N° 486

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIème LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 octobre 2024.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324)

TOME V

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

 

TRANSPORTS TERRESTRES ET FLUVIAUX

PAR Mme Danielle BRULEBOIS

Députée

——

 

 Voir les numéros : 324 et 468 (Tome III, annexe 14).


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

PremiÈre partie : prÉsentation des crÉdits du projet de loi de finances pour 2025 consacrÉs aux infrastructures de transport

I. Le projet de loi de finances pour 2025 prÉserve les prioritÉs du Gouvernement en faveur des mobilitÉs durables

A. LES CRÉDITS DU Programme 203 Infrastructures et services de transports sont globalement stables en 2025

1. Les crédits budgétaires augmentent par rapport à la LFI pour 2024 pour atteindre 4,48 milliards d’euros de CP en 2025

2. L’ensemble des fonds de concours reversés au programme 203 constitue un montant significatif de 3,81 milliards d’euros de CP en 2025

B. l’Agence de financement des infrastructures de transport de France reste le principal contributeur du programme 203

1. Les recettes affectées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France sont préservées à leur niveau de 2023

2. La nouvelle trajectoire d’investissement de l’agence pour la période 2024-2029 reste à définir

II. Un projet de loi de finances pour 2025 qui donne toujours la prioritÉ au dÉveloppement des mobilitÉs durables

A. La poursuite des engagements pris en faveur d’une nouvelle donne ferroviaire

1. La nécessité de poursuivre la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire et de clarifier les modalités de financement associées

2. L’organisation d’une conférence de financement est nécessaire au déploiement des services express régionaux métropolitains (SERM)

B. Le maintien du soutien financier À l’ensemble des mobilitÉs durables

1. Le rythme soutenu des investissements de régénération et de modernisation du réseau fluvial doit se poursuivre en 2025

2. Le plan « Vélo et mobilités actives 2023-2027 » se poursuit pour accompagner les collectivités territoriales dans leurs projets

SECONDE PARTIE : les expÉrimentations du pass rail et du titre unique de transport

I. Le Pass rail pour les jeunes

1. Une mise en œuvre du Pass Rail pour les jeunes de 16 à 27 ans sur le réseau TER et Intercités au cours de l’été 2024

2. Un premier bilan du dispositif inférieur aux attentes qui devra être complété par une étude plus qualitative des comportements des jeunes

II. Le Titre unique de transport

1. Un titre unique afin de rendre plus attractifs et faciliter l’accès des usagers aux transports collectifs interrégionaux et multimodaux

2. Une expérimentation qui commencera au début de l’année 2025

Examen en commission

liste des personnes auditionnÉes

 


   Introduction

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, particulièrement à travers le programme 203 consacré aux infrastructures et services de transports et le budget prévisionnel de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), illustre l’engagement financier de l’État en faveur de la stratégie de développement des mobilités durables de notre pays. Face aux défis croissants de la transition écologique et énergétique, ce budget s’inscrit dans la continuité des engagements du Gouvernement pour développer des solutions de transport à faible émission de carbone, améliorer la qualité des infrastructures existantes et répondre aux attentes des citoyens en matière de mobilité du quotidien.

Les objectifs sont clairs : accélérer la décarbonation des transports, favoriser le report modal vers des alternatives au transport routier et aérien, et moderniser nos infrastructures pour une meilleure résilience face aux crises climatiques à venir. À travers des investissements renforcés dans les infrastructures ferroviaires, les mobilités actives, et la gestion durable des voies fluviales, ce budget consolide les priorités définies par la planification écologique tout en préservant l’équilibre budgétaire nécessaire à la soutenabilité de ces réformes.

Dans ce cadre, une attention particulière sera portée sur deux dispositifs visant à encourager le report modal et à faciliter l’accès aux transports collectifs : le Pass Rail pour les jeunes, qui permet de voyager, en illimité, sur les réseaux TER et Intercités, et l’expérimentation du titre unique de transport, dont l’ambition est de simplifier l’accès aux différents modes de transport interrégionaux et multimodaux. Ces initiatives, essentielles pour promouvoir une mobilité durable et accessible, démontrent la volonté du Gouvernement et des collectivités territoriales de rendre les transports publics plus attractifs.

 


   PremiÈre partie : prÉsentation des crÉdits du projet de loi de finances pour 2025 consacrÉs aux infrastructures de transport

I.   Le projet de loi de finances pour 2025 prÉserve les prioritÉs du Gouvernement en faveur des mobilitÉs durables

Les moyens de l’État consacrés aux transports ferroviaire, routier, fluvial et maritime sont dispersés entre plusieurs sources de financement au sein du projet de loi de finances. Ces derniers s’élèvent au total à 9,5 milliards d’euros dans le PLF pour 2025, en diminution par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 (10,4 milliards d’euros) mais à un niveau toujours supérieur qu’en 2023 (9,2 milliards d’euros), et sont composés :

 des crédits du programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables, dont le montant d’élève à 4,48 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) pour 2025, hors fonds de concours, en hausse de 2,1 % (+ 94 millions d’euros) par rapport à la LFI pour 2024 (4,38 milliards d’euros en CP) ;

– des investissements directs ou indirects de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), dont le budget, financé par des taxes affectées, est estimé à 3,7 milliards d’euros pour 2025, en baisse par rapport à la LFI pour 2024 (4,6 milliards d’euros) mais à un niveau similaire à 2023 ;

– des crédits du programme 869 Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle, doté de 226 millions d’euros en CP pour 2025 ;

 des taxes affectées à la Société du Grand Paris (SGP) et de la redevance hydraulique versée à Voies navigables de France (VNF), respectivement plafonnées à 989 millions d’euros pour 2025 (+ 3 millions d’euros par rapport à 2024) et 143,1 millions d’euros pour 2025 (+ 6,6 millions d’euros par rapport à 2024).

Le programme 203 ne comprend aucune dépense de personnel. Les agents œuvrant pour les politiques du programme 203 et les crédits de rémunérations afférents sont inscrits sur l’action 8 du programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Le présent avis porte uniquement sur le budget consacré aux transports terrestres et fluviaux dans le projet de loi de finances pour 2024, et tout particulièrement sur le périmètre du programme 203 consacré aux Infrastructures et services de transports, dont la spécificité est d’être abondé par des fonds de concours de l’AFITF ([1]). Il n’inclut également pas les transports maritimes et aériens qui font l’objet d’avis budgétaires distincts.

