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N° 486
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIème LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 octobre 2024.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324)
TOME X
ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
COMPTES RENDUS
PAR Mmes Lisa BELLUCO, Danielle BRULEBOIS,
MM. Romain ESKENAZI, Sébastien HUMERT, Mme Claire LEJEUNE,
MM. Jimmy PAHUN et Vincent THIÉBAUT
Députés
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Voir les numéros : 324 et 468.
SOMMAIRE
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Pages
1. Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques (réunion du mercredi 16 octobre 2024 après-midi)
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Madame la ministre, nous sommes heureux de pouvoir échanger avec vous au sujet des priorités de votre ministère et de celles de la commission, avant d’examiner les crédits de la mission Écologie la semaine prochaine. Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques : le champ précisé dans votre décret d’attribution est large et devrait nous amener à entretenir un dialogue régulier.
Parmi ses premiers travaux, la commission a décidé de mettre l’accent sur l’adaptation de l’aménagement des territoires au changement climatique, en commençant par la situation des territoires confrontés aux risques d’inondation, que vous connaissez bien, ou au recul du trait de côte. Toujours s’agissant de l’eau, nous avons entendu avec intérêt l’annonce par le Premier ministre d’une conférence nationale, soixante ans après la première loi sur l’eau. Nous serons là pour accompagner cette initiative, y participer et contribuer à la prise en compte de ses résultats.
Face à l’effondrement de la biodiversité, notre commission fait du ZAN, l’objectif de zéro artificialisation nette des sols, une autre priorité. Il faut trouver les conditions d’une application efficace et juste sur les territoires, sans vider cet objectif de sa consistance.
Si les effets déjà frappants du changement climatique imposent de s’y adapter, nous ne voulons pas renoncer à lutter contre le réchauffement. Les politiques publiques doivent désormais prendre en compte un risque de hausse des températures de 4 degrés d’ici 2100. C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que les exercices de planification qui ont pris du retard – le Pnacc 3, troisième plan national pour l’adaptation au changement climatique, ainsi que la programmation pluriannuelle de l’énergie – soient rapidement menés à bien. Nous comptons sur vous et sur Olga Givernet.
C’est dans ce contexte que nous nous apprêtons à examiner le projet de loi de finances pour 2025. Chacun doit prendre sa part de l’effort budgétaire, en toute responsabilité. Et en matière de transition écologique plus qu’ailleurs, il faut le faire en ayant à l’esprit le coût de l’inaction. Il nous revient donc, ensemble, d’optimiser les ressources à y consacrer.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. Merci de m’accueillir pour ma première audition, qui me fournit l’occasion de tracer les principales priorités de ma feuille de route et de présenter quelques enjeux pour le budget 2025 de mon ministère, avant de répondre à vos questions.
Concernant ma feuille de route, le constat est clair : la situation politique, parlementaire et budgétaire n’a pas interrompu la course contre la montre climatique. Les effets du dérèglement climatique sont là, dans nos vies, des inondations dans mon département du Pas-de-Calais à la sécheresse inédite dans les Pyrénées orientales, de la disparition du manteau neigeux de nos montages à la crise de l’eau à Mayotte et aux épisodes climatiques violents à répétition dans nos outre-mer. L’érosion de la biodiversité est également là. Le vivant est fragilisé et, si nous ne faisons rien, c’est notre propre espèce qui est menacée. Ces deux combats vont de pair, car le climat et la biodiversité sont les deux faces d’une même pièce. Pour les mener, ma feuille de route sera chargée et je pourrai m’appuyer sur Olga Givernet s’agissant des enjeux énergétiques.
J’aurai d’abord à cœur, comme l’a indiqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, de reprendre le chemin de la planification écologique. Celle-ci repose sur l’idée selon laquelle c’est à l’État stratège de fixer le cap, et aux acteurs locaux – services déconcentrés, élus, entreprises, associations, citoyens –, au plus près de la réalité du terrain, de préparer l’application d’actions. Cette planification, engagée en 2022, fonctionne. Au cours des douze derniers mois, nos émissions ont diminué de 4,8 %. C’est la bonne trajectoire si nous voulons atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Il y a cinq ans, personne n’aurait imaginé que l’on puisse tenir une trajectoire comme celle des dix-huit derniers mois. Si nous voulons poursuivre dans cet élan, il va falloir accélérer, car le début est toujours plus facile. C’est dans cette optique que, dans les prochaines semaines, je soumettrai à la consultation publique trois textes essentiels pour notre planification écologique et énergétique : le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, la stratégie nationale bas-carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ces textes ont été travaillés par mon prédécesseur Christophe Béchu et moi-même lorsque j’étais ministre de la transition énergétique.
Ensuite, avec ma ministre déléguée Olga Givernet, nous comptons accélérer s’agissant de chacun des quatre piliers de notre stratégie énergétique.
La sobriété, d’abord – dont je considère qu’elle doit être travaillée dans de nombreuses politiques publiques. La sobriété, ce n’est pas la décroissance. C’est ce que l’on pratique au quotidien dans le monde industriel quand on est attentif à l’utilisation des ressources, et que l’on appelle le lean management. Nous aurons besoin de sobriété à la fois en matière d’énergie, de foncier, d’eau et d’intrants.
L’efficacité énergétique, ensuite. Nous devrons continuer d’accompagner les Français dans leur quotidien, par exemple en leur permettant de rénover leur logement ou d’avoir accès à des transports en commun ou à des véhicules individuels décarbonés, ce qui pose la question de la baisse des coûts de ces solutions. Nous devrons aussi poursuivre le développement de toutes les énergies renouvelables – les éoliennes terrestres et marines, la chaleur renouvelable, la géothermie et l’énergie solaire –, parce qu’elles ont toutes un rôle à jouer, et la relance du nucléaire que nous avons engagée il y a plusieurs années. Je précise, à cet égard, que je ne suis pas pro-nucléaire, pas plus que je ne suis pro-énergies renouvelables. Chaque énergie a ses avantages et ses défauts et, en matière énergétique, il n’existe pas de solution parfaite, mais un panel de solutions. Ce qui est certain, c’est que je serai toujours une fervente pro-énergie décarbonée contre les énergies fossiles, au nom du climat mais aussi de notre sécurité d’approvisionnement et de la souveraineté de notre pays, qui ne produit pas d’énergies fossiles.
Concernant la protection de la biodiversité, j’aurai plusieurs ambitions. D’abord, assurer le bon déploiement de notre stratégie nationale biodiversité, qui vise notamment à placer 10 % de notre territoire sous protection forte. Il faut que nous atteignions cet objectif. Ensuite, je veux travailler avec l’ensemble des acteurs pour m’assurer que les textes ambitieux que nous avons adoptés en matière de lutte contre la déforestation importée soient appliqués. Toutefois, je ne serai pas dogmatique, car le dogmatisme s’accommode mal de la réalité du terrain et conduit souvent à l’inaction, comme on a pu l’observer.
Concernant la question de l’eau, enfin, grandement liée à celle de la biodiversité, les prochains mois seront guidés par trois priorités. D’abord, préparer et organiser la grande conférence nationale sur l’eau annoncée par le Premier ministre. Ensuite, lancer le plan Eau pour Mayotte, qui aidera l’île dans la crise d’approvisionnement en eau qu’elle connaît. Enfin, engager le plan de sécurisation de nos captages, pour mieux garantir la qualité de l’eau de nos concitoyens. Ce plan est prêt, j’y ai travaillé au ministère de l’agriculture.
Voilà pour une vision non exhaustive des sujets nationaux. Il en existe beaucoup d’autres, parmi lesquels la lutte contre les Pfas, substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées, l’économie circulaire et la responsabilité élargie des producteurs (REP), l’affichage environnemental pour les produits alimentaires et textiles, ou encore le ZAN, au sujet duquel je serai particulièrement vigilante. S’il est probablement utile d’en faire évoluer les modalités de façon pragmatique et différenciée, il ne doit pas s’agir de détricoter cet objectif.
En matière internationale, je souhaite que nous nous engagions pleinement pour que la future Commission européenne réaffirme l’ambition du Pacte vert, la couple avec une ambition industrielle et retienne dans ses actions un principe de neutralité technologique. Il est anormal que le nucléaire reste discriminé par rapport à d’autres technologies bas-carbone. Il conviendra également de défendre des principes de concurrence loyale, au niveau intra-européen autant qu’extra-européen.
Plusieurs événements internationaux nécessiteront que notre pays exerce un leadership fort : la COP16 Biodiversité en Colombie, où je me rendrai dans les prochains jours ; la difficile COP29 Climat à Bakou, où nous nous tiendrons la chaise sans concession vis-à-vis de la présidence ; les négociations à Busan, en Corée, pour réduire la pollution plastique ; la COP16 Désertification et le One Water Summit qui auront lieu à Ryad en fin d’année. Dans toutes ces instances, vous pourrez compter sur moi pour porter une voix forte et ambitieuse au nom de la France.
Voilà pour ma feuille de route. Je n’ai pas pu détailler tous les items et j’ai essayé d’aborder les sujets qui ont fait l’actualité ces dernières semaines. Mais je ne voudrais pas que les chapitres qui n’ont pas été évoqués soient considérés comme sacrifiés. Ce n’est pas le cas.
J’adjoins à cette feuille de route deux impératifs. Le premier est de défendre une écologie résolument populaire. Dans vos circonscriptions, en particulier les plus éloignées des métropoles, la transition écologique apparaît parfois comme lointaine, déconnectée, un luxe qui serait réservé aux urbains ou aux classes aisées. Il faut entendre ces critiques, mais l’écologie que je veux promouvoir doit partir du quotidien des Français. Elle doit s’intéresser à l’explosion de l’asthme des enfants liée la pollution de l’air et aux politiques pour y répondre – c’est là que nous pouvons parler des zones à faibles émissions. Elle doit apporter une réponse à la crainte de voir les économies d’une vie disparaître dans la prochaine inondation, avec un travail à mener en matière d’adaptation au changement climatique et d’assurance, par exemple. Oui, l’écologie à laquelle je crois doit être populaire, parce que concrète et accessible.
Le second impératif consiste à aller chercher l’argent où il est. Le budget 2025 de mon ministère est un budget de combat. Compte tenu de la situation dégradée des finances publiques, il a été demandé à tous les ministères de faire de gros efforts. C’est un budget de 16,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, qui marque un retour au niveau d’avant le plan de relance et la crise énergétique et s’inscrit dans la lignée des budgets de 2019 et 2021. Il s’appuie aussi, pour une bonne partie des programmes, sur la réalité des crédits consommés en 2024 – ce qui signifie qu’il n’y a pas de baisse par rapport au réalisé. Ce budget nous engage à être plus efficaces et plus sélectifs. Nous avons déjà beaucoup investi pour inciter nos concitoyens à effectuer certains investissements. L’enjeu, maintenant, consiste à mieux mobiliser les sources de financement privé.
Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, mon ministère prendra sa part et je serai une ministre responsable. Si nous ne sommes pas responsables maintenant, les intérêts de la dette croîtront, obérant du même coup notre capacité à investir demain dans les priorités d’avenir et dans la transition écologique et énergétique.
Pour certaines réductions de dépenses, la logique est relativement évidente. Nous faisons ainsi le choix de réduire le soutien à certaines « dépenses brunes », au travers d’une augmentation du malus automobile, de la suppression du taux réduit de TVA à 5,5 % pour l’installation de chaudières à énergie fossile, et par voie d’amendements gouvernementaux, comme cela a été annoncé dans le dossier de presse du projet de loi de finances (PLF), avec une réflexion portant sur la fiscalité des billets d’avion et des énergies fossiles.
S’agissant de la fiscalité de l’électricité, la proposition du Gouvernement repose sur deux niveaux : un niveau législatif qui acte le retour à la fiscalité d’avant crise énergétique – c’est la fin du bouclier, qui a représenté plus de 50 milliards d’aides aux ménages et aux entreprises ces trois dernières années –, et le renvoi au pouvoir réglementaire de la capacité à aller au-delà, dans une fourchette encadrée par le législateur et dans le respect de l’engagement du Premier ministre de voir baisser les tarifs réglementés de vente de l’électricité de 9 % au 1er février 2025 pour les 60 % de Français concernés. Ce renvoi au pouvoir réglementaire permettra de définir finement le niveau de fiscalité, en tenant compte de l’actualisation attendue des coûts du réseau l’année prochaine.
Pour finir, je serai attentive à quatre points. Il s’agira d’abord de faire de la place au débat et aux améliorations parlementaires. Je suis à votre service pour éclairer vos débats et évaluer les implications des amendements qui pourraient être proposés. Ensuite, ma responsabilité budgétaire ne me fera pas oublier ma responsabilité écologique, et je mettrai un point d’honneur à ce que l’argent public permette aux solutions décarbonées de devenir plus compétitives. Je serai également attentive à l’enjeu du pouvoir d’achat. Je mesure les attentes, voire la colère, des classes moyennes et populaires qui travaillent. Aussi, je serai sensible à l’enjeu de justice fiscale et territoriale. Enfin, je serai vigilante à l’enjeu de réindustrialisation. Nous devons bâtir une écologie du partage de la valeur, qui crée de la richesse et de l’emploi pour tous nos territoires. Chacun sait que les filières industrielles ont besoin d’énergie pour fonctionner et que si le coût de l’énergie s’envole pour les entreprises, la réindustrialisation de risque de repartir en arrière.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Matthieu Marchio (RN). Depuis plusieurs années, la macronie nous impose une écologie qui vise à culpabiliser et à punir les Français. Macroniste de la première heure, vous êtes comptable de cette politique brutale faite de non-sens. L’obstination d’Emmanuel Macron à fermer la centrale de Fessenheim par idéologie est l’exemple criant de vos errements.
La gestion des risques et la prévention sont au cœur de votre ministère. Les récentes inondations nous interpellent et appellent des réactions rapides des pouvoirs publics. Des familles ont tout perdu ! Le ministère dont vous avez hérité aurait dû anticiper ces catastrophes et instaurer des systèmes d’alerte efficaces. Mais, comme souvent, vous arrivez trop tard. Vous avez osé minimiser la gravité de la situation en déclarant que « 50 millimètres d’eau, ce n’est pas les chutes du Niagara ». Votre désinvolture montre combien vous êtes hors-sol. Que prévoyez-vous, dans la gestion globale des catastrophes naturelles ? Où sont les infrastructures adaptées ?
L’écologie, ne vous en déplaise, n’est pas du matraquage fiscal. Vos déclarations concernant le budget ne peuvent qu’inquiéter les Français. En annonçant vouloir augmenter la fiscalité du gaz, vous vous retrouvez plus que jamais isolée. Jamais le groupe Rassemblement national ne cautionnera une hausse de la fiscalité qui touchera, une fois de plus, les classes populaires et les classes moyennes ! La hausse souhaitée de la TVA pour l’électricité est tout aussi scandaleuse. Vous la présentez comme une nécessité mais en réalité, sous couvert d’écologie, vous faites une fois de plus la poche des Français.
La révision des tarifs réglementés, en février prochain, doit permettre des économies pour les consommateurs. L’écologie ne doit pas se faire contre les Français. Vous parlez de transition écologique, mais pour qui ? Pour nos concitoyens incités par votre gouvernement à changer leurs vieilles chaudières pour des chaudières au gaz ou à condensation, à l’aide de subventions publiques et pour subir cette explosion de taxes ? Quel mépris, là encore ! Quel mépris pour ces familles et ces petites entreprises déjà étouffées par l’inflation ! Autre exemple de l’amateurisme de la macronie : le démantèlement de Fret SNCF par le gouvernement Borne, auquel vous avez appartenu. Le fret ferroviaire est pourtant l’une des solutions pour réduire notre empreinte carbone et désengorger nos routes. Cette décision irresponsable sur le plan écologique allait aussi à l’encontre de la compétitivité économique de la France.
Nous assumons notre vision de l’écologie, celle d’une écologie positive, porteuse d’espoir pour tous, tournant la page d’une écologie punitive et de mauvaise conscience. Il faut en finir avec les hausses d’impôts sous couvert d’écologie, mais aussi soutenir des solutions efficaces comme le développement du nucléaire, l’amélioration des infrastructures de prévention ou la relance du ferroviaire. Pour réussir la transition écologique, l’enjeu est l’adhésion des Français. Il ne faut rien faire contre eux, et rien sans eux. La concertation doit être au centre de la démarche de votre ministère.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous pouvons nous retrouver sur certains points. Concernant la relance du ferroviaire ou celle du nucléaire, nous ne vous avons d’ailleurs pas attendus pour agir.
S’agissant des inondations et de la lutte contre l’impact d’événements climatiques majeurs, la première réponse consiste à ne pas être dans le déni climatique et à agir pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Toute politique écologique doit avoir deux piliers, à commencer par la baisse des émissions de gaz à effet de serre – ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Si nous n’atteignons pas la neutralité carbone à horizon 2050, nous risquons de faire face à une augmentation moyenne de la température de 1,5 à 2 degrés, ce qui représenterait pour la France un scénario à 4 degrés, avec une hausse drastique des aléas climatiques – et si nous allons au-delà, ce sera pire.
Vous mentionnez les inondations dans le Pas-de-Calais. Je les ai suivies de près et je n’en ai jamais parlé avec légèreté. Les « 50 millimètres » dont vous parlez font référence à un autre épisode. Factuellement, mes propos étaient exacts : alors que cet épisode était moyen d’un point de vue statistique, il y avait malgré tout une inondation. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.
Concernant notre politique écologique, nous avons enregistré de nombreux progrès. La baisse des émissions de gaz à effet de serre de 5,8 % en 2023 et 4,8 % ces douze derniers mois s’est faite en accélérant la rénovation thermique – donc en améliorant le confort dans nos maisons –, en accélérant l’investissement dans les transports en commun et dans l’électrification des véhicules – là aussi, dans l’intérêt des Français. Puisqu’on évoque les enjeux écologiques du quotidien, je peux aussi citer l’amélioration de la qualité de l’air. En 2023, elle s’est traduite par une amélioration de la santé publique. Les Français que j’ai rencontrés ces derniers mois m’ont parlé de la qualité de l’air, de la qualité de l’eau – nous avons un plan en la matière – et de la qualité de l’alimentation – les politiques que nous avons menées vont dans le sens d’une sécurisation. On peut toujours aller plus loin, mais prenons en compte la réalité du bilan de ces sept dernières années : c’est bien une politique écologique du quotidien que nous défendons.
Mme Sophie Panonacle (EPR). Notre commission n’est certes consultée que pour avis, mais je vous confirme que notre attention est pleinement mobilisée pour l’affectation des 16,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement dont vous avez la responsabilité.
Nous regrettons que les programmes du logement et des transports échappent désormais à votre ministère, tant la transition écologique et énergétique concentre des enjeux puissants dans ces deux domaines.
Votre budget s’inscrit dans le cadre du redressement des finances publiques, alors même que la dette écologique nous frappe au même titre que la dette financière. Avec 16,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, vous devrez effectuer des arbitrages, notamment en supprimant les « niches brunes ». Rien n’est choquant dans l’augmentation du malus automobile. Rien n’est choquant dans le retour de la TVA à 20 % pour l’installation de chaudières à énergie fossile. Rien n’est choquant dans la hausse de la fiscalité des billets d’avion, comme rien n’est choquant dans la meilleure priorisation de l’aide à l’électrification de véhicules pour les publics qui en ont le plus besoin.
Nous avons des raisons légitimes de satisfaction : la sanctuarisation du chèque énergie, la montée en charge de la stratégie nationale pour la biodiversité, le maintien des recettes affectées aux agences de l’eau, l’accroissement de la subvention de l’Agence de la transition écologique (Ademe) malgré la réduction de l’enveloppe du fonds Chaleur, le renforcement des moyens pour la sûreté nucléaire, le soutien au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et à Météo France, ainsi qu’une enveloppe de 2,3 milliards pour le dispositif MaPrimeRénov’.
En revanche, je suis inquiète quant aux conséquences de la baisse de 1 milliard de l’enveloppe du fonds Vert, et je comprends que nos élus locaux manifestent leur désarroi.
Nous attendons avec impatience le plan d’adaptation au changement climatique. Au Conseil national de la mer et des littoraux et au Comité national du trait de côte, j’ai souvent fait le constat que nous négligions les dispositifs d’adaptation. Aussi le Pnacc 3 devra-t-il faire la démonstration de nos efforts en la matière. Permettez-moi d’avoir une pensée pour Christophe Béchu, qui avait avancé l’hypothèse d’un réchauffement de 4 degrés en France avant la fin du siècle et défendu un nouveau plan, plus robuste que les précédents. Alors oui, nous attendons des mesures destinées à préparer le pays aux conséquences des effets du changement climatique – inondations, canicules, feux de forêt, érosion côtière et bien d’autres.
L’adaptation de nos forêts est aussi au cœur des enjeux écologiques et économiques. À cet égard, je vous alerte au sujet des ETP de l’Office national des forêts (ONF). Alors que son budget est constitué à 70 % par ses recettes propres, notamment la vente du bois, la réduction de ses effectifs risque de compromettre le modèle économique de cet établissement public industriel et commercial (Epic).
La concertation publique qui va s’engager ne doit pas freiner les initiatives relatives aux modalités de financement du recul du trait de côte ou de la création du fonds Érosion côtière, qui font l’objet de plusieurs amendements. Je ne doute pas, madame la ministre, de votre soutien. Sachez que vous pouvez compter sur celui du groupe EPR.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous rassure, la décarbonation du logement et du transport relève du périmètre de mon ministère. C’est notamment le cas de la politique de verdissement des flottes. S’agissant du logement, nous travaillons en étroite collaboration avec Valérie Létard. En outre, les deux enveloppes de MaPrimeRénov’ – rénovation globale et rénovation par geste – ont été réunies en une seule ligne, avant même cette nouvelle législature.
S’agissant de la sanctuarisation du chèque énergie, nous sommes dans une période de transition, puisque nous ne pouvons plus nous appuyer sur les bases de la taxe d’habitation. Dans un premier temps, ce chèque n’est plus automatique mais quérable pour une partie des Français, le temps de reconstituer une base qui permette de le réautomatiser. Je l’ai indiqué à la presse, mais vous avez aussi un rôle à jouer pour faire savoir que ceux qui pensent y avoir accès doivent en faire la demande. Nous nous tenons à votre disposition pour que ce dispositif soit connu. Sans cela, le taux de non-recours risque d’augmenter.
S’agissant du fonds Vert et des dispositifs que vous mentionnez, vous imaginez bien que nous sommes friands de voir augmenter nos leviers d’intervention quand nous en avons. Les enveloppes de rénovation de logements seront en augmentation par rapport au réalisé prévisionnel de 2024, tandis que celles d’électrification des véhicules seront en fort recul, après deux années très dynamiques. Les enveloppes du fonds Chaleur seront en tension, puisque certains projets de 2024 seront repoussés à 2025. Nous avons été nombreux à entendre les attentes des élus locaux concernant le fonds Vert. Vous êtes les législateurs. Plusieurs enjeux sont identifiés : les friches, l’adaptation au changement climatique ou encore la rénovation thermique des bâtiments, parmi lesquels les écoles. Ce sont des sous-enveloppes du fonds Vert.
Je note votre préoccupation concernant l’adaptation des forêts, mais aussi les ETP de l’ONF. Il convient de construire les meilleures solutions possibles, en conservant l’équilibre de la maquette, c’est-à-dire l’effort de finances publiques qui nous est demandé.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Vous faites partie de la fine équipe censée réduire la dette financière et la dette écologique de la France. On pourrait en rire si la situation n’était pas si dramatique. Nous connaissons le désastre du macronisme budgétaire, et nous savons que le macronisme écologique ne vaut pas mieux, en témoigne le ministère rétréci dont vous héritez.
Je rappelle votre bilan cette année : la double condamnation de la France pour inaction climatique, l’année de retard pour les politiques énergétiques et d’adaptation au changement climatique d’après le Haut Conseil pour le climat, ou encore le retrait par décret, en février, de 2,2 milliards du budget pour le programme « Écologie, développement et mobilités durables ». Pourtant, la seule et unique réponse que vous nous proposez est toujours le credo magique de l’austérité budgétaire.
On apprend que le budget 2025, que vous venez d’appeler un budget de combat, prévoit 500 millions en moins pour le verdissement automobile, alors que le secteur des transports reste le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre en France, et 1 milliard en moins pour la rénovation énergétique des logements, alors que celle-ci permettrait d’économiser 6 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année et que l’on vous a rappelé maintes fois dans le dernier mandat le retard que prenait la France en matière de rénovation thermique des bâtiments. Il prévoit aussi 400 millions de moins pour le fonds Vert. C’est du moins ce que j’avais noté, mais notre collègue vient d’évoquer une baisse de 1 milliard, ce qui est encore plus grave. Ce fonds permet aux collectivités de s’adapter au changement climatique et l’on sait qu’il leur faudrait au moins 12 milliards par an pour atteindre cet objectif.
Vous reconnaîtrez l’insolence et l’ironie de ces coupes drastiques, après les grandes phrases du Premier ministre concernant la dette écologique que nous laissons aux générations futures et après les grandes phrases de votre propos liminaire concernant votre ambition en matière écologique. En réalité, votre logiciel austéritaire ne s’arrête pas là : ce sont les plus précaires qui vont payer la facture de votre soi-disant transition écologique.
Vous affirmez faire une écologie populaire. Franchement ! Je suis navrée de vous le dire, mais vous êtes totalement déconnectée des conséquences de vos politiques. Ce budget prévoit une augmentation des taxes sur la consommation d’électricité, qui coûtera en moyenne plus de 160 euros aux ménages alors qu’ils ne parviennent déjà plus à boucler leur budget. Il prévoit aussi une multiplication par quatre de la TVA pour les abonnements à l’électricité et au gaz. En fait, vous allez continuer à aggraver la situation sociale des Français, comme vous le faites depuis sept ans.
Si vous manquez d’idées pour financer la bifurcation énergétique et écologique, nous en avons pour vous ! Il faut aller chercher des recettes. Par exemple, un impôt sur la fortune (ISF) avec un volet climatique renforcé rapporterait 15 milliards à l’État – et puisque vous avez déclaré être opposée aux énergies fossiles, cela permettrait de taxer les plus gros pollueurs de ce pays.
Qu’est-ce que cela fait de devoir mener une politique écologique validée et adoubée par le seul Rassemblement national, qui est climatosceptique ? Ce n’est pas demain qu’il faudrait investir, mais maintenant. Que prévoyez-vous de faire pour ce budget ? Attendez‑vous que les parlementaires aillent contre le projet de votre gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je répondrai par des éléments techniques et de fond.
Sur le plan technique, le contentieux sur le premier budget carbone ne date pas du dernier quinquennat, mais du quinquennat précédent. C’est donc la gestion de votre couleur politique qui a été contestée et condamnée. En revanche, c’est le précédent quinquennat qui a permis de rattraper le budget carbone, ce qui est reconnu par le Conseil d’État. Disons des choses vraies ! Jusqu’en 2018, le budget climat n’était pas au bon niveau, puis il a été rattrapé jusqu’en 2023 du fait de l’accélération de la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Sous le quinquennat de M. François Hollande, ces émissions ont baissé de 0,9 %, tandis qu’elles se sont réduites de 2 % sous le premier quinquennat de M. Emmanuel Macron, de 2,7 % en 2022, de 5,8 % en 2023 et de 4,8 % durant les 12 derniers mois glissants. Si l’on prend factuellement les chiffres, ce que vous dites est infondé.
