques innovants ne pourra excéder 10 % ([4]). Enfin, les parts de Pacte concernant les remplacements de courte durée, et elles seules, deviennent sécables à compter de la rentrée 2024 pour faciliter l’adhésion des enseignants à ce dispositif.
Le montant des crédits hors titre 2 augmenterait légèrement, de 2,34 %, pour s’établir à 478 millions d’euros, après une hausse massive de 369 % en LFI 2024. Si la principale variation portait l’an dernier sur la gratification des stages des lycéens de la voir professionnelle (+ 323 millions d’euros), elle consisterait en 2025 en une hausse très importante (+ 76 millions d’euros, soit + 168 %) des crédits pédagogiques, prenant la forme de subventions versées aux établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Cette hausse massive s’explique par le coût du changement des manuels scolaires de niveau 6ème à la rentrée 2025, qui s’élève à 85 millions d’euros. Les dispositifs des cordées de la réussite, des contrats locaux d’accompagnement des élèves défavorisés inscrits hors EP et les conventions TER se poursuivent en gardant un financement stable. Toutefois, les 10 millions d’euros prévus en 2024 pour financer des modules optionnels organisés par des partenaires extérieurs pour les lycéens professionnels en classe de terminale dans des quartiers prioritaires de la ville (QPV) dans le cadre de la réforme du lycée professionnel ne sont pas reconduits dans le PLF : la commission a adopté, avec l’avis favorable du rapporteur, un amendement visant à restituer ces crédits.
Pour le reste, les dépenses hors titre 2 restent dans l’ensemble stables pour l’ensemble des actions du programme.
PROGRAMME 141 Enseignement scolaire public du second degrÉ
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2025/2024
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2024 (en millions d’euros) |
PLF 2025 (en millions d’euros) |
Variation |
01 – Enseignement en collège |
13 450,46 |
13 920,29 |
+ 3,49 % |
02 – Enseignement général et technologique en lycée |
8 433,61 |
8 674,73 |
+ 2,86 % |
03 – Enseignement professionnel sous statut scolaire |
5 430,08 |
5 508,66 |
+ 1,45 % |
04 – Apprentissage |
7,99 |
8,20 |
+ 2,64 % |
05 – Enseignement post-baccalauréat en lycée |
2 454,80 |
2 525,08 |
+ 2,86 % |
06 – Besoins éducatifs particuliers |
1 478,46 |
1 520,67 |
+ 2,85 % |
07 – Aide à l’insertion professionnelle |
62,38 |
64,07 |
+ 2,70 % |
08 – Information et orientation |
373,75 |
384,40 |
+ 2,85 % |
09 – Formation continue des adultes et validation des acquis de l’expérience |
144,24 |
148,29 |
+ 2,81 % |
10 – Formation des personnels enseignants et d’orientation |
768,65 |
783,75 |
+ 1,96 % |
11 – Remplacement |
1 676,43 |
1 724,47 |
+ 2,87 % |
12 – Pilotage, administration et encadrement pédagogique |
4 024,38 |
4 138,03 |
+ 2,82 % |
13 – Personnels en situations diverses |
119,36 |
122,46 |
+ 2,60 % |
Total |
38 424,61 |
39 523,10 |
+ 2,86 % |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
● L’accompagnement des collégiens en fonction de leurs besoins s’intensifie
L’action 1 Enseignement en collège concentre les crédits affectés à l’enseignement dans les collèges publics. Ses crédits augmenteraient de 3,49 %, pour atteindre 13,92 milliards d’euros dans le PLF 2025.
Ces crédits permettront de pérenniser la généralisation du dispositif « Devoirs faits » et d’accompagner le déploiement, dès la rentrée 2024, des groupes de besoin, présentés comme l’un des leviers majeurs du « choc des savoirs », pour les heures de mathématiques et de français (environ un tiers du volume horaire total) en 6ème et 5ème. Pour l’ensemble des groupes, le projet annuel de performances (PAP) indique que « les programmes, les attendus de fin d’année et les compétences disciplinaires travaillées sont identiques ». La composition des groupes comme la pédagogie retenue sont déterminées par l’établissement, afin de s’adapter au mieux aux besoins des élèves, les groupes devant être flexibles et évolutifs. Enfin, il est noté que la possibilité existe de « regrouper les élèves en classe entière, pour une durée cumulée sur l’année scolaire d’une à dix semaines, afin de garantir la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes ».
La structuration des groupes peut notamment s’appuyer sur les résultats obtenus par les élèves aux évaluations nationales. À compter de la rentrée 2024, celles-ci sont également prévues pour les élèves entrant en 5ème et en 3ème, ce qui les généralise à l’ensemble des niveaux du collège.
Enfin, toujours à compter de la rentrée 2024, des heures supplémentaires de soutien, dans la limite de deux heures hebdomadaires, sont proposées aux élèves rencontrant des difficultés dans la maîtrise des savoirs fondamentaux.
● La réforme du lycée professionnel se déploie progressivement
Les crédits de l’action 3 Enseignement professionnel sous statut scolaire augmenteraient de 1,45 % en 2025, en AE comme en CP, pour atteindre un montant de 5,51 milliards d’euros (après une forte hausse de 11,29 % l’année précédente). La relative stabilité observée entre 2024 et 2025 en dépit de la poursuite du déploiement de la réforme du lycée professionnel est due à la baisse attendue en 2025 des crédits affectés à la gratification des stages des lycéens professionnels, qui passent de 323 à 266 millions d’euros : cette gratification étant effective depuis la rentrée 2023, le PLF pour 2024 avait dû intégrer une part de rétroaction pour les stages effectués sur l’année 2023. Cette rétroaction n’est plus nécessaire en 2025, ce qui explique la baisse, les gratifications étant néanmoins pérennisées sans modification.
Le financement des bureaux des entreprises, installés dans tous les lycées professionnels depuis la rentrée 2023, est également pérennisé, de même que les dispositifs visant spécifiquement à lutter contre le décrochage scolaire : Tous droits ouverts et Ambition emploi, et figurant à l’action 7 – Aide à l’insertion professionnelle. Le contenu et l’avancement de l’ensemble des dispositifs de cette réforme sont détaillés dans la seconde partie du présent rapport.
● Les dispositifs en faveur de l’orientation et l’insertion professionnelle sont maintenus et consolidés
Au collège, depuis la rentrée 2023, un temps de découverte des métiers est prévu au cycle 4 (entre la 5ème et la 3ème), avec pour but de limiter les assignations sociales et de genre. Le déploiement de cette mesure est généralisé à la rentrée 2024, avec l’appui des psychologues de l’éducation nationale, pour permettre à chaque élève, à l’horizon 2026, de connaître un panel élargi de cinquante métiers, avec une attention particulière aux secteurs permettant l’insertion professionnelle (métiers en tension et métiers d’avenir). En outre, depuis l’année scolaire 2023-2024, tous les élèves de seconde générale et technologique doivent effectuer une séquence d’observation en milieu professionnel d’une durée de deux semaines, pendant le mois de juin.
Ces dispositifs, notamment financés par l’action 8 – Information et orientation, se poursuivent en 2024-2025, et sont complétés par le maintien de la fonction de professeur référent au lycée, et, en classe de terminale, d’un deuxième professeur principal, notamment chargés de l’accompagnement des élèves sur leurs projets d’orientations (aide pour compléter les vœux sur Parcoursup en terminale). Un « accompagnement au choix de l’orientation » est également intégré à la grille horaire des élèves à tous les niveaux du lycée depuis la rentrée 2023.
Enfin, les moyens consacrés à l’apprentissage, inscrits à l’action 4, sont stables, et devraient donc permettre de continuer d’accompagner la montée en puissance de ces dispositifs dans les EPLE, qui accueillent 6,5 % des apprentis, avec la possibilité de parcours mixtes combinant parcours scolaire et apprentissage.
IV. programme 230 : vie de l’ÉlÈve
Le programme 230 Vie de l’élève est également sous la responsabilité de la directrice générale de l’enseignement scolaire. Il comprend notamment les crédits relatifs au développement de l’école inclusive, à la lutte contre les discriminations ou à l’amélioration du climat scolaire. Il poursuit deux objectifs : faire respecter l’école, améliorer le climat scolaire et favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de la citoyenneté ; promouvoir la santé des élèves et contribuer à améliorer leur qualité de vie.
Par rapport à la LFI pour 2024, les crédits du programme 230 seraient quasiment stables, avec une variation de + 0,2 % en AE et + 0,7 % en CP, pour passer en CP de 8,10 à 8,15 milliards d’euros.
Par rapport aux autres programmes de cette mission, le programme 230 se caractérise par un plus grand équilibre entre dépenses de personnels et autres dépenses, les premières représentant 67,25 % de l’ensemble des crédits du programme dans le PLF 2025, quand cette proportion n’atteignait que 58,4 % en LFI 2024. Ces dépenses de personnel, qui assurent la rémunération des AESH, AED, conseillers principaux d’éducation (CPE), personnels de médecine scolaire et assistants sociaux, seraient donc en forte hausse, de 15,8 %, passant de 4,73 milliards d’euros en LFI 2024 à 5,48 milliards d’euros dans le PLF pour 2025 (CAS compris). Cette variation à la hausse d’environ 750 millions d’euros s’explique principalement par :
– la poursuite en 2025 du passage sur des contrats de titre 2 de l’ensemble des AESH et des AED en CDI ([5]), pour un montant de 415,4 millions d’euros, auxquelles il faut ajouter la bascule de crédits pour financer les mesures de revalorisation envers ces personnels, qui ont pris effet depuis la rentrée 2023, pour un montant de 71 millions d’euros. En effet, dans un objectif de pilotage simplifié, la rémunération des AESH, y compris en CDD – auparavant assurée par les EPLE, eux-mêmes remboursés par des crédits d’intervention du programme 230 – serait intégralement transférée sur le titre 2 au 1er janvier 2025, ce mouvement ayant commencé dans le PLF pour 2023. 18 350 ETP (AESH et AED) seraient concernés en 2025 ;
– l’écart entre la loi de finances pour 2024 et le socle d’exécution retenu pour la construction du PLF pour 2025, pour un montant de 136 millions d’euros ;
– le schéma d’emplois positif pour un montant de 91,6 millions d’euros, qui traduit la création de 2 000 emplois d’AESH à la rentrée 2025. 13 000 emplois d’AESH auront ainsi été créés depuis la rentrée 2021 ;
– le GVT solde pour un montant de 19,6 millions d’euros ;
– enfin, une variation à la baisse des dépenses de personnels, à hauteur d’environ 10 millions d’euros, sur l’action 5 – Politique de l’internat et établissements à la charge de l’État.
Les crédits de paiement hors titre 2 diminueraient en conséquence de 693 millions d’euros, soit 20,5 % (– 5,4 % pour les dépenses de fonctionnement et – 21 ,9 % pour les dépenses d’intervention), passant de 3,36 milliards d’euros en LFI pour 2024 à 2,67 milliards d’euros dans le PLF pour 2025. Cette variation s’explique pour l’essentiel par la bascule sur les crédits du titre 2 de la gestion des AESH et des AED (voir supra) ; cette baisse est en partie compensée par une variation à la hausse découlant de l’extension en année pleine de la part collective du pass culture (+ 10 millions d’euros) et de l’augmentation des enveloppes consacrées aux bourses pour tenir compte des évolutions démographiques, des critères d’attribution et de l’inflation (+ 34 millions d’euros).
PROGRAMME 230 vie de l’ÉlÈve
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2025/2024
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2024 (en millions d’euros) |
PLF 2025 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2024 et 2025 |
01 – Vie scolaire et éducation à la responsabilité |
3 129,70 |
3 014,53 |
– 3,68 % |
02 – Santé scolaire |
611,67 |
732,94 |
+ 19,83 % |
03 – Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap |
2 949,73 |
3 010,96 |
+ 2,08 % |
04 – Action sociale |
1 010,46 |
1 076,08 |
+ 6,49 % |
05 – Politique de l’internat et établissements à la charge de l’État |
126,90 |
77,43 |
– 38,98 % |
06 – Actions éducatives complémentaires aux enseignements |
254,56 |
185,87 |
– 26,98 % |
07 – Scolarisation à 3 ans |
46,00 |
45,20 |
– 1,73 % |
Total |
8 129,02 |
8 143,06 |
+ 0,17 % |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
● La poursuite et le renforcement des actions visant à améliorer le bien-être et la sécurité des élèves et des enseignants
« La lutte contre toutes les formes de violences, qui se nourrissent de l’irrespect et du dénigrement de l’autre, constitue une priorité absolue », indique le PAP 2025 de la mission. Les actions concourant à la mise en œuvre de cette priorité figurent pour l’essentiel à l’action 1 – Vie scolaire et éducation à la responsabilité, qui regroupe 37 % des crédits du programme.
Elle se traduit notamment par le renforcement à la rentrée 2024 du programme pHARe de lutte contre le harcèlement, par la création d’une plate-forme pour les parents d’élèves, par la distribution à tous les élèves du CE2 à la terminale d’un questionnaire en début d’année et par une large diffusion du numéro 3018, unique depuis janvier 2024. Grâce à la création en 2024 de 150 emplois spécifiques, qui sont maintenus en 2025, les académies disposent désormais d’au moins un responsable à temps plein pour le pilotage, sous l’autorité du recteur, de la politique académique de lutte contre le harcèlement.
Les programmes révisés d’enseignement moral et civique (EMC) entrent progressivement en vigueur à la rentrée 2024, avec une place plus large faite à l’éducation aux médias et à l’information, dont une sensibilisation aux risques liés aux usages des réseaux sociaux. Dès l’école élémentaire, les élèves seraient également sensibilisés à un usage raisonné des outils numériques et des écrans.
Les cours d’empathie sont généralisés à la rentrée 2024 dans les écoles maternelles et élémentaires, afin de contribuer au développement des compétences psycho-sociales des élèves, dans une démarche de prévention en santé mentale. Cette démarche se décline également dans l’action 2 – Santé scolaire, à travers la formation, depuis la rentrée 2023, d’au moins deux personnels éducatifs par collège au secourisme en santé mentale : il s’agit de repérer, à l’aide d’un protocole particulier, les signes de mal-être chez les élèves et d’alerter les personnels médico-sociaux et les psychologues de l’Éducation nationale.
Enfin, la sécurité des élèves et des personnels est renforcée à la rentrée scolaire 2024 par la constitution d’une équipe mobile de sécurité nationale (EMS‑n) qui peut apporter un appui aux équipes académiques en moins de 24 heures en cas de crise. Les AED rémunérés sur ce programme peuvent participer, dans le cadre de leurs réseaux d’appui éducatif, à la sécurisation des enceintes des écoles et établissements du réseau, et les liens entre les services académiques, les forces de l’ordre et la Justice sont renforcés par la systématisation de conventions locales de partenariat.
● La poursuite de l’inclusion et de l’accompagnement des élèves en situation de handicap
L’inclusion des élèves en situation de handicap demeure une priorité du ministère de l’Éducation nationale. Entre les rentrées scolaires 2012 et 2023, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est ainsi passé de 225 600 à 490 000 élèves, dont plus de la moitié est scolarisée dans le second degré.
Afin d’améliorer encore ces résultats, les crédits de l’action 3 Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap présenteraient cette année encore une forte hausse, passant de 2,38 à 3,01 milliards d’euros, soit une augmentation de 26,5 %, en AE et en CP. Cette hausse traduit la dynamique du schéma d’emplois, prévoyant le recrutement de 2 000 AESH, ainsi que le passage de leur rémunération vers le titre 2. Cette dernière tendance ne constitue pas qu’une mesure technique : elle traduit la professionnalisation du métier d’AESH, qui s’appuie depuis 2019 sur la généralisation de leur recrutement sur des contrats de droit public et, comme indiqué précédemment, sur la possibilité depuis 2023 d’accéder à un CDI après trois années en CDD : 900 nouvelles CDIsations sont ainsi prévues en 2025. Cette professionnalisation a également été reconnue par le versement d’indemnités de fonctions, en plus de la revalorisation des rémunérations de base. La rentrée 2024 marque une nouvelle étape dans ce processus, avec la prise en charge par l’État ([6]) de leur temps de travail méridien, permettant à la fois une continuité d’accompagnement pour les élèves qui en ont besoin et une hausse de leur quotité de travail et donc de leurs revenus.
L’enveloppe consacrée à l’achat de matériels pédagogiques pour les ESH, qui a notamment permis la mise à disposition de 7 000 ordinateurs supplémentaires à la rentrée 2024, est également pérennisée, pour un montant de 25 millions d’euros.
● Le soutien aux élèves défavorisés ou en difficulté est consolidé
Inscrits au sein de l’action 4 – Action sociale, en légère hausse de 0,99 à 1,07 milliard d’euros, et 6 – Actions éducatives complémentaires aux enseignements, passant de 167 à 186 millions d’euros en 2025, l’ensemble des crédits en faveur de l’accompagnement des élèves défavorisés ou en difficulté sont reconduits (subventions aux associations pour leur appui au dispositif Devoirs faits, fonds sociaux, « école ouverte », « vacances apprenantes », etc.) ou renforcés (crédits éducatifs divers, pass culture). L’augmentation la plus marquée concerne les moyens dévolus aux bourses attribuées aux collégiens et lycéens, qui sont en augmentation de 34 millions d’euros dans le PLF 2025 : en effet, à compter de la rentrée 2024, le consentement des familles est recueilli à l’entrée en 6ème pour que soit étudié automatiquement chaque année le droit à bourse de leur enfant. De même, l’examen du droit à bourse au lycée se fera désormais annuellement, ne limitant plus leur attribution aux seuls élèves en situation d’être boursiers au moment de leur sortie de 3ème. Ces deux mesures, couplées au relèvement prévu en 2025 du barème des bourses, indexé sur la base mensuelle de calcul des allocations familiales, devraient permettre d’améliorer le soutien aux élèves défavorisés et de réduire très fortement le non-recours.
Sur l’action 6, on relève enfin qu’en application de l’article 234 de la loi n° 2023-1 322 de finances pour 2024, la dotation de 15 millions d’euros prévue en 2025 pour le solde de la campagne 2024-2025 du Fonds de soutien au développement des activités périscolaires dans le premier degré, serait la dernière de ce dispositif, qui s’éteindrait à la fin de l’année scolaire en cours.
V. Programme 139 : enseignement privÉ du premier et du second degrÉs
Le programme 139 Enseignement privé du premier et du second degrés finance les dépenses relatives à l’enseignement privé sous contrat, sous la responsabilité de la direction des affaires financières du ministère de l’Éducation nationale. À la rentrée 2023, environ 17 % des élèves (13 % des élèves du premier degré et 21 % des élèves du second degré) sont scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat, soit un peu moins de 2,1 millions d’élèves, ce chiffre étant en très légère baisse par rapport à la rentrée 2022, de 4 781 élèves soit 0,2 %. Ces élèves sont répartis au sein de 4 652 écoles et 2 874 établissements du second degré sous contrat, répartis en 1 660 collèges, 875 lycées d’enseignement général et technologique et 335 lycées professionnels ([7]). Le programme poursuit quatre objectifs, qui recoupent ceux de l’enseignement public : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun au terme de la scolarité primaire ; conduire le maximum de jeunes aux niveaux de compétences attendues en fin de formation initiale et à l’obtention des diplômes correspondants ; favoriser la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur scolarité secondaire ; répondre aux besoins éducatifs de tous les élèves sur l’ensemble du territoire.
Les moyens inscrits pour 2025 sur le programme 139 seraient en légère baisse, de 1,07 %, passant de 9,04 milliards d’euros en LFI pour 2024 à 8,94 milliards d’euros dans le PLF pour 2024.
Le financement par l’État obéit au principe de parité avec l’enseignement public, en application du dispositif législatif et réglementaire fixé par le code de l’éducation. Aussi, l’État prend en charge :
– la rémunération de 142 824 personnes physiques (hors Mayotte) dans les classes sous contrat simple ou d’association, ainsi que les charges sociales et fiscales de l’employeur. Il s’agit essentiellement des enseignants et personnels de direction, les inspecteurs de l’éducation nationale travaillant dans les établissements privés étant rémunérés par les programmes 140 et 141 et les AESH par le programme 230 ;
– les dépenses de formation continue des enseignants ;
– certaines dépenses de fonctionnement : dépenses pédagogiques, forfait d’externat, fonds d’innovation pédagogique ;
– des aides directes aux élèves (bourses de collège et de lycée, fonds sociaux) ;
– les gratifications versées aux lycéens professionnels pour leurs périodes de formation professionnelle en entreprises.
Les dépenses de personnel connaîtraient une baisse de 118 millions d’euros, pour s’établir en 2025 à 8,02 milliards d’euros (CAS Pensions compris).
Cette baisse s’explique notamment par l’écart entre la LFI 2024 et le socle d’exécution retenu pour cette même année lors de la construction du PLF pour 2025 (– 82 millions d’euros). La baisse de 36 millions d’euros du budget alloué aux ISOE et de 9 millions d’euros pour les ISAE, dont une part importante était budgétée dans le cadre du Pacte en LFI pour 2024, pourrait être en partie inclue dans ce montant, sans que cela soit précisé dans le PAP ni dans les réponses au questionnaire budgétaire. Cette baisse est due à l’attribution des parts de Pacte selon la « règle de parité des 20 % » ([8]), selon laquelle la part des financements attribuée aux établissements d’enseignement privé ne peut excéder 20 % du total : le taux d’adhésion au Pacte des enseignants du secteur privé étant plus élevé (environ 51 %) que celui des enseignants du public (environ 33 %), la réduction des parts de Pacte pouvant leur être proposées se serait imposée en 2025, afin que la quotité des parts de Pacte qui leur sont dévolues ne puisse excéder ce taux de 20 %. On notera toutefois que cette forte baisse est en grande partie compensée par une hausse notable en 2025, à hauteur de 36 millions d’euros, des crédits alloués aux heures supplémentaires d’enseignement et crédits de vacation et de suppléance.
La baisse des dépenses de personnel s’explique également par le schéma d’emplois (– 31,5 millions d’euros), lequel prévoit une baisse de 700 emplois à la rentrée 2025 : à titre indicatif, le programme 139 étant commun aux deux degrés d’enseignement, le PAP indique que cette baisse concernerait principalement le premier degré (– 660 postes) : cela tient compte de l’évolution différenciée de la démographie des élèves, puisque le nombre d’élèves scolarisés dans le premier degré privé serait en baisse de 11 800 élèves environ entre 2024 et 2025, soit 1,2 %, tandis que le nombre d’élèves scolarisés dans le second degré ne baisserait que très légèrement, avec environ 500 élèves en moins à la rentrée 2025 ([9]).
Le montant des crédits hors titre 2 augmenterait au contraire de 2,4 %, pour atteindre 922,44 millions d’euros, soit une hausse de 20,67 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2024. Les principales variations porteraient sur :
– la réduction des crédits budgétés pour les gratifications des stages des lycéens de la voie professionnelle, le dispositif passant en année pleine et ne devant plus inclure, comme en 2024, la rétroaction sur l’année 2023. Ces gratifications représenteraient en 2025 un montant de 62 millions d’euros (– 14 millions d’euros) ;
– la participation de l’État au renouvellement des manuels scolaires dans le cadre du « choc des savoirs » (+ 29,5 millions) ;
– la prise en compte des évolutions tendancielles sur les bourses et le forfait d’externat (+ 11,6 millions d’euros) « liées à l’évolution du nombre d’élèves et à la révision à la hausse des taux et échelons des bourses » ; cette hausse, qui concerne majoritairement le forfait d’externat (+ 8 millions d’euros), est en partie expliquée dans le PAP par « l’augmentation prévisionnelle des effectifs d’élèves à la rentrée 2024-2025 (+ 0,19 %) », ce qui est en contradiction avec les prévisions en nombre d’élèves indiquant une baisse démographique donnée par ailleurs, notamment pour justifier le schéma d’emplois.
PROGRAMME 139 Enseignement privé du premier et du second degrés
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2025/2024
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2023 (en millions d’euros) |
PLF 2024 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2024 et 2023 |
01 – Enseignement préélémentaire |
614,63 |
605,73 |
– 1,45 % |
02 – Enseignement élémentaire |
1 633,36 |
1 609,71 |
– 1,45 % |
03 – Enseignement en collège |
2 302,95 |
2 269,56 |
– 1,45 % |
04 – Enseignement général et technologique en lycée |
1 534,88 |
1 512,65 |
– 1,45 % |
05 – Enseignement professionnel sous statut scolaire |
1 005,83 |
977,98 |
– 2,77 % |
06 – Enseignement post-baccalauréat en lycée |
312,21 |
307,68 |
– 1,45 % |
07 – Dispositifs spécifiques de scolarisation |
201,42 |
198,50 |
– 1,45 % |
08 – Actions sociales en faveur des élèves |
81,24 |
84,63 |
+ 4,17 % |
09 – Fonctionnement des établissements |
698,99 |
736,68 |
+ 5,39 % |
10 – Formation initiale et continue des enseignants |
170,81 |
162,93 |
– 4,61% |
11 – Remplacement |
229,20 |
225,89 |
– 1,45 % |
12 – Soutien |
249,79 |
246,22 |
– 1,43 % |
Total |
9 035,31 |
8 938,18 |
– 1,07% |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
● Des évolutions comparables avec celles de l’enseignement public
En application du principe de parité, les principales actions du programme Enseignement privé du premier et du second degrés sont comparables à celles de l’enseignement public. Les crédits inscrits permettent donc là aussi et dans des conditions très similaires la mise en œuvre de l’ensemble des dispositifs relatifs au « choc des savoirs » (évaluations nationales, dispositif Devoirs faits, groupes de besoins), à l’amélioration de l’orientation et de l’insertion professionnelle des jeunes (réforme du lycée professionnel, découverte des métiers, etc.), à l’inclusion des élèves en situation de handicap (dont les AESH sont financées sur le programme 230 Vie de l’élève, y compris lorsqu’elles accompagnent des élèves scolarisés dans des établissements privés) et à la lutte contre le harcèlement scolaire : à cet égard, le programme PharE est déployé à la rentrée 2024 dans les établissements d’enseignement privé sous contrat, un référent harcèlement devant être désigné dans chaque collège et chaque lycée.
● L’amélioration de la mixité sociale et scolaire
L’enseignement privé sous contrat regroupe essentiellement des établissements gérés par des organismes de gestion de l’enseignement catholique (OGEC) ou des associations d’éducation populaire (AEP). 96 % de ces établissements sont catholiques : le ministère de l’Éducation nationale a donc conclu un protocole d’accord sur la mixité avec le secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC) le 17 mai 2023. S’inscrivant dans l’esprit de l’article L 111-1 du code de l’éducation qui fixe un objectif de mixité aux établissements publics d’enseignement, elle pose l’obligation de rendre publics les indices de position sociale des établissements privés, ainsi que des éléments sur leur financement, dont les contributions demandées aux familles. Ces éléments permettront de suivre le respect des engagements pris par l’enseignement catholique en faveur de la mixité sociale et scolaire, dont l’un des leviers est le renforcement de l’accueil d’élèves à besoins éducatifs particuliers. En outre, le PAP 2025 indique que « le ministère [intègre depuis plusieurs années] l’IPS parmi les indicateurs de répartition des moyens entre académies et entre établissements, au même titre que le taux d’encadrement ou la démographie des élèves ».
● Le renforcement des contrôles des établissements sous contrat avec l’État
Selon les données du PAP, un plan de contrôle sur pièces et sur place sera mis en place dans chaque académie à compter de la rentrée 2024 pour vérifier que les établissements privés sous contrat respectent les clauses du contrat d’association. La majorité des établissements devrait ainsi faire l’objet d’un contrôle dans un délai de cinq ans, dans le cadre d’un plan pluriannuel spécifique.
VI. Programme 214 : soutien de la politique de l’Éducation nationale
Le programme 214 Soutien de la politique de l’éducation nationale regroupe les crédits nécessaires aux ressources et fonctions support des ministères de l’Éducation nationale, des sports, de la jeunesse et de la vie associative et de l’enseignement supérieur et de la recherche (secrétariats généraux, directions générales, services déconcentrés, inspections générales, opérateurs). Il poursuit trois objectifs : réussir la programmation et la gestion des grands rendez-vous de l’année scolaire (notamment la rentrée scolaire et les examens) ; améliorer la qualité et la gestion des ressources humaines ; optimiser les moyens des fonctions support.
Par rapport à la LFI pour 2024, les crédits du programme 214 augmenteraient de 1,7 % en AE (passant de 2,95 à 3 milliards d’euros) et de 3,8 % en CP (passant de 2,87 à 2,98 milliards d’euros).
Le montant des dépenses de personnel de ce programme augmenterait de 5,9 %, pour atteindre 2,15 milliards d’euros, soit 71,6 % des crédits du programme. Le programme 214 rémunère en effet 26 833 ETP, soit environ 2 % des effectifs globaux de la mission Enseignement scolaire. Cette hausse s’expliquerait notamment par :
– l’écart entre la loi de finances pour 2024 et le socle d’exécution connu pour la construction du PLF pour 2025, pour 42 millions d’euros ;
– l’évolution du schéma d’emploi, avec un solde positif prévu de 35 postes en 2025 pour ce programme et l’extension en année pleine du schéma d’emploi 2024 (+ 17 millions d’euros) ;
– l’impact de mesures individuelles annoncées lors du rendez-vous salarial, du GVT et de diverses mesures interministérielles, pour un montant global de 31 millions d’euros.
S’agissant des crédits hors titre 2, les moyens en autorisations d’engagement seraient en baisse de 6,8 % (– 63 millions d’euros dont – 20,5 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement, – 40 millions d’euros pour les dépenses d’investissement et – 2,5 millions d’euros pour les dépenses d’intervention). Cette variation s’expliquerait notamment par la poursuite d’opérations déjà engagées, ayant fait l’objet d’autorisations d’engagement importantes au cours des années précédentes, conformément aux programmations pluriannuelles dont font l’objet les dépenses immobilières (– 6 millions d’euros en AE en 2025) ou les grands projets informatiques (– 5 millions d’euros en AE en 2025). Les crédits de paiement diminueraient également très légèrement, de 1,1 %, cette baisse correspondant à des dépenses d’investissements achevés.
PROGRAMME 214 soutien de la politique de l’éducation nationale
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en CP) 2025/2024
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2024 (en millions d’euros) |
PLF 2025 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2024 et 2025 |
01 – Pilotage et mise en œuvre des politiques éducatives |
492,96 |
521,38 |
+ 5,77 % |
02 – Évaluation et contrôle |
93,25 |
98,09 |
+ 5,18 % |
03 – Communication |
15,68 |
16,31 |
+ 3,99 % |
04 – Expertise juridique |
18,41 |
19,65 |
+ 6,72 % |
05 – Action internationale |
13,09 |
13,04 |
– 0,40 % |
06 – Politique des ressources humaines |
813,89 (822,58 en AE) |
858,78 (859,60 en AE) |
+5,52 % (+ 4,50 % en AE) |
07 – Établissements d’appui de la politique éducative |
150,09 |
151,44 |
+ 0,90 % |
08 – Logistique, système d’information, immobilier |
827,61 (890,67 en AE) |
828,61 (847,03 en AE) |
+ 0,13 % (– 4,90 % en AE) |
09 – Certification |
225,54 |
237,50 |
+ 5,30% |
10 – Transports scolaires |
3,32 |
3,32 |
– |
11 – Pilotage et mise en œuvre des politiques du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative |
219,95 |
232,63 |
+ 5,77 % |
Total |
2 873,78 (2 945,55 en AE) |
2 980,82 (3 000,00 en AE) |
+ 3,72 % (+ 1,85 % en AE) |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
L’action 1 – Pilotage et mise en œuvre des politiques éducatives, relative à la conception des politiques éducatives et des contenus pédagogiques et à l’organisation de la scolarité des élèves, avec l’appui du Conseil supérieur des programmes, serait dotée de 521 millions d’euros en 2025 contre 492 millions d’euros en LFI 2024, une hausse principalement due à des effets mécaniques sur les dépenses de titre 2. Les dépenses de communication du ministère, finançant à travers l’action 3 du programme des campagnes de communication institutionnelle ainsi que le développement et la maintenance des sites web, seraient stables. Il en va de même des crédits relatifs au rayonnement et à la coopération internationaux en matière d’éducation (action 5 – Action internationale), permettant notamment le fonctionnement de l’opérateur France éducation international mais aussi la construction de l’espace européen de l’éducation ou la représentation de la France à l’Unesco. L’action 9 – Certification, qui finance notamment l’organisation des examens (brevet, baccalauréats, CAP, BTS, etc.), verrait également ses moyens consolidés, pour atteindre 232 millions d’euros en 2025 (219 millions d’euros en LFI 2024).
Enfin, l’action des personnels en charge du recrutement des enseignants, de la gestion de leur formation initiale et continue à travers les écoles académiques de la formation continue, de la qualité de la gestion des ressources humaines et de l’efficacité des processus de remplacement des professeurs absents, financée par l’action 6 – Politique des ressources humaines, sera poursuivie, avec le soutien de l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF). Cette action, qui regroupe près de 29 % des crédits du programme, atteindrait en 2025 858,8 millions d’euros en CP contre 813,8 en LFI 2024, sa hausse étant portée par celle, mécanique, des dépenses de titre 2.
L’action 8 – Logistique, système d’information, immobilier, qui regroupe 28,2 % des crédits du programme, verrait une réduction de 43 millions d’euros de ses crédits en AE, pour atteindre 847 millions d’euros, et une quasi-stabilité en CP. Plusieurs objectifs lui sont assignés, dans le but de parvenir à contenir durablement ses moyens :
– l’optimisation des dépenses de fonctionnement courant et de bureautique ;
– la rationalisation immobilière, notamment via des regroupements de sites, plusieurs regroupements engagés dans l’administration centrale ou dans l’académie de Créteil devant être livrés en 2025, et à travers la mise aux normes du patrimoine immobilier ;
– la modernisation des grands systèmes d’information : le projet Op@le, qui porte sur la refonte du système d’information de gestion financière et comptable poursuit ainsi sa trajectoire, avec des crédits stables par rapport à la LFI 2024 à hauteur de 14 millions d’euros et légèrement inférieurs aux prévisions du PAP 2024, y contribue ; il en va de même du projet de nouveau SIRH, dont le coût annuel baisserait en 2025 comme les deux années précédentes pour atteindre 30,5 millions d’euros après un fort niveau d’investissement entre 2020 et 2022 au lancement de l’opération ;
– l’amélioration de la performance économique des achats.
L’action 2 - Évaluation et contrôle rassemble les crédits de rémunération de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), ainsi que les crédits de rémunération et de fonctionnement du Conseil d’évaluation de l’école (CEE), de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) et des services statistiques académiques. Cette action connaîtrait une légère hausse, pour atteindre 98 millions d’euros, permettant notamment de financer l’extension, à la rentrée scolaire 2024, des évaluations nationales à l’ensemble des niveaux de l’école élémentaire et de les proposer en 5ème et 3ème aux collèges volontaires, outre la poursuite des évaluations telles que Pisa et Talis, permettant des comparaisons internationales, ou encore de l’enquête Epode, conduite par la Depp et permettant de décrire les pratiques d’enseignement dans les premier et second degrés.
L’action 7 Établissements d’appui de la politique éducative regroupe l’ensemble des subventions pour charges de service public versées aux établissements publics nationaux administratifs participant à la mise en œuvre de la politique éducative (Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), Centre national d’enseignement à distance (Cned), Onisep, réseau Canopé, France éducation international, établissement public du palais de la Porte Dorée). Les crédits de cette action seraient dans l’ensemble stables, à environ 150 millions d’euros, des mesures d’économie étant toutefois demandées à certains de ces opérateurs, dès 2025, ou pour les années à venir afin de leur permettre, selon les termes du PAP, « de rester dans une trajectoire financière soutenable ». Sont concernés notamment le Cereq, qui voit sa subvention baisser de 1,3 million d’euros pour s’établir à 7,3 millions d’euros, et le réseau Canopé, en charge de la formation des enseignants tout au long de la vie, dont la subvention baisse de 3 millions d’euros pour s’établir à 85 millions d’euros.
VII. programme 143 : enseignement technique agricole
L’enseignement et la formation agricoles font partie intégrante du service public national d’éducation et de formation. Cet enseignement, piloté par la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire et de la forêt, a formé près de 200 000 apprenants aux métiers du vivant (environ 154 000 élèves et étudiants au titre de la formation initiale scolaire et près de 45 000 apprentis) pour l’année scolaire 2023‑2024. Ces effectifs sont de nouveau en progression par rapport à l’année précédente (+ 0,9 %), soit une hausse cumulée de près de 5 % depuis 5 ans, alors qu’entre 2013 et 2019, les effectifs avaient chuté de 6 %. En complément, 12,7 millions d’heures-stagiaires de formation continue ont été délivrées au profit de 114 000 stagiaires ([10]).
Ces enseignements sont assurés au sein de plus de 800 établissements qui couvrent l’ensemble du territoire : 220 lycées agricoles publics, regroupés au sein de 173 établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA), et 582 établissements privés ([11]).
Le programme 143 Enseignement technique agricole, qui assure le financement des établissements dispensant ces enseignements, poursuit deux objectifs : assurer un enseignement général, technologique et professionnel conduisant à la réussite scolaire et à une bonne insertion sociale et professionnelle ; optimiser la gestion de la formation initiale scolaire.
Par rapport à la LFI pour 2024, les crédits du programme 143 augmenteraient de 2,08 % (+ 35,39 millions d’euros), passant de 1,70 à 1,73 milliard d’euros en crédits de paiement dans le PLF pour 2025.
PROGRAMME 143 Enseignement technique agricole
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en CP) 2025/2024
Numéro et intitulé de l’action concernée |
LFI 2024 (en millions d’euros) |
PLF 2025 (en millions d’euros) |
Variations constatées |
01 – Mise en œuvre de l’enseignement dans les établissements publics |
905,67 |
865,32 |
– 4,45 % |
02 – Mise en œuvre des enseignements dans les établissements privés |
621,58 |
728,01 |
+17,12 % |
03 – Aide sociale aux élèves (enseignement public et privé) |
73,90 (73,82 en AE) |
69,19 (69,10 en AE) |
- 6,37 % (- 6,39 % en AE) |
04 – Mise en œuvre de l'enseignement agricole dans les territoires |
5,30 (7,10 en AE) |
5,25 (7,05 en AE) |
- 0,85 % (-0,63 % en AE) |
05 – Moyens communs à l'enseignement technique agricole (public et privé) |
89,21 |
63,27 (63,36 en AE) |
- 29,08 % (- 29,97 % en AE) |
Total |
1 695,67 (1 697,38 en AE) |
1 731,05 (1 732,85 en AE) |
+ 2,09 % |
Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
Les dépenses de personnel du programme 143 augmenteraient de 5,52 % (+ 61,56 millions d’euros) pour atteindre 1,18 milliard d’euros dans le PLF pour 2025 contre 1,11 milliard d’euros en LFI pour 2024 (contribution au CAS pensions incluse), en dépit d’un schéma d’emploi stable. Cette variation s’explique notamment :
– par une mesure de périmètre similaire à celle observée au programme 230, consistant pour les mêmes raisons au transfert de la rémunération des AESH et AED du hors titre 2 vers le titre 2, pour respectivement 59 et 223 ETP (soit 9,6 millions d’euros) ;
– par le GVT, pour un montant de 12,4 millions d’euros ;
– par la mise en place de l’accord relatif à la protection sociale complémentaire (+ 8,5 millions d’euros).
Par ailleurs, quand le PLF pour 2024 prévoyait un financement du Pacte par un transfert en gestion en provenance du programme 141, il serait prévu dans le PLF pour 2025 un transfert en base depuis ce même programme, à hauteur de 55,5 millions d’euros.
Les crédits hors titre 2 diminueraient de 4,51 % (– 26,17 millions) pour atteindre 554,8 millions d’euros en PLF 2025. Cette baisse s’explique essentiellement par la baisse des dépenses d’intervention finançant la gratification des stagiaires de la voie professionnelle sur l’action 5 – Moyens communs à l’enseignement technique agricole : comme déjà indiqué, la mesure de gratification des stages ayant été annoncée courant 2023, la LFI 2024 intégrait une part de rétroactivité pour financer les stages effectués au dernier trimestre 2023, qui disparaît mécaniquement en PLF 2025.
deuxième partie – LES APPORTS DE LA RÉFORME DU LYCÉE PROFESSIONNEL DANS LA LUTTE CONTRE LE DÉCROChage scolaire
Les prémisses de lutte contre le décrochage scolaire remontent en France à la fin des Trente Glorieuses et du plein emploi et au constat que les jeunes sortis du système scolaire sans diplôme étaient les premiers à faire les frais de « la crise », rencontrant des difficultés majeures pour leur insertion professionnelle et donc, plus largement, pour trouver leur place dans la société. La modification des structures économiques induit parallèlement une forte baisse de la disponibilité d’emplois peu ou pas qualifiés, rendant impérieuse pour les pouvoirs publics la nécessité d’emmener le plus grand nombre possible de jeunes vers un niveau de compétences globales (qui ne se résument pas aux qualifications professionnelles) plus élevé. Ainsi, alors que seulement la moitié d’une cohorte accédait à la 6ème au milieu des années 1960, ce taux était de plus de 95 % dès le milieu des années 1970, notamment sous les effets de la loi « Haby », relevant à 16 ans l’âge de la scolarité obligatoire et créant le collège unique. Dès 1989, l’obtention par tous les jeunes d’un diplôme de niveau 3 ([12]) au moins (anciennement niveau V) devient un objectif de niveau législatif (loi dite « Jospin »), de même qu’un facteur déterminant sur le marché du travail, se traduisant par des différentiels de taux d’emploi significatifs. En effet, au début des années 2020, 46,3 % des jeunes Français de 20 à 34 ans peu ([13]) ou pas diplômés étaient sans emploi ni formation (Neet, neither in education nor in employment or training), contre 8,6 % des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur ([14]).
Si la problématique du décrochage scolaire est donc intrinsèquement liée à celle de l’insertion professionnelle des jeunes, ces deux points ne se recoupent pas entièrement et mobilisent des acteurs et des politiques publiques différentes. La première relevant de la capacité de l’Éducation nationale à instruire, garder et qualifier les jeunes, elle mobilise l’ensemble de ses personnels, du ministère aux personnels académiques, et de ceux-ci aux enseignants, conseillers principaux d’éducation et psychologues, à commencer par ceux qui exercent dans la voie professionnelle. Les dépenses ciblées en la matière au sein de la mission Enseignement scolaire, et plus spécifiquement au sein du programme 141 – Enseignement public du second degré représenteraient en 2025 62,39 millions d’euros, dont 58,72 millions d’euros de dépenses de personnel, soit 850,3 ETP ([15]). Ce montant serait stable par rapport à la LFI 2024, après trois années de hausse (+1,86 % en 2022, + 4,98 % en 2023 et + 4,2 % en 2024). Ces dépenses n’incluent cependant pas celles, plus diffuses, qui relèvent strictement de l’insertion professionnelle de ces jeunes et qui s’articulent, sous l’égide des régions et du ministère du travail, autour du réseau des missions locales, du service public de l’emploi, des organismes de formation professionnelle et des employeurs.
La nécessité de mieux coordonner les actions de ces deux sphères longtemps restées très largement étanches se trouve au cœur des actions conduites depuis une dizaine d’années pour renforcer la lutte contre le décrochage scolaire, et a été rendue plus impérieuse encore par le déploiement de l’obligation de formation des 16-18 ans, à la suite de l’adoption de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Elle a permis à la France d’atteindre et même de dépasser les objectifs fixés en la matière par l’Union européenne, avec un taux de sortants précoce s’établissant en 2022 à 7,6 % selon la Depp. Malgré ces résultats satisfaisants, de premiers chiffres concernant les campagnes de repérage effectuées à l’automne laissent présager une possible recrudescence de ce phénomène à partir de 2023, touchant particulièrement les lycéens de la voie professionnelle, et due aux effets longs de la crise sanitaire de 2020.
La réforme du lycée professionnel, engagée à la rentrée 2023, s’inscrit pleinement dans ce contexte : tout d’abord, en mettant en œuvre de nouveaux dispositifs spécifiques de lutte contre le décrochage scolaire fondés sur une plus grande fluidité entre voie scolaire et formation professionnelle ; ensuite, en prenant mieux en compte les besoins et en accompagnant davantage les lycéens professionnels ; enfin, en refondant la carte des formations et en ouvrant explicitement le lycée professionnel au monde de l’entreprise.
Cette réforme s’inscrit dans un paysage déjà dense et complexe d’acteurs et de dispositifs visant à lutter contre le décrochage scolaire et pour l’insertion des jeunes, qui ciblent les déterminants du décrochage et mobilisent l’ensemble des leviers identifiés pour lutter contre ce phénomène. Sa mise en œuvre ayant débuté à la rentrée 2023, il est utile de faire un premier point d’avancement sur son déploiement effectif sur le terrain et sur les ajustements qui pourraient s’avérer utiles pour maximiser son efficacité au regard de l’objectif de lutte contre le décrochage scolaire qu’elle poursuit.
I. lA lutte contre le décrochage scolaire : un enjeu majeur pour les lycéens de la voie professionnelle
Les termes de décrochage scolaire et de décrocheurs n’apparaissent dans le débat public français que dans le courant des années 1990, importés du Québec et provenant de l’expression anglaise dropout. Sans qu’il soit encore ainsi désigné, la lutte contre ce phénomène avait pourtant fait son entrée dans le code de l’éducation dès la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, en même temps que l’objectif de conduire l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au niveau du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat. L’article 3 de la loi précitée reconnaissait déjà explicitement le rôle des pouvoirs publics, et de l’école, dans cette mission, en prévoyant d’une part que « tout élève qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation reconnu doit pouvoir poursuivre des études afin d’atteindre un tel niveau » et que « l’État prévoira les moyens nécessaires, dans l’exercice de ses compétences, à la prolongation de scolarité qui en découlera ».