  1.   LES CRÉDITS DU Programme 203 Infrastructures et services de transports sont globalement stables en 2025
    1.   Les crédits budgétaires augmentent par rapport à la LFI pour 2024 pour atteindre 4,48 milliards d’euros de CP en 2025

Le programme 203 est doté de 4,98 milliards d’euros en AE et de 4,48 milliards d’euros en CP dans le PLF pour 2025, soit une hausse respective de 14,7 % en AE (+ 637 millions d’euros) et de 2,1 % en CP (+ 94 millions d’euros) par rapport à la LFI pour 2024. L’augmentation des crédits concerne principalement le mode ferroviaire (action 41), les transports collectifs (action 44) et les transports combinés (action 44), en cohérence avec les engagements du Gouvernement en faveur des mobilités durables et de la transition écologique du secteur des transports.

Montant des crÉdits du programme 203
entre 2024 et 2025 par action

(en euros)

Action

Libellé

LFI 2024

PLF 2025

AE

CP

AE

CP

04

Routes – Entretien

283 066 400

293 716 400

293 716 400

293 716 400

41

Ferroviaire

2 965 235 840

2 966 385 840

3 098 490 744

3 098 490 744

42

Voies navigables

255 173 879

255 173 879

255 619 633

255 619 633

43

Ports

92 494 963

92 494 963

92 494 963

92 494 963

44

Transports collectifs

336 155 345

365 979 581

812 027 436

322 191 345

45

Transports combinés

135 905 743

135 905 743

150 405 743

150 405 743

47

Fonctions support

57 420 592

57 420 592

58 288 845

58 284 770

50

Transport routier

167 252 783

167 252 783

167 494 137

167 494 137

52

Transport aérien

51 380 090

46 719 132

52 203 543

36 539 634

Total programme 203

4 344 085 635

4 381 048 913

4 980 741 444

4 475 237 369

Source : programme annuel de performance pour 2025.

Les points marquants identifiés par votre rapporteure pour avis concernant les crédits du programme 203 dans le PLF pour 2025 sont les suivants :

– la hausse du montant des redevances d’accès acquittées par l’État pour l’utilisation du réseau ferré national par les TER et les trains d’équilibre du territoire (TET), ainsi que la compensation versée au fret ferroviaire, visant à couvrir la différence entre le coût imputable à la circulation de trains de fret et les montants des redevances facturées par le gestionnaire d’infrastructure aux opérateurs, pour un montant total de 3 098 millions d’euros en 2025 contre 2 942 millions d’euros en 2024 (action 41) ;

– le maintien de la trajectoire du contrat d’objectifs et de performance (COP) de VNF pour la période 2023-2032 avec une subvention pour charges de service public (SCSP) fixée à 253,7 millions d’euros en AE et en CP pour 2025 contre 253,3 millions d’euros en AE et en CP en 2024 (action 42). VNF bénéficiera par ailleurs d’une hausse du plafond de perception de la redevance hydraulique à 143,1 millions d’euros en 2025 (soit + 6,6 millions d’euros par rapport à 2024) et d’une subvention de l’AFITF de 167 millions d’euros (soit un niveau équivalent à 2024), portant l’ensemble des recettes de l’établissement à 774,1 millions d’euros pour 2025 ;

– une hausse des crédits de financement du déficit d’exploitation des TET portés à 796,8 millions d’euros d’AE et 307 millions d’euros de CP en 2025 contre 308 millions d’euros d’AE et 338 millions d’euros de CP en 2024. Près de 490 millions d’euros d’AE ouverts en 2025 sont destinés à préparer le financement d’un contrat de location de matériel roulant nécessaire à l’exploitation des lignes de nuit et l’ouverture à la concurrence d’autres lignes. Ainsi, un marché d’ouverture à la concurrence des lignes Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux devrait être notifié en 2025. Les besoins en AE relatifs à ces contrats seront réexaminés en 2025 en fonction des résultats des appels d’offres (action 44) ;

– une hausse des aides à l’exploitation des services de wagons isolés de 70 millions d’euros en 2024 à 100 millions d’euros en 2025, conformément aux souhaits exprimés par le groupe SNCF dans le cadre de la restructuration de sa filière SNCF Fret (action 45). Votre rapporteure pour avis se félicite du respect des engagements du Gouvernement sur ce point, essentiel pour mener à bien la réforme en cours au sein du groupe SNCF ;

– le maintien des SCSP versées à l’Autorité de régulation des transports (ART) et à l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) pour un montant respectif de 15 millions d’euros en AE et en CP et de 13,2 millions d’euros en AE et en CP pour 2025 (montant stable par rapport à la loi de finances pour 2024). Votre rapporteure pour avis estime toutefois primordial de renforcer les moyens consacrés à l’ART au regard de l’accroissement continu des missions qui lui sont confiées par la loi pour répondre aux grands enjeux des transports. Elle a proposé un amendement d’augmentation de la SCSP de 3,6 millions d’euros lors de l’examen du PLF pour 2025, rejeté par la commission.

  1.   L’ensemble des fonds de concours reversés au programme 203 constitue un montant significatif de 3,81 milliards d’euros de CP en 2025

Comme chaque année, le programme 203 sera abondé par des fonds de concours d’un montant total presque aussi important que celui des crédits budgétaires, estimés à 3,28 milliards d’euros en AE (contre 4,2 milliards d’euros en 2024) et 3,81 milliards d’euros en CP pour 2025 (contre 4,05 milliards d’euros en 2024), soit une baisse respective de 911 millions d’euros en AE (–22 %) et de 245 millions d’euros en CP (– 6 %). Ces fonds de concours proviennent de l’AFITF, de la SNCF (dans le cadre des financements versés à SNCF Réseau pour les travaux sur les infrastructures ferroviaires) et des collectivités territoriales (au titre du cofinancement des opérations d’investissement de l’État, notamment dans les infrastructures routières).

Cette situation découle du choix qui a été fait de budgétiser une large partie des investissements de l’État dans les infrastructures de transports par le biais de l’AFITF, qui bénéficie elle-même de taxes affectées plafonnées. Cette solution budgétaire n’est pas sans conséquence, dans la mesure où les fonds de concours ne sont mentionnés qu’à titre indicatif dans les programmes annuels de performance (PAP) et ne sont pas adoptés par le Parlement. Il en résulte chaque année des difficultés à appréhender l’ensemble de l’action financière de l’État lors du vote du projet de loi de finances, dans la mesure où le budget prévisionnel de l’AFITF n’est présenté et adopté qu’en fin d’année.