Vous avez raison de mentionner une baisse de l’enveloppe pour l’électrification des véhicules. En revanche, vos propos ne sont pas exacts sur les rénovations thermiques : alors que la consommation réelle est de 1,7 milliard en 2024, l’enveloppe est de 2,3 milliards, légèrement inférieure au consommé 2023. Il faut être précis.
Par ailleurs, l’évolution de la TVA pour les abonnements au gaz et à l’électricité est compensée par une variation des accises. Si vous êtes un petit consommateur, vous aurez un léger désavantage. Si vous êtes un plus gros consommateur, vous aurez un léger avantage. En moyenne, c’est compensé pour les Français.
Vous vous inquiétez avec raison de l’impact de l’augmentation des accises sur l’électricité. J’ai dit qu’il fallait être vigilant aux enjeux de pouvoir d’achat, d’industrialisation et de transition écologique. Cela me permet de répondre aussi à votre collègue du Rassemblement national qui s’inquiétait d’une augmentation des accises sur le gaz : une augmentation de 500 millions n’affecte pas le pouvoir d’achat avec la même ampleur qu’une augmentation des accises sur l’électricité de 6 à 7 milliards d’euros. Je le dis très factuellement, et je pense que nous nous comprenons.
Je transmettrai tous les chiffres et toutes les évaluations propres à mon périmètre – vous parlez d’ISF avec un volet climatique, mais je n’ai pas la maîtrise de la maquette fiscale – pour éclairer les impacts des amendements que vous proposerez, afin d’aboutir aux meilleurs ajustements possibles. Il vous appartient d’avoir un budget qui ne soit pas climatosceptique. Il y a 577 députés et je compte sur eux pour prendre leur part dans cette discussion.
M. Fabrice Roussel (SOC). Alors que la transition écologique est une préoccupation majeure et nécessite de lourds investissements, nous exprimons notre inquiétude face à la volonté de votre gouvernement de rogner 2,3 milliards dans le budget de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». S’agissant des particuliers, vous souhaitez revenir sur MaPrimeRénov’ déjà amputée de 1 milliard par le gouvernement Attal. Mais avez‑vous en tête le rapport d’Oxfam, qui pointe les efforts insuffisants du soutien de l’État face aux 5,2 millions de passoires thermiques ? Concernant les collectivités territoriales, vous proposez de baisser de 60 % la dotation du fonds Vert. Ce véritable coup de rabot va ralentir la rénovation énergétique de nos bâtiments publics. Il est clair que la transition énergétique n’est défendue qu’en façade par votre gouvernement, créant beaucoup de désillusion.
Lundi dernier, j’étais dans ma circonscription pour soutenir les salariés de Saunier Duval qui entament une grève parce que la parole donnée n’est pas tenue : alors que le président de la République avait annoncé, lors du Conseil de planification écologique du 25 septembre 2023, un objectif de capacité de production d’un million de pompes à chaleur d’ici la fin du quinquennat, 225 des 750 postes que compte ce site sont visés par un plan social. Saunier Duval est pourtant l’un des plus gros fabricants en France. Cela présage-t-il d’autres licenciements économiques dans ce secteur ?
Par ailleurs, pourquoi souhaitez-vous fermer la centrale à charbon d’EDF de Cordemais ? Le président de la République s’était pourtant personnellement engagé à soutenir la reconversion du site à la biomasse. Aujourd’hui, 300 emplois sont en jeu alors que les salariés et les syndicats se mobilisent depuis près de dix ans pour défendre un projet de production engagé dans la transition énergétique.
Chez General Electric (GE), en Loire Atlantique, 360 emplois sont menacés. Ces salariés ont pourtant permis la réalisation exemplaire du champ éolien offshore de Saint‑Nazaire. Quelle est votre stratégie industrielle pour l’éolien en mer ?
Enfin, pourquoi le crédit carbone, qui taxe nos navires au niveau européen et qui est redistribué à hauteur de 75 % aux pays membres de l’Union, n’est toujours pas investi dans la décarbonation du transport maritime ? L’an dernier, pourtant, aux Assises de la mer, le président de la République avait pris l’engagement que 800 millions seraient alloués au secteur. Pourquoi cet argent va-t-il servir à éponger la dette et les dérapages budgétaires de votre gouvernement plutôt qu’à mener des études sur la décarbonation de nos flottes ?
Quelles seront vos priorités pour les années à venir, tant pour l’industrie française du secteur de l’énergie que pour la transition écologique ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je le redis, la trajectoire de MaPrimeRénov’ est haussière par rapport au réalisé, puisque celui-ci se situe aux alentours de 1,7 milliard d’euros tandis que la trajectoire crantée dans le budget est de 2,3 milliards d’euros.
Vous avez raison de souligner l’importance du traitement des passoires thermiques, car elles engendrent des factures en moyenne trois fois supérieures à celle d’un logement classique classé C. C’est la raison pour laquelle nous travaillons, avec Mme Valérie Létard, à accélérer l’aller vers les passoires thermiques, en particulier celles classées G et F.
S’agissant de l’éolien en mer, si les trajectoires avaient été tenues et réhaussées sous le quinquennat de M. François Hollande, les entreprises qui fabriquent des nacelles et des composants ne connaîtraient pas de creux d’activité. En effet, nous constatons un retard : ce sont les décisions d’il y a sept ans qui pèsent aujourd’hui sur le tissu industriel. Pour notre part, nous accélérons le développement de l’éolien en mer. Vous avez pu constater que, chaque année depuis trois ans, un nouveau parc est connecté au réseau. Après-demain à Fécamp, avec Mme Olga Givernet, nous annoncerons la poursuite de la planification pour l’éolien en mer, dans les délais convenus avec la représentation nationale. Nous arrivons au terme des travaux de la Commission nationale du débat public, ce qui permettra d’accélérer le lancement d’un appel d’offres de 8 à 10 gigawatts, conformément à mes engagements au banc l’an dernier, lors de la discussion de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables que je remercie votre groupe d’avoir votée.
Nous fermons le site de la centrale à charbon de Cordemais conformément à notre trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Nous serons l’un des premiers pays à fermer nos sites de production électrique à partir de charbon. Par ailleurs, dans le cadre du travail de reconversion de ce site, EDF a reçu une commande claire pour un projet industriel, durable et qui répond aux attentes des salariés. Cette commande est toujours d’actualité : il est question d’un arrêt de la production électrique en 2027 et d’une fermeture définitive du site en 2029, une solution devra être trouvée pour chaque salarié et le tissu industriel devra se développer en lien avec nos politiques de décarbonation. D’autres projets sont d’ailleurs étudiés pour ce site.
Mme Christelle Petex (DR). Je suis certaine que vous entendrez nos interrogations et nos positions. C’est bien par un travail collectif que nous pouvons être judicieux et percutants.
Paradoxalement, alors que vous vous réjouissez de la hausse du budget de votre ministère, le Haut Conseil des finances publiques met en lumière que cet effort repose essentiellement sur une augmentation des prélèvements obligatoires. En effet, 70 % des mesures proposées reposent sur des hausses de taxes et non sur de véritables économies structurelles. Les taxes se multiplient et elles touchent directement les ménages et les classes moyennes, sans pour autant garantir un impact positif pour la transition écologique.
La taxe sur l’électricité, par exemple, présentée comme une mesure écologique, frappera tous les Français, des plus modestes aux classes moyennes. Pour les abonnés au tarif réglementé, elle réduira les bénéfices attendus de la baisse des prix, et pour ceux ayant souscrit à des offres à tarif fixe, elle entraînera une hausse mécanique des factures. Cette mesure est non seulement injuste, mais également incohérente avec nos objectifs de décarbonation. La Droite républicaine a proposé un amendement pour supprimer cette hausse et un plan d’économies de plusieurs milliards. Quelle est votre position en la matière ?
J’en viens au durcissement du malus automobile, qui concernera dès 2025 les véhicules émettant dès 113 grammes de CO2 par kilomètre. En 2026, ce seuil passera à 106 grammes. Cette extension ne concerne plus uniquement les modèles très polluants, mais un grand nombre d’autres, indispensables pour de nombreux Français – notamment dans les zones rurales où la voiture est la seule option. Ce malus renforcé frappera de plein fouet les ménages. Nous avons donc proposé un amendement pour le limiter.
Je pourrais aussi revenir sur l’augmentation du taux de TVA pour les chaudières à gaz, ou sur la hausse envisagée des taxes sur les énergies fossiles. Cela alourdit encore le fardeau fiscal, sans apporter de solution durable.
Enfin, je m’inquiète de constater la baisse drastique des aides à la transition écologique. Le fonds Vert pour les collectivités locales, essentiel pour soutenir la transition sur le terrain, voit son budget réduit de 60 %. Cette diminution des ressources ralentira les projets de transition pourtant indispensables pour atteindre les objectifs environnementaux que vous avez rappelés. Comment justifiez-vous un tel déséquilibre dans ce budget, qui repose trop souvent sur des hausses de taxes pénalisant les Français et sur la coupe d’aides pourtant cruciales pour réussir la transition écologique ?
L’écologie n’est pas réservée à un parti. Elle est l’affaire de tous, et surtout des actions quotidiennes de chaque citoyen. Les citoyens sont prêts. Beaucoup agissent depuis longtemps. Ne leur faisons pas considérer l’écologie comme une punition.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne me suis jamais réjouie de l’augmentation de mon budget. Jamais ! J’ai été factuelle et claire. Cette augmentation est liée à celle de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui vise à honorer des contrats conclus par le passé sur les énergies renouvelables. C’est un effet logique, qui ne signifie pas une augmentation de nos crédits d’intervention. Il est important que l’on soit transparent.
Je sais votre attachement à la responsabilité financière. Ce budget difficile nécessitera de faire des choix. Nous devrons ainsi augmenter les taxes de manière équilibrée, raison pour laquelle le retrait du bouclier énergétique et le retour d’une fiscalité à 32 euros du mégawattheure font du sens, sans perdre de vue les enjeux de pouvoir d’achat, de réindustrialisation et de transition écologique. Envoyer des signaux contradictoires au sujet du coût d’une énergie décarbonée – notre électricité étant décarbonée à plus de 90 % – peut créer de la confusion pour nos concitoyens, a fortiori ceux qui sont amenés à changer de mode de chauffage. Par ailleurs, nous n’avons jamais présenté l’augmentation de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) comme une mesure écologique. Là encore, il faut être transparent.
Je me tiens à votre disposition pour travailler ces questions. En tout état de cause, la maquette budgétaire nous fixe un chemin de responsabilité, sur lequel je ne peux pas augmenter les dépenses et baisser les taxes – même si tout ministre aimerait augmenter ses crédits d’intervention, baisser les taxes et, au passage, augmenter le nombre de travailleurs et le nombre d’opérateurs ! Nous travaillerons de bonne foi pour trouver les bons équilibres. J’entends vos préoccupations.
Par ailleurs, je tiens à vous rassurer : le malus s’applique aux voitures neuves et a vocation à orienter les Français vers des voitures moins émettrices de CO2. Cela peut représenter des montants non négligeables pour des modèles de type SUV très émetteurs, mais ce sont des niveaux très modestes pour des voitures neuves comme celles que l’on voit en ruralité – où l’on conduit aussi des voitures d’occasion. Au total, 5 % des voitures se verront appliquer un malus. Cela signifie que 95 % y échapperont.
Enfin, j’ai déjà répondu concernant le fonds Vert.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Le ministère chargé de la question environnementale est le grand relégué de l’architecture gouvernementale de Michel Barnier. Le budget proposé par ce gouvernement illégitime renonce tout bonnement à financer la transition écologique. Mais la crise environnementale est chaque jour plus grave.
Le WWF rapporte que les populations de vertébrés sauvages ont décliné de 73 % en cinquante ans. Cela signifie que nous avons divisé par quatre le nombre d’animaux sauvages sur terre. Pourtant, il n’y a même pas de ministère ou de secrétariat d’État responsable de la protection de la biodiversité dans ce gouvernement, comme si ce n’était plus un problème !
Vous êtes dépourvue de marge de manœuvre pour tous les sujets prioritaires. Les transports relèvent d’un ministère à part, comme l’industrie. La lutte contre la bétonisation des sols ? C’est la ministre du partenariat avec les territoires qui ne s’en occupera vraisemblablement pas, si ce n’est pour détricoter le ZAN. Idem pour la transition écologique des collectivités. Quant à la gestion des forêts et de notre agriculture, c’est évidemment le ministère de l’agriculture qui la pilote, sans trop vous consulter. Il y a tout de même un domaine qui revient dans votre giron : l’énergie. Ce n’est pas anodin, si l’on considère vos liens familiaux avec le numéro 2 du pétrole en France. Comment comptez-vous gérer un ministère dans lequel vous êtes soit en situation de potentiel conflit d’intérêts, soit en situation d’impuissance ?
Cette impuissance institutionnelle est entérinée par le budget proposé par le Gouvernement. Nous avons une agence de la transition écologique, l’Ademe. Vous baissez son budget de 40 % ! Nous avons un fonds Vert, qui finance la transition écologique des collectivités. Vous réduisez son enveloppe – je n’ai pas compris s’il s’agit de 400 millions ou de 1 milliard, et je n’ai pas entendu le montant dans votre réponse. Nous avons un plan Haies. Cela peut paraître anecdotique, mais il devait être doté de 110 millions et il n’y a plus que 30 millions à l’arrivée. Des haies seraient pourtant utiles contre les inondations.
C’est irresponsable et c’est un peu bête ! Le coût de l’inaction représente entre 5 et 25 % du PIB mondial. Faire des économies aujourd’hui, c’est se préparer des dépenses plus importantes pour plus tard. Si ce budget était voté, le financement de la transition écologique serait tout bonnement abandonné. Réussirez-vous à inverser cette tendance ? D’ailleurs, le voulez-vous vraiment ? Dans vos réponses, vous semblez plutôt prête à accepter d’être à la tête du ministère de la renonciation environnementale. C’est dommage. Nous le déplorons. Les écologistes et le Nouveau Front populaire seront le rempart des Français contre votre renoncement à assurer un monde vivable à nos concitoyens.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous sommes ici pour interroger la ministre sur sa feuille de route, pas sur sa vie personnelle.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Néanmoins je répondrai car j’éprouve une certaine forme de lassitude vis-à-vis de cette rumeur que l’on s’emploie à répéter pour décrédibiliser l’action d’une personnalité politique. J’ai été la ministre française qui a obtenu la sortie des énergies fossiles à la COP28 et qui a joué un rôle crucial dans cette négociation – peut-être pas avec le langage que les plus engagés souhaiteraient, mais c’est un fait. Mon père a travaillé pour une société pétrolière, dans laquelle il est entré en 1979. Il n’a plus de contrat avec cette société, d’aucune manière. Il a 79 ans et mes enfants n’ont à aucun moment été actionnaires de cette société, ni directement ni indirectement. Ils ne sont en aucune manière actionnaires d’une entreprise pétrolière. Je souhaite que cela soit dit et ne pas avoir à y revenir, car cela devient fatigant ! C’est également douloureux, à la fois pour mes enfants et pour mon père.
Pour le reste, je vous invite à relire le décret d’attribution du ministère de la transition écologique : pour la première fois, cette dernière dispose de la direction générale du Trésor, de l’Agence des participations de l’État et de la direction générale des entreprises. Nous avons également la responsabilité de la sobriété foncière – cela semblait vous inquiéter – et de toutes les politiques de décarbonation, transversalement au logement et au transport. Je me réjouis, par ailleurs, d’être une ministre pleine pour la biodiversité. C’est une innovation de ne pas avoir confié ce domaine à un secrétariat d’État, mais à un ministre plein.
J’ai répondu aux questions portant sur le fonds Vert et sur les différents éléments financiers que vous avez pointés.
Je note votre préoccupation concernant le plan Haies. Vous avez raison, les haies sont importantes dans la lutte contre les inondations. Les effets de ruissellement que nous avons constatés dans le Pas-de-Calais en témoignent. Nous travaillerons dans ce domaine, pas nécessairement dans le cadre du plan Haies mais dans celui des actions d’adaptation au changement climatique. Il existe plusieurs enveloppes d’intervention et il est important de les orienter vers le maximum d’efficacité. La Cour des comptes avait rendu un rapport relatif au fonds Vert, dans lequel elle montrait comment recentrer ce dispositif pour obtenir le maximum d’impact en matière écologique.
M. Jimmy Pahun (Dem). Revenons aux bonnes nouvelles. La baisse des gaz à effet de serre est une belle victoire, réjouissons-nous ! Nous serons les premiers ports européens à électrifier nos quais. Disons-le et reconnaissons que c’est bien ! La taxe éolienne permettra d’aider la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), les pêcheurs et les communes littorales.
Il y a un an, nous avions auditionné le secrétariat général à la planification écologique. Nous en étions ressortis motivés par la ligne de route, avec la perspective d’un long travail. Quel sera le rôle de ce secrétariat, qui disposait de fonds importants mais fait face à des baisses budgétaires ? Où en sommes-nous, concernant notamment le verdissement de nos flottes de véhicules ?
Par ailleurs, la première proposition de loi que nous avions adoptée sous la précédente législature, et que j’avais défendue avec mon groupe politique, concernait la lutte contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé. Ce texte est en attente d’examen au Sénat. Il visait notamment à mieux informer les consommateurs de la présence de plastiques dans les emballages apparemment en papier ou carton. Il permettait d’interdire certains plastiques dans les aires protégées. Dans sa version initiale, il devait interdire purement et simplement les emballages en polystyrène au 1er janvier 2025, alors que la loi Climat prévoyait leur interdiction uniquement s’ils n’étaient pas recyclables. Nous avions finalement reculé, les industriels ayant réitéré leur promesse de parvenir à les recycler à cette échéance. Mais, comme on pouvait s’y attendre, ils n’y arriveront pas. J’ai été plus surpris d’apprendre que le Gouvernement ne comptait pas faire respecter l’interdiction prévue par la loi Climat. Je crains donc pour la crédibilité de la transition écologique que nous avons engagée, si les échéances que nous votons au Parlement ne sont pas respectées. J’aurai la même réflexion concernant le verdissement des flottes prévu par la loi d’orientation des mobilités (LOM).
Pourrai-je compter sur votre soutien pour inscrire la loi contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé à l’ordre du jour du Sénat ? Partagez-vous ma déception face au non-respect de la loi Climat s’agissant des emballages en polystyrène ?
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous auditionnerons M. Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique, le 6 novembre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous me donnez l’occasion de dire tout le bien que je pense du secrétariat général à la planification écologique (SGPE). On peut considérer que, depuis sept ans, les gouvernements n’ont rien fait, mais il se trouve qu’en la matière, nous affichons l’une des meilleures performances en Europe, laquelle enregistre l’une des meilleures performances dans le monde. L’équipe du SGPE a effectué un travail remarquable de documentation, de croisement des données et de planification, qui nous a permis de lancer plusieurs chantiers. Je souhaite poursuivre dans cette voie pour passer aux étapes suivantes, avec le plan national d’adaptation au changement climatique qui a vocation à être soumis à la concertation d’ici la fin octobre, avec la programmation pluriannuelle de l’énergie et avec la stratégie nationale bas-carbone. Je compte continue à travailler très étroitement avec cette équipe, qui est une chance pour la France.
Je connais votre engagement en matière de lutte contre les pollutions plastiques. Nous participerons aux négociations internationales de Busan, visant à adopter un traité contre ces pollutions. J’espère que nous y parviendrons. Notre niveau d’ambition est élevé. La proposition de loi que vous aviez défendue posait quelques difficultés au regard du droit européen, comme vous en aviez discuté avec le ministre. Elle a été adoptée à l’Assemblée nationale mais le Sénat, à ce stade, n’a pas témoigné d’une volonté d’examen rapide. Je me tiens à votre disposition pour poursuivre ce projet.
S’agissant du verdissement des flottes, les particuliers ont davantage basculé vers l’électrification que les entreprises. En effet, la part des plaques électriques est de 25 % pour les particuliers, contre 15 % pour les flottes d’entreprise. Or ces dernières pourraient être un vecteur d’accélération pour développer les véhicules électriques, mais aussi créer un marché de l’occasion de ces véhicules lorsqu’ils sortent du champ de l’entreprise, après trois ou quatre ans suivant les types de contrats. Nous avons l’intention d’y travailler. Alors qu’il existe des obligations mais pas de sanction, nous verrons comment déplacer les curseurs pour que le dispositif soit plus efficace. Là encore, il faudra de la concertation et je suis à votre disposition pour y travailler.
M. Xavier Roseren (HOR). Merci pour votre engagement, dans un contexte où les défis climatiques et énergétiques sont plus pressants que jamais. Nous sommes conscients de l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière efficace et soutenable.
Les territoires de montagne, auxquels je suis particulièrement attaché, sont à la fois des espaces fragiles face aux dérèglements climatiques et des laboratoires d’innovation en matière d’énergies renouvelables et de préservation de notre biodiversité. Ils font face à des défis spécifiques, notamment en matière de rénovation énergétique des bâtiments – avec plus de 50 % de passoires énergétiques dans les stations – et de transports durables. Le financement des actions de transition écologique et de décarbonisation demeure un sujet central, et je suis attentif à la manière dont les dispositifs liés à l’efficacité énergétique, comme le certificat d’économie d’énergie (CEE) ou la rénovation thermique des logements, peuvent être optimisés pour allier efficacité et maîtrise budgétaire. En outre, la simplification des démarches pour les citoyens et les collectivités est primordiale. Quels sont, d’après vous, les dispositifs qui ont le maximum d’impact de décarbonisation pour un budget public minimal ?
Enfin, quelles seront les actions de votre ministère pour assurer une sécurité sanitaire stricte de l’eau potable ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Identifier les mesures les plus efficaces est la bonne démarche. Là encore, mon objectif est d’être à votre disposition pour vous fournir les éléments factuels dont nous disposons.
Une mesure efficace est d’abord celle dont le coût d’abattement exprimé en euro de la tonne carbone évitée est faible. En l’occurrence, les mesures comme MaPrimeRénov’ et le fonds Chaleur sont assez compétitives. Pour ce dernier, le coût d’abattement est de 48 euros. Pour MaPrimeRénov’, il s’échelonne entre 70 et 90 euros suivant les types d’intervention. Il est intéressant d’avoir ces données en tête. S’agissant d’une plus petite ligne, les aides aux centres de tri d’emballages ont un coût de 14 euros par tonne abattue.
Une autre approche est celle du pouvoir d’achat. Le fonds Chaleur peut faire baisser la facture, et il la limite à tout le moins par rapport aux approvisionnements en énergies fossiles dont nous ne maîtrisons pas les coûts comme nous avons pu le vivre lors de la crise énergétique. MaPrimeRénov’ permet aussi de faire baisser la facture lorsque les rénovations sont bien faites, avec un couplage isolation/système de chauffage qualifié.
Une troisième approche est la structuration de la filière et la capacité à développer des projets. Ceux-ci sont très nombreux au titre du fonds Chaleur. L’enjeu consiste à ne pas arrêter la dynamique enclenchée. Avec 10 millions de crédits de paiement, ce fonds peut financer des projets de longue haleine à hauteur de plusieurs dizaines de millions en autorisations d’engagement. L’effet de levier est loin d’être négligeable. Concernant MaPrimeRénov’, alors que le budget était supérieur à 2 milliards, seul 1,7 milliard a été consommé. Il faudra analyser ce qui a freiné le passage à l’acte. Quant au fonds Vert, sa souplesse est plébiscitée par les collectivités locales. Il est difficile de mesurer le coût de la tonne abattue dans la mesure où ce fonds couvre plusieurs types de projets, mais la réalisation de projets illustre l’efficacité d’un tel dispositif.
Il sera intéressant de vous communiquer, au fil de vos travaux, les éléments dont nous disposons du point de vue du coût de la tonne abattue et de l’efficacité écologique, de l’impact sur le pouvoir d’achat, de l’opérationnalité des instruments, de la rapidité d’emploi, de l’existence de projets et de leur impact économique lorsqu’ils permettent de soutenir une filière industrielle.
Concernant la gestion de l’eau, nous avons une feuille de route pour améliorer la qualité des captages. C’est essentiel dans la mesure où dans certaines collectivités, parfois densément peuplées, dépendant d’un seul captage, tout incident ou pollution diffuse peut mettre en danger l’accès à de l’eau potable. Nous améliorons notre connaissance des pollutions, en constatant la présence permanente de métabolites qui correspondent pourtant à des produits interdits depuis vingt ou trente ans. Un plan d’action doit être déroulé. Le cadre est fixé, et nous devons agir main dans la main avec les collectivités locales. Je sais, pour en avoir discuté avec Intercommunalités de France, que cet enjeu les préoccupe aussi. Je souhaite y travailler avec le bloc communal et le bloc régional.
M. David Taupiac (LIOT). Depuis la dissolution, des pans entiers de la politique environnementale sont restés en suspens faute d’interlocuteurs. C’est donc peu dire que votre budget était attendu, pour connaître la place réservée à la transition écologique. La détérioration de la situation budgétaire a conduit le Gouvernement à effectuer des choix et des renoncements dans le financement de cette transition. Les coupes budgétaires sont-elles légitimes ? Remettent-elles en cause notre capacité à lutter contre le dérèglement climatique ?
Certaines décisions nous alertent particulièrement. Le coup de rabot porté au financement du fonds Vert, sur fond de diminution des recettes des collectivités locales, laisse planer la menace d’une forte rétractation de l’investissement local. C’est pourtant dans et par les territoires que commence la transition. Nos inquiétudes sont les mêmes concernant MaPrimeRénov’ – alors que ce dispositif nécessite, outre des financements, un peu de stabilité – ou le budget restreint consacré à l’électrification des véhicules.
Nous nous interrogeons aussi après les messages contradictoires du Gouvernement sur la hausse de la taxation du gaz. Certes, les solutions carbonées doivent coûter plus cher que les solutions décarbonées. Veillons, pour autant, à ne pas pénaliser les efforts d’innovation de certaines entreprises. En Occitanie par exemple, une entreprise a développé et breveté avec le soutien de la région une chaudière couplée à un électrolyseur, avec un fonctionnement hybride fondé sur du gaz vert, de l’hydrogène vert et de l’électricité verte. Cette solution peut être adaptée aux chaudières existantes et répondra parfaitement aux spécificités des territoires ruraux.
Un autre point d’alerte concerne la hausse de la fiscalité de l’électricité. Cette perspective de surtaxation est un signal négatif pour l’accélération de l’électrification des usages – voiture, chauffage –, à rebours des objectifs de la France pour sortir des énergies fossiles. C’est un sujet sensible, car cette hausse aura une incidence directe sur les factures des particuliers et des entreprises. Nous avons tous en mémoire les difficultés récentes rencontrées par certaines filières comme le secteur de la boulangerie, encore très fragiles d’autant que le niveau de cette hausse reste flou au-delà de la promesse du Gouvernement d’adapter la fiscalité, pour tenir sa promesse d’une baisse de 9 % du montant des factures.