A. Des politiques publiques impliquant un rÉseau complexe d’acteurs
À cette époque, environ un tiers des jeunes sortaient du système scolaire sans avoir obtenu au moins le CAP, contre 7,6 % aujourd’hui. Ce résultat est à la fois le fruit de la massification scolaire et de la succession de politiques publiques ciblées. Celles-ci se sont très largement intensifiées dans les années 2010, durant lesquelles a également été prise en compte la nécessité de mieux articuler les politiques de lutte contre le décrochage scolaire et en faveur de l’insertion professionnelle, avec pour point d’orgue, à la fin de cette décennie, l’inscription dans la loi de l’obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans.
1. De premières mesures dès les années 1980, centrées sur l’insertion professionnelle et principalement construites en dehors de l’école
La question de l’insertion sociale des jeunes, comprise comme un enjeu de cohésion sociale, voire comme un enjeu sécuritaire, devient un sujet politique dès les années 1970, à la faveur de la récession économique et de la montée du chômage. Elle n’est alors pas considérée comme un sujet concernant ou relevant de l’école, ce dont atteste le rapport sur l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, rendu en 1981 au Premier ministre Pierre Mauroy par Bertrand Schwartz : partant du constat que l’entrée des jeunes dans la vie active après la fin de la scolarité est devenue pour nombre d’entre eux un parcours du combattant, le rapport écarte d’emblée la question scolaire, placée en dehors des limites de la réflexion.
Assez logiquement, les débouchés législatifs de ce rapport ne concernent pas ou très peu l’institution scolaire : les missions locales sont créées en 1982 pour l’accueil et l’accompagnement « de toute personne de 16 à 25 ans révolus en difficulté et confrontée à un risque d’exclusion professionnelle », tandis que les mesures sont largement structurées autour de l’apprentissage ou de la création de contrats aidés. Le rôle de l’institution scolaire, considérée comme le reflet de la société, dans les ruptures de parcours des jeunes n’est alors pas mis en cause, ce que l’on nommait alors plus volontiers « l’échec scolaire » étant traité a posteriori, par des politiques d’insertion.
L’Éducation nationale commence à être mobilisée quelques années plus tard, par la création de dispositifs dont les noms reflètent toujours ce biais, à savoir le dispositif d’insertion des jeunes de l’Éducation nationale (Dijen), en 1986, auquel succède la mission générale d’insertion (MGI) en 1996. Ces structures restent peu intégrées aux établissements scolaires, y compris aux lycées d’enseignement professionnel, créés en 1977 et devenus lycées professionnels en 1985, année de la création d’un baccalauréat professionnel.
Les deux principaux dispositifs mis en œuvre par la MGI sont le cycle d’insertion professionnelle par alternance (Cippa), qui concerne principalement des élèves sans solution d’affectation après le collège, et le module de repréparation à l’examen par alternance (Morea), qui permet aux jeunes n’ayant pas réussi l’examen terminal de second cycle de s’y présenter à nouveau l’année suivante. Ce dernier dispositif a été maintenu au fil des différentes réformes ultérieures.
Peu de modifications interviennent ensuite jusqu’à l’aube des années 2010, à deux exceptions notables : tout d’abord, en 1993, les actions pour la formation et l’insertion des jeunes en difficulté sortis du système scolaire sont transférées aux régions, en particulier les actions qualifiantes destinées aux jeunes de 16 à 25 ans, et en 2002, à l’occasion de la réforme de la taxe d’apprentissage, les Régions se voient confier le rôle de coordonner les financements des centres de formation d’apprentis (CFA).
L’autre développement se trouve dans l’évolution progressive, et notable à bien des égards, des termes du débat, qui au tournant des années 2000 ne concerne plus la seule insertion post-scolarité mais bien la question du décrochage scolaire. Cette terminologie nouvelle implique d’interroger le rôle de l’institution scolaire elle-même dans le décrochage, et sa pleine implication dans l’activation des différents leviers permettant de le faire reculer. Ce glissement s’effectue notamment du fait de la mise à l’agenda par les institutions européennes de la question du décrochage scolaire, à travers la stratégie de Lisbonne, reprise en 2009 dans le cadre stratégique « Éducation et formation 2020 », qui intègre des préconisations sur la prévention du décrochage scolaire et non plus sur la seule prise en charge des jeunes peu ou pas diplômés.
2. De 2009 à 2014, une intensification des politiques publiques plaçant l’Éducation nationale au cœur de la lutte contre le décrochage scolaire
Le cadre stratégique européen « Éducation et formation 2020 » fixe en 2009 l’objectif pour l’ensemble des pays membres de l’Union européenne (UE) de parvenir à un taux de sorties précoces du système scolaire inférieur à 10 % en 2020.
En parallèle, le caractère interministériel de la lutte contre le décrochage scolaire est consacré par une instruction interministérielle en date du 22 avril 2009 mettant l’accent sur le repérage et l’accompagnement personnalisé des jeunes en situation de décrochage. Quelques mois plus tard, le plan Agir pour la Jeunesse est présenté par le Président de la République, qui fait de la lutte contre le décrochage scolaire une priorité nationale, renforce le rôle pivot des missions locales et invite les acteurs de l’éducation, de la formation et de l’insertion des jeunes à agir ensemble, au sein de plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (Psad).
Ces orientations trouvent leur traduction dans la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle. Cette loi crée notamment l’article L. 313-7 du code de l’éducation, qui prévoit la transmission au préfet par le chef d’établissement des coordonnées des élèves qui n’ont pas atteint le niveau de qualification requis et ne sont plus inscrits dans un cycle de formation. Elle crée également l’article L. 318-8, qui fixe aux pouvoirs publics une exigence de suivi et d’organisation s’agissant des jeunes concernés âgé de 16 à 18 ans, dans le but qu’aucun d’entre eux ne soit laissé hors de tout système de formation, d’insertion ou d’accompagnement vers l’emploi, posant ainsi la première pierre de ce qui deviendra l’obligation de formation des 16-18 ans.
Une circulaire du 10 février 2011 vient préciser la mise en œuvre de ces différents points : elle détaille notamment l’organisation et la composition des Psad, dont les périmètres, infra-départementaux, sont définis entre l’État et la Région au niveau académique, et qui regroupent, autour d’un coordonnateur désigné par le préfet, des représentants de l’Éducation nationale (MGI et CIO), de l’enseignement agricole, des CFA, des missions locales, du service public de l’emploi et des collectivités territoriales. 360 Psad sont ainsi créées entre 2011 et 2012, s’élargissant progressivement à des partenaires tels que les réseaux des écoles de la deuxième chance (E2C) ou de l’Epide ([16]). En outre, un coordonnateur départemental de lutte contre le décrochage scolaire est désigné par le préfet dans chaque département.
Cette circulaire confie également à la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) la maîtrise d’ouvrage du Système interministériel d’échange d’informations (SIEI), qui permet « de repérer les jeunes de plus de seize ans qui ont quitté sans le niveau de diplôme défini […] l’établissement de formation initiale qu’ils fréquentaient, ne sont pas inscrits dans un autre dispositif de formation initiale et de les signaler aux responsables désignés par les préfets de département pour que soient mises en place au plus vite des solutions d’accompagnement ».
L’alternance politique de 2012 se traduit sur cette question par une grande continuité : le Président de la République François Hollande fixe en 2012 l’objectif de réduire de moitié sur cinq ans le nombre de jeunes sortant du système scolaire sans qualification, alors au nombre d’environ 140 000 par an. Pour répondre à cet engagement présidentiel, un plan de lutte contre le décrochage scolaire est présenté le 4 décembre 2012 par le ministre de l’Éducation nationale ; en juin 2013, l’inspection générale de l’Éducation nationale produit un rapport intitulé Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée.
La circulaire n° 2013-035 du 29 mars 2013 précise les modalités de déploiement de ce plan, complétant l’architecture du dispositif de lutte contre le décrochage scolaire, qui ne sera que peu modifiée par la suite :
– elle crée les réseaux « Formation, qualification, emploi » (réseaux Foquale), ayant pour vocation d’apporter lisibilité et cohérence à l’ensemble des dispositifs et solutions pouvant être proposés par les Psad aux jeunes décrocheurs. Les réseaux Foquale rassemblent ainsi, dans le périmètre d’action des Psad, auxquelles ils sont pleinement intégrés, les établissements et dispositifs relevant de l’Éducation nationale et susceptibles d’accueillir les jeunes décrocheurs, notamment les nouvelles de structures de retour à l’école (SRE), qui se déploient progressivement. Leur rôle est de recenser localement toutes les solutions existantes et de favoriser la mutualisation d’expériences réussies. Dans le cadre d’un partenariat entre l’Éducation nationale et l’Agence du service civique (ASC), ils peuvent également proposer des missions de service civique aux jeunes décrocheurs. Leur action est conçue comme complémentaire de celle des collectivités territoriales et doit s’insérer pleinement dans les désormais « pactes régionaux pour la réussite éducative et professionnelle des jeunes », déclinaisons des contrats de plans régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP) ;
– la circulaire modifie également la dénomination des MGI, qui deviennent les « missions de lutte contre le décrochage scolaire » (MLDS), lesquelles doivent notamment développer au sein des réseaux Foquale une activité de conseil, d’expertise et d’ingénierie de formation et contribuent à la mise en place et au suivi des actions de formation et des parcours individualisés, en lien avec les établissements. En relation avec les centres d’information et d’orientation (CIO), elles contribuent aussi à l’évaluation des besoins et à la clarification de l’offre de formation, pouvant au besoin solliciter les Greta ([17]) ;
– enfin, la circulaire prévoit la nomination d’un référent « décrochage scolaire » dans chaque établissement du second degré « à fort taux d’absentéisme et de décrochage ». Celui-ci doit intervenir dès les premiers signes annonciateurs d’un risque de décrochage, en lien avec les conseillers principaux d’éducation (CPE) et les personnels sociaux et de santé regroupés au sein de « groupes de prévention du décrochage scolaire » (GPDS) qui ont pour mission de faciliter le retour en formation initiale des jeunes pris en charge.
La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République conforte l’ensemble de ces dispositifs en les inscrivant dans la loi. Elle complète l’article L. 122-2 du code de l’éducation, créé par la loi Jospin précitée et qui fixe l’objectif d’amener l’ensemble des élèves à l’obtention d’un diplôme de niveau 3 en créant un droit au retour en formation initiale pour les jeunes de 16 à 18 ans. Un nouveau plan, Tous mobilisés contre le décrochage scolaire est présenté en novembre 2014 par la nouvelle ministre de l’Éducation nationale. Les mesures-clés de ce plan sont, outre la généralisation des référents décrochage scolaire et des GPDS à tous les établissements, le renforcement des alliances éducatives, visant à renforcer la collaboration entre les personnels pédagogiques et éducatifs, la création d’un parcours de découverte des métiers, la création de la semaine de la persévérance scolaire et le renforcement du lien parents-école. Surtout, le plan prévoit la création d’un parcours aménagé de formation initiale (Pafi), destiné aux jeunes susceptibles d’être remobilisés ou remotivés par une « parenthèse » hors de l’univers scolaire et repérés par le GPDS. Il leur permet d’effectuer, pendant un an maximum et en alternance, des activités hors cadre scolaire définies par un contrat individualisé d’accompagnement. Ces activités peuvent notamment être un service civique, un stage, ou tout autre dispositif de la MLDS, la priorité à l’issue du parcours devant être donnée au retour en formation initiale.
Enfin, l’article 22 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale consacre l’existence d’un service public régional de l’orientation (SPRO). La coordination des actions des organismes participant au SPRO est confiée aux régions, l’Onisep et son réseau des CIO restant toutefois sous la tutelle de l’Éducation nationale. La lutte contre le décrochage scolaire s’appuie ainsi désormais pleinement sur une organisation partenariale État-régions. La région est chargée de la politique régionale de formation professionnelle des jeunes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle, tandis que l’État continue de jouer son rôle dans la prévention et la création de parcours individualisés, permettant notamment le retour en formation initiale. Un protocole d’accord entre l’État et l’association des régions de France (ARF) relatif à la lutte contre le décrochage scolaire est signé en juillet 2015 et décliné territorialement en 24 conventions de renouvellement triennal.
3. À partir de 2018 : de nouveaux dispositifs finalisent une architecture complexe impliquant de nombreux acteurs
La période 2009-2014 a dessiné pour l’essentiel l’architecture de la lutte contre le décrochage scolaire, installé l’Éducation nationale et ses établissements comme acteurs centraux de cette politique publique, tout en créant des ponts entre l’institution scolaire et le monde de l’insertion et de la formation professionnelles.
En 2017, la nécessité de mieux former les acteurs de la lutte contre le décrochage scolaire, en particulier des MLDS, est reconnue par la création d’un certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire.
À partir de 2018-2019, notamment dans le contexte de l’élaboration du nouveau cadre stratégique européen « Éducation et formation 2030 », qui fixe pour objectif à tous les membres de l’Union européenne de ne pas dépasser un taux de 9 % de sorties précoces du système scolaire, les politiques publiques de lutte contre le décrochage scolaire sont encore renforcées, avec la volonté d’accroître la fluidité des parcours et de la coordination entre les acteurs de l’Éducation nationale, de l’insertion, et du monde professionnel. Le souhait d’approfondir le lien entre formation initiale et monde de l’entreprise se traduit tout d’abord par de nombreuses mesures visant à développer l’apprentissage, qui est profondément réformé par la loi n°2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le financement, le statut, la création et l’activité des organismes de formation, dont les CFA font désormais partie, sont modifiés et régulés par un nouvel établissement public, France compétences, placé sous la tutelle du ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
L’article 15 de loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, s’inscrivant dans la continuité des réformes précédentes de l’école, renforce la lutte contre le décrochage scolaire par la consécration non plus d’un droit mais d’une obligation de formation pour tous les jeunes Neet de 16 à 18 ans. Cette réforme est déterminante puisqu’elle augmente considérablement en quelques années la part de mineurs pris en charge par les missions locales, mais aussi par leurs partenaires comme les écoles de la seconde chance. Les parcours proposés, qui peuvent conduire à un retour en formation initiale, doivent nécessairement passer par une coordination très forte entre ces acteurs et les établissements publics d’enseignement local (EPLE), et plus particulièrement les lycées professionnels. À ce titre, un référent « obligation de formation » est nommé dans chaque académie.
Dans la continuité, différents dispositifs sont créés ou renforcés pour intensifier la lutte contre le décrochage scolaire et/ou favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, la frontière entre ces deux objectifs et les acteurs qui en sont chargés devenant de plus en plus fine : en 2020, le volet « Cohésion » du plan France relance, présenté par le Président de la République au cœur de la crise sanitaire, comprend des mesures fortes pour soutenir et accompagner les jeunes dans leur insertion sociale et professionnelle : le plan d’investissement dans les compétences (PIC), décliné au niveau régional, doit permettre la création de 100 000 places en formations qualifiantes, tandis que 35 000 places doivent être créées dans les associations pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) pour les jeunes de 16 à 18 ans. Le Plan #1jeune1solution est mis en place, suivi des dispositifs Garantie Jeune, déployés par les missions locales, ou encore des dispositifs plus spécifiquement prévus pour les jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville et/ou des zones rurales tels que 1 jeune, 1 mentor, les cités éducatives, ou les cordées de la réussite.
Enfin, le 1er mars 2022, la Garantie jeunes est remplacée par le Contrat d’engagement jeune (CEJ), destiné aux jeunes Neet âgés de 16 à 25 ans (avec une dérogation jusqu’à 29 ans pour les jeunes en situation de handicap). Ce contrat comprend un accompagnement de 6 à 12 mois par un conseiller et un programme de 15 à 20 heures de formation ou de suivi par semaine et permet le versement d’une allocation qui peut aller jusqu’à 520 euros par mois sous condition de ressources et de respect des engagements pris. Mis en œuvre par le réseau France Travail et les missions locales, il concerne environ 200 000 jeunes par an.
Il résulte de l’ensemble de cet historique un réseau très complexe d’acteurs, que le schéma ci-après tente de formaliser, et sur lequel vient s’appuyer la réforme du lycée professionnel.
B. des rÉsultats satisfaisants qui ne doivent pas masquer de fortes disparitÉs
Enjeu de cohésion sociale, la lutte contre le décrochage scolaire est donc depuis plus d’une décennie un enjeu central des politiques éducatives. Ses résultats constituent un indicateur de performance des politiques éducatives et de l’institution scolaire au regard de deux objectifs :
– conserver les jeunes à l’école et les diplômer (la priorité au retour à l’Éducation nationale restant affirmée) ;
– lorsque le premier objectif n’est pas atteint, créer des alliances avec l’ensemble de l’écosystème de la formation et de l’insertion pour leur permettre de s’insérer dans la société.
1. Un phénomène en recul quels que soient les indicateurs retenus
Si le décrochage scolaire peut être défini comme l’inachèvement d’une scolarité secondaire, cette seule définition ne permet pas d’appréhender correctement les deux composantes de la lutte contre le décrochage scolaire mentionnées ci-dessus.
Ainsi, bien que la Depp calcule chaque année le « taux de sortants de plus de 15 ans sans diplôme outre celui du brevet » (indicateur de flux), tandis que l’INSEE, notamment via son Enquête emploi établit le « taux de non diplômés parmi les 15‑24 ans non scolarisés » (indicateur de stock), ces deux indicateurs ne sont pas ceux qui sont retenus par le ministère de l’Éducation nationale et par Eurostat pour mesurer les résultats obtenus au regard du cadre stratégique européen. En effet, ces deux indicateurs ne rendent compte que de l’« accrochage » ou du « raccrochage » par la formation initiale, sans prendre en compte les jeunes ayant repris des formations qualifiantes quoique non formellement diplômantes. Ils invisibilisent ainsi tout un pan des politiques publiques décrites ci-dessus, qui visent à réduire in fine les risques de marginalisation des jeunes et leur passage durable vers des dispositifs d’aide sociale.
Bien que l’ensemble des indicateurs relatifs au décrochage scolaire montrent des progrès notables depuis 15 ans, le taux qui sera donc retenu ici, comme dans la maquette de performance de la mission Enseignement scolaire du PLF ([18]), correspond à l’autre indicateur Depp, « taux de sortants précoces », qui sert également de base à Eurostat pour mesurer l’atteinte des objectifs européens. Cet indicateur de stock mesure, parmi les 18-24 ans, la part de ceux qui n’ont pas suivi de formation au cours des quatre dernières semaines et ne sont pas diplômés ou le sont au plus du diplôme national du brevet (DNB), les formations qualifiantes étant prises en compte. La baisse de cet indicateur peut donc résulter d’une augmentation du nombre de jeunes diplômés en formation initiale mais aussi d’efforts nationaux réalisés pour développer une offre spécifique de formation continue pour les jeunes et des passerelles entre cette dernière et la formation initiale.
L’effort soutenu conduit par les gouvernements successifs sur ces deux volets a permis d’obtenir des résultats certains, faisant passer le nombre de jeunes décrocheurs d’environ 140 000 à environ 95 000 par an entre 2010 et 2022. Ces résultats ont permis à la France d’aller au-delà de l’objectif de 9 % fixé à l’échelle de l’Union européenne pour 2020, avec un taux qui s’est établi à 8 % cette année-là, et à 7,6 % en 2022, contre 11,3 % en 2010.
Source France : Insee, enquêtes Emploi ; estimations et extrapolations MEN-MESRI-DEPP.
Source UE 28 : Site Eurostat enquêtes Force de travail, calculs Eurostat, juin 2023.
Ce résultat de 7,6 %, s’il est encourageant à bien des égards, ne doit pas masquer le stock important de jeunes Neet qui en résulte en partie ([19]) : le taux de jeunes Neet s’établit selon l’Insee à 12,6 % des 15-29 ans au deuxième trimestre 2024, 34 % d’entre ayant abandonné leur parcours scolaire ou une formation, dont près de la moitié dès le lycée, et 29 % ne disposant d’aucun diplôme (ou du seul DNB).
Ce résultat ne doit pas non plus conduire à négliger les effets importants de la crise Covid sur le décrochage scolaire, qui met en relief l’utilité et l’efficacité des dispositifs de lutte contre le décrochage : si environ 95 000 élèves environ sont confirmés décrocheurs à la fin de chaque année, ce chiffre est sensiblement plus élevé en début de période, lors des repérages effectués à l’automne et qui déclenchent les actions d’accompagnement. Il enregistre même une hausse préoccupante depuis 2021 après plusieurs années de stabilité ou de baisse : il est ainsi passé de 121 896 élèves à l’automne 2021 à 162 085 élèves à l’automne 2023.
Surtout, il ne doit pas masquer les très fortes disparités sociales, territoriales et entre filières qui caractérisent le phénomène du décrochage scolaire, dont les déterminants sont souvent cumulatifs, et que l’institution scolaire ne semble pas parvenir à lisser.
2. Des disparités sociales et territoriales marquées, qui n’excluent pas des facteurs de décrochage plus individuels
a. De fortes disparités sociales et territoriales
En premier lieu, il convient de noter une forte disparité entre les jeunes femmes et les jeunes hommes concernant le décrochage scolaire, les garçons étant sensiblement plus touchés (9,2 % donc près d’un garçon sur dix, contre 6 % des filles).
D’importantes disparités d’ordre économique et culturel sont également à l’œuvre. Le niveau socio-économique des parents, la profession du père étant le plus souvent retenue par priorité, fait apparaître de fortes inégalités : 38 % des enfants de parents sans emploi, 19 % des enfants d’ouvriers non qualifiés et 13 % des enfants d’employés termineront leur scolarité sans obtenir de diplôme au moins égal au CAP, contre 2 % des enfants de cadres ou de professions intellectuelles supérieures ([20]). Cet indicateur est à mettre en lien avec les facteurs de risque relatifs aux conditions matérielles de vie des élèves qui en découlent, les résultats étant encore plus marqués lorsque l’on considère, au-delà de la profession exercée, le revenu fiscal des familles. Se trouver dans le décile des revenus les plus faibles augmente le risque d’avoir une image dégradée de la rentabilité du travail et/ou des études, de vivre dans un logement surpeuplé, d’être contraint à de petits boulots en parallèle du lycée ou à entrer le plus rapidement possible dans le marché du travail.
Au-delà du niveau socio-économique, le niveau de diplôme des parents, et singulièrement celui de la mère, détermine des écarts majeurs dans le risque de décrochage : 38 % des élèves dont la mère n’a aucun diplôme décrochent de l’école, contre 5,9 % de ceux dont la mère est diplômée de l’enseignement supérieur ([21]). Ce résultat éclaire le rôle de l’accompagnement et des pratiques éducatives familiales dans la persévérance scolaire (implication familiale importante, aide aux devoirs, attentes positives vis-à-vis de l’école, etc.).
Ces inégalités socio-culturelles sont fortement concentrées dans certains territoires, faisant apparaître des disparités entre régions, mais également au sein de ces régions, entre certains départements ou académies.
Certains territoires se retrouvent donc confrontés à un « cumul de fragilités » ([22]) (départements de la Guyane, du Pas-de-Calais, de La Réunion, de l’Aisne, des Pyrénées-Orientales ou de l’Yonne), quand d’autres présentent des performances supérieures, voire bien supérieures, à la moyenne nationale (région Bretagne, départements de Paris, des Yvelines, des Hauts-de-Seine, de Haute-Garonne). La concentration des fragilités économiques, sociales et culturelles est plus visible en milieu urbain ou périurbain (voir carte infra). Toutefois, les élèves fragiles des territoires ruraux et/ou d’outre-mer à faible densité sont doublement touchés : l’éloignement des établissements scolaires ou de la spécialité choisie (éléments particulièrement prégnants dans la voie professionnelle) peut conduire à un éloignement précoce et non désiré des élèves de leur milieu familial qui accroît leur fragilité, voire rendre la scolarisation impossible (manque de places en internat, transports en commun insuffisants ou inexistants, coût financier de la mobilité, etc.) et les conduit à des choix par défaut ou à une rupture de formation initiale.
Au sein même de ces territoires, on observe également de très fortes disparités d’une ville à l’autre, voire, en milieu urbain, d’un quartier à l’autre ([23]) :
Atlas des zones à risque d’échec scolaire, Depp, 2016.
b. Des déterminants plus individuels
Si ces déterminants socio-géographiques donnent à voir la persistance des inégalités sociales dans la capacité des élèves à être performants et persévérants dans le système scolaire, elle ne rend toutefois pas compte des déterminants plus fins et plus spécifiques au décrochage scolaire. En effet, malgré un risque statistique accru de décrochage, une très large majorité des élèves issus de milieux défavorisés ou de zones à risque de décrochage scolaire obtient un diplôme ou une formation qualifiante à l’issue de sa scolarité.
Des facteurs plus individuels, qui peuvent pour certains être en lien avec le niveau socio-économique et les conditions de vie de l’élève, doivent donc impérativement être pris en compte pour pouvoir lutter de façon spécifique contre le décrochage scolaire, qui doit plutôt être compris comme le résultat du cumul et de l’enchevêtrement de facteurs de risque qui s’auto-alimentent.
Parmi ces facteurs individuels, une structure familiale inexistante (plus de 40 % des élèves issus de l’Aide sociale à l’enfance n’obtiendront aucun diplôme) ou dysfonctionnelle (manque de cohésion et de soutien, exposition à des maltraitances, etc.) ou une situation de rupture familiale sont des facteurs de risque élevé de décrochage scolaire.
Plus de la moitié des jeunes en situation de décrochage indiquent également ne pas avoir eu beaucoup d’amis à l’école et ne pas avoir reçu de soutien amical au moment de leur décrochage ([24]). 42 % se disent peu à l’aise avec les jeunes de leur âge, ces différents éléments étant à la fois « symptôme et cause d’un malaise social allant du simple défaut de sociabilité à la phobie scolaire » ([25]), certains de ces jeunes ne parvenant même plus à franchir la porte de leur établissement. 57 % d’entre eux déclarent qu’ils « n’avaient pas le moral en cours ». Ce malaise social se caractérise souvent par une inadaptation aux normes et aux codes scolaires, et par une marginalisation que le jeune peut progressivement investir et requalifier en un choix, puisqu’« il est plus "tenable" de se sentir légitime comme déviant qu’illégitime comme élève » ([26]).
Enfin, et bien que près de 7 décrocheurs sur 10 déclarent qu’ils avaient des résultats scolaires corrects ou bons, la faiblesse des résultats scolaires apparaît dans de nombreuses études comme un facteur directement et significativement prédictif du décrochage, en particulier quand cette faiblesse apparaît de façon précoce (sont souvent retenus pour le contrôle de ce facteur les résultats obtenus en classe de 6ème).
Pris isolément, ce facteur « résultat scolaire » est plus particulièrement sensible pour les élèves présentant des problèmes de santé : il s’agit notamment des élèves porteurs d’une maladie grave ou chronique entraînant des absences prolongées de l’institution scolaire, des élèves en situation de handicap, ou encore des élèves présentant des problèmes de santé mentale, en particulier des troubles anxieux et dépressifs, mais aussi des addictions. Les représentants des missions locales auditionnés ont particulièrement souligné la prévalence des problèmes de santé mentale, mais aussi des conduites addictives chez les jeunes qu’elles reçoivent. Ces facteurs de risque sont très fortement couplés à l’isolement de ces jeunes dont elles sont à la fois cause et conséquence, et qui les conduisent bien souvent à développer une phobie scolaire. Les élèves présentant des troubles des apprentissages (troubles « dys ») ou du comportement sont également surreprésentés parmi les décrocheurs, en particulier s’ils ne sont pas diagnostiqués et pris en charge suffisamment tôt, le décrochage cognitif apparaissant chez ces élèves de façon souvent très précoce, dès l’école primaire.
L’on peut donc conclure que c’est dans le rapport à l’école des élèves ayant des conditions de vie et/ou de santé – en particulier mentale – et/ou d’apprentissage difficiles que se trouve le plus souvent l’origine des décrochages. Ces élèves auront une plus grande difficulté à se conformer et à s’adapter aux codes et aux exigences du cadre scolaire. Cette difficulté peut se traduire par un décrochage cognitif, agissant en retour sur leur motivation et leur estime de soi dans une société très largement structurée autour de la réussite scolaire, et/ou par une marginalisation ou un sentiment de marginalisation de l’élève vis-à-vis de ses pairs, des enseignants et de l’établissement dans son ensemble. Une analyse fine des déterminants du décrochage ne peut donc pas faire l’économie d’une interrogation du système scolaire et de sa capacité à juguler ou non les facteurs de décrochage externes à l’école, qu’ils soient sociaux ou individuels.
3. Le rôle de l’institution scolaire ne doit pas être sous-estimé, en particulier s’agissant des élèves de la voie professionnelle
« Le système éducatif produit encore trop de décrocheurs ». Cette phrase issue du projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire annexé au PLF pour 2025 démontre que la tendance qui consistait à considérer les facteurs de décrochage scolaire comme seulement externes à l’école est désormais totalement révolue. La place centrale de l’Éducation nationale dans les politiques publiques de lutte contre le décrochage, qui s’est affirmée depuis une quinzaine d’années, le démontre. En effet, si dans certains cas le décrochage peut être soudain et lié à un événement crucial dans la vie du jeune, il s’agit bien plus souvent d’un phénomène extrêmement progressif que l’école a échoué à contrecarrer, et qu’elle a même pu contribuer à produire ou à amplifier. Le schéma ci-dessous permet d’illustrer cette dynamique négative :
Cette dynamique s’observe particulièrement chez les élèves de lycées professionnels, lesquels regroupent 27 % des lycéens, mais concentrent plus de 60 % du total des décrocheurs. De même, le décrochage en début de période concerne 3,9 % des lycéens de la voie générale mais 16,9 % des lycéens de la voie professionnelle ([27]). Comme on l’a vu précédemment, le niveau de vie et le diplôme des parents jouent un rôle majeur dans le parcours scolaire des élèves. Ils influencent leur capacité à être performant dans le système scolaire mais aussi la durée de leur maintien dans le système scolaire et donc leur orientation, les élèves de milieux défavorisés ayant tendance, par mimétisme, par nécessité économique ou par autocensure, à préférer les filières courtes : ainsi, 70 % des élèves en formation professionnelle en lycée ont des parents employés, ouvriers ou inactifs, contre 50 % de la population scolaire en collège et moins de 40 % en lycée général et technologique (LGT) ([28]).
Les jeunes qui rencontrent des difficultés scolaires ou à s’adapter au cadre scolaire, notamment pour des raisons de santé, auront également davantage tendance à choisir ces filières : en particulier, les élèves en situation de handicap scolarisés dans le second degré sont cinq fois plus nombreux en lycée professionnel qu’en LGT.
Le lycée professionnel concentre donc nombre des facteurs de fragilité, à commencer par la faiblesse des résultats scolaires dans les cycles précédents : les élèves arrivés dans le plus bas décile des évaluations nationales en 6ème sont près de 80 % à rejoindre quatre ans plus tard un CAP ou une seconde professionnelle, contre seulement 1,8 % des élèves arrivés dans le plus haut décile ([29]).
Cette question des résultats scolaires pose la question du rôle de l’école en amont de l’orientation de fin de 3ème, un certain nombre de paramètres strictement internes à l’école ayant un impact établi sur la réussite scolaire, en particulier des plus fragiles ([30]). Peuvent notamment être mentionnés à cet égard la pédagogie retenue, la capacité à s’adapter à des groupes-classes très hétérogènes, les modalités d’évaluation, la qualité du climat scolaire ou encore des interactions entre les élèves et les adultes de leur établissement. Ces différents paramètres sont particulièrement sensibles pour les élèves les plus fragiles : ils tendent à augmenter la distance qu’ils ressentent vis-à-vis du monde scolaire et sont souvent cités par de jeunes décrocheurs comme des facteurs ayant contribué à leur démobilisation. Le taux et la qualité de l’encadrement dont bénéficient les enfants, dans la classe mais plus largement dans la vie scolaire, jouent donc un rôle majeur à cet égard. Un autre paramètre est le niveau de pratique, en net recul, des redoublements : si ceux-ci peuvent alimenter un sentiment d’échec et accélérer le décrochage en renforçant l’attrait de groupes de pairs situés hors de l’établissement scolaire, a contrario, l’impossibilité d’accorder un redoublement souhaité par l’élève et sa famille peut précipiter un échec scolaire.
En fonction des capacités dont elle dispose pour influencer ces différents paramètres, l’école peut donc jouer un rôle majeur dans la réussite – ou l’échec – scolaire des élèves, en particulier des plus fragiles. Cette réussite pose en effet, dès la classe de 3ème et parfois dès la classe de 5ème, la question de l’orientation, qui se pose qui plus est beaucoup plus tôt pour les élèves en difficulté que pour les autres. La question de l’orientation subie est fortement débattue et peu claire : les études statistiques à grande échelle, comparant notamment les vœux d’affectation formulés par les familles et les décisions finales, tendent à montrer une très grande proximité entre les deux, notamment en ce qui concerne l’affectation en voie professionnelle (on peut toutefois imaginer que ces « vœux » sont pour partie adaptatifs, et construits par renoncements progressifs au fil du parcours scolaire). L’affectation au sein de l’enseignement professionnel vers une filière ou une autre semble en revanche plus problématique : la procédure via la plateforme Affelnet prend en effet elle aussi en compte les résultats scolaires et le niveau de maîtrise du socle commun dans le livret scolaire unique, ce qui contribue à éloigner les élèves les moins performants scolairement de leurs aspirations premières.
Ici encore, si les études statistiques tendent à démontrer que les décrocheurs ne seraient pas sensiblement plus nombreux parmi les élèves n’ayant pas été affectés sur l’un de leurs premiers vœux, des études plus qualitatives font toutefois état d’une orientation ressentie, tout au moins a posteriori, comme subie, par plus de 40 % des élèves de la voie professionnelle. Lors de leur audition par votre rapporteur, les recteurs de différentes académies n’avaient pas nécessairement la même appréciation du rôle de l’orientation subie dans le décrochage scolaire. Plusieurs ont toutefois souligné le décalage entre filières en termes de pression. La pression forte sur certaines filières a été confirmée en auditions par plusieurs syndicats enseignants (par exemple la filière du bac professionnel boulanger-pâtissier, avec près de quatre candidatures pour une place), indiquant que cela conduisait à affecter certains jeunes sur des filières de métiers très éloignées et à moindre pression (filières tertiaires notamment) ou vers des filières de la même famille de métiers, mais dans les faits très éloignées des aspirations des candidats, où des places étaient disponibles (par exemple, bac professionnel boucher-charcutier-traiteur au lieu de boulanger-pâtissier). Couplée aux restrictions de mobilité des jeunes déjà mentionnées supra, et qui ont particulièrement été soulignées pour les académies de Guyane, et dans une moindre mesure de Dijon, la pression sur les filières met en évidence l’importance de l’adéquation et de l’adaptabilité de la carte de formation aux demandes des jeunes et aux mutations de l’économie.
Le rôle de l’école dans la réalisation du risque de décrochage scolaire ne peut donc être nié, bien que les causes de celui-ci soient multiples et interdépendantes et qu’aucun facteur ne soit en lui-même prédictif. De ce point de vue, les recherches comparant des groupes d’élèves aux caractéristiques sociales et scolaires similaires, les uns ayant décroché, les autres non, permettent une approche plus opérationnelle, en identifiant des facteurs de protection. Parmi les principaux facteurs de protection observés chez les jeunes des groupes « persévérants », on relève des relations sociales nombreuses et de qualité, un sentiment d’estime de soi, un sentiment d’appartenance à la communauté scolaire, une relation signifiante avec un ou plusieurs enseignants qui se préoccupent d’eux, croient en eux et les conseillent et une capacité à être acteur et décideur de son orientation, à se diriger vers un but. Cette approche par facteurs de protection plutôt que par risques est particulièrement pertinente pour déterminer les leviers autour desquels doivent s’organiser plus spécifiquement les politiques publiques de lutte contre le décrochage scolaire.
La réforme du lycée professionnel annoncée par le Président de la République le 4 mai 2023 et dont la mise en œuvre a débuté dès la rentrée 2023‑2024, s’articule pour l’essentiel autour de mesures en faveur de la lutte contre le décrochage scolaire et de l’insertion professionnelle des jeunes. Au regard des développements précédents, votre rapporteur considère que ces mesures constituent des réponses particulièrement adaptées, qu’il convient donc de faire appliquer pleinement et dans la durée sur tout le territoire, sans pour autant négliger d’autres dispositifs essentiels pour améliorer la persévérance scolaire.
II. LA réforme du lycée professionnel doit Être approfondie et pÉrennisÉe pour Être pleinement efficace contre le décrochage scolaire
En 2023, la France compte 2 100 lycées professionnels, y compris ceux faisant partie d’un lycée polyvalent, regroupant 621 600 élèves et 64 000 apprentis formés dans des unités de formation des apprentis (UFA) intégrées à des lycées professionnels ([31]). Plutôt reléguée à l’arrière-plan du débat public jusqu’à une période récente, la voie professionnelle a fait l’objet d’un regain d’attention progressif, concomitant à la mise à l’agenda de la question du décrochage scolaire. Le constat s’impose en effet que les lycées professionnels occupent une place essentielle pour l’élévation des niveaux de qualification, l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, l’adaptation de l’offre de formation aux mutations économiques et à la réindustrialisation du territoire, et plus globalement pour relever les défis de l’insertion des jeunes et de la cohésion républicaine.
Si l’année 2009 est ainsi marquée par la généralisation du baccalauréat professionnel préparé en 3 ans après le collège, elle avait surtout pour objet d’augmenter le niveau de qualification des jeunes et de revaloriser la filière professionnelle. Elle sera suivie par la création de nouveaux diplômes, certifications et formations complémentaires courtes. Toutefois, c’est surtout la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel, plutôt identifiée par le grand public pour son ambition de développer l’apprentissage, qui est l’occasion d’engager la « transformation de la voie professionnelle » (TVP) dans les établissements de l’Éducation nationale à compter de la rentrée de septembre 2019 et inclut des mesures présentant des liens directs avec la lutte contre le décrochage scolaire. L’objectif annoncé était alors de recentrer le lycée professionnel autour de l’élève et de la personnalisation de son parcours, par la mise en œuvre de transformations pédagogiques comme la co-intervention, le chef-d’œuvre, l’accompagnement renforcé avec des modules préparant l’insertion professionnelle ou la poursuite d’études à l’issue du baccalauréat professionnel. Malgré de fortes contraintes de structure, cette transformation avait également permis le déploiement des « familles de métiers » en classe de seconde, permettant à des élèves de choisir en fin d’année une spécialité professionnelle.
A. LES douze MESUREs de la rÉforme permettent d’activer des leviers efficaces contre le dÉcrochage scolaire
La réforme du lycée professionnel annoncée en 2023 s’inscrit donc dans la continuité de la TVP engagée en 2018, notamment en ce qu’elle vise à poursuivre l’adaptation des parcours et la création de passerelles entre les différentes voies menant à une qualification et à l’insertion professionnelle et à ouvrir davantage les uns aux autres les mondes de la formation initiale, de la formation professionnelle et de l’entreprise. Partant du constat que « seul un bachelier professionnel sur deux et un quart des élèves titulaires d’un CAP parviennent à s’insérer dans l’emploi dans l’année suivant l’obtention de leur diplôme » ([32]), elle déploie de nouveaux dispositifs ambitieux visant à améliorer significativement ces résultats, la lutte contre le décrochage scolaire étant le premier objectif poursuivi. Pour autant, elle ne renie pas et amplifie même les objectifs prioritaires de maintien des jeunes aussi durablement que possible dans le système de formation initiale et de transmission au plus grand nombre d’un socle commun de connaissances. Elle s’inscrit donc dans la recherche d’une résolution de la dualité ancienne et toujours objet de vifs débats en France, entre formation de citoyens et formation de travailleurs, entre émancipation individuelle et insertion professionnelle, cette distinction pouvant s’avérer artificielle quand elle est mise à l’épreuve de la réalité.
1. La nécessité d’adapter les parcours, d’accompagner les jeunes et de fluidifier leurs passages entre les différents univers
« Lorsqu’on leur demande ce qu’il aurait manqué pour qu’ils continuent leur cursus, les jeunes citent notamment la découverte de métiers (45 %), et la présence de quelqu’un qui les motive, leur donne confiance en eux (40 %) », indique l’étude précitée réalisée pour la Fondation Alpha Oméga et l’Union nationale des missions locales sur les facteurs du décrochage scolaire. Le premier pilier de la réforme du lycée professionnel répond à ces préoccupations en s’articulant autour de différentes mesures permettant de mieux personnaliser les parcours des jeunes, de mieux les accompagner et de leur permettre de trouver leur voie, si besoin à tâtons et par itération entre formation initiale, formation professionnelle et découverte des métiers.
a. Un enseignement sur mesure, adaptable aux besoins et souhaits des élèves
Les mesures 3 et 4 de la réforme du lycée professionnel permettent de mieux adapter la formation proposée au lycée professionnel aux centres d’intérêt des jeunes et à leur souhait de continuer ou non leur formation initiale à l’issue du diplôme préparé.
Ainsi, la mesure n° 3 vise-t-elle à améliorer l’épanouissement des lycéens dans les apprentissages, à leur ouverture culturelle et au développement de leurs compétences psycho-sociales, en leur permettant progressivement de choisir des options. Le déploiement de cette mesure s’est fait dans les lycées volontaires à compter de la rentrée scolaire 2023, dans le cadre du Pacte. Construite en fonction des projets de l’établissement, de ses ressources internes et de ses partenariats, cette offre peut consister en des ateliers ou cours artistiques (spectacle vivant ou arts visuels), d’écriture ou d’éloquence, de codage, de langues ou encore de préparation à l’entrepreneuriat, les élèves pouvant suivre une à deux de ces activités qui ne donnent pas lieu à une évaluation. La mesure doit être généralisée au cours de l’année scolaire 2024-2025.
La mesure n° 4 vise quant à elle vise à organiser l’année de terminale en lien avec le projet de l’élève. Ceux d’entre eux qui souhaitent entrer dans la vie active à l’issue du baccalauréat pourront voir, dès l’année 2024-2025, la durée de leurs périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) passer en terminale de six à douze semaines. Ceux qui veulent poursuivre des études supérieures bénéficieront pour leur part de six semaines d’accompagnement centrées sur les matières fondamentales, la méthodologie et l’autonomie Ce dispositif a été pensé pour être flexible, les élèves ayant la possibilité de changer d’avis sur le parcours choisi au cours de ces six semaines et de passer de l’un à l’autre.
b. Un accompagnement des jeunes renforcé pour prévenir le décrochage
À cette meilleure personnalisation des parcours, s’ajoutent, dans le cadre du Pacte notamment, de nouvelles possibilités d’accompagnement personnalisé des jeunes, en particulier des plus fragiles d’entre eux.
La mesure n° 2, intégrée à la grille horaire applicable à la rentrée 2024, étend ([33]) aux jeunes préparant le baccalauréat professionnel la mise en place de groupes réduits pour l’apprentissage des savoirs fondamentaux, à savoir le français et les mathématiques. La transmission de ces savoirs fait donc l’objet d’un travail collectif autour des équipes pédagogiques et éducatives à l’échelle de chaque lycée professionnel, qui peut s’appuyer sur les conseils académiques des savoirs fondamentaux installés depuis janvier 2023. Conçus comme des opportunités d’accompagner les élèves au plus près de leurs besoins, ces temps permettent d’engager davantage les élèves dans les apprentissages et d’accompagner leur autonomisation.
La mesure n° 10, dans le cadre du Pacte, permet aux enseignants, professeurs documentalistes, CPE et psychologues de l’éducation nationale, de participer à la résorption des difficultés scolaires des élèves, par la mise en œuvre de la mesure n° 2, mais aussi pour tutorer un groupe d’élèves en tant que professeur référent (suivi et conseil individualisés, accompagnement pédagogique et aide à l’orientation), détecter les élèves en voie de décrochage et contribuer à leur prise en charge en lien avec les partenaires (accompagnement, y compris physique, des jeunes dans leurs démarches, mobilisation du GPDS, suivi de la situation en lien avec le réseau Foquale). Comme dans la voie générale et technologique, le Pacte peut également être mobilisé dans la voie professionnelle pour intervenir spécifiquement et en petits groupes auprès d’élèves présentant notamment des troubles dys, des difficultés d’apprentissage, ou porteurs de handicaps. Le Pacte permet également aux personnels volontaires d’intervenir dans le dispositif « école ouverte », prioritairement positionné la dernière semaine d’août ou durant les vacances de la Toussaint, pour les élèves éprouvant des difficultés et après accord de leurs familles.
Enfin, la formation des personnels pédagogiques, éducatifs et de direction est renforcée par les mesures n° 11 et 12 de la réforme, par des modules destinés aux chefs d’établissement nouvellement affectés en lycée professionnel. De plus, les enseignants pourront bénéficier de formations spécifiques pour adapter leur enseignement aux mutations de l’économie et à l’accueil d’élèves parfois en grande difficulté scolaire.