Au total, les ressources prévues pour le programme 203 pour 2025, y compris fonds de concours et attributions de produits, s’élèvent à 8,3 milliards d’euros en AE, en baisse de 3,2 % par rapport à 2024, et à 8,3 milliards d’euros en CP, en baisse de 1,8 % par rapport à 2024.

MONTANT DES CRÉDITS DU PROGRAMME 203, Y COMPRIS FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUIT, ENTRE 2024 ET 2025 PAR ACTION

(en euros)

Action

Libellé

LFI 2024

PLF 2025

AE

CP

AE

CP

01

Routes – Développement

676 160 000

910 190 293

475 000 000

664 487 229

04

Routes – Entretien

1 013 499 780

1 025 515 400

1 044 216 400

1 044 216 400

41

Ferroviaire

4 734 826 688

4 461 364 423

4 753 490 744

4 803 490 744

42

Voies navigables

265 280 099

265 280 099

257 619 633

257 619 633

43

Ports

224 357 078

170 878 310

127 494 963

167 494 963

44

Transports collectifs

970 612 927

1 039 902 114

1 012 027 436

772 191 345

45

Transports combinés

331 768 931

243 298 138

270 405 743

265 405 743

47

Fonctions support

59 270 592

59 270 592

60 138 845

60 134 770

50

Transport routier

167 252 783

167 252 783

167 494 137

167 494 137

51

Sécurité ferroviaire

45 000 000

45 000 000

45 000 000

45 000 000

52

Transport aérien

51 380 090

46 719 132

52 203 543

36 539 634

Total programme 203

8 539 408 968

8 434 671 284

8 265 091 444

8 284 074 598

Note : y compris les prévisions de fonds de concours et d’attributions de produit.

Source : programme annuel de performance pour 2025.

Les principaux points marquants identifiés par votre rapporteure pour avis concernant les fonds de concours dans le PLF pour 2025 sont les suivants :

– la baisse du fonds de concours de l’AFITF au financement des infrastructures ferroviaires, qui s’élève à 300 millions d’euros en AE et 350 millions d’euros en CP pour 2025 contre 673 millions d’euros en AE et 398 millions d’euros en CP en 2024, afin de financer la montée en puissance des services express régionaux métropolitains (SERM) dans le cadre des contrats de plan État-région – CPER (action 41) ;

– la baisse du fonds de concours de l’AFITF pour financer les dépenses d’infrastructures de transport collectif, à 200 millions d’euros en AE et de 350 millions d’euros en CP pour 2025 contre 330 millions d’euros d’AE et 528 millions d’euros de CP en 2024 (action 44) ;

– la baisse du fonds de concours de l’AFITF pour le développement et la modernisation du réseau routier national, qui s’élève à 475 millions d’euros en AE et 664,5 millions d’euros en CP pour 2025 contre 676 millions d’euros d’AE et 910 millions d’euros de CP en 2024 (action 01) ;

– la baisse du fonds de concours de l’AFITF pour financer l’entretien et le développement des infrastructures fluviales relevant de l’État et gérées par ses services déconcentrés, à 2 millions d’euros en AE et en CP pour 2025 contre 10,1 millions d’euros en AE et en CP en 2024 (action 42) ;

– la hausse du reversement à SNCF Réseau par le biais d’un fonds de concours des dividendes de la part du groupe SNCF, à hauteur de 1 355 millions d’euros d’AE et de CP pour 2025 contre 1 097 millions d’euros d’AE et de CP en 2024 (action 41).

Ces évolutions illustrent la baisse globale des moyens dont disposera en 2025 l’AFITF, et par ce biais la baisse du niveau d’intervention de ses fonds de concours au programme 203, dans tous les domaines d’intervention de l’agence (routier, ferroviaire, transports collectifs et fluvial).

  1.   l’Agence de financement des infrastructures de transport de France reste le principal contributeur du programme 203

L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un établissement public national à caractère administratif ayant pour mission de participer au financement de projets d’infrastructures de transport et de mobilités. Il s’agit à ce titre de l’un des principaux contributeurs et opérateurs du programme 203 Infrastructures et services de transports. L’agence peut ainsi être considérée comme une caisse de financement qui reverse les deux tiers de ses taxes affectées au programme 203 sous la forme de fonds de concours, en ayant préalablement fléché les sommes ainsi reversées vers des projets d’investissement précis.

  1.   Les recettes affectées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France sont préservées à leur niveau de 2023

Pour assurer son financement, l’AFITF bénéficie de plusieurs taxes affectées et ressources provenant principalement des secteurs routiers et aériens, permettant de faire contribuer ces secteurs émetteurs de gaz à effet de serre au financement des infrastructures ferroviaires et fluviales.

Le montant total des recettes affectées à l’agence s’élève à 3,73 milliards d’euros pour 2025, soit à un niveau inférieur de 820 millions d’euros au montant de 2024 (4,55 milliards d’euros) mais stable par rapport à celui de 2023 (3,69 milliards d’euros). Cette baisse de 18 % des recettes procède principalement de la diminution du plafond de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’agence, qui diminue de 2 044 millions d’euros en 2024 à 1 281 millions d’euros en 2025 (article 33 du projet de loi de finances pour 2025). Ce montant total de recettes pour 2025 doit néanmoins permettre, selon la DGTIM, « d’assurer le financement des restes à payer correspondant aux dépenses nées, en 2025, d’engagements antérieurs à 2025, et de contribuer aux programmes de régénération et de modernisation des réseaux ».

Évolution des Recettes de l’Agence de financement
des infrastructures de transport de France

(en millions d’euros)

 

Exécution
2023

Prévision
2024

Prévision
2025

Évolution
2024-2025

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

1 908

2 044

1 281

– 763

Taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance

– 

600

600

0

Taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé

561

567

567

0

Redevance domaniale pour occupation du domaine public

401

411

421

+ 10

Tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers

226

252

270

+ 18

Produits des amendes radars automatiques du réseau routier national

178

250

245

– 5

Recettes diverses et contribution budgétaire du plan de relance

414

427

346

– 81

Total des recettes

3 689

4 551

3 730

 821

Source : rapport d’activité 2023 de l’AFITF et programme annuel de performance.