Enfin, je voudrais vous interroger au sujet de la prévention des risques. Le système assurantiel est à bout de souffle, avec la multiplication accélérée des aléas climatiques. Le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, mis en pause avec la dissolution, est un début de réponse car nous devons repenser en profondeur notre modèle de développement. Quel sera son avenir ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nombre de vos questions concernent la taxation. Le niveau de l’accise sur le gaz est de l’ordre de 18 euros. Celui de l’accise sur l’électricité était de 36 euros avant la crise énergétique, et le budget est construit pour permettre de la monter par arrêté à des niveaux supérieurs de 5 à 25 euros afin d’assurer une baisse du tarif réglementé de 9 % – et ce, parce que le coût de l’énergie sur les marchés a fortement baissé. Cette évolution s’explique donc par un système de vases communicants. Cela concernera les 60 % de Français qui sont au tarif réglementé, tandis que les 20 % qui ont un tarif indexé sur le tarif réglementé constateront une baisse de 7 à 9 % suivant la nature de l’indexation. Enfin, les Français qui ont des contrats différents ont déjà bénéficié de la baisse du coût de l’électricité et constateront une hausse de leur facture.
Grâce à la loi que vous avez votée, les très petites entreprises qui ont des compteurs de plus de 36 kilovoltampères (kVA) peuvent bénéficier du tarif réglementé. Les boulangers seront donc traités comme des particuliers, étant précisé qu’ils ont plutôt des contrats avec un tarif libre et risquent de connaître un effet de ressaut. Quant aux entreprises électrosensibles, dès lors qu’elles sont toutes hors tarif réglementé, la hausse de l’accise aura un impact sur leurs facteurs.
Les comparaisons internationales montrent qu’en projection 2025, les tarifs s’établiraient autour de 240 euros du mégawattheure en France, 218 euros au Royaume-Uni, 233 en Allemagne et 174 en Belgique.
Les industriels électro-intensifs payant le niveau minimum d’accise, la France conserve son avantage compétitif. Pour eux, la baisse jouerait à plein et le tarif de l’électricité serait de l’ordre de 91 euros, contre 95 euros en Belgique, 115 euros en Allemagne et 138 euros au Royaume-Uni.
Je vous communiquerai les chiffres, qui pourront évoluer au fil de l’eau dans la mesure où ils sont établis sur la base des trajectoires budgétaires et fiscales des autres pays. Il est intéressant d’éclairer la représentation nationale.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Après la tempête Kirk qui a balayé le pays, c’est bien la tempête Barnier qui est passée sur les budgets de l’écologie, en particulier celui de la rénovation des logements. Vous envisagez de couper 1 milliard de crédits pour MaPrimeRénov’, alors qu’il faut viser non pas une tendance haussière, mais une massification rapide et planifiée, d’autant que les acteurs observent une augmentation de ces dossiers. Il faudrait donc que les fonds publics puissent suivre. Mais vous calquez les orientations budgétaires sur le bilan calamiteux des années précédentes. Cette année, il n’y a eu que 85 000 rénovations globales, tandis que votre propre objectif était de 200 000 par an et que le Haut Conseil pour climat indique qu’il faudrait en compter jusqu’à 700 000 à partir de 2030. Ainsi, s’il est une chose planifiée par ce budget, c’est bien l’échec de l’atteinte de cet objectif !
Confirmez-vous que ce budget enterre les objectifs de rénovation du parc de logements, donc l’horizon de neutralité carbone à l’horizon 2050 ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous vivons la sixième extinction des espèces et votre gouvernement sacrifie la biodiversité sur l’autel de l’austérité. Le secrétariat d’État est supprimé. Les budgets sont laminés, avec un quart en moins pour le programme « Paysage, eau et biodiversité », moins 72 % pour le plan Haies ou moins 35 % pour la réduction des produits phytosanitaires. Pourtant, le WWF nous apprend que les populations de vertébrés sauvages ont décliné de 73 % en cinquante ans. C’est vertigineux !
Votre portefeuille comprend la lutte contre le changement climatique. Mais sans protéger de la biodiversité, elle est vouée à l’échec. Le rapport conjoint du Giec et de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) l’indiquait clairement en 2021 et, avant-hier, le Guardian révélait que nos puits de carbone se sont effondrés en 2023. Les forêts, prairies, tourbières et océans n’ont pratiquement pas absorbé de carbone – CQFD ! La vie s’effondre sous nos yeux et l’horizon de votre ministère, c’est de construire des centrales nucléaires. Parfois, je vous le jure, j’ai l’impression de vivre un mauvais film d’anticipation.
Comment justifiez-vous d’appartenir à un gouvernement qui méprise ainsi la préservation du vivant ? Comptez-vous faire quelque chose ?
Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Pour son soixante-dixième anniversaire, j’ai été invitée à visiter, dans ma circonscription, le mythique barrage de Cap de Long. Cet ouvrage contribue, avec plus de 2 500 autres installations hydroélectriques, à la moitié de la production brute d’énergie renouvelable. Cependant, je m’inquiète des lettres de mise en demeure adressées par la Commission européenne au sujet des concessions hydroélectriques. Les gouvernements successifs, depuis la première lettre en 2015, s’accordent à considérer que la politique européenne de concurrence est dévastatrice pour notre souveraineté énergétique. Les négociations restent d’ailleurs inachevées Mais temporiser ne suffit, plus car les concessions arrivent à leurs termes et leur avenir incertain dissuade les concessionnaires d’engager les investissements cruciaux pour leur modernisation. La solution du régime d’autorisation reviendrait à casser la concession pour un transfert de propriété du public au privé. Que faites-vous ou que comptez-vous faire pour mettre un terme à l’incertitude qui pèse sur le secteur hydroélectrique français ?
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Face à une précarité énergétique généralisée, vous prévoyez dans le PLF 900 millions en autorisations d’engagement pour le chèque énergie, mais seulement 615 millions en crédits de paiement, bien en dessous des 795 millions de l’année dernière. Le Gouvernement mise donc, sans honte aucune, sur le non-recours au dispositif du chèque énergie pour réaliser des économies. Quelle imposture ! Alors que 12 millions de Français souffrent de précarité énergétique et 26 % des consommateurs ont souffert du froid en 2023, comment peut-il être sérieusement envisagé de mettre fin à l’automaticité de ces aides, et d’assumer dans le budget le risque du non-recours ? Cette aide dispensée au compte-gouttes est un pansement, mais elle n’est pas assez protectrice. Nous défendons un autre modèle de l’énergie : le blocage des prix et le retour à un vrai service public de l’électricité et du gaz au service des usagers et non du capital. Votre choix n’est ni plus ni moins qu’un moyen de faire des économies sur le dos des plus précaires, et vous le savez pertinemment. Comment justifiez-vous une telle approche, alors qu’elle risque d’aggraver la situation des plus fragiles et pourrait réduire le nombre de bénéficiaires dès l’an prochain ?
M. Julien Guibert (RN). La louveterie est une institution séculaire, enracinée dans les pratiques locales, assurant la régulation des animaux sauvages pour protéger les activités humaines. Dans le département rural de la Nièvre, les lieutenants de louveterie sont en première ligne face à la surpopulation des sangliers et aux attaques de loups. Avec 250 ovins attaqués en seulement deux mois, la situation est critique. Les lieutenants de louveterie, personnes privées assermentées et commissionnées, jouent un rôle essentiel dans l’application des arrêtés de tir pour limiter les dégâts causés par ce prédateur. Toutefois, leur mission quasi bénévole ne reflète pas les enjeux actuels et leur statut mérite une évolution, de vrais moyens fléchés, en équipements – lunettes thermiques, véhicules, armes – mais aussi indemnitaires, sont nécessaires pour qu’ils puissent continuer à remplir efficacement leur mission. Envisagez-vous de réformer ou d’ouvrir le débat sur le statut des lieutenants de louveterie, pour mieux répondre aux besoins des territoires et assurer une protection adéquate des éleveurs et leurs troupeaux ?
M. Sébastien Humbert (RN). Dans les Vosges, ma circonscription concentre 75 % des implantations d’éoliennes du département. Ses habitants comme les défenseurs de l’environnement et du patrimoine sont largement opposés à ce saccage paysager imposé aux forceps pour répondre à des objectifs européens et nationaux totalement délirants. Réponse aux enquêtes publiques, pétitions, manifestations, entrevues avec la préfecture, réunions publiques contre les projets : rien n’y fait ! L’administration centrale reste sourde aux échos des appels du pied des habitants qui ne veulent pas voir leur territoire défiguré. En plus de dégrader leur cadre de vie, cette énergie est profondément anti-écologique puisqu’elle sacrifie largement la biodiversité. Comptez-vous enfin prendre en compte les effets néfastes de ces implantations et mettre un coup d’arrêt définitif à cette politique dans des territoires déjà saturés ?
M. Sylvain Berrios (HOR). La conférence de l’eau est une bonne nouvelle, d’autant que l’eau sera un enjeu majeur des politiques publiques compte tenu de l’accélération de la crise climatique. Or l’eau a ceci de particulier que les recettes sont connues, grâce aux redevances. Il s’agit donc d’ajuster et de consolider les dépenses y afférentes. Confirmez-vous le maintien du relèvement du plafond des recettes de ces redevances au bénéfice des agences de l’eau à hauteur de 2,5 milliards ? Par ailleurs, lors de la transposition de la directive européenne dite eau potable, l’État s’était engagé à compenser financièrement l’accroissement des charges des collectivités locales en résultant. Comment pourrez-vous tenir cet engagement ?
Mme Chantal Jourdan (SOC). Selon le bilan 2021-2023 paru en août, plus de 85 % des projets financés par le plan de relance pour le renouvellement forestier se sont soldés par des plantations après coupe rase, avec un taux d’échec de 38 %. Les 550 millions consacrés au renouvellement forestier dans le budget de l’État depuis 2021 constituent donc, en partie, une subvention dommageable pour la biodiversité, le climat et l’adaptation. Les aides ne sont pas assez ciblées et conditionnées. Le milieu forestier et les zones Natura 2000 comptent trop de plantations monospécifiques, ce qui affaiblit notre capacité de résilience et conduit à la diminution du puits de carbone forestier. Pourtant, le fonds de roulement forestier pourrait être un outil incitatif à l’adaptation de pratiques durables comme la sylviculture irrégulière et le couvert continu. Œuvrerez-vous pour que le cahier des charges évolue ?
M. Peio Dufau (SOC). En février 2023, la Première ministère Élisabeth Borne avait promis d’investir 100 milliards dans le réseau ferroviaire. M. Jean-Pierre Farandou a affirmé ici que le réseau ferré classique structurant avait été le parent pauvre des dernières décennies, puisque le TGV, né en 1981, a absorbé l’essentiel des capacités financières. Or le réseau ferroviaire qui réunit et irrigue les territoires est crucial. Il faut le maintenir en bon état pour garantir la desserte territoriale. Il faudra 1,5 milliard par an. Combien à la charge de l’État ? Rien ! Autrement dit, la SNCF finance les régénérations du réseau par le fonds de concours, sans aucune aide. Comment l’expliquez-vous ? Où en est la promesse de votre Première ministre ? Le ministre délégué aux transports semble faire des cars une priorité, et l’on consacrerait 14 milliards pour la ligne à grande vitesse du sud-ouest. Cela doit-il primer sur le réseau ferré des transports du quotidien ?
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nos entreprises de la transition énergétique et des énergies renouvelables sont en péril. Dans mon département, l’écosystème industriel s’écroule : Systovi, General Electric, Saunier Duval, Enedis, Cordemais… J’irai d’ailleurs soutenir les salariés de General Electric qui se mobilisent pour préserver leurs emplois. La vague de suppressions d’emplois et de pertes de compétences est le résultat du refus persistant de tous les gouvernements depuis deux ans, auxquels vous avez appartenu, de tracer une trajectoire financière et opérationnelle en matière d’énergie et de climat. Comment vous sortirez-nous de cette impasse industrielle ? Combien de temps devrons-nous encore attendre avant d’obtenir une vraie planification énergétique, qui permette une stabilité pour notre industrie française ? Quand allez-vous enfin protéger nos filières des énergies renouvelables ? Avez-vous des pistes à nous proposer pour garantir le maintien des sites de General Electric en Loire-Atlantique ? On est plutôt dans la désindustrialisation verte ! Je rappelle que 1 euro investi dans les énergies renouvelables permet de diminuer de quatre à cinq fois plus les émissions que 1 euro investi dans le nucléaire.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. MaPrimeRénov’ ne manque pas de crédits, mais de projets : nous avions prévu plus de 2 milliards de crédits, mais 1,7 milliard a été consommé. Quant à notre « inaction », les bilans des années précédentes montrent une baisse sans commune mesure des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment – 15 % pour la seule année 2023. Regardons la réalité des chiffres. En outre, l’enveloppe des certificats d’économie d’énergie représente 4 à 6 milliards, investis notamment dans la rénovation thermique.
Vous avez une ministre pleine en charge de la biodiversité, c’est plutôt une bonne nouvelle ! La biodiversité relève de mes compétences et je compte bien m’investir dans ce domaine. C’est aussi l’une des priorités du Conseil environnement.
Je partage vos préoccupations concernant l’hydroélectricité, qui est une énergie pilotable, renouvelable et efficace. Un contentieux ne nous permet pas de sécuriser les investissements des concessionnaires dans de nouvelles facilités. Nous avions fait évoluer le curseur dans la loi dite Accélération des énergies renouvelables, à la faveur du travail de Mme Marie‑Noëlle Battistel, qui avait permis que des investissements qui ne déséquilibraient pas les concessions existantes soient financés par les concessionnaires. Il faut aller plus loin, au nom de l’urgence climatique. J’ai demandé à mon cabinet d’étudier ce sujet sur le plan juridique. Nous devons aussi trouver une réponse avec la Commission européenne, étant entendu que l’autorisation est accompagnée d’un cahier des charges très strict, que la quasi-régie pose des problèmes d’organisation entre les activités lorsqu’il existe différents modes de production – dans le cas d’EDF, il faudrait séparer les équipes mobilisées pour le nucléaire de celles qui le sont pour l’hydroélectrique, ce qui pourrait entraîner une perte d’agilité industrielle, donc d’efficacité – et que la remise en concurrence des concessions ne recueille pas l’unanimité, pour des raisons évidentes de service public et de souveraineté. Nous soutenons la démarche de Mme Battistel et de M. Bolo, députés, qui préparent des propositions.
Ne faites pas dire au budget ce qu’il ne dit pas : le chèque énergie est sanctuarisé. C’est une réalité. Si les crédits de paiement sont dépassés, ils sont payés puisqu’il s’agit d’une aide de guichet. Il n’y a donc pas de limite, et vous le savez aussi bien que moi ! Nous mettons en place une automaticité pour les consommateurs dont nous pouvons croiser le revenu fiscal de référence et l’adresse. Utiliser les bases dont nous disposons, qui étaient celles de la taxe d’habitation et qui ne sont plus actualisées depuis 2021, induirait davantage de non-recours ou de versements infondés. L’enjeu est que personne ne reste entre le quai et le bateau. Je compte sur vous pour doubler les alertes concernant la quérabilité de ce chèque. Certains l’auront automatiquement, nous y travaillons d’arrache-pied, mais d’autres devront le demander. C’est à nous de faire connaître ce droit indispensable pour les Français les plus vulnérables.
S’agissant de la louveterie, un important travail a été effectué cette année, y compris au niveau européen. Le retour du loup est une bonne nouvelle pour la biodiversité. Une mission de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) a émis des propositions, qui ne remettent pas en cause le statut des louvetiers. Des propositions d’accompagnement et de reconnaissance ont également été discutées. La décision a été prise de mettre des lunettes thermiques à disposition, et il faut s’assurer qu’elle est correctement déployée. De manière générale, des dispositions de la loi d’orientation agricole visent à renforcer le statut des louvetiers et à mieux reconnaître la spécificité de la louveterie.
Les scientifiques recommandent d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Monsieur Humbert, votre groupe s’inquiétait des inondations et de la multiplication des épisodes de violentes précipitations pouvant s’apparenter à des orages cévenols. C’est une préoccupation légitime, qui doit nous inviter à accélérer la transition énergétique. En la matière, je fonde mes politiques sur la science et sur le meilleur consensus scientifique. Les travaux du Giec, mis à disposition des décideurs publics et du grand public, recommandent d’actionner quatre leviers : la sobriété, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables – parmi lesquelles l’éolien terrestre et marin – et le nucléaire. Je m’appuie sur ces travaux en faisant la différence entre les énergies pilotables et celles qui ne le sont pas. Il se trouve que le taux de charge de l’éolien marin se rapproche de 50 %, contre 60 à 65 % pour le nucléaire en 2022. Ces données nous invitent à une forme de précaution, et à ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Les éoliennes sont recyclables, et nous les recyclons jusqu’à 95 %. Un système finance leur démantèlement. Vous l’avez voté et vous l’avez même renforcé ces dernières années. S’agissant de la gestion de l’intermittence, nous travaillons au niveau européen car il faut se préoccuper de la volatilité croissante du prix de l’électricité résultant de la non-adéquation entre périodes de production et périodes de consommation électrique. Nous travaillons les sujets de flexibilité, de capacités de stockage et d’effacement. Ce sont des mix énergétiques équilibrés qui nous permettront d’atteindre la décarbonation et de minorer le coût de l’électricité. Je suis à votre disposition pour vous transmettre les éléments qui vous rassureront quant au fait que l’éolien terrestre a toute sa place dans notre mix énergétique. Il ne s’agit pas de tout miser sur les éoliennes terrestres, mais elles font partie de la boîte à outils.
S’agissant du plan Eau, la trajectoire prévoyait un rehaussement du plafond pour les agences de l’eau mais il est reporté à 2026, d’une part, parce que tous les votes n’ont pas encore eu lieu dans les agences de l’eau, d’autre part, parce que ces dernières affirment que leurs projets sont correctement financés jusqu’en 2026.
S’agissant du plan forestier, le manque de sélectivité d’attribution de l’argent public est précisément le sujet dont j’ai à traiter avec des enveloppes d’intervention en baisse. Il faut identifier systématiquement ce qui fonctionne ou non, et recentrer le cahier des charges autour de ce qui a le plus d’impact. Le risque d’effet d’aubaine existe, comme dans d’autres domaines. Il nous invite collectivement à plus de sélectivité et d’exigence dans l’utilisation des fonds publics, et à actionner le maximum de leviers avec l’argent privé. Des analyses montrent ainsi que le fonds Friche exerce un effet de levier de 1 à 6 pour le privé, tandis que l’éclairage dans les villes est un peu moins impactant. Tirons-en les conclusions de manière clinique et documentée. Je suis à votre disposition pour le faire.
Vous mentionnez le décalage des fonds de concours et la non-tenue, par la Première ministre Mme Élisabeth Borne, de sa promesse. Il ne vous aura pas échappé que vous n’avez pas face à vous le gouvernement de Mme Borne ! Je suis à l’écologie, mais une ministre ne peut être comptable de l’action d’un gouvernement qui n’est pas le sien – je le dis sans taquinerie aucune. En tout cas, vous avez raison de souligner l’importance du développement du train.
Nous sommes désormais dans un gouvernement de coalition. C’est une façon inédite, dans la Ve République, de faire de la politique. Il vous appartenait d’accepter d’être dans le Gouvernement. Vous auriez ainsi pu défendre vos sujets. Je crois savoir qu’un certain nombre de figures politiques de votre camp ont été appelées et ont préféré ne pas prendre leurs responsabilités. C’est un choix et il faut en assumer les conséquences.
J’en viens à la question relative au couplage entre l’industrialisation et le déploiement des énergies renouvelables. C’est tout l’enjeu de la planification éolienne marine et des appels d’offres que nous préparons, conformément au calendrier indiqué. Comme vous, je m’inquiète pour la situation de GE. Mais plusieurs années s’écoulent nécessairement entre la décision d’implanter des éoliennes marines et la livraison de ces dernières. J’aurais été ravie que votre groupe se mobilise pour accélérer ces opérations quand il était en situation de le faire, durant la législature 2012-2017. Nous serons aux côtés des salariés et des industriels. Je me suis suffisamment battue pour l’industrie au cours des six dernières années pour ne pas minorer ces enjeux. Je rencontrerai le ministre de l’industrie ce soir, avec Mme Olga Givernet, pour aborder ces sujets. Vous pouvez compter sur moi pour trouver tous les moyens d’accompagner GE, y compris au niveau européen, car sa charge peut aussi être renforcée par des projets européens, à condition d’assurer le rythme de déploiement des éoliennes marines.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je confirme que ces installations prennent du temps. En Bretagne, le parc éolien de Saint-Brieuc vient d’être inauguré, quatorze ans après la naissance du projet – auquel des associations environnementales se sont fortement opposées.
M. François-Xavier Ceccoli (DR). Le Gouvernement envisage une augmentation significative de la taxe de solidarité sur les transports aériens. Cette mesure devrait rapporter plus de 500 millions, contribuant ainsi au rétablissement de nos finances publiques. Si je soutiens l’effort de redressement, il est de mon devoir de souligner, en tant qu’élu de la Corse, les impacts préjudiciables d’une telle hausse pour la desserte de notre île. Quand on vit en Corse, seule région insulaire métropolitaine, se déplacer par avion vers le continent n’est pas un luxe mais une nécessité souvent dictée par des raisons sanitaires ou professionnelles, l’alternative du bateau n’étant pas toujours envisageable. Par ailleurs, l’économie de notre île dépend fortement du tourisme, qui représente près de 40 % du PIB et la moitié de ces visiteurs se déplacent par avion. Le Gouvernement prévoit-il d’appliquer cette hausse aux vols à destination de la Corse ? Dans le cas contraire, de quelle manière procéderez-vous ?
M. Vincent Descoeur (DR). Vous avez répondu à la question concernant le relèvement du plafond mordant des agences de l’eau, mais il faudra veiller à ce qu’il ne s’agisse que d’un report. Dans un rapport que nous avions rendu avec notre collègue Yannick Haury au sujet de l’adaptation de la politique de l’eau changement climatique, nous avions pointé du doigt le différentiel entre les besoins en investissement pour assurer la rénovation des réseaux et la sécurisation de la ressource et les moyens disponibles – ceux des maîtres d’ouvrage et des partenaires, au premier rang desquels les agences. Nous avions également estimé qu’il faudrait 120 ans pour assurer le renouvellement des réseaux existants. Les agences ont besoin de moyens.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Le PLF inclut le futur dispositif postérieur à l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique (post arenh). Vous avez répondu à mon collègue Vincent Descoeur que toutes les TPE auront droit à un tarif régulé et qu’il n’y aura plus de seuil à 36 kilowattheures. C’est une bonne nouvelle. En revanche, les grandes entreprises et l’industrie sont très inquiètes car la redoutable complexité du mécanisme ne leur permettra pas d’anticiper les coûts et de planifier les investissements, ce qui serait dommageable pour la réindustrialisation à laquelle nous tenons tant. Vous êtes suffisamment battue pour l’industrie pour répondre à cette inquiétude.
S’agissant de MaPrimeRénov’, les rénovations se sont effondrées en 2024. En mai, nous avons été obligés de revenir sur le critère de rénovation d’ampleur pour rendre éligible le monogeste. Qu’en est-il dans votre budget ? La plupart de nos concitoyens n’ont pas les moyens d’effectuer en une fois une rénovation d’ampleur.
Mme Sophie Panonacle (EPR). Dans le cadre des travaux du comité national du trait de côte, nous nous étions entendus sur la répartition de la taxe éolienne en zone économique exclusive et je vous avais proposé d’attendre le PLF pour 2025. Une part devait être affectée aux communes pour financer leur stratégie d’adaptation au changement climatique, en particulier l’érosion côtière et le recul du trait de côte. Ces intentions sont-elles confirmées ?
Mme Julie Ozenne (EcoS). L’ONG Générations futures estime que 71 % des métabolites de pesticides à risque pour l’eau potable ne faisaient l’objet d’aucun suivi dans les eaux souterraines et l’eau potable. L’Agence européenne pour l’environnement, quant à elle, souligne que les objectifs européens pour la préservation des cours d’eau ne sont pas atteints, puisque seuls 37 % des cours d’eau étaient en bon état écologique en 2021. Depuis avril et en dépit de son absence totale d’ambition, les dispositions sur la qualité de l’eau de la stratégie Écophyto 2030 n’ont pas vu l’ombre d’un commencement. La mission flash sur le scandale des eaux en bouteille présidée par la sénatrice écologiste Antoinette Guhl révèle que des ministres ayant eu connaissance de la fraude industrielle n’ont pas pris les mesures correctives nécessaires. Les chantiers relatifs à l’eau sont nombreux, complexes et stratégiques. Ils sont l’un des principaux défis à relever de votre mandat. Quand l’arrêté définissant les captages sensibles ainsi que le guide de gestion des risques, tous deux prévus avant fin 2024, seront-ils publiés ? À quelle date le groupe national captage se réunira-t-il et quelles seront ses missions ?
M. Vincent Thiébaut (HOR). Je suis en train d’élaborer le rapport pour avis sur le programme 181, qui concerne notamment l’Ademe et le fonds Chaleur, qui présente l’une des meilleures rentabilités – 36 euros la tonne de CO2 évitée, et non 48. Le maintien de ce budget permettra juste de subventionner les projets conventionnés. L’incertitude demeure concernant les projets qui ont fait l’objet d’un accord de principe. Qui plus est, la baisse de 30 à 35 % des autorisations d’engagement aura une répercussion en 2026 et 2027. Par ailleurs, les auditions au sujet du fonds Barnier mettent en exergue des difficultés de gouvernance et de lenteur. Enfin, il manquerait une trentaine d’ETP pour que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) puissent atteindre l’objectif de 27 000 contrôles par an.
M. Gérard Leseul (SOC). La loi du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, que nous avons combattue, prévoit la publication par le Gouvernement de deux rapports sur l’avancement du processus de fusion. L’article 15 de votre loi indique : « avant le 1er juillet 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ». Ce rapport doit porter sur les moyens humains, techniques et financiers, prévisionnel. En outre, l’article 21 indique : « au plus tard le 1er juillet 2024, le Gouvernement remet à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dont je suis vice-président, un rapport faisant état de l’avancée des travaux préparatoires à la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) » – Opecst dont je suis vice-président. Aucun de ces documents n’a été remis aux instances concernées. Ce n’est pas sérieux ! Par ailleurs, les récentes auditions menées dans notre commission laissent entrevoir une difficulté majeure au bon fonctionnement de l’ASNR au 1er janvier. Alors faut-il un report de six ou douze mois ?
M. Peio Dufau (SOC). N’ayant reçu aucune réponse et juste une invective, j’attends de vous une réponse sur le financement du renouvellement du réseau ferroviaire. Rien n’est fait pour le ferroviaire, et l’on ne voit aucune volonté d’y remédier.
Par ailleurs, ce serait bien de ne pas tomber dans la politique politicienne et les attaques contre tel ou tel gouvernement. Il vous suffisait, vous macronistes, de faire comme Mme Marine Le Pen : ne pas censurer de fait, et attendre de voir s’il est possible de tomber d’accord. Mais vous avez décidé de censurer.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Ceccoli, vous vous inquiétez de l’impact de l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion, pas dans son principe auquel vous adhérez, mais pour la desserte de votre territoire. C’est une préoccupation que l’on entend dans un certain nombre de territoires, notamment ultramarins, vers lesquels l’accessibilité par d’autres moyens que l’avion est difficile. Ce point est en cours de discussion. La continuité territoriale est un fort enjeu. Cette préoccupation est partagée par ma collègue Vautrin et par mon ministère.