Outre le tutorat par un professeur évoqué ci-dessus, les jeunes de lycée professionnel pourront également s’appuyer sur les dispositifs de mentorat que sont les cordées de la réussite mais aussi 1 jeune 1 mentor, reposant sur le partenariat entre un lycée professionnel et une association ou des entreprises extérieures. Un référent mentorat doit être désigné dans les établissements, qui peut être le directeur délégué à la formation professionnelle et technologique (DDFPT) ou en lien étroit avec ce dernier. Les rencontres avec le mentor doivent avoir lieu au moins une fois par mois, idéalement au sein de l’établissement.
c. Les dispositifs Tous droits ouverts et Ambition emploi spécifiquement en faveur des élèves décrocheurs
On l’a vu, les jeunes qui décrochent du fait notamment d’un « ras-le-bol » du système scolaire peuvent depuis 2015 se voir proposer un plan aménagé de formation initiale (Pafi). Ce parcours était jusqu’à 2023 toujours mis en place par le GPDS à travers les dispositifs MLDS (service civique notamment) et tutoré par un membre du personnel de l’établissement d’origine. La réforme de 2023 ajoute au Pafi le Pafi Tous droits ouverts (Pafi-TDO) qui, à la différence du premier, s’appuie nécessairement sur l’un des acteurs locaux de la formation et de l’insertion des jeunes intervenant au sein de la Psad : école de la deuxième chance (E2C), centre de l’Épide, CFA, centre Afpa (« promo 16.18 »), agence du service civique, etc. Ce dispositif, formalisé par la signature d’une convention, s’adresse à des jeunes en voie de décrochage sévère, se caractérisant par un absentéisme chronique voire une incapacité à franchir le seuil de leur établissement, et pour lesquels les autres solutions mises en œuvre dans le cadre de l’Éducation nationale ont échoué. La durée maximale de ce parcours est de quatre mois (un an pour le Pafi), à l’issue desquels l’élève peut choisir de revenir dans son établissement, de s’engager dans une autre voie de formation ou de poursuivre dans la (ou l’une des) structure(s) d’accueil, sous réserve d’être en conformité avec l’obligation de formation. Il permet donc le maintien des avantages du statut scolaire (bourse, transports, fonds sociaux, place en internat, AESH, etc.) en dépit d’un parcours relevant en principe du statut de la formation professionnelle, dont les droits afférents sont également ouverts. Dans le cadre du droit au retour en formation initiale, le Pafi-TDO peut également être mis en œuvre pour des jeunes pris en charge par un acteur hors Éducation nationale qui souhaiteraient rejoindre une formation sous statut scolaire.
La circulaire de mise en œuvre du Pafi-TDO précise qu’il ne doit pas « correspondre à une démarche d’externalisation, l’élève pouvant d’ailleurs choisir à tout moment de revenir dans l’établissement scolaire auquel il demeure rattaché et devant être informé très explicitement de cette possibilité. Il importe [également] de s’assurer que la (ou les) solution(s) testée(s) par le jeune pourrait l’accueillir de façon pérenne à l’issue du Pafi-TDO, si l’élève choisissait cette solution ». Du côté de l’Éducation nationale, la mise en œuvre du Pafi-TDO repose sur le Pacte enseignant, et l’implication des personnels y adhérant dans le signalement, la saisine du GPDS ou de la Psad, la construction des parcours, l’exercice de la mission de référent de convention Pafi-TDO, l’accompagnement des jeunes et le cas échéant, l’organisation pédagogique du retour en formation initiale.
Dans le même esprit de personnalisation des parcours par la diversité des partenariats, le dispositif Ambition emploi s’appuie sur une alliance des EPLE avec l’ensemble des acteurs territoriaux de la formation et de l’insertion des jeunes réunis au sein des Psad, tout particulièrement la mission locale. Il s’adresse à tous les élèves volontaires non engagés dans un emploi ou un parcours de formation qui ont passé, à la dernière session, les épreuves du baccalauréat professionnel, du CAP, du brevet des métiers d’art (BMA) ou du diplôme de technicien des métiers du spectacle (DTMS), qu’ils aient ou non obtenu leur diplôme, et vise à sécuriser leur accès à l’emploi ou à une poursuite d’études. Ainsi, tous les élèves ayant échoué à leur examen sont contactés par leur chef d’établissement afin de leur proposer de le préparer de nouveau (droit au retour en formation initiale) ou, en cas de refus, de s’inscrire dans Ambition emploi, cette dernière solution étant également proposée à tous les diplômés qui n’ont accepté aucune proposition d’admission dans Parcoursup.
Les volontaires sont ensuite orientés vers la mission locale, qui construit avec eux un parcours adapté à leur projet. Ce parcours peut inclure un bilan de compétences, des ateliers sur la recherche d’emploi, sur le développement des compétences psycho-sociales, de consolidation des acquis scolaires ou techniques, des ateliers d’orientation vers une formation complémentaire, ou une nouvelle préparation d’épreuves, notamment en cas de validation partielle d’un diplôme. Les jeunes engagés dans Ambition emploi restent également sous statut scolaire et sont suivis par un professeur référent de leur lycée professionnel. Ainsi, dans le cadre du Pacte, les professeurs en lycée professionnels volontaires pourront promouvoir le dispositif en amont auprès des jeunes, identifier les volontaires, aider à la définition des parcours ou réaliser certains ateliers et assurer la coordination, le suivi et le bilan.
La réforme du lycée professionnel marque donc une nette volonté de lutter contre le décrochage scolaire par un accompagnement renforcé, individualisé et suivi dans le temps de l’ensemble des jeunes, décrocheurs ou sans solution. Comme le démontrent les parcours Pafi-TDO et Ambition emploi, cette démarche passe aussi par une ouverture très largement accrue vers le monde de l’insertion et de la formation, venant formaliser les partenariats déjà initiés au sein des Psad.
2. Une ouverture accrue de l’école pour une meilleure adaptation aux mutations de la société et de l’économie
La réforme du lycée professionnel se caractérise très largement par la formalisation d’une ouverture concrète et réciproque entre les acteurs de l’Éducation nationale et ceux de la formation professionnelle, entre établissements et missions locales notamment. À cet égard, l’une des responsables de missions locales auditionnées marquait sa satisfaction en relevant qu’« enfin, la porte des établissements scolaires [leur était] ouverte ». Mais la réforme va plus loin, en formalisant aussi une ouverture vers les acteurs du monde du travail que sont le service public de l’emploi et les entreprises.
a. Des partenariats avec les acteurs de l’insertion et le service public de l’emploi
Cette logique d’ouverture innerve nombre de mesures de la réforme, y compris celles déjà citées : ainsi, les missions locales sont les principales opératrices du Pafi-TDO, qui s’appuie donc de façon innovante sur une alliance éducative entre l’établissement d’enseignement et l’un des principaux acteurs locaux de l’insertion des jeunes. Il en va de même pour le parcours Ambition emploi, dont le vade-mecum de mise en œuvre, co-produit par le ministère de l’Éducation nationale et l’Union nationale des missions locales (UNML) précise même que « si, au cours de l’entretien, le jeune indique être déjà inscrit à Pôle emploi, le conseiller de la mission locale vérifie si tel est bien le cas et s’assure de l’opportunité pour le jeune d’un double suivi ». Cette mise en relation inédite de jeunes sous statut scolaire avec le service public de l’emploi correspond au constat partagé par de nombreux acteurs de terrain, confirmé par les responsables auditionnés de missions locales comme d’établissements scolaires selon lequel une part importante des décrocheurs « n’en peut plus de l’école » et « veut travailler, gagner son propre argent ».
Le système scolaire ayant parfois été en partie à l’origine du manque d’estime de soi également relevé de manière très forte chez de nombreux jeunes de lycée professionnel par les auditionnés, la restauration de cette estime ne peut pas toujours passer par un personnel membre de l’établissement scolaire, et il peut être utile de mobiliser pour cela des acteurs extérieurs. En ce sens, les partenariats avec les grandes associations vouées à cette cause, déployés dans le cadre de 1 jeune 1 mentor, qui permet de mobiliser des mentors issus de tous horizons, marque aussi une nette ouverture de l’école vers le monde extérieur pour l’aider dans sa lutte contre le décrochage scolaire, non dans une logique d’externalisation mais bien d’alliance, de partenariat.
C’est tout le sens également de l’initiative Avenir pro : initiée au départ par Sciences-Po et Pôle emploi avant qu’il devienne France Travail, cette expérimentation, désormais rattachée à la réforme, a débuté durant l’année scolaire 2021-2022 dans 16 académies pour accompagner les lycéens professionnels dans leur insertion dans l’emploi. Ouvrant les établissements scolaires aux conseillers spécialisés du réseau France Travail, cette initiative a permis à 8 000 élèves de 340 lycées professionnels d’être accompagnés dans leur recherche d’emploi. Un premier bilan positif de cette initiative, qui a fait l’objet d’une évaluation approfondie en 2024 et qui pourrait être pérennisée dans le cadre d’Ambition emploi, a été dressé par la DGEFP durant l’audition de sa sous- directrice des parcours d’accès à l’emploi.
Il est ainsi prévu qu’à partir de la rentrée 2024, chaque élève en dernière année de lycée professionnel (CAP et baccalauréat professionnel) qui souhaite s’insérer dans l’emploi après son diplôme bénéficie des services d’accompagnement de France Travail et de ses partenaires (recherches d’opportunités d’emploi, valorisation de ses compétences et aide à la compréhension des attentes des employeurs). Là aussi, il faut insister sur la logique partenariale et le maintien du rôle central de l’Éducation nationale, puisque l’intervention des professeurs est prévue dans le cadre du Pacte pour coordonner les venues des conseillers France Travail (articulation des emplois du temps, besoins spécifiques selon les spécialités et projets des élèves, liaison avec les équipes pédagogiques et articulation avec les PFMP notamment).
b. La gratification et l’augmentation des périodes de formation en monde professionnel (PFMP)
On l’a vu, le souhait de travailler et de gagner leur vie est un leitmotiv pour de nombreux jeunes en situation de décrochage.
La mesure n° 1, qui prévoit la gratification des périodes de stage des élèves dès la rentrée 2023, est ainsi une manière de revaloriser la voie scolaire de la formation professionnelle, mais aussi les périodes passées en entreprise, et de responsabiliser les élèves, leur assiduité étant prise en compte au moment du versement. L’ensemble des PFMP, soit un minimum de six mois pour tous les élèves au cours de leur scolarité, sont donc désormais gratifiées par l’État. La gratification concerne tous les lycéens qui préparent un diplôme professionnel de niveau secondaire (CAP, baccalauréat professionnel, mention complémentaire, BMA), ainsi que ceux d’entre eux engagés dans des formations complémentaires d’initiative locale (FCIL) à l’issue d’un CAP ou d’un baccalauréat professionnel, qu’ils soient inscrits dans un établissement public ou privé sous contrat.
Le montant de la gratification est de 50 euros par semaine en première année de CAP et en seconde du baccalauréat professionnel, de 75 euros par semaine en deuxième année de CAP et en première, et de 100 euros par semaine pour les terminales (soit pour cette dernière année entre 600 et 1 200 euros au total). Un élève de lycée professionnel pourra donc recevoir jusqu’à 2 100 euros de gratification pour un cycle de trois années de formation en baccalauréat professionnel.
Cette mesure est centrale dans la réforme, et représente un coût de près de 250 millions d’euros en année pleine.
Si l’apprentissage peut malgré tout sembler plus attractif car plus rémunérateur pour les jeunes qui sont en cours de désengagement du système scolaire, ce type de contrat, outre qu’il n’est pas facile à obtenir, n’est pas nécessairement adapté au profil des jeunes décrocheurs qui doivent dans un premier temps restaurer leur estime de soi et développer leur autonomie et leur assiduité pour pouvoir s’inscrire à terme dans un cadre plus contraignant.
De même, la plupart de ces jeunes n’ayant pas de projet défini, ce qui peut également être une cause de leur décrochage, la possibilité d’avoir différents premiers contacts avec le monde professionnel peut s’avérer déterminante dans leur cheminement en matière d’orientation. La gratification, couplée à l’augmentation, pour les jeunes qui le souhaitent, de la durée des PFMP telle que prévue par la mesure n° 4 décrite supra, peut ainsi constituer une solution équilibrée. Elle s’accompagne de plus d’une réflexion nouvelle et bienvenue sur la culture de l’accueil de ces lycéens professionnels par les entreprises : dans le cadre du Pacte, une mission est donc prévue, qui consiste à former les tuteurs de stage à l’accueil et à l’évaluation d’un élève, à les guider dans la compréhension de leur rôle, les informer de leurs devoirs et obligations, et à faciliter, le cas échéant, l’accueil des élèves à besoins particuliers dans l’entreprise. Cette mission est complémentaire de celle de référent PFMP, qui consiste notamment à suivre les élèves avant, pendant, et surtout à l’issue de leurs stages en entreprise, pour partir de leur retour d’expérience et aider les élèves à affiner leur projet en fonction de leur expérience vécue. Ces deux missions sont réalisées, sous la coordination du DDFPT, en lien avec les bureaux des entreprises nouvellement créés par la réforme.
c. L’ouverture de bureaux des entreprises et le recrutement de responsables dédiés dans tous les lycées professionnels
La mesure n° 9 porte la création d’une mesure forte, qui reflète tout particulièrement la volonté d’ouvrir le lycée professionnel vers le monde extérieur, par la création dans les 2 100 lycées professionnels de France d’un bureau des entreprises (BDE).
Ces BDE constituent l’un des piliers autour desquels s’articule l’ensemble de la réforme, puisqu’ils interviennent directement ou indirectement dans la mise en œuvre de la quasi-totalité des mesures portées par la réforme, avec trois axes d’activités définis par la circulaire du 24 mai 2023 :
– Axe 1 : développer des partenariats avec les acteurs économiques du territoire : recherche, formalisation et suivi des partenariats, notamment avec de nouvelles entreprises de type PME ou entreprises de taille intermédiaire (ETI), organisation d’événements au sein du lycée (forums des métiers, tutorat et réception de tuteurs dans l’établissement, intervention auprès des élèves, projets pédagogiques communs, etc.) et contribution à l’évolution de la carte des formations de l’établissement par le recensement des besoins exprimés par les partenaires professionnels du lycée (notamment pour le développement de FCIL) ;
– Axe 2 : faire vivre la relation école-entreprise dans les parcours des apprenants : appui à la préparation des PFMP, appui à l’insertion professionnelle des jeunes en dernière année de formation aux côtés des conseillers France Travail, appui au suivi de l’insertion des publics sortant de l’établissement et contribution au sentiment d’appartenance au lycée professionnel, cet aspect étant l’un des leviers de la persévérance scolaire, notamment par l’installation de réseaux d’anciens élèves ;
– Axe 3 : organiser les temps de formation en milieu professionnel : recensement et suivi de la qualité des sites d’accueil des élèves, suivi de leur accompagnement et appui à l’organisation du suivi et du retour d’expériences à l’issue des PFMP en lien avec les professeurs référents, appui aux élèves dans leur recherche de lieux d’accueil en lien avec l’équipe pédagogique et suivi du versement des gratifications de stage notamment.
Dès le printemps 2023, une vaste campagne a ainsi été lancée pour permettre le recrutement de responsables de ces bureaux des entreprises (RBDE), placés sous la responsabilité du proviseur et sous la coordination du DDFPT. Les compétences attendues sont notamment une connaissance du monde économique, un sens du relationnel et la capacité à porter des projets multipartenariaux ([34]), la possibilité de recruter des personnes extérieures à l’Éducation nationale étant explicitement prévue par la circulaire.
Un correspondant académique « bureau des entreprises » a donc été désigné par chaque recteur, notamment pour opérer un diagnostic sur les besoins par établissement, en fonction notamment des moyens déjà accordés aux DDFPT et à leurs assistants techniques, de la taille des établissements, de la proximité et de la possibilité de mutualisation des moyens avec un CFA, etc. Les moyens mobilisables étaient notamment les 410 ETP de la filière administrative dédiés à la voie professionnelle dans le PLF pour 2023, avec la possibilité de mutualisation entre établissements de petite taille ou avec un CFA, la mobilisation du fonds académique de mutualisation, ou le Pacte, sur la mission « Faire vivre le lien école‑entreprise », action « Aider à pérenniser les partenariats avec les entreprises accueillant les élèves de la classe, dans le cadre du bureau des entreprises ». Les personnels de lycée professionnel volontaires peuvent ainsi venir en appui du RBDE.
3. Une meilleure adaptation de la carte des formations
Enfin, la réforme du lycée professionnel s’attaque en profondeur au sujet essentiel de la carte des formations, qui se trouve au cœur des problématiques, parfois considérées comme divergentes, de l’orientation subie et de l’adaptation des formations proposées aux mutations de la société et de l’économie, ces deux problématiques étant pourtant essentielles pour la persévérance scolaire et l’insertion professionnelle des jeunes.
Pour rappel, si deux diplômes majeurs, le CAP et le baccalauréat, sont préparés dans les lycées professionnels et polyvalents (LPO), ceux-ci, en réponse aux besoins du marché du travail, proposent aussi des diplômes et qualifications professionnels inscrits au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Parmi ces autres diplômes, le BMA ne concerne qu’une minorité d’élèves ou d’apprentis. Les mentions complémentaires (MC), ainsi que les FCIL, accueillent davantage de publics (environ 4 500 en 2023) mais restent à développer. Les mentions complémentaires sont destinées en priorité aux élèves titulaires d’un CAP ou d’un baccalauréat professionnel et ont pour objectif de favoriser l’acquisition d’une qualification et de compétences dans un domaine spécifique. À la différence d’une MC qui est un diplôme national, la FCIL vise à acquérir des compétences en lien avec la demande locale des entreprises.
Les mesures n° 7 et 8 de la réforme du lycée professionnel portent des objectifs ambitieux pour faire évoluer la carte des formations. La mesure n° 7 fixe ainsi l’objectif de rénover en profondeur un quart des diplômes existants d’ici la rentrée scolaire 2025 en augmentant le nombre annuel d’ouvertures et de fermetures de formations et en visant la fermeture de 100 % des formations non insérantes à la rentrée scolaire 2026. Cinquante diplômes ont ainsi été rénovés en 2024, et une centaine doit l’être en 2025 (modernisation des contenus, simplification des intitulés). Est recherchée une meilleure correspondance avec les métiers émergents, notamment dans les domaines de la transition écologique (par exemple, rénovation thermique des bâtiments, décarbonation des industries) du numérique (par exemple, rénovation du bac pro « cybersécurité, informatique et réseaux, électronique – CIEL ») ou de l’aide à la personne (création d’un nouveau CAP « grand âge » et d’une MC « aide à domicile » dès la rentrée 2023). 2 600 places ont ainsi été fermées et 3 000 places ouvertes dès la rentrée 2023. 1 050 places supplémentaires ont été ouvertes sur le fondement de besoins exprimés par des entreprises partenaires des lycées professionnels dans le cadre de France 2030 (pour un montant de 13 millions d’euros financés en partenariat État-région), qui permet également le financement de la rénovation des plateaux techniques.
Un outil national d’aide à la décision, Orion, a ainsi été déployé sur tout le territoire dès juin 2023 à destination des régions, rectorats et établissements, pour faciliter le pilotage de l’offre de formation à partir d’indicateurs actualisés chaque année, mettant en relation la capacité d’accueil de chaque formation, le nombre de candidatures, et le taux d’obtention des diplômes, de poursuite d’études et d’accès à l’emploi.
La mesure n° 8 vise quant à elle à faire passer le nombre de places en formation de spécialisation bac +1 (MC et FCIL) de 4 500 à 20 000 d’ici la rentrée 2026, ces formations correspondant à une demande forte des élèves et augmentant leurs chances d’insertion dans l’emploi. Chaque baccalauréat professionnel devra notamment offrir au moins une possibilité de spécialisation : de nouvelles MC, qui deviendront au 1er janvier 2025 des « certificats de spécialisation », seront créées et chaque lycée dialoguera avec les entreprises de son territoire pour ouvrir ces MC ainsi que des FCIL.
B. Après une année de Mise en œuvre, DE premiers résultats à approfondir
Les travaux et auditions effectués par votre rapporteur l’ont convaincu que la réforme du lycée professionnelle permet d’activer, de façon directe (accompagnement renforcé, personnalisation, tutorat, développement de la vie scolaire et du sentiment d’appartenance à l’établissement) ou indirecte (renforcement du lien école-partenaires extérieurs, adaptation de la carte de formation) l’ensemble des leviers les plus pertinents pour renforcer la persévérance scolaire. Sa pleine efficacité implique toutefois certains ajustements, ainsi que la stabilité et la pérennité de ses financements. Elle exige également un pilotage unifié autour d’objectifs clairs et partagés, et dépendra du maintien des autres dispositifs de fond visant à améliorer ou restaurer la qualité du lien à l’école des élèves les plus fragiles.
1. Optimiser et pérenniser la réforme du lycée professionnel
Les acteurs auditionnés par votre rapporteur ont souligné, dans l’ensemble, la pertinence des mesures prises dans le cadre de la réforme du lycée professionnel. Les bureaux des entreprises, notamment, semblent appréciés par les acteurs de terrain, de même que les dispositifs ciblés sur la lutte contre le décrochage scolaire. Les auditions ont toutefois permis d’identifier des pistes d’amélioration et points de vigilance.
a. Les BDE : un dispositif pertinent qui peut encore être amélioré
À ce jour, chaque lycée professionnel comprend un bureau des entreprises, dont le répertoire est disponible sur le site web du ministère de l’Éducation nationale, qui a réalisé à leur sujet une première enquête entre mars et mai 2024. Pour la seule période de septembre à avril 2023, ces BDE auraient ainsi permis à l’Éducation nationale de disposer de 32 000 nouveaux partenaires professionnels, la signature de 4 000 nouvelles conventions locales de partenariat et l’accompagnement de 140 000 élèves, 8 350 apprentis et 2 200 stagiaires de la formation professionnelle continue. Outre ces résultats, leur action se serait majoritairement centrée sur trois missions : l’organisation d’événements avec les partenaires professionnels, la contribution à la découverte des métiers au collège et la recherche de lieux d’accueil pour les stages et PFMP.
Ces résultats très encourageants pourraient sans doute être encore améliorés si le positionnement du BDE vis-à-vis des autres acteurs du lycée professionnel était clarifié : en effet, il ressort de l’ensemble des auditions que l’articulation entre le RBDE et le DDFPT n’est pas toujours claire, avec de nombreux recoupements entre les missions de ces deux personnes, ce qui peut poser problème dans certains établissements. Cette situation peut contribuer à expliquer le turnover important observé chez les RBDE durant la première année d’existence de cette structure, et nécessite peut-être que les contours de leur fiche de poste soient précisés, notamment au regard de leurs relations avec le DDFPT. L’articulation avec les autres acteurs du lycée doit également être précisée, tout comme leur rôle dans l’accompagnement des jeunes vers la persévérance scolaire : si l’ensemble des acteurs auditionnés semblaient considérer, à l’instar de votre rapporteur, qu’ils y avaient toute leur place, les auditions des rectorats ont mis en lumière une implication très hétérogène des BDE dans la lutte contre le décrochage. Il serait sans doute pertinent de clarifier ce point, et de renforcer le lien entre les BDE et les psychologues de l’Éducation nationale et CPE sur cette question, en les incluant autant que de besoin dans les GPDS.
b. Le déploiement des dispositifs Tous droits ouverts et Ambition emploi reste limité
Si l’ensemble des acteurs auditionnés a indiqué que les dispositifs Tous droits ouverts et Ambition emploi étaient des outils pertinents, les chiffres relatifs à leur mise en œuvre montrent qu’ils ne concernent en l’état qu’un nombre limité d’élèves. Ainsi, au cours de l’année scolaire 2023-2024, Tous droits ouverts a concerné 591 jeunes dans 225 établissements et Ambition emploi 1 409 jeunes dans 260 établissements. S’agissant d’Ambition emploi, son déploiement s’étant fait tardivement, le nombre relativement faible de jeunes accompagnés n’est pas préoccupant et devrait selon toute probabilité augmenter fortement dès l’année scolaire 2024-2025. S’agissant de Tous droits ouverts en revanche, plusieurs facteurs limitants peuvent expliquer que ce dispositif peine à trouver son public, et justifier une réflexion quant à ses modalités de déploiement. En effet, bien qu’identifié, ce dispositif est jusqu’ici très peu utilisé par les acteurs de terrain, qui semblent rencontrer des difficultés dans sa mise en œuvre, en particulier sur certains territoires : la fluidité des droits quel que soit le statut de l’élève qu’il prévoit implique une fluidité des relations entre les acteurs dont relèvent les stagiaires de la formation professionnelle continue (régions) et les jeunes sous statut scolaire (Éducation nationale), laquelle ne semble pas établie dans bien des territoires. Une première évaluation des points de blocage à l’entrée en Pafi-TDO semblerait donc utile, de même qu’un dialogue avec les acteurs régionaux, pour permettre la mise en œuvre effective et équitable de ces parcours dans tous les territoires.
c. L’efficacité de la réforme implique de la stabilité, des évaluations régulières et la pérennité de ses financements
La nécessité d’évaluer les mesures prises s’applique à d’autres aspects de la réforme, qui ont pu faire naître de l’inquiétude chez certains auditionnés, en particulier chez les acteurs de terrain, mais aussi au sein des organisations syndicales : c’est plus particulièrement le cas de la réforme de l’année de terminale, et de l’ajout possible d’une deuxième période de PFMP en fin d’année. Certains auditionnés ont en effet mentionné deux effets de bord possibles à cette mesure : l’avancement des épreuves finales du baccalauréat professionnel qu’elle implique a pu faire craindre que les élèves ne reviennent plus au lycée à l’issue de celles-ci, sans pour autant effectuer de PFMP ; la mise en place de la gratification des périodes de PFMP pourrait augmenter l’attrait de celles-ci au détriment de la période préparatoire aux études supérieures, y compris auprès de jeunes qui s’y destinent, et qui perdraient ainsi du temps scolaire pourtant précieux dans le cadre d’un souhait de poursuite d’études. Un bilan chiffré de cette mesure après la fin de l’année scolaire 2024-2025 devrait permettre de lever ces inquiétudes, ou d’apporter les corrections nécessaires si celles-ci se réalisaient.
Sous réserve d’évaluer l’efficacité et la pertinence des mesures prévues, il conviendra ensuite d’assurer leur pérennité. En premier lieu, il s’agira donc de leur garantir des financements stables. À cet égard, votre rapporteur souligne, comme il ressort du A supra, que la plupart des mesures reposent en tout ou partie pour leur financement sur des parts de Pacte. Ce financement implique donc à la fois la pérennité de ce dispositif et la poursuite de sa montée en charge, et donc une amélioration du taux d’adhésion des enseignants à cette démarche. De ce point de vue, la priorité donnée aux remplacements de courte durée pour l’attribution des parts de Pacte (50 % au minimum) devrait sans doute être adaptée pour les enseignants en lycée professionnel. Des moyens plus pérennes doivent également être assurés : l’amendement déposé par votre rapporteur sur la mission Enseignement scolaire du PLF pour 2025, qui prévoit 350 postes supplémentaires en faveur de la réforme du lycée professionnel, constitue la traduction de ce souhait. La commission a adopté cet amendement.
La pérennité des mesures implique ensuite de poursuivre et d’amplifier la diffusion de la culture de la lutte contre le décrochage scolaire, au sein des académies mais également des établissements. La formation continue des personnels du second degré, avec une attention particulière sur les problématiques d’inclusion, de santé mentale et d’amélioration de la persévérance scolaire des élèves fragilisés est donc indispensable. Outre les mesures prévues à cet égard dans le PLF pour 2025 pour améliorer le bien-être et la santé mentale des élèves, votre rapporteur suggère donc de fixer des objectifs chiffrés d’augmentation des titulaires du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire. À ce jour, 59,3 % des personnels des équipes ressource des coordonnateurs de la MLDS en sont titulaires. Il conviendrait que l’ensemble de ces personnels soient formés, et d’étendre cette qualification aux personnels des établissements, en priorité des lycées professionnels, notamment les chefs d’établissements et CPE ainsi que les enseignants auxquels sont confiées des missions en lien avec cette question.
2. Améliorer le pilotage global de la lutte contre le décrochage scolaire
On l’a vu, la lutte contre le décrochage scolaire repose sur une multiplicité d’acteurs. Elle implique donc des échanges constants entre l’Éducation nationale et les acteurs de l’insertion, de la formation professionnelle continue et de l’emploi. Le renforcement de ces échanges par les réformes récentes, notamment celle de l’obligation de formation des 16-18 ans et la réforme du lycée professionnel dont il est question ici, fait nécessairement apparaître un certain nombre de frictions, qui plaident pour une amélioration globale du pilotage des aspects multipartenariaux de la lutte contre le décrochage scolaire.
a. Fluidifier les échanges entre Éducation nationale et acteurs de la formation et de l’insertion professionnelle
La complexité de l’architecture globale de la lutte contre le décrochage scolaire est manifeste pour un observateur extérieur. Cette complexité n’est toutefois pas particulièrement ressentie comme telle par les acteurs de terrain, qui tendent plutôt à souligner la valeur ajoutée que représente la diversité des solutions pouvant être proposées aux jeunes, dont les profils, les attentes et les compétences sont très variables et n’appellent en conséquence pas de réponse uniforme. Les auditions des acteurs de terrain ont toutefois révélé des points de friction qui persistent sur certains points d’échange/de passage entre l’Éducation nationale et le monde professionnel d’une part, et le monde de la formation professionnelle continue d’autre part.
S’agissant des échanges entre l’Éducation nationale et le monde professionnel, le Cereq a suggéré que les périodes de PFMP ne faisaient pas suffisamment l’objet d’un dialogue avec les élèves au sein de leur lycée. Celles-ci se déroulent certes à l’extérieur de l’établissement mais doivent pouvoir faire l’objet d’un retour sur expérience, pour être réellement utiles et conforter ou permettre de modifier le projet d’orientation des élèves. De façon complémentaire, plusieurs auditionnés ont également proposé que les établissements accompagnent leurs partenaires professionnels dans le développement d’une véritable culture de l’accueil : en effet, le mauvais déroulement d’une période de stage, un défaut d’accompagnement, une sous-activité ou une activité du stagiaire sans lien avec sa formation sont autant de facteurs démobilisants qui peuvent conduire un élève fragile au décrochage. La réforme du lycée professionnel prévoit bien deux nouvelles missions de Pacte pour répondre à ce besoin : l’une qui consiste à former les tuteurs de stage à l’accueil et à l’évaluation d’un élève, l’autre qui consiste à suivre les élèves avant, pendant, et surtout à l’issue de leurs stages en entreprise. Votre rapporteur suggère ainsi que ces missions soient confiées explicitement, dans chaque établissement, au DDFPT ou au BDE en lien avec le DDFPT, d’une part, et qu’une quotité minimale des parts de Pacte distribuées aux professeurs des lycées professionnels soit orientée vers ces missions.
En second lieu, si la répartition des compétences entre l’État et la Région en matière de formation professionnelle semble plutôt claire et solidement établie pour l’ensemble des publics adultes et dans le cadre de l’apprentissage, la situation semble plus complexe pour ce qui est de la prise en charge des jeunes ayant décroché qui relèvent de la nouvelle obligation de formation des 16-18 ans. Les difficultés dans le déploiement de Tous droits ouverts en témoignent. Dans le même ordre d’idée, les auditions des missions locales et de l’UNML, de même que du réseau des écoles de la deuxième chance, ont montré que l’obligation de formation avait sensiblement modifié le profil de leur public, dont la part de mineurs a très fortement augmenté (5 % du public reçu en 2018 contre près de 30 % en 2023 pour le réseau E2C). Cette situation révèle certainement la pertinence de l’obligation de formation, mais implique des ajustements, car l’accueil de mineurs par des organismes de formation continue n’est pas forcément aisée : leur intégration dans des groupes d’adultes n’est pas toujours possible ou fructueuse, les organismes doivent créer un lien avec les responsables légaux de ces jeunes, s’outiller juridiquement et matériellement pour sécuriser leurs propositions pédagogiques, etc. Les structures importantes telles que l’Afpa ont pu mettre en place des dispositifs dédiés tels que la Promo 16-18 mais cela n’est pas toujours possible pour des structures de taille plus réduite. Il semble donc nécessaire que le comité de pilotage interministériel de l’obligation de formation ou le comité stratégique interministériel qui lui a succédé en 2023 soit stabilisé, réuni sur une base régulière, et s’attache à apporter des réponses concrètes à ces questions, lesquelles pourront être déclinées au sein des comités régionaux.
b. Clarifier les objectifs et unifier le pilotage de l’orientation
Le pilotage et la répartition des compétences entre État et régions sont encore plus perfectibles s’agissant de la question de l’orientation, les régions étant chargées de l’information, tandis que l’État resterait seul compétent pour l’orientation des élèves. À cet égard, votre rapporteur souligne la nécessité de prendre en compte les conclusions du rapport de l’IHE2F ([35]), publié le 2 septembre 2024, qui considère que « la coordination entre les différents acteurs impliqués dans le processus d’orientation revêt une importance capitale pour assurer l’efficacité des politiques publiques dans ce domaine [et que] la question des périmètres d’intervention et de la répartition des responsabilités reste en suspens, nécessitant une clarification urgente ».
Au sein même de l’État, le rapport estime que, « réparties entre les ministères du travail, de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, les questions de l’orientation et de l’insertion professionnelle ne bénéficient pas d’un chef de file clairement identifié ». Le rapport invite ainsi, à l’échelle nationale, à simplifier l’offre de diplômes, à renforcer le rôle de l’Onisep et à une nouvelle loi permettant de clarifier les compétences de chacun, et au sein des établissements, à établir des programmes pluriannuels d’orientation, à davantage impliquer les familles, et à garantir l’effectivité des heures consacrées à l’accompagnement à l’orientation.
On l’a vu, la bonne information des élèves sur les formations existantes et leurs voies d’accès, la carte des formations disponibles à proximité de leur domicile, et les critères d’affectation sur les différentes formations, peuvent être des facteurs de réalisation du risque de décrochage. La pertinence et l’efficacité de la refonte de la carte des formations en lycée professionnel prévue dans le cadre de la réforme dépendront donc pour beaucoup de la qualité de ce pilotage. Cette refonte doit également être effectuée à partir d’objectifs politiques clairs. À cet égard, votre rapporteur considère que le premier d’entre eux doit être de réduire drastiquement le nombre d’élèves non affectés à la rentrée scolaire en lycée professionnel. À cette fin, des places doivent être ouvertes prioritairement dans les filières en tension (c’est-à-dire pour lesquelles le nombre de candidatures excède sensiblement le nombre de places offertes, à l’exception des filières n’offrant pas ou plus de perspectives d’insertion, y compris en mobilité), le poids des souhaits et projets des jeunes ne devant pas être sous-estimé dans leur capacité à persévérer. La création de places dans des filières tertiaires généralistes, certes moins onéreuses, ne peut à l’inverse en aucun cas constituer une réponse à cet enjeu : les remontées de terrain indiquent en effet qu’elle conduit à des décrochages plus nombreux et s’avère peu efficace pour l’insertion des jeunes de la voie professionnelle, concurrencés sur ces emplois par les jeunes de la voie technologique.
3. Consolider et amplifier la prévention du décrochage scolaire
La définition même du décrochage scolaire implique que le repérage des élèves sortants précoce ne se fasse qu’à partir de 16 ans : avant 16 ans, un enfant ne peut être considéré comme décrocheur à proprement parler, puisqu’il est juridiquement soumis à l’obligation de scolarité. Ainsi, d’un point de vue statistique, le décrochage scolaire n’a pas à être repéré et prévenu chez les jeunes de 15 ans ou moins : il n’a pas d’existence légale et donc pas d’existence statistique.
a. Anticiper dès le collège la détection des élèves à risque de décrochage
Cette réalité statistique se heurte pourtant considérablement au réel : les auditions réalisées de même que l’expérience professionnelle de votre rapporteur convergent pour indiquer que les dizaines de milliers de jeunes de 16 ans repérés chaque année par le SIEI à l’automne comme étant en voie de décrochage n’ont pas attendu cette date anniversaire pour entamer ce processus. Votre rapporteur suggère donc que la détection et la prévention du décrochage scolaire soient anticipées dès le collège, en classe de 3ème voire de 4ème : les élèves à risque de décrochage pourraient notamment être repérés par un taux d’absentéisme élevé, ou de façon plus qualitative par le conseil de classe. Lorsque le risque de décrochage est manifeste, un accompagnement spécifique pourrait être proposé à l’élève, en particulier autour de son projet d’orientation à l’issue du collège et sur la diversité des solutions offertes. Les élèves ayant bénéficié de cet accompagnement pourraient en outre faire l’objet d’une attention particulière au moment de leur affectation : en effet, la procédure d’affectation par Affelnet prend en compte les résultats scolaires et le niveau de maîtrise du socle commun dans le livret scolaire unique pour classer les élèves selon les vœux émis : ce système d’affectation, s’il présente l’intérêt de la neutralité, contribue toutefois à éloigner de leurs aspirations premières les élèves les moins performants scolairement, créant ainsi une boucle de rétroaction négative très propice au décrochage scolaire.
b. Poursuivre les efforts à destination des élèves en difficulté sur les premiers cycles
Plus en amont encore, la prévention du décrochage scolaire implique une sécurisation des élèves dès le plus jeune âge dans leur rapport à l’école. À cet égard, la mise en œuvre dans la durée du choc des savoirs doit rester une priorité du budget de l’enseignement scolaire. Une bonne maîtrise de la lecture, qui conditionne l’entrée dans tous les savoirs, doit être garantie à l’ensemble des élèves, au besoin par des accompagnements spécifiques : le professeur Jérôme Deauvieau indiquait à cet égard lors d’une conférence au Collège de France tenue en mai 2023 sur l’apprentissage de la lecture et ses difficultés que tous les enfants entrant au CP disposent « des outils essentiels de la pensée humaine que sont la capacité d’abstraction, d’analyse réflexive et le raisonnement logique ». Les échecs ne peuvent donc être imputés qu’à « l’incapacité du système scolaire à mobiliser les capacités intellectuelles des élèves en difficulté ». À cet égard, les politiques publiques mises en œuvre au cours des dernières années, de repérage et d’accompagnement des élèves en difficulté, de plafonnement des effectifs des classes de CP, de CE1 et désormais de GS, les heures d’activité pédagogique complémentaire ainsi que les plans massifs de formation des enseignants du premier degré constituent des réponses qu’il convient impérativement de pérenniser.
La mise en œuvre du choc des savoirs au collège doit également constituer une priorité, en particulier dans les classes charnières que sont la 6ème et la 5ème : l’amendement déposé par votre rapporteur sur la mission Enseignement scolaire du PLF pour 2025, qui prévoit 1 500 postes supplémentaires dans le second degré pour le déploiement du choc des savoirs, est la traduction de cette volonté. Cet amendement a été adopté par la commission.
c. Continuer à œuvrer pour améliorer la sécurité et le bien-être des élèves dans tous les établissements
Enfin, on l’a vu, le décrochage scolaire n’est pas qu’une affaire de difficulté dans les apprentissages. Qu’ils aient ou non des fragilités personnelles liées à leur santé ou leur environnement, le climat scolaire joue un rôle majeur dans le rapport qu’entretiennent les élèves avec l’institution scolaire, le développement de leur estime de soi, d’un sentiment d’appartenance, de connivence avec leurs pairs, etc. Au-delà des enseignants et en appui de ceux-ci, l’ensemble des personnels qui contribuent à étoffer et à améliorer la qualité de la vie scolaire doivent être en capacité de déployer pleinement les nouvelles missions qui leur sont confiées : assurer la sécurité dans les établissements, mettre en place les cours d’empathie, lutter contre le harcèlement, améliorer l’inclusion des élèves en situation de handicap, etc.
C’est dans cet objectif que votre rapporteur a souhaité, parmi les postes qu’il souhaite voir rétablis sur la mission Enseignement scolaire, que figurent 400 ETP permettant de poursuivre en 2025 le déploiement des PAS au-delà des quatre départements expérimentateurs de ce dispositif, ainsi que 150 ETP de CPE dans le second degré. Cet amendement a été adopté par la commission.
Le mercredi 30 octobre à 16 heures 30, la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie), Mme Anne Genetet, ministre de l’Éducation nationale, et M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. ([36])
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous accueillons pour la première fois dans notre commission madame Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale, et monsieur Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel, qui a siégé dans notre commission pendant deux ans.
Bertrand Sorre a été désigné rapporteur pour avis sur la mission Enseignement scolaire. Son rapport, dont la partie budgétaire a été transmise hier aux membres de la commission, aborde également les apports de la réforme du lycée professionnel dans la lutte contre le décrochage scolaire, sujet relevant directement des compétences de monsieur Portier.
Avant de leur céder la parole, je souhaite leur poser quelques questions :
Comment envisagez-vous la répartition des suppressions d’emploi dans le premier degré ? Comment concilier ces suppressions avec la poursuite du dédoublement des classes de grande section de maternelle en éducation prioritaire ?
La diminution des crédits alloués aux indemnités de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) et à la rémunération des heures supplémentaires risque-t-elle d’entraîner une baisse de rémunération pour les enseignants du premier degré qui effectuaient ces missions supplémentaires ?
Pour quelle raison les crédits de 10 millions d’euros prévus en 2024 pour financer les modules optionnels des terminales professionnelles dans les quartiers prioritaires de la ville ne sont-ils pas reconduits ?
Enfin, comment justifiez-vous la quasi-suppression des crédits pédagogiques en écoles élémentaires ?
Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale. Je suis honorée de m’exprimer pour la première fois devant votre commission. Ayant siégé sept ans à l’Assemblée nationale, je mesure l’importance de votre engagement et la rigueur indispensable du travail parlementaire.
Notre priorité se résume en un mot : élever. Élever le niveau scolaire de nos élèves, élever le niveau d’ambition pour notre jeunesse, élever notre exigence en matière de respect des valeurs républicaines, du corps enseignant et de la laïcité. Je suis convaincue que nous partageons ces objectifs et le constat que défendre l’école de la République, sa mission, ses valeurs, sa promesse, c’est aussi défendre son budget.
Avec 1,2 million de personnels dévoués à la réussite de 12 millions d’élèves, l’école demeure le premier service public et le premier employeur de France. Dans le projet de loi de finances pour 2025, elle conservera son statut de premier budget de la nation. Depuis 2017, l’école a été la priorité du Président de la République et des gouvernements successifs, car c’est à l’école que nous pouvons briser les inégalités de destin, mettre fin à l’assignation à résidence sociale ou territoriale, et renouer avec la promesse républicaine.
Nous avons investi plus de 14 milliards d’euros supplémentaires dans l’éducation nationale depuis 2017. Le budget est passé de 48,8 milliards d’euros en 2017 à 63 milliards d’euros en 2025, une progression inégalée sous les précédents quinquennats ou septennats, de gauche comme de droite.
Ces investissements sans précédent se traduisent par des progrès sociaux et éducatifs concrets. À la rentrée 2024, nous finalisons le dédoublement des petites classes en zones d’éducation prioritaires REP et REP+. Les évaluations montrent que la génération ayant bénéficié du dédoublement en REP+ rattrape déjà l’écart par rapport à la moyenne nationale à l’entrée au collège.
Depuis 2022, les professeurs ont vu leur rémunération augmenter de 258 euros par mois en moyenne, soit une progression de 11 %, sans compter le pacte enseignant ni les mesures exceptionnelles prises durant les crises. Les infirmières et infirmiers scolaires, ainsi que les assistantes et assistants de service social, ont bénéficié d’une augmentation de 200 euros net par mois. L’amélioration des conditions d’emploi contribue au bien-être de tous les acteurs.
Sur l’année scolaire 2023-2024, le pacte enseignant a permis 2 millions d’heures supplémentaires de remplacement pour pallier les absences de courte durée dans les collèges et lycées. Ce pacte rémunère justement les missions supplémentaires assurées par des professeurs volontaires, avec 63 euros net par heure de remplacement et 47 euros net par heure de devoirs faits ou de stages de réussite. Au total, ce sont 8 millions d’heures en faveur de la réussite des élèves, représentant en moyenne 2 500 euros de rémunération supplémentaire annuelle pour les enseignants qui s’y engagent, soit environ un professeur sur trois.
Je tiens à souligner que supprimer le pacte, comme certains amendements le proposent, priverait les élèves de millions d’heures d’enseignement essentielles et nos professeurs de la reconnaissance financière qui leur est due.
Je m’engage à poursuivre l’investissement avec une augmentation de 98 millions d’euros pour cette rentrée, afin de remplacer 4 millions d’heures d’absence sur l’année scolaire. Je souligne que chaque heure de cours manquée représente une opportunité perdue pour un élève, et je refuse d’accepter cette situation comme une fatalité.
Les faits sont indéniables. Entre les moyens disponibles pour 2024, après la mise en œuvre des économies demandées en février dernier, et ceux dont mon ministère disposera pour le projet de loi de finances 2025, le budget de l’éducation nationale augmentera de 834 millions d’euros.
Je comprends que pour de nombreux défenseurs de l’école, ces efforts puissent sembler insuffisants. Beaucoup reste à accomplir : toutes les rémunérations ne reflètent pas encore pleinement l’engagement sans faille de nos personnels, toutes les familles n’ont pas encore retrouvé confiance en leur école, et il nous reste encore beaucoup à faire pour la reconnaissance des personnels, la confiance des parents et la réussite de nos élèves.
Je serai franche et directe : il reste effectivement beaucoup à faire. De nombreux chantiers sont à ouvrir et des engagements sont à tenir. C’est précisément cette cause, celle de l’école, qui nous réunit aujourd’hui et qui me mobilise quotidiennement.
Grâce à l’augmentation du budget de l’éducation nationale que j’ai obtenue, le taux d’encadrement pourra encore progresser dans nos écoles, collèges et lycées.
Dans le premier degré public, le nombre d’élèves par classe s’élèvera à un peu plus de 21 à la rentrée 2025. Je tiens à souligner qu’il s’agit du niveau le plus bas depuis que nous mesurons cet indicateur. Pour mémoire, en 2017, on comptait près de 24 élèves par classe.
Dans le second degré public, le nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement par élève continuera d’augmenter, comme c’est le cas depuis 2022. Je rappelle également que la baisse démographique de près de 100 000 élèves à la rentrée prochaine aurait mécaniquement conduit à supprimer 5 000 postes d’enseignants à la rentrée 2025, si nous avions voulu nous ajuster strictement à la démographie.
Plusieurs d’entre vous proposent d’amender le nombre de postes supprimés. Je l’ai déjà dit : je suis ouverte à des évolutions lors des débats parlementaires, notamment pour prendre en compte l’impact sur les fermetures de classes en zone rurale et pour poursuivre le renforcement des savoirs fondamentaux engagé au collège.