L’agence bénéficie ainsi :

 du tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers, plus connue sous le nom de « taxe Chirac », affectée à hauteur de 270 millions d’euros à l’AFITF en 2025 (+ 18 millions d’euros par rapport à 2024) ;

 de la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé, plus connue sous le nom de « taxe d’aménagement du territoire », due par les concessionnaires d’autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. Son produit est affecté à l’AFITF dans la limite d’un plafond de 567 millions d’euros en 2025, pour un rendement total estimé à 751 millions d’euros en 2025 ;

 de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui porte sur les produits pétroliers lorsqu’ils sont destinés à être utilisés en tant que carburant gazole. Elle est affectée à l’agence à hauteur de 1 281 millions d’euros en 2025 ;

 de la nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, mise en place par la loi de finances pour 2024, qui est due par les exploitants d’infrastructures de transport de longue distance (aéroports et autoroutes), qui remplissent une double condition de dépassement d’un seuil de revenus (revenus d’exploitation supérieurs à 120 millions d’euros) et d’un seuil de rentabilité (résultat net supérieur à 10 % en moyenne sur sept années). Elle est assise sur la fraction des revenus excédant 120 millions d’euros et son taux est fixé à 4,6 %. Cette taxe, dont le rendement est estimé à 600 millions d’euros en 2025, a fait l’objet de plusieurs recours juridiques de la part des sociétés concessionnaires d’autoroutes, sans succès à ce jour (le Conseil constitutionnel a par exemple réaffirmé, dans sa décision  2024-1102 QPC du 12 septembre 2024, sa conformité à la Constitution) ;

 d’une contribution volontaire exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroute pour un montant total prévu de 1,2 milliard d’euros courants sur la durée des concessions. Les sociétés concessionnaires d’autoroute ont toutefois pris la décision de suspendre le paiement de cette contribution depuis 2021 au motif d’une remise en cause de l’engagement de l’État de stabilité de la fiscalité, lors de l’indexation sur l’inflation du tarif de la taxe sur la distance. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a toutefois rendu son jugement le 14 mars 2024, concluant au rejet des requêtes des sociétés portant sur les titres émis au titre des années 2021, 2022 et 2023 ;

– de la redevance domaniale pour occupation du domaine public que les sociétés concessionnaires d’autoroutes versent annuellement à l’État pour un montant plafonné de 421 millions d’euros en 2025. Cette dernière est assise pour moitié sur la valeur locative du domaine public autoroutier et pour moitié sur le chiffre d’affaires des sociétés ;

– du produit résiduel tiré des amendements de radars automatiques du réseau routier national, pour un montant estimé de 245 millions d’euros en 2025, montant systématiquement sous-exécuté (178 millions d’euros en exécution 2023 contre 250 millions d’euros en prévision initiale) ;

– d’une partie des crédits du plan de relance à hauteur de 346 millions d’euros en 2025, principalement en provenance de l’action 7 Infrastructures et mobilité vertes du programme 362 Écologie.

Les recettes de l’agence devront faire l’objet d’une réflexion approfondie sur leur pérennité à moyen terme, en raison de plusieurs facteurs structurels. En effet, une partie importante des ressources provient des concessions autoroutières, dont certaines arriveront à échéance à compter de 2031. Cela pose la question de la reconduction ou du remplacement de ces sources de financement. Par ailleurs, le développement des véhicules électriques, bien que favorable à la transition écologique, réduira progressivement les recettes issues de la TICPE sur lesquelles l’AFITF s’appuie très largement. Enfin, les contentieux juridiques en cours, notamment concernant la contribution volontaire exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroute ou la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, créent une incertitude financière persistante.

  1.   La nouvelle trajectoire d’investissement de l’agence pour la période 2024-2029 reste à définir

La loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) avait défini, pour la période 2019-2023, une trajectoire pluriannuelle d’investissements en faveur des infrastructures de transport. Celle-ci a été respectée et même dépassée par les budgets successifs de l’AFITF avec 15,215 milliards d’euros de dépenses réalisées entre 2019 et 2023 par rapport aux 13,712 milliards d’euros initialement prévus par la LOM.

La trajectoire d’investissements de l’AFITF doit désormais être formellement définie pour la période 2024-2029, en tenant compte des engagements pris par le gouvernement d’Elisabeth Borne, le 24 février 2023, en faveur du scénario dit de la « planification écologique » issu du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) et recommandé par ses membres. Ce scénario accorde une nette priorité aux mobilités durables (en particulier, le transport ferroviaire, les transports collectifs et le transport fluvial), aux mobilités du quotidien ainsi qu’à la régénération et la modernisation des infrastructures existantes par rapport aux projets de développement de nouveaux services de transport.

À moyen terme, l’AFITF assure intégralement le financement de la part État des volets « Mobilités » des CPER, soit 8,6 milliards d’euros sur la période 2023-2027. L’enveloppe prévue est en hausse de 50 % par rapport à la précédente génération de CPER pour 2015-2022 (hors financements supplémentaires issus du plan de relance) et traduit les nouvelles priorités budgétaires en faveur du financement des SERM, des petites lignes ferroviaires, des opérations de mise en accessibilité des gares, du transport fluvial et des mobilités actives.

Votre rapporteure pour avis estime que la baisse annoncée des financements destinés à l’AFITF conduira à optimiser la trajectoire des investissements de l’AFITF. La diminution des fonds de concours de l’agence au programme 203 en est l’illustration la plus concrète et immédiate. Elle déplore toutefois ne pas avoir de visibilité sur la programmation budgétaire de l’AFITF pour 2025, l’agence elle-même n’étant pas en mesure de l’expliciter. Dans un contexte où les besoins en matière de régénération, de modernisation et de développement des infrastructures de transports sont considérables pour les années à venir, votre rapporteure pour avis ne peut que recommander l’élaboration sans délai d’une véritable programmation pluriannuelle soumise au Parlement.

  1.   Un projet de loi de finances pour 2025 qui donne toujours la prioritÉ au dÉveloppement des mobilitÉs durables
    1.   La poursuite des engagements pris en faveur d’une nouvelle donne ferroviaire
      1.   La nécessité de poursuivre la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire et de clarifier les modalités de financement associées

Le contrat de performance signé le 6 avril 2022 entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2021-2030 avait fixé à près de 2,9 milliards d’euros par an le niveau des investissements de renouvellement et de modernisation sur le réseau structurant. Le 24 février 2023, à la suite de la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, la Première ministre a annoncé que les investissements sur le réseau existant seraient augmentés progressivement d’ici la fin du quinquennat en vue d’atteindre en 2027 des montants supplémentaires annuels de 1 milliard d’euros pour sa régénération et 500 millions pour sa modernisation.