Monsieur Descoeur, merci d’avoir éclairé mon propos. Votre rapport sera analysé par mes équipes.
S’agissant du post-arenh, une clause de revoyure est prévue dans l’accord. Je rencontrerai le président-directeur général d’EDF dans les prochains jours. J’ai demandé un bilan précis de l’application de l’accord. La situation est particulière, puisque le niveau de prix de déclenchement de l’accord est aujourd’hui supérieur à celui de l’électricité sur les marchés. De fait, on se fournit sur les marchés à un prix qui s’établit entre 70 et 75 euros du mégawatt, tandis qu’avec le tarif de réseau et des taxes, le prix sur les factures atteint plutôt 250 euros. Cet enjeu est pris en compte avec sérieux par mes collègues Antoine Armand et Marc Ferracci à Bercy, ainsi que par Mme Olga Givernet et moi-même.
Concernant la stabilisation de MaPrimeRénov’, la demande de maintenir le monogeste est forte. Je l’entends et Mme Valérie Létard entretient des contacts étroits avec les acteurs comme la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Toutefois, il ne faut pas mettre les Français en difficulté en finançant des rénovations de pompe à chaleur dans des passoires thermiques, ce qui entraînerait des travaux plus onéreux qui feraient in fine exploser la facture. Nous sommes sensibles aux arguments relatifs aux difficultés d’organisation de la filière. Un arrêt des dossiers a d’ailleurs été constaté durant les cinq premiers mois de l’année. C’est factuel et il faut le prendre en compte. Mais il faut aussi effectuer des réglages pour éviter que des margoulins opèrent auprès d’entreprises qui travaillent bien. Vendre des pompes à chaleur comme un bien de consommation va à l’encontre du pouvoir d’achat et de l’écologie, et les pompes à chaleur de piètre qualité ne facilitent pas la réindustrialisation. Je chercherai le point d’équilibre, avec Mme Valérie Létard.
Un travail a été conduit sur la répartition de la fiscalité des éoliennes en mer, mais le budget 2025 n’en porte pas l’empreinte – étant entendu que ce dernier a été construit pour partie par un gouvernement qui n’a eu que trois semaines pour se concentrer sur différents sujets. Nous verrons comment la représentation nationale peut s’en emparer. Vous connaissez ma position en la matière. Les propositions me semblaient intéressantes. Elles doivent être concertées et liées aux travaux de la CNDP.
Nous lançons une feuille de route consacrée à la qualité des captages de l’eau. Je souhaite en faire une priorité, en lien avec les orientations européennes et les intercommunalités
En matière de chaleur, la métrique est la suivante : pour des crédits de paiement de 10 millions d’euros, on débloque environ 300 millions de projets. Un dispositif comme le fonds Chaleur est donc important, sans impact direct sur la trajectoire financière.
J’ai pris note de votre préoccupation concernant le fonds Barnier.
S’agissant des ICPE, nous avions augmenté de plus d’une centaine les effectifs de l’instruction l’an dernier. La trajectoire pour le périmètre est très légèrement haussière. La transition écologique n’a donc pas été sacrifiée. J’appelle votre attention quant au fait que 14 000 instructions sont en cours, avec un délai moyen de deux ans et demi – ce qui signifie que certaines seront effectuées dans cinq ans. Le rapport de la Cour des comptes ne pointe pas un défaut d’organisation ou de mobilisation des instructeurs, mais la durée d’instruction. Un satisfecit est donné aux autorités instructrices, ce qui est rare venant de la Cour des comptes.
Monsieur Leseul, les deux rapports que vous mentionniez ont été transmis par le secrétariat général du Gouvernement et sont en cours d’arrivée chez vous. J’ai suffisamment suivi la réforme pour faire attention, dès les premiers jours de mon arrivée, à tenir les engagements que j’avais pris l’an dernier – mais il se trouve que, pendant neuf mois, je n’étais pas là.
Concernant les transports, le Gouvernement privilégie les solutions les plus décarbonées – le fluvial et le ferroviaire – en mobilisant les recettes des modes de transports les plus carbonés, comme les autoroutes avec la taxe sur les gestionnaires d’infrastructures de l’an dernier, la hausse de la fiscalité environnementale figurant au PLF ou les mesures prévues dans la maquette budgétaire, puisque des amendements gouvernementaux sont annoncés. Mon collègue du ministère des transports y travaille également.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Merci, madame la ministre. Je retiens la poursuite de votre investissement en matière d’énergie, la prise en compte des enjeux de biodiversité avec la poursuite de la lutte contre la déforestation, la grande conférence de l’eau et la sécurisation des captages, à laquelle je suis attachée, et le maintien des objectifs de la ZAN – avec, peut-être, une adaptation pour une meilleure application dans les territoires.
2. Audition de M. Francois Durovray, ministre délégué chargé des transports (réunion du mardi 22 octobre 2024 après-midi)
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports, qui présentera sa feuille de route et les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 concernant les mobilités.
Notre commission s’investit particulièrement dans ces questions. Nous sommes convaincus de la nécessité de verdir les mobilités et d’accompagner les entreprises et les ménages. Nous accordons une attention particulière aux mobilités du quotidien, notamment en milieu rural, pour répondre aux besoins des trajets domicile-travail, ainsi qu’à l’équilibre des territoires lors de l’ouverture à la concurrence du ferroviaire.
La loi de finances devra soutenir cette démarche en optimisant l’efficacité des dépenses, compte tenu des économies nécessaires. Parmi nos préoccupations figurent la régénération et l’entretien du réseau ferroviaire, la création des futurs services express régionaux métropolitains (Serm) et leur financement, ainsi que le renforcement du verdissement du parc automobile. Ces projets requièrent un soutien public pérenne.
Les opérateurs de transports, les entreprises et les ménages ont besoin de visibilité. Nous serons donc attentifs aux précisions que le ministre pourra nous apporter et à la cohérence des exercices de planification en cours pour garantir de bonnes trajectoires d’investissement.
Notre commission s’est saisie pour avis de la seconde partie du projet de loi de finances, mais nous restons vigilants quant au débat sur la première partie qui s’engage dans l’hémicycle. De nombreux amendements en discussion concernent les transports, certains ayant un impact environnemental considérable, notamment pour ce qui concerne le domaine de l’aérien et le débat sur sa taxation.
Après l’intervention du ministre, nous passerons aux questions des députés. Ensuite, nous entamerons la présentation des avis et la discussion des amendements portant sur les transports. Monsieur le ministre, vous avez la parole pour dix minutes.
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports. En tant que nouveau ministre délégué chargé des transports, je souhaite vous présenter mon parcours et les priorités de mon ministère.
Fort d’une expérience de vingt ans comme élu local à la tête du département de l’Essonne, je me suis particulièrement intéressé aux questions de mobilité. J’attache une grande importance au dialogue avec les élus de tous lesterritoires et de toutes sensibilités politiques.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable des agents du service public, notamment ceux qui ont affronté les récentes intempéries exceptionnelles dans le sud-est de la France. Je me suis rendu sur place pour constater les efforts des équipes de la direction des routes centre-est et de SNCF Réseau face à ces événements climatiques.
La multiplication de ces phénomènes extrêmes souligne l’urgence d’agir contre le dérèglement climatique et d’adapter notre pays à ses conséquences. Le secteur des transports joue un rôle majeur dans la transition écologique. Comme l’a rappelé le Premier ministre, nous devons répondre collectivement à deux défis, la dette climatique et la dette budgétaire.
La lutte contre le changement climatique constitue le défi principal de notre génération. Nous devons respecter la trajectoire carbone en réduisant les émissions de CO2 de 105 millions de tonnes d’ici 2030. Le secteur des mobilités représentant 32 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, il est à la fois une partie du problème et de la solution.
Je crois fermement au progrès technologique, notamment dans le développement des véhicules électriques et l’adaptation du mix énergétique aux besoins spécifiques des différents modes de transport. La décarbonation du transport aérien et le développement des carburants durables pour l’aviation sont également essentiels. Notre industrie aéronautique d’excellence doit être soutenue, en particulier via le Conseil pour la recherche en aéronautique civile (CORAC).
Parallèlement, nous devons transformer les usages dans les zones urbaines denses. Le développement des modes actifs, en particulier du vélo, doit être encouragé en complémentarité avec les transports collectifs. J’affirme que le vélo a toute sa légitimité sur la voirie, au même titre que la voiture. Des efforts conséquents ont été réalisés par l’État et les collectivités locales pour aménager ces espaces. Cette évolution doit s’accompagner d’une réflexion sur les usages. À ce propos, j’ai une pensée pour Paul Varry, ce cycliste parisien engagé pour une ville apaisée, tragiquement décédé la semaine dernière.
La réalité des mobilités, c’est aussi la précarité de 15 millions de Français en la matière, avec 84 % des déplacements domicile-travail effectués seul en voiture. Je souhaite donc prioriser la lutte contre l’autosolisme et développer l’offre de transports collectifs pour apporter des solutions concrètes sur les trajets longs du quotidien. Mon ambition est d’être le ministre des transports de ceux qui n’en ont pas, en garantissant un accès à la mobilité pour chaque citoyen.
Je rejoins les propos de Madame la présidente concernant l’importance des zones rurales. Au fil des dernières décennies, la France s’est dotée de nouvelles infrastructures de transport, notamment pour les longues distances et dans les grandes villes. Certains dispositifs s’avèrent satisfaisants, mais un angle mort subsiste dans nos politiques publiques. Les trajets longs du quotidien concernent 10 millions de Français qui parcourent plus de 50 kilomètres par jour, principalement en voiture.
Dans cette optique, je présenterai au premier trimestre 2025 un plan Cars express, englobant plus largement les mobilités routières, incluant le covoiturage. Cette solution rapide, écologique, économique et performante offrira une alternative de transport collectif complémentaire aux transports ferroviaires pour des centaines de milliers de nos concitoyens.
Le développement de l’offre des transports de voyageurs constitue un enjeu majeur de mon mandat ministériel. Néanmoins, je reste attentif aux priorités que représente la transition du secteur du fret et du transport de marchandises. Nous devons poursuivre notre soutien au développement du fret ferroviaire, malgré un contexte budgétaire contraint. La transition écologique de ce secteur passe également par le renforcement de nos interfaces portuaires et l’amélioration des connexions ferroviaires avec leur hinterland.
Nos grands ports français doivent irriguer l’ensemble du continent. Pour illustrer mon propos, le port du Havre a vocation à devenir le port de Prague, plutôt que celui d’Anvers ou de Rotterdam, comme c’est le cas actuellement.
Parallèlement, nous accompagnerons le développement et la transformation du secteur fluvial, capitalisant sur l’image positive dégagée lors des Jeux olympiques. Mes récents échanges avec les entreprises fluviales ont révélé l’impact considérable de cet événement, source de fierté pour le secteur et moteur de développement sur les corridors fluviaux, tant pour le fret et le développement économique que pour le tourisme.
Au-delà de l’axe Seine, qui a connu des avancées significatives ces dernières années, je pense aux enjeux que représentent l’axe Rhône-Saône et l’axe Rhin-Rhône, ce dernier ayant vocation à devenir une véritable dorsale européenne.
Pour concrétiser cette ambition, je présenterai début 2025 la stratégie nationale fluviale, sous forme d’engagements réciproques impliquant l’État, les collectivités et les professionnels du secteur. La réalisation de ces engagements nécessitera de nouveaux financements pour crédibiliser l’ambition portée par mes prédécesseurs, qui demeure ma feuille de route. Je pense notamment à la priorité d’investissement dans le ferroviaire, colonne vertébrale de notre système de transport, ainsi qu’aux stratégies de développement du fret ferroviaire, fluvial et portuaire évoquées précédemment.
Alors que votre commission s’apprête à examiner le projet de loi de finances, je souligne notre enjeu commun de sécuriser les moyens nécessaires à l’entretien de nos infrastructures de transport. Il me semble toujours pertinent de rappeler que le réseau routier national constitue, de loin, le premier patrimoine de l’État, évalué à 350 milliards d’euros.
Le dérèglement climatique laisse présager une aggravation de la dette grise de notre pays, avec un impact significatif sur l’ensemble des réseaux d’infrastructures. L’adoption de la loi d’orientation des mobilités il y a cinq ans, à laquelle votre commission a largement contribué, a permis d’établir une programmation consolidée par le Conseil d’orientation des infrastructures, auquel j’ai eu l’honneur de participer. Néanmoins, la question du financement reste tributaire du débat budgétaire annuel.
Le budget 2025 est avant tout un budget de résilience, finançant les fondamentaux et préservant le présent. Ma responsabilité consiste également à préparer l’avenir et à éviter les à-coups liés aux débats sur l’annualité budgétaire, familiers aux parlementaires expérimentés. Force est de constater que le modèle actuel de financement des mobilités deviendra bientôt obsolète dans le contexte de la transition écologique. Il repose sur des recettes volatiles ou menacées. Les prévisions indiquent que le produit de la fiscalité des carburants, qui contribue notamment au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) et des collectivités territoriales, diminuera de 13 milliards d’euros d’ici 2030.
Le budget 2025 met en lumière les limites d’un pilotage budgétaire annuel, voire infra-annuel, face aux besoins d’une trajectoire pluriannuelle de financement des infrastructures de transport s’inscrivant nécessairement dans le long terme. Pour pérenniser le financement de notre système de transport, il est impératif d’imaginer un nouveau modèle viable, tant sur le plan budgétaire qu’écologique. Sans cela, les engagements climatiques de la France ne seront pas respectés.
C’est pourquoi je souhaite initier, début 2025, une réflexion prospective sur l’avenir du financement des mobilités, des infrastructures et des services de transport. Le Parlement y sera naturellement associé, ainsi que les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les opérateurs du secteur et les usagers, afin de débattre et de formuler des propositions à moyen et long terme. Cette réflexion devra aborder globalement le financement des mobilités, en considérant à la fois les risques — notamment l’évolution de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) — et les opportunités.
Je souhaite également que nous puissions traiter plusieurs chantiers majeurs, à commencer par la mise en œuvre des projets de Serm, dont la conférence de financement, initialement prévue en juin dernier, se tiendra début 2025. Cette conférence ne devrait pas se limiter aux financements publics des mobilités, mais aussi examiner sans tabou la mobilisation de capitaux privés et la contribution des usagers, en fonction des avantages qu’ils tirent de ce service. Il me semble également nécessaire d’intégrer à ce débat la question de la fin des concessions autoroutières, prévue entre 2031 et 2036, qui offre selon moi une opportunité à saisir dès maintenant pour discuter des différentes options envisageables pour l’avenir des autoroutes.
En outre, cette réflexion devra prendre en compte les enjeux d’adaptation au changement climatique et ceux liés à l’innovation. Des avancées significatives ont été réalisées dans le domaine ferroviaire, mais il convient également d’explorer la manière dont la route peut contribuer à l’innovation, à la digitalisation et à l’émergence de nouvelles solutions décarbonées et plus économiques.
Je me réjouis de collaborer dès à présent avec vous, dans l’esprit que j’ai évoqué au début de mon intervention, pour faciliter le quotidien des Français et améliorer leur cadre de vie. Je suis à votre écoute pour répondre à vos questions.
M. Auguste Evrard (RN). Monsieur le ministre, le transport représente un enjeu majeur pour la réduction de l’impact carbone de la France. En 2023, ce secteur était responsable de 32 % de nos émissions. La décarbonation nécessite une stratégie claire dans le domaine ferroviaire, particulièrement pour le développement du fret. Le gouvernement précédent a mis en œuvre un plan de discontinuité contraignant Fret SNCF à se séparer de ses 23 flux les plus rentables. Malgré les résultats bénéficiaires de l’entreprise en 2021 et 2022, ce plan visait à éviter une sanction de la Commission européenne. Quelle est la position du Gouvernement sur le fret ferroviaire ? Auriez-vous approuvé ce plan de discontinuité ?
Il est également nécessaire de clarifier le financement des services express régionaux métropolitains, essentiels pour désengorger les zones urbaines et favoriser le report modal. Bien que leur déploiement initial soit encourageant, l’incertitude persiste quant à leur financement et leur organisation. Sans une mobilisation rapide des ressources, ce projet risque de rester lettre morte, alors qu’il pourrait apporter des solutions concrètes aux problèmes de mobilité quotidienne de nos concitoyens.
Concernant le secteur aérien, la France, avec Airbus, produit la moitié des avions dans le monde. L’industrie aéronautique française constitue un moteur économique et une voie d’avenir pour l’innovation et la décarbonation du transport aérien. Rappelons que ce secteur est responsable de 3 % des émissions mondiales de CO2. Il est donc primordial de soutenir cette industrie dans sa transition vers des technologies plus écologiques. En accompagnant nos entreprises, la France peut se positionner à l’avant-garde de l’aviation décarbonée de demain. Pouvez-vous nous exposer la vision du Gouvernement concernant le soutien à nos entreprises du secteur aéronautique ?
Suite aux inondations ayant touché mon département du Pas-de-Calais l’hiver dernier et plus récemment à la dépression Kirk qui a frappé de nombreux territoires en France, nous avons constaté qu’un mauvais entretien des voies fluviales peut aggraver l’ampleur des crues. L’État, par l’intermédiaire de Voies navigables de France (VNF), est chargé de maintenir le réseau en bon état. Face à ces épisodes de plus en plus fréquents, avez-vous élaboré un plan d’entretien pour éviter la surcharge des canaux ? Un plan national est-il prévu pour répondre à ces urgences ?
Monsieur le ministre, les secteurs ferroviaire, fluvial et routier doivent bénéficier d’un soutien cohérent afin d’accompagner la transition écologique, tout en préservant nos industries stratégiques.
M. François Durovray, ministre délégué. Concernant le ferroviaire, et plus particulièrement le fret, la situation s’avère complexe et déficitaire depuis des années, à l’instar de nombreux pays européens. Cette conjoncture a nécessité des aides étatiques prolongées, aboutissant à un arbitrage de la Commission européenne début 2023. Je ne remets nullement en question les décisions prises par mes prédécesseurs, sans lesquelles nous aurions dû solliciter un renforcement des aides à Fret SNCF de l’ordre de 5 milliards d’euros, entraînant inévitablement sa disparition sous sa forme actuelle.
Les choix effectués se sont traduits par des engagements, aujourd’hui respectés par Fret SNCF, notamment avec la création prévue de deux nouvelles entités en 2025. Cette démarche vise à redynamiser le fret ferroviaire et à établir un modèle économique pérenne. Les négociations se poursuivent avec la Commission européenne, et j’ai bon espoir d’aboutir rapidement. L’État maintiendra son soutien au fret ferroviaire, avec un engagement de 200 millions d’euros, en particulier pour le wagon isolé.
Concernant les Serm, vingt-quatre ont été labellisés, couvrant efficacement le territoire national. La question du financement sera abordée lors d’une conférence prévue en janvier, où nous explorerons de nouveaux outils juridiques et financiers, en collaboration avec les régions partenaires.
Pour l’industrie aéronautique, vous avez souligné que l’aviation représente 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et qu’Airbus produit plus de la moitié des avions. La décarbonation de l’aviation, notamment par Airbus, offre donc un potentiel considérable de réduction des émissions à l’échelle mondiale, dépassant peut-être même le poids des émissions de la France. Cet enjeu stratégique ne peut être négligé. Dans les dix à quinze prochaines années, le secteur connaîtra une profonde mutation. L’industrie aéronautique européenne, avec Airbus en tête, dispose actuellement d’une avance qu’il faut préserver pour façonner l’avenir d’un transport aérien décarboné. Le soutien de l’État sera déterminant, notamment via le CORAC.
Quant à l’entretien des voies navigables, particulièrement dans le Nord-Pas-de-Calais, je vous fournirai une réponse plus détaillée ultérieurement. D’après mes échanges avec les acteurs concernés, VNF semble suivre une trajectoire positive, avec des améliorations longtemps attendues. Je m’engage à effectuer un bilan plus précis sur les questions d’entretien que vous avez soulevées, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, région durement éprouvée ces derniers mois.
M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Le secteur des transports est actuellement le plus polluant de la planète, avec environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale. Il est donc impératif de repenser et d’œuvrer en faveur de la transformation de nos mobilités futures pour évoluer vers un monde plus durable. Le déploiement des véhicules électriques, la recherche et le développement de l’aviation du futur, ainsi que l’essor des mobilités douces constituent autant d’exemples qui visent à verdir notre secteur des transports.
Bien que ces initiatives soient louables et encouragées, ma question portera aujourd’hui sur une innovation qui, malgré son importance au niveau européen, semble avoir disparu du débat public national depuis quelques années, les mégacamions. Ces véhicules, également appelés giga-liners ou éco-combis, mesurent entre 18,75 mètres et 25,25 mètres, avec un poids pouvant atteindre 60 tonnes. En comparaison, les camions actuellement autorisés à circuler sur les routes françaises et entre États membres de l’Union européenne mesurent au maximum 18,75 mètres pour un poids maximal de 44 tonnes. Des autorisations ponctuelles permettent aux camions de dépasser ces normes sous forme de convois exceptionnels.
Les États membres de l’Union européenne peuvent autoriser la circulation des mégacamions sur leur territoire national. Ainsi, depuis plusieurs années, ces véhicules circulent en Finlande, au Danemark et en Suède, où un décret entré en vigueur en août 2023 a porté la longueur maximale autorisée des poids lourds à 34,50 mètres.
Les mégacamions présentent plusieurs avantages indéniables. Ils permettent de transporter davantage de marchandises en un seul voyage, réduisant ainsi le nombre de camions sur les routes. Cette diminution du trafic engendre des externalités positives pour l’environnement, en limitant les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique, ainsi que pour la sécurité routière, en diminuant le risque d’accidents. De plus, leur capacité accrue de transport de marchandises réduit le nombre d’arrêts et de déchargements, contribuant à fluidifier le trafic et à raccourcir les temps de transport.
Bien que l’utilisation des mégacamions soulève des interrogations, notamment concernant la sécurité routière et l’impact sur les infrastructures, il convient de noter que ces questions ont déjà été étudiées dans les pays où ces véhicules circulent quotidiennement depuis plusieurs années.
Alors qu’une expérimentation des mégacamions était prévue sur les routes françaises en 2010, les transporteurs attendent toujours sa mise en œuvre plus de dix ans après. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer votre position ainsi que celle du Gouvernement quant à une éventuelle expérimentation des mégacamions en France ?
M. François Durovray, ministre délégué. Concernant la question des mégacamions, vous connaissez la position négative de la France. En tant que président d’une collectivité locale gestionnaire de voirie, représentant une institution qui gère 368 000 kilomètres de voirie, je me suis également exprimé défavorablement à ce projet. Néanmoins, ma conviction n’est pas définitive sur ce sujet et je souhaite travailler avec vous.
À mon sens, la priorité réside dans le renforcement de nos ports, compte tenu du fait que la majorité du transport de marchandises s’effectue par voie maritime. La France doit tirer parti de sa façade maritime en consolidant ses grands ports comme Le Havre, Marseille et La Rochelle. À partir de ces ports, nous devons réfléchir au développement de l’hinterland et à l’optimisation du transport fluvial. Des enjeux majeurs se présentent notamment sur la Seine, le Rhône et le Rhin. J’ai récemment visité le port autonome de Strasbourg et constaté l’importance de développer l’axe rhénan à partir des ports d’Europe du Nord.
Ensuite, nous devons aborder la question du transport ferroviaire, qui a vocation à accueillir l’essentiel des flux de marchandises. Le transport routier conserve toutefois un rôle essentiel pour les trajets en amont, depuis les lieux de production vers les points de massification fluviale ou ferroviaire, et en aval, vers les lieux de distribution.
Les mégacamions présentent à mes yeux un risque pour les infrastructures en raison de leur poids excessif et du potentiel de dégradation qui en découle. Cependant, ce débat mérite d’être objectivé. Je propose que nous travaillions ensemble sur cette question afin de partager des faits avérés. Il s’agit d’un sujet important qui s’inscrit dans une perspective plus large. Dans dix ou quinze ans, nous pourrions ne plus parler de mégacamions, mais plutôt de convois de camions se suivant sur les routes, offrant des perspectives différentes. Nous sommes dans un environnement en constante évolution, c’est pourquoi je vous invite à collaborer sur ce sujet.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). La nouvelle configuration gouvernementale, où les transports ne sont plus rattachés au ministère de la transition écologique comme depuis 2007, soulève des interrogations. Comment comptez-vous garantir que les enjeux écologiques demeurent prioritaires ?
Concernant le budget 2025, vous avez annoncé que les crédits consacrés aux mobilités seraient identiques à ceux de 2023, omettant de préciser leur baisse par rapport à 2024 et l’absence de prise en compte de l’inflation. Pour moderniser et régénérer notre réseau ferré, au moins 1,5 milliard d’euros supplémentaires par an seraient nécessaires. Dans ce contexte de réduction des moyens, comment envisagez-vous de tenir vos engagements ?
Par ailleurs, nous devons saluer les cheminots de la SNCF, à qui vous prélevez encore 1,3 milliard d’euros cette année pour réinvestir dans la modernisation du réseau, tandis que les entreprises concurrentes ne contribuent pas et bénéficient de réductions sur le prix des sillons. Est-ce là votre conception d’une concurrence équitable ?
Malgré vos connaissances reconnues en matière de transport, votre bilan en Essonne révèle une préférence regrettable pour le domaine routier au détriment du ferroviaire, en dépit de l’urgence climatique. L’annonce de votre plan Cars express prévu pour le premier trimestre 2025 en témoigne. Vous le présentez comme un complément au train, mais j’y perçois plutôt une substitution.
Le bleu budgétaire souligne pourtant que le report modal constitue le premier levier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports, impliquant le développement d’alternatives aux mobilités routières et aériennes. Nous nous interrogeons sur l’avenir de ces Cars express, qui pourraient se transformer en services express régionaux métropolitains, toujours à l’état de projet malgré les annonces présidentielles.
Se pose également la question du renouvellement des trains couchettes, bientôt hors d’usage. Quel avenir prévoyez-vous pour nos trains de nuit qui rencontrent un véritable succès populaire ?
Plus globalement, le ferroviaire nécessite des investissements considérables. Quand le budget des 100 milliards sera-t-il effectivement mis en place, ainsi qu’un fonds vert conséquent et un soutien à la transition de la filière automobile ?
Face aux urgences, notamment climatiques, il est impératif d’abandonner le tropisme routier et de s’engager réellement pour le train et l’écologie, accompagnés d’un véritable investissement via un plan pluriannuel.
Concernant le fret, la question du dernier kilomètre est essentielle et soulève la problématique d’un transport multimodal efficace. Comment comptez-vous articuler transports routier, ferroviaire et fluvial pour une collaboration effective plutôt qu’une opposition ?
Enfin, un courrier adressé au Premier ministre demande un vote du Parlement, selon l’article 50-1, sur le plan de discontinuité imposé à Fret SNCF. Cette requête n’a pas encore reçu de réponse concrète. Notre patrimoine commun mérite que la démocratie parlementaire s’exprime et trouve, j’en suis convaincu, une solution pour préserver le fret ferroviaire.
M. François Durovray, ministre délégué. Je ne pense pas que nous puissions opposer la cohésion des territoires à l’écologie. Nous travaillons d’ailleurs au sein d’un même pôle ministériel, et je collabore quotidiennement avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher. J’ai souligné dans mon propos initial l’importance de la décarbonation du secteur des mobilités, celui-ci étant le seul à maintenir sa part dans le niveau des gaz à effet de serre du pays. Le niveau d’émission de gaz à effet de serre constitue pour moi le critère déterminant dans nos choix de mobilité.