Cette loi de finances 2025 créera également 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pour la rentrée 2025, portant à 13 000 le nombre de créations de postes d’AESH depuis 2022. Je rappelle aussi que deux tiers de nos AESH sont désormais en CDI, soit trois fois plus qu’il y a deux ans. Tous les AESH bénéficient maintenant d’une grille d’avancement à l’ancienneté et leur rémunération a été augmentée de 13 %. Au total, le budget de l’école inclusive aura plus que doublé depuis 2017, passant de 2,1 à 4,6 milliards d’euros.
L’école se trouve à un moment charnière et deux voies s’offrent à nous. La première est celle du renoncement à l’exigence, qui consisterait à abandonner tous les efforts entrepris depuis 2017 pour élever le niveau de chaque élève. Qui en paierait le prix ? Ce seraient par exemple les élèves de l’école Pierre et Marie Curie de Garges-lès-Gonesse qui apprennent à lire, écrire et compter dans des classes de 12 élèves aujourd’hui, ou les élèves de sixième du collège Cabane à Pontoise qui bénéficient de groupes de besoin en français et en mathématiques, limités à 15 élèves, ou encore les élèves des collèges La Justice à Cergy, de Sennecey-le-Grand en Saône-et-Loire ou du lycée des métiers du domaine d’Éguilles dans le Vaucluse. Grâce au pacte enseignant, ils bénéficient de la présence d’un professeur en cas d’absence.
Malgré ces avancées, certains souhaitent reculer ou renoncer, défendant des promesses illusoires comme la gratuité totale. Si des maires offrent une gratuité ciblée pour les fournitures scolaires selon des critères sociaux ou territoriaux, je les en remercie, mais la gratuité totale pour tous et partout demeure une chimère. In fine, c’est toujours le contribuable qui assume ces coûts.
Une autre voie s’ouvre à nous : celle de l’ambition et de l’exigence pour notre jeunesse. L’école doit permettre à chaque élève d’atteindre son plein potentiel et d’ouvrir tous les chemins possibles. Lorsque l’école progresse, c’est toute la République qui s’élève.
Nous devons prendre les décisions nécessaires pour relancer l’ascenseur scolaire dans notre pays. Je présenterai prochainement l’acte 2 du choc des savoirs, détaillant les mesures à mettre en place avec la communauté éducative pour la rentrée 2025. Ces décisions seront annoncées après consultation des professeurs, de leurs représentants syndicaux, des chefs d’établissement et de tous les acteurs œuvrant pour la réussite de nos élèves.
Dès la rentrée des vacances d’automne, j’annoncerai l’extension aux classes de quatrième et troisième de la dynamique engagée en sixième et cinquième. Je dévoilerai également des mesures pour renforcer l’apprentissage des savoirs fondamentaux du primaire au lycée, accroître l’autonomie des chefs d’établissement et offrir un accompagnement personnalisé à chaque élève. En dévoilant ces informations dès novembre 2024, je souhaite offrir stabilité, continuité et visibilité aux équipes sur le terrain.
Dans certains collèges et lycées, élever le niveau implique aussi de rétablir l’ordre. Je tiens à remercier tous ceux qui œuvrent quotidiennement au maintien de l’ordre et de la discipline dans nos établissements. Ils ont et auront toujours mon soutien indéfectible. Les récents faits de violence démontrent la nécessité d’aller plus loin. Je prendrai des décisions en ce sens dans le cadre de l’acte 2 du choc des savoirs.
Mesdames et Messieurs les députés, nos débats seront sans doute intenses, révélant la vérité des choix à faire pour notre école. Néanmoins, je suis convaincue qu’ils seront fervents, car nous partageons tous une passion pour notre école. J’espère que nous saurons conforter ce budget, celui de nos élèves, de nos professeurs et de tous les personnels de l’éducation nationale. C’est le premier budget de la nation sur lequel nous allons travailler ensemble, et j’espère que nous pourrons le renforcer.
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Je suis ravi de retrouver cette commission où je siégeais il y a peu et où j’ai souvent défendu la cause de notre école. Nous avons eu des accords et des désaccords, c’est l’essence même du débat démocratique et parlementaire auquel nous sommes tous attachés. Cette commission est un lieu de conviction et d’engagement, que je salue, quelles que soient vos appartenances politiques.
Notre ambition pour l’école est de mettre en œuvre toute notre énergie et tous les moyens nécessaires pour que chaque élève, quelle que soit son origine sociale ou géographique, puisse se construire par l’instruction et la transmission des valeurs fondamentales de notre nation.
Le budget 2025 a été élaboré dans des conditions politiques, calendaires et financières inédites. Il est perfectible et je ne doute pas que le débat parlementaire qui s’ouvre l’enrichira.
Dans ce contexte difficile, le budget de l’éducation nationale s’affirme comme la priorité première du gouvernement. Il atteindra en 2025 un niveau historique de 63 milliards d’euros. Face aux contraintes budgétaires, le gouvernement choisit d’investir davantage dans l’école.
En complément des propos de la ministre, je souhaite revenir sur les éléments saillants du budget, concernant la réussite scolaire et l’enseignement professionnel.
La réussite scolaire est la mission première de l’école. Elle ne se résume pas à un objectif uniforme, car il existe de multiples façons de réussir, tant à l’école que dans la vie. Néanmoins, l’école doit clairement assumer son rôle de valorisation de l’effort et de culture du mérite, en soutenant tous les élèves qui s’investissent. Elle doit viser la réussite pour tous sans pour autant renoncer à l’excellence.
Le projet de loi de finances traduit cette ambition. En matière d’école inclusive, faire de la réussite scolaire une priorité nationale implique de prendre en compte la situation spécifique des enfants en situation de handicap. Comme je l’affirmais déjà en tant que député, et comme je le réitère aujourd’hui, des progrès significatifs ont été réalisés depuis 2005, avec 500 000 enfants en situation de handicap scolarisés. Cependant, le chemin à parcourir reste long.
En 2025, 4,6 milliards d’euros seront alloués à cette cause, un niveau sans précédent dans l’histoire de notre école, démontrant l’engagement de la nation envers ces enfants et leurs familles. Ces moyens supplémentaires permettront de créer 2 000 emplois d’AESH pour répondre à l’augmentation des besoins, soit l’équivalent de 3 175 agents dans nos établissements. De plus, 500 emplois supplémentaires seront spécifiquement alloués à l’enseignement pour les enfants en situation de handicap, que ce soit à travers les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) ou le développement de l’inclusion des enfants atteints de troubles du neurodéveloppement (TND). Le fonds pour l’achat de matériels pédagogiques adaptés sera reconduit avec une enveloppe de 25 millions d’euros.
Toutefois, la question ne se résume pas uniquement aux moyens. Il est nécessaire de renforcer les perspectives de carrière des AESH, de simplifier les procédures administratives pour les familles, d’accélérer les coopérations avec le médico-social et de développer la formation des enseignants.
Sous l’autorité du Premier ministre Michel Barnier et de la ministre Anne Genet, en collaboration avec nos collègues Paul Christophe et Charlotte Parmentier-Lecoq, j’ai initié ce travail primordial. Je souhaite le mener avec l’ensemble des acteurs concernés, y compris les parlementaires, afin d’ouvrir un nouveau chapitre dans la prise en charge du handicap à l’école.
La réussite pour tous implique également de lutter sans relâche contre le décrochage scolaire, un fléau national. En 2023, près de 62 000 élèves étaient en situation de décrochage. Aucun enfant n’est condamné à l’échec par nature. Des progrès ont été réalisés ces dernières années grâce aux actions de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, mobilisant l’ensemble des personnels du ministère. Les efforts se sont principalement concentrés sur la prévention du décrochage par une meilleure détection des signaux faibles, afin de traiter le problème à la racine. Le PLF renforce les crédits alloués à cette priorité, avec une augmentation de 2 millions d’euros par rapport à 2024.
Ne laisser aucun enfant de côté signifie également défendre l’égalité des chances dans la ruralité, un sujet qui préoccupe particulièrement cette commission et les élus locaux, et auquel j’adhère pleinement. Par exemple, les territoires éducatifs ruraux (TER), visant à créer des réseaux de coopération locale autour de l’école et à renforcer la prise en charge pédagogique des jeunes pendant et en dehors du temps scolaire, verront leur budget augmenter d’un million d’euros en 2025. Ces moyens supplémentaires permettront de poursuivre le déploiement du dispositif, avec un objectif de 300 territoires engagés.
Concernant les internats d’excellence ruraux, un dispositif qui me tient particulièrement à cœur, l’État intervient pour soutenir les collectivités à hauteur de 40 millions d’euros afin d’ouvrir et de rénover 4 600 places supplémentaires d’ici 2026, s’ajoutant aux 4 500 déjà créées.
Enfin, j’insisterai sur la voie professionnelle qui accueille un lycéen sur trois. Je tiens à remercier tout particulièrement le rapporteur Bertrand Sorre qui s’est saisi de ce sujet dans le cadre de son rapport thématique. C’est un enjeu majeur qui mérite toute l’attention du Parlement.
Nous partageons tous l’ambition de faire du lycée professionnel une voie d’excellence, en le plaçant au cœur et non à la périphérie de notre système scolaire. Ce chantier reste à accomplir. Notre système ne valorise pas suffisamment les filières techniques et professionnelles, bien qu’elles soient essentielles au redressement de notre pays. Sans un lycée professionnel fort, nous ne pourrons atteindre la souveraineté économique, énergétique, industrielle et alimentaire, ni répondre aux enjeux de la prise en charge du grand âge ou du soin.
Nous sommes à un tournant pour le lycée professionnel. Malgré une démographie scolaire déclinante, c’est la seule voie qui gagne des élèves, avec 17 000 de plus cette année. En septembre 2024, nous avons ouvert 380 classes et créé 580 postes d’enseignants dans cette filière. Le PLF s’inscrit dans cette dynamique, avec 6,5 milliards d’euros consacrés à la rémunération des enseignants, soit une augmentation de 100 millions d’euros. Les équipes du lycée professionnel ont été les premières bénéficiaires du pacte, percevant en moyenne 3 250 euros de plus par an.
Pour nos élèves, 370 millions d’euros seront alloués aux gratifications des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP). Les dispositifs « Tous droits ouverts », « Ambition d’emploi » et « Parcours de consolidation » se poursuivront en 2025 pour lutter contre le décrochage et favoriser l’insertion professionnelle.
L’attractivité du lycée professionnel passera principalement par l’adaptation de la carte des formations, développant les filières d’avenir et en faisant un levier de développement économique et territorial. Dans le cadre de la réforme, notre objectif était de moderniser 6 % de l’offre de formation chaque année. À la rentrée 2024, nous avons atteint 5,3 %. Je poursuivrai cet objectif en m’appuyant sur les projets des établissements, des enseignants et des filières professionnelles.
La réussite scolaire nécessite également un climat apaisé. Je veillerai au respect de l’autorité des professeurs, des règles et des lois dans le lycée professionnel comme dans tous nos établissements. La protection des élèves et des enseignants, ainsi que la défense de la laïcité et des valeurs de la République, seront prioritaires. Un cadre scolaire sain et serein est la condition première pour l’apprentissage et la transmission.
Concernant l’option « voie pro en QPV », inscrite dans le PLF 2024 mais non réalisée, je tiens à souligner l’importance de renforcer la culture économique et financière des lycéens professionnels pour favoriser leur insertion. Le pacte a été et doit être mobilisé à cet effet. Les cités éducatives constituent également un levier pour développer ces compétences chez nos jeunes.
Voilà les priorités que le PLF 2025 permettra de financer au service de la réussite scolaire de tous les élèves et du succès de la voie professionnelle.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Entre 2022 et 2024, le budget de l’enseignement scolaire a augmenté de 7,8 %, soit près de 6,5 milliards d’euros, afin notamment de restaurer l’attractivité du métier d’enseignant et d’améliorer l’acquisition des savoirs fondamentaux par tous les élèves. Pour 2025, la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances demeure le premier budget de l’État, avec près de 89 milliards d’euros de crédits, soit une hausse d’un peu plus de 2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Le gouvernement vise ainsi à apporter stabilité et continuité aux élèves, aux enseignants et aux autres personnels de l’éducation nationale.
La légère hausse observée s’explique principalement par des facteurs mécaniques affectant les dépenses de personnel, notamment l’augmentation du nombre de pensionnés et du taux de contribution aux pensions de l’État, ainsi que les effets de certaines mesures catégorielles antérieures. Ces augmentations sont partiellement compensées par un schéma d’emploi enseignant négatif, avec la suppression de 4 000 postes, principalement dans le premier degré public, en réponse à la baisse démographique de la population scolaire.
Le contexte d’élaboration de ce budget a été particulièrement délicat, marqué par des délais de réflexion et d’arbitrage réduits, un cadre budgétaire contraint et un climat social sensible, les personnels de l’éducation nationale ayant dû faire face les années précédentes à de nombreuses réformes dans un temps réduit, après une période marquée par une dégradation de leurs conditions d’exercice et une érosion de leur pouvoir d’achat. Le gouvernement a donc cherché à proposer une solution équilibrée. Il convient de saluer cet effort tout en y apportant de nécessaires ajustements.
Si je comprends la nécessité d’inscrire le budget de l’État dans une trajectoire soutenable, je reste convaincu que l’élan donné ces dernières années pour revaloriser notre système éducatif doit être maintenu. Le budget 2025 doit permettre de poursuivre les chantiers engagés : garantir l’acquisition des savoirs fondamentaux, lutter contre les inégalités sociales et territoriales, renforcer l’attractivité du métier d’enseignant et améliorer le bien-être des élèves et des personnels.
Je salue la consolidation des moyens alloués à plusieurs priorités, notamment à l’école inclusive. Les crédits augmentent pour accompagner la hausse du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés. Deux mille nouveaux emplois d’AESH sont prévus, ainsi que quatre-vingts ETP pour le déploiement des pôles d’appui à la scolarité dans quatre départements. Au total, plus de 4,6 milliards d’euros sont consacrés à l’école inclusive en 2025.
Les dispositifs de lutte contre les assignations sociales ou territoriales sont maintenus, voire renforcés. Les moyens des territoires éducatifs ruraux, des contrats locaux d’accompagnement, des cordées de la réussite et des fonds sociaux sont préservés. Les crédits destinés aux bourses augmentent de 34 millions d’euros. L’accueil dès deux ans dans les quartiers prioritaires se poursuit avec l’ouverture de 60 nouvelles classes de toute petite section. L’accès à la culture est renforcé par 10 millions d’euros supplémentaires pour l’extension de la part collective du pass culture.
Les crédits finançant les mesures du choc des savoirs sont sécurisés : poursuite des plans de formation en mathématiques et français en maternelle pour les enseignants du premier degré, pérennisation du dispositif « devoirs faits », maintien du dédoublement des classes de grande section CP et CE1 en éducation prioritaire et du plafonnement des effectifs à 24 élèves ailleurs.
Les efforts pour l’amélioration du climat scolaire se poursuivent, avec une continuité dans la lutte contre le harcèlement et un renforcement des moyens dédiés à la sécurisation des établissements.
Concernant la lutte contre le décrochage scolaire, malgré des résultats honorables au regard des objectifs européens, ce phénomène semble connaître une résurgence ces dernières années, notamment en raison des effets à long terme de la crise sanitaire. Des disparités importantes persistent entre les filières générales et technologiques d’une part, et professionnelles d’autre part. Les lycéens professionnels, qui représentent 27 % des lycéens, constituent plus de 60 % des décrocheurs.
Le décrochage scolaire révèle également de profondes inégalités sociales et territoriales. Il affecte enfin particulièrement les jeunes ayant des problèmes de santé, en situation de handicap ou présentant des besoins spécifiques. Bien que les causes du décrochage soient souvent externes à l’école, celle-ci peine à les contrecarrer et peut même les amplifier.
La réforme du lycée professionnel mobilise divers leviers pour favoriser la persévérance scolaire : personnalisation des parcours, renforcement de l’accompagnement, augmentation du temps consacré à l’orientation, réforme de la carte des formations et large ouverture vers le monde professionnel. Lutter contre le décrochage et pour la qualification des jeunes constitue un enjeu majeur de cohésion et de justice sociale.
Chaque année, environ cent mille jeunes quittent le système scolaire sans qualification. Ce phénomène résulte généralement d’un long processus de désengagement mutuel entre l’élève et l’institution scolaire. Il découle souvent d’une orientation subie, construite par défaut, ou fondée sur une connaissance limitée d’un système de formations complexe.
La réforme du lycée professionnel et les mesures prises pour améliorer l’accompagnement des jeunes dès le plus jeune âge, notamment dans le cadre du choc des savoirs, apportent des réponses pertinentes à ces problématiques. Leur mise en œuvre requiert un pilotage national volontariste, clarifiant les rôles des différents acteurs de l’éducation, de l’orientation et de l’insertion professionnelle. Elle nécessite également un investissement durable de l’État, en particulier pour l’acquisition des savoirs fondamentaux dès le plus jeune âge, ainsi qu’un renforcement des moyens dans les territoires ruraux et un accompagnement de la reprise démographique dans l’enseignement agricole. À défaut, nos objectifs collectifs ne seront pas atteints.
Au terme de cette double analyse et animé d’un fort esprit de responsabilité quant à la nécessité de préserver les équilibres budgétaires, je souhaite proposer les modifications suivantes au budget que nous examinons.
Premièrement, la baisse démographique ne me semble pas justifier la suppression de 4 000 postes. Le taux d’encadrement des élèves dans le premier degré doit continuer à s’améliorer et tout doit être fait pour préserver nos écoles rurales partout où cela est possible. Parallèlement, l’amélioration de l’inclusion des élèves en situation de handicap doit continuer d’être soutenue à hauteur des besoins pour être pérenne.
Dans le second degré, la baisse démographique n’a pas encore véritablement commencé. Les taux d’encadrement de nos élèves demeurent trop élevés, avec plus de 25 élèves par classe en moyenne au collège et plus de 30 au lycée, atteignant un pic de 31,6 élèves en classe de seconde, voire 34, 35 et parfois davantage dans certaines académies. Le déploiement annoncé des groupes de besoin au collège doit être accompagné, de même que la poursuite de la réforme du lycée professionnel.
Je propose donc de restituer, en les redéployant, les 4 000 postes qu’il est prévu de supprimer, en les affectant à la préservation des écoles en milieu rural, à la poursuite du déploiement des pôles d’appui à la scolarité, à une augmentation significative du nombre de postes dans le second degré pour la mise en place dans de bonnes conditions du choc des savoirs, à l’amélioration de la vie scolaire et à la création des postes nécessaires à la réforme du lycée professionnel et de la carte des formations. Cette réforme ne peut en effet pas dépendre entièrement du niveau d’adhésion au pacte des enseignants en lycée professionnel.
Deuxièmement, la reprise démographique dans l’enseignement agricole doit être soutenue pour éviter de mettre ces structures en péril et de voir les conditions d’enseignement se dégrader. L’enseignement agricole est en effet indispensable à la vie actuelle et future de nos territoires ruraux et, au-delà, à notre souveraineté, notamment alimentaire. J’ai donc déposé deux amendements qui permettent de sécuriser ces moyens.
Sous réserve des garanties apportées par le gouvernement à ces points de vigilance, j’émettrai un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2025.
M. Roger Chudeau (RN). Le budget de la mission enseignement scolaire que vous présentez aujourd’hui incarne parfaitement ce qui caractérise l’ère Macron : le « en même temps ». Bien que le budget augmente de 2 %, il manque d’ambition et ne tire aucun enseignement du choc PISA 2023, contrairement à ce qui s’est passé en l’Allemagne par exemple. Il se résume à une liste de mesures sans impact systémique : cours d’empathie, Conseil national de la refondation, éducation sexuelle, groupes de besoins, etc.
Vous affirmez, comme vos prédécesseurs, que la maîtrise des fondamentaux est prioritaire mais, en même temps, le coût moyen d’un écolier reste nettement inférieur à celui d’un lycéen, à l’inverse des pays de l’OCDE obtenant les meilleurs résultats aux évaluations internationales. De plus, vous supprimez à nouveau des classes dans la France périphérique, dont je suis un élu.
Vous poursuivez les dédoublements en REP et expérimentez le 8 heures‑18 heures, mais, en même temps, vous n’engagez aucune évaluation de l’éducation prioritaire qui permettrait de faire évoluer un modèle obsolète. Vous refusez également d’y consacrer un programme dédié, ignorant ainsi les préconisations d’un rapport d’information de cette commission.
À l’instar de vos trop nombreux prédécesseurs, vous multipliez les déclarations martiales sur la défense de la laïcité mais, en même temps, vous vous abstenez de mesurer par un indicateur l’évolution de la menace que l’islamisme radical fait peser sur nos enseignements, nos enseignants, la laïcité et donc la République elle-même.
Cette liste d’exemples illustrant le double discours qui définit la politique éducative du macronisme pourrait s’allonger. Bien que ce budget soit le premier de l’État, il est impossible d’y déceler une politique éducative à la hauteur de l’état préoccupant de notre système éducatif et des défis considérables qui attendent notre nation dans les décennies à venir.
Le ministère de l’éducation nationale n’est pas un ministère dépensier, contrairement à ce que prétend Bercy. Il est par essence le ministère de l’avenir de la nation. Son budget est donc un budget d’investissement. Or, un investissement sans vision stratégique, sans cap ni boussole, n’est qu’un tonneau des Danaïdes. Pourquoi est-il possible de parler d’objectifs de développement durable à l’horizon 2050 mais impossible d’envisager des objectifs qualitatifs et éducatifs pour le milieu du siècle ?
Ce budget préparé durant la période dite de gestion des affaires courantes est un budget de routine, un budget d’administration générale et non un budget ambitieux, pourtant indispensable pour sauver notre système éducatif du naufrage.
Le groupe Rassemblement national est le seul mouvement politique à proposer une alternative au long déclin de notre système éducatif, une autre ambition pour l’école de la République. Nous sommes convaincus que c’est dans et par l’école que se dessinent le destin et l’avenir de la nation.
Mme Céline Calvez (EPR). Les crédits alloués à l’éducation nationale ont connu une progression constante depuis 2017. L’augmentation de 834 millions d’euros prévue pour 2025 porte la hausse des ressources à près de 30 % depuis 2017, ce qui constitue une progression significative par rapport aux quinquennats précédents. Cet investissement massif s’est traduit par de nombreuses innovations et une mobilisation visant à faire de la France une puissance éducative.
À l’école primaire, le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 en éducation prioritaire a permis un suivi plus personnalisé des élèves. Les évaluations nationales d’entrée en sixième en attestent, avec près de 20 % d’une classe d’âge ayant pu en bénéficier.
Dans le secondaire, des réformes importantes ont été menées, notamment en matière d’orientation et pour les lycées professionnels.
Des efforts considérables ont également été déployés pour une école plus inclusive, avec un budget plus que doublé et une augmentation de 67 % du nombre d’AESH. Bien que la précarité demeure un défi, une revalorisation salariale de 13 % a été mise en place depuis la rentrée 2023, accompagnée d’un CDI pour deux tiers des AESH et d’une facilitation pour obtenir des temps de travail complets en partenariat avec les collectivités locales.
La rémunération des enseignants a été notablement revalorisée depuis 2017, grâce à plusieurs hausses consécutives du point d’indice, une augmentation significative des primes et la mise en place du pacte enseignant. Cependant, il est nécessaire de poursuivre ces efforts.
Malheureusement, l’augmentation prévue pour 2025 reste inférieure à celle des années précédentes, ce qui soulève des questions. Il est regrettable que les récentes économies demandées par le gouvernement se fassent au détriment de l’éducation nationale, contrairement aux ministères régaliens qui ont été épargnés.
Alors que de nombreux emplois ont été créés entre 2017 et 2024 dans l’éducation nationale, le projet de loi de finances propose de supprimer 4 000 postes. Bien que cette décision puisse être justifiée par la recherche d’économies et l’importante baisse démographique des élèves, nous pouvons adopter une approche différente.
Les députés du groupe Ensemble pour la République soutiendront l’amendement de notre collègue et rapporteur Bertrand Sorre visant à revenir sur cette suppression et à saisir l’opportunité de renforcer davantage le taux d’encadrement des élèves par le personnel enseignant. Nous estimons qu’il est judicieux de profiter de cette baisse démographique pour viser des effectifs allégés, des recrutements conséquents et réaffirmer notre volonté d’améliorer l’attractivité du métier d’enseignant.
Redonner le goût d’enseigner ne se résume pas uniquement à une question de postes ou de rémunération, mais implique également la transformation de l’entrée dans le métier, de la mobilité géographique et de la formation.
Comment ce budget 2025 répond-il au défi de l’attractivité du métier d’enseignant ? Sans garanties suffisantes sur l’ambition éducative du gouvernement et pour rejoindre l’avis de notre rapporteur Bertrand Sorre, nous ne pourrons pas voter en faveur de ces crédits.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous avons été accoutumés à des déclarations approximatives à chaque prise de fonction à l’éducation nationale. Cependant, madame Genetet, vos récentes interventions ont franchi un nouveau cap. Vous avez d’abord confondu la commémoration des attentats terroristes du Hamas en Israël le 7 octobre avec l’hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard. Ensuite, vous avez affirmé que la Seine-Saint-Denis bénéficiait d’un taux d’encadrement scolaire exceptionnel, alors que vos propres données démontrent le contraire. À titre d’exemple, dans le classement du nombre d’élèves par classe, ce département occupe la 94e position.
Un budget n’est pas un simple exercice comptable, mais avant tout un acte politique qui reflète votre vision pour la France. Force est de constater que vous ne visez pas l’excellence, du moins pas pour une grande partie des Français, qui n’ont pas les moyens d’inscrire leurs enfants dans le privé, de s’offrir les services d’une AESH, ni même désormais de tomber malades.
Lorsque vous refusez de revaloriser les salaires des enseignants et des AESH, de remplacer les enseignants partis à la retraite, d’instaurer des règles pour mieux encadrer l’enseignement privé, de financer l’attractivité des métiers des soignants scolaires ou encore d’augmenter les crédits alloués aux fonds sociaux pour les élèves précaires, vous sabotez l’école publique. Cette politique ne sacrifie pas seulement des millions d’enfants sur l’autel de l’austérité, mais maltraite également des milliers de professionnels.
Je prends connaissance des centaines de témoignages d’enseignantes et d’enseignants épuisés, incapables d’exercer correctement leur métier, soumis à des réformes incessantes et inutiles, et démunis face à la souffrance de certains de leurs élèves en manque d’AESH qui ne peuvent être remplacés. Comment peut-on rester sourd à ces appels, à moins que cela ne fasse partie d’une stratégie délibérée, consistant à laisser Bercy décider du démantèlement de nos services publics, jadis fierté de notre pays, pour les livrer au secteur privé qui rachète une partie de notre dette et investit dans la santé, la sécurité et l’école, de plus en plus privatisées.
Vous semblez vous accommoder de la perte de moyens et de qualité pour l’école publique, mais nous ne pouvons l’accepter. Nous voterons donc le plus d’amendements possibles pour réorienter ces dépenses. Nous ne laisserons pas l’école publique être ainsi dépecée sans réagir !
C’est pourquoi, face à votre mantra « élever le niveau, élever le niveau, élever le niveau », nous répondons « plus de profs, plus de profs, mieux de profs ».
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je vous remercie pour votre présence et votre exposé sur votre vision de l’école. Cependant, je tiens à souligner qu’il n’existe pas de clivage entre ceux qui désireraient abaisser le niveau de l’école et ceux qui voudraient l’élever. Nous partageons tous la même conviction : notre école doit retrouver de l’ambition. Pour y parvenir, il est essentiel de poser correctement le problème.
Nous pouvons nous accorder sur une question fondamentale : qu’attendons-nous de l’école ? Bien que nos définitions puissent diverger, nous demandons tous à nos enfants s’ils ont bien travaillé à l’école. Pour bien travailler, plusieurs éléments sont nécessaires, mais le plus important reste la présence d’enseignants. Or, c’est précisément là que le problème se pose. Le métier d’enseignant, autrefois considéré comme le plus beau du monde, n’attire plus. Nous peinons à recruter des professeurs pour enseigner dans nos classes. Cette situation devrait nous préoccuper et nous inciter à collaborer pour trouver des solutions.
Il est primordial de comprendre les raisons de cette désaffection et d’identifier des pistes pour y remédier. Un professeur m’a récemment confié une phrase qui me hante : « c’est un métier que j’aime, mais que je déteste faire ». Il enseigne dans un lycée professionnel où l’effectif de sa classe est passé de 28 à 30 élèves à la rentrée. Je vous ai d’ailleurs remis, monsieur le ministre, un courrier comme ce professeur me l’avait demandé. Comment peut-on efficacement faire travailler tous les élèves dans une classe de 30 en lycée professionnel ? C’est ce sentiment d’impuissance qui le pousse à détester exercer un métier qu’il aime. Nous devons résoudre ce paradoxe en abordant le problème sous le bon angle.
Dans ce contexte, l’annonce de la suppression de 4 000 postes, dont plus de 3 000 dans le premier degré, envoie un signal négatif. Nous avons pourtant une opportunité historique : la baisse démographique des élèves devrait nous permettre de réduire les effectifs par classe. Le dédoublement des classes dans les zones prioritaires, initié par le Président Macron, a démontré son efficacité. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre. Cette réussite s’explique simplement : on apprend et on enseigne mieux avec moins d’élèves par classe
Vous avez mentionné une baisse du nombre d’élèves par classe à 21, mais il s’agit d’une moyenne. Cette diminution résulte du dédoublement des classes. En réalité, dans les classes primaires, en maternelle comme en élémentaire, on compte plutôt 24, 25, voire 28 élèves. C’est le cas pour mes propres enfants, qui sont 28 en maternelle. Pour améliorer l’apprentissage à l’école, il est impératif de réduire le nombre d’élèves par classe. Il faut saisir cette opportunité et agir en conséquence !
Mme Pascale Bay (DR). Parce qu’elle prépare l’avenir de notre nation, l’école doit rester au cœur des priorités. Je salue, au nom de mon groupe, l’effort déployé par le gouvernement pour poursuivre l’augmentation des crédits de la mission enseignement scolaire en 2025, malgré le contexte budgétaire contraint. Ces crédits atteindront un niveau record de 63 milliards d’euros, ce qui témoigne d’un choix politique fort en faveur de notre école.
Je souhaite vous interroger sur les mesures visant à améliorer l’attractivité du métier d’enseignant prévues dans ce projet de loi de finances. Au-delà des revalorisations salariales récentes, pouvez-vous nous présenter votre feuille de route et les moyens qui y seront alloués en 2025 ? Je suis convaincue qu’il faut agir non seulement sur la rémunération, mais aussi sur les conditions de travail et les perspectives de carrière des personnels.
Concernant l’école inclusive, nous pouvons nous féliciter des progrès accomplis depuis la loi fondatrice de 2005. Aujourd’hui, 500 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, ce qui représente à la fois une chance et un défi majeur pour notre système éducatif. Pour répondre à l’augmentation des besoins d’accompagnement, le budget 2025 prévoit la création de 2 000 emplois d’AESH, soit plus de 3 000 agents sur le terrain. Au-delà des éventuelles difficultés de recrutement, il est essentiel d’accompagner cette hausse d’effectifs par un effort supplémentaire en matière de formation, de mise à disposition d’outils pédagogiques et de supports d’enseignement adaptés. Envisagez-vous de réaliser un bilan d’étape de l’école inclusive au plus près de la réalité vécue par les enseignants et l’ensemble des élèves ?
Enfin, outre l’effort nécessaire sur le schéma d’emplois, il me semble indispensable d’approfondir la réflexion sur les réformes structurelles à mener. Le Premier ministre a annoncé son intention de conduire un plan de réforme sur cinq ans. Dans ce cadre, j’estime que le ministère de l’éducation nationale doit repenser en profondeur sa technostructure pour en réduire le coût. Soucieux de la qualité de l’enseignement dispensé à nos enfants, mais également attentifs aux contraintes budgétaires de l’État, nous considérons qu’il s’agit du moyen le plus juste et efficace pour réaliser des économies. Avez-vous identifié des leviers permettant de réaliser des économies structurelles dans le cadre d’une future réforme ?
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Dès votre nomination, madame la ministre, vous avez annoncé vouloir maintenir un cap que je considère comme irréaliste et déconnecté des réalités du terrain.
Après avoir envisagé de faire occuper les postes vacants par des enseignants retraités, le gouvernement prévoit désormais la suppression de 4 000 postes d’enseignants, sous prétexte d’une baisse du nombre d’élèves à la rentrée prochaine. Or, nous avons déjà des classes les plus chargées d’Europe, nous avons déjà des classes les plus chargées d’Europe, nous avons déjà des classes les plus chargées d’Europe ! Cette réduction d’effectifs entraînera inévitablement une détérioration des conditions d’enseignement et d’apprentissage.
L’alerte sociale sans précèdent déposée par l’ensemble des organisations syndicales représentatives témoigne de la gravité de la situation pour l’avenir de l’école publique.
Les inégalités entre secteurs privé et public ne cessent de se creuser. Comme le souligne Stéphane Bonnery, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation, l’analyse statistique est révélatrice : l’attribution des postes par la politique nationale avantage systématiquement le privé, ou au mieux maintient une équité proportionnelle, mais jamais au bénéfice du public.
Lorsque les effectifs d’élèves augmentent, le public absorbe davantage le flux, avec une hausse de 8 % entre 2003 et 2011, contre 0,7 % pour le privé sous contrat. Pourtant, l’évolution du nombre d’enseignants reste identique. À l’inverse, quand les effectifs scolarisés diminuent, la réduction de postes affecte plus durement le secteur public.
Je tiens également à souligner l’incohérence de l’argument avancé pour justifier la suppression de postes d’enseignants. Selon le SNES-FSU, dans le second degré, le nombre de postes en sept ans a diminué de plus de 8 800, alors que le nombre d’élèves a augmenté de plus de 7 400. Il faudrait donc plus de 10 600 emplois pour retrouver le taux d’encadrement de 2017. Malgré ce constat, vous persistez à réduire les effectifs.
De surcroît, une rémunération insuffisante des personnels, associée à l’allongement du délai de carence d’un à trois jours pour les fonctionnaires, contribue à affaiblir les droits des enseignants ainsi que leur bien-être au travail. Cette stratégie semble peu propice au recrutement. Le salaire moyen des enseignants français demeure inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, particulièrement en milieu de carrière. Alors que dans les autres pays, l’évolution salariale suit une courbe linéaire, chez nous, elle suit une courbe exponentielle.
Votre gouvernement participe depuis des années à la précarisation des enseignants et au démantèlement de l’école publique. Pour lutter contre ces orientations, je ne doute pas que vous rencontrerez l’opposition de l’ensemble du nouveau front populaire.
Allez-vous accepter le budget que nous allons proposer ?
M. Laurent Croizier (Dem). L’école est le fondement de notre société, c’est le lieu où s’engagent les luttes contre les inégalités et les déterminismes sociaux, où naît le vivre-ensemble et s’incarne la promesse républicaine d’émancipation. Le groupe démocrate se félicite de la décision du gouvernement de sanctuariser le budget de la mission Enseignement scolaire, malgré les contraintes budgétaires. Avec 64,5 milliards d’euros, ce budget demeure le premier de la nation, en hausse de 132 millions d’euros par rapport à 2024.
Profondément attachés à l’égalité des chances, nous saluons la poursuite des efforts en faveur de l’école inclusive, notamment la création de 300 emplois pour l’ouverture de classes Ulis et de 2 000 postes d’accompagnants d’enfants en situation de handicap. Toutefois, la précarité du statut d’AESH et leur faible rémunération restent des enjeux majeurs sur lesquels nous devons collectivement et rapidement agir.
Ce budget poursuit également la transformation de la voie professionnelle comme un tremplin vers l’emploi. Nous vous soutiendrons pour revaloriser le lycée professionnel comme une voie de réussite et d’excellence reconnue par tous.
Madame la ministre, l’école doit inspirer respect et confiance aux élèves, aux parents et aux professeurs, qu’il est essentiel de replacer au cœur des préoccupations de l’éducation nationale. Nous souhaitons que l’école soit ce lieu exigeant et bienveillant de transmission des savoirs. Nous partageons votre urgence d’élever le niveau de l’école, ce qui nécessite de bonnes conditions d’apprentissage pour les élèves, ainsi que des professeurs bien formés, mieux considérés et mieux rémunérés. À cet égard, nous plaidons pour une loi de programmation pluriannuelle de revalorisation salariale.
Les enseignants sont la clé pour résoudre les problèmes de l’école. C’est pourquoi nous sommes déterminés à faire évoluer le projet de loi de finances sur la suppression des 4 000 postes d’enseignants. Si cette réduction peut sembler négligeable vue depuis Bercy, dans un contexte de baisse démographique scolaire, elle a des conséquences concrètes dans nos circonscriptions : fermetures de classes, particulièrement dans les communes rurales, et hausse des effectifs dans les écoles touchées.
Élaborer un budget, c’est faire des choix. Nous estimons que supprimer 4 000 postes d’enseignants n’est pas judicieux alors que nous peinons à recruter, que nous ne parvenons pas à placer un enseignant devant chaque classe, et qu’il est urgent d’élever le niveau. Notre groupe défendra plusieurs amendements visant à transformer la baisse démographique en opportunité et à préserver ces 4 000 postes d’enseignants.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Au nom du groupe Horizons et indépendants, je tiens à vous féliciter pour votre nomination et vous exprimer notre souhait de réussite, qui sera celle de notre école. À l’occasion de l’examen du budget de l’éducation, je salue également les 1,2 million de personnels qui soutiennent notre système éducatif malgré les difficultés rencontrées et les interrogations sur l’avenir de leur métier.
Pour notre groupe, l’éducation doit demeurer la priorité nationale, le fondement de toutes les réformes. Notre école se trouve à un tournant décisif et nécessite un renforcement pour garantir l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. Bien que la mission d’enseignement scolaire connaisse une augmentation pour 2025, poursuivant ainsi les engagements et réformes initiés, les défis restent considérables et requièrent des réponses concrètes et ambitieuses.
Parmi ces défis, l’élévation du niveau, l’excellence scolaire et la réduction des inégalités doivent figurer au premier plan, comme en témoignent les classements PISA. Il est impératif de consolider l’apprentissage des savoirs fondamentaux dès la maternelle, en instaurant des évaluations nationales et des dispositifs de soutien pour réduire les écarts scolaires. Le décrochage scolaire, que vous avez évoqué monsieur le ministre, est un fléau inacceptable que nous devons combattre.
L’inclusion scolaire et l’égalité des chances doivent être renforcées, notamment en améliorant l’accueil des élèves en situation de handicap. Bien que la rémunération des AESH intervenant sur le temps méridien soit désormais prise en charge par l’État, il est nécessaire d’augmenter leur rémunération et de leur accorder un véritable statut.
Le métier d’enseignant, pilier de la promesse républicaine, souffre d’un manque de considération dans notre société. Ce budget poursuit l’effort de revalorisation des rémunérations, mais des mesures supplémentaires s’imposent.
L’enseignement professionnel doit être érigé en voie d’excellence, centrale dans notre système éducatif. Nous devons valoriser les filières techniques et professionnelles, essentielles au redressement et à la souveraineté de notre pays.
Notre école doit demeurer un sanctuaire où la laïcité est garantie face aux menaces qui pèsent sur elle. Avec 110 atteintes à la laïcité en septembre 2024, nous soutenons votre proposition d’augmenter le volume d’heures consacrées à la laïcité et aux valeurs de la République dans la formation initiale des professeurs, tout en soulignant la nécessité d’aller plus loin.
Le défi majeur auquel notre école est confrontée est la baisse démographique, avec 500 000 élèves en moins en dix ans, entraînant des fermetures de classes et d’établissements. Pour éviter des situations dramatiques, il est impératif de modifier notre approche. Cette baisse démographique devrait permettre de réduire les effectifs par classe et de préserver nos écoles rurales.
Madame la Ministre, je souhaiterais vous interroger sur les annonces faites par la Première ministre en 2023 concernant une carte scolaire triennale et la mise en place d’instances de concertation.
Notre groupe votera en faveur de cette mission budgétaire, mais appelle à un débat approfondi sur votre proposition de supprimer 4 000 postes d’enseignants, que nous n’approuvons pas.
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Je souhaite exprimer nos réserves concernant le budget de l’enseignement scolaire, malgré son augmentation de 1,8 milliard d’euros. Cette hausse ne dissipe pas les nombreuses inquiétudes qui persistent.
Notre première préoccupation porte sur la réduction des postes : 3 155 dans le primaire et 180 dans le secondaire. La baisse des effectifs d’élèves, qui affecte l’ensemble du territoire, y compris les outre-mer, ne devrait pas justifier ces suppressions. Au contraire, elle devrait permettre de réduire le nombre d’élèves par classe dans tous les secteurs et toutes les zones, afin d’améliorer l’apprentissage, la prise en charge des difficultés scolaires et les conditions de travail des enseignants.
Les besoins demeurent considérables : préserver les petites écoles rurales, maintenir les classes dans nos îles éloignées, assurer un climat scolaire serein et favoriser la scolarisation des enfants en situation de handicap. Ce budget entérine une dégradation du taux d’encadrement à l’école, ce qui nous semble inacceptable. Dans nos collectivités insulaires, le maintien de l’école et l’affectation d’un enseignant par classe représentent déjà des défis majeurs, compte tenu de notre situation géographique complexe.
Notre deuxième interrogation concerne la revalorisation de la rémunération des enseignants. Bien qu’un premier rattrapage ait été effectué, le retard accumulé ces quinze dernières années reste considérable. Nous estimons que la question des revalorisations salariales n’est pas résolue et attendons toujours un véritable choc d’attractivité. À la rentrée 2024, plus de 3 000 postes n’ont pas été pourvus à l’issue des concours, et le pacte enseignant ne semble pas apporter une réponse adéquate. L’an dernier, seuls trois enseignants sur dix ont réalisé des missions dans ce cadre. Notre groupe continue de plaider pour la mise en place d’un plan de revalorisation pluriannuel offrant des perspectives à nos enseignants. Quelles pistes envisagez-vous et selon quel calendrier pour reprendre le travail sur les salaires ?
Enfin, notre dernière préoccupation porte sur la scolarité des élèves en situation de handicap, en particulier la situation des AESH. Malgré de récentes avancées, beaucoup reste à faire pour lutter contre la précarité de ce métier essentiel. Le renforcement de l’école inclusive doit être prioritaire. Comment justifiez-vous la baisse de 2 milliards d’euros pour la formation des AESH, alors que le budget prévoit une augmentation de 2 000 postes ?
Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’éducation nationale subit 90 % des suppressions de postes publics prévues par le projet de loi de finances pour 2025. Près de 4 000 enseignants manqueront cette année dans nos écoles, collèges et lycées. Le gouvernement justifie ces réductions par une baisse démographique, mais cet argument ne convainc pas face aux besoins urgents en personnel éducatif. À la dernière rentrée scolaire, 56 % des collèges et lycées manquaient d’au moins un enseignant. Depuis 2017, environ 8 800 postes ont été supprimés alors que les classes françaises sont parmi les plus surchargées en Europe.
Par exemple, selon le rectorat de Créteil, la Seine-Saint-Denis reste l’un des départements les plus sous-dotés en personnel éducatif. Notre taux d’encadrement est loin d’être enviable comparé à d’autres régions françaises. Il n’est nul besoin d’ajouter du mépris à cette méconnaissance territoriale.
Face à cette situation critique, personnels éducatifs et parents se mobilisent depuis plusieurs mois pour exiger un véritable choc des moyens pour l’éducation. Cependant, le budget prévu pour 2025 ne semble indiquer aucun changement significatif. Bien que le ministère ait annoncé la création de 2 000 postes d’AESH, leur recrutement effectif reste incertain compte tenu de la précarité persistante du métier avec un salaire moyen autour de seulement 850 euros, sans perspectives d’évolution. 93 % des AESH ‑ majoritairement des femmes ‑ vivent dans une situation financière difficile.
La revalorisation des métiers de la santé scolaire est une nécessité absolue, alors que les établissements scolaires sont devenus des déserts médicaux et que les dépistages obligatoires ne sont pas tous assurés auprès des élèves.
Les syndicats vous ont alertée : l’éducation nationale traverse actuellement une crise sociale majeure qui nécessite un investissement significatif. La baisse démographique pourrait constituer une opportunité pour améliorer le taux d’encadrement mais cela implique d’augmenter les recrutements et d’améliorer l’attractivité de ces métiers.
Pour atteindre des taux d’encadrement comparables à ceux de 2006, il faudrait créer environ 30 000 postes. Pour retrouver le taux de 2017, il en faudrait 10 200.
Nous demandons la revalorisation du point d’indice des enseignants et la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B pour les AESH. Par ailleurs, afin de garantir un héritage durable des Jeux olympiques et paralympiques, il est urgent d’instaurer, dès le plus jeune âge, une culture sportive. L’augmentation du volume d’enseignement à l’éducation physique et sportive à quatre heures hebdomadaires dans les écoles et les lycées en serait une étape clé.
En Seine-Saint-Denis, nous avons un besoin urgent de postes. Qu’allez-vous répondre aux syndicats et aux parents d’élèves ? Quelles mesures allez-vous prendre pour résoudre la perte d’attractivité des métiers de l’éducation nationale ?
M. Bartolomé Lenoir (UDR). Si le groupe UDR soutient les mesures d’économie visant à assainir nos comptes publics, préférant cette approche à une hausse des impôts, nous nous interrogeons néanmoins sur la répartition de ces suppressions. Notre appréhension porte sur l’impact disproportionné que ces coupes pourraient avoir sur les territoires ruraux, déjà confrontés à une désertification significative des services publics.