Pour l’ART, il s’agit, par ces investissements supplémentaires, d’éviter « une spirale de paupérisation industrielle » dans laquelle « les efforts de régénération de l’infrastructure prévus par le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau sont insuffisants pour mettre un terme au vieillissement et à la baisse de performance du réseau ». Il s’agit également de permettre « la réalisation des gains de performance industriels, de qualité de service et de capacité pouvant être attendus du déploiement de la commande centralisée du réseau (CCR) et du système européen de gestion du trafic (ERTMS) » et d’éviter ainsi « un décrochage du réseau ferroviaire français par rapport à nos voisins européens ».

Montants consacrÉs par SNCF RÉseau À la rÉgÉnÉration
et À la modernisation du rÉseau

(en millions d’euros)

 

Régénération et modernisation

dont modernisation

dont CCR

dont ERTMS

2019

2 714

278

241

37

2020

2 538

318

229

89

2021

2 837

388

254

134

2022

2 894

460

287

173

2023

3 108

560

371

189

2024 (prévisionnel)

3 200

604

316

288

Source : direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités

Pour parvenir en partie à cet objectif, le groupe SNCF envisage de verser 2,3 milliards d’euros supplémentaires sur la période 2024-2027 par le biais du mécanisme du fonds de concours alimenté par les dividendes que le groupe verse à l’État, afin de financer le ressaut d’investissements en matière de régénération et de modernisation. Le montant de la contribution totale du fonds de concours s’élèverait ainsi à 6 milliards d’euros sur la période 2024-2027. Le PLF pour 2025 prévoit que le montant du fonds de concours à SNCF Réseau de la part du groupe SNCF s’élèvera ainsi à 1 355 millions d’euros en 2025, contre 1 097 millions d’euros en 2024 (action 41).

En revanche, s’agissant de la contribution de l’État et de l’AFITF à l’horizon 2027 pour atteindre le montant supplémentaire de 1,5 milliard d’euros par an, la situation semble aujourd’hui moins stabilisée. Si votre rapporteure pour avis se félicite des annonces du nouveau ministre chargé des transports en faveur de la poursuite du plan relatif à « la nouvelle donne ferroviaire », elle souligne que son exécution reste fragile compte tenu des économies à réaliser sur le budget de l’État et de l’absence de programmation budgétaire disponible sur les « 100 milliards d’euros » annoncés par la Première ministre en février 2023.

Elle estime urgent de définir rapidement l’ensemble des modalités de financement pour moderniser et rénover les infrastructures ferroviaires. Sur ce sujet, l’actualisation en cours du contrat de performance de SNCF Réseau doit permettre d’acter et de préciser la trajectoire de l’effort de régénération et de modernisation du réseau pour les années à venir, ainsi que les sources de financement identifiées. Dès lors, votre rapporteure pour avis recommande vivement l’annexion au contrat de performance d’une programmation pluriannuelle des investissements à un horizon de dix ans.

  1.   L’organisation d’une conférence de financement est nécessaire au déploiement des services express régionaux métropolitains (SERM)

La loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains (SERM) ouvre la voie à un changement de paradigme de la mobilité pour une grande partie des agglomérations de France, avec pour objectif d’améliorer sensiblement le report modal depuis la voiture individuelle grâce à un choc d’offre en qualité et en quantité. Elle permet également à la Société du Grand Paris, devenue Société des Grands Projets (SGP), d’intervenir pour les projets nécessitant uniquement de nouvelles infrastructures situées hors du réseau ferré national actuel (nouvelles gares ou nouvelles lignes). La SGP pourra recourir à l’emprunt, par l’affectation d’une fiscalité locale spécifique et adaptée à chaque territoire, à l’image du financement des prochaines lignes à grande vitesse ou du financement du Grand Paris Express, pour des dépenses d’investissement uniquement.

Concrètement, le déploiement des SERM sera progressif et doit se faire en plusieurs phases, sur une quinzaine d’années :

– à court terme, le renforcement de la desserte ferroviaire à infrastructures existantes ainsi que le développement de services express routiers (par la mise en place de car express et de lignes de covoiturage), mis en œuvre, au moins dans un premier temps, sans aménagement d’infrastructure ;

– à moyen terme, le renforcement de l’offre ferroviaire sur les lignes existantes (développement de la fréquence et de l’amplitude) ainsi que le renforcement de l’offre routière avec des investissements et des aménagements sur l’infrastructure d’ampleur limitée ;

– à long terme, sur certains territoires, la réalisation d’infrastructures ferroviaires nouvelles.

Le label de SERM a été attribué à vingt-quatre projets à l’été 2024, sur la base d’un premier dossier. La DGITM indique que ces projets pourront se voir attribuer le statut prévu par la loi une fois que leur ambition sera plus précisément définie et formalisée.

Les SERM présentent un clair potentiel de développement pour améliorer la connexion entre les métropoles et leurs périphéries. Votre rapporteure pour avis estime que la mise en œuvre des SERM doit s’inscrire dans le cadre d’une planification globale des mobilités sur le territoire concerné, incluant les mobilités actives, les rabattements, les solutions de billettique, la tarification, etc. Elle nécessitera une coordination efficace entre autorités organisatrices locales et régionales. Il s’agit aussi de faire en sorte que les SERM bénéficient aux solutions de mobilités dans les territoires ruraux, et non pas seulement dans les grandes agglomérations.

 

carte des projets de SERM labellisÉs (juillet 2024)

Source : DGITM.

Votre rapporteure pour avis rappelle également que des financements importants devront être mobilisés pour les investissements et le fonctionnement des SERM. Le Conseil d’orientation des infrastructures avait estimé en 2022, pour les esquisses de « RER ferroviaires métropolitains » des dix principales agglomérations, un besoin d’investissement de l’ordre de 11 milliards d’euros. Des financements devront également être mobilisés pour l’exploitation et le fonctionnement des services. Les protocoles conclus pour les volets mobilité des CPER pour la période 2023-2027 prévoient à ce stade des financements pour les études et premiers travaux à hauteur de 2,66 milliards d’euros, dont 891 millions d’euros financés par l’État. Cet effort est toutefois jugé « limité » par Régions de France, au regard des enjeux de financement associés.