Concernant le prétendu tropisme routier que vous m’attribuez au détriment du ferroviaire, je considère que nous évoluons dans un système de mobilité où le rail doit occuper toute sa place. La stratégie nationale vise à doubler la part du ferroviaire dans les mobilités. Néanmoins, même en doublant cette part, la route demeurera prépondérante pour les Français. Notre défi consiste donc à réussir non seulement l’augmentation de la part du rail, ce qui nécessite des investissements considérables, notamment pour améliorer l’accès aux grandes villes souffrant d’un manque de capacité, mais aussi à optimiser le transport routier.
Les grandes métropoles françaises comme Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, ainsi que les gares parisiennes de Saint-Lazare et de Lyon, requièrent des contournements et des accès supplémentaires. Il est impératif d’investir massivement dans le ferroviaire pour doubler sa part modale, tout en optimisant parallèlement le transport routier. Sans cette optimisation, nous continuerons à faire face à des problèmes de pollution et de dégradation de la qualité de vie de nos concitoyens, notamment à cause des embouteillages.
Notre responsabilité collective est d’apporter des solutions d’optimisation du transport routier. Dans cette optique, des solutions telles que le covoiturage ou les cars express doivent être développées. Je considère cela comme un enjeu écologique, puisque nous réduisons par dix les émissions de gaz à effet de serre lorsqu’un automobiliste opte pour un car express. De plus, nous divisons également par dix le coût de la mobilité pour ceux qui bénéficient d’un car express par rapport à l’utilisation d’une voiture individuelle.
Concernant le budget 2025, il s’inscrit dans un cadre contraint, marqué par la responsabilité. J’ai exprimé ma volonté, à travers la conférence sur le financement des mobilités, de nous projeter sur le long terme, à l’abri des aléas budgétaires. J’espère que nous parviendrons, au-delà des sensibilités politiques, à construire ensemble ce nouveau modèle.
Quant aux trains de nuit, sujet que nous partageons, des efforts ont été réalisés par l’État pour créer de nouvelles lignes. Nous sommes actuellement confrontés à des enjeux de capacité pour la SNCF dans le développement de nouvelles offres. Dès la livraison des rames, nous pourrons étendre le réseau ferroviaire nocturne pour desservir le pays.
M. Peio Dufau (SOC). Le 24 février 2023, Élisabeth Borne a annoncé un plan de 100 milliards d’euros en faveur du ferroviaire. Ce plan était attendu depuis longtemps pour enfin aligner les investissements sur nos ambitions de décarbonation du secteur des mobilités. Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF, nous a rappelé ici que l’investissement dans le réseau est indispensable, nécessitant 1,5 milliard supplémentaire par an.
À l’examen de ce budget, il apparaît clairement que l’État ne répond pas à ces besoins d’investissements. La sous-action 41.06 pourrait laisser croire que l’État s’engage dans la régénération du réseau ferroviaire national. Cependant, celle-ci est financée par le fonds de concours de la SNCF. C’est donc la SNCF elle-même qui finance les régénérations du réseau sans aucun soutien de l’État. Plus préoccupant encore, ces trois dernières années, la SNCF a dû céder des actifs ferroviaires comme Akiem ou Ermewa pour alimenter ce fonds de concours.
Comment justifier que le Gouvernement refuse de mobiliser les fonds nécessaires pour régénérer son réseau ferroviaire, alors qu’il constitue un pilier de la politique de lutte contre les changements climatiques et la dette écologique ? Les Français ont besoin de transports quotidiens efficaces et respectueux de l’environnement. Les RER métropolitains ou Serm promis par le président Macron représentent une opportunité, et votre projet de conférence de financement début 2025 semble la placer sur la bonne voie.
Par ailleurs, alors que notre pays s’est fixé comme objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030, les tonnages transportés par rail ont diminué de 50 gigatonnes-kilomètres en 2002 à 33 gigatonnes-kilomètres en 2023, toutes entreprises confondues, tandis que le volume global de marchandises transportées a considérablement augmenté.
Envisagez-vous d’instaurer un moratoire pour arrêter la procédure de discontinuité de Fret SNCF, l’opérateur public historique seul capable de relancer le transport de marchandises par train en France ? La question centrale demeure celle de la concurrence entre la route et le rail. Êtes-vous favorable à la mise en place d’écotaxes au niveau local ou régional qui rendraient le fret ferroviaire plus attractif, tout en finançant les transports du quotidien ?
Je m’inquiète également pour Fret SNCF qui risque de disparaître si le plan de discontinuité s’applique effectivement. En effet, dix ans sans pouvoir se positionner sur les marchés porteurs équivaudraient à condamner l’entreprise dont le modèle économique est déjà très fragile.
M. François Durovray, ministre délégué. Je souhaite répondre à votre intervention centrée sur la SNCF en complétant mes précédents propos sur le financement et la lisibilité des infrastructures. Le budget 2025 prévoit des crédits au niveau de 2023. Notre objectif est d’éviter les à-coups, néfastes pour l’ensemble de nos infrastructures, pas uniquement ferroviaires.
Nous maintenons néanmoins une trajectoire positive sur le long terme, financée en partie grâce aux fonds de concours de la SNCF. Rappelons que cette entreprise est intégralement publique et que l’État réinvestit la totalité du dividende dans le réseau. Cependant, avec l’ouverture à la concurrence, nous devrons réexaminer ce modèle. La SNCF, malgré son statut public, ne pourra maintenir cette capacité de financement sans créer une distorsion de concurrence vis-à-vis des nouveaux entrants.
Concernant la discontinuité, j’ai évoqué les choix opérés par la France et le précédent gouvernement. Une dynamique est engagée au niveau du Groupe et de Fret SNCF, avec la création de deux entités pour relancer le fret. L’enjeu est de reconquérir des parts de marché dans le transport de marchandises, après la baisse alarmante observée ces vingt dernières années. Cela implique de repenser notre approche, notamment en améliorant la continuité entre transport maritime, fluvial et ferroviaire, ainsi que la question des accès. Je vous assure de ma pleine mobilisation sur ce sujet.
Quant à l’écotaxe, la loi l’autorise actuellement pour les régions et la collectivité européenne d’Alsace. Cette dernière a d’ailleurs validé à l’unanimité hier un projet d’écotaxe. Je partage leur constat. Les poids lourds paient 50 centimes par kilomètre sur le réseau allemand, contre une gratuité en France, ce qui entraîne des conséquences en termes de trafic, pollution et usure des infrastructures. L’écotaxe peut répondre à cette problématique, sous réserve d’aménagements pour les acteurs locaux — j’ai assuré le président de la collectivité de ma disponibilité sur ce point — et d’un réinvestissement dans l’infrastructure, condition d’acceptabilité d’une taxe portée par une collectivité locale.
M. Peio Dufau (SOC). Je propose de réaffecter les 14 milliards d’euros prévus pour le projet GPSO (grand projet ferroviaire du Sud-Ouest) ou la ligne à grande vitesse (LGV) Sud-Ouest à la rénovation du réseau existant. Concernant le fret ferroviaire, je tiens à souligner que le modèle actuel est voué à l’échec. Nous avons sollicité un entretien à ce sujet et j’espère que nous aurons l’opportunité d’en discuter. Fort de mon expérience de plusieurs années au sein de cette entreprise, je ne suis pas le seul à affirmer que si Fret SNCF et la SNCF ne peuvent se positionner pendant une décennie, cela signera l’arrêt de mort du fret ferroviaire.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Les crédits budgétaires alloués aux transports ferroviaires, routiers, fluviaux et maritimes diminuent d’environ 10 %, s’élevant à 9,5 milliards d’euros. Seule la mission de contrôle et d’exploitation aérienne conserve ses crédits intacts, le trafic aérien ayant retrouvé son niveau d’avant la pandémie de covid.
Nos interrogations portent sur les modifications de la fiscalité et les propositions de taxes additionnelles. Nous pensons notamment au renforcement du malus automobile, qui relève du ministère chargé de l’écologie mais concerne une thématique intéressant votre ministère, ou à la taxation exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritime. Nous attendons des clarifications sur la position du Gouvernement concernant ces prélèvements lors des discussions en séance publique. Vous n’ignorez pas l’opposition des députés de la Droite républicaine à tout nouveau prélèvement, la France étant déjà en tête des pays européens dans ce domaine.
Un autre point de vigilance concerne la SNCF, qui ne doit pas pâtir davantage des incohérences des politiques publiques. Notre groupe avait déjà souligné, lors de l’examen du budget 2024, que la relance hésitante du ferroviaire, loin d’être à la hauteur du plan de 100 milliards d’euros annoncé par Madame Borne, reposait uniquement sur un effort financier de la SNCF.
Monsieur le ministre, bien que vous ne soyez pas responsable des politiques menées par vos prédécesseurs, nous reconnaissons votre attachement à un service public ferroviaire de qualité. Quelles recommandations formuleriez-vous concernant les trajectoires financières nécessaires pour préserver l’avenir de la SNCF et lui garantir la visibilité dont elle a besoin, sans tomber dans l’écueil des promesses non tenues comme par le passé ?
J’aimerais également aborder un sujet plus local, qui illustre l’enjeu national de sauvegarde des petites lignes ferroviaires. Dans ma circonscription de la Loire, la ligne Boën-Thiers est actuellement fermée. La région Auvergne-Rhône-Alpes, sur proposition du président Wauquiez, s’est engagée à financer le matériel roulant. Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, nous a confirmé le 2 octobre dernier son engagement à rénover cette ligne, à condition que l’État lui alloue les moyens nécessaires. Pouvez-vous à votre tour nous confirmer votre volonté d’investir sur cette ligne Boën-Thiers, comme sur toutes les petites lignes essentielles pour nos territoires ruraux ?
Enfin, pouvez-vous nous assurer à nouveau qu’aucun TGV ne sera supprimé sur la ligne Saint-Étienne-Paris, contrairement aux rumeurs récentes qui ont inquiété les usagers ? Je vous remercie.
M. François Durovray, ministre délégué. Je partage votre point de vue sur la sauvegarde des petites lignes ferroviaires. Nous devons réexaminer la question des investissements à la lumière des nouvelles solutions émergentes dans le secteur ferroviaire. Par le passé, des rapports concluaient que certaines petites lignes n’avaient pas d’avenir, faute de pouvoir atteindre la massification des trafics requise. Aujourd’hui, des solutions moins lourdes et moins coûteuses nous permettent de reconsidérer cette problématique. J’ai demandé à mes équipes d’étudier comment nous pourrions aborder ce sujet dans une perspective de cinq à dix ans.
Concernant la liaison Saint-Étienne-Paris et l’ensemble du réseau à grande vitesse, je veille à ce que toutes les villes, notamment les villes moyennes, bénéficient d’une desserte adéquate. J’ai également demandé à l’autorité de régulation d’examiner comment les nouveaux opérateurs pourraient contribuer à une offre de desserte plus large, au-delà des grandes villes françaises, dans le respect des règles de libre concurrence.
S’agissant du bonus-malus, les arbitrages ne sont pas encore finalisés. Nous travaillons avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher pour améliorer le dispositif d’aides à la conversion, en ciblant particulièrement les Français les plus modestes pour qui l’achat d’un véhicule électrique reste difficile. Il est important de rappeler que seuls 15 % des Français achètent une voiture neuve, le marché de l’occasion étant souvent privilégié. Nous devons donc prendre en compte cette réalité dans notre politique de conversion à l’électrique.
Quant au financement des mobilités et des infrastructures, j’ai évoqué la nécessité de mobiliser des recettes. Les transports contribuent significativement au budget de l’État, ce qui est positif, mais nous devons réfléchir à la pérennisation de ces recettes tout en nous prémunissant des aléas budgétaires annuels. C’est pourquoi je souhaite organiser une conférence pour aborder la question des concessions autoroutières et examiner comment nous pourrions capter une partie de ces recettes pour le financement des infrastructures.
D’autres pistes sont à l’étude, notamment l’utilisation des certificats d’économie d’énergie (C2E), qui génèrent actuellement 6 milliards d’euros de recettes appelées à augmenter, mais qui sont peu affectées à la mobilité. Nous envisageons de créer des fiches permettant de financer des projets de mobilité. Enfin, nous réfléchissons à l’utilisation des quotas carbone (ETS) pour le financement de la mobilité. Ces pistes visent à allouer davantage de ressources aux enjeux de mobilité, notamment dans les territoires.
M. Jean-Pierre Taite (DR). En tant qu’élu de terrain, je souhaiterais vous soumettre une proposition. Si vous envisagez de mettre en place une ligne pilote pour mener l’expérimentation que vous avez évoquée, je me tiens à votre disposition pour la ligne Boën-Thiers. Je serais ravi de vous rencontrer à ce sujet.
Mme Julie Ozenne (ÉcoS). Je souhaite d’abord exprimer mes condoléances à la famille et aux proches de Paul Varry, jeune cycliste de 27 ans tragiquement décédé la semaine dernière, victime d’un conducteur qui l’a délibérément percuté sur une piste cyclable. Suite à votre rencontre avec les associations de cyclistes hier, quelles mesures concrètes envisagez-vous, au-delà des réponses judiciaires, pour garantir le droit à la mobilité pour tous ? Prévoyez-vous notamment de débloquer les 400 projets d’aménagement cyclable en dégelant les crédits du fonds vélo 2024 votés au budget précédent ?
Concernant les infrastructures, nous observons l’émergence de projets disproportionnés et inadaptés. Citons l’autoroute A69, qui sacrifie 343 hectares de terres agricoles pour un gain de temps minime. Mentionnons également le Lyon-Turin et la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, deux projets ferroviaires onéreux qui doublent des lignes existantes. Le canal Seine-Nord-Europe, d’un coût de 5,1 milliards d’euros, menace la biodiversité et l’artisanat local. S’y ajoutent l’agrandissement des aéroports de Beauvais, Lille et Nice, les lignes de métro 17 et 18 avec des gares en pleine campagne, et le Charles-de-Gaulle Express, qui perturbe considérablement le fonctionnement du RER B. L’État persiste dans ces projets malgré des études socio-économiques et environnementales alarmantes.
Parallèlement, nous continuons d’investir massivement dans des projets routiers et autoroutiers nuisibles à l’environnement et à la santé. Les secteurs maritimes et aériens bénéficient d’avantages fiscaux conséquents. À titre d’exemple, la niche fiscale des armateurs coûtera près de 4 milliards d’euros à l’État cette année. Des fonds publics sont alloués au développement d’aérodromes, d’héliports ou de vertiports, en dépit des recommandations de la direction des services de la navigation aérienne de limiter ces implantations.
En revanche, le soutien aux lignes de transport du quotidien demeure insuffisant, particulièrement pour les petites lignes telles que la ligne des Hirondelles, la ligne Auray-Quiberon, la ligne Dijon-Belfort ou encore les lignes RER B, C, D et la ligne S. Cette situation éloigne les usagers du train, réduit les correspondances et entraîne une hausse des tarifs. De même, le fret ferroviaire est totalement délaissé.
Le secteur des transports doit impérativement réduire ses émissions et s’adapter aux effets du changement climatique. Nous attendons des études sur la vulnérabilité des réseaux de transport et des plans d’investissement pour favoriser cette adaptation, plutôt que de grands projets superflus qui se réalisent au détriment des transports quotidiens. Le bureau d’études Carbone 4 estime qu’il faudra 22 milliards d’euros d’ici 2050 pour réparer les routes endommagées par les événements climatiques. Les récentes tempêtes, comme celle de Kirk, ou les épisodes cévenols en cours ne sont que les prémices de ce qui nous attend.
Nous pouvons être fiers de la réaction des services publics face à ces événements. Cependant, l’inadaptation des infrastructures ferroviaires, les inondations et la déformation des sols auront des conséquences directes sur les usagers des trains.
Monsieur le ministre, envisagez-vous enfin de renoncer aux grands projets superflus au profit des transports du quotidien et de leur adaptation au changement climatique ?
M. François Durovray, ministre délégué. Vous contestez le bien-fondé de certaines infrastructures, mais je tiens à rappeler que nous évoluons dans un État de droit où diverses procédures ont été menées à terme. Pour la plupart de ces projets, les chantiers sont déjà lancés. Mon rôle n’est pas de remettre en question des choix démocratiquement assumés et juridiquement validés. Néanmoins, je veille à ce que ces infrastructures ne se réalisent pas au détriment des mobilités quotidiennes.
Concernant le Lyon-Turin, au-delà du percement sous la montagne, nous devons nous pencher sur la question des accès. Ma priorité porte sur le contournement de Lyon, qui permettra de traiter à la fois les enjeux du fret et des déplacements quotidiens dans la métropole lyonnaise.
Je partage votre préoccupation quant aux défis du changement climatique et à la nécessité d’apporter des solutions aux mobilités du quotidien. Dans mon propos liminaire, j’ai exposé ma volonté de multiplier les options sans opposer les modes de transport entre eux.
Vous avez évoqué la ligne des Hirondelles dans le Jura, un axe important pour lequel nous pouvons trouver des solutions. J’en discute d’ailleurs avec la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté.
Concernant le vélo, il doit occuper une place prépondérante. L’avènement du vélo à assistance électrique a ouvert de nouvelles perspectives pour nos concitoyens, tant en milieu urbain que dans les zones moins denses. Suite au drame survenu l’an dernier, j’ai réuni hier les associations cyclistes et proposé une mission qui, au-delà des aménagements, examinera comment renforcer l’éducation, les sanctions contre les comportements dangereux sur la route, les évolutions réglementaires et la communication. Cette dernière est essentielle pour que les différents usagers de la route comprennent mieux les risques qu’ils peuvent faire courir aux autres. À l’issue de cette audition, je recevrai la famille de Paul Varry, durement touchée.
Enfin, concernant le transport maritime, je me permets d’exprimer mon désaccord. Le transport maritime international est soumis à une taxe sur le tonnage, une règle appliquée en France et dans d’autres pays. Adopter une réglementation différente pourrait nuire au pavillons français, dont nous souhaitons tous deux, je suppose, le développement et le renforcement à l’échelle internationale.
M. Jimmy Pahun (Dem). La nomination d’un élu local dans ce contexte complexe est appréciée, car son expérience de terrain sera précieuse. Vous pouvez compter sur notre soutien pour relever les défis à venir.
Concernant le budget dédié au transport, l’enveloppe allouée au verdissement du parc automobile diminue de 500 millions d’euros, passant de 1,5 milliard à 1 milliard d’euros. Les trois mesures incitatives semblent maintenues, mais la répartition entre le bonus écologique, la prime à la conversion et le leasing social n’est pas encore arrêtée. Une réduction significative de la prime à la conversion au profit du leasing social semble se dessiner.
Or, la combinaison de la prime à la conversion et du bonus écologique a démontré son efficacité en termes de gestion des finances publiques et de transition écologique. En 2023, la prime à la conversion, malgré ses modifications, n’a coûté que 150 millions d’euros pour 45 000 bénéficiaires, contre 650 millions d’euros pour 50 000 véhicules dans le cadre du leasing social. Pourriez-vous nous indiquer la répartition prévue pour cette enveloppe de verdissement ?
Je salue néanmoins le dispositif de leasing qui a permis à de nombreux ménages modestes d’accéder à des véhicules électriques, avec plus de 50 000 commandes en seulement six semaines, dépassant largement les attentes. Toutefois, ce succès s’accompagne de défis, notamment le coût élevé de 13 000 euros par véhicule, qui interroge sur sa pérennité. Face à une enveloppe budgétaire plus contrainte pour 2025, plusieurs options s’offrent à l’État, comme ajuster le nombre de dossiers ou réduire le niveau d’aide publique par véhicule, ce qui pourrait également impacter le nombre de modèles éligibles. Dans ce contexte, quelles évolutions envisagez-vous pour ce dispositif dans les années à venir ?
Enfin, le budget prévoit un durcissement du malus automobile, avec un abaissement progressif du seuil d’émission de CO2 de 118 grammes par kilomètre à 113 grammes dès 2025, puis à 106 grammes en 2026 et 99 grammes en 2027. Cet élargissement du malus concernerait jusqu’à 80 % du parc automobile d’ici 2027. Cependant, alors que le Gouvernement prévoit des recettes de 300 millions d’euros pour 2025, les estimations d’un cabinet d’experts projettent des recettes bien supérieures, de l’ordre de 2,1 milliards d’euros. Comment expliquez-vous cet écart important dans les prévisions des recettes ?
M. François Durovray, ministre délégué. Concernant l’électrification du parc automobile, les arbitrages pour 2025 ne sont pas encore finalisés. Des discussions sont en cours avec mes collègues Agnès Pannier-Runacher et Marc Ferracci.
Quant au bonus-malus, je doute de l’exactitude du chiffre avancé selon lequel 80 % des véhicules seraient concernés par le malus en 2027. Les constructeurs automobiles français progressent et proposent désormais des modèles répondant à nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, dont beaucoup à zéro émission. D’ici 2027, nous devrions franchir plusieurs étapes supplémentaires, réduisant significativement le pourcentage de véhicules soumis au malus. Cette projection nécessite néanmoins une expertise approfondie.
Concernant la prime à la conversion, je partage vos préoccupations, notamment pour les communes situées en zones à faibles émissions. Le cas de Paris et Lyon requiert une attention particulière. Nous devons accompagner les habitants de la périphérie qui travaillent dans ces villes dans la transformation de leurs véhicules.
Le leasing social connaît un grand succès, ce dont nous pouvons nous féliciter. Cependant, des effets secondaires ont été relevés, notamment des inquiétudes des concessionnaires sur la reprise des véhicules dans trois ans. Certaines utilisations du dispositif ne correspondent pas à l’objectif initial d’aider les familles les plus modestes. Nous travaillons à cibler plus efficacement les bénéficiaires.
Un enjeu majeur concerne les flottes automobiles d’entreprise. Les Français continuent d’acheter des véhicules électriques, mais nous devons également nous pencher sur le marché de l’occasion. Le rétrofit pourrait constituer une solution intéressante pour les artisans et les personnes effectuant peu de kilomètres, leur permettant de modifier la motorisation sans changer de véhicule.
Nous examinons de nouveaux modèles pour adapter les dispositifs actuels, notamment pour les flottes d’entreprises et de collectivités, qui ne comptent que 15 % de véhicules électriques. Avec mes collègues, nous étudions les moyens d’augmenter cette part d’acquisitions, déterminante pour l’ensemble de la filière.
M. Xavier Roseren (HOR). Notre système de transport s’avère primordial pour les déplacements quotidiens et les événements majeurs à venir, tels que les Jeux olympiques d’hiver 2030. Il constitue également un levier indispensable pour assurer la mobilité, particulièrement dans les territoires isolés, où il contribue à lutter contre l’isolement.
Premièrement, la relance des trains de nuit répond à une forte attente citoyenne, tant pour des raisons économiques qu’écologiques. Je pense notamment à la ligne Paris-Saint-Gervais-les-Bains, l’une des dernières à avoir été supprimée en 2016. Le train de nuit offre une alternative bas carbone particulièrement pertinente, notamment pour les trajets de longue distance. Pourriez-vous préciser les orientations stratégiques envisagées pour renforcer l’offre de trains de nuit en France, garantir leur réouverture et assurer leur attractivité ?
Deuxièmement, dans le cadre des préparatifs des Jeux olympiques d’hiver 2030, quelles mesures concrètes sont prévues pour développer les lignes ferroviaires, en particulier vers les régions montagneuses ? Ces territoires, à la fois poumons touristiques et écologiques de notre pays, doivent bénéficier d’infrastructures de transport performantes. Cela permettrait de garantir l’acceptabilité des projets, de réduire l’empreinte carbone de l’événement et d’ancrer ces investissements dans une vision durable pour la montagne de demain. Comment comptez-vous tirer parti de ces événements planétaires pour impulser une véritable dynamique d’investissement dans ces territoires qui en ont besoin ?
Nous sommes convaincus que le développement des infrastructures ferroviaires, notamment dans les zones montagneuses, constituera un atout majeur pour une France à la fois compétitive et écologique.
M. François Durovray, ministre délégué. Le développement des trains de nuit a connu une évolution significative ces dernières années. Après avoir quasiment disparu de notre paysage ferroviaire, ils ont fait leur retour grâce à la volonté politique, notamment en 2020. Nous avons ainsi vu renaître des liaisons emblématiques telles que Paris-Briançon, Paris-Rodez-Toulouse-Cerbère, ou encore Paris-Tarbes-Lourdes. En 2021, le Paris-Nice a été mis en service, suivi du Paris-Aurillac en 2023. La liaison Paris-Berlin est également opérationnelle, et dès décembre, elle fonctionnera de jour.
Cette trajectoire positive se heurte néanmoins à des limitations, principalement liées à la question du matériel roulant. Il convient également d’examiner attentivement le financement de ces trains d’équilibre du territoire, subventionnés par l’État, afin de déterminer les moyens disponibles pour développer cette offre. Depuis 2021, nous avons investi 100 millions d’euros pour rénover 129 voitures, ce qui a permis de soutenir l’offre actuelle. Cependant, nous n’avons pas encore répondu à tous les besoins et devons envisager d’étendre le réseau à d’autres destinations, comme la vallée de Chamonix, sous réserve de faisabilité technique.
Concernant les Jeux olympiques d’hiver de 2030, cet événement d’envergure internationale nécessite une préparation minutieuse en matière de transports. Forts du succès de l’accueil des Jeux d’été, où les entreprises et les agents du service public ont brillamment relevé le défi, nous devons nous préparer à accueillir les Jeux d’hiver sur un périmètre étendu, englobant le Sud-Est et le pourtour méditerranéen.
Il s’agit d’améliorer l’accès depuis Marseille-Briançon, depuis Nice avec la question de la nouvelle gare dont la livraison est envisagée pour 2030, sous réserve de résoudre certains aspects techniques comme le déménagement du marché d’intérêt national. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, nous devons améliorer l’accessibilité des gares de Chambéry, Aix-les-Bains, Saint-Pierre-de-Chartreuse et Bourg-Saint-Maurice. La desserte de certaines stations de ski constitue également un défi, notamment le projet de liaison vers le Massif des Aravis (La Clusaz, Le Grand-Bornand) qui pourrait se concrétiser par une offre routière au départ d’Annecy.
Nous collaborons étroitement avec les deux régions concernées pour relever ces défis. L’État a d’ores et déjà nommé un délégué interministériel, Monsieur Pierre-Antoine Molina, que je rencontrerai prochainement pour coordonner nos efforts. Toutes les structures nécessaires à la réussite de ces Jeux sont pleinement mobilisées pour garantir leur succès.
M. Stéphane Lenormand (LIOT). Notre politique de transport doit poursuivre un double objectif : mener à bien la transition écologique et renforcer la cohésion des territoires. Ce second objectif a été négligé ces dernières années. Le projet de loi de finances actuel risque d’accentuer la fracture territoriale entre les citadins et nos concitoyens vivant dans la ruralité ou les territoires d’outre-mer.