Nous nous demandons pourquoi les économies ne ciblent pas davantage d’autres secteurs de l’État, plutôt que de fragiliser encore nos campagnes. Vous justifiez la décision de suppression de 4 000 postes d’enseignants par la baisse démographique dans les régions rurales. Pourtant, supprimer des postes d’enseignants et fermer des écoles dans nos communes ne fait qu’accélérer l’exode rural. Comment pouvons-nous espérer que des familles s’installent ou restent dans nos campagnes si les services publics essentiels, tels que l’école, disparaissent ?
Ces fermetures d’établissements scolaires menacent d’éteindre les dernières étincelles de vie dans nos villages. Elles privent les enfants d’un accès de proximité à l’éducation et dissuadent les familles de s’établir ou de demeurer en milieu rural. Ne serait-il pas plus pertinent d’adopter une vision à moyen et long terme et de promouvoir une politique nataliste ?
Nous ne tirerons jamais avantage d’un déclin démographique. Fermer des écoles aujourd’hui revient à entériner l’abandon de ces territoires et à hypothéquer leur avenir. Il est inadmissible de laisser croire que les campagnes doivent se dépeupler et de rester inactif.
Pensez-vous sincèrement que nos campagnes survivront sans leurs écoles, ou ce plan de suppression signe-t-il la fin programmée de nos territoires ruraux ?
Mme Anne Genetet, ministre. Je souhaite tout d’abord exprimer mon soutien à nos enseignants et à notre école. Lors de mes nombreux déplacements sur le terrain, j’ai constaté que les équipes pédagogiques et les chefs d’établissement prennent des initiatives bénéfiques pour la réussite de nos élèves, parfois dans des conditions difficiles. Je tiens à les saluer et à les remercier pour leur engagement. Des moyens sont déployés pour les soutenir, et je réaffirme que je serai toujours à leurs côtés si leur autorité ou leur enseignement étaient contestés. J’espère que la société française tout entière leur apportera son soutien dans ces situations.
Dire que notre école est dans un état catastrophique témoigne d’un profond mépris envers les initiatives de nos enseignants qui permettent à de nombreux élèves de réussir, y compris les plus en difficulté. Je salue particulièrement les efforts déployés contre le décrochage scolaire, soutenus par des enseignants volontaires et déterminés.
Les suppressions de postes s’expliquent en partie par l’évolution démographique. Toutefois, ces décisions ne seront pas centralisées mais prises en concertation avec les élus locaux, établissement par établissement, pour répondre aux préoccupations des communes, notamment des communes rurales. J’attends l’issue des débats budgétaires pour préciser les suites à donner s’agissant de l’évolution des effectifs d’enseignants.
Je souligne l’amélioration significative du nombre moyen d’élèves par classe entre 2017 et 2024, même si des progrès restent à faire. Les mesures prises pour les zones d’éducation prioritaire et les élèves les plus en difficulté portent leurs fruits, comme en témoignent les évaluations en sixième.
L’attractivité du métier d’enseignant repose sur plusieurs facteurs : rémunération, climat scolaire, effectifs par classe. Les difficultés de recrutement sont en partie liées au niveau élevé du concours, d’où la réforme de la formation initiale que je porte. Elle prévoit un concours en fin de troisième année de licence, suivi d’un statut d’élève fonctionnaire. Cette réforme permettra d’attirer davantage de candidats, notamment ceux qui ne peuvent s’engager dans un parcours d’études de cinq ans pour des raisons financières.
J’ai attiré l’attention de mon collègue Patrick Hetzel sur la nécessité de rendre le parcours de trois années suffisamment souple pour permettre aux étudiants d’y entrer ou d’en sortir sans repartir de zéro. Il est essentiel que ce parcours réponde à leurs aspirations, lesquelles peuvent évoluer au fil du temps, sans les pénaliser.
L’attractivité du métier représente un véritable défi, auquel nous nous attelons. Nous avons déjà amélioré la rémunération des enseignants et je souhaite rouvrir l’agenda social avec les organisations syndicales. Celles-ci ont été reçues rapidement à mon ministère à la suite de l’alerte sociale, que j’ai prise très au sérieux. Cet agenda social devra notamment dynamiser les milieux de carrière et améliorer les conditions de travail des AESH.
Concernant la ruralité, nous devons repenser l’école de demain. Je privilégie un modèle d’école avec des classes comportant plusieurs élèves, plutôt qu’une classe unique avec cinq niveaux et douze élèves. Ce modèle me semble plus stimulant et mieux adapté aux attentes de l’école moderne. Cela implique de réorganiser l’école en zone rurale, un sujet que je souhaite mettre à l’ordre du jour pour 2025. Notre objectif est d’assurer à tous les élèves, où qu’ils se trouvent, l’accès à une éducation de qualité.
Quant à la répartition des suppressions de postes, attendons la fin des débats budgétaires avant d’émettre des hypothèses.
Pour les classes de sixième et cinquième, l’heure de soutien a été transformée en groupes de besoins. J’ai pu constater sur le terrain l’efficacité de ce dispositif, avec des enseignants initialement réservés qui se sont montrés plutôt positifs. Certains groupes se mettront en place à la rentrée des vacances d’automne. Je resterai attentive à l’évaluation de ces dispositifs avant de prendre toute décision de modification profonde.
Ma vision pour l’école est claire : je veux une école exigeante au service de la réussite scolaire, une école de terrain à l’écoute des réalités locales, notamment dans les communes rurales, et une école qui favorise le bien-être des élèves comme des enseignants.
Enfin, concernant les crédits pédagogiques pour le premier degré, les fonds prévus pour l’achat de manuels scolaires en 2024 ont été reportés à 2025, ce qui explique l’apparente baisse. Je souhaite accorder une attention particulière non seulement aux zones d’éducation prioritaires, mais également aux plus petites communes dont le budget est plus serré et qui disposent de marges de manœuvre plus limitées que d’autres.
Monsieur Chudeau, je rappelle que les programmes sont refondus pour les cycles 1 et 2, et qu’une autre refonte est en cours. Concernant les groupes de besoins, nous avons déployé 2 300 postes pour cette rentrée scolaire, lesquels ne seront pas remis en question pour la rentrée 2025. L’évaluation PISA a été réalisée en 2019 et sera reconduite en 2025. Entre-temps, nous poursuivrons les évaluations pour tous les niveaux du premier degré, dont je communiquerai les résultats très prochainement.
Je réaffirme ma position intransigeante face aux atteintes au principe de laïcité. J’apporterai mon soutien total à nos enseignants et à tous les personnels concernés. Je compte renforcer la formation à la laïcité, notamment en insistant sur une formation dans le mois suivant l’embauche de tous les personnels contractuels, assistants d’éducation et personnes accompagnant nos élèves. Je réviserai également le contenu de cette formation pour m’assurer qu’elle corresponde à notre conception de la laïcité à la française. Soyez assurés de ma vigilance accrue sur ce sujet.
Madame Calvez, j’observerai attentivement l’évolution des débats parlementaires sur les suppressions de postes. Nous faisons face à un véritable défi : comment répondre à la baisse démographique ? Je rappelle qu’en 10 ans, nous avons perdu près de 750 000 élèves, dont 400 000 depuis 2017. Pour la rentrée 2025, nous prévoyons une nouvelle baisse de près de 100 000 élèves. Ces chiffres nécessitent des ajustements, sans pour autant remettre en cause le nombre d’élèves par classe, qui doit continuer à diminuer. J’entends que nous n’avons pas encore atteint les standards européens. Néanmoins, depuis 2017, nous œuvrons à l’amélioration du nombre moyen d’élèves par classe, qui ne cesse de baisser. Je suis consciente des disparités existantes, avec des classes comptant très peu d’élèves pour des raisons d’organisation du territoire, et d’autres en comptant trop. Nous travaillons sur cet équilibre. J’ai récemment observé des projets de fusion d’écoles permettant de retrouver localement une école avec des classes et un nombre moyen d’élèves par classe tout à fait satisfaisant, correspondant à notre objectif de ne pas dépasser 24 élèves par classe en dehors des zones d’éducation prioritaires.
Concernant l’inclusion, j’ai évoqué les éléments des travaux en cours. Nous approchons du 20e anniversaire de la loi de 2005, à l’occasion duquel un bilan sera dressé. Pour les détails chiffrés, je cède la parole à mon collègue Alexandre Portier.
M. Alexandre Portier. En tant que fils d’artisan, je ne suis pas toujours satisfait de l’orientation actuelle vers le lycée professionnel, qui ne répond pas pleinement à nos ambitions pour cette filière. L’orientation me tient particulièrement à cœur et je pense qu’elle devrait davantage se concentrer sur le collège. Nous ne pouvons accepter que le lycée professionnel soit considéré comme une orientation par défaut, ce qui serait irrespectueux envers nos jeunes et cette filière.
Pour lutter contre le décrochage en lycée professionnel, plusieurs leviers existent. Premièrement, il faut prévenir le décrochage en amont. De nombreux jeunes arrivent en seconde avec des lacunes dans les fondamentaux, notamment en français et en mathématiques. C’est pourquoi la réforme du lycée professionnel a renforcé l’enseignement de ces matières en demi-groupes, une mesure que nous devons poursuivre. Deuxièmement, il est essentiel de donner du sens au parcours des élèves. La professionnalisation est donc centrale, notamment à travers le renforcement des périodes de formation en milieu professionnel. Troisièmement, le lycée professionnel a la capacité de proposer un accompagnement sur mesure, une dimension que tous les acteurs de ces établissements s’efforcent de développer et que nous soutiendrons.
Madame Hadizadeh a évoqué la question des effectifs, un sujet que nous avons abordé lors de ma visite dans sa circonscription. Nous avons pu observer l’importance des petits groupes pour l’apprentissage des gestes de secours et de sécurité au travail. La réforme a permis de favoriser l’apprentissage en petits groupes dans les filières où c’est indispensable, tant pour les gestes professionnels que pour l’acquisition des fondamentaux.
Malgré les contraintes budgétaires, nous avons pu ouvrir en 2024 de nouvelles classes et recruter de nouveaux enseignants dans l’enseignement professionnel. Cela nous permet d’atteindre nos objectifs de réduction des effectifs par classe et d’offrir un enseignement plus fin et plus exigeant dans une filière cardinale pour répondre aux enjeux de souveraineté.
Concernant le handicap, le rapporteur Bertrand Sorre a mentionné les moyens importants investis ces dernières années. Pour répondre à madame Pascale Bay, je tiens à souligner que si les moyens sont nécessaires en matière de handicap, tout n’est pas qu’une question de moyens. Ayant longuement travaillé sur le sujet de l’école inclusive lorsque j’étais député, je peux affirmer que d’autres aspects entrent en jeu.
La formation de nos agents, tant AESH qu’enseignants, constitue l’un des principaux défis à relever. Nous devons également simplifier les démarches administratives, particulièrement lourdes pour les familles auprès des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), et approfondir nos ambitions pédagogiques. Je pense que nous n’avons pas toujours poussé suffisamment loin notre réflexion pédagogique concernant les enfants accueillis dans nos établissements. Les agents et enseignants eux-mêmes expriment le besoin d’un accompagnement plus soutenu dans ce domaine. C’est l’un de nos objectifs prioritaires pour l’année à venir.
Concernant le statut des AESH, sujet récurrent dans cette commission, nous abordons de front la question de leur situation, notamment à travers la formation, mais aussi les rythmes de travail, les contraintes liées à la multiplication des suivis et leur intégration dans les établissements. Le système mis en place depuis 20 ans en matière de handicap a conduit à une progression rapide, voire trop rapide, des notifications des MDPH par rapport à nos capacités de recrutement. On peut débattre des moyens et des salaires, mais face à une augmentation de 8 % des notifications en une seule rentrée, il est évidemment difficile de trouver suffisamment de ressources humaines pour répondre à tous ces besoins.
Cette situation entraîne des difficultés pour l’éducation nationale, tant au niveau central que sur le terrain. Nous devons repenser le modèle dans son ensemble. Vingt ans après la loi de 2005, force est de constater que le modèle purement quantitatif, longtemps privilégié, atteint ses limites et ne correspond plus totalement aux attentes des familles ni à celles des personnels sur le terrain. Nous devons aujourd’hui opérer un changement de modèle en profondeur, auquel nous allons nous atteler avec la ministre.
Concernant le point soulevé par madame Sanquer sur les crédits de formation, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une suppression des crédits de formation en tant que tels, mais d’un ajustement des crédits de déplacement liés aux formations. Notre réflexion vise à rapprocher les formations du terrain et des territoires où nos agents exercent, afin d’enrichir les contenus de formation tout en rationalisant les moyens pour l’organisation. Cette approche permettra d’investir davantage dans la qualité des formations tout en optimisant les ressources.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Vous êtes vingt-cinq à vouloir interroger les ministres. Nous les laisserons vous répondre après les treize premières questions puis nous écouterons les douze suivantes.
M. Julien Odoul (RN). Dans un entretien accordé au journal La Tribune le 13 octobre dernier, vous avez affirmé, madame la ministre, que les atteintes à la laïcité avaient diminué, en vous basant sur une comparaison entre les chiffres de septembre 2023 et ceux de septembre 2024. Le 25 octobre, votre ministre délégué, monsieur Portier, a tenu des propos contradictoires sur les ondes d’Europe 1, évoquant une intensification des provocations contre la laïcité. Face à ces déclarations divergentes, il est impératif de clarifier la situation devant la représentation nationale.
Par ailleurs, je souhaite aborder la question des attaques islamistes visant les enseignants, qui se multiplient dans un contexte de progression du communautarisme. Il est essentiel de disposer de chiffres précis et d’une analyse approfondie de ces phénomènes.
Quand allez-vous lutter contre l’islamisme, lutter contre l’islamisme, lutter contre l’islamisme ?
Enfin, j’interpelle le gouvernement sur sa stratégie de lutte contre l’islamisme et sur les mesures concrètes qu’il compte mettre en œuvre pour endiguer ce fléau de manière définitive.
Mme Violette Spillebout (EPR). Le programme 230 Vie de l’élève comporte un objectif qui retient particulièrement mon attention : favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de la citoyenneté. Ce budget connaît une légère augmentation en 2025. Il vise à poursuivre et à renforcer les dispositifs de soutien au bien-être et à la sécurité des élèves. Dans cette catégorie s’inscrivent les heures d’enseignement moral et civique (EMC). Ces cours abordent notamment l’éducation aux médias et à l’information, la lutte contre la désinformation, l’éducation aux risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux, en particulier les phénomènes d’embrigadement et de fausses informations.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la manière dont ces moyens pourraient être augmentés au sein de ce programme ? Sachant que l’EMC ne représente actuellement qu’une demi-heure hebdomadaire, cette allocation de temps vous semble-t-elle véritablement à la hauteur des enjeux auxquels nos enfants sont confrontés ? Quels sont les moyens existants et quelles mesures envisagez-vous pour renforcer cette action éducative ?
M. Christophe Proença (SOC). Le 8 janvier 2024, le Président de la République, Emmanuel Macron, déclarait sans ambiguïté : « on a mis en place les 30 minutes de sport obligatoires pour tout le primaire ». De même, la directrice générale de l’enseignement scolaire, Caroline Pascal, a soutenu lors de son audition devant notre commission que « 100 % des écoles les ont mis en place sous des formes différentes ».
Cependant, le rapport sénatorial d’évaluation des dispositifs fait état d’une réalité bien différente, indiquant que seulement 42 % des écoles se sont engagées dans ce programme pour la majorité de leurs élèves.
Pouvez-vous nous éclairer sur l’état actuel de la mise en œuvre de ce dispositif ? Par ailleurs, quelles actions envisagez-vous pour garantir son application effective dans toutes les écoles ? Comment comptez-vous doter les enseignants des ressources nécessaires, qu’il s’agisse d’équipements, de moyens financiers ou de formation, pour concrétiser ce projet ?
M. Bruno Bilde (RN). Le PLF 2025 prévoit la suppression de 4 000 postes d’enseignants, dont une part importante dans le primaire, un secteur déjà fragilisé par les réductions de moyens ces dernières années. Je suis fréquemment interpellé par les parents d’élèves et les familles qui expriment leurs vives inquiétudes quant à l’impact de cette diminution des effectifs sur la qualité de l’enseignement, mettant ainsi en péril l’avenir de leurs enfants.
Dans nos zones rurales et périurbaines, chaque poste s’avère indispensable pour éviter des classes surchargées, préserver un accompagnement pédagogique de qualité et garantir aux élèves les conditions optimales pour leur apprentissage et leur développement personnel. Justifier ces suppressions par une simple baisse démographique revient à réduire l’avenir de nos enfants à une équation budgétaire, reflétant une vision purement comptable qui méconnaît les besoins spécifiques de nos territoires.
Mme Véronique Riotton (EPR). Je souhaite rebondir sur la question du handicap. Vous évoquez votre volonté de vous atteler à un changement de modèle. À cet égard, je vous invite à découvrir à Annecy une école remarquable nommée « Mon École Extraordinaire ». Cette structure associative répond à des problématiques spécifiques en servant de passerelle pour réintégrer des enfants exclus du système scolaire traditionnel. Elle propose un accompagnement scolaire, éducatif et thérapeutique, destiné aux jeunes enfants neuro-atypiques.
Actuellement, l’école bénéficie d’une structure pérenne pour le niveau primaire, mais pas pour le collège. Ses ressources demeurent précaires, reposant principalement sur le mécénat et les associations. La réflexion à mener porte sur la manière dont l’éducation nationale et l’agence régionale de santé pourraient soutenir de tels dispositifs. Cette école accueille cinquante enfants, ce qui souligne l’importance de son action.
Comment envisagez-vous d’adapter le cadre juridique et administratif pour assurer la pérennité de ce type d’initiatives ?
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Je tiens à souligner, monsieur le ministre, votre engagement passé en faveur de l’enseignement professionnel lorsque vous étiez député. Vous affirmiez alors que cette filière devrait représenter une voie d’excellence plutôt qu’une impasse. J’espère que, dans vos nouvelles fonctions, vous conserverez un regard critique et une ambition sincère, notamment dans le cadre de la réforme actuelle qui suscite des controverses.
Pour améliorer l’insertion professionnelle des élèves de lycée professionnel, j’attire votre attention sur l’enjeu de la mobilité, facteur primordial pour l’emploi des jeunes. À l’issue du Conseil national de la refondation relatif à la jeunesse, la Première ministre s’était engagée, pour donner suite à une proposition de l’association « Une voie pour tous », à mettre en place une aide de 500 euros pour le permis de conduire. Cet engagement a depuis été abandonné, laissant les élèves et leurs familles perplexes. Quelle est votre position quant à la concrétisation de cette aide ?
Mme Delphine Lingemann (Dem). L’éducation constitue le fondement de notre société et représente le moteur de son évolution. Elle incarne également le moyen le plus efficace pour forger l’unité et la cohésion nationales.
La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, promulguée le 24 janvier 2023, a entériné la création de 100 classes de reconquête républicaine dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un amendement que j’ai proposé et qui a été adopté a étendu la mise en place de ces classes aux zones rurales. Pour mémoire, ces classes visaient à accompagner les jeunes en situation de décrochage scolaire dans la préparation des concours de la fonction publique. Quel est l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces classes de reconquête républicaine ? Avez-vous pris en considération les besoins spécifiques des territoires ruraux ?
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Madame la ministre, permettez-moi de vous poser quelques questions directes. Pensez-vous que les enseignants soient des feignants ? Pensez-vous que ce sont des menteurs ? Pensez-vous qu’ils sont trop payés ?
À moins de remettre en question la légitimité de leurs arrêts maladie ou supposer que leur rémunération soit telle qu’une perte de trois jours de salaire pour cause de grippe ne les affecterait pas, il est difficile de comprendre la justification de ces trois jours de carence annoncés par votre collègue en charge de la fonction publique. Cette annonce s’ajoute aux 4 000 suppressions de postes, au pacte enseignant et au choc des savoirs. Cela confine à la haine des fonctionnaires. Vous qui semblez avoir une expertise en gestion du personnel domestique, dois-je vous rappeler la distinction fondamentale entre le service de l’État et le travail forcé ?
Vous venez d’affirmer être aux côtés des enseignants et qu’ils vous trouvent toujours présente pour les soutenir. Envisagez-vous de les défendre en vous opposant à cette mesure insultante ?
Mme Béatrice Piron (HOR). Les conflits entre les familles et l’éducation nationale connaissent une augmentation significative. Néanmoins, des dispositifs de médiation existent déjà et s’avèrent être des outils efficaces pour apaiser ces tensions dès leur émergence. Certaines municipalités ont ainsi mis en place des médiateurs scolaires, dont le rôle est d’intervenir de manière préventive et de créer des espaces de dialogue au sein des établissements de leur territoire. J’ai d’ailleurs pu constater personnellement l’efficacité de ces mesures.
En parallèle, l’éducation nationale propose un service de médiation gratuit composé de 87 médiateurs académiques répartis dans les différentes académies. Leur mission consiste à accompagner les familles et les personnels éducatifs dans la résolution de leurs différends. Toutefois, ce dispositif demeure largement méconnu des familles.
Faute de recourir à ces solutions, les conflits sont fréquemment portés devant les tribunaux, déjà surchargés par le nombre de litiges qui leur sont soumis et dont le traitement s’étale sur plusieurs mois. Cette situation affecte directement le bien-être des enseignants et des élèves.
Dans ce contexte, quelle stratégie de communication envisagez-vous pour promouvoir le dispositif de médiation ? De plus, compte tenu de l’augmentation des saisines, prévoyez-vous d’accroître le nombre de médiateurs ?
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Je souhaite vous faire part de la question de Vanessa, une enseignante en primaire exerçant depuis plus de 18 ans, qui envisage de quitter sa profession à la fin de l’année scolaire. Elle a longuement hésité avant de formuler sa question, tant les problématiques sont nombreuses : des salaires insuffisants au dédoublement des classes qui n’a pas tenu ses promesses en termes d’effectifs, sans oublier les propos blessants tenus par votre collègue monsieur Kasparian.
Voici sa question : « Madame la ministre, l’école inclusive, annoncée en grande pompe par monsieur Blanquer, ne bénéficie d’aucun moyen sur le terrain. Nous ne sommes ni formés, ni accompagnés, et nous manquons d’AESH, alors qu’il est essentiel de pouvoir intégrer les élèves en situation de handicap dans nos classes. Mal rémunérée, dépourvue de moyens pour travailler, sans considération politique et servant de boucs émissaires face à l’austérité budgétaire, comment espérez-vous maintenir des vocations dans un métier que j’ai tant aimé ? »
J’ai perçu une grande émotion dans sa voix lorsqu’elle a évoqué son départ imminent et contraint. Votre nomination, madame la ministre, a suscité l’étonnement général. Vos compétences en matière de recrutement et de cuisine sont certes indéniables. Quelle est votre recette pour élever le niveau et améliorer les conditions de travail de Vanessa et de ses collègues ?
Mme Graziella Melchior (EPR). Je souhaite vous interroger sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques. L’année dernière, j’ai présenté devant cette commission un rapport issu d’une mission d’information menée conjointement avec Francesca Pasquini. Nous avions identifié plusieurs axes prioritaires, notamment la rénovation du bâti scolaire, essentielle pour des raisons tant écologiques qu’économiques. En effet, la déperdition énergétique entraîne des coûts considérables pour nos collectivités.
Dans cette optique, j’ai déposé un amendement visant à renforcer le fonds vert afin de mieux soutenir nos communes dans ces réhabilitations onéreuses. Les ministres Gabriel Attal et Christophe Béchu avaient initié l’an dernier un comité du plan rénovation écologique des écoles, conformément aux engagements du Président de la République. Pouvez-vous nous informer de la poursuite éventuelle de ce travail ?
Par ailleurs, nous avons jugé primordial que l’enseignement au développement durable soit approfondi dans nos écoles de manière transversale et pratique, notamment par des projets pédagogiques adaptés au niveau des élèves. Pourriez-vous nous exposer votre vision quant à la méthode d’enseignement de ce sujet ?
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Nous sommes conscients que le débat sur la partie dépenses n’aura pas lieu dans l’hémicycle. Un recours à l’article 49.3 de la Constitution est prévu ou un renvoi au Sénat avant toute discussion approfondie. C’est pourquoi je vous demande aujourd’hui de prendre un engagement ferme, non pas par des formules creuses ou des promesses médiatiques, mais devant les députés et la représentation nationale, concernant le rétablissement des 4 000 postes supprimés dans la version initiale du budget Barnier.
Hier, en Commission des finances, une majorité de parlementaires a approuvé l’amendement que j’ai proposé visant ce rétablissement. Ma question est donc simple et directe : vous engagez-vous à respecter le vote de l’Assemblée nationale et à réintégrer ces 4 000 postes supprimés à ce stade de la discussion budgétaire ?
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Dans un rapport publié en septembre, l’inspection générale de l’enseignement envisage de porter le plafond des classes dédoublées en REP et REP+ à 17 élèves. Cette modification pourrait entraîner la fermeture de 2 000 classes dans le scénario le plus défavorable, pénalisant ainsi les élèves les plus vulnérables et remettant en question votre politique de dédoublement. Cette dernière, déjà limitée à trois niveaux de classe, soulève par ailleurs plusieurs réserves.
Parallèlement, notre pays connaît une baisse démographique. Cette situation devrait vous inciter soit à étendre le dédoublement aux écoles des quartiers prioritaires de la politique de la ville non concernées actuellement, soit à assurer des effectifs raisonnables dans l’ensemble des établissements, garantissant ainsi de meilleures conditions d’apprentissage pour tous les élèves.
Envisagez-vous réellement de mettre en œuvre ce scénario, qui s’ajouterait à la suppression massive de 4 000 postes d’enseignants ? Ou, au contraire, comme l’évoquait votre prédécesseur, prévoyez-vous de réactualiser la carte du réseau d’éducation prioritaire, inchangée depuis une décennie ?
Mme Anne Genetet, ministre. Nous restons extrêmement vigilants face aux atteintes à la laïcité. Si nous avons observé une baisse de celles-ci concernant le port de signes ostensibles religieux, les contestations d’enseignements se multiplient. Nous apporterons un soutien total aux enseignants, dont les cours ne sauraient être remis en cause.
Concernant l’éducation aux médias, j’ai effectivement demandé qu’une réflexion soit menée sur un programme spécifique dans nos établissements, conduite par madame Spillebout.
Pour l’activité physique quotidienne, toutes les écoles ont reçu le kit, mais des progrès restent à faire pour sa pleine utilisation. Un test d’aptitude physique sera instauré en sixième pour évaluer la condition physique des élèves, s’inscrivant dans une démarche plus large d’évaluation de leur santé et de leur bien-être.
S’agissant des classes de reconquête républicaine, 50 sont actuellement ouvertes sur un objectif de 100 dans les quartiers populaires, ciblant les élèves décrocheurs. Elles proposent du soutien scolaire, des cours du soir et un engagement dans des réserves opérationnelles. Nous envisageons de nous appuyer sur l’expérience des classes de défense et de sécurité civile pour leur développement.
Quant à l’absentéisme des enseignants, je tiens à leur apporter mon soutien. Le nombre moyen de jours d’arrêt maladie des enseignants est l’un des plus faibles de la fonction publique. Je salue leur engagement malgré des conditions de travail parfois difficiles. Les mesures proposées par mon collègue Guillaume Kasparian ne concernent pas les affections de longue durée ni les accidents. Il est essentiel de mieux comprendre et accompagner les arrêts maladie, en lien avec les conditions d’exercice du métier. Le dialogue social avec les organisations syndicales permettra d’aborder ces questions.
Enfin, concernant les suppressions de postes évoquées par monsieur Bilde, je précise que deux collèges de sa circonscription, Pierre et Marie Curie et Danielle Darras Riaumont à Liévin, bénéficient de groupes de besoins avec 15 élèves. Ces établissements ne sont pas concernés par les suppressions de postes.
M. Alexandre Portier. Concernant le handicap et les troubles du neurodéveloppement (TND), je souhaite souligner l’engagement conséquent du ministère. À la rentrée 2024, nous prévoyons l’ouverture de 62 nouveaux dispositifs médico-sociaux et scolaires, dont 11 unités d’enseignement élémentaire et 20 en maternelle. Cet investissement significatif sur les premiers âges, période clé, portera le total à 613 dispositifs TND. Cette expansion notable témoigne de notre volonté d’améliorer les capacités de l’école à accompagner précocement les familles. J’accepte avec plaisir votre invitation à Annecy pour approfondir ce sujet.
Concernant le lycée professionnel, je reconnais l’importance capitale de la mobilité, notamment pour des raisons sociales et sociologiques. Cette problématique constitue indéniablement un facteur d’inégalité pour les territoires ruraux. Quant au financement de la mobilité, plusieurs options existent. La gratification de stage, pouvant atteindre 2 100 euros sur trois ans, pourrait légitimement contribuer au financement du permis de conduire. Notre rôle consiste également à encourager les jeunes à envisager cette utilisation.
Il convient de rappeler que les solutions ne relèvent pas exclusivement de l’éducation nationale. Le dispositif du permis à un euro par jour, un prêt à taux zéro, aide considérablement de nombreux jeunes. Notre mission consiste à former et outiller le personnel de chaque établissement pour orienter efficacement les élèves vers ces dispositifs.
Cette approche permettra d’accompagner nos jeunes, particulièrement dans les métiers où la mobilité s’avère indispensable, non seulement pour construire leur parcours, mais aussi pour répondre aux besoins du pays. Le lycée professionnel a pour vocation de relever les défis de souveraineté nationale en matière numérique, industrielle et énergétique. Pour atteindre cet objectif, il est impératif de dépasser toute forme d’assignation géographique ou sociale.
Mme Anne Genetet, ministre. Concernant le bâti scolaire, nous comptabilisons actuellement 4 125 projets, représentant un investissement de 534 millions d’euros. Le fonds vert a permis de mobiliser 500 millions d’euros d’engagements supplémentaires en 2024 pour la rénovation des écoles, et ces mesures seront maintenues en 2025. Il convient également de souligner l’action de la Banque des territoires, qui a contribué à hauteur de 2 milliards d’euros à un plan de rénovation concernant 10 000 écoles d’ici 2027. Je tiens à réaffirmer l’engagement de l’État aux côtés de nos écoles pour soutenir la rénovation du bâti scolaire.
Quant à l’éducation au développement durable, le sujet est trop vaste pour être développé ici. Néanmoins, je peux affirmer que sur le terrain, de nombreux enseignants déploient des dispositifs particulièrement efficaces, et il est important de les remercier.
Concernant le nombre maximum d’élèves dans les classes dédoublées des zones d’éducation prioritaires, on m’a demandé si j’étais favorable à l’augmentation de 12 à 17 élèves, comme l’avait recommandé l’inspection générale. Ma réponse est catégorique : je ne retiens pas ce scénario.
Pour ce qui est des 4 000 postes, je m’exprimerai au nom du Gouvernement lors de la séance publique. Vous avez évoqué le débat qui s’est tenu hier en commission des finances. Je tiens à préciser que je suis fermement opposée à l’augmentation du budget de 7 milliards d’euros visant à assurer la gratuité de l’enseignement scolaire, qui a été votée.
Mme Béatrice Bellamy (HOR). Je ne souhaite pas que le sport à l’école soit négligé dans le budget 2025. Il représente un enjeu majeur d’éducation et de santé publique. La circulaire de rentrée réaffirmait la nécessité d’accompagner l’héritage sportif des Jeux olympiques en dynamisant la pratique de 30 minutes d’activité physique quotidienne, en pérennisant la semaine olympique et paralympique et en renforçant les forces sportives dans le second degré. J’aspire vivement à ce que le PLF pour 2025 maintienne cette ambition.
J’ai soulevé un point d’alerte concernant l’accès aux équipements sportifs. Un déséquilibre persiste entre zones urbaines et rurales, avec des temps de trajet qui réduisent considérablement le temps effectif de pratique. Tous les établissements sont également confrontés à la difficulté des coûts de transport et à la diminution des financements publics. Cette situation risque de s’aggraver avec l’augmentation des contraintes pesant sur les collectivités territoriales.
Le risque encouru est une réduction des temps de pratique sportive, un manque de diversité dans les disciplines proposées et une accentuation des inégalités. Je souhaite donc ardemment que le budget 2025 anticipe cette difficulté croissante
Mme Prisca Thevenot (EPR). Je souhaite vous interroger sur la refonte des REP et REP+, ainsi que sur les dispositifs parallèles tels que les QPV et les contrats locaux d’accompagnement. Ces différents mécanismes se superposent et s’entrecroisent, mais manquent parfois de cohérence.
Les maires, forts de leur connaissance approfondie de l’histoire et de l’évolution de leur territoire, semblent les mieux placés pour appréhender les mutations démographiques et socio-économiques à l’échelle des quartiers.
À titre d’exemple, dans ma circonscription, le quartier de Meudon-la-Forêt bénéficie d’un contrat local d’accompagnement sans être classé en REP, REP+ ou QPV, alors qu’il nécessite urgemment des moyens supplémentaires.
Serait-il opportun de repenser l’ensemble de ces dispositifs en collaboration étroite avec les élus locaux ? Il conviendrait également de fonder cette réflexion sur la sociologie des écoles maternelles, plutôt que de se limiter aux collèges, afin d’intervenir plus précocement.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Je souhaite attirer votre attention sur l’absence persistante de suivi médical des professionnels de l’éducation nationale. Il est particulièrement préoccupant qu’aucune visite médicale ne soit prévue ni à l’entrée dans le métier, ni même après deux décennies d’exercice. J’ai récemment échangé avec une enseignante en fin de carrière qui m’a confié son impossibilité d’accéder à la médecine du travail. Le médecin, submergé par une charge de travail considérable ‑ jusqu’à 400 appels quotidiens ‑ se trouve lui-même en arrêt.
Face à cette problématique, je propose l’instauration d’une visite médicale obligatoire chez un médecin généraliste après 20 ans d’exercice. Cette mesure permettrait d’améliorer significativement le suivi médical de la profession enseignante.
M. Pierrick Courbon (SOC). Je souhaite aborder la question de l’interdiction du téléphone portable au collège, notamment la généralisation de la « pause numérique » annoncée par votre prédécesseur. Cette mesure contraindrait tous les collégiens à déposer leur téléphone à l’entrée de l’établissement dès janvier prochain.
Bien que le groupe socialiste adhère au principe de protection des collégiens contre un usage incontrôlé du téléphone, j’estime que votre approche est inadéquate. En effet, la généralisation a été annoncée avant même le début de l’expérimentation et sans aucune concertation, particulièrement avec les collectivités locales.
Cette décision soulève de nombreuses difficultés pratiques dans les établissements, notamment en termes de gestion des flux et de sécurité liée à la concentration de ces équipements. Dans mon département, le coût de cette mesure est estimé entre 800 000 et 2 millions d’euros, montant qui n’est actuellement pas compensé.
Envisagez-vous de renoncer à cette mesure ou prévoyez-vous d’accompagner financièrement les collectivités locales pour sa mise en œuvre ?
M. Philippe Fait (EPR). J’aurais pu évoquer la question du statut des AESH ou celle des directions d’école, dont les responsables croulent sous les tâches administratives au détriment de leur mission pédagogique. Cependant, je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur la situation des enseignants, souvent contractuels, qui, après avoir réussi le concours, se voient affectés à des centaines de kilomètres de leur domicile, alors même que des postes sont disponibles à proximité. Ce phénomène n’est pas anecdotique : dans ma circonscription, il concerne cinq enseignants.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi d’établir un parallèle avec le film Les sous-doués en vacances. Sans vouloir vous assimiler au personnage de Grace de Capitani, ni me comparer à Guy Marchand, je souhaite souligner que, tout comme la « Love Machine » truquée du film, les algorithmes d’affectation ont leurs limites. Il est impératif de réintroduire une dimension humaine dans ce processus.
Je souhaiterais donc connaître votre position sur ces affectations et les mesures que vous envisagez pour remédier à cette situation.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je souhaite aborder la question des temps scolaires des lycéens, un sujet qui semble vous tenir à cœur, comme en témoigne votre première audition avec le tiktoker SenseiDMots. Ce dernier réclamait une réforme et a recueilli 300 000 signatures pour sa pétition en moins d’un mois. Par ailleurs, la consultation lancée par mon collègue Louis Boyard a reçu plus de 220 000 réponses, révélant un constat alarmant : nos jeunes sont exténués. 59 % des jeunes se sentent épuisés après une journée de cours et 87 % décrivent un emploi du temps surchargé, sans compter leur angoisse massive liée à Parcoursup.
L’école de la République devrait éveiller les élèves et non les éteindre. Ces résultats nous incitent à repenser en profondeur les rythmes scolaires, en envisageant des journées de cours allégées, avec les matières les plus exigeantes le matin et des activités l’après-midi.
Ce modèle est déjà appliqué avec succès en Finlande et en Allemagne. Les études démontrent qu’un emploi du temps respectueux du rythme biologique améliore la concentration et réduit le stress. Claire Leconte, spécialiste des rythmes de l’enfant, rappelle que l’apprentissage ne doit pas s’apparenter à une épreuve d’endurance.
Il est impératif d’écouter cette jeunesse. Une école qui épuise est une école qui échoue. Quand envisagez-vous d’ouvrir une concertation nationale sur cette réforme indispensable des rythmes scolaires ?
Mme Céline Hervieu (SOC). Le système des affectations est étroitement lié aux enjeux d’attractivité. L’affectation dans le second degré repose sur un dispositif éprouvé depuis longtemps, mais qui suscite néanmoins de nombreuses interrogations parmi les jeunes enseignants que je rencontre. Leur préoccupation première, dès l’obtention de leur diplôme, concerne l’incertitude liée à leur lieu et à leur académie d’affectation.
Je m’interroge sur votre évaluation de l’efficacité actuelle de ce système d’affectation et sur les éventuelles pistes d’amélioration que vous pourriez envisager. Par ailleurs, comment expliquez-vous et comptez-vous remédier à la tendance consistant à affecter les enseignants novices dans les zones et les établissements les plus difficiles ? Cette pratique risque en effet de les détourner de la profession, malgré leur enthousiasme initial. Quelles mesures envisagez-vous pour faire face à ces défis ?
Mme Isabelle Rauch (HOR). Mes collègues ont largement abordé la réduction du nombre de postes d’enseignants. S’il est essentiel de veiller à une répartition territoriale équitable afin de ne pas pénaliser les zones les plus vulnérables, nous constatons dans nos circonscriptions une grande confusion chez nos concitoyens et les usagers du système éducatif entre les postes supprimés, les postes existants mais non pourvus, et les remplacements qui s’avèrent parfois impossibles à mettre en œuvre en cas d’absence du titulaire.
Je salue les efforts déployés ces dernières années pour accroître l’attractivité de la profession enseignante mais je m’interroge sur l’absence de perspectives budgétaires concernant la réforme du recrutement et de la formation initiale des professeurs. Pouvez-vous confirmer son report à 2026, comme vous l’avez mentionné lors de votre allocution du 3 octobre devant les recteurs ?
M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Le droit à l’éducation pour chaque enfant, indépendamment de son handicap, est-il véritablement garanti par l’éducation nationale ? Chaque rentrée scolaire génère la même anxiété pour des milliers de familles, qui s’interrogent sur l’accompagnement adapté dont bénéficiera leur enfant. Malheureusement, la réponse s’avère trop souvent négative.
Selon la Cour des comptes, le nombre d’enfants scolarisés en situation de handicap a triplé en quinze ans, atteignant 435 000 en 2022. Pourtant, les personnels essentiels et indispensables pour les élèves, les familles et les enseignants demeurent sous-rémunérés. Ils enchaînent des contrats morcelés qui les maintiennent dans une précarité salariale inacceptable.
Hier soir, la commission des finances a adopté un amendement que j’ai proposé visant à créer un corps de fonctionnaires de catégorie B pour les AESH. Cette mesure mettra fin à cette précarité et aux dysfonctionnements actuels.
Tous les AESH de notre pays ont les yeux rivés sur nous. Soutiendrez-vous cette titularisation ?
M. Aly Diouara (LFI-NFP). Sur les 90 questions écrites qui vous ont été adressées, aucune n’a reçu de réponse à ce jour. Je souhaite vous interroger sur le dispositif « Devoirs faits », censé être déployé dans nos collèges, en particulier dans le millier d’établissements en REP, dont un tiers en REP+. Je vous invite à allouer les ressources nécessaires pour renforcer la réussite scolaire, conformément à l’objectif initial de ce dispositif.
Néanmoins, force est de constater que « Devoirs faits » est actuellement en difficulté. Il ne profite pas à l’ensemble des élèves, notamment ceux en situation de handicap ou rencontrant des difficultés scolaires. La Cour des comptes souligne l’absence de progression liée à ce dispositif.
Dès lors, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il pour améliorer l’impact de « Devoirs faits » et en faire un véritable instrument d’égalité républicaine ?
Mme Josiane Corneloup (DR). Le recours massif aux AESH soulève des interrogations, notamment concernant l’insuffisance de leur formation. Les enseignants et les AESH estiment manquer d’outils et de préparation, tant en formation initiale que continue, pour affronter des situations qui excèdent parfois leurs compétences et leurs moyens d’action.
Le nombre d’élèves en situation de handicap a triplé entre 2006 et 2022. À la rentrée 2023, on comptait 78 817 AESH en poste, faisant de cette profession le deuxième métier le plus représenté au sein de l’éducation nationale. Sur le plan quantitatif, le succès est incontestable. Cependant, les effectifs élevés d’élèves porteurs de handicap par classe restreignent les possibilités d’individualisation des enseignements.
Les enseignants déplorent également le manque de supports pédagogiques adaptés et les délais excessifs pour obtenir les équipements nécessaires. Quant aux AESH, elles dénoncent une grande précarité, tant en termes de rémunération que de conditions de travail, ainsi que l’absence de statut.
En conclusion, des moyens supplémentaires s’avèrent indispensables, mais il est également nécessaire d’améliorer la coordination entre les milieux éducatifs et socio-éducatifs, tout en simplifiant les procédures administratives.
Mme Justine Gruet (DR). La baisse démographique nous oblige à reconsidérer les priorités pour l’avenir de notre pays. L’école doit demeurer un lieu essentiel d’acquisition du savoir, des savoir-faire et du savoir-être en société. Si l’éducation doit être au cœur de la cellule familiale, l’école doit porter cette chance de réussite et de méritocratie.
Face à la diminution du nombre d’élèves, sommes-nous capables de saisir cette opportunité pour maintenir les classes en zone rurale ? Cela impliquerait de préserver les postes d’enseignants, dont le travail est à la fois exigeant et remarquable, tout en s’attaquant à la suradministration. L’action de votre ministère devrait se concentrer sur les enfants plutôt que sur l’entretien d’une bureaucratie excessive.
Concernant l’enseignement professionnel, la baisse des effectifs par section menace certaines filières de fermeture. Il est impératif d’analyser les besoins en main-d’œuvre qualifiée de nos entreprises et artisans locaux. À défaut, nous risquons de former tous les élèves au même métier, sous prétexte d’une diminution des effectifs, sans tenir compte des besoins réels du bassin d’emploi.
Enfin, quelles mesures envisagez-vous pour protéger notre société, et particulièrement notre système scolaire, contre le fléau croissant de l’addiction aux réseaux sociaux ?
Mme Anne Genetet, ministre. La première question concerne l’héritage des Jeux olympiques et le sport à l’école. Une réunion de concertation est prévue début novembre pour les enseignants afin qu’ils réfléchissent à la traduction de cet héritage olympique dans leurs cours. Concernant le transport scolaire vers les enceintes sportives, un financement de l’Agence nationale du sport est prévu pour accompagner les collectivités territoriales.
La refonte de la carte de l’éducation prioritaire est en cours. Le format des cités éducatives fonctionne remarquablement bien, favorisant le dialogue entre les différents acteurs. Le profil des élèves en maternelle s’avère déterminant pour anticiper leur évolution. Pour les établissements qui sortiraient de l’éducation prioritaire, nous apporterons des réponses adaptées.
Concernant la médecine du travail, il est nécessaire de réfléchir à l’évolution du métier. L’académie de Limoges a mis en place un système offrant aux médecins de ville une formation complémentaire en médecine scolaire, leur permettant d’effectuer des vacations. Cette approche pourrait être adaptée à la médecine du travail, où le manque de praticiens est préoccupant. Il faut envisager des dispositifs permettant aux professionnels de santé d’acquérir une formation complémentaire en médecine du travail pour répondre aux situations les plus urgentes. Ce déficit de médecins du travail affecte l’ensemble des professions et constitue un défi à relever collectivement.
La loi interdit clairement l’usage du portable dans les écoles et collèges. Sa mise en œuvre relève du chef d’établissement, en dialogue avec la collectivité locale. Il convient de trouver des solutions adaptées localement, sans imposer une approche uniforme depuis Paris. Certaines classes pourront appliquer les consignes sans nécessairement recourir à des casiers ou des enveloppes.
Concernant les affectations, je reconnais que seulement 40 % des enseignants se déclarent satisfaits de leur affectation. Cette problématique constitue un chantier considérable que nous entamons, mais qui nécessitera du temps pour apporter des solutions d’ici la rentrée 2026. Néanmoins, des directives ont été transmises aux recteurs et aux directeurs des services de l’éducation nationale pour qu’ils tiennent compte de certaines situations particulières.
Les rythmes scolaires impliquent plusieurs parties prenantes : les élèves, les enseignants, les parents, mais aussi les infrastructures. L’exemple allemand, reconnu pour son approche du rythme de l’enfant, a été évoqué. Cependant, pour concentrer les matières exigeantes le matin, il faudrait augmenter le nombre d’enseignants et de salles de classe. De plus, nous devons considérer la prise en charge des enfants en dehors des heures d’enseignement, en accordant une attention particulière aux familles monoparentales. J’envisage de lancer une réflexion sur ce sujet l’année prochaine, notamment pour le premier degré, en concertation avec les différents acteurs, afin de concilier ces quatre composantes aux intérêts parfois divergents.
Sur le dispositif « Devoirs faits », 90 % des élèves de sixième et la moitié des collégiens en bénéficient actuellement, à raison d’1 heure 30 par semaine. Les moyens alloués s’élèvent à 140 millions d’euros. Ce programme fera partie intégrante de l’acte 2 du choc des savoirs, que je présenterai prochainement, dans le but d’améliorer le niveau des élèves et de les accompagner vers la réussite.