Montants inscrits ou projetÉs au titre des SERM inscrits dans les volets mobilitÉ des contrats de plan état-Région (CPER) 2023-2027

(en millions d’euros)

CPER

Total des montants inscrits

Part État

Part Région

Autres financeurs

Auvergne-Rhône-Alpes

322

147

175

-

Bretagne

177

53

51

72

Centre-Val de Loire

44

18

18

8

Grand Est

650

130

197

323

Hauts-de-France

296

121

139

36

Normandie

136

53

57

25

Nouvelle-Aquitaine

526

175

95

255

Occitanie

240

81

81

78

PACA (Région Sud)

163

54

51

58

Pays de la Loire

106

57

18

32

Total général

2 660

891

882

887

Source : DGITM.

À cette fin, l’article 10 de la loi relative aux SERM dispose qu’une « conférence nationale de financement des SERM est organisée avant le 30 juin 2024, afin de débattre des solutions à mettre en œuvre pour assurer un financement pérenne des dépenses d’investissement et de fonctionnement pérenne de ces services. Cette conférence examine notamment les évolutions de ressources fiscales et financières des collectivités territoriales pour assurer le fonctionnement de l’exploitation des SERM ». Votre rapporteure pour avis estime que l’organisation de cette conférence est désormais impérative, et se félicite de la décision du ministre chargé des transports de son organisation au cours de l’hiver prochain. Elle permettra de faire émerger des nouvelles pistes de financement, sous une forme qu’il convient encore de définir.

  1.   Le maintien du soutien financier À l’ensemble des mobilitÉs durables

1.   Le rythme soutenu des investissements de régénération et de modernisation du réseau fluvial doit se poursuivre en 2025

Le réseau fluvial est constitué de 6 700 kilomètres de voies navigables et de 400 kilomètres carrés de domaine public en bordure de voie d’eau. Voies navigables de France (VNF), opérateur de l’État rattaché au programme 203, réalise l’entretien, le développement et l’amélioration de ce réseau afin d’y permettre la navigation, commerciale et de plaisance, dans l’objectif de développer « un transport fluvial complémentaire des autres modes de transport, contribuant ainsi au report modal ».

Les recettes de VNF sont principalement constituées de la SCSP, d’une dotation annuelle de l’AFITF au titre des investissements à réaliser, d’une contribution des usagers par le biais de plusieurs redevances (la redevance hydraulique au titre des prélèvements et rejets dans le réseau navigable, les péages au titre du transport de marchandises et du tourisme fluvial et les redevances pour l’occupation du domaine public fluvial) et des recettes diverses (ventes de bois ou de production d’hydroélectricité, co-financements publics ou privés, produits exceptionnels, etc.).

Les crédits affectés à l’action 42 Voies navigables du programme 203 sont proposés pour 2025 à 258 millions d’euros en AE et en CP (stables), dont 254 millions d’euros (stables) de SCSP en faveur de VNF. Ce dernier bénéficiera par ailleurs d’une hausse du plafond de perception de la redevance hydraulique à 143,1 millions d’euros en 2025 (soit + 6,6 millions d’euros par rapport à 2024) et d’une subvention de l’AFITF de 167 millions d’euros (soit un niveau équivalent à 2024), portant l’ensemble des recettes de l’établissement à 774,1 millions d’euros pour 2025.

Votre rapporteure pour avis sera attentive à ce que les trajectoires de moyens humains et financiers prévues dans le COP soient respectées pour atteindre les objectifs fixés par ce contrat en matière de régénération de l’infrastructure fluviale, dans la mesure où les investissements programmés dans l’actuel COP ne permettent pas, selon l’établissement, de faire face aux besoins en matière de régénération et de modernisation du réseau. En effet, en juin 2024, 29,4 % des ouvrages de VNF sont en état fonctionnel fortement dégradé, dont 643 écluses et 110 barrages, et 39 % sont en état fonctionnel moyennement dégradé, dont 806 écluses et 187 barrages.

Par ailleurs, ces moyens supplémentaires visent à permettre, dès 2025, d’assurer la poursuite des grandes opérations de développement aux financements spécifiques. En effet, trois grandes opérations de développement, qui visent à assurer la prolongation du projet Seine-Nord Europe, ont débuté et s’exécuteront dans les quinze prochaines années : la mise au gabarit européen de l’Oise (projets MAGEO et Pont de Mours), la liaison à grand gabarit entre Bray et Nogent sur la Seine amont et l’amélioration des infrastructures fluviales du Nord-Pas-de-Calais et de la Seine avec notamment une montée en puissance des investissements sur l’axe desservant le Grand port Maritime de Dunkerque.

2.   Le plan « Vélo et mobilités actives 2023-2027 » se poursuit pour accompagner les collectivités territoriales dans leurs projets

Le plan « vélo et mobilités actives 2023-2027 » vise à permettre, d’une part, le cofinancement par l’État des infrastructures cyclables aux côtés des collectivités locales et, d’autre part, à accompagner les collectivités locales dans le développement de leurs politiques consacrées à la marche.

La composante « vélo » de ce plan est dotée d’un budget de 1,2 milliard d’euros sur 5 ans apportés par l’AFITF, avec pour objectif de doubler le réseau cyclable entre 2020 et 2030. Ce budget est consacré principalement à la réalisation d’itinéraires cyclables continus qui améliorent la sécurité et la qualité des trajets des cyclistes et a déjà fait l’objet de six appels à projets consacrés aux aménagements cyclables, dotés de 465 millions d’euros.

Les six appels à projets pour les aménagements cyclables ont connu un succès croissant : 2 294 dossiers ont été déposés par des collectivités ou sociétés d’aménagement porteuses de projets. Les 1 229 dossiers lauréats couvrent 725 territoires de toutes tailles pour la réalisation de projets d’aménagements cyclables variés, comme la création de passerelles, la sécurisation des franchissements de carrefours complexes, la pérennisation des pistes cyclables de transition ou la réalisation d’itinéraires cyclables sécurisés. Sur les 1 229 projets lauréats, 853 projets sont situés en zones peu ou moyennement denses et 56 projets dans un territoire d’outre-mer.