Concernant la taxation de l’aviation, le gouvernement envisage d’augmenter la taxe dite « Chirac » pour faire contribuer les passagers aériens au rétablissement des comptes publics. Pour nous, Ultramarins et Corses, cette mesure s’avère particulièrement pénalisante. Nous sommes contraints de prendre l’avion pour nous rendre dans l’hexagone, que ce soit pour voir nos proches, nous soigner ou poursuivre nos études. Cette augmentation accentuera le manque d’attractivité économique de nos territoires, les billets d’avion étant déjà excessivement onéreux. Certes, un effort a été consenti en notre faveur, pour assimiler ces vols aux vols intra-européens indépendamment de la distance. Néanmoins, nous ne percevons dans cette mesure qu’une hausse de la fiscalité, sans bénéfices tangibles, aggravant les conséquences des crises que nous traversons sur le pouvoir d’achat des Ultramarins.
Notre seconde inquiétude porte sur une taxation trop punitive et insuffisamment redistributive pour les flottes automobiles. L’alourdissement du malus menace notre industrie française, d’autant qu’il n’est pas compensé par une revalorisation du bonus électrique. De plus, la prime à la conversion pourrait, selon certaines rumeurs, être supprimée. Nous nous inquiétons également du sort réservé au leasing social, dispositif permettant aux plus précaires et aux classes moyennes de louer des véhicules électriques à moindre coût. Vous avez évoqué des adaptations potentielles de ce mécanisme, sur lesquelles nous resterons particulièrement vigilants.
Enfin, des préoccupations subsistent quant au plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici 2040. Vous avez vous-même, Monsieur le ministre, admis sa fragilité au vu des économies à réaliser sur le présent budget. Un financement insuffisant compromettrait la modernisation et la régénération du réseau, mettant en péril notre capacité à développer des alternatives viables à l’autosolisme dans les zones rurales.
M. François Durovray, ministre délégué. Je souhaite apporter des précisions sur les trois points que vous avez soulevés. Concernant les aides aux véhicules, je vous renvoie à ma réponse précédente. Les arbitrages n’étant pas encore rendus, je ne peux ni confirmer ni infirmer le maintien de dispositifs. J’ai néanmoins exprimé ma position sur chaque point. Notre objectif est d’optimiser l’utilisation de l’argent public pour maximiser l’impact en termes de décarbonation. Ce principe guidera nos choix, notamment sur les questions de mobilité.
Quant aux 100 milliards pour le ferroviaire, je confirme que cela demeure notre feuille de route. Nous devons consolider le financement, ce qui sera l’objet de la conférence sur le financement des mobilités que j’organiserai début 2025. Cette conférence visera à améliorer la lisibilité et à éviter les à-coups liés à l’examen annuel du budget. La mobilité finance largement le budget de l’État, et nous devons préserver des recettes affectées à ce secteur pour construire cette trajectoire. J’espère que nous trouverons un consensus, au-delà de nos différences politiques et territoriales.
Nous avons une responsabilité collective face aux besoins de financement des infrastructures et à l’évolution des dispositifs actuels, comme la TICPE. Il est impératif de concevoir un nouveau système de financement des infrastructures, et j’ambitionne d’être le ministre qui facilitera l’émergence de ce dispositif.
Enfin, concernant la taxe sur les billets d’avion, Catherine Vautrin a récemment répondu à ce sujet lors des questions au Gouvernement. Nous estimons légitime que l’aviation contribue au financement et aux enjeux de décarbonation, compte tenu de son impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Il paraît normal que ce secteur soit taxé, notamment pour maintenir la compétitivité du train par rapport à l’avion sur certaines liaisons métropolitaines.
Je tiens à souligner que nous avons veillé à minimiser l’impact de cette taxe sur les liaisons ultramarines. Le dispositif d’aide de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) permet aux Ultramarins de bénéficier d’un soutien pour l’achat de billets d’avion vers la métropole. Vous constaterez dans le projet de loi de finances que la contribution reste modeste par rapport au prix des billets d’avion.
M. Jean-Victor Castor (GDR). Dans ce budget, vous prétendez maintenir une trajectoire de continuité pour le secteur des transports, mais cette continuité s’apparente davantage à une stagnation, voire à une régression. Les crédits de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France accusent une baisse significative. Le projet de loi de finances ne prévoit pas le budget théorique de 4,6 milliards d’euros attendu cette année par l’organisme, soit 1 milliard de plus qu’en 2023, auquel s’ajoutent les 600 millions annuels de la nouvelle taxe anti-pollution versée par les sociétés d’autoroutes et les grands aéroports nationaux.
Concernant l’entretien et la modernisation du réseau ferré, une augmentation des crédits est prévue, notamment liée à la hausse des redevances d’accès au réseau ferré payées par l’État à SNCF Réseau pour les trains régionaux et Intercités. Vous contraignez ainsi la SNCF à accroître sa contribution au fonds de concours de 2,3 milliards d’euros supplémentaires entre 2024 et 2027, ce qui ne favorise pas l’accessibilité du train.
Le financement de la vingtaine de projets de services express régionaux métropolitains demeure flou. Les 1,8 milliard d’euros d’autorisations d’engagement identifiés dans le contrat de plan État-Région 2023-2027 pour contribuer au développement de ces projets, répartis entre l’État et les régions, s’avèrent nettement insuffisants au regard des coûts réels. Quel financement avez-vous prévu pour cette amélioration essentielle de l’offre ferroviaire attendue par nos concitoyens ?
Je ne peux omettre d’évoquer la situation en Guyane, où sept communes sur vingt-deux sont totalement enclavées. Un ministre du gouvernement précédent avait déclaré qu’en Guyane, une piste, c’est mieux que rien. Dans ce contexte, l’application du malus écologique constitue une double peine. Avez-vous déjà emprunté une piste sans véhicule tout-terrain ? Ce budget ne prévoit aucun crédit pour le désenclavement de la Guyane. Les crédits dédiés aux travaux d’aménagement de la RN1 sont entièrement absorbés par la construction d’un pont, dont les travaux sont interrompus en raison d’errements techniques des services déconcentrés de l’État. J’ai interpellé le Gouvernement par écrit à ce sujet le 25 septembre dernier, sans obtenir de réponse à mes interrogations et demandes de précisions.
Enfin, concernant l’ensemble des territoires d’outre-mer, non seulement vous ne prévoyez aucune mesure concrète pour réduire le prix des billets d’avion et assurer une véritable continuité territoriale, mais vous allez en plus alourdir la taxation du transport aérien, ce qui aura des conséquences désastreuses pour nos populations qui n’ont d’autre choix que de prendre l’avion. La solidarité nationale demandée, nos territoires, que vous percevez comme éloignés, l’assument déjà quotidiennement à travers le coût élevé de la vie et les inégalités structurelles. Pouvez-vous nous préciser quelles mesures adaptées et dérogatoires vous envisagez de prendre, car elles ne sont pas visibles dans ce budget ?
M. François Durovray, ministre délégué. Je concentrerai ma réponse sur les sujets ultramarins, ayant déjà abordé la question des Serm lors d’une précédente intervention concernant la conférence de financement prévue en janvier. Cette conférence, sous réserve des débats parlementaires à venir dans le cadre de l’examen du PLF, devrait permettre d’identifier des solutions de financement pour ces services très attendus par l’ensemble des métropoles.
Vous avez évoqué la contribution de la SNCF au financement des infrastructures et la spécificité française en matière de péages ferroviaires. Ce sujet complexe et coûteux pourrait être examiné lors de la conférence mentionnée précédemment. Des arbitrages seront nécessaires, notamment concernant le poids considérable des péages sur le prix des billets pour les services longue distance librement organisés.
Concernant les crédits de l’Afit, je tiens à souligner que l’État est en mesure de respecter tous les engagements pris dans le cadre de ce budget. Au-delà de l’Afit, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement sont en augmentation sur le périmètre sous ma responsabilité, de 14,7 % pour les autorisations d’engagement et de 2,2 % pour les crédits de paiement, atteignant 4,75 milliards d’euros.
Pour les territoires ultramarins, j’ai mentionné notre volonté de maintenir un niveau de taxation symbolique pour les vols intérieurs et la desserte aérienne ultramarine. Nous renouvelons également le financement de la desserte aérienne intérieure de la Guyane à hauteur de plus de 6 millions d’euros. Des enjeux importants concernent aussi l’aéroport de Mayotte, nécessitant une rencontre prochaine avec les autorités locales pour faire avancer ce dossier.
Je partage votre préoccupation concernant les infrastructures routières dans les territoires ultramarins. Mon expérience au sein du Conseil d’orientation des infrastructures m’a permis de constater que la situation des réseaux routiers dans nos départements d’outre-mer est souvent méconnue en métropole, tant en termes de faiblesse du réseau que de l’offre de transport public et de la qualité de certaines infrastructures.
L’État s’engage fortement dans le renouvellement des routes, notamment en Guyane avec un investissement de 148 millions d’euros, incluant le chantier en cours du pont du Larivot. Je suis conscient de l’importance de ce franchissement pour votre département et vous assure de ma plus grande attention pour trouver des solutions adaptées aux besoins des territoires ultramarins.
M. Éric Michoux (UDR). Les zones rurales sont particulièrement sensibles à la question de la mobilité. En milieu rural, les voitures demeurent le mode de transport privilégié pour plus de 80 % des déplacements quotidiens. Cette dépendance engendre une fragilité économique, notamment lorsque le prix du gazole atteint des sommets proches de 2,30 euros le litre, entravant les possibilités de déplacement.
Cette situation m’amène à évoquer les engagements du plan France ruralité de 2023, entrepris sous le gouvernement d’Élisabeth Borne. Ce plan visait à établir un nouveau contrat avec les territoires ruraux et à réduire ce que la Première ministre qualifiait alors de nouvelle fracture de mobilité, s’ajoutant aux fractures sociale, géographique et technologique. Les zones blanches et les déserts médicaux affectent considérablement nos habitants et territoires ruraux. Nos concitoyens se retrouvent, selon les termes de Madame Borne, assignés à résidence. Ce constat, bien que potentiellement fondé, accentue dans l’esprit des Français la perception d’une dégradation, d’une relégation. L’image que nous projetons de notre ruralité et de notre terroir s’en trouve tristement ternie.
Que s’est-il concrètement passé dans la ruralité ces quatre dernières années ? Force est de constater que peu de choses ont changé. Malgré les annonces médiatiques du plan France ruralités, les personnes sans voiture demeurent isolées. Cette situation impacte tous les aspects de la vie quotidienne, l’accès aux soins, aux services publics, à l’alimentation, à l’emploi, aux loisirs et parfois même à l’éducation.
Concernant les transports, je souhaite évoquer la situation en Bourgogne, ma région. Prenons l’exemple des transports en commun, notamment les bus scolaires. Les enfants dont le domicile se situe à moins de trois kilomètres d’un établissement secondaire ne bénéficient pas du transport par bus organisé par le conseil régional. Un conseiller régional socialiste, en charge des transports, préconise même aux enfants d’opter pour la marche ou le vélo.
Pour conclure, je m’interroge sur l’état d’avancement du pacte de développement rural pour la mobilité. Quelles actions envisagez-vous, Monsieur le ministre, concernant la mobilité en milieu rural, notamment en ce qui concerne l’utilisation du diesel et sa distribution ?
M. François Durovray, ministre délégué. Je ne peux pas porter de jugement sur les choix opérés par les régions concernant les transports scolaires, qui relèvent d’une compétence décentralisée selon l’article 72 de la Constitution. Le critère de trois kilomètres appliqué en Bourgogne-Franche-Comté peut être différent dans d’autres régions, et je salue la mobilisation des élus locaux pour apporter des réponses adaptées à leur territoire.
Concernant la situation des habitants des zones rurales, elle constitue le cœur de mon engagement. Notre objectif est d’étendre l’offre de mobilité au-delà des zones urbaines et périurbaines, où elle est déjà satisfaisante avec des solutions ferroviaires, de tramway, de bus à haut niveau de service (BHNS) et d’autres options. Nous devons nous concentrer sur les 15 millions de Français en précarité de mobilité et les 10 millions n’ayant d’autre choix que la voiture.
Les solutions à développer sont principalement routières, le rail n’étant pas adapté aux flux faibles de passagers, tant pour des raisons économiques qu’écologiques. À titre d’exemple, un TER diesel transportant moins de 35 usagers génère davantage de pollution qu’une voiture.
Pour répondre à ces enjeux, nous avons mis en place le fonds mobilités rurales, doté de 30 millions d’euros par an de 2024 à 2026. De nombreux projets émanant des territoires émergent, que je soutiens en collaboration avec le président de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et ma collègue Françoise Gatel.
Au-delà du plan France mobilités rurales, nous devons évaluer la loi d’orientation des mobilités (LOM) et chercher comment accompagner les communautés de communes et d’agglomération qui ont pris la compétence mobilité mais ne l’exercent pas, faute d’ingénierie ou de moyens financiers. Notre ambition est d’impliquer ces territoires dans le développement d’offres de transport adaptées à leurs spécificités.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous passons maintenant à la séance de questions. Il y en a dix-sept. Je propose de les répartir en deux groupes pour une meilleure organisation.
Mme Lisa Belluco (ÉcoS). Le mandat du président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa) a expiré le 12 avril dernier. Cette fonction relevant de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République aurait dû proposer un candidat pour lui succéder. Cette nomination tarde à venir, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes. En effet, aucune disposition ne prévoit d’intérim en cas de vacance de la présidence, empêchant ainsi le collège de l’Acnusa de se réunir pour statuer sur les sanctions en cas d’infraction aux règles de protection des riverains des aéroports.
Cette situation entraîne une accumulation des dossiers non traités et risque de susciter un sentiment d’impunité chez les compagnies aériennes, au détriment des riverains. Des dizaines de milliers de nos concitoyens sont concernés par ce problème.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quand le Président de la République compte nommer un successeur à Monsieur Gilles Leblanc ? Quelles personnalités seraient envisagées pour ce poste ? Je suis convaincue que vous accorderez une attention particulière à cette question, étant donné la présence d’un des plus importants aéroports français dans votre département.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Comme vous l’avez souligné, le budget des transports connaît une augmentation tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Je vous suis également reconnaissant de l’intérêt que vous portez aux petites lignes, et je note que vous connaissez parfaitement notre territoire, ayant mentionné la remarquable ligne des Hirondelles du Jura.
Cependant, je souhaite attirer votre attention sur une autre ligne, la liaison TGV Marseille-Strasbourg, qui a été supprimée en raison de travaux à Lyon-Part-Dieu. Vous l’avez évoqué, les Serm sont une solution pour relier les métropoles et désenclaver nos transports collectifs. Vous avez indiqué que les vingt-quatre Serm constituent effectivement une réponse, et que la réouverture de lignes précédemment fermées pourrait être envisagée une fois les 115 rames livrées.
Mme Sophie Panonacle (EPR). En tant que députée de la Gironde, je souhaite exprimer mon inquiétude concernant la création de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse. Bien que le développement du transport ferroviaire de passagers représente la solution la plus écologique, et que vous ayez annoncé vouloir doubler la part du rail, je considère que les crédits devraient prioritairement bénéficier aux trajets du quotidien, notamment à l’amélioration des lignes TER.
Il convient de rappeler que le coût estimé de la LGV s’élève à 14,3 milliards d’euros, dont 5,72 milliards financés par l’État et un montant équivalent par les collectivités. Par ailleurs, les travaux de construction de cette LGV risquent de perturber considérablement la biodiversité sur son tracé. À titre d’exemple, dans le sud de la Gironde, la forêt millénaire bordant le Ciron, affluent de la Garonne, est menacée par la construction de plusieurs franchissements de la vallée.
Monsieur le ministre, dans un contexte de restrictions budgétaires, est-il judicieux d’investir une telle somme dans ce projet, compte tenu de ses conséquences néfastes sur la nature et l’environnement ? Pouvons-nous véritablement soutenir cette initiative alors que s’ouvre la COP 16 sur la biodiversité à Cali, en Colombie ?
M. Sylvain Berrios (HOR). Je souhaite aborder la question de l’aéroport d’Orly, que vous connaissez bien et que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ensemble. Cet aéroport, situé dans une zone urbaine densément peuplée, représente un atout économique indéniable. Cependant, il constitue également une source de pollution et de nuisances pour les populations et les territoires survolés. C’est pourquoi un arrêté ministériel spécifique, datant de 1968, fixe des conditions d’exploitation particulières pour cet aéroport.
En 2024, une nouvelle étude d’impact, destinée à servir de base à un nouvel arrêté ministériel d’exploitation, a été réalisée dans le cadre d’une consultation publique. Les associations de riverains, les élus locaux et l’agence régionale de santé ont retenu un scénario, dénommé scénario C, qui s’avère le plus protecteur pour les populations et les territoires concernés. Ce scénario prévoit notamment l’extension du couvre-feu de 23 heures à 6 heures, l’interdiction des vols les plus bruyants à partir de 22 heures, ainsi que l’objectif d’un plafonnement à 200 000 mouvements annuels.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de signer un arrêté ministériel privilégiant l’option la plus protectrice, à savoir le scénario C ?
M. Jean-Michel Brard (HOR). Le 27 novembre 2022, le Président de la République a déclaré que la création du RER métropolitain constituait une priorité nationale. En février 2023, Élisabeth Borne a annoncé un programme de 100 milliards d’euros d’ici 2030 pour développer le transport ferroviaire en France au cours des deux prochaines décennies. La région des Pays de la Loire a rapidement saisi l’opportunité de réaliser un service express régional métropolitain, notamment pour desservir le pays de Rennes et son littoral pornicais. Ainsi, lors de la signature de l’avenant mobilité du contrat de plan État-Région 2021-2027, plus de 38 millions d’euros ont été alloués à ce projet.
Depuis, le Gouvernement, dont vous êtes membre, a constaté que le déficit prévu de 4,4 % s’élevait finalement à 6,1 %. Vous envisagez des économies substantielles et avez déclaré que le financement du plan de 100 milliards d’euros annoncé par Élisabeth Borne est, je vous cite, fragile.
Monsieur le ministre, compte tenu de la situation budgétaire actuelle, la réalisation des Serm est-elle compromise ? L’État sera-t-il en mesure d’honorer ses engagements, en particulier concernant le Serm de Nantes ?
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). J’aimerais vous poser plusieurs questions. Tout d’abord, pouvez-vous confirmer la réouverture en mars 2025 de la ligne Lyon-Turin, interrompue depuis août 2023 par un éboulement qui était prévisible dès 1975 ?
Par ailleurs, concernant cette même ligne, envisagez-vous de demander à la SNCF de rétablir une fréquence de 130 trains quotidiens, comme c’était le cas en 1995, au lieu des 26 trains actuels ? Je rappelle que le PDG de la SNCF nous a précédemment indiqué que cette décision relevait simplement d’un choix politique. Il convient de souligner que cette ligne existante a bénéficié d’un investissement de 1 milliard d’euros pour sa modernisation.
Enfin, si vous recherchez des sources d’économies, je vous suggère de réaffecter aux trains du quotidien les 30 milliards d’euros initialement prévus pour le second projet Lyon-Turin.
M. Denis Fégné (SOC). Monsieur le ministre, le verdissement des flottes des collectivités et des entreprises s’avère primordial pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et développer un marché de l’occasion à destination des ménages. Nous partageons tous cette conviction. Une proposition de loi de notre ancien collègue Damien Adam, examinée en avril 2024, visait à renforcer le cadre établi par la loi d’orientation des mobilités, notamment par l’instauration de sanctions. Cependant, ce texte n’a pu être adapté pour prendre en compte les réalités des structures et des flottes d’entreprises, et son parcours législatif a pris fin.
Conscients de l’importance du verdissement des flottes des collectivités et des entreprises, nos collègues Gérard Leseul et Jean-Marie Fiévet se sont engagés dans une mission flash sur ce sujet, afin de prendre le temps d’écouter l’ensemble des parties prenantes. Alors que cette mission poursuit actuellement ses travaux avec diligence, un amendement a été déposé par Jean-Luc Fugit dans le cadre des débats budgétaires, reprenant les éléments du texte précédemment rejeté par notre assemblée. Cette initiative entre en contradiction avec le travail en cours et suscite à nouveau de vives inquiétudes parmi les acteurs concernés.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur cet amendement, au regard du travail parlementaire actuellement mené sur le sujet par la mission flash.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Mon intervention portera inévitablement sur des sujets déjà évoqués, notamment le déploiement des mobilités en zone rurale. Je tiens d’abord à vous exprimer ma gratitude pour l’attention particulière que vous accordez au réseau ferroviaire de ma circonscription, territoire enclavé pour lequel nous avons obtenu l’autorisation de rouvrir certaines lignes, notamment la ligne Sud-Léman reliant Évian-les-Bains à Saint-Gingolph.
Un autre point crucial concerne les disparités en matière d’équité dans le déploiement des mobilités ferroviaires. Vous avez affirmé que cette question se trouve au cœur de votre engagement. Je souhaite donc attirer votre attention sur cette zone particulièrement défavorisée en termes de dessertes ferroviaires, notamment pour les étudiants. Force est de constater que la situation n’a guère évolué depuis trente ans. À titre d’exemple, lorsque j’étais moi-même étudiante partant d’Évian, nous ne disposions pas de liaison directe entre Évian et Paris.
M. Nicolas Ray (DR). Je souhaite aborder la question de la ligne de la honte, reliant Clermont-Ferrand à Paris. Cette ligne se trouve dans un état de dégradation avancé, occasionnant de nombreux retards et pannes dus à la vétusté des infrastructures et à l’ancienneté du matériel roulant, certaines locomotives ayant plus de cinquante ans.
Pouvez-vous confirmer que les travaux de régénération et de modernisation prévus seront effectivement réalisés ?
Le plan d’action d’urgence annoncé par le gouvernement à Clermont-Ferrand le 23 février pour sécuriser la ligne sera-t-il maintenu, notamment en ce qui concerne l’engrillagement ?
L’étude envisagée pour réduire le temps de parcours sera-t-elle bientôt lancée ?
Enfin, concernant le retard de plus de deux ans dans la livraison des nouvelles rames Oxygène, le gouvernement précédent s’était engagé, en réponse à l’une de mes questions orales, à accorder des compensations tarifaires. Où en êtes-vous sur ce point ?
Les habitants du Massif central attendent des réponses concrètes concernant cette ligne essentielle pour l’attractivité de notre territoire.
M. François-Xavier Ceccoli (DR). Depuis 1976, la Corse bénéficie d’un dispositif de continuité territoriale visant à compenser les contraintes liées à son insularité. Ce dispositif, d’un montant de 187 millions d’euros, incarne la solidarité nationale envers la Corse. Il permet notamment à l’Office des transports de la Corse d’attribuer des délégations de service public dans les secteurs maritime et aérien, garantissant ainsi aux résidents insulaires une desserte à un coût relativement maîtrisé.
Cependant, cette somme, figée depuis 2009, ne suffit plus à couvrir les coûts des contrats. L’inflation et de nouvelles contraintes normatives ont entraîné un renchérissement du service. En 2022 et 2023, l’État a consenti des rallonges budgétaires à hauteur de 40 millions d’euros.
Dans ce contexte, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage de pérenniser cet effort financier et de l’indexer sur l’inflation afin d’en consolider le principe et l’efficacité.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Le ministre va à présent répondre à cette première série de questions, après quoi nous aborderons les neuf questions suivantes.
M. François Durovray, ministre délégué. Je m’efforcerai de répondre précisément à chacune des questions soulevées. Concernant l’Acnusa, un nouveau président sera nommé dans le mois à venir, ce qui est essentiel pour que cet organisme puisse remplir sa mission et sanctionner les compagnies aériennes qui ne respectent pas les trajectoires imposées.
Je m’excuse auprès de Madame Brulebois de ne pouvoir lui apporter une réponse précise immédiatement, et je m’engage à lui fournir une réponse écrite. L’enjeu concerne probablement l’arrivée de nouveaux matériels ferroviaires. La SNCF a mené une politique de réduction de son parc TGV à la fin des années 2010, alors que le trafic était en baisse. Depuis quelques années, elle observe une augmentation de la fréquentation et peine à y faire face, notamment en raison de retards dans les livraisons de matériel, comme le TGV M. Je veillerai à ce qu’une réponse détaillée vous soit apportée, conscient de l’importance que vous attachez à ce sujet. Les dessertes pourront être rétablies au fur et à mesure de l’arrivée des nouvelles rames.
Madame la députée Panonacle, je me suis engagé à vous recevoir concernant le projet GPSO et l’ensemble des lignes ferroviaires. Ma priorité va à la régénération du réseau, puis au trafic quotidien. Le projet GPSO répond à certains besoins, notamment pour la desserte de Toulouse et Bordeaux, avec des accès ferroviaires indispensables au trafic du quotidien. Viennent ensuite les enjeux de nouvelles lignes. Je salue votre démarche collective et votre position légitime sur ce projet.
Monsieur Berrios, avant ma nomination, le processus était arrivé à son terme avec une préconisation de la préfète du Val-de-Marne en faveur du scénario A, et non du scénario C. Pour ma part, j’estime que nous devons concilier les enjeux technologiques — la modernisation des flottes permettant de réduire les nuisances sonores et la consommation — avec la protection des populations riveraines. C’est pourquoi, bien que le projet de scénario A soit sur mon bureau, j’ai demandé à la direction générale de l’aviation civile (DGAC) et aux autres acteurs de me proposer un scénario alternatif, sur lequel je travaille actuellement, afin de mieux prendre en compte la protection des populations.
Concernant la question de Monsieur Brard sur les RER métropolitains et les Serm, notamment dans les Pays de la Loire, je tiens à souligner que ma volonté est de faire aboutir les Serm. J’ai évoqué une conférence des financements en janvier, et j’espère que les débats parlementaires de cet automne permettront d’aborder la question des Serm et de trouver des solutions de financement. Le Gouvernement sera à l’écoute des suggestions de l’Assemblée. Bien que je ne connaisse pas précisément la maturité du projet dans les Pays de la Loire, je peux vous assurer que j’y serai très attentif, comme à l’ensemble des autres Serm pour lesquels nous devons trouver des modalités de financement.
Monsieur Amard, je me suis engagé à me rendre dans le secteur de la vallée de la Maurienne pour des travaux qui, je l’espère, seront achevés à la fin de cet hiver. Je ne peux pas vous en donner l’assurance, mais c’est le calendrier actuellement proposé par SNCF Réseau. Je crois savoir que ce calendrier est également partagé par le conseil départemental de Savoie concernant la réouverture de la route dont il a la maîtrise d’ouvrage. Je m’engage à ce que le trafic retrouve son niveau antérieur, que j’estime inférieur aux chiffres que vous avez mentionnés. Je vérifierai ces données et nous nous efforcerons d’optimiser la fréquentation et l’utilisation de cette ligne.
Concernant la décarbonation des flottes, sujet évoqué par Monsieur Fégné, j’ai déjà largement répondu à cette question. Ce sujet fait l’objet d’échanges avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ainsi qu’avec mon collègue Marc Ferracci au ministère de l’industrie. Je propose d’organiser une rencontre avec les parlementaires concernés, notamment ceux que vous avez cités, afin d’avancer de manière constructive sur cette question.
Madame Violland a abordé la desserte ferroviaire de la Haute-Savoie, en particulier des rives du Léman. Nous avons déjà échangé sur un projet routier qui vous tient à cœur et sur lequel nous progressons bien. Je suis conscient que les infrastructures routières ne suffisent pas pour desservir ces secteurs, tant vers la capitale que vers le pays genevois au sens large. N’ayant pas connaissance des capacités du réseau à développer l’offre, je propose d’étudier cette question avec les services de SNCF Réseau.