Pour la ruralité, j’ai évoqué la nécessité de réfléchir à un nouveau modèle scolaire permettant aux jeunes en milieu rural d’accéder à l’éducation dans les meilleures conditions de réussite et d’apprentissage.
La question des addictions aux réseaux sociaux sera abordée dans le cadre de la mission sur l’éducation aux médias et à l’information, que Mme Violette Spillebout conduira dans les mois à venir.
M. Alexandre Portier. Dix-neuf ans après la promulgation de la loi de 2005, nous pouvons dresser un bilan de l’engagement pris par la nation d’accueillir tous les enfants en situation de handicap dans nos établissements scolaires, quelles que soient leurs origines sociales, territoriales ou la nature de leur handicap. Cet engagement, initié sous la présidence de Jacques Chirac, a fait l’objet d’un consensus politique et s’est constamment renforcé depuis lors. Nous demeurons tous attachés à cet objectif et nous nous efforçons de lui faire franchir de nouvelles étapes.
Le chemin parcouru est considérable. Peu auraient imaginé que nous parviendrions à quadrupler le nombre d’enfants accueillis, passant de 130 000 à près de 500 000 cette année, avec des projections encore plus ambitieuses pour la rentrée prochaine. Cette progression s’explique par l’allocation de moyens conséquents et par l’amélioration de la détection précoce, notamment chez les plus jeunes.
Ce progrès quantitatif indéniable doit nous rendre fiers. Dans un contexte où l’on critique souvent notre système éducatif, je tiens à saluer l’engagement de tous les acteurs – enseignants, chefs d’établissement, AESH, personnels des structures médico-sociale – qui ont rendu possible cette avancée remarquable, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. C’est l’une des marques d’une grande nation scolaire que de s’efforcer de tenir une telle promesse.
Cet engagement s’est traduit par des moyens financiers conséquents : 4,6 milliards d’euros ont été alloués dans le budget 2025. Peu de domaines connaissent une telle progression budgétaire. Ce choix national nous permet notamment de recruter davantage d’AESH pour mieux répondre aux besoins des familles, et d’ouvrir de nouveaux dispositifs Ulis, particulièrement adaptés au second degré.
De plus, 115 emplois seront alloués aux troubles du neurodéveloppement, auxquels s’ajouteront des emplois administratifs essentiels pour améliorer la qualité du suivi des familles. Nous avons également budgété 25 millions d’euros pour les matériels pédagogiques adaptés, un enjeu complexe compte tenu de la forte dynamique des besoins sur nos territoires.
Des difficultés persistent, comme l’a justement relevé Josiane Corneloup. Deux chantiers prioritaires se dégagent, qui ne se résument pas à une question de moyens, mais nécessitent une prise en charge approfondie. Il ne suffit pas d’augmenter les ressources pour répondre aux attentes qualitatives et humaines des familles.
Sur le plan pédagogique, nous constatons effectivement un manque dans la formation initiale et continue. Cependant, des progrès ont été réalisés. Dans le premier degré, 25 heures de formation sont désormais intégrées au concours de recrutement de professeurs des écoles. Cette évolution a permis une nette amélioration. En revanche, le second degré requiert encore des efforts. De nombreux enseignants certifiés ou agrégés n’ont pas bénéficié d’heures sur l’école inclusive dans leur formation, ce qui n’est pas satisfaisant.
Pour remédier à cette situation, nous devons développer des contenus pédagogiques adaptés. Il ne s’agit pas simplement d’ajouter des heures, mais de construire une pédagogie appropriée aux différents handicaps et besoins particuliers. Cela implique d’adapter les programmes, de réajuster les méthodes pédagogiques et de repenser les modalités d’évaluation. Nous ne pouvons plus enseigner en 2024 comme nous le faisions il y a vingt ans, compte tenu des évolutions sociales et des politiques en faveur du handicap. Nos ambitions doivent être plus élevées.
Des instituts, encore méconnus, ont entamé ce travail. Notre mission consiste à renforcer les liens entre la recherche menée dans l’enseignement supérieur et l’éducation nationale. Nous nous attelons dès à présent à cette tâche, qui constituera un véritable motif de fierté.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie pour vos réponses. Nous espérons vous retrouver le 12 novembre en séance publique.
1. Réunion du mercredi 30 octobre 2024 à 16 heures trente (suite)
La commission examine, pour avis, des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie).
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons l’examen des amendements se rapportant aux crédits de l’enseignement scolaire.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-327 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Par cet amendement, adopté par la commission des finances, nous proposons de tenir la promesse de la gratuité réelle de l’éducation. De fait, l’école n’est pas gratuite lorsque les familles doivent payer la cantine, les fournitures et les transports. Pour les plus modestes d’entre elles, ces frais sont autant d’obstacles dans l’accès aux contenus éducatifs proposés par l’école. Il s’agit donc d’apporter un soutien aux parents d’élèves durement frappés par l’augmentation du coût de la vie, en particulier de la cantine et des fournitures scolaires.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Pour des raisons qui tiennent à notre équilibre budgétaire, je ne peux être favorable au programme que vous proposez de créer et de financer à hauteur de 6,2 milliards d’euros.
En outre, de nombreuses mesures visant à limiter les frais restant à la charge des familles pour la scolarité de leurs enfants seront maintenues en 2025. Ainsi, l’ensemble des crédits en faveur de l’accompagnement des enfants défavorisés ou en difficulté sont reconduits – subventions aux associations qui participent au dispositif Devoirs faits, fonds sociaux, école ouverte, vacances apprenantes – ou renforcés, comme les crédits éducatifs divers et le pass culture.
Les moyens dévolus aux bourses attribuées aux collégiens et lycéens augmentent quant à eux de 34 millions d’euros. En effet, à compter de la rentrée de 2024, le consentement des familles est recueilli à l’entrée en sixième pour que soit étudié automatiquement, chaque année, le droit à bourse de leurs enfants. De même, au lycée, l’examen du droit à bourse se fera désormais annuellement et l’attribution ne sera donc plus limitée aux seuls élèves en situation d’être boursiers au moment de leur sortie de troisième.
Il convient de citer également les crédits pédagogiques prenant la forme de subventions versées aux établissements. Ainsi, l’an dernier, une enveloppe de 33 millions d’euros a permis de financer l’achat de manuels scolaires pour les élèves de primaire, et une nouvelle enveloppe de 85 millions est prévue en 2025 pour l’acquisition de nouveaux manuels en sixième.
Surtout, l’allocation de rentrée scolaire, versée par la caisse d’allocations familiales sous condition de ressources, est comprise entre 416 et 455 euros selon l’âge de l’enfant et destinée à financer l’achat des fournitures scolaires.
Grâce à ces dispositifs, souvent complétés par des initiatives des collectivités territoriales, l’école est, sinon gratuite, du moins accessible à l’ensemble des élèves.
M. Roger Chudeau (RN). Notre groupe s’opposera à cet amendement, qui nous paraît teinté de démagogie. En effet, ce qui est gratuit, c’est l’instruction, qui relève de l’État, et non l’école : les élèves sont nourris par les communes, et transportés par les régions et les départements.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur pour avis, il ne vous a pas échappé que, lors de l’examen de la première partie du budget, nous avons adopté une série de mesures qui permettent de dégager de très importantes recettes. Je pense à la taxe Zucman, qui s’appliquera aux dix plus gros patrimoines français et dont le produit alimentera le budget de l’État à hauteur de 13 milliards d’euros, soit plus du double du coût de la mesure que je propose.
En conséquence, l’argument budgétaire ne tient pas : il nous revient de faire un choix politique, dont l’enjeu idéologique a été parfaitement résumé par le représentant de l’extrême droite.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-328 de M. Rodrigo Arenas
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement de repli. Comment la ministre de l’éducation nationale peut-elle parler de chimère à propos d’une mesure appliquée en Finlande ? Une mesure qui n’a, du reste, rien de démagogique, monsieur Chudeau, car, en matière de cantine et de transports scolaires, les élèves ne sont pas sur un pied d’égalité : ils sont traités de manière différente selon la collectivité où ils sont scolarisés et la situation de leur famille. Or c’est précisément le rôle de l’État de corriger ces inégalités pour que nous fassions République ensemble.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Vous proposez d’instaurer la gratuité de l’école publique pour les élèves relevant de l’éducation prioritaire en créant un programme financé à hauteur de 920 millions d’euros. J’ajoute aux arguments que j’ai développés précédemment qu’il me semble préférable de ne pas limiter à l’éducation prioritaire l’aide apportée aux enfants défavorisés. En effet, un rapport de la Cour des comptes de 2021 établit que 70 % des élèves issus d’un milieu défavorisé ne sont pas scolarisés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire. Pour cette raison et eu égard au coût que votre amendement représenterait pour les finances publiques, j’émets un avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je ne comprends pas que vous refusiez cet argument de repli dès lors que le Gouvernement, que vous soutenez, a précisément pris une mesure, financée par l’État, en faveur des enfants de maternelle relevant de l’éducation prioritaire, à savoir le petit-déjeuner gratuit. L’action publique doit être cohérente. Au demeurant, pourquoi des mesures de ce type ne pourraient-elles pas s’appliquer tout au long de la scolarité ?
M. Philippe Fait (EPR). J’ai parfois le sentiment qu’ici, on voit tout en noir. Monsieur Arenas, vous proposez que la cantine soit gratuite, mais elle l’est déjà. De même, le transport et les sorties scolaires sont pris en charge et les activités périscolaires le sont également en grande partie. Quant aux fournitures et aux manuels scolaires, ils sont offerts.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-369 de M. Paul Vannier.
Amendement II-458 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit en quelque sorte, là encore, d’un amendement de repli puisqu’il vise à assurer la gratuité des fournitures scolaires à l’ensemble des élèves des écoles élémentaires, comme le proposait le projet arrivé en tête à l’issue des dernières élections législatives. Le coût de ces fournitures s’élevait en moyenne, à la rentrée 2023, à 233 euros.
Cette mesure en faveur du pouvoir d’achat est également une mesure d’égalité, car la gratuité est déjà en vigueur dans certaines communes. Or on ne peut pas s’en remettre uniquement au volontarisme ou aux moyens des collectivités territoriales. Accessoirement, une telle mesure nous épargnerait les débats nauséabonds qui reviennent chaque année au moment du versement de l’allocation de rentrée scolaire.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Outre le fait que le coût de cet amendement s’élèverait à 406,5 millions d’euros, je rappelle que l’allocation de rentrée scolaire, dont le montant est compris entre 416 et 455 euros, est spécifiquement destinée à financer l’achat des fournitures scolaires – dont le montant moyen, avez-vous dit, était de 233 euros en 2023. Avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je m’étonne que l’on prône l’égalité de traitement des élèves, d’un côté, et que l’on fasse des distinctions, de l’autre. Tout d’abord, l’allocation de rentrée scolaire n’est pas une bourse allouée aux familles les plus précaires : lors de la rentrée, les dépenses des familles ne se limitent pas aux fournitures scolaires – je pense aux licences sportives ou aux vêtements, par exemple.
Sur le fond, la France a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant, qui stipule que chaque enfant a droit à l’éducation. Or ce droit est remis en question par le fonctionnement même de notre école. Il y va, non pas du pouvoir d’achat des familles, mais des droits des enfants, comme en témoigne la décision prise par des communes de toute obédience politique de prendre en charge le coût des fournitures scolaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-331 de M. Rodrigo Arenas
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il s’agit de créer un fonds destiné à financer la construction d’écoles publiques. Dans notre pays, les parents ont le choix de scolariser leurs enfants dans des écoles publiques ou dans des écoles privées. Toutefois, il arrive que ces dernières, qui sont à 95 % confessionnelles, bénéficient d’une concurrence déloyale dans certains territoires dépourvus d’écoles publiques. Nous proposons donc d’accompagner les communes qui souhaitent se doter d’une école publique mais qui n’en ont pas les moyens. Il y va du respect des principes d’égalité et de laïcité, et de la liberté de choix des parents.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le fonds dont vous proposez la création serait doté de 500 millions d’euros. Les travaux de préparation de la carte scolaire donnent lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux qui permettent d’apprécier la situation et de décider, le cas échéant, d’ouvrir ou de fermer une école. En la matière, la décision dépend de la situation démographique de la commune. En tout état de cause, lorsqu’une commune décide de construire une école, elle se fait fort de trouver les accompagnements nécessaires, notamment en sollicitant le concours de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dont relèveraient les crédits que vous entendez créer. Ainsi, dans ce type d’opérations, l’État est très souvent partenaire de la commune à hauteur de 40 % ou 50 %, voire beaucoup plus. Avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). On observe en effet des phénomènes de déprise démographique, que la fermeture d’écoles contribue d’ailleurs souvent à accélérer. Mais l’amendement II-331 vise, au fond, à garantir la liberté du choix de l’enseignement, qui est une liberté fondamentale reconnue par la Constitution. De fait, dans certains départements, notamment du grand Ouest – le Morbihan, le Maine-et-Loire ou la Vendée –, il faut parfois faire beaucoup de route pour scolariser ses enfants dans le public. Cette situation contrevient à la liberté de choix des familles, car ces déserts d’écoles publiques comptent souvent de nombreuses écoles privées sous contrat.
J’appelle donc ceux de nos collègues qui, au-delà de leur appartenance partisane, ont le souci de défendre la liberté des parents de scolariser leurs enfants dans l’école de la République à soutenir cet amendement.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Notre commission vient de refuser la prise en charge des transports scolaires par l’État. Or lorsqu’on vit dans un désert d’écoles publiques, on n’a bien souvent pas d’autre choix que de scolariser ses enfants dans une école privée, car les écoles publiques sont si lointaines que le coût du transport devient un facteur important. Là encore, le principe d’égalité est mis à mal.
M. Roger Chudeau (RN). C’est une belle idée que celle d’avoir une école publique dans chaque village – c’était le souhait de Jules Ferry. Mais, comme disait Brecht, la réalité est concrète. Bien souvent, la déprise démographique est telle qu’aucune commune ne réclame la création d’une école publique lorsqu’il existe déjà une école confessionnelle, ou libre, sur son territoire. Votre proposition me semble donc un peu hors-sol.
De toute façon, l’école est communale ; je ne crois pas que l’État doive créer un fonds spécial pour financer leur construction. Grâce notamment à la DETR, les communes qui souhaitent créer une école – et nous les y encourageons – ne manqueront pas de moyens. Il est donc inutile de bloquer 500 millions d’euros à cette fin.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-370 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Il s’agit d’augmenter immédiatement de 15 % le traitement des enseignants. Cette mesure catégorielle se justifie, d’une part, par la très grave paupérisation des enseignants au cours des dernières années – en 1980, un enseignant percevait 2,3 Smic en début de carrière, contre 1,2 Smic aujourd’hui –, d’autre part, par la nécessité de reconnaître l’investissement des enseignants dans cette mission fondamentale qu’est l’enseignement.
Mais il y va également de l’intérêt général, car il nous faut remédier à la grave crise de recrutement qui frappe l’ensemble des concours de l’enseignement, lesquels ne permettent plus de recruter un nombre suffisant de candidats ayant un niveau satisfaisant. Ainsi les conditions d’apprentissage se dégradent-elles du fait du recours à des contractuels recrutés parfois dans des conditions déplorables – je pense aux job dating.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La question de la revalorisation de la rémunération des enseignants est importante. C’est pourquoi, depuis 2017, nous avons pris différentes mesures telles que le relèvement des principales indemnités de fonction perçues par les personnels enseignants, les conseillers principaux d’éducation (CPE) et les psychologues de l’éducation nationale (psy-EN) ou la revalorisation de la prime d’attractivité pour un montant compris entre 600 et 1 780 euros brut annuels en fonction de l’ancienneté.
Ainsi, tous les professeurs titulaires, CPE et psy-EN commencent désormais leur carrière avec une rémunération supérieure à 2 000 euros net par mois. Les professeurs néotitulaires perçoivent 2 102 euros net – 2 466 euros net en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+). De plus, la prime d’attractivité est étendue aux professeurs stagiaires.
Des mesures visant à fluidifier la carrière de ces personnels permettent d’accélérer leur accès au grade supérieur de façon qu’ils terminent leur carrière à des indices plus élevés qu’auparavant. Par ailleurs, l’ensemble des mesures prises dans le cadre des rendez-vous salariaux de 2022 et 2023 concernent également ces personnels, à commencer par la hausse du point d’indice et l’octroi, au 1er janvier 2024, de 5 points d’indice majoré.
Au total, sans même évoquer les revalorisations liées au pacte enseignant, les enseignants titulaires gagnaient en moyenne, en janvier 2024, 258 euros net de plus par mois que deux années auparavant, soit une progression de 11 %.
Compte tenu de ces différents éléments, j’émets un avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). La prétendue hausse de 11 % de la rémunération des enseignants au cours des deux dernières années est intervenue dans un contexte marqué par une inflation qui n’avait pas atteint un tel niveau depuis très longtemps.
Je m’inscris en faux contre l’affirmation, trop souvent entendue, qu’en début de carrière, un enseignant percevrait plus de 2 000 euros net. Lorsqu’on commence sa carrière, on n’est pas néotitulaire : on est fonctionnaire stagiaire et, à ce titre, on perçoit bien souvent moins de 2 000 euros net.
Enfin, l’écart de salaire entre les enseignants français et leurs homologues européens est considérable. Selon des chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiés en septembre 2024, après 15 ans de carrière, un enseignant français gagne 46 886 dollars par an quand un enseignant allemand perçoit 93 943 dollars.
M. Pierrick Courbon (SOC). À vous entendre, monsieur le rapporteur pour avis, on n’a jamais autant fait que depuis 2017. Il n’en reste pas moins que les candidats aux concours n’ont jamais été aussi peu nombreux. De fait, la profession d’enseignant est complètement dévalorisée ; elle doit donc d’abord être reconnue, ce qui implique de s’abstenir de stigmatiser les fonctionnaires en les considérant comme des fainéants coupables d’absentéisme et de revaloriser leur fiche de paie.
Vous refusez notre proposition. Dont acte ! Mais que proposez-vous pour que l’on ne se trouve pas dans l’obligation de recruter des professeurs sur Le Bon Coin ?
Mme Géraldine Bannier (Dem). Si nous n’envisageons pas de voter pour cet amendement, nous sommes néanmoins sensibles à la question de la revalorisation du métier d’enseignant. Le dégel du point d’indice, après de longues années de stagnation, était impératif. Un ancien ministre de l’éducation nationale souhaitait l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle afin de poursuivre dans la voie de la revalorisation – car il est évidemment nécessaire que la rémunération des enseignants suive l’inflation. La réflexion doit se poursuivre.
M. Roger Chudeau (RN). Nous sommes opposés aux revalorisations forfaitaires, globales et massives. Il n’y a, par exemple, aucune urgence à augmenter de 15 % la rémunération des professeurs de classe préparatoire, que j’estime beaucoup par ailleurs. En revanche, il serait très utile de revaloriser de 15 % à 20 % des milliers d’autres carrières. Le problème doit être étudié avec sérieux et finesse ; il ne peut pas être réglé à l’emporte-pièce.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-371 de M. Rodrigo Arenas
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à augmenter de 10 % la rémunération des enseignants.
J’entends l’argument de M. Chudeau, mais il avait la possibilité de déposer un sous-amendement. J’interprète donc plutôt sa position comme la manifestation d’une volonté farouche, quasi doctrinaire, d’ignorer que, sur le temps long, les enseignants ont vu baisser, non pas leur pouvoir d’achat, mais la monétisation de leur apport à la nation – et nous en sommes tous comptables. Nous avons déposé ces amendements parce que nous considérons que les enseignants contribuent au-delà de leur salaire à faire tenir la maison éducation nationale, laquelle est, hélas ! en cours d’effondrement. Il leur arrive notamment de contribuer personnellement à l’achat de matériel ou au financement de sorties scolaires, car les collectivités sont exsangues.
Lorsqu’on prétend aimer les enseignants, il faut leur donner des preuves de cet amour, notamment en augmentant leur rémunération.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je souscris pleinement à l’idée émise par Mme Bannier d’une programmation pluriannuelle de la revalorisation des rémunérations des enseignants. Nous pourrions, les uns et les autres, y travailler assidûment, car nous nous accordons sur la nécessité d’aller plus loin en la matière.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). La crise est là, comme en témoignent les difficultés de recrutement et la multiplication des démissions. Nous ne pouvons pas reporter sans cesse les décisions qui s’imposent en appelant à poursuivre la réflexion ou à organiser un débat sur une programmation pluriannuelle. La pénurie d’enseignants est telle que le système éducatif public est à l’arrêt : 15 millions d’heures de cours n’ont pas été remplacées l’an dernier ! Nous sommes tout près d’un effondrement comparable à celui que connaît l’hôpital public.
Il faut donc agir de manière urgente en mobilisant des moyens considérables. Il est de notre responsabilité, car nous en avons le pouvoir, d’apporter des solutions à ce problème national majeur qui met en péril l’avenir de notre jeunesse et celui de notre pays.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-372 de M. Paul Vannier.
Amendement II-311 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). C’est un troisième repli ! Si nous n’avions pas été appelés aux urnes, je serais encore certainement enseignant. Or il y a des revalorisations historiques que je n’ai jamais vues sur ma feuille de salaire. Dans son rapport « Regards sur l’éducation » de septembre 2024, l’OCDE souligne qu’entre 2015 et 2023, la rémunération des enseignants français est restée stable en euros constants tandis que celle de leurs homologues européens a augmenté en moyenne de 4 %. Nous proposons donc d’augmenter la rémunération des enseignants de 2,97 %. À ce propos, j’appelle votre attention sur le fait que la courbe des salaires est ainsi conçue dans l’éducation nationale que leur milieu de carrière est particulièrement paupérisé.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je sais, pour avoir été membre de l’éducation nationale pendante trente et un ans, que le milieu de carrière des enseignants doit en effet faire l’objet de mesures spécifiques. Néanmoins, je suis défavorable à votre amendement.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Une institutrice de maternelle – qui a démissionné depuis – me racontait qu’au bout de quinze ans de carrière, elle touchait 400 euros de moins par mois que des contractuels novices qui venaient boucher des trous ; pire, elle devait les former. C’est ubuesque. Les professeurs n’en peuvent plus et démissionnent. Il est indispensable de les augmenter.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous nous sommes tous émus devant Mme la ministre de la suppression de 4 000 postes ; j’ose espérer que ce n’étaient pas des larmes de crocodile. Je souhaite que nous parvenions à les recréer contre la volonté du Gouvernement, mais si nous échouons à les pourvoir en raison de salaires insuffisamment attractifs, nous aurons créé une enveloppe budgétaire qui ne sera pas consommée ; il n’y aura rien de pire à assumer lors du prochain exercice budgétaire : ce sera notre échec collectif. Cet amendement se contente du minimum, à savoir une revalorisation au niveau de l’inflation. Je vous invite à le voter, pour ne pas que nous nous ridiculisions lors du prochain exercice budgétaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC480 de M. Frédéric Maillot
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Il n’est pas prévu de revaloriser le point d’indice en 2025, alors que les crédits destinés au pacte enseignant sont maintenus. Ce dernier est pourtant loin de faire l’unanimité : seuls 24,4 % des enseignants du second degré public l’ont signé en 2023‑2024. Il creuse les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, et profite davantage au privé qu’à l’enseignement public. C’est pourquoi nous proposons de transférer les crédits supplémentaires destinés au pacte enseignant dans le second degré vers un nouveau programme Revalorisation inconditionnelle des traitements des professeurs du second degré public.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC505 de Mme Nicole Sanquer
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Nous sollicitons un plan de revalorisation pluriannuelle des enseignants doté de 600 millions d’euros, qui viserait particulièrement les professeurs en milieu de carrière. Entre 2000 et 2020, les enseignants ont perdu 15 % à 25 % de pouvoir d’achat du fait de la sous-indexation puis du gel de leurs salaires par rapport à l’inflation. Les revalorisations de ces dernières années ont permis un premier rattrapage, mais elles restent suffisantes. Il est indispensable de les poursuivre.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je ne rappellerai pas les mesures qui ont été prises en 2022 et 2024.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC478 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous demandons, cette fois, que les crédits supplémentaires destinés au pacte enseignant dans le premier degré soient employés à une revalorisation inconditionnelle des professeurs du premier degré.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC307 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Nous nous opposons à la réduction des crédits de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) prévue par le Gouvernement. Vous devez comprendre qu’au train où vont les choses, nous n’aurons plus d’enseignants.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La Gipa concerne l’ensemble de la fonction publique ; les dépenses associées ne peuvent donc faire l’objet de modulations sur la seule mission Enseignement scolaire. Il faut aussi rappeler l’ensemble des mesures qui ont été prises l’an dernier. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC481 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je persiste et signe : nous demandons que les crédits supplémentaires du pacte enseignant dans la filière technique et agricole soient consacrés à une revalorisation inconditionnelle du traitement des professeurs concernés.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je salue votre pugnacité, mais mon avis reste défavorable pour les raisons déjà évoquées. Nous débattrons de l’enseignement agricole tout à l’heure.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Quelle proportion des crédits du pacte enseignant est consommée par les professeurs de l’enseignement privé sous contrat ?
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je n’ai pas la réponse. Je sais en revanche que la moitié environ des enseignants de l’enseignement privé sous contrat adhèrent au pacte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC304 de M. Laurent Croizier
M. Laurent Croizier (Dem). L’éducation nationale a besoin d’un choc d’attractivité pour surmonter la crise de confiance et de recrutement qu’elle traverse. Cela passe par différents leviers : restaurer l’autorité des professeurs, leur assurer respect et reconnaissance, y compris en dehors de l’école, reconnaître leur rôle d’experts et d’ingénieurs en transmission des savoirs et des compétences, revaloriser leur salaire. Malgré les revalorisations engagées par le gouvernement précédent, les enseignants français restent moins payés que leurs homologues européens et que les autres fonctionnaires de catégorie A.
Par cet amendement d’appel, nous demandons l’ouverture de négociations avec les partenaires sociaux en vue d’une grande loi de programmation pluriannuelle de revalorisation salariale.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable dans le cadre de cette mission budgétaire, même si je suis convaincu que nous devons réfléchir à une programmation pluriannuelle de la revalorisation salariale des enseignants.
Mme Céline Calvez (EPR). À l’heure où plusieurs budgets ministériels sont rognés, nous constatons que l’existence de lois de programmation préserve les crédits des ministères régaliens. Il est dommage qu’il n’en soit pas de même pour l’éducation nationale. Nous ne voterons pas cet amendement, mais nous tenons à exprimer notre attachement à une loi de programmation pluriannuelle sur l’éducation, qui dépasserait le seul sujet des revalorisations salariales.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). C’est sidérant ! Collègues macronistes, vous votez contre l’augmentation du traitement des enseignants, et vous vous payez de mots avec un amendement à 1 euro appelant à une grande discussion sur les salaires ! C’est indigne. Vous faites une petite vidéo pour laisser croire que vous vous préoccupez du sujet, mais vous empêchez l’adoption d’amendements qui résoudraient le problème. Ce double discours est insupportable et malhonnête vis-à-vis de vos électeurs. La paupérisation des enseignants ne cesse de s’aggraver ; arrêtez de les mépriser.
M. Laurent Croizier (Dem). En matière d’indignité, M. Vannier a beaucoup de leçons à donner !
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous voulons nous aussi augmenter les professeurs. Les chiffres le démontrent : la rémunération des enseignants a davantage augmenté entre 2017 et 2022 qu’entre 2012 et 2017. Certes, il faut aller plus loin, mais recevoir des leçons d’une gauche qui n’a pas été capable d’augmenter les enseignants quand elle était au pouvoir, c’est un peu fort !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous partageons tous le même constat : la rémunération des enseignants est insuffisante. Nous venons de proposer une série d’amendements pour y remédier, avec des solutions de repli. Collègues macronistes, vous avez su mettre le Gouvernement en minorité quand vous avez refusé de supprimer les exonérations de cotisations sociales pour les employeurs, mais quand il s’agit d’augmenter le salaire des enseignants, vous n’êtes plus là ! Manifestement, vous vous souciez davantage des entreprises que des professeurs. Les intéressés jugeront.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC459 de Mme Florence Herouin-Léautey
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Cet amendement, comme les suivants, illustre la conception que se font les députés socialistes de la reconnaissance et de la valorisation du personnel qui encadre les enfants. Si nous voulons lutter contre la déscolarisation, apaiser le climat scolaire, lutter contre le harcèlement et mieux inclure tous les élèves, il faut renforcer l’accompagnement des élèves. Or ces métiers sont en crise. Nous proposons une revalorisation de 5 % du salaire des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), des CPE, des assistants d’éducation (AED), des infirmières scolaires, des assistantes sociales et des psychologues, ces personnels non enseignants qui jouent un rôle crucial auprès des élèves.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Permettez-moi de rappeler les revalorisations déjà appliquées à ces personnels, soit au titre de mesures catégorielles, soit dans le cadre du rendez-vous salarial. Entre avril 2022 et janvier 2024, les CPE et les psy-EN, à l’instar des enseignants, ont bénéficié d’une revalorisation moyenne de plus de 11 %, soit 258 euros net mensuels. La rémunération des AESH a progressé de 13 % en moyenne entre juin 2023 et janvier 2024, et de 41 % depuis 2017 – même si je suis convaincu que nous devons aller plus loin. Entre 2020 et fin 2024, la rémunération des assistants de service social (ASS) aura progressé de 19 % en moyenne, soit un gain moyen annuel de 6 179 euros brut, celle des conseillers techniques de service social (CTSS) de 20 %, celle des médecins scolaires de 19 % et celle des infirmiers scolaires de 22 %. Ces personnels ont également bénéficié de mesures générales : augmentation de 1,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique au 1er juillet 2023, octroi de cinq points d’indice majorés au 1er janvier 2024 et prime de pouvoir d’achat exceptionnel.
Nous pouvons sans doute aller plus loin, mais compte tenu de toutes ces avancées récentes, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC463 de Mme Ayda Hadizadeh et II-AC462 de Mme Fatiha Keloua Hachi
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit de revenir sur la baisse de plus de 20 % du budget alloué aux indemnités de tutorat pour les enseignants du premier degré prévue en 2025. Il faut corriger ce très mauvais signal.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les indemnités de tutorat financent l’accompagnement, par des enseignants titulaires, d’enseignants stagiaires ou d’étudiants en master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (Meef). Lors de l’examen de la mission, je me suis interrogé sur la baisse des crédits qui leur sont alloués ; il s’avère qu’ils étaient budgétés à un niveau très supérieur à leur consommation réelle les années précédentes. Pour le premier comme le second degré, la budgétisation des indemnités de tutorat tient compte, d’une part, de l’exécution constatée en 2023 et de la tendance pour 2024 ; et intègre d’autre part une marge d’évolution afin d’inciter au tutorat. Le ministère travaille à la revalorisation de cette indemnité, provisionnée dans le budget 2025. Au regard de ces informations, avis défavorable.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je ne comprends pas que les ministères retirent les budgets qui n’ont pas été consommés. Il faudrait plutôt se demander pourquoi ils ne le sont pas : les enseignants sont-ils suffisamment informés de la possibilité d’être tuteur ? La formation par les pairs est essentielle dans le monde éducatif. Diminuer ces crédits 3 millions d’euros, c’est s’assurer que le tutorat disparaîtra. Dans la même logique, il faudrait supprimer les crédits alloués aux médecins scolaires, puisque nous n’en avons quasiment plus – ils sont moins de 900 ! Je ne peux pas entendre cet argument.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Si les enseignants ne font plus de tutorat, c’est parce que la charge est trop lourde par rapport à ce qu’elle rapporte. Ils le font quelque temps car ils sont soucieux que le système fonctionne, mais ils finissent par abandonner.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Gardons précieusement cet amendement en mémoire, car il est l’illustration parfaite de notre échec collectif. Une ligne de crédit permettait en théorie de financer le tutorat, mais le ministère reconnaît lui-même que ces missions ne trouvent pas preneur parce qu’elles sont insuffisamment rémunérées.
La commission vient de rejeter des revalorisations suffisamment attractives pour pourvoir les fameux 4 000 postes. Or le ministère lui-même juge cette logique mortifère pour combler les postes. Nul doute que l’année prochaine, les crédits seront retirés parce qu’ils auront été sous-consommés. C’est ainsi qu’il y a quelques années, le ministère a récupéré les crédits des fonds sociaux pour les familles qui n’avaient pas été utilisés. C’est dénier aux enseignants, comme aux familles en situation de précarité, une valeur fondatrice de leur humanité : la dignité.
M. Christophe Proença (SOC). J’ai eu la chance d’enseigner dans un lycée technique pendant trente-cinq ans, et j’ai souvent été le tuteur de débutants, qui arrivaient un peu perdus. Je peux témoigner du rôle essentiel que constitue cet accompagnement – d’autant que le taux d’abandon des jeunes enseignants n’est pas négligeable. C’est un phénomène assez nouveau : après avoir suivi une formation complète de professeur des écoles ou d’enseignant du second degré, les jeunes quittent leur poste au bout de quelques mois, voire de quelques semaines. On est tuteur par bonne volonté, sans y gagner grand-chose. Voilà pourquoi ces crédits sont sous-consommés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-AC366 de M. Paul Vannier, II-AC568 de M. Jérémie Patrier-Leitus et II-AC465 de M. Bertrand Sorre
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Cet amendement, qui a été voté par la commission des finances, vise à rétablir les 4 000 postes d’enseignants que le Gouvernement prévoit de supprimer. Dans un contexte de baisse de la démographie scolaire, cette mesure permettrait à notre pays de rattraper enfin la moyenne de l’OCDE, où le nombre d’élèves par classe est bien moins élevé.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). L’éducation doit être une priorité. Nous ne partageons pas la volonté du Gouvernement de supprimer 4 000 postes d’enseignants au moment où il est indispensable de renforcer l’école de la République, tout particulièrement en milieu rural – nous savons en effet que les suppressions pèseront sur les enseignants du premier degré dans ces territoires. La baisse de la démographie scolaire doit être l’occasion de réduire le nombre d’élèves par classe et d’améliorer le taux d’encadrement.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je partage votre volonté de rétablir ces 4 000 postes. Vos amendements prévoient toutefois un budget très élevé. Je propose, pour ma part, une ventilation plus précise des crédits correspondant au maintien des 4 000 postes, pour un montant inférieur : 17 millions d’euros pour l’enseignement du premier degré, avec un effort particulier pour les classes rurales et le déploiement des pôles d’appui à la scolarité ; 27 millions pour l’enseignement du second degré, avec un effort particulier pour le collège et pour les lycées professionnels ; 7 millions pour l’enseignement privé sous contrat. 4 000 postes seraient ainsi recréés sur la base des montants indiqués dans le projet annuel de performances concernant le coût chargé d’un enseignant en début de carrière, avec un recrutement prenant effet à la rentrée 2025.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Le groupe Les Démocrates soutient ces amendements. La suppression de 4 000 postes, quelque peu arithmétique – un poste pour 24,5 élèves en moins, sachant que nous perdrons 97 000 élèves à la prochaine rentrée – était un très mauvais signal. Les professeurs sont le pilier de notre contrat social. Ils ont besoin de soutien et de considération, et doivent retrouver le rôle qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Nous savons pertinemment qu’un certain nombre de postes ne sont pas pourvus ; les suppressions auraient donc masqué une crise de recrutement à laquelle il faut au contraire remédier. Nous soutenons donc ces amendements avec force.
M. Roger Chudeau (RN). Le groupe Rassemblement national veut absolument rétablir les 4 000 emplois qui sont en voie de suppression. Nous voterons l’amendement du rapporteur pour avis, mais pas celui de M. Vannier qui va au détriment de l’enseignement catholique. Cette cathophobie est insupportable.
Mme Céline Calvez (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutient l’amendement du rapporteur pour avis. Nous saluons le travail précis qu’il a mené pour rétablir les 4 000 postes et les répartir de façon pertinente entre les niveaux scolaires. De toute évidence, ce n’est pas en supprimant 4 000 postes que l’on fera avancer l’éducation nationale.
M. Pierrick Courbon (SOC). Pour préciser la position du groupe Socialistes, nous avions choisi de présenter deux amendements qui arriveront plus tard dans la discussion, visant à rétablir les postes supprimés dans le premier degré d’une part, dans le second degré d’autre part. Ces amendements tomberont s’ils sont satisfaits par ceux que nous nous apprêtons à voter.
Nous considérons quasi unanimement que la suppression de 4 000 postes d’enseignants serait intolérable, et une très large majorité s’est dégagée en ce sens en commission des finances. Il serait absolument scandaleux que notre décision ne soit pas suivie par le Gouvernement, et que la représentation nationale soit ainsi méprisée.
M. Laurent Croizier (Dem). Durant les élections législatives, les Français nous ont demandé d’avoir de l’ambition pour l’école et pour les jeunes générations. La suppression de 4 000 postes de professeurs aurait des conséquences graves dans nos circonscriptions : fermetures de classes dans les zones rurales, augmentation du nombre d’élèves par classe dans les écoles touchées par les suppressions… Si la baisse de la démographie scolaire est indiscutable, nous pouvons la transformer en opportunité pour améliorer les conditions d’apprentissage et d’enseignement. Nous avons ici l’occasion d’envoyer un message de confiance aux enseignants, qui méritent toute notre considération. Je voterai donc l’amendement du rapporteur pour avis, et je retire mes amendements II-AC526, II-AC526, II‑AC527 et II-AC528.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous retirons également l’amendement du groupe Horizons au profit de celui du rapporteur pour avis.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je vous alerte sur la somme que représente votre amendement, monsieur Vannier. Elle pourrait constituer un frein dans des débats ultérieurs.
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Le groupe LIOT soutient l’amendement du rapporteur pour avis. La baisse des effectifs d’élèves ne saurait justifier des suppressions de postes. Au contraire, des classes allégées sont l’occasion de dispenser un meilleur apprentissage.
L’amendement II-AC568 est retiré.
La commission adopte successivement les amendements II-AC366 et II-AC465.
Les amendements II-AC455 de Mme Florence Herouin-Léautey, II-AC490 de Mme Soumya Bourouaha, II-AC526 de M. Laurent Croizier, II-AC508 de Mme Nicole Sanquer, II-AC563 de M. Roger Chudeau, II-AC527 de M. Laurent Croizier, II-AC419 de Mme Béatrice Piron, II-AC488 de Mme Soumya Bourouaha, II-AC528 de M. Laurent Croizier, II-AC297 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC325 de M. Arnaud Bonnet, II-AC541 de Mme Géraldine Bannier, II-AC454 de Mme Florence Herouin-Léautey, II-AC489 de M. Frédéric Maillot, II-AC349 de M. Paul Vannier, II-AC564 de M. Roger Chudeau, II-AC504 de Mme Nicole Sanquer, II-AC466 de M. Frédéric Maillot, II-AC298 de Mme Ayda Hadizadeh, II-AC326 de M. Arnaud Bonnet et II-AC542 de Mme Géraldine Bannier sont retirés.
2. Réunion du mercredi 30 octobre 2024 à 21 heures
La commission poursuit l’examen, pour avis, des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie) ([37]).
Article 42 et état B : Crédits du budget général (suite)
Les amendements II-AC565 et II-AC566 de M. Roger Chudeau sont retirés.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement II‑AC332 de M. Paul Vannier.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons une discussion thématique sur les assistants d’éducation (AED).
Amendement II-AC373 de M. Idir Boumertit
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Bien que je reconnaisse le rôle essentiel que jouent les AED, je suis défavorable à cet amendement pour les raisons exposées précédemment.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC452 de Mme Florence Herouin-Léautey
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Cet amendement vise à recruter les 10 728 AED manquants pour que les établissements disposent d’un AED pour 75 élèves.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il me semble satisfait par l’adoption de l’amendement II-AC373.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-AC453 de Mme Florence Herouin-Léautey, II‑AC442 de Mme Ayda Hadizadeh et II-AC333 de M. Rodrigo Arenas.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Amendement II-AC329 de M. Idir Boumertit
M. Idir Boumertit (LFI-NFP). L’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) déplore que des milliers d’enfants en situation de handicap n’aient pas de solution de scolarisation adaptée, bien que l’école en accueille de plus en plus. Cette prise en charge déficiente s’explique principalement par le manque d’attractivité du métier d’AESH, exercé à 90 % par des femmes en situation précaire ne percevant pas plus de 800 euros par mois.
Faisant suite à notre proposition de loi de 2022, cet amendement vise à créer un corps de fonctionnaires de catégorie B, qui procurera aux AESH un statut protecteur et plus rémunérateur. Il a été adopté hier par la commission des finances.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Il n’est pas certain que cette mesure, impliquant de passer un concours, résolve les difficultés de recrutement. Il me semble plus efficace de poursuivre dans le sens des nombreuses mesures prises pour revaloriser, sécuriser et professionnaliser ces personnels.
Le budget global pour l’école inclusive est passé de 2,1 à 4,6 milliards d’euros entre 2017 et 2025. Pour l’année prochaine, il prévoit la création de 2 000 postes d’AESH, ce qui porte leurs effectifs à 143 000 ETP, soit une augmentation de 67 % depuis 2017. La précarisation du métier a été réduite, puisque désormais deux tiers des AESH sont titulaires d’un contrat à durée indéterminée ; en outre, la loi n° 2024-475 du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne prévoit le passage à un travail à temps complet. Depuis la revalorisation de 13 % à la rentrée 2023, le salaire est supérieur au Smic de 100 euros nets environ.
L’enjeu consiste désormais à accélérer la formation et à consolider les évolutions de carrière, plutôt qu’à créer un corps de fonctionnaire accessible sur concours. Avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). Les AESH font un travail admirable, incarnant la fraternité ; ils sont pourtant mal payés, peu considérés et sous-employés. Il est nécessaire d’augmenter leur quotité de travail et leur rémunération, et de leur fournir une formation solide. Toutefois, nous ne voyons pas l’utilité de créer un nouveau corps de fonctionnaires : du point de vue statutaire, des contractuels d’État font parfaitement l’affaire. Nous voterons contre cet amendement.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). De nombreuses contre-vérités viennent d’être énoncées. Les CDI ne sont pas si nombreux : 80 % des AESH, majoritairement des femmes, sont en CDD. En dépit de l’augmentation de leur rémunération, l’écrasante majorité d’entre elles vit sous le seuil de pauvreté, avec un salaire mensuel de 800 à 850 euros, puisque 98 % d’entre elles ont un temps partiel imposé.
C’est pourquoi il faut créer un corps de fonctionnaires et reconnaître la spécificité du métier en établissant un équivalent temps plein pour 24 heures de travail. Considérer que les AESH peuvent travailler davantage que 24 heures, notamment en ajoutant la pause méridienne et le temps périscolaire, c’est considérer qu’elles peuvent faire toutes sortes de tâches, alors que leur métier consiste à accompagner des élèves en situation de handicap dans un contexte pédagogique.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je souhaite que nous recevions le collectif AESH en lumière, qui a été reçu par un député de la majorité et un député du groupe LFI, et dont le discours est très éclairant. Leur première revendication n’est pas la revalorisation des salaires ou la création d’un statut, qui viennent ensuite, mais la fin du mépris de l’Éducation nationale à leur égard et leur inclusion dans les équipes pédagogiques. Il est frappant de constater que la mission de rendre l’école plus inclusive est confiée à des personnes qui sont elles-mêmes exclues et en voie de prolétarisation. L’inclusion des plus fragiles doit passer par le soutien inconditionnel aux AESH plutôt que par leur exclusion.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC408 de M. François Ruffin est retiré.
Amendement II-AC507 de Mme Nicole Sanquer
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Le présent amendement vise à encourager le Gouvernement à revaloriser l’ensemble des rémunérations des AESH. On connaît leur précarité, mais la proposition du Gouvernement d’augmenter leur quotité de travail pour tendre vers un temps complet ne permettra pas la prise en compte des heures réellement effectuées ni d’éviter des temps partiels subis.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’ai déjà évoqué différentes mesures récemment prises en faveur des AESH. La rentrée 2024 marque une nouvelle étape dans ce processus, avec la prise en charge par l’État de leur temps de travail méridien, permettant à la fois une continuité d’accompagnement pour les élèves qui en ont besoin et une hausse de leur quotité de travail et de leurs revenus.
En outre, la professionnalisation du métier d’AESH, qui s’appuie depuis 2019 sur la généralisation de leur recrutement avec des contrats de droit public, a été renforcée en 2023 par la possibilité d’accéder à un CDI après trois années en CDD. En 2025, 900 transformations en CDI sont prévues. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC330 de M. Paul Vannier est retiré.
Amendement II-AC324 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à accélérer le recrutement des AESH. Il m’est arrivé d’accueillir cinq élèves en situation de handicap non accompagnés, dont deux malvoyants et trois non verbaux et non scripteurs, dans une classe de vingt-huit.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Espérons que la création du corps de fonctionnaires portera ses fruits en matière de recrutement. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC457 de Mme Florence Herouin-Léautey
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Le taux de notifications MDPH (maison départementale des personnes handicapées) non honorées est de 8 %. Il convient donc de recruter 5 318 AESH.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je doute que nous arrivions à recruter rapidement autant d’AESH. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC506 de Mme Nicole Sanquer
Mme Nicole Sanquer (LIOT). À 4,2 millions d’euros, les crédits dédiés à la formation des AESH étaient déjà insuffisants en 2024 mais le PLF pour 2025 acte encore leur diminution à 2,2 millions. L’amendement vise à revenir sur cette baisse de 2 millions d’euros à les augmenter de 1 million supplémentaire.