RÉsultats des appels À projets
pour les amÉnagements cyclables

(nombre de projets)

 

1er AAP

2e AAP

3e AAP

4e AAP

5e AAP

6e AAP

Total

Date d’annonce des lauréats

sept-19

sept-20

févr-21

mars-22

juin -22

sept-23

 

Nombre de projets déposés

275

301

311

136

659

612

2 294

Nombre de projets lauréats

153

186

194

60

340

296

1 229

Montants attribués (en millions d’euros)

43

71

101

50

100

100

465

Source : DGITM.

Au-delà du fonds en faveur des mobilités actives, il est important de souligner que d’autres sources de financement (hors programme 203) sont mises en place pour appuyer le développement des infrastructures et des usages. En particulier, les dotations d’investissement de l’État aux collectivités (DSIL, DETR, DSID, DPV) qui accompagnent la transformation des territoires contribuent également au financement d’aménagements en faveur des mobilités actives. Entre 2018 et 2023, il est estimé que 412 millions d’euros ont été destinés au vélo et à la marche. En 2023, le fonds vert a également permis de soutenir le développement du vélo dans les zones à faible émission, à hauteur de 55 millions d’euros.

 


   SECONDE PARTIE : les expÉrimentations du pass rail
et du titre unique de transport

Dans le cadre de la réalisation de son avis sur le PLF pour 2025, votre rapporteure pour avis a souhaité faire un travail ciblé sur deux dispositifs destinés à faciliter l’accès aux transports collectifs et de promouvoir la mobilité durable : le Pass Rail et le titre unique de transport. Il s’agit dans les deux cas de dispositifs visant à :

– encourager le report modal en incitant les usagers à privilégier les transports en commun par rapport à la voiture individuelle, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

– simplifier l’accessibilité et l’expérience de l’utilisateur, puisque le Pass Rail permet une mobilité illimitée sur les réseaux TER et Intercités pour les jeunes, tandis que le titre unique ambitionne de rendre plus fluide l’accès à plusieurs réseaux de transport interrégionaux et multimodaux par l’utilisation d’un seul support.

Les deux dispositifs font par ailleurs l’objet d’un co-financement entre l’État et les autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Le programme 203 prévoyait ainsi en 2024 près de 15 millions d’euros pour le Pass Rail et près de 10 millions d’euros pour l’expérimentation du titre unique de transport.

I.   Le Pass rail pour les jeunes

Le Pass Rail était un dispositif financé par l’État et les Régions pour permettre aux jeunes entre 16 et 27 ans de toutes nationalités de découvrir la France en train durant l’été 2024 (entre le 1er juillet et le 31 août). Il a été conçu comme un levier d’accompagnement de la transition afin d’encourager les jeunes à un report vers des modes de transport plus économes et favorables à l’environnement. Ce dispositif d’incitation à la mobilité durable s’inspire d’initiatives déployées à l’étranger, dont le JRPass au Japon, le Klimat Ticket en Autriche et surtout le ticket D Deutschland. Ce dernier, lancé le 1er mai 2023, prend la forme d’un forfait mensuel de 49 euros par mois permettant de circuler sur la quasi-totalité des réseaux urbains et interurbains du pays.

1.   Une mise en œuvre du Pass Rail pour les jeunes de 16 à 27 ans sur le réseau TER et Intercités au cours de l’été 2024

En France, le Pass Rail s’inscrit dans la continuité du dispositif Pass Jeune TER, mis en place à l’été 2020 et 2021, ayant permis aux jeunes de 12 à 25 ans de voyager en illimité sur l’ensemble du réseau TER pour 29 euros par mois, en juillet et en août. Le Pass Rail est financé par l’État et les régions, afin de permettre aux jeunes de 16 à 27 ans de voyager en train durant l’été 2024. Pour la somme de 49 euros, ses bénéficiaires peuvent parcourir la France en trains express régionaux (TER) et en trains d’équilibre du territoire (TET ou Intercités), en seconde classe, en illimité pendant un mois (31 jours glissants). Contrairement au dispositif applicable en Allemagne, il ne permet pas l’accès aux transports du quotidien, ni aux trains Transilien (TER en Île-de-France). Il s’adresse également uniquement aux jeunes, au cours de la période estivale. Les places au tarif Pass Rail ont par ailleurs pu être limitées en cas de forte affluence.

Un budget de 10 millions d’euros avait été estimé pour le Pass Rail lors de la loi de finances 2024. Une estimation du coût réel du dispositif pour l’État sera effectuée à l’automne, pour établir le manque à gagner exact en tant qu’autorité organisatrice des TET. Comme prévu par le protocole d’accord entre l’État et les Régions, l’État percevra par ailleurs 15 % des recettes des ventes de Pass Rail.

Par ailleurs, après un bilan complet, l’État et les régions pourront convenir de renouveler le dispositif pour l’année 2025. Le choix d’une telle reconduction et l’évolution éventuelle de son périmètre, notamment à l’Île‑de‑France, devront faire l’objet de négociations en lien avec les régions. En l’état actuel, votre rapporteure pour avis note que les crédits n’ont pas été reconduits dans le PLF pour 2025.

2.   Un premier bilan du dispositif inférieur aux attentes qui devra être complété par une étude plus qualitative des comportements des jeunes

Le ministère chargé des transports visait un « potentiel maximum » de 700 000 utilisateurs, soit 10 % de la classe d’âge des jeunes de 16 à 27 ans en France. Entre le 5 juin 2024, date d’ouverture des ventes, et le 31 août 2024, 235 367 Pass Rail ont été vendus, avec des pics de vente observés lors de la première semaine, puis au début du mois de juillet et au début du mois d’août. Au total, 94 % des Pass ont été achetés sur SNCF Connect et 6 % sur Trainline. La vente des Pass était uniquement digitale et proposée sur ces deux seules agences de voyages.

Au total, 2 382 490 billets Pass Rail ont été réservés du 5 juin au 27 août, soit une moyenne de 10,1 trajets réservés par Pass. 88 % des billets avaient été réservés sur TER et 12 % sur Intercités. Pour les billets Intercités, 28 % ont été réservés sur la Transversale Sud (Bordeaux – Marseille). En particulier, les trains de nuit ont connu un succès important avec le Pass Rail, puisqu’ils ont représenté 16 % des billets distribués avec le Pass sur les Intercités, alors qu’ils représentent habituellement une part de 7 % des passagers des trains Intercités.