Nicolas Ray m’a interrogé sur la liaison Paris-Clermont, qui traverse également le département de l’Allier. Cette ligne est effectivement en difficulté, au même titre que la liaison Paris-Limoges-Toulouse. Je peux répondre positivement à la plupart des questions posées, à l’exception peut-être de celle concernant la réduction des temps de parcours, les études n’étant pas encore lancées. L’État sera au rendez-vous sur tous les autres points.
Je suis également informé du retard dans la livraison des rames, qui affecte aussi la ligne qui dessert Limoges. Le constructeur CAF prévoit une livraison pour 2027, ce qui contraint l’État à rénover les voitures existantes pour assurer le service jusqu’à cette échéance. Des discussions auront lieu entre l’État et CAF concernant les dédommagements prévus par les contrats, mais aussi pour envisager une compensation potentielle des usagers. Nous examinerons comment améliorer la qualité du service, priorité des usagers, tout en envisageant un dédommagement si les échéances ne sont pas respectées. Je suis particulièrement attentif à la desserte de qualité de ces territoires que vous qualifiez de Massif central au sens large.
Enfin, pour répondre à François-Xavier Ceccoli, concernant les liaisons entre le continent et la Corse, Catherine Vautrin se rendra sur l’île jeudi et vendredi prochains. Elle a déjà abordé ce sujet avec le président de la collectivité, directement concerné puisque c’est la collectivité qui a lancé toutes les délégations de service public. Vous avez souligné à juste titre le soutien de l’État, qui s’élève à 185 millions d’euros pour la continuité territoriale entre la Corse et le continent. Je suis conscient des enjeux liés aux 40 millions complémentaires résultant de l’évolution de ces délégations de service public. Je laisse à ma collègue le soin de faire des annonces plus précises lors de sa visite sur l’île.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Il nous reste neuf questions.
Mme Delphine Lingemann (Dem). Monsieur le ministre, lors de votre nomination, j’ai entrepris une démarche avec vingt-six de mes collègues parlementaires, dont certains sont présents aujourd’hui, en collaboration avec l’association Objectif Capitales, pour attirer votre attention sur la situation préoccupante de la ligne ferroviaire Paris-Clermont.
Le schéma directeur de cette ligne, approuvé en 2019, prévoit un programme de travaux d’un montant total de 1,2 milliard d’euros. Ce montant se décompose comme suit : 760 millions d’euros pour la régénération, 350 millions d’euros pour l’acquisition d’un nouveau matériel roulant et 130 millions d’euros pour la modernisation de la ligne.
Les dysfonctionnements persistants sont devenus intolérables pour l’ensemble des usagers du train et inacceptables pour notre territoire. En réponse à cette situation, un plan d’action transitoire a été adopté début 2024.
Monsieur le ministre, dans ce contexte de restrictions budgétaires, pouvez-vous nous assurer du respect des engagements pris concernant la trajectoire budgétaire, malgré les contraintes qui pèsent sur le prochain projet de loi de finances ? Pouvez-vous également nous confirmer le planning des travaux, les nouveaux délais de livraison du matériel roulant par CAF, ainsi que la mise en œuvre complète du plan de sécurisation de la ligne Clermont-Paris ?
M. Vincent Descoeur (DR). Je souhaite attirer votre attention, Monsieur le ministre, sur la nécessité d’exempter les lignes intérieures d’aménagement du territoire de l’augmentation de la taxe sur la solidarité des billets d’avion que le Gouvernement envisage par voie d’amendement. Ces lignes s’avèrent essentielles pour des territoires comme le Cantal, mal desservis par la route et le rail.
Cette mesure entraînerait un renchérissement du prix du billet, déjà très élevé et souvent comparable à celui d’un vol long-courrier. Cela se traduirait inévitablement par une baisse de la fréquentation et, par conséquent, une augmentation du déficit pris en charge par l’État et les collectivités. Cette proposition s’apparenterait donc à une fausse bonne idée.
Concernant l’offre des trains de nuit que vous avez évoquée, je vous demande de veiller à ce que votre budget permette de respecter les engagements de votre prédécesseur, notamment le passage à une fréquence quotidienne du train de nuit Aurillac-Paris. Le président Farandou s’est déclaré favorable à cette évolution. S’agissant d’une ligne d’équilibre du territoire, il incombe à l’État d’assurer son financement.
M. Peio Dufau (SOC). Je souhaite revenir sur le fret ferroviaire en citant deux chiffres éloquents. Le coût externe d’une tonne-kilomètre transportée par voie ferrée s’élève à 25 euros, tandis que ce même coût atteint 80 euros pour un transport routier. Face à ce constat, je pose une question simple : pourriez-vous nous indiquer le montant total des investissements annuels de l’État et des collectivités territoriales dans les infrastructures routières ? Cette information permettrait d’établir une comparaison objective, car on nous répète constamment que le rail est trop onéreux, sans jamais mettre en perspective les coûts respectifs. C’est précisément ce différentiel qui rend aujourd’hui le transport ferroviaire apparemment plus coûteux.
Ma seconde interrogation porte sur les véhicules d’entreprise et les flottes professionnelles. Serait-il envisageable de faciliter l’utilisation de ces véhicules par les employés pour leurs déplacements personnels et quotidiens ? Cette mesure se justifie par le fait que nous vivons sur une planète aux ressources limitées, et qu’il n’est plus acceptable qu’une seule personne dispose de deux véhicules. Il convient désormais de favoriser l’usage des véhicules d’entreprise pour les besoins quotidiens des salariés.
Mme Marie Pochon (ÉcoS). Monsieur le ministre, le dense maillage routier de notre pays présente certes des avantages, notamment la possibilité de se déplacer aisément pour quiconque possède une voiture et peut en assumer les coûts. Cependant, il comporte également des inconvénients majeurs, un gouffre financier pour l’argent public, ainsi que des coûts sanitaires et environnementaux considérables.
De plus, ce recours au tout-routier creuse les inégalités sociales. Pour ceux qui n’ont pas le permis ou les moyens d’acheter une voiture, de payer le carburant, les réparations et l’assurance, cette logique conduit à renoncer à des déplacements.
Actuellement, le budget national alloué aux alternatives de mobilité en milieu rural s’élève à seulement 30 millions d’euros par an. Cette somme est censée couvrir la mise en place de navettes, la structuration du covoiturage, le développement d’alternatives cyclables, le transport à la demande et l’autopartage. Il est frappant de constater que 30 millions d’euros représentent également le coût d’un simple échangeur routier.
Ne serait-il pas temps de cesser d’investir des milliards dans des projets qui ne font qu’ajouter de nouvelles routes aux routes existantes, sans aider les personnes en difficulté à les utiliser ? Tiendrez-vous les promesses de votre prédécesseur concernant l’abandon de certains, voire de tous ces projets pharaoniques ?
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Ma question porte sur le projet de contournement ouest de Montpellier, communément appelé COM. Ce projet vise à relier l’autoroute A75 à l’A9 par un tronçon autoroutier. Par cet ouvrage, Vinci cherche à augmenter le trafic de transit entre les deux autoroutes et, par conséquent, ses bénéfices. Cela se ferait au détriment de la santé des populations riveraines, de la biodiversité et de l’objectif de zéro artificialisation nette. Une fois de plus, la priorité semble accordée aux intérêts autoroutiers.
Les Shifters soulignent dans leur dernier rapport que le trafic induit par le COM n’a pas été pris en compte dans l’étude d’impact. Je cite : « Cela a donc mécaniquement conduit à une sous-estimation des émissions de CO2, mais aussi des particules fines. » Le Haut Conseil pour le climat recommande pourtant, dans son rapport de 2024, de limiter le développement des projets autoroutiers qui entraînent une hausse du trafic automobile, ainsi que de comptabiliser l’ensemble des gaz à effet de serre des projets, y compris l’induction de trafic.
La seule création de ce tronçon viendra annihiler l’ensemble des bénéfices écologiques des investissements réalisés par la métropole montpelliéraine en matière de mobilité au cours des six dernières années. Par conséquent, Monsieur le ministre, envisagez-vous de suivre les recommandations du Haut Conseil pour le climat et d’annuler ce projet de contournement ?
M. Fabrice Roussel (SOC). Depuis l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes il y a six ans, nous attendons toujours le réaménagement de Nantes-Atlantique. La procédure d’appel d’offres a été interrompue il y a un an, puis relancée avec la nomination d’un nouveau délégué interministériel. Au cours de l’année écoulée, les élus du territoire, notamment les vingt-quatre maires de la métropole, ont élaboré un socle commun de mesures visant à protéger la population, tout en modernisant Nantes-Atlantique. Cette modernisation s’avère indispensable pour garantir l’accessibilité du territoire, étant entendu que nous ne reproduirons pas Notre-Dame-des-Landes à Nantes-Atlantique.
Dans cette optique, je souhaiterais connaître vos intentions quant à l’intégration de l’étude sanitaire en cours dans le projet d’aménagement. De plus, comment envisagez-vous d’incorporer les études sur les nouvelles restrictions ? Enfin, sur quelles prévisions de trafic et de mouvements vous appuierez-vous pour finaliser le cahier des charges ?
M. Fabien Di Filippo (DR). Monsieur le ministre, vous avez précédemment abordé la question de l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire. Force est de constater que cette ouverture s’avère asymétrique, avec des contraintes différentes pesant sur les nouveaux acteurs et l’opérateur historique. Malheureusement, nous observons aujourd’hui que la SNCF gère cette transition en remettant en question certaines dessertes TGV des villes moyennes, afin de redéployer des rames et de monopoliser des sillons sur les grandes agglomérations.
Quelle est votre position face à cette situation ? Comment pourrions-nous envisager une modification des règles d’ouverture à la concurrence ? Plus spécifiquement, quelles mesures pourraient être mises en place pour protéger les villes moyennes et éviter que les territoires ne soient à nouveau pénalisés dans ce processus de développement ?
Mme Marie Pochon (ÉcoS). Je souhaite vous interroger sur le train de nuit Briançon-Paris, ligne essentielle pour le territoire du Drômois que je représente. Le service de train de nuit s’y avère particulièrement défaillant. Depuis plusieurs mois, moins de la moitié des trains arrivent à Briançon à l’heure prévue. Le matériel est vétuste et les habitants de la circonscription me rapportent des situations absurdes.
À titre d’exemple, pendant les vacances de février, afin de favoriser les skieurs effectuant le trajet de Paris à leur station, la SNCF demandait aux voyageurs souhaitant se rendre à Paris depuis Die dans la Drôme, de prendre d’abord un train vers Veynes dans les Hautes-Alpes, pour ensuite emprunter le train de nuit direction Paris qui repassait par Die sans s’y arrêter.
Cette situation est déjà problématique en temps normal. Cependant, dans six ans se tiendront les Jeux olympiques 2030, pour lesquels l’État vient de se porter garant à hauteur de 500 millions d’euros, démontrant ainsi qu’il dispose de ressources financières. Monsieur le ministre, cette perspective annonce-t-elle des trains et des trains de nuit vers les Alpes réservés aux skieurs et aux sportifs, au détriment des habitants de nos vallées ?
M. Vincent Thiébaut (HOR). Ma question porte sur la responsabilité budgétaire en matière d’investissements ferroviaires. Dans un contexte où la maîtrise de la dette publique s’avère primordiale, je m’interroge sur l’absence de développement en France de lignes ferroviaires intermédiaires, notamment celles qui permettent des vitesses jusqu’à 200 km/h. Actuellement, au-delà de cette vitesse, nous passons directement aux LGV sur lesquelles les TGV peuvent circuler à 320 km/h ou plus.
Je prends pour exemple les projets de lignes Bordeaux-Toulouse ou Bordeaux-Dax, qui représentent des investissements considérables. Pour la seule liaison Bordeaux-Toulouse, le coût estimé atteint 14 milliards d’euros. Ne serait-il pas judicieux d’envisager une ligne intermédiaire ? En effet, pour des distances et des temps de parcours similaires, une ligne permettant des vitesses de 250 km/h présenterait de nombreux avantages, avec des coûts de construction et de maintenance nettement inférieurs, réduisant ainsi la charge financière pour l’État et les collectivités, et surtout des tarifs plus abordables pour les usagers.
Dès lors, je souhaiterais comprendre les raisons pour lesquelles la France n’a jamais opté pour le développement de lignes ferroviaires intermédiaires à 250 km/h.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je donne la parole à Monsieur le ministre.
M. François Durovray, ministre délégué. Concernant la question de Madame Lingemann sur Clermont-Paris, je suis conscient de la sensibilité de ce sujet. J’ai déjà apporté une réponse sur cette ligne précédemment et je peux vous garantir que l’ensemble des acteurs est pleinement engagé pour atteindre les objectifs de performance fixés. Cette mobilisation s’étend également à la problématique des taxes aériennes.
Vincent Descoeur, dont je connais la sensibilité pour le Cantal et plus généralement pour la ruralité, m’a alerté sur le sujet des taxes aériennes.
Tout le monde est mobilisé pour améliorer la ligne reliant Clermont-Ferrand à Paris.
Le PLF affiche une progression de 1 milliard du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), mais nous avons travaillé, notamment avec le pavillon français et Air France, pour que le montant de la taxe soit adapté à chaque vol, en fonction de la distance et du service proposé à bord. La baisse du trafic des lignes intérieures est assez massive : au-delà du coût, les raisons en sont l’émergence de nouvelles habitudes et le recours plus régulier des entreprises aux visioconférences. Cette évolution est positive pour l’environnement et l’organisation du travail, mais elle peut pénaliser l’équilibre économique de certaines dessertes participant à l’aménagement du territoire comme celle d’Aurillac. Les collectivités locales et l’État s’engagent pour maintenir les liaisons. Dans le débat parlementaire sur la TSBA, le Gouvernement écoutera vos propositions. Au-delà de la taxe, il convient de réfléchir à la façon d’assurer l’avenir de ces dessertes à un horizon de dix ou quinze ans. Une période de turbulences est à prévoir avant l’avènement d’un nouveau modèle assis sur des avions décarbonés.
Je suis d’autant plus favorable à la proposition du député Dufau sur les flottes d’entreprise que je la pratique au conseil départemental de l’Essonne que je préside : nous mettons les véhicules de la collectivité à la disposition des employés pour des usages privés à une tarification accessible. Je suis prêt à réfléchir au déploiement du dispositif à l’échelle nationale. Des mesures fiscales intéressantes existent déjà pour les entreprises et les collectivités qui appliquent ce système.
Je ne vais pas répondre à la question précise portant sur les montants relatifs au fret. Le péage pour ce dernier est bien plus faible que celui des lignes TGV. L’usage facturé au fret peut être inférieur à celui d’une route nationale non concédée. Je suis très sensible à la question de la prise en charge des coûts, y compris externes entre les différents modes. Il convient de trouver des modèles économiquement et socialement acceptables et écologiquement intelligents. Nous parviendrons à avancer sur ce sujet complexe.
Le projet sur les Serm ne vise pas simplement à réunir les régions et les métropoles mais à rassembler les communautés de communes et d’agglomération qui possèdent la compétence mais qui n’ont pas pu l’exercer pour des raisons financières ou d’ingénierie. Il faut réamorcer un dialogue territorial entre les différents niveaux de collectivités. Les métropoles, qui ne peuvent actuellement pas agir pour des raisons principalement juridiques, doivent se préoccuper de leur périphérie et apporter des solutions de mobilité, qui sont souvent légères et peu coûteuses, aux territoires ruraux. Nous disposons d’outils pour étudier les flux, à partir desquels des offres de car ou des lignes de covoiturage sont proposées – j’ai rencontré une présidente d’une communauté de communes de la Somme, qui a obtenu une délégation de transport scolaire qu’elle utilise pour développer une offre routière régulière dans la journée en mobilisant les cars scolaires. Il y a lieu de multiplier ce type de solution intelligente : j’espère pouvoir revenir devant vous au début de l’année prochaine pour vous présenter des avancées, notamment pour les collectivités.
Je suis disposé à poursuivre la revue des projets autoroutiers lancée par mon prédécesseur Clément Beaune. Nous avons le devoir de réexaminer les projets à l’aune de considérations économiques et écologiques, car ce qui était vrai il y a vingt, dix ou même cinq ans ne l’est plus forcément aujourd’hui. J’agirai avec une radicale modération en la matière.
Je ne savais pas que les travaux du contournement de Montpellier étaient sur le point d’être engagés et je ne me prononcerai pas sur ce projet, conduit par Autoroutes du Sud de la France (ASF).
La préoccupation de Fabrice Roussel quant à l’aéroport de Nantes rejoint celle de la présidente de la région Pays de la Loire. Je me rendrai à Nantes en décembre pour présenter le plan de rénovation de l’aérogare par l’actuel concessionnaire – les conditions d’accueil du public étant dégradées, des travaux sont nécessaires avant même la fin de la concession – et le cahier des charges. Ce dernier me semble assez balisé : l’objectif n’est pas de revenir sur des projets antérieurs, mais de disposer d’un aéroport régional répondant aux fonctionnalités d’une grande ville de l’Atlantique. Vous pouvez échanger avec mon cabinet sur le sujet avant ce rendez-vous de la fin de l’année.
Monsieur Di Filippo, compte tenu du défaut de matériels et des besoins exprimés par les usagers, la SNCF a tendance à se recentrer sur les liaisons les plus directes, les plus centrales et les plus… – vous m’avez compris. Cette orientation peut s’entendre, mais elle s’extrait des exigences d’aménagement du territoire. J’ai demandé à la SNCF de maintenir la liaison vers les villes actuellement desservies. La SNCF effectue une péréquation entre les lignes les plus rentables et celles qui le sont moins et les nouveaux acteurs du marché ferroviaire national doivent participer à l’aménagement du territoire : je ne vois pas pourquoi ceux-ci n’assureraient que les lignes les plus rentables. J’ai demandé à l’administration de travailler sur la question et j’espère pouvoir vous faire des propositions d’ici à l’été prochain.
Le budget pour 2025 ouvre les crédits nécessaires au renouvellement du matériel de la ligne Paris-Briançon, l’actuel connaissant des défaillances.
Au-delà du GPSO – dont je recevrai les acteurs –, certains projets de lignes à grande vitesse ont été relancés après avoir été arrêtés pour répondre à des aspirations légitimes de territoires souhaitant bénéficier d’une liaison avec la capitale ou avec des métropoles régionales. Des arbitrages sont opérés entre des lignes performantes en termes de desserte et de vitesse effectuées par des trains roulant à 250 kilomètres par heure et des lignes à grande vitesse, les premières étant moins coûteuses que les secondes. Il faut se poser la question du bon niveau d’investissement, surtout dans un contexte où l’argent public est rare et où les ressources naturelles doivent être préservées.
M. Inaki Echaniz (SOC). Avec ma collègue sénatrice Frédérique Espagnac, nous vous avons adressé un courrier il y a quelques semaines sur la RN134, laquelle a subi de lourds dégâts dans la vallée d’Aspe qui interrompront le trafic entre la France et l’Espagne pendant au moins six mois.
Les conséquences des intempéries montrent que cette route n’est pas adaptée à un trafic international et à l’augmentation continue de la circulation de camions. Avec la région, nous défendons la réactivation du portique écotaxe, sur laquelle nous avions avancé avec vos prédécesseurs, et la reprise de la ligne Pau-Canfranc-Saragosse qui limiterait le nombre de camions, assurerait un transport international et développerait le tourisme et les mobilités douces.
M. François Durovray, ministre délégué. Je sais que la région est très pénalisée par les éboulements qui se sont produits il y a quelques semaines et les services de l’État sont pleinement engagés dans les travaux visant à rouvrir la route. Sauf mauvaise nouvelle, nous pourrons y parvenir pour la saison hivernale, l’échéance prévue étant mi-décembre pour les véhicules légers et le printemps pour les poids lourds.
Il n’y a pas d’engagement de l’État sur le projet de traversée ferroviaire de la frontière franco-espagnole entre Pau et Saragosse, mais je suis à votre disposition pour en discuter.
Je suis également disponible pour évoquer l’écotaxe. J’ai cru comprendre que Carole Delga était ouverte à ce projet et je l’accompagnerai, comme je l’ai fait pour la collectivité européenne d’Alsace.
L’État est totalement mobilisé dans les travaux et la livraison des matériels permettant de retrouver une ligne performante entre Paris et Clermont-Ferrand, cet axe étant essentiel au Massif central et, au-delà, à l’Allier, à la Nièvre et à de nombreux autres territoires. Tous les signaux sont au vert et les engagements de l’État doivent être tenus. Nous attendons la livraison du matériel de l’entreprise CAF, retardée à 2027. J’ai rencontré le patron d’Alstom et je verrai bientôt celui de CAF pour m’assurer que les délais seront tenus. En attendant, nous rénovons les matériels existants, ce qui entraîne des coûts et maintient une qualité de service inférieure à celle qu’elle devrait être.
Mme Delphine Lingemann (Dem). Votre prédécesseur a entériné le principe d’une étude de modernisation portant sur la réduction du temps de trajet entre Paris et Clermont-Ferrand. Cette étude sera-t-elle menée à son terme et les engagements financiers seront-ils tenus ?
M. François Durovray, ministre délégué. L’étude n’est pas lancée. Nous souhaitons maîtriser les coûts mais également améliorer la ligne pour qu’elle réponde aux attentes des usagers. Je vous propose d’échanger sur le dossier dans quelque temps : je souhaite tenir les engagements de mes prédécesseurs même si nous devons les évaluer à l’aune de la situation budgétaire.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je vous remercie pour vos réponses, notamment sur la complémentarité des modes de transports, la nécessité de décarboner, la lutte importante contre l’autosolisme, votre proposition de plan « cars express », le développement du transport maritime et fluvial et la conférence de financement des Serm, qui est très attendue et qui est prévue au début de l’année prochaine.
Votre audition augure d’un dialogue très soutenu entre la commission et votre ministère et vous nous trouverez à vos côtés pour soutenir le développement de mobilités accessibles à nos concitoyens et tenant compte de la nécessaire adaptation au changement climatique.
II. Examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »
1. Réunion du mardi 22 octobre 2024 après-midi
Mission Écologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports et budget annexe Contrôle et exploitation aériens (Mme Danielle Brulebois, M. Jimmy Pahun et M. Romain Eskenazi, rapporteurs pour avis)
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous examinons les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables consacrés aux transports. Le vote sur l’ensemble des crédits de la mission aura lieu demain, une fois achevé l’examen de tous les amendements. Nous allons tout d’abord écouter Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis pour les transports terrestres et fluviaux.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis (Transports terrestres et fluviaux). Je suis honorée de vous présenter le fruit de mes travaux de rapporteure pour avis sur les crédits consacrés aux infrastructures et services de transports dans le cadre de l’examen par notre commission du projet de loi de finances pour 2025.
Ces travaux, menés après de nombreuses auditions des acteurs de secteur, concernent, comme vous le savez, le programme 203 Infrastructures et services de transports et le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), principal contributeur financier en matière d’investissement. À eux deux, ils illustrent parfaitement l’engagement financier de l’État dans le développement des mobilités durables ainsi que l’orientation tracée par le scénario de planification écologique dans le dernier rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Les objectifs sont clairs : accélérer la décarbonation des transports, favoriser le report modal vers des alternatives au transport routier et aérien, et moderniser nos infrastructures pour accroître la résilience aux crises climatiques à venir.
À travers des investissements renforcés dans les infrastructures ferroviaires et les mobilités actives, et la gestion durable des voies fluviales, le budget pour 2025 consolide les priorités définies en matière de planification écologique tout en préservant l’équilibre budgétaire nécessaire à la soutenabilité de ces réformes. Il assure également la cohérence de nos infrastructures avec les réseaux européens et l’application du règlement sur le réseau transeuropéen de transport (RTE-T).
Le budget est ambitieux, alors que le contexte budgétaire est très difficile. L’État n’abandonne pas les territoires et il continue à y mettre le prix. Les crédits alloués au programme 203 augmentent par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Il est ainsi prévu 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 4,5 milliards en crédits de paiement (CP), soit une hausse respective de 15 % en AE et de 2 % en CP.
La hausse des crédits permettra ainsi de faire face à l’augmentation des redevances d’accès versées par l’État pour l’utilisation du réseau ferré national. Elle inclut aussi une compensation supplémentaire pour le fret ferroviaire visant à couvrir la différence entre le coût imputable à la circulation de trains de fret et les redevances facturées par le gestionnaire d’infrastructure. Une attention particulière est portée au wagon isolé.
La subvention versée à Voies navigables de France (VNF) est par ailleurs maintenue à 253,7 millions, couplée à une hausse du plafond de perception de la redevance hydraulique à 143,1 millions. Les recettes totales de VNF atteindront ainsi 774,1 millions, montant assurant la poursuite de la modernisation des infrastructures fluviales par l’établissement.
Concernant l’Autorité de régulation des transports (ART), le simple maintien des crédits à hauteur de 15 millions est un premier pas engageant, mais je vous proposerai un amendement visant à abonder de 3,6 millions la subvention de cet établissement. Cette augmentation me semble nécessaire pour répondre à l’élargissement des missions de l’ART, essentielles au bon fonctionnement et à la régulation du secteur des transports ainsi qu’à la défense des usagers.
Au-delà des crédits budgétaires du programme 203, l’Afit reste un partenaire central dans le financement des projets d’infrastructures de transport, en particulier pour les projets ferroviaires, fluviaux et routiers. Bien que les recettes de l’Afit diminuent en 2025, passant de 4,6 milliards à 3,7 milliards, l’Agence conserve un niveau de recettes affectées bien supérieur à celui de 2023. Elle disposera des moyens nécessaires à l’accompagnement des projets prioritaires du Gouvernement, au financement des restes à payer correspondant aux engagements antérieurs et à la participation aux programmes de régénération et de modernisation des réseaux.
Cependant, nous devons rester vigilants quant à la trajectoire des ressources de l’Afit à court et moyen terme. L’évolution des véhicules électriques pourrait avoir un impact significatif sur les recettes issues de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui représentent une part significative du financement de l’Agence. De même, la fin programmée des contrats de concession autoroutière remettra en cause la fiscalité autoroutière affectée à l’agence. Il est donc essentiel d’entamer une réflexion de fond sur la pérennisation des financements de l’Afit pour garantir la continuité des investissements.
En matière de dépenses, l’une des priorités du budget reste la poursuite des investissements dans les infrastructures ferroviaires. Ce choix stratégique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du Gouvernement en faveur d’une nouvelle donne ferroviaire, laquelle doit augmenter de 1,5 milliard les moyens engagés en faveur de la régénération et de la modernisation du réseau à l’horizon 2027. Nous partons de très loin après des décennies d’abandon du réseau ferroviaire.
Pour parvenir à cet objectif, le groupe SNCF donnera 2,3 milliards supplémentaires entre 2024 et 2027 par le biais d’un fonds de concours alimenté par les dividendes que le groupe verse à l’État. Le PLF prévoit que le montant du fonds de concours s’élèvera à 1,4 milliard en 2025 contre 1,1 milliard d’euros cette année. Cet effort est soutenable pour SNCF, dont le chiffre d’affaires a progressé de 8 % au premier trimestre 2024. Il est toutefois nécessaire de formaliser rapidement l’ensemble des modalités de financement des engagements pris par le Gouvernement précédent. Dans cette optique, l’actualisation du contrat de performance de SNCF Réseau doit être l’occasion de préciser la trajectoire de l’effort de régénération et de modernisation du réseau dans les années à venir ainsi que les sources de financement.