On connaît le rôle majeur des AESH dans l’adaptation de la scolarisation ; il serait pertinent de leur permettre de se former, compte tenu des handicaps très différents dont les élèves peuvent être porteurs.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Compte tenu des 11 000 postes d’AESH que nous venons de créer, l’enveloppe dédiée à la formation sera largement insuffisante et devra certainement être augmentée dans le PLF pour 2026. Avis défavorable néanmoins, car, en l’état des prévisions pour l’année 2025, elle est suffisante.
M. Roger Chudeau (RN). Les AESH ont besoin d’une formation solide et il ne serait pas inutile d’envisager la création d’une certification. Nous voterons cet amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je suis déçue de la diminution de l’enveloppe consacrée à la formation des AESH, qui reflète une politique gouvernementale consistant à leur proposer des CDI pour les faire travailler 35 heures, sans leur proposer quelque formation que ce soit. Cet amendement est essentiel.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC447 de Mme Ayda Hadizadeh
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). L’amendement est satisfait, mais je ne résiste pas au besoin de vous lire le message que vient de m’envoyer l’une des représentantes du collectif AESH en lumière après l’adoption en commission des finances de l’amendement visant à augmenter les crédits pour l’an prochain : « Merci pour cet effort qui, je l’espère, sera pour une formation en alternance. Il nous faut absolument des heures d’observation dans des structures spécialisées. Les soixante heures sont purement théoriques et inégalement réparties entre le premier et le second degré ; le lycée, malheureusement, n’est vraiment pas compris dans le package. »
L’amendement est retiré.
Amendement II-AC449 de M. Dominique Potier
M. Christophe Proença (SOC). Cet amendement a pour objet de conforter le réseau des AESH par la désignation de référents régionaux qui auront vocation à proposer les formations et les temps d’échange nécessaires aux AESH exerçant dans l’enseignement agricole, dont la structuration est particulière.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Un tel dispositif existe déjà et propose un programme de formation constitué de cinq modules, piloté au niveau national. Pour le rendre efficace, le ministère de l’agriculture a créé un réseau de formateurs chargés de redéployer la formation au niveau régional auprès des AESH.
Votre amendement est donc satisfait, sous réserve du déploiement effectif de ce réseau. Dans le cas contraire, il sera utile de le déposer à nouveau l’an prochain. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous passons à une discussion thématique sur la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Amendement II-AC443 de Mme Florence Herouin-Léautey
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Faute d’un nombre suffisant d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), 15 % des élèves ayant une notification de scolarisation dans ces dispositifs ne peuvent y être scolarisés. Cet amendement vise à débloquer 44 millions d’euros pour créer les 1 088 dispositifs manquants.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Si je partage votre engagement en faveur de l’école inclusive, je ne suis pas favorable à votre amendement. L’ouverture de dispositifs Ulis doit être progressive et ne saurait être correctement organisée et pilotée en en ouvrant plus de 1 000 la même année. Depuis 2017, le nombre d’Ulis est passé de 8 600 à près de 11 000, soit une augmentation de 27 % qui s’est accompagnée de la création de 2 000 ETP. À la rentrée 2024, près de 300 Ulis supplémentaires ont été ouvertes, 24 unités d’enseignement maternel autisme ont été créées, ainsi que 28 unités d’enseignement élémentaire autisme et 38 dispositifs d’autorégulation, sans oublier le déploiement de 100 pôles d’appui à la scolarité, que je propose d’amplifier dès 2025.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons cet amendement, parce qu’il n’est pas acceptable qu’il manque des Ulis. La création d’un nombre suffisant de ces dispositifs est une obligation de moyens, mais aussi une obligation morale et éducative, voire civique. Personne n’imagine en créer 1 000 en une année, mais la ligne de crédit doit être ouverte.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC305 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il est indispensable pour les enfants en situation de handicap de disposer de matériel pédagogique adapté. Cet amendement, issu d’échanges menés avec le collectif Handicaps, vise à atteindre un taux de couverture de 100 % pour l’année 2025.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Vous proposez d’augmenter les crédits de 10 millions d’euros. Dans le cadre des mesures prises par la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, un fonds spécifique pour le soutien à l’acquisition de matériel pédagogique adapté a été créé dans le PLF 2024 et doté de 25 millions d’euros, répartis comme suit : 23,3 millions pour le financement de matériels pédagogiques adaptés –ordinateurs, claviers en braille, logiciels spécifiques, dictaphones –, dont 11,37 millions pour le premier degré et 11,93 millions pour le second degré ; 1,7 million pour l’accompagnement spécialisé des élèves en situation de handicap – interprétariat en langue française des signes, codage en langage parlé complété, aide au français écrit, etc. Cette enveloppe, qui a notamment permis la mise à disposition de 7 000 ordinateurs supplémentaires à la rentrée 2024, est intégralement reconduite en 2025. Avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons l’amendement parce que le matériel adapté manque et c’est inadmissible. Le fonds que vous évoquez est manifestement insuffisant et il est nécessaire d’ouvrir une ligne supplémentaire de crédits.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC350 de M. Arnaud Bonnet est retiré.
Amendement II-AC393 de M. Jean-Claude Raux
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Cet amendement tend à revenir sur la suppression des crédits dédiés à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap dans l’enseignement agricole.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Vous proposez de restaurer, à hauteur de 3 millions d’euros environ, des crédits pour l’école inclusive qui seraient supprimés. Ces derniers augmentent pourtant dans le PLF pour 2025, passant de 4,47 à 4,59 milliards d’euros au total, soit une hausse de 120 millions d’euros.
La consolidation de l’école inclusive s’appuie notamment sur la création de 2 000 postes supplémentaires d’AESH à la rentrée prochaine, la formation des enseignants et l’apport d’un réseau renforcé de référents rémunérés dans le cadre du pacte enseignant. Pour ma part, j’ai défendu un amendement visant à accélérer en 2025 le déploiement des pôles d’appui à la scolarité, dans le cadre de la restitution à la mission les 4 000 postes supprimés. Avis défavorable.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. L’amendement II-AC393 porte sur l’enseignement agricole, qui est concerné par une baisse substantielle des crédits dédiés à l’inclusion scolaire.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Les organisations syndicales, comme le SNETAP-FSU, et les fédérations de parents d’élèves nous ont alertés sur le manque de moyens des établissements de l’enseignement agricole pour l’intégration et l’inclusion des élèves en situation de handicap. La double tutelle du ministère de l’agriculture et du ministère de l’Éducation nationale crée parfois des angles morts, faisant des enfants la variable d’ajustement de l’inclusion scolaire. Nous voterons cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC320 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à renforcer la formation continue des enseignants à l’inclusion scolaire, qui est parfois totalement inexistante. Pour ces derniers, accueillir les élèves en situation de handicap dans des situations inadaptées peut provoquer une grande souffrance.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je partage votre avis quant à la nécessité d’une formation adaptée pour les enseignants. Cependant, il existe déjà des formations spécifiques, dont une formation de trois heures minimum sur les positionnements respectifs des AESH et des enseignants en situation de classe, ainsi qu’une formation de six heures pour acquérir les connaissances de base afin de prévoir les aménagements pédagogiques les mieux adaptés aux besoins spécifiques de chaque élève.
Sans nécessairement augmenter les crédits, il est préférable d’inciter les enseignants à suivre les formations existantes, d’une grande qualité, d’autant qu’ils en perçoivent eux-mêmes la nécessité. Il est également utile de leur permettre d’y assister en levant certaines difficultés d’organisation, par exemple en organisant les formations en dehors des heures de classe et en les compensant par une indemnité. Entre 2022 et 2023, de telles mesures ont permis d’augmenter de 9 % la consommation des crédits de formation. Avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous voterons cet amendement, qui permet de corriger des fake news concernant la formation. De nombreux enseignants sont réticents à suivre ces formations, en raison des absences non remplacées qui provoquent des surcharges d’effectifs dans les classes en primaire et des cours non assurés en collèges et lycées.
En outre, les enseignants ne passent pas des journées de fainéant, tous ceux qui en côtoient régulièrement le savent. Après leur journée de travail, ils n’ont ni l’énergie ni le temps pour suivre des formations qui demandent d’être dans de bonnes dispositions morales, physiques et matérielles.
Mme Géraldine Bannier (Dem). En matière de formation continue à l’inclusion scolaire, il faut déterminer ce qui est vraiment utile aux enseignants. Pendant de nombreuses années, j’ai accueilli dans ma classe des élèves souffrant de différents handicaps ; des solutions de terrain correspondant au cas concret de chacun ainsi que des contacts plus réguliers avec le secteur médico-social me sembleraient plus utiles que de suivre des formations théoriques.
M. Roger Chudeau (RN). L’objectif de cet amendement est honorable, mais le ministère de l’Éducation nationale, l’Inspection générale et la Cour des comptes ont démontré que les crédits de formation continue n’étaient pas consommés. Est-il utile d’en ajouter ?
Par ailleurs, ce point ne me paraît pas relever du législatif, ni même du réglementaire, mais de l’administratif. Le plan académique de formation doit prévoir des formations pour les enseignants accueillant des élèves en situation de handicap. Nous ne voterons donc pas cet amendement.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Pour que les enseignants participent aux formations, encore faut-il que celles qui leur sont proposées les intéressent. Les formations à l’inclusion étant très demandées, les crédits devraient être consommés.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC479 de Mme Soumya Bourouaha est retiré.
Amendement II-AC476 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Cet amendement a pour objet la création d’un observatoire de la non-scolarisation des enfants, qui permettra d’obtenir des données quantitatives et qualitatives fiables sur les enfants en situation de handicap non scolarisés.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La scolarisation des enfants handicapés fait déjà l’objet d’un suivi très fin par l’administration de l’Éducation nationale, depuis le bureau de l’école inclusive de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) jusqu’aux référents handicaps des académies et des établissements. Elle fait également l’objet d’un pilotage par le ministère chargé des personnes handicapées, avec le soutien de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et des agences régionales de santé (ARS), en lien avec les MDPH.
La tenue récente de la Conférence nationale du handicap et l’implication forte et au plus haut niveau de l’exécutif démontrent, s’il en était besoin, que cette politique fait l’objet d’une attention et d’un pilotage resserrés, dont les résultats sont éloquents : depuis 2017, le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés est passé de 231 000 à 513 000, soit une hausse de près de 60 %.
Votre amendement étant satisfait, demande de retrait, sinon avis défavorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous n’avons pas les chiffres, et ce n’est pas faute de les avoir demandés à de très nombreuses reprises. De deux choses l’une : soit l’administration refuse de nous les communiquer, soit ceux-ci n’existent pas. Dans les deux cas, c’est un problème.
Selon l’association Ambition école inclusive, qui a compilé les données disponibles, des milliers d’enfants n’ont pas accès à l’instruction dans notre pays. Cette situation est très préoccupante, car il s’agit d’un droit fondamental, garanti par la Constitution.
Il faut absolument que l’on dispose de données chiffrées, claires et objectives pour apporter une solution à cette situation qui emporte de graves conséquences pour les enfants, leurs parents et leur fratrie.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC456 de Mme Florence Hérouin-Léautey
Mme Florence Hérouin-Léautey (SOC). On ne compte actuellement qu’une infirmière pour 1 600 élèves. Afin de doter chaque collège d’une infirmière à temps plein, nous proposons d’en doubler le nombre, ce qui implique de recruter 7 417 professionnelles.
On ne va pas les trouver sous le sabot d’un cheval, me direz-vous. Certes, mais cela participerait aussi de la revalorisation de cette profession, qui en a tant besoin dans les hôpitaux, les écoles, les collèges, les lycées et tous les établissements sociaux et médico-sociaux.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Effectivement, quand bien même nous créerions tous ces postes, nous aurions du mal à trouver suffisamment d’infirmières pour les occuper.
Le nombre de postes offerts dans les établissements scolaires est passé de 345 en 2021 à 591 en 2024 ; il a donc fortement augmenté. Entre autres mesures, leur rémunération a été augmentée de 23 % depuis 2020, et atteint désormais 2 718 euros, ce qui rend la fonction plus attractive. Nous sommes donc davantage limités par le manque de personnel désireux de travailler dans le milieu scolaire que par le nombre de postes ouverts au recrutement. Avis défavorable.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Un personnel médico-social à temps plein par collège, cela ne représente jamais qu’un infirmier ou une infirmière pour 800 élèves, ce qui est encore beaucoup. Et cela nécessite donc, mathématiquement, 7 417 postes.
Lorsqu’une infirmière est affectée à deux, voire trois établissements, son absence dans les autres collèges se ressent beaucoup. En plus, leur emploi du temps est un casse-tête, surtout dans les zones rurales, où il faut prévoir des temps de transport assez longs.
La commission adopte l’amendement.
Les amendements II-AC309 de M. Arnaud Bonnet, II-AC556 de M. Roger Chudeau et II-AC390 de M. Jean-Claude Raux sont retirés.
Amendement II-AC445 de Mme Céline Hervieu
Mme Céline Hervieu (SOC). Dans le même esprit, mon amendement tend à rehausser de 5 % le budget alloué à la santé scolaire, soit 30 millions d’euros. L’insuffisance des effectifs touche aussi les médecins scolaires dont le nombre a diminué de 30 % depuis 2017. Or la présence d’infirmiers, de médecins, de psychologues scolaires est cruciale pour assurer le suivi médical des élèves, protéger leur santé mentale ou repérer les violences physiques, psychologiques ou sexuelles dont ils pourraient être victimes, notamment dans la sphère familiale.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation et je déplore, moi aussi, le manque criant de professionnels de santé dans le milieu scolaire. Malheureusement, le facteur limitant n’est pas le manque de moyens financiers, mais la disponibilité de la ressource humaine. L’augmentation des crédits ne changera donc rien à cette précarité.
Plusieurs mesures fortes ont été prises ces dernières années pour renforcer l’attractivité de la médecine scolaire, notamment une revalorisation salariale. Mais il faut avant tout que nous formions davantage de médecins.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC567 de Mme Céline Hervieu
Mme Céline Hervieu (SOC). À titre expérimental, certaines villes ont accepté de gérer la santé scolaire, compétence qui relève normalement de l’Éducation nationale. Cette expérimentation a été un vrai succès.
Pour compenser l’action des villes délégataires en santé scolaire volontaires, cet amendement vise à abonder de 10 millions d’euros supplémentaires le programme Vie de l’élève, qui finance notamment la coordination des actions en matière de santé scolaire.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Pour ma part, je considère que la santé scolaire doit continuer à relever de la responsabilité de l’Éducation nationale. Les performances des villes délégataires en santé scolaire ont certes été parfois meilleures que celles de l’État, et nous pouvons nous en féliciter, mais cela ne me semble justement pas plaider, à ce stade, en faveur d’un renforcement des moyens ciblés sur ces seules villes. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons une discussion thématique sur l’éducation à la sexualité.
Amendement II-AC365 de Mme Sarah Legrain
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Cet amendement vise à renforcer les moyens alloués à l’éducation à la vie sexuelle et affective, et à les flécher vers une nouvelle ligne budgétaire.
Depuis la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, tous les élèves sont censés assister à trois séances d’éducation à la vie sexuelle et affective par an. Ces séances doivent permettre de délivrer des informations en matière de prévention de grossesses non désirées, de maladies sexuellement transmissibles, mais aussi d’éduquer les enfants à l’égalité, à l’importance du consentement et au droit de disposer de son corps. L’Éducation nationale a un rôle essentiel à jouer dans le développement de la culture du consentement, dont l’actualité récente a encore montré toute l’importance. Or la loi n’est pas appliquée. Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese), seuls 15 % des élèves suivent effectivement ces trois séances annuelles, une situation qui a conduit des associations à porter plainte contre l’État.
Je suis sûre qu’il nous tient tous à cœur de renforcer les moyens de l’éducation à la vie sexuelle et affective, absolument essentielle. Je précise que la commission des finances a adopté un amendement mieux-disant, puisqu’il tendait à doter cette nouvelle ligne budgétaire de 10 millions d’euros, contre 6 pour cet amendement.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Force est de constater que l’application de l’article L. 312-16 du code de l’éducation, créé en 2001, est restée très inégale jusqu’à présent, tant d’un point de vue quantitatif que dans les modalités de dispense de ces séances d’éducation à la sexualité.
Dans le contexte actuel, ces séances sont plus que jamais nécessaires. Les élèves sont exposés de plus en plus jeunes à des contenus qui nécessitent d’avoir des clés de lecture et de pouvoir accéder à des informations fiables. Cette question a fait l’objet de nombreuses réflexions et annonces ces dernières années. Pour la première fois en 2024, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle a fait l’objet d’un programme national établi par le Conseil supérieur des programmes, qui sera présenté le 7 décembre au Conseil supérieur de l’éducation.
Le ministère a également ouvert la formation à ce nouveau programme à tous les enseignants volontaires. En effet, si le contenu des programmes de sciences de la vie et de la terre (SVT) plaide de prime abord en ce sens, les professeurs de SVT ne sont pas nécessairement les plus à même de dispenser ces séances, dont les thématiques sont bien plus larges.
Le contenu du nouveau programme sera progressivement déployé dès cette année, et généralisé en 2025. Avant d’envisager un renforcement des moyens et une évolution des modalités de dispense de ces trois séances, il sera utile d’évaluer les progrès apportés par la création de ce programme.
Avis défavorable.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je ne comprends pas comment on peut faire un nouveau programme sans moyens financiers supplémentaires. Le PLF pour 2025 ne fait apparaître aucune ligne budgétaire en faveur de l’éducation à la sexualité, et pour cause : le décret d’application n’a toujours pas été pris.
Sans moyens financiers supplémentaires, comment les enseignants dispenseront-ils ce nouveau programme ? Le feront-ils au détriment de leurs heures de cours ou gratuitement, en groupant les interventions ? Il faut être cohérent : à nouveau programme, nouveau budget.
M. Roger Chudeau (RN). Nous sommes résolument hostiles à ce que l’État se mêle de la vie affective et sexuelle des enfants. Non seulement nous ne voterons pas cet amendement, mais nous irons même plus loin, en déposant une proposition de loi tendant à abroger la loi qui rend cette éducation obligatoire.
La nécessaire information sur les risques entourant la question sexuelle doit être délivrée par le corps médical, par exemple les infirmières scolaires, et cela peut éventuellement se faire à l’occasion des cours de SVT. Mais l’éducation à la vie affective relève, selon nous, non pas de l’État, mais de la famille.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Vous ne semblez pas avoir conscience de l’ampleur des violences sexuelles commises sur les enfants dans notre pays, ni qu’elles ont majoritairement lieu dans le cadre familial. Garantir à tous les enfants une éducation à la vie affective et sexuelle, c’est les protéger, et cela relève bien de la responsabilité de l’État.
Comme vous semblez l’ignorer, je précise que l’objectif de cette éducation est de faire prendre conscience aux enfants que leur corps leur appartient, que personne n’a le droit de le toucher, mais aussi d’apprendre les limites qu’eux-mêmes doivent s’imposer et de découvrir la notion de consentement. Nous en avons grand besoin. En cherchant à priver leurs enfants de cette éducation, les parents qui se disent vigilants ne font en réalité que les mettre en danger. Ils refusent que l’État apprenne aux enfants quels sont leurs droits, car cela pourrait aller à l’encontre des pratiques familiales.
Tout le monde s’accorde sur le fait que la loi est trop peu appliquée et qu’il faut davantage de moyens, car si ce ne sont pas les professeurs de SVT qui dispensent ces séances, il faut faire intervenir des associations. L’avis défavorable du rapporteur est donc particulièrement choquant.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous avons tous le même objectif : protéger nos enfants. Or certains sont en danger au sein de leur famille. Si on se repose entièrement sur la famille pour dispenser cette éducation, que se passera-t-il pour les enfants placés parce qu’ils ont subi des violences dans la leur, qui ont grandi dans une famille dysfonctionnelle ? C’est aussi à eux qu’il faut penser : leur apprendre le consentement, leur expliquer que leur corps leur appartient et qu’ils doivent dire non s’ils sentent leur intégrité physique menacée, c’est les protéger au sein de la famille, à l’école, partout.
Il serait extrêmement rétrograde, monsieur Chudeau, d’aller au bout de votre intention et de proposer l’abrogation de la loi de 2001. Ouvrir un tel débat serait particulièrement néfaste : nous n’avons pas besoin de ça en ce moment. Nous devons tous nous mobiliser pour protéger nos enfants.
Mme Céline Calvez (EPR). Je trouve, moi aussi, très choquant de considérer que l’éducation à la vie affective et sexuelle irait à l’encontre des souhaits des familles. On sait que les enfants y sont parfois soumis à des règles que nous ne pouvons cautionner. Pour le bien de tous nos enfants, il faut absolument une éducation éclairée au consentement, ce que la loi que vous souhaitez abroger, monsieur Chudeau, – et là encore, c’est choquant – est censée faciliter. C’est bien le rôle de l’école républicaine d’éduquer à la vie affective et sexuelle afin d’offrir à tous les enfants les moyens de lutter contre les inégalités de naissance. Et cela devrait animer chacun de nous.
Néanmoins, je ne pense pas que l’amendement proposé soit la meilleure manière d’avancer sur le sujet, et nous nous abstiendrons.
Mme Géraldine Bannier (Dem). On ne peut que réagir aux propos réactionnaires tenus par notre collègue Chudeau, qui sont à mille lieues des réalités vécues par les enseignants.
Quand j’ai commencé à enseigner, il y a une vingtaine d’années, en réseau d’éducation prioritaire dans les Ardennes, on avait des jeunes filles violées par leur oncle, leur père, beaucoup de jeunes filles enceintes à 13 ou 14 ans. Ces cours d’éducation sexuelle, instaurés quelques années avant mon arrivée, avaient déjà permis de gros progrès. Trouvez-vous anormal que l’État assure l’éducation à la sexualité quand il y a de telles défaillances dans les familles ? On ne peut pas laisser ces enfants être violées ou tomber enceintes si jeunes ! Ça gâche leur vie !
M. Roger Chudeau (RN). Vous me prêtez des propos que je n’ai pas tenus. Permettez-moi de dissiper un malentendu : je ne suis pas indifférent à ce qui peut se passer dans certaines familles. Seulement, je n’aime pas beaucoup non plus qu’on les stigmatise systématiquement.
Ce que je réfute, c’est le terme « éducation ». Délivrer une information, ce n’est pas la même chose qu’éduquer, c’est-à-dire fixer des normes et indiquer aux élèves comment ils doivent vivre leur vie affective et sexuelle. Lisez donc le programme ! Allez sur onsexprime.fr, qui est un site gouvernemental, et vous ne manquerez pas d’être choqués par les conseils donnés aux adolescents pour mener leur vie sexuelle. L’État n’a pas à faire cela.
En revanche, informer les élèves des dangers liés à la vie sexuelle et les éclairer sur la question du consentement relève bien de l’école, mais pas du corps enseignant, qui n’y est pas formé et ne le sera jamais. Il revient aux infirmières de s’en charger, dont nous venons de créer 7 000 postes, ou, éventuellement, au corps médical.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Deux chiffres : 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année ; dans 80 % des cas, ces violences se déroulent au sein de la famille. Inutile d’en dire davantage. Je suis prof de SVT et je peux vous affirmer qu’éduquer les enfants à la vie sexuelle et affective, ce n’est pas donner une orientation ; c’est expliquer et répondre aux questions, avec sincérité et franchise, en utilisant des mots adaptés à chaque catégorie d’âge.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je précise à Mme Legrain que j’ai émis un avis défavorable à son amendement, non pas parce que je ne suis pas sensibilisé à cette question, mais parce qu’il y a déjà un travail en cours, et que je ne suis pas sûr que les 6 millions d’euros seront utilisés dès 2025. Attendons de voir si le programme national qui sera proposé prochainement par le Conseil supérieur des programmes est efficace avant de débloquer des moyens supplémentaires. Je comprendrais néanmoins que cet amendement soit adopté.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC318 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Le débat que nous venons d’avoir illustre parfaitement tout l’intérêt de cet amendement, qui vise à financer une campagne de communication massive pour expliquer en quoi consiste l’éducation à la vie affective et sexuelle, et lever toute angoisse éventuelle des parents.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je suis un peu gêné : une telle campagne a du sens, mais en l’absence de précisions supplémentaires – à qui cette campagne est destinée ? quelle forme prendra-t-elle ? –, je ne suis pas sûr qu’elle doive être supportée par les crédits de l’Éducation nationale. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
Mme Céline Calvez (EPR). Ce genre campagne de communication est indispensable et doit être encouragé, mais elle doit s’adresser à tous les publics, et avant tout aux adultes. Comme le rapporteur, il me semble donc qu’elle n’a pas à être financée sur les crédits de l’enseignement scolaire. Peut-être pourrait-elle être assurée par le service d’information du Gouvernement, son porte-parolat ou le ministère de la santé et de l’accès aux soins ?
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons une discussion thématique sur l’orientation.
Amendement II-AC308 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Notre système d’information et d’orientation a été désarmé. Cette mission incombe désormais aux enseignants, aux premiers rangs desquels les professeurs principaux et les documentalistes, contraints, faute de moyens, de traiter les élèves par paquets à l’aide d’un logiciel. Je pense qu’un contact personnel et des échanges individuels sont indispensables, d’où mon amendement.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à doubler le budget pour l’information et l’orientation.
De nombreuses mesures ont été prises pour améliorer l’orientation des élèves. Instauré en 2023, le temps de découverte des métiers pour les collégiens a été généralisé à la rentrée 2024 avec l’appui des psychologues de l’Éducation nationale. Il doit permettre à chaque élève de connaître un panel élargi de cinquante métiers à l’horizon 2026. Depuis 2023, la grille horaire des élèves de lycée intègre également des heures d’accompagnement au choix d’orientation, et les élèves de seconde générale et technologique sont tenus d’effectuer deux semaines de stage d’observation en milieu professionnel au mois de juin. Reconduits pour l’année scolaire 2024-2025, ces dispositifs seront complétés par le maintien de la fonction de professeur référent au lycée, et chaque classe de terminale se verra affecter un deuxième professeur principal, notamment chargé de l’accompagnement des élèves dans leur projet d’orientation. Enfin, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep) déploiera d’ici à la fin de l’année 2024 une nouvelle plateforme, baptisée Avenir(s).
Je rappelle que l’information sur l’orientation est une compétence des régions. Au-delà de la question des moyens, notre attention doit surtout se porter sur la clarification des compétences et la qualité du pilotage national de cette politique essentielle à la réussite de nos jeunes. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC317 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Du coup, je ne doute pas que vous adhérerez à cet amendement, qui vise à créer un programme de service public national de l’orientation, afin d’assurer le pilotage de cette politique.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Comme je l’ai expliqué, l’orientation est une compétence partagée avec les régions dans le cadre du service public régional de l’orientation (SPRO). Au-delà de la question des moyens, nous devons nous concentrer sur la clarification des compétences. Je ne pense pas que cette question puisse être traitée au détour d’un amendement de crédits.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC418 de M. Frédéric Maillot
Mme Soumya Bourouaha (GDR). De nombreux enfants de Guyane n’ont pas le français comme langue maternelle. Depuis 1997, des intervenants en langue maternelle étaient recrutés pour les aider, mais cette formation s’est malheureusement arrêtée, et ils ne sont que 80 intervenants, alors qu’il en faudrait près de 400. L’amendement vise à prévoir un plan pluriannuel pour assurer la pérennité du programme de formation de ces intervenants.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’ai pu auditionner le recteur de l’académie de Guyane et son témoignage est effectivement édifiant. Je pense néanmoins qu’une erreur s’est glissée dans l’amendement, car les 200 millions demandés permettraient de recruter environ 16 000 personnes. Je vous invite à le retirer, et à le redéposer en séance après vérification des chiffres.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous n’examinerons malheureusement jamais ces crédits en séance. Mais il y a manifestement une erreur.
L’amendement est retiré.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les élèves allophones.
Amendements II-AC534 et II-AC533 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme Céline Hervieu (SOC). Près de 41 000 élèves apprennent le français dans les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants, les fameuses classes UPE2A. Les crédits alloués à ces unités sont stables depuis 2023, alors que le nombre d’élèves pris en charge, lui, augmente. À budget constant, on ne peut évidemment plus traiter aussi bien ces élèves, qui ont des besoins particuliers.
Préparés avec l’Unicef, ces amendements visent à augmenter les crédits en faveur des élèves allophones, respectivement dans le premier et le second degré.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les élèves allophones sont scolarisés dans les mêmes conditions que tous les autres élèves de l’enseignement public. Lorsqu’elles existent et que leur situation le justifie, ils peuvent en outre être accueillis, pour une durée variable, en UPE2A, où ils bénéficient du soutien de professeurs formés en français langue seconde ou, dans certains territoires, en français langue étrangère.
Il n’existe aucune évaluation du coût de cet accueil et des éventuels besoins de financement. Je ne pense pas que des crédits supplémentaires soient nécessaires, d’autant que l’excellente mesure que constitue l’ouverture de l’école aux parents de ces élèves fait par ailleurs l’objet d’un financement spécifique, à hauteur de 2 millions d’euros, reconduit en 2025. En l’absence de données, je ne peux évaluer l’adéquation du montant de crédits que vous proposez, et j’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous avons des chiffres et ils sont parlants : la stabilité budgétaire est parfaite, mais le nombre d’élèves allophones a augmenté de 20 %. Le but des 20 millions d’euros demandés, c’est d’ouvrir davantage de classes UPE2A et de recruter des enseignants spécialisés, afin que ces enfants apprennent le français le plus vite possible. En tant qu’enseignante, j’ai été le témoin du fonctionnement de ces classes et de leurs résultats presque miraculeux : en six à huit mois, le niveau de français de ces élèves leur permet de réintégrer le cursus classique.
Cet amendement a pour objet d’alerter. Les enfants non francophones sont de plus en plus nombreux ; si on veut les intégrer par la langue, à un moment, il faudra augmenter le budget !
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je soutiens cet amendement important, car il est urgent de mobiliser des moyens pour accompagner les élèves allophones. Je saisis cette occasion pour saluer le remarquable travail de notre collègue Philippe Fait sur ce sujet.
M. Roger Chudeau (RN). Nous soutiendrons également cet amendement, car nous souhaitons ardemment que les élèves allophones qui arrivent dans notre pays puissent être intégrés et assimilés à la société française, et cela passe évidemment par la maîtrise de notre langue. Nous devons donc nous en donner les moyens.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-AC391 de M. Jean-Claude Raux
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il vise à proposer aux enseignants des lycées professionnels une formation pour mieux accueillir les élèves allophones, qui y sont souvent très nombreux.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Cette proposition est très intéressante. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous passons à une discussion thématique sur le sport scolaire.
Amendement II-AC483 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Entre 2017 et 2023, 1 379 postes de professeurs titulaires en éducation physique et sportive (EPS) ont été supprimés. À la rentrée 2024, 1 517 heures d’EPS n’étaient pas assurées faute de professeur, alors que cet enseignement doit être un pilier de notre politique sportive. Pour pallier cette pénurie préoccupante, mon amendement tend à recruter 1 500 professeurs d’EPS supplémentaires dans les établissements du secondaire. Si nous voulons devenir une nation sportive, il faut s’en donner les moyens !
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je suis sensible à cette question : l’activité physique joue un rôle essentiel pour le bien-être et la santé des élèves, mais aussi sur le climat scolaire. Certes, 1 517 heures d’EPS n’ont pas pu être assurées à la rentrée ; c’est toujours trop, mais au regard du nombre de classes et d’enseignants d’EPS, ce n’est pas si important.
Les volumes de recrutement des professeurs d’EPS sont suffisants pour couvrir les besoins exprimés par les académies, et le recours aux contractuels reste très limité. Le nombre de professeurs était en légère augmentation en 2024, et aucune suppression de poste n’est prévue dans le PLF pour 2025.
Par ailleurs, notre famille politique a été particulièrement volontariste sur ce sujet, et de nombreuses initiatives ont vu le jour. Il y a désormais trente minutes d’activité physique quotidienne à l’école, et deux heures d’EPS supplémentaires pour les collèges situés en REP, dans le cadre de l’accueil élargi – cela concernait 415 établissements en 2023-2024. Je citerai encore les créations du label « Génération 2024 », qui concerne déjà plus de 10 000 établissements, d’une spécialité « Éducation physique, pratique et culture sportive » en lycée général, ou encore d’une filière professionnelle « Sport » au sein de la voie professionnelle.
Au total, près de 5,9 milliards d’euros seront consacrés au développement de la pratique sportive à l’école en 2025, contre un peu plus de 5,7 milliards en 2024. Les besoins me semblent aujourd’hui couverts dans le cadre du budget de l’Éducation nationale, et j’émets donc un avis défavorable à votre amendement.
M. Christophe Proença (SOC). Il manque des professeurs d’EPS dans 10 % des établissements et le nombre de postes ouverts au Capes a diminué de 21 % depuis 2018. Il est nécessaire de recruter rapidement des enseignants en éducation physique pour assurer l’enseignement sportif dû aux enfants.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La baisse de 21 % des postes ouverts au concours ne signifie pas que les besoins ne sont pas couverts, au contraire.
La commission adopte l’amendement.
Les amendements II-AC444 de M. Christophe Proença et II-AC486 de M. Frédéric Maillot sont retirés.
Amendement II-AC448 de M. Christophe Proença
M. Christophe Proença (SOC). Il s’agit de prévoir les moyens nécessaires à la formation des professeurs des écoles pour la mise en place des trente minutes de sport quotidiennes.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La question mérite toutefois d’être approfondie, car le sport est insuffisamment intégré dans la formation initiale. Quant à la formation continue, les crédits restent sous-consommés. Il faut donc poursuivre l’effort d’incitation plutôt que d’augmenter l’enveloppe.
La Dgesco, chargée du suivi du dispositif 30 minutes d’activité physique quotidienne et de l’animation du réseau des référents dédiés, y consacre d’ailleurs une attention particulière : chaque école a été dotée d’un kit de fonctionnement financé par le Comité des Jeux olympiques de Paris 2024 et l’Agence nationale du sport. La Dgesco propose également des contenus de formation spécifiques et des ressources pédagogiques à destination des professeurs du premier degré pour mettre en place les 30 minutes d’APQ.
M. Christophe Proença (SOC). Il n’est pas si simple, pour des professeurs qui ont été recrutés il y a trente ans, d’appliquer le nouveau dispositif des trente minutes. Cela demande une formation par des professionnels, voire par des comités sportifs. Cela ne me paraît pas très coûteux.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC482 de M. Frédéric Maillot est retiré.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons une discussion thématique sur le lycée professionnel.
Amendement II-AC388 de M. Jean-Claude Raux
M. Arnaud Bonnet (EcoS). L’annonce par la Première ministre Élisabeth Borne d’une aide de 500 euros au permis de conduire B pour les lycéens professionnels, accueillie avec beaucoup d’enthousiasme, a été abandonnée. Or ce permis est indispensable à la mobilité des lycéens, pour leur permettre d’accéder à des stages.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La mobilité est certes une question sensible, mais il n’appartient pas au budget de l’Éducation nationale de financer à hauteur de 500 euros le permis de conduire pour l’ensemble des lycéens de la voie professionnelle. Des solutions existent, telles que le prêt à taux zéro, ouvert aux jeunes de 15 à 25 ans, ou encore certains dispositifs proposés par les régions. Les stages rémunérés permettent également de financer le permis de conduire. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC464 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il s’agit de rétablir les 10 millions d’euros inscrits dans la loi de finances de 2024 pour permettre aux lycées professionnels de quartiers prioritaires de la ville (QPV) de proposer des modules optionnels à leurs élèves de terminale. Ces crédits ont été supprimés dans le PLF2025. Je ne comprends pas la cohérence politique de notre nouveau gouvernement, qui s’est doté d’un ministre chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel mais qui fait disparaître 10 millions d’euros en faveur de la réussite des lycéens professionnels dans les QPV.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les auditions que j’ai menées m’ont convaincu de la pertinence d’une telle enveloppe pour améliorer la persévérance scolaire. Elle permet de rémunérer des intervenants extérieurs qui sont complémentaires avec les enseignements dispensés. Avis favorable.
Mme Céline Calvez (EPR). Il est important que les établissements scolaires s’ouvrent à des partenaires extérieurs, que ce soit dans le cadre de modules d’enseignement optionnel, de l’éducation à la sexualité ou de l’orientation. Nous soutiendrons cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC553 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Le plan ministériel pour la sécurité des personnels, des élèves et des établissements, créé en 2024, ne suffit pas à enrayer l’augmentation de la violence. Selon le type d’établissements à sécuriser et la police à mobiliser – nationale ou municipale –, tout le monde, entre les collectivités et le ministère, se renvoie la balle pour la sécurisation externe. Tout cela n’est pas cohérent. Nous proposons que l’État établisse un plan de sécurisation générale des établissements scolaires, doté de 50 millions d’euros.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’installation de la vidéosurveillance et de portiques de détection et de systèmes d’alerte directe des forces de l’ordre dans tous les établissements scolaires français aurait certainement un effet très négatif sur les élèves et un coût bien supérieur à 50 millions d’euros. Dans les petits villages, notamment, l’incongruité de ces systèmes pourrait créer de l’anxiété. Un tel financement me semblerait en outre relever plutôt du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) que de l’Éducation nationale.
La sécurité des élèves et des personnels est bien au cœur des préoccupations du Gouvernement. Elle a été renforcée à la rentrée 2024 avec la constitution d’une équipe mobile de sécurité nationale, qui peut appuyer les équipes mobiles académiques de sécurité en moins de vingt-quatre heures en cas de crise. Avis défavorable.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je ne voterai pas cet amendement pour les raisons indiquées par le rapporteur mais il soulève tout de même un vrai problème. Le financement de la sécurité dans les établissements scolaires nécessite un accompagnement fort des collectivités locales par l’État. Le Premier ministre Gabriel Attal s’était engagé sur ce point mais nous devons aller encore plus loin.
M. Roger Chudeau (RN). Vous caricaturez mes propos. Je n’ai jamais dit qu’il fallait de la vidéosurveillance à l’intérieur des établissements : c’est absurde ! Les caméras sont destinées à surveiller l’extérieur pour détecter des intrusions ou des comportements dangereux pour les élèves et les professeurs.
De plus, l’amendement ne précise absolument pas que des portiques de détection de métaux seront installés devant toutes les écoles communales. Cela ne concerne que les quartiers très dangereux, où le niveau de violence est important.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Les gendarmes et les policiers que j’ai auditionnés ces dernières semaines rappellent qu’il faut du personnel pour utiliser des portiques de sécurité. Ils se méfient de telles solutions gadgets. De même, ils constatent l’inefficacité des systèmes d’alerte directe des forces de l’ordre, voire leur caractère contre-productif. En cas d’attaque ou d’intrusion, un appel au 17 sera toujours préférable à un bouton d’alarme qui n’apporte aucune information aux forces de l’ordre. La solution que vous proposez mettrait en danger les équipes enseignantes.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). L’amendement prévoit de prendre sur « le financement des associations à caractère politique qui ne respectent pas les principes de laïcité et de neutralité du service public de l’éducation ». Agiter les fantasmes n’a d’autre but que de faire monter la peur. Les divisions de la société française sont le carburant électoral du Rassemblement national mais nous ne le laisserons pas faire. Nous méritons mieux que cela.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC558 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Il s’agit de retirer 50 millions d’euros à des associations qui, comme le Planning familial ou SOS Racisme, répandent des idéologies contraires aux principes de neutralité et de laïcité dans les établissements, avec l’autorisation du ministère et avec l’argent des contribuables. Ces associations, qui ne rendent jamais compte de leur activité, bénéficient d’une sorte de rente de situation politico-idéologique à laquelle il faut mettre fin.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’ai eu beau creuser, je n’ai trouvé aucune association parmi celles qui interviennent dont le propos est celui que vous évoquez. L’Éducation nationale ne subventionne pas d’associations à caractère politique et contrôle scrupuleusement le respect des valeurs de la République par les associations qu’elle finance.
Une part importante des crédits de l’action que vous entendez ponctionner correspond au financement du pass culture, une autre part importante, au financement d’associations sportives scolaires, et une part plus réduite est versée à des associations participant au dispositif Devoirs faits. Le reste, soit 54 millions d’euros, correspond au financement des associations intervenant dans le cadre de conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) nationales, qui sont agréées sur la base de quatre critères, dont le respect des principes de laïcité et d’ouverture à tous, sans discrimination. Ce sont ces associations que vous semblez précisément cibler. Votre amendement reviendrait à supprimer le financement de grandes associations qui œuvrent au quotidien aux côtés de l’Éducation nationale dans le domaine du handicap, de la santé, du devoir de mémoire, de la prévention routière, de l’accompagnement des enfants autistes, de la lutte contre le harcèlement et les discriminations, etc. Avis défavorable.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Il se trouve que j’ai occupé pendant quatre ans le poste de cheffe du bureau chargé des associations partenaires de l’enseignement public à la Dgesco. Chaque année, celui-ci contrôle les actions de ces associations sur le terrain et vérifie si elles sont conformes aux valeurs républicaines, avant de décider si les crédits seront maintenus ou supprimés. Comme les CPO sont signées par le directeur général de l’enseignement scolaire, vous êtes tout simplement en train de dire qu’il est complice d’associations qui ne respectent pas les principes de la République. Je suis très étonnée qu’un inspecteur général de l’Éducation nationale contribue à diffuser des fausses informations.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Aucune association ne pénètre dans une école publique sans l’autorisation expresse du chef d’établissement. Vous jetez le discrédit sur des associations dont certaines ont pour vocation de lutter contre le racisme et l’antisémitisme – sont-ce celles que vous visez ? –, ainsi que sur les chefs d’établissement et les enseignants qui font appel à elles. Vous défendez la ligne de votre organisation, mais le fin connaisseur de l’Éducation nationale que vous êtes ne peut pas trouver de raison d’être à cet amendement. Vous devriez le retirer.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-AC299 de M. Arthur Delaporte et II-AC451 de Mme Ayda Hadizadeh
M. Stéphane Vojetta (EPR). L’amendement tend à doter le dispositif 3018, numéro unique pour les jeunes victimes de harcèlement et de violences numériques, de 2 millions d’euros. L’association e-enfance, qui gère le 3018, n’a jamais reçu la subvention de 1,5 million d’euros promise dans le cadre du plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école, qui devait lui permettre de recruter une quinzaine d’écoutants supplémentaires. De ce fait, le taux de réponse est malheureusement tombé à 35 %. La santé mentale des jeunes et la lutte contre le harcèlement doivent être une priorité de l’action publique. Il est donc indispensable de leur allouer les moyens nécessaires, surtout lorsqu’ils ont été promis par le passé.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La lutte contre le harcèlement et les violences numériques est une cause nationale, qui nécessite des moyens renforcés afin de parvenir à un taux de réponse de 100 %. Avis favorable.
Mme Violette Spillebout (EPR). Cet amendement transpartisan vise à accorder les moyens qui avaient été promis à l’association e-enfance : il y va de la crédibilité de la parole publique. Pour tous les jeunes qui sont victimes de harcèlement, il importe que nous soyons tous unis pour octroyer ces moyens.
La commission adopte les amendements.
Les amendements II-AC544 et II-AC543 de M. Erwan Balanant sont retirés.
Amendement II-AC477 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Trois visites obligatoires auprès des médecins ou des infirmières scolaires sont déjà inscrites dans le parcours des élèves. Nous proposons d’en créer une quatrième pour tous les enfants en classe de quatrième, assurée par un psyEN (psychologue de l’Éducation nationale), afin de mieux repérer les cas de harcèlement et d’évaluer spécifiquement la santé mentale.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Si je partage votre constat, je souhaite que l’on prenne le temps d’évaluer les résultats des actions qui ont été mises en place ces dernières années, particulièrement depuis la rentrée 2023. De plus, les ressources en psyEN sont rares et sont plutôt affectées à la cruciale question de l’amélioration du processus d’orientation des élèves. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC319 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il vise à augmenter les crédits alloués au financement des activités périscolaires, notamment dans le cadre de la lutte contre le harcèlement scolaire. L’ensemble de la société étant concerné par ce problème, il faut absolument apporter une aide aux enseignants. Je pense, par exemple, aux boîtes aux lettres Papillons, qui sont un outil précieux dans les établissements scolaires.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le financement des activités périscolaires incombe, non pas à l’État, mais aux collectivités territoriales. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les assistantes de service social.
Amendement II-AC322 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il est proposé d’augmenter de 10 % la rémunération des 2 700 assistantes sociales de l’Éducation nationale, qui se sont mobilisées deux fois en 2024 pour dénoncer leurs conditions de travail.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Leurs rémunérations mensuelles sont passées de 2 228 à 2 728 euros nets entre 2020 et la fin de 2024 sous l’effet des revalorisations indemnitaires et indiciaires ; elles ont augmenté de 19 % entre 2022 et 2024. Le problème tient davantage à un manque de ressources qu’à une faible attractivité financière du métier. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II‑AC323 de M. Arnaud Bonnet.
Amendement II-AC354 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il s’agit d’augmenter les effectifs des assistantes sociales dans l’Éducation nationale, où le rapport est actuellement d’une pour 4 500 élèves.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’Éducation nationale emploie 2 797 assistants sociaux titulaires – c’est l’effectif le plus haut depuis 2017. Le nombre de postes ouverts au concours suit également une tendance à la hausse et correspond aux besoins exprimés par les académies. Le manque de personnel est très concentré, essentiellement en Île-de-France, et tient surtout à un manque de ressources humaines disponibles. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC439 de Mme Florence Herouin-Léautey
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Il s’agit de maintenir le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), dont bénéficient les communes qui ont conservé l’organisation des enseignements sur neuf demi-journées issue de la réforme des rythmes scolaires de 2013. Je vous invite, du reste, à réfléchir au bien-fondé de l’organisation du temps scolaire sur huit demi-journées : elle est très éloignée des besoins de l’enfant car, on le sait, la matinée est le moment le plus propice aux apprentissages.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’extinction du FSDAP est prévue à la fin de l’année scolaire en cours. Le nombre des communes soutenues par ce fonds, créé en 2013 pour aider celles qui maintenaient une organisation du temps scolaire sur cinq matinées, n’a cessé de décroître : de plus de 20 000 en 2016, il est passé à moins de 1 300 en 2023, soit une baisse de plus de 93 %. En outre, six communes mobilisent à elles seules un quart du fonds : Dijon, Paris, Toulouse, Grenoble, Rennes et Nantes.