Ces résultats, inférieurs aux attentes dans la mesure où le trafic lié au Pass Rail représente moins de 4 % du trafic estival sur les TER, peuvent s’expliquer par trois facteurs : la mise en vente tardive du Pass Rail, la promotion limitée dont il a bénéficié, et l’effet d’inertie de ce type d’offre, qui nécessite un déploiement à long terme pour être pleinement adoptée par les voyageurs. D’après l’ART, malgré un engouement limité, le Pass Rail estival représente néanmoins une première brique de simplification des parcours ferroviaires des voyageurs, qui mérite de s’inscrire dans la durée.

Ce premier bilan quantitatif devra être complété par une analyse plus qualitative menée auprès des utilisateurs : la réussite des différents objectifs du Pass Rail, notamment vis-à-vis du report modal, de l’utilité du Pass vis-à-vis du pouvoir d’achat des jeunes et de leur capacité à partir en vacances sera notamment évaluée grâce à une enquête de mobilité auprès des utilisateurs du Pass Rail, menée par SNCF Voyageurs pour le compte de l’État et des Régions, avec des résultats attendus en octobre 2024.

II.   Le Titre unique de transport

Le projet d’expérimentation de titre de transport unique répond à une aspiration des usagers, notamment exprimée lors de la Convention citoyenne pour le climat en 2020, dans la perspective d’un recours accru aux mobilités durables. Il vise à simplifier l’achat de billets pour les usagers des transports collectifs, notamment pour des déplacements interrégionaux et multimodaux.

1.   Un titre unique afin de rendre plus attractifs et faciliter l’accès des usagers aux transports collectifs interrégionaux et multimodaux

La France comprend en effet 712 AOM, chacune proposant des services de transport tarifés, accessibles par l’intermédiaire de systèmes billettiques aux spécificités variées. Il résulte de cette diversité une complexité accrue pour les usagers, notamment lors de leurs déplacements transrégionaux ou intermodaux. Le titre unique doit ainsi rendre plus attractifs et faciliter l’accès des usagers aux transports collectifs, afin de favoriser le report modal de la voiture individuelle vers ces derniers, dans un objectif global de réduction de l’impact environnemental des mobilités.

Le ministre délégué chargé des transports a présidé le 23 avril 2024 le premier comité de pilotage consacré au projet de titre de transport unique national. À cette occasion, l’État, Régions de France et le Groupement des autorités responsables de transport (GART) ont signé un protocole d’accord, confirmant la volonté commune de doter les autorités organisatrices des mobilités d’outils communs pour simplifier l’accès à tous les modes de déplacement partagés.

Cette initiative ambitieuse doit permettre une double simplification. Les usagers devraient voir leurs déplacements intermodaux et interrégionaux facilités ; l’expérimentation d’un « support universel » sera lancée à la fin de 2024 dans certains territoires, permettant aux citoyens de souscrire à un service de postpaiement disponible sur une application mobile. Cette approche innovante sera progressivement étendue à de nouveaux territoires. L’action de l’écosystème des transports sera également simplifiée ; l’État doit devenir l’interlocuteur central en fournissant une plateforme nationale d’interopérabilité.

2.   Une expérimentation qui commencera au début de l’année 2025

Votre rapporteure pour avis constate que l’expérimentation du titre unique de transport n’a pas encore commencé et reste à ce stade dans une phase préparatoire. Elle doit commencer au début de l’année 2025. Ainsi l’appel d’offres relatif à la conception, la mise en service, l’exploitation, la commercialisation et le maintien en conditions opérationnelles et de sécurité de l’expérimentation devrait être notifié d’ici la fin de l’année 2024. Il est prévu un marché modulaire d’une durée de quatre ans.

Dans un premier temps, six collectivités pilotes (les régions Normandie, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, les communautés urbaines de Caen la mer, Le Mans métropole et Tours Métropole Val de Loire) ont été sélectionnées pour participer à la phase d’expérimentation. Elles vont tester et affiner le dispositif avant son déploiement plus large. D’autres collectivités ont fait part de leur volonté de participer au projet dans un second temps, notamment la région Provence Alpes Côte d’Azur, l’Eurométropole de Strasbourg ou encore Mulhouse Alsace Agglomération.

Les données chiffrées permettant de dresser le bilan de l’expérimentation seront disponibles à l’issue de la première phase. Ce bilan aidera à définir les modalités d’élargissement et de poursuite de l’expérimentation.

 


   Examen en commission

Après avoir auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, le 16 octobre 2024, et M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports, le 22 octobre 2024, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » le mardi 22 octobre 2024 après-midi et soir et le mercredi 23 octobre 2024 matin et après-midi (voir le tome X de l’avis n° 486 : https://assnat.fr/XlYRCY).

À l’issue de cet examen, elle a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

 


   liste des personnes auditionnÉes

(par ordre chronologique)

Régions de France

M. Michel Neugnot, co-président de la commission mobilité, transports, infrastructures

M. David Herrgott, conseiller « transports »

Autorité de régulation des transports (ART)

M. Thierry Guimbaud, président

M. Jordan Cartier, secrétariat général

M. Joël Deumier, directeur adjoint de cabinet, chargé des affaires européennes

Groupement des autorités responsables de transport (GART)

Mme Florence Dujardin, directrice des affaires économiques et financières

M. Alexandre Magny, directeur général

M. Benjamin Marcus, directeur des affaires publiques et européennes

Société des Grands Projets (SGP)

M. Jean-François Monteils, président

M. Frédéric Bredillot, membre du directoire

M. Deniz Boy, directeur délégué aux affaires publiques

M. Thomas Le Cour, directeur de cabinet

Voies navigables de France (VNF)

Mme Cécile Avezard, directrice

Mme Muriel Mournetas, responsable des relations institutionnelles

M. Régis Bac, directeur juridique économique et financier

Groupe SNCF

M. Laurent Trévisani, directeur général délégué « Stratégie et Finances »

Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire

Ministère de l’économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique  Direction du budget

M. Thomas Espeillac, sous-directeur « Écologie logement et transports »

Mme Céline Moucer, adjointe au chef de bureau transports

 


([1]) Une partie seulement du budget de l’AFITF est reversée au programme 203 sous la forme de fonds de concours ; le reste fait l’objet de paiements directs essentiellement pour le financement de grands projets, à destination de SNCF Réseau, SNCF Gares & connexions, Voies navigables de France et des sociétés concessionnaires d’autoroutes.