M. le ministre délégué chargé des transports vient de nous annoncer la tenue d’une conférence nationale de financement des Serm. Un travail doit être mené sur le déploiement de ces services, lesquels représentent une opportunité importante pour améliorer les connexions entre les métropoles et leur périphérie. Le déploiement des Serm doit s’inscrire dans une planification globale des mobilités, comprenant les mobilités actives, les solutions de rabattement et la billettique intégrée, afin de garantir une offre de transports cohérente et accessible. Une coordination étroite entre les autorités locales et régionales sera nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de ces services et faire en sorte que ceux-ci bénéficient autant que possible aux territoires périurbains et ruraux. Les besoins de financement sont considérables. Les contrats de plan État-région (CPER) pour les années 2023 à 2027 prévoient un financement de 2,66 milliards, dont 891 millions apportés par l’État pour la réalisation de la phase préalable. La conférence nationale de financement devra explorer de nouvelles pistes de financement, en particulier des ressources fiscales locales dédiées, afin d’assurer la pérennité des investissements et du fonctionnement des Serm.
Enfin, dans le cadre de mon avis, j’ai souhaité porter une attention particulière à deux dispositifs expérimentaux conçus pour faciliter l’accès aux transports collectifs et promouvoir la mobilité durable, à savoir le pass rail et le titre unique de transport.
Le pass rail, déployé l’été dernier et financé par l’État et les régions, permet aux jeunes de 16 à 27 ans de voyager dans l’ensemble du pays en transport express régional (TER) et trains Intercités, pour une somme de 49 euros par mois. Ce dispositif, inspiré de réussites étrangères comme le ticket D-Deutschland, vise à encourager un report modal vers des transports plus respectueux de l’environnement. Bien que les premières données montrent que le dispositif n’a pas atteint le nombre d’utilisateurs espéré, il constitue une première étape vers une offre plus accessible pour les jeunes. Les 235 000 pass rail vendus représentent environ 2,38 millions de trajets réservés. Ce chiffre est inférieur à la cible initiale de 700 000 utilisateurs, une mise en vente tardive et une promotion limitée pouvant expliquer ce résultat. Une analyse qualitative doit être menée afin d’évaluer le comportement des jeunes utilisateurs, leur perception du pass rail et l’impact de celui-ci sur leur pouvoir d’achat et leur capacité à voyager. Les conclusions de cette enquête, attendues à la fin de l’année, nous permettront de déterminer s’il est pertinent de reconduire ou d’adapter le dispositif en 2025.
Le titre unique de transport est un projet ambitieux destiné à simplifier l’achat de billets pour les usagers des transports interrégionaux et multimodaux. Cette initiative de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) vise à lever les barrières tarifaires et billettiques existant entre les différentes autorités organisatrices de la mobilité (AOM). L’objectif est de déployer progressivement un support universel facilitant les déplacements dans plusieurs réseaux à l’échelle nationale. L’expérimentation du titre unique commencera au début de l’année prochaine dans six collectivités pilotes, dont les régions Normandie et Pays de la Loire. Le bilan de cette phase permettra d’affiner et d’ajuster le dispositif avant de l’étendre.
Mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2025 est résolument tourné vers l’avenir. Catalyseur de croissance et de cohésion, il vise à assurer le maillage de nos territoires et il consacre les efforts du Gouvernement pour répondre aux défis de notre temps : transition écologique, adaptation aux crises climatiques et modernisation des infrastructures. Ces dernières se trouvent au cœur de l’actualité nationale et européenne car elles sont des composantes indispensables de l’activité économique, de la compétitivité internationale et de la décarbonation.
Je vous invite à soutenir ce budget ambitieux qui marque un effort continu pour les infrastructures et les services de transports de notre pays.
M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis (Affaires maritimes). Je retrouve avec bonheur la fonction de rapporteur pour avis du budget des affaires maritimes, qui correspond au programme 205 et à une petite partie du programme 203, après l’avoir exercée trois ans pendant l’avant-dernière législature. J’avais laissé un budget stable, je le récupère aujourd’hui en baisse.
Le programme 205 finance des actions relatives à la politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles, à la régulation sociale de l’emploi maritime, au soutien au pavillon français, à la protection du littoral, ou encore à la politique des pêches. Ses crédits diminuent de 30 % en autorisations d’engagement et de 16 % en crédits de paiement, du fait de la suppression du fonds d’intervention maritime, de la non-reconduction d’un dispositif de soutien aux armateurs mis en place pendant la crise du covid, ainsi que de la baisse des exonérations de charges patronales visant à soutenir l’emploi français dans le transport maritime.
La subvention versée à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) est également en baisse, passant de 10,5 à 7,85 millions d’euros. Cette évolution s’explique par la hausse du produit de la taxe sur l’éolien en mer, dont la SNSM est affectataire. C’est un sujet auquel je suis particulièrement sensible : j’avais notamment défendu, dans l’un de mes précédents rapports, la hausse de la subvention à la SNSM après le drame des Sables-d’Olonne.
Les crédits de l’action 43 du programme 203 sont, quant à eux, relativement stables, puisqu’ils s’élèvent à 92,4 millions en AE comme en CP. Ils servent essentiellement à financer l’entretien des accès aux grands ports maritimes, que ce soit par des opérations de dragage ou par l’électrification des quais. Cette dernière avance vite, tant au Havre qu’à Marseille.
J’en viens à la partie thématique de mon rapport, qui porte sur la fermeture, cet hiver, du golfe de Gascogne. J’ai voulu dresser un premier bilan de cette mesure sur le plan environnemental, économique et social. J’ai aussi souhaité comprendre les raisons qui ont amené le juge administratif à prendre cette décision – les raisons, donc, de l’insuffisance de la politique de lutte contre les captures accidentelles de cétacés, ainsi que de l’échec du dialogue entre le monde de la pêche et celui de la science. Ce travail, je l’ai voulu le plus objectif et factuel possible : je n’ai cherché à soutenir ni les acteurs économiques affectés par la fermeture, ni les associations environnementales. J’ai tenu à porter un regard froid sur ce dossier pour contribuer à l’apaisement des tensions et au retour du dialogue entre deux mondes qui ne se comprennent et ne se parlent plus.
Ce sujet ne peut être étudié isolément des autres défis auxquels fait face le secteur de la pêche. Ce dernier va de crise en crise : le Brexit a laissé des traces ; le prix du gazole ne cesse d’augmenter ; la consommation des produits de la mer diminue, de même que le nombre de pêcheurs en activité, passé de 20 000 il y a vingt ans à 9 000 aujourd’hui et bientôt à 5 000, tandis que la France reste très largement dépendante des importations. Les pêcheurs ont le sentiment de subir ces aléas économiques en même temps que les exigences nouvelles liées à la protection de la biodiversité et à la lutte contre le changement climatique.
Ce dont la pêche française a besoin, c’est d’une vision à long terme, d’un projet d’avenir, d’une refonte globale qui lui permette de perdurer et même de prospérer dans un monde en constante mutation. Ce dont elle n’a pas besoin, c’est d’un discours qui la souhaite figée dans ses pratiques, survalorise ses habitudes récentes et l’imagine en forteresse assiégée. Bien accompagnés, tant par leurs instances représentatives que par les pouvoirs publics, les pêcheurs sauront s’adapter au monde de demain. Voilà le discours de vérité dont la pêche a désespérément besoin !
Du 22 janvier au 20 février 2024, certains engins de pêche ont été interdits d’activité dans le golfe de Gascogne, c’est-à-dire dans une zone de 220 000 kilomètres carrés allant du Sud de la Bretagne au Nord de l’Espagne. La mesure visait à réduire le nombre de captures accidentelles de cétacés dans une aire où leur population est à la fois abondante et variée. Les navires de plus de huit mètres utilisant des engins de pêche à risque, comme le chalut pélagique ou le filet, ont donc dû rester à quai pendant toute cette période.
Si la population de dauphins communs était estimée, en 2020, à plus de 600 000 individus dans le golfe, le nombre de captures accidentelles n’a cessé de croître ces dernières années, risquant de provoquer, à terme, l’extinction de ces petits cétacés. L’apparente contradiction entre l’abondance observée et les projections pessimistes n’est pas acceptée par la profession, qui refuse les conclusions de l’observatoire Pelagis chargé de suivre les échouages de cétacés sur la façade atlantique.
La fermeture du golfe de Gascogne n’a pas été décidée par le Gouvernement, mais imposée par le Conseil d’État à la suite d’un recours engagé par plusieurs associations environnementales. Ces dernières enjoignaient à l’État de respecter son obligation de garantir un état de conservation favorable des espèces protégées, une obligation de moyens à laquelle sont soumis les États membres de l’Union européenne en application du droit européen de la pêche et de la directive « habitats » de 1992. Le juge administratif a donc estimé que le Gouvernement n’avait pas pris les mesures appropriées pour réduire les captures accidentelles de cétacés.
Le plan national de lutte contre les captures accidentelles prévoit notamment l’installation d’équipements de dissuasion acoustique, aussi appelés « pingers », à bord des navires. Une convention a été signée à cet effet entre la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPEM), pour 2,2 millions d’euros de financement public. Le deuxième volet du plan vise à améliorer nos connaissances du phénomène en imposant la déclaration des captures, en déployant des observateurs embarqués et en équipant les navires de caméras. Ces différentes mesures n’ont pas encore produit les effets escomptés : le déploiement des observateurs et l’équipement en caméras sont trop lents et limités ; quant aux pingers, ils n’ont pas encore prouvé leur efficacité à grande échelle. Le Conseil d’État a donc enjoint au Gouvernement de fermer le golfe en janvier et février, lorsque les captures accidentelles sont les plus nombreuses.
Au total, 338 navires sont restés à quai, soit 30 % des navires en activité dans le golfe. La moitié était des fileyeurs. Selon les services de l’État, l’interdiction a été bien respectée, tant par les navires français qu’étrangers. Selon le CNPEM, la perte de chiffre d’affaires de ces entreprises de pêche s’élève à 22,4 millions d’euros. Les quantités débarquées ont nettement diminué, de 24 % en janvier puis de 47 % en février. Ces chiffres varient selon les espèces : par exemple, les quantités pêchées de merlus et de soles ont baissé de près de 50 %, tandis que les quantités de bars sont restées stables en raison d’un report vers d’autres engins de pêche comme le chalut de fond. On a observé un rebond aux mois de mars et d’avril, lors de la reprise de l’activité de pêche, qui demeure toutefois moindre que les baisses enregistrées pendant la période de fermeture.
La filière aval a également été touchée. Je pense notamment aux dix-sept criées présentes dans le golfe : celle de Lorient a enregistré une baisse en volume de 1 200 tonnes, soit 350 000 euros de pertes alors que vingt-cinq navires sur cent étaient arrêtés. Le mareyage, qui fait le lien entre la pêche et la distribution, a aussi subi des baisses de chiffre d’affaires : ainsi, 33 % des entreprises interrogées par l’Union du mareyage français estiment leurs pertes à plus de 30 %. Les entreprises de l’économie portuaire n’ont pas été en reste. Les coopératives d’avitaillement, qui n’ont pas été indemnisées, évaluent leurs pertes à 1,3 million d’euros. Au total, selon le CNPEM, les fournisseurs de biens et de services ont perdu 7,5 millions d’euros, et la filière aval 6,3 millions.
La fermeture a eu des conséquences sur les importations, qui ont progressé de 5 % en volume en janvier et février, sur les prix, qui ont augmenté de 15 % en Bretagne, et sur la consommation de poissons frais, qui a diminué.
Pour compenser les préjudices liés à l’arrêt des activités de pêche, l’État a décidé des mesures d’indemnisation à destination des armateurs des navires restés à quai et des entreprises de mareyage affectées. Une enveloppe de 30 millions d’euros a été prévue pour l’indemnisation des pêcheurs : 291 demandes ont été déposées et 288 indemnisations accordées, pour un montant total de 16,3 millions d’euros. En moyenne, les pêcheurs ont touché près de 56 000 euros d’aides, versées entre avril et août. Par ailleurs, les entreprises de mareyage ont pu bénéficier d’un dispositif d’indemnisation, à hauteur de 10 millions, et, pour 36 % d’entre elles, d’un recours à l’activité partielle, l’État prenant alors en charge une partie de la rémunération des salariés arrêtés.
Du point de vue environnemental, il faut constater la réussite de la mesure puisque, selon la DGAMPA, le nombre d’échouages a été divisé par cinq, pour s’élever à près de 1 400 entre décembre 2023 et mars 2024.
Je conclurai en évoquant les quelques enseignements que je crois pouvoir tirer de ce bilan provisoire.
Tout d’abord, nous devons rétablir les conditions du dialogue et de la confiance entre pêcheurs, ONG et scientifiques afin d’assumer une politique offensive et de quitter le terrain juridictionnel, qui ne fait qu’accroître l’incompréhension et les tensions.
Nous devons également préparer avec plus d’anticipation la prochaine fermeture, tant pour permettre aux entreprises concernées de prendre leurs dispositions que pour informer le public de la disponibilité des produits frais. Sans doute les équipages pourraient-ils profiter de cette période d’arrêt pour monter à bord de leur navire et effectuer les réparations nécessaires – ce qui leur a été interdit cette année.
En outre, il faut continuer de tester des solutions susceptibles d’éviter la fermeture, comme la généralisation des pingers.
Enfin, il convient de réaliser une évaluation exhaustive des effets économiques, directs et indirects, de la mesure sur l’ensemble de la filière afin d’objectiver les conséquences sur la totalité de l’année civile. Si l’on accepte de pêcher moins en février, peut-être pêchera‑t‑on mieux le reste de l’année.
Je vous invite à donner un avis favorable au budget des affaires maritimes.
M. Romain Eskenazi, rapporteur pour avis (Transports aériens ; Contrôle et exploitation aériens). Habitant le Val-d’Oise, j’ai grandi sous les avions, de même que mes enfants. En tant qu’élu local, je me suis également beaucoup investi, depuis plusieurs années, sur la question des transports aériens. Je suis donc particulièrement honoré de vous présenter cet avis budgétaire, tant pour décrire les enjeux du secteur que pour défendre son nécessaire accompagnement et les régulations indispensables afin de protéger le climat et notre santé. Pour effectuer ce travail, j’ai auditionné en un temps record des représentants d’ONG, d’associations de riverains, de constructeurs, de compagnies aériennes, de plateformes aéroportuaires, ainsi que des syndicats professionnels.
Le secteur aérien est indispensable pour le commerce, les transports familiaux, sanitaires et culturels, ainsi que le tourisme. Du point de vue économique, il représente 1,2 million d’emplois et 4,3 % du PIB ; il contribue de manière excédentaire à notre balance commerciale, pour plus de 30 milliards d’euros. Le groupe ADP et Airbus, fleurons de notre économie, comptent parmi les leaders mondiaux du secteur tandis qu’Air France, filiale du groupe Air France-KLM, fait partie des dix plus grandes compagnies.
Après une crise sanitaire ayant lourdement affecté l’activité et la situation financière du secteur, l’activité a largement repris : l’an dernier, nous avons accueilli 199 millions de passagers dans nos aéroports, et nous devrions retrouver cette année le niveau d’activité de 2019, avant la crise du covid.
Le secteur fait face à de nombreux défis : il doit notamment poursuivre son désendettement important tout en maintenant un niveau d’investissements très important, tant pour les plateformes que pour les constructeurs et les compagnies. Tous ces acteurs sont confrontés à une rude concurrence européenne et mondiale, dans le cadre d’un marché globalisé. Des changements d’habitudes, notamment le recours accru à la visioconférence, ont également affecté l’activité. La sécurité, en particulier dans le domaine cyber, reste la priorité du secteur.
L’un des enjeux majeurs est cependant celui de la décarbonation. Très objectivement, le secteur s’y est mis : il fournit un certain nombre d’efforts en actionnant trois leviers principaux.
Je pense tout d’abord au changement des flottes pour des avions « néo », qui consomment 20 % à 30 % de carburant en moins. L’État doit continuer de soutenir la filière afin de favoriser l’émergence des avions de future génération, qui consommeront encore moins mais nécessiteront des investissements très importants de la part des compagnies aériennes.
Le deuxième levier concerne la navigation, qui peut réduire les émissions d’environ 7 %, grâce notamment à la descente continue. La direction générale de l’aviation civile (DGAC) a lancé un grand programme de modernisation du contrôle aérien, à l’horizon 2030, qui passe par des investissements et des réorganisations.
Le troisième levier est celui des carburants d’aviation durables : dans le cadre de l’initiative « Refuel EU Aviation », une nouvelle loi européenne impose l’incorporation de 2 % de carburants d’aviation durable en 2025, un taux qui passera à 6 % en 2030. Force est pourtant de constater que la France n’est pas prête et que nous allons remplacer notre dépendance actuelle au pétrole par une dépendance aux importations de carburants d’aviation durable. Il me paraît donc essentiel d’investir aujourd’hui pour répondre à ce défi demain. Aussi ai-je déposé un amendement visant à flécher une partie de la taxe sur les billets d’avion vers l’investissement en recherche et développement sur les carburants de synthèse, qui sont les plus vertueux.
Malgré tous ces efforts, le compte n’y est pas. Si la France a réussi cette année à baisser de 5,8 % ses émissions de gaz à effet de serre, grâce aux efforts conjoints des acteurs de l’agriculture, des transports et de l’énergie, le secteur aérien est quasiment le seul qui ne parvient pas à contribuer à cette dynamique. En 2023, il était responsable de l’émission de plus de 21 millions de tonnes de CO2, soit 5 % des gaz à effet de serre émis en France. Entre 2020 et 2023, la consommation de carburant par passager et par kilomètre a été réduite de quasiment un tiers, mais dans le même temps, les émissions de CO2 ont augmenté de 4,4 %. Les efforts consentis par le secteur, notamment dans le développement de solutions technologiques, sont donc bien réels, mais malheureusement systématiquement rattrapés par la croissance continue du trafic depuis vingt ans. Or les prévisions de trafic sont encore à la hausse…
Ma conclusion est donc simple : si nous voulons que le secteur aérien participe à la décarbonation, nous n’avons pas d’autre choix que de limiter la croissance du trafic, en actionnant plusieurs leviers.
Le premier est fiscal. Le secteur aérien peut se permettre un tel effort, d’autant qu’il bénéficie d’un certain nombre d’avantages fiscaux : le kérosène n’est pas taxé, les billets pour les vols intérieurs sont soumis à un taux de TVA préférentiel de 10 %, tandis que les vols internationaux n’y sont pas du tout assujettis. Quant à la taxe sur les billets d’avion, elle est moins élevée que chez nos voisins et concurrents directs comme les Pays-Bas, l’Allemagne et surtout le Royaume-Uni. En tenant compte de la totalité des coûts fiscaux, il est plus avantageux pour un avion d’atterrir en France que dans un aéroport britannique, à Amsterdam ou à Francfort. Nous avons donc une marge de manœuvre pour augmenter la fiscalité sans nuire totalement à la compétitivité de notre pays. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement propose d’augmenter la taxe sur les billets d’avion à hauteur de 1 milliard d’euros.
Pour ma part, je pense que nous devons aller plus loin. Aussi ai-je déposé un amendement visant à aligner le taux français de cette taxe sur le taux allemand, ce qui rapporterait 2,5 milliards, et à introduire une dose de progressivité en fonction du type d’avion utilisé – les jets privés polluent beaucoup plus, par passager, que les avions commerciaux classiques –, de la classe – la classe économique serait moins taxée que la classe affaires et la première classe – et de la distance parcourue, en définissant trois paliers – plus on va loin, plus on consomme du carburant et plus on serait taxé.
Il me semble essentiel d’affecter une part plus importante de cette taxe à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) afin de financer les infrastructures ferroviaires. Je propose de porter de 230 à 500 millions les crédits permettant notamment de développer les trains de nuit.
Il convient également d’exonérer de cette taxe les trajets vers, depuis et à l’intérieur des outre-mer. Cela se justifie par un enjeu évident de continuité territoriale, par l’impossibilité des reports modaux et par la solidarité que nous devons à nos compatriotes dans leur lutte contre la vie chère, un combat dans lequel l’ensemble de la nation doit s’engager.
Au-delà des enjeux climatiques, le transport aérien a un impact sur la santé de nos concitoyens. Ne serait-ce qu’en Île-de-France, 2,17 millions de personnes sont exposées à des niveaux de bruit au-delà des normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui préconise d’éviter les événements sonores dépassant 45 décibels. À cela s’ajoute, pour les riverains des pistes, l’exposition aux microparticules et au dioxyde d’azote, qui favorisent les maladies respiratoires. Ces 2,17 millions de personnes habitant autour de Roissy subissent 172 vols par nuit, entre minuit et cinq heures du matin, ce qui constitue un record absolu en Europe. L’ensemble des pays européens légifèrent pour lutter contre ces nuisances causées par leurs aéroports : un couvre-feu a été instauré à Francfort, une telle mesure est à l’étude à Amsterdam et au Royaume-Uni, mais la France a édicté très peu de restrictions.
Les conséquences épidémiologiques de cette pollution ont été démontrées : elle augmente de 24 % le risque de développer une maladie cardiovasculaire et de 28 % celui d’être victime d’un infarctus du myocarde. Je ne parle même pas de ses effets négatifs sur le sommeil, du risque de dépression, des troubles de l’attention, du diabète… L’espérance de vie en bonne santé des riverains des aéroports est ainsi réduite de trois ans.
Il paraît nécessaire de légiférer car, là encore, malgré des efforts significatifs ayant permis une réduction du bruit par passager, l’augmentation du trafic provoque des nuisances toujours plus importantes. L’interdiction des décollages et atterrissages de nuit, pendant une durée de huit heures, dans les principaux aéroports me semble être la seule mesure efficace pour protéger véritablement les riverains. Si les nuisances de jour, que l’on qualifie souvent de « gêne sonore », doivent être réduites, les atteintes à la santé de nuit doivent être proscrites. La protection de la santé est d’ailleurs un droit constitutionnel. L’instauration d’un couvre-feu à Francfort depuis 2011 n’a pas empêché l’aéroport de conserver son statut de hub au niveau européen. À Orly, où un couvre-feu partiel est appliqué, les habitants demandent davantage : ils aimeraient avoir une nuit complète sans nuisances. Une telle mesure n’anéantirait pas totalement la filière : à Roissy, le plus grand aéroport français, qui a totalisé 448 000 mouvements l’année dernière, les vols de nuit ne représentent que 3,9 % des vols ; ils concernent d’ailleurs essentiellement le fret, donc les avions les plus anciens, les plus polluants et les plus bruyants, ce qui représente une double peine. C’est pourquoi je défendrai prochainement, dans le cadre d’une démarche la plus transpartisane possible – je sais que nous sommes nombreux à partager cet objectif de santé publique –, une proposition de loi visant à obliger le secteur aérien à respecter le sommeil des riverains.
L’augmentation de la fiscalité et l’instauration d’un couvre-feu répondent, à mon sens, à une approche véritablement équilibrée conciliant la préservation nécessaire de l’activité économique et la défense indispensable de l’environnement et de la santé.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Dans un contexte budgétaire tendu, je me félicite que la mission Écologie, développement et mobilité durables poursuive plusieurs ambitions, en particulier celles de la transition écologique et de l’accélération de la décarbonation des principaux secteurs stratégiques émetteurs de gaz à effet de serre.
Malgré une diminution du budget global alloué la mission, qui passe de 24,103 à 21,809 milliards d’euros en autorisations d’engagement, il convient de saluer certains efforts budgétaires proposés, notamment en faveur des infrastructures et des services de transport.
Alors que le secteur des mobilités connaît une demande croissante, les transports routier, ferroviaire et fluvial ont vu en 2023, pour la première fois depuis la crise du covid, leurs émissions de gaz à effet de serre baisser. Représentant encore près d’un tiers de l’ensemble des émissions françaises, le secteur des transports est l’un des premiers gisements de décarbonation de notre économie. Aussi est-il nécessaire que le Gouvernement s’engage en faveur d’une planification écologique ambitieuse. Cette dernière prévoit, à l’horizon 2030, une diminution, par rapport à 2023, de 31,5 % des émissions des transports terrestres de voyageurs et de 28,5 % de celles des transports terrestres de marchandises.
Dans ce contexte, le groupe EPR ne peut que saluer les efforts en ce sens proposés dans le cadre du programme 203, dont les autorisations d’engagement augmentent de 637 millions d’euros, soit une hausse de près de 15 %. Toutes les actions du programme, à l’exception de l’action 52, voient leurs crédits s’accroître en AE comme en CP. L’action 44, Transports collectifs, fait l’objet d’un effort particulièrement important puisque ses AE progressent de 141,55 %, atteignant 812 millions. Une grande part de ces crédits concernent la sous-action 44-06, Financement du déficit d’exploitation des trains d’équilibre du territoire.
Malgré la réduction des crédits au niveau de la mission, le groupe EPR salue donc ce budget, par lequel le Gouvernement met au cœur de son action le développement des mobilités durables en prévoyant des efforts importants en faveur du déploiement des infrastructures et des services de transport. Nous demeurerons vigilants s’agissant des éventuelles évolutions qui seraient apportées au projet de loi au cours de nos débats.
M. Pierre Meurin (RN). Le budget relatif aux transports ferroviaire, routier, fluvial et maritime est en légère baisse, aux alentours de 9,5 milliards d’euros.
Je le dis depuis deux ans et demi, la France a un réseau routier extraordinaire. Or, en vingt ans, il est passé de la première à la dix-huitième place au classement mondial de la qualité des infrastructures routières car notre pays a sous-investi dans l’entretien et le développement de son réseau. Pourtant, en dépit de l’idéologie propagée par la gauche et les écologistes, nous ne pouvons pas nous passer de la route – c’est d’ailleurs ce que nous disent la totalité des acteurs économiques et des particuliers. Si nous approuvons le développement du transport ferroviaire, nous considérons que les 1,2 milliard d’euros alloués au plan Vélo seraient plus utilement consacrés à l’entretien et la rénovation des ouvrages d’art, qui coûtent très cher et que les collectivités territoriales n’ont plus les moyens de financer. À ce sujet, le Sénat a publié en 2019 un rapport alarmiste. Il ne faudrait pas que se produise en France un accident tel que l’effondrement du pont de Gênes en 2018 !
En 1930, nous avions 50 000 kilomètres de voies ferrées. Il n’en reste que 28 000 aujourd’hui. Je me réjouis d’entendre qu’il faut redévelopper les transports ferroviaires et élaborer une programmation pluriannuelle dans ce domaine, mais il faut aussi admettre que les politiques de transport menées ces dernières décennies ont abîmé notre réseau, notamment les petites lignes et les dessertes fines.
Madame Brulebois, j’approuve votre idée d’une loi de programmation pluriannuelle pour le transport, notamment routier. Nous devrions y travailler au sein de notre commission.
Je regrette que ce budget soit techno, sans vision. Nous verrons comment il évoluera au cours de nos travaux.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Avez-vous déjà visité la septième circonscription de Seine-et-Marne – c’est la mienne ? Pour vous y rendre, prenez l’avion. C’est le moyen de transport le plus efficace au point que les nuisances sonores qu’il occasionne font perdre trois ans d’espérance de vie en bonne santé à nombre des habitants. Ce sera bientôt