La preuve a ainsi été apportée que le FSDAP ne produit pas un effet levier suffisant pour inciter les communes à maintenir ou à choisir une organisation du rythme scolaire sur cinq matinées. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC495 de Mme Violette Spillebout
Mme Violette Spillebout (EPR). Nous proposons de renforcer, à hauteur de 10 millions d’euros, les moyens alloués à la part collective du pass culture afin que puisse être pris en charge le coût du transport vers les activités programmées dans ce cadre. Il ressort en effet des auditions que nous avons menées au sein des établissements scolaires que ce coût était un obstacle à l’organisation d’activités telles que la visite de musées ou la rencontre de journalistes dans le cadre de l’éducation aux médias.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je tiens à souligner mon attachement au pass culture, notamment à sa part collective, dont nous savons qu’elle permet aux élèves de découvrir des mondes auxquels certains d’entre eux n’auraient jamais pu avoir accès autrement. Toutefois, il me semble que la prise en charge du transport relève plutôt des collectivités territoriales. En outre, il serait difficile, dans les faits, de déterminer la part des coûts imputables au pass culture. Sagesse.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je soutiens l’amendement. Lorsque des enseignants décident d’organiser une sortie, ils cherchent d’abord à mobiliser les fonds de l’établissement, qu’ils compléteront, le cas échéant, en sollicitant des subventions. Or cette démarche est un véritable parcours d’obstacles, de sorte que nous devons, dans la mesure du possible, leur faciliter la tâche pour favoriser l’organisation de sorties. J’ajoute que la part collective du pass culture permet d’assister notamment à des spectacles et d’entretenir ainsi un écosystème composé d’artistes et d’emplois non délocalisables.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je soutiens également l’amendement. L’accès à la culture, notamment dans les territoires ruraux, est souvent entravé par des problèmes de mobilité dont l’État doit tenir compte lorsqu’il lance des programmes qui visent à favoriser l’éducation artistique et culturelle. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé au Gouvernement qu’une part des fonds alloués à ce type de programmes soit systématiquement réservée à la mobilité.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur les voyages scolaires.
Amendements II-AC351 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il s’agit de créer une véritable politique de découverte culturelle en permettant à chaque enfant de partir en voyage scolaire au moins trois fois au cours de sa scolarité. Cela me paraît indispensable – j’ai une pensée émue pour mes élèves qui, au milieu des champs, me demandaient où se trouvaient les toilettes et le robinet.
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Dans le même esprit, nous proposons, avec l’amendement suivant, de créer un fonds national d’aide au départ en classe de découverte ou en voyage scolaire. Puisque nous avons longuement évoqué les voyages de cohésion, je tiens à mentionner, en regard, les initiatives prises par des enseignants qui se démènent pour organiser des sorties et des voyages scolaires ou mémoriels pour le financement desquels jamais l’Éducation nationale ne met le début d’un euro. En l’absence d’un tel fonds, c’est la vente par les parents d’élèves de gâteaux et de crêpes qui permettent, avec l’aide des collectivités, de boucler les budgets.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je suis forcément favorable à l’organisation de voyages et de sorties scolaires, dont on connaît les bienfaits. C’est le financement du transport qui pose problème. Ces amendements coûteraient respectivement 10 millions et 3 millions d’euros. Nous accumulons les dépenses supplémentaires, soit. Pourquoi ne pas financer également les sorties en forêt, à la piscine… ? Où faut-il placer le curseur ? Mon avis est défavorable parce qu’il faut faire preuve de responsabilité financière et budgétaire.
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Et les millions d’euros du service national universel ?
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je rappelle que nous avons adopté, quasiment à l’unanimité, une proposition de loi d’Émilie Bonnivard qui vise à relancer les classes découverte. Peut-être pouvez-vous nous indiquer, madame la présidente, à quel stade de la procédure parlementaire se trouve ce texte.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Elle a été transmise au Sénat.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC446 de M. Pierrick Courbon est retiré.
Amendement II-AC389 de M. Jean-Claude Raux
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’augmenter la dotation pour les territoires éducatifs ruraux (TER) de 600 000 euros. Ce dispositif, dont le déploiement, nécessairement progressif, se fait déjà à un rythme soutenu et conforme aux engagements, dispose de financements adéquats, en augmentation de 0,9 million d’euros en 2025. L’an dernier, les dotations aux territoires éducatifs ruraux ont doublé dans les programmes 140 et 141, afin de permettre le déploiement du dispositif dans 185 territoires. L’expansion a d’ailleurs été plus forte qu’annoncé, puisque le nombre des TER est de 201 en 2024 ; ils seront, à terme, 300 et concerneront l’ensemble des académies. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous passons à une discussion thématique sur la formation continue des enseignants.
Amendement II-AC461 de Mme Florence Herouin-Léautey
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). La réforme de la formation initiale des enseignants s’est accompagnée, en 2020, d’une diminution de près de 30 millions d’euros des crédits alloués à cette politique. Il est donc proposé de rétablir ces crédits et de les répartir à parts égales entre le premier et le second degré, afin de répondre aux attentes des enseignants et de remédier à la crise des vocations par une politique de formation continue ambitieuse.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. On observe une sous-consommation chronique des crédits de formation, systématiquement inférieure à 80 %. Aussi apparait-il nécessaire, plutôt que d’augmenter significativement les crédits de la formation continue des enseignants, de poursuivre les efforts engagés pour les consommer au mieux.
Cette réflexion est d’ailleurs menée par le ministère depuis plusieurs années, dans l’objectif de positionner le plus grand nombre possible de formations en dehors du temps scolaire et d’indemniser les enseignants à ce titre. Ainsi, outre l’incitation financière, différents leviers ont été activés : l’utilisation prioritaire des mercredis ; une offre de formation en fin d’après-midi ; l’hybridation des formations, avec un recours à la formation à distance ; l’anticipation et la transparence de la communication sur l’offre de formation pour prévoir une organisation adaptée à l’emploi du temps du professeur. C’est ainsi qu’entre 2022 et 2023, le nombre d’heures de formation effectivement consommées a augmenté de 9 %. Avis défavorable.
Mme Céline Calvez (EPR). La sous-consommation des crédits de la formation continue soulève la question de la reconnaissance de l’autoformation à laquelle de nombreux enseignants consacrent un temps considérable, notamment dans le cadre de collaborations avec leurs pairs. Il serait intéressant de réfléchir à la manière dont on pourrait certifier les savoirs acquis de cette façon.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II‑AC441 de Mme Ayda Hadizadeh.
Amendement II-AC417 de M. Frédéric Maillot
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Il s’agit d’augmenter de 500 euros la prime dont bénéficient les enseignants stagiaires ultramarins qui doivent se rendre dans l’Hexagone dans le cadre de leur formation, afin de remédier aux difficultés financières qu’ils rencontrent, notamment lorsqu’ils sont affectés en Île-de-France, où le coût de la vie est particulièrement élevé. Contraints d’acheter leurs billets d’avion et de se loger rapidement, ils supportent une charge financière bien plus lourde que celle de leurs collègues hexagonaux.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Si je comprends parfaitement les difficultés spécifiques que peuvent rencontrer nos compatriotes ultramarins lorsqu’ils doivent se préparer à une mutation, en particulier dans l’Hexagone, je ne suis pas pour autant favorable à votre amendement.
En premier lieu, l’estimation des besoins et du nombre de situations concernées doit probablement faire l’objet d’une réflexion approfondie afin d’évaluer précisément le financement qu’il conviendrait d’allouer à une telle mesure. En outre, cette prime a déjà été sensiblement revalorisée, grâce à une augmentation de plus de 400 euros brut par an.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons une discussion thématique sur le réseau Canopé.
Amendement II-AC316 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Nous proposons de préserver les moyens du réseau Canopé, qui est précisément un acteur essentiel de l’autoformation des enseignants, à la disposition desquels il met de nombreuses ressources pratiques.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le projet de loi de finances pour 2025 alloue au réseau Canopé une subvention pour charge de service public de 85 millions d’euros, soit une légère augmentation par rapport à la réalisation de 2023, qui s’établissait à 84,7 millions. Ce budget devrait donc lui permettre de poursuivre ses missions tout en restant sur une trajectoire financière soutenable.
Je reconnais l’excellent travail accompli par cette structure, dont nous avons tous la chance de bénéficier, mais j’estime que ses besoins sont couverts. Avis défavorable, donc.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Vous affirmez que les besoins sont couverts, mais vous ne mentionnez pas la baisse de 3 millions d’euros des crédits en 2025.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’ai indiqué que les 85 millions inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025 correspondent aux 84,7 millions qui ont été consommés en 2023, sachant qu’il faudra attendre la fin de l’année 2024 pour évaluer le niveau de consommation des crédits pour l’année en cours.
Mme Violette Spillebout (EPR). Je soutiens les amendements relatifs au réseau Canopé, pour deux raisons. Premièrement, il est rare que la Cour des comptes estime, comme elle le fait à propos du réseau Canopé, qu’un établissement doit être davantage intégré au ministère, en l’espèce celui de l’Éducation nationale, et que ses moyens doivent être pérennisés et renforcés pour lui permettre d’effectuer sa mission.
Deuxièmement, ce réseau est l’opérateur de référence en matière d’éducation aux médias et à l’information, pour laquelle il a développé un véritable accompagnement, des enseignants, notamment en ligne. Au moment où la lutte contre la désinformation doit être particulièrement soutenue, il convient d’aider le réseau Canopé à mener à bien ses missions, notamment le développement de l’esprit critique.
La commission adopte l’amendement II-AC316.
L’amendement II-AC460 de Mme Fatiha Keloua Hachi est retiré.
Amendement II-AC315 de M. Arnaud Bonnet et II-AC334 de M. Paul Vannier (discussion commune)
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Nous proposons de rétablir les crédits alloués aux fonds sociaux pour les élèves précaires, qui ont été supprimés au motif qu’ils n’étaient pas utilisés. Peut-être l’auraient-ils été si les personnes concernées avaient été informées de leur existence…
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je ne suis pas favorable au rétablissement des fonds sociaux à leur niveau de 2017, comme vous le proposez. En réalité, la question n’est pas tant celle du montant des fonds sociaux – il est stable en 2025, s’établissant à 49 millions d’euros pour le public seul et à 53,5 millions en incluant le privé – que celle de leur utilisation, car leur mise en œuvre est parfois complexe et les personnes concernées pourraient être davantage informées de l’existence de ces fonds. De fait, en 2023, la mobilisation des académies, dans un contexte social marqué par une inflation encore importante, a favorisé l’augmentation de leur consommation, qui a atteint 41,6 millions, contre 35,2 millions d’euros en 2022. Mais elle demeure assez éloignée du montant de l’enveloppe, qui a néanmoins été reconduit pour 2025.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Certes, l’enveloppe globale n’est pas consommée, mais celles qui sont allouées aux établissements qui accueillent les publics les plus fragiles, notamment les lycées professionnels, le sont entièrement. Il convient donc d’augmenter l’enveloppe globale pour que celle dont dispose chaque établissement soit un peu plus importante et puisse répondre à des besoins croissants.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Dans ce cas, c’est aux recteurs qu’il faut s’adresser pour leur indiquer que la répartition actuelle ne correspond pas aux besoins. Mais, encore, une fois, il ne paraît pas nécessaire d’augmenter l’enveloppe globale, puisqu’elle n’est pas entièrement consommée.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC353 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Nous proposons de financer une campagne de communication auprès des parents de collégiens et de lycéens pour les alerter sur l’existence des fonds sociaux destinés aux cantines : nombre d’entre eux ignorent qu’ils y ont droit et hésitent à inscrire leurs enfants à la cantine.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. On ne peut que partager votre volonté de mieux informer les familles, mais je ne suis pas certain qu’un financement de 200 000 euros permette de mener une action réellement efficace. Il ne s’agit pas tant d’augmenter les crédits que de déterminer les modalités d’information les plus appropriées pour porter l’existence du dispositif à la connaissance des familles. Avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Vous avez indiqué, à propos de l’amendement précédent, qu’il convenait d’informer les familles de l’existence des fonds sociaux pour que l’enveloppe soit mieux consommée. Vous ne pouvez pas, d’un amendement à l’autre, affirmer une chose et son contraire ! Je peux d’ailleurs témoigner du fait que les chefs d’établissement font appel notamment aux fédérations de parents d’élèves pour obtenir des informations complémentaires sur les fonds dont ils peuvent disposer.
Les 200 000 euros proposés ne seraient donc pas de trop : ils aideraient les chefs d’établissement ainsi que les associations qui financent des actions d’information grâce aux cotisations de leurs adhérents. Nous sommes donc favorables à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur l’éducation prioritaire.
Amendements II-AC551 et II-AC550 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). L’éducation prioritaire est un angle mort de la politique éducative. Depuis sa création, elle n’a été ni évaluée ni pilotée, si bien que la représentation nationale ne peut pas savoir comment sont utilisés les quelque 8 milliards d’euros qui lui sont affectés. Bien que cette politique, qui concerne 20 % des écoliers et 25 % des collégiens, soit essentielle à la cohésion sociale et nationale, elle est livrée à elle-même. C’est pourquoi nous proposons de créer une ligne budgétaire nouvelle, un programme spécifique, qui permettrait notamment à la représentation nationale de contrôler l’utilisation qui est faite des fonds publics dans ce domaine.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Tout d’abord, il paraît difficile, sur le plan comptable, de ponctionner divers programmes, comme vous proposez de le faire, pour allouer 8 milliards d’euros au programme que vous souhaitez créer. Par ailleurs, les moyens consacrés à l’éducation prioritaire ont été évalués, dans le rapport de Mme Carel, à 2,3 milliards d’euros. Or vous proposez de doter le nouveau programme de 8 milliards, soit un quasi-quadruplement des crédits alloués à cette politique, sans justifier cette hausse ni expliquer la manière dont vous entendez compenser la perte de moyens des établissements situés hors éducation prioritaire.
En tout état de cause, l’éducation prioritaire reste une préoccupation importante du ministère, sur laquelle une réflexion plus large doit se poursuivre, pour en ajuster la carte ou rendre plus progressif le passage des établissements à l’une ou l’autre classification. Mais la constitution d’un programme séparé n’apporterait pas de réponse à ces questions, voire rendrait plus complexe leur résolution en rigidifiant la gestion de ces moyens. Avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). Je me suis mal fait comprendre. Les 2,3 milliards d’euros évoqués par le rapport Carel correspondent au surcoût de l’éducation prioritaire – lié, par exemple, au dédoublement des classes –, à quoi il faut ajouter le coût ordinaire des enseignants affectés dans les écoles et les collèges concernés. C’est la somme de ces deux coûts qui équivaut à environ 8 milliards. J’admets que l’exercice budgétaire est un peu hasardeux, mais c’est au ministère, et non à nous, de le faire.
Sur le fond, comment se fait-il que cette politique prioritaire de l’État ne soit ni pilotée ni identifiée dans un programme en la loi de finances ? Ce n’est pas normal, eu égard à la philosophie même de la Lolf. Tout à l’heure, Alexandre Portier, à qui j’ai posé la question, m’a répondu que la réussite relevait de sa compétence, mais pas les réseaux d’éducation prioritaire. Cherchez l’erreur !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC338 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer les classes prépa-seconde, cette voie de garage dont la création a été imposée sans que l’Assemblée nationale puisse même en débattre.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’expérimentation des classes prépa-seconde est, pour le moment, d’une ampleur limitée. Il conviendra de s’interroger, dès la fin de l’année scolaire, sur l’efficacité du dispositif. Toutefois, supprimer les crédits qui lui sont affectés pour l’année 2025 reviendrait à mettre en difficulté les élèves engagés dans ces classes. Pour ces raisons, je ne suis pas favorable à cet amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les classes de prépa-seconde sont en effet une voie de garage. Dans les départements où il n’existe qu’une seule classe de ce type et où il est très difficile pour les lycéens de se déplacer, elles ne font pas le plein : seuls ceux qui vivent à proximité de l’établissement peuvent y être affectés, les autres redoublent.
En revanche, je n’ai pas très bien compris à quoi correspondent les 6,3 millions d’euros dont il est question dans l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC348 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Cet amendement d’appel, adopté en commission des finances, vise à abroger les groupes de niveau, mesure phare de l’école du tri instaurée par le choc des savoirs, qui n’a jamais fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’entends que le regroupement des élèves par niveau au collège puisse être source de stigmatisation et amoindrir les performances du système scolaire. Toutefois, les modalités de mise en œuvre réelle de cette réforme sont très éloignées de ce que vous dénoncez.
En premier lieu, il n’est plus fait état de groupes de niveau mais de groupes de besoins. La distinction est essentielle, et c’est bien ce terme qui est utilisé dans l’ensemble des textes pris pour l’application de la mesure.
Ensuite, c’est à chaque établissement, conformément à son projet pédagogique, de déterminer la manière dont ces groupes seront constitués. Nos directeurs d’établissement et nos enseignants auront, me semble-t-il, à cœur que ce nouvel outil soit au service de l’amélioration des résultats de tous les élèves, et non un instrument de ségrégation visant à aggraver les difficultés des élèves les plus fragiles. Il est, de plus, expressément précisé que les groupes devront être flexibles et évolutifs.
Par ailleurs, les groupes constitués ne le seront que pour l’enseignement des mathématiques et du français, soit environ un tiers du volume horaire d’enseignement, et les programmes, les attendus de fin d’année et les compétences disciplinaires travaillées seront identiques pour tous les groupes.
Il me semble toutefois essentiel que cette mesure bénéficie des moyens nécessaires pour pouvoir être appliquée dans de bonnes conditions par les établissements. C’est ce que j’ai souhaité en proposant une augmentation sensible du nombre de postes dans le second degré, que nous avons adoptée tout à l’heure. L’efficacité de ce dispositif devra en outre être évaluée avant son extension. Avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). En réalité, personne ne veut de ces groupes de niveau : les équipes enseignantes comme les équipes de direction bricolent pour s’en débarrasser. Les personnels de l’Éducation nationale rejettent profondément l’idée d’un tri des élèves, qui seraient assignés à leur capacité ou à leur incapacité à réussir. Par ailleurs, notre amendement vise à les débarrasser d’une forme de bureaucratisation, liée à ces injonctions politiques permanentes dont les fins sont davantage communicationnelles que pédagogiques et éducatives. En l’adoptant, nous soulagerons donc les personnels de direction et les équipes enseignantes des collèges.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je respecte votre opinion, mais j’estime que cette mesure a de véritables vertus pédagogiques. Dans mon territoire – mais ce n’est peut-être pas le cas partout –, des équipes enseignantes se sont approprié le dispositif et ont créé de véritables groupes de besoins. Une évaluation sera nécessaire, mais je crois qu’un grand nombre d’élèves en tireront bénéfice.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC310 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Le fonds d’innovation pédagogique (FIP) créé à la suite du Conseil national de la refondation (CNR) a pour vocation le financement de projets éducatifs qui prennent notamment en compte des objectifs d’égalité et de bien-être des élèves. Or on observe une sous-inclusion dans les établissements privés : les élèves en situation de handicap sont bien souvent mal ou peu pris en charge. Nous proposons donc un redéploiement de ces fonds.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Votre amendement vise à redéployer les crédits du fonds d’innovation pédagogique alloués à l’enseignement privé vers les établissements publics et leurs personnels.
Je n’y suis pas favorable, car la suppression du fonds d’innovation pédagogique pour les seuls établissements privés serait contraire au principe de parité des financements entre établissements publics et privés. Pour rappel, le fonds d’innovation pédagogique peut financer des projets autour de trois axes : l’excellence et les savoirs fondamentaux, la réduction des inégalités et la promotion du bien-être. Dans le public comme dans le privé, c’est l’axe de l’excellence des savoirs fondamentaux qui regroupe le plus grand nombre de projets. Avis défavorable.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Je partage votre souci d’équité. Je suppose donc que vous serez attentif, comme moi, à ce que les établissements privés ne bénéficient pas, dans certaines régions, d’une surdotation au titre du FIP.
Mme Céline Calvez (EPR). J’ai vu beaucoup de projets financés par le fonds d’innovation pédagogique dans les établissements publics. Disposez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, de chiffres sur le nombre de dossiers déposés par les établissements privés ?
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je sais qu’il existe des projets dans les établissements privés que j’ai visités. Je vous communiquerai les chiffres prochainement.
M. Laurent Croizier (Dem). Des enseignants d’un établissement de ma circonscription m’ont fait remarquer récemment qu’il n’y a pas un seul privé, mais qu’il y en a plusieurs. L’établissement en question, certes privé, pratique une vraie mixité sociale. Attention à ne pas caricaturer l’école privée en l’assimilant systématiquement à des écoles parisiennes où les élèves sont triés sur le volet.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons une discussion thématique sur la modulation du financement des établissements.
Amendements II-AC335 de M. Paul Vannier et II-AC485 de Mme Soumya Bourouaha
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à moduler le financement des établissements privés sous contrat pour atteindre les objectifs de mixité sociale et scolaire.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Sans caricaturer l’école privée, nous dénonçons le séparatisme scolaire pratiqué par les classes supérieures. L’amendement propose le conditionnement du financement public au renforcement des politiques de mixité scolaire dans les établissements privés sous contrat.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les amendements proposent une modulation des fonds attribués au financement du fonctionnement des établissements privés sous contrat par l’État et les collectivités territoriales en fonction de l’indice de position sociale (IPS) de chaque établissement. Sans juger de l’opportunité de la proposition, qui reste à établir en raison de possibles effets de bord, je relève qu’elle nécessiterait une modification du code de l’éducation. Elle ne peut donc pas être décidée à travers un amendement de crédits déposé en loi de finances.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Vous avez tout à fait raison. Nous présenterons d’ailleurs une proposition de loi visant à modifier le code de l’éducation en ce sens lors de la niche parlementaire de La France insoumise.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AC352 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il vise à créer un fonds pour permettre aux établissements de mener des projets d’éducation à l’alimentation, comme des cours de cuisine, de nutrition ou d’éducation au goût, en partenariat avec des associations spécialisées, comme l’École comestible. Ces apprentissages ne sont pas au programme de SVT ; pourtant, avec le changement climatique, il y aura certainement des changements dans notre alimentation.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je suis en phase avec votre proposition pour laquelle des fonds sont déjà disponibles. Ces projets pourraient faire l’objet de crédits du fonds d’innovation pédagogique sur l’axe « amélioration du bien-être » si des établissements volontaires les inscrivaient dans le cadre de leur projet pédagogique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC501 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il est hallucinant que le Parlement, les organisations syndicales, les chercheurs, les médias et l’ensemble de la société n’aient pas accès aux études qualitatives et quantitatives réalisées par le ministère. Elles sont indispensables à une vraie discussion sur l’état de l’école, en positif comme en négatif.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) mène des efforts constants afin d’améliorer la disponibilité des données publiques qui impliquent des investissements et des ressources humaines pour améliorer l’interopérabilité des systèmes d’information. Elle assure déjà la disponibilité, en particulier sur le site data.gouv.fr, de très nombreuses données brutes ou retraitées à destination du public auxquelles la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) apporte une importante contribution. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.
Mme Céline Calvez (EPR). Nous voterons contre l’amendement mais nous soutenons l’idée d’aller plus loin dans la disponibilité des données. La publication des IPS n’a pas été spontanée de la part du ministère de l’Éducation nationale ; il a fallu une décision de justice. Il serait souhaitable de rendre ces données publiques, tout en respectant le caractère privé de certaines d’entre elles, pour favoriser le développement de solutions françaises et européennes innovantes dans la technologie de l’éducation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC555 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement d’appel à 1 euro invite le Gouvernement à doter les départements d’outre-mer où l’action éducatrice de l’État est la plus dégradée, à savoir la Guyane et Mayotte, d’un plan de rattrapage éducatif adossé à un programme spécifique Plan d’urgence en outre-mer. Lors des journées de défense et citoyenneté (JDC), on constate que 46 % des jeunes sont quasi-illettrés en Guyane et 71 % à Mayotte. Nous ne pouvons pas laisser la situation en l’état. Il faut flécher un effort spécifique dans le budget.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Il est vrai que la Guyane et Mayotte connaissent des difficultés spécifiques et cumulatives qui affectent les conditions d’apprentissage des élèves et la capacité de ces territoires à investir dans l’avenir. En audition, le recteur de Guyane décrivait une situation catastrophique. Ces académies sont confrontées à de très grandes restrictions de mobilité, comportent une proportion bien plus forte d’élèves allophones et souffrent d’une très faible attractivité pour le personnel enseignant, notamment en raison de leur éloignement géographique.
De nombreuses mesures ont été prises. Les recrutements pour Mayotte et la Guyane sont conduits selon des modalités spécifiques, avec un système de prérecrutement ou de bonification. Un plan pour la lecture, lancé en 2021 à Mayotte, commence à porter ses fruits sur les résultats des élèves. Depuis la rentrée 2019, le dispositif Devoirs faits a été étendu à tous les élèves de l’école primaire dans les départements ultramarins.
Par ailleurs, dans les territoires d’outre-mer, c’est l’État qui a la charge des investissements immobiliers scolaires du second degré, et de nombreux projets de construction ou de rénovation sont en cours. Il y a un recours massif au réseau d’éducation prioritaire : la Guyane est intégralement classée en REP+ depuis 2016 et Mayotte est classée en REP depuis 2018, avec la moitié des élèves scolarisés en REP+. Les effets des mesures prises en faveur de l’éducation prioritaire devraient donc largement bénéficier aux territoires d’outre-mer.
Il faut sans doute poursuivre la réflexion sur des solutions ambitieuses, innovantes et spécifiques à ces territoires, mais ce travail excède la seule question des moyens qui nous occupe aujourd’hui. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-AC552 de M. Roger Chudeau et II-AC336 de M. Paul Vannier
Amendement II-AC557 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Il pourrait s’intituler « Amendement Gabriel Attal ». Lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale, celui-ci avait annoncé son intention de retirer des établissements scolaires les élèves perturbateurs ou signalés pour faits de radicalisation. Comme toujours, ces annonces sont restées lettre morte et les professeurs continuent d’être la cible de menaces et d’agressions.
L’amendement ne coûte pas un centime. Il tend seulement à regrouper les structures relais existantes au niveau départemental en un établissement public de plein exercice (EPLE) où les élèves pluri-exclus à l’issue de trois ou quatre conseils de discipline seraient affectés à titre définitif jusqu’à la fin de leur scolarité, pour les écarter des établissements où ils sévissent et perturbent l’action pédagogique.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je ne crois pas que cette proposition corresponde au souhait exprimé par Gabriel Attal. Premièrement, les dispositifs relais ne concernent pas uniquement, tant s’en faut, les élèves radicalisés, qui posent des difficultés spécifiques – pour y avoir travaillé et constaté de nombreuses réussites, j’estime que c’est une vision réductrice. Deuxièmement, il serait contre-productif de concentrer ces élèves en grand nombre dans des centres spécifiques. Les dispositifs relais regroupent actuellement un maximum de douze élèves afin de permettre un encadrement scolaire, périscolaire et éducatif renforcé. Enfin, une affectation définitive revient à considérer que ces dispositifs sont voués à l’échec et à reporter à la fin de leur scolarité obligatoire la question de leur insertion dans la société, ce qui ferait des dégâts considérables.
La lutte contre la violence des mineurs est un enjeu essentiel pour l’école et pour la société tout entière et elle nécessite d’être poursuivie. Elle fera sans doute l’objet de propositions du Gouvernement dans les mois à venir, ce qui nous donnera l’occasion de nous y pencher dans un cadre plus adapté. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC496 de M. Guillaume Garot
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Il vise à donner à l’enseignement agricole les moyens de relever le défi du renouvellement des générations et de répondre aux ambitions fixées par le pacte et la loi d’orientation agricole en matière de formation. La direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture a fixé l’objectif d’augmenter de 30 % le nombre d’étudiants en lycée agricole formés chaque année. Cela suppose de créer de nouveaux postes d’enseignant et d’ouvrir de nouvelles classes.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Vous proposez de créer 684 postes d’enseignant et 65 postes de personnel administratif, technicien et personnel de laboratoire et de santé. Attaché à la ruralité et à l’enseignement agricole, je ne me satisfais pas non plus que le PLF pour 2025 prévoie un schéma d’emploi stable dans le contexte de la hausse de la population scolaire agricole et compte tenu de l’enjeu du renouvellement des générations.
J’ai moi-même déposé un amendement prévoyant la création de 170 ETP, dont 140 ETP d’enseignants sur le programme 143, qui permettrait d’accompagner résolument cette variation démographique dès la rentrée 2025. Cela enverrait un signal positif après la création de 20 ETP l’an dernier et 15 en 2023. Ces hausses avaient fait suite à plusieurs années d’érosion du schéma d’emploi. En complément, je propose d’augmenter de 20 millions d’euros les moyens des maisons familiales rurales, dont les conditions d’exercice et le taux d’encadrement se sont dégradés. Je vous demande de soutenir ces deux propositions.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC487 de M. Frédéric Maillot
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Cet amendement travaillé avec le SNETAP-FSU propose de rétablir les 196 emplois d’enseignants supprimés entre 2019 et 2022 dans l’enseignement technique agricole. Depuis ces suppressions d’emplois, les établissements ne sont plus en mesure d’assurer les missions qui leur sont dévolues. Ils ont en outre été fragilisés après la crise sanitaire.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Même argumentaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette successivement les amendements II-AC497 de M. Guillaume Garot et II-AC343 de M. Paul Vannier.
Amendement II-AC570 de M. Bertrand Sorre
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Il s’agit de l’amendement dont l’objet est la création de 170 ETP sur le programme 143 par un accroissement de crédits de 2,436 millions d’euros, dont 2,15 millions seraient consacrés à l’action 01, Mise en œuvre de l’enseignement dans les établissements publics, et 286 000 euros à l’action 03, Aide sociale aux élèves et santé scolaire. Le renouvellement des générations agricoles passe par la formation initiale et continue des futurs exploitants. Nous devons accompagner les établissements qui assurent ces formations.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AC498 de M. Guillaume Garot est retiré.
Amendement II-AC293 de M. Bertrand Sorre
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Il vise à renforcer les moyens dévolus aux maisons familiales rurales (MFR) de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour prendre en compte l’augmentation du nombre d’élèves : 8 millions pour les 1 600 élèves supplémentaires, 2 millions pour couvrir le coût des formateurs, et 10 millions pour améliorer le taux d’encadrement des élèves des niveaux quatrième et troisième et l’aligner sur celui des autres familles de l’enseignement agricole.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Hier, en commission des finances, quand j’ai indiqué que les moyens accordés à l’enseignement agricole public baissaient de 6,5 % par rapport à 2024 et que ceux accordés à l’enseignement privé agricole, dont font partie les MFR, augmentaient de 17 %, le rapporteur spécial m’a répondu que les informations à disposition des députés étaient erronées et que seuls les rapporteurs connaissaient les chiffres exacts. Le confirmez-vous ? Pouvez-vous éclairer les membres de cette commission sur les véritables dynamiques de l’enseignement privé et de l’enseignement public ?
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le ministère de l’agriculture nous a en effet informés qu’à ce sujet, une erreur matérielle s’était glissée dans le projet annuel de performances (PAP), qui devrait être rectifié. Je retrouverai les éléments chiffrés et vous les communiquerai dès que possible.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AC450 de M. Dominique Potier
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Dans les collèges et lycées, l’attribution automatique du droit à la bourse pour les familles a été mise en place à la rentrée 2024. Il n’est pas normal que l’enseignement technique agricole voie les crédits alloués aux bourses sur critères sociaux diminuer. L’amendement vise à rattraper ce financement pour que les élèves de l’enseignement agricole, qui ne sont pas parmi les plus favorisés, soient aidés par des bourses dignes de ce nom.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les crédits provisionnés pour 2025 sont en recul de 1,7 million d’euros par rapport au PLF 2024. Cette budgétisation correspond à des estimations fines effectuées à partir de l’évolution de la démographie et de la sociologie de la population scolaire de cette voie d’enseignement à l’instant t. Elle n’est en aucun cas le reflet du souhait d’accorder plus ou moins de bourses, lesquelles sont attribuées selon les mêmes critères pour tous les élèves et ne suivent en aucun cas une règle du type « premier arrivé, premier servi ». Ces règles deviennent d’ailleurs plus favorables à compter de 2025. À l’instar des autres dépenses dites « de guichet », les dépenses relatives aux bourses, si elles ont été mal calibrées, font l’objet d’une réévaluation lors du traditionnel collectif de fin d’année, ceci n’ayant aucun impact pour les bénéficiaires. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC386 de M. Jean-Claude Raux
M. Arnaud Bonnet. Il vise à redynamiser l’enseignement agricole public par le soutien financier aux établissements en difficulté financière – trente-sept sont en crise financière potentielle ou avérée, la crise étant avérée pour cinq d’entre eux. Il convient de pérenniser l’activité de ces établissements qui seront indispensables dans l’avenir.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous venons d’adopter un amendement augmentant les moyens de l’enseignement agricole, ce qui devrait permettre de venir en aide aux établissements que vous décrivez et de couvrir les besoins identifiés. Avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous venons de voter des crédits supplémentaires pour les maisons familiales rurales qui forment à des métiers commerciaux en lien avec l’agriculture, mais pas au métier d’agriculteur. Il est curieux que l’on verse ainsi de l’argent public à des établissements privés et que l’on repousse ensuite un amendement qui propose de soutenir les établissements publics, qui ne trient pas les élèves à l’entrée et les préparent à un métier qui nous permet de nous alimenter correctement. Ce « deux poids, deux mesures » n’est pas de nature à nous rassurer.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). J’ai observé dans ma circonscription que les maisons familiales rurales formaient aux métiers agricoles par des CAP. Il faut soutenir l’enseignement agricole, qu’il soit privé ou public. Les deux amendements sont importants.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les réseaux des maisons familiales rurales sont différents selon les territoires et s’adaptent aux besoins locaux en matière d’emploi. Dans ma circonscription, elles proposent essentiellement des formations agricoles. Je ne voudrais pas que l’on croie que je refuse de soutenir l’enseignement public ; au contraire, nous venons d’adopter un amendement revalorisant les crédits de l’enseignement agricole, lequel devrait couvrir les besoins évoqués par M. Bonnet.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Les maisons familiales rurales proposent des formations agricoles comme le baccalauréat professionnel conduite et gestion de l’entreprise agricole (CGEA).
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement II-AC344 de M. Paul Vannier.
Amendement II-AC394 de M. Jean-Claude Raux
M. Arnaud Bonnet. Il vise à permettre l’accès à la santé des élèves dans l’enseignement technique agricole. Je suis personnellement très inquiet de la santé mentale de nos élèves, où qu’ils soient.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. L’amendement que j’ai proposé tout à l’heure et que nous avons adopté prévoit un renforcement de 286 000 euros pour l’action 03 dédiée à la santé. C’est plus que les 275 000 euros demandés dans cet amendement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire modifiés.
État G : Liste des objectifs et des indicateurs de performance
Amendement II-AC387 de M. Jean-Claude Raux
M. Arnaud Bonnet. Il demande des indicateurs supplémentaires au sujet des lycéens professionnels qui, durant leurs stages en entreprise, peuvent être soumis à des abus dans leurs conditions d’exercice professionnel.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je suis, comme vous, attaché à la qualité de l’accueil de ces stagiaires par nos entreprises, qui commence par le respect de leur sécurité et de leur santé. Toutefois, le cadre légal est assez clair sur ces questions, qui ne relèvent pas du projet de loi de finances, ni de la performance de la dépense publique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC560 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Il tend à ajouter un indicateur de sortie pour évaluer la performance du système éducatif en indiquant le taux de jeunes connaissant des difficultés de lecture relevées lors des journée défense et citoyenneté (JDC). Près de 25 % des jeunes de 17 ans sont dans l’incapacité de lire un texte court après quinze ans d’éducation.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Ce nouvel indicateur ne me paraît pas indispensable. Les chiffres établis à partir des évaluations de la JDC sont publiés par la Depp et largement relayés chaque année. La maquette de performance du PAP comprend déjà des indicateurs évaluant le niveau en lecture et en français en CM1, en sixième et au moment du brevet des collèges. Enfin, certains jeunes, notamment en situation de handicap ou d’invalidité, peuvent être exemptés de la JDC. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC549 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Il vise à ajouter un indicateur de taux d’atteinte à la laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics. Curieusement, rien ne permet de mesurer les atteintes à la laïcité, alors qu’elles constituent l’un des problèmes les plus les plus aigus de notre système éducatif.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les atteintes au principe de laïcité signalées par les inspecteurs de circonscription et les chefs d’établissements de l’enseignement public font l’objet de communications régulières du ministre chargé de l’Éducation nationale et sont particulièrement suivies à tous les niveaux territoriaux. Ces données sont recueillies et consolidées au niveau national et très aisément accessibles au grand public sur le site de l’Éducation nationale sous un item intitulé « Bilan mensuel des actions de l’équipe Valeurs de la République ». Le ministère y communique chaque mois les atteintes à la laïcité et aux principes de la République remontées des écoles et des établissements scolaires. Un bilan est publié sur cette même page pour chaque année scolaire. Leur ajout dans le PAP revêt un intérêt limité. Avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). La préoccupation de l’extrême droite et du Rassemblement national pour la laïcité est à géographie variable. Connaissez-vous le collège-lycée Stanislas ? L’inspection générale a révélé que l’on y forçait les élèves à la confession catholique et que l’on y portait gravement atteinte à la liberté de conscience. Si vous aviez réellement le combat pour la laïcité et le respect de la liberté de conscience des élèves chevillé au corps, comme vous le prétendez, l’amendement s’intéresserait à tous les établissements scolaires du pays, publics comme privés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC554 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Il vise à ajouter le respect de la laïcité et de la neutralité au nombre des objectifs éducatifs du programme Vie de l’élève.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Après l’article 60
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-AC337, II-AC339, II-AC340, II-AC341 et II-AC342 de M. Paul Vannier, II‑AC345 de M. Rodrigo Arenas et II-AC559 de M. Roger Chudeau.
Annexe :
liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis
(par ordre chronologique)
Ministère du travail et de l’emploi – Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – Mme Cécile Charbaut, sous-directrice des parcours d’accès à l’emploi, et M. Stéphane Lhérault, chef du département France Travail
Association nationale des écoles de la deuxième chance (E2C) – MM. Cyrille Cohas-Bogey, directeur général, et Sébastien Kiss, secrétaire général
Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) – M. Jean-François Giret, directeur général, M. Thomas Couppié, chef du département des entrées et évolutions dans la vie active (Deeva), et Mme Marie Héléne Toutin, chargée d’études au centre associé Cereq de Lille, Clerse CNRS-Université de Lille
Union nationale des missions locales (UNML) – M. Marc Godefroy, président de l’Institut Bertrand Schwartz et membre du bureau, et M. Olivier Gaillet, directeur du pôle stratégie métiers et partenariats
Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) – M. Abdelkrim Mesbahi, président national, et Mme Alixe Rivière, administratrice nationale
Association des psychologues et de psychologie dans l’éducation nationale (Apsyen) – Mme Sylvie Amici, présidente, et M. Joël Capon, directeur de centre d’information et d’orientation
Association française des psychologues de l’éducation nationale (Afpen) – M. Laurent Chazelas, président, et Mme Mélaine Descamps-Bal, chargée des relations et de la communication
Table ronde de recteurs et représentants académiques :
– Mme Christine Gavrini-Chevet, rectrice de l’académie de Normandie, et M. Xavier Quarez, directeur de cabinet
– M. Philippe Dulbecco, recteur de l’académie de Guyane
– Mme Julie Benetti, rectrice de l’académie de Créteil, M. Madjid Ouriachi, directeur de cabinet, M. Mehdi Cherfi, secrétaire général d’académie et Mme Elisabeth Boyer, conseillère technique et cheffe du service académique de l’information et de l’orientation
– MM. Pierre N’Gahane, recteur de l’académie de Dijon, Jean-Christophe Duflanc, directeur de cabinet, Paul Sierra-Moreno, directeur académique de la pédagogie adjoint, Didier Perrault, délégué de région académique à l’information et à l’orientation, Pierre - Emmanuel Béna, inspecteur de l’éducation nationale - enseignement technique, Sébastien Marmot, délégué régional académique à la formation professionnelle initiale et continue, Hervé Moinet, inspecteur de l’éducation nationale - enseignement technique
Table ronde des syndicats représentatifs des personnels enseignants :
– FSU-Snes – M. Daniel Le Cam, responsable de la catégorie politique scolaire et laïcité
– Snuep-FSU – M. Axel Benoist, co-secrétaire général et membre du secrétariat national de la FSU
– FSU-Snuipp – Mme Guislaine David, co-secrétaire générale
– SNUPDEN-FSU – M. Philippe Beuchot, secrétaire général adjoint
– SE-Unsa – M. Gilles Langlois, secrétaire national en charge du dossier moyens et rémunérations, Mme Elisabeth Jamin, référente nationale accompagnants et école inclusive, et M. David Lelong, référent national collège
– SNPDEN-Unsa – M. Bruno Bobkiewicz, proviseur de la Cité scolaire Buffon à Paris
– CFDT Éducation formation recherche publiques – MM. Jean-Luc Evrard, Christophe Huguel, et Dominique Bruneau, secrétaires fédéraux
– CGT Éduc’action – Mme Sandra Gaudillère et M. Philippe Dauriac, secrétaires nationaux
– Snalc – M. Jean-Rémi Girard, président national
– Sud Éducation – Mme Maud Valegeas et M. Benjamin Bauné, co‑secrétaires fédéraux
Association nationale des conseillers principaux d’éducation – M. Michel Dieazanacque, président
M. Yann Riboulet, proviseur du lycée polyvalent Julliot de la Morandière de Granville, Mme Nejat Brahmi, proviseure adjointe en charge de la section professionnelle, et Mme Sylvie Lancelot, conseillère principale d’éducation et référente décrochage scolaire
Audition commune :
– Mission locale du Sud Manche – M. Gwenaël Racine, directeur
– Mission locale de Granville – Mme Fanny Delforge-Marchand, directrice
([1]) Cette situation inédite s’explique par la formation tardive du Gouvernement, le 21 septembre 2024, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée le 9 juin 2024 par le Président de la République.
([2]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([3]) Réponses au questionnaire parlementaire.
([4]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([5]) Depuis la loi n° 2022-1 574 du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH et des AED, le ministère a la possibilité de CDIser les AESH à l’issue de trois ans de CDD et les AED à l’issue de six ans de CDD.
([6]) Conformément à la loi n° 2024-475 du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.
([7]) Projet annuel de performances 2025 de la mission Enseignement scolaire.
([8]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([9]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([10]) Réponses au questionnaire budgétaire.
([11]) Idem.
([12]) Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou brevet d’études professionnelles (BEP)
([13]) Diplôme de niveau 1 ou 2.
([14]) Giret Jean-François, Jongbloed Janine, Les jeunes en situation de Neet : le rôle des compétences de base, Céreq Bref, n° 413, 2021.
([15]) Chiffres fournis par la Dgesco à l’issue de son audition.
([16]) L’Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide), anciennement appelé Établissement public d'insertion de la Défense, est un établissement public d’insertion ayant pour mission d’assurer l’insertion sociale et professionnelle de jeunes en difficulté sociale, sans qualification ni emploi. Il dispose de vingt centres répartis sur quinze régions du territoire métropolitain offrant 2 655 places et proposant des contrats de volontariat pour l’insertion d’une durée de 8 mois.
([17]) Un Greta est un groupement d'établissements publics locaux d'enseignement qui fédèrent leurs ressources humaines et matérielles pour organiser des actions de formation continue pour adultes. Les Greta ont également depuis 2019 la compétence exclusive de l’organisation de l’apprentissage dans les établissements publics d’enseignement (Greta-CFA). IL y a actuellement 89 Greta en France.
([18]) Indicateur 2.3.
([19]) Tous les jeunes Neet n’ont pas été des décrocheurs : l’absence d’insertion dans l’emploi peut également provenir d’autres raisons : diplôme ou formation obtenu peu ou pas insérant, faible mobilité, entrée précoce dans la parentalité, etc.
([20]) Depp, SIES-MESR, 2017 - panel d’enfants entrés en sixième en 2007.
([21]) Cnesco, Les inégalités sociales de décrochage scolaire, 2016.
([22]) Men, Depp, Cereq, Atlas des risques sociaux d’échec scolaire, 2017.
([23]) Ibidem.
([24]) Fondation Alpha Oméga et Union nationale des missions locales, Ruptures au pluriel, Étude des parcours de ruptures de cursus scolaire sans solution et de l’accompagnement des jeunes de l’obligation de formation, 2022.
([25]) Ibidem.
([26]) Ibidem.
([27]) Source : Dgesco.
([28]) Depp, L’origine sociale des élèves du second degré, 2021.
([29]) Depp, L’orientation en fin de troisième reste marquée par de fortes disparités scolaires et sociales, 2023.
([30]) Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée, op. cit.
([31]) L’essentiel des apprentis sont toutefois formés dans des centres de formation des apprentis (CFA), qui en regroupaient 1 021 500 en 2023-2024 selon la Depp, ce chiffre ayant plus que doublé depuis 2018.
([32]) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/05/04/presentation-de-la-reforme-du-lycee-professionnel
([33]) Cette mesure était déjà mise en œuvre pour les cursus CAP depuis la rentrée scolaire 2019 dans le cadre de la TVP.
([34]) Les RBDE s’appuient sur les structures déjà existantes : campus des métiers et qualifications, Gretas, GIP formation continue et insertion professionnelle, comités locaux école-entreprise (CLEE), etc.
([35]) IH2EF, Co-produire l’orientation des élèves : parcours de réussite du lycée à l’Université, 2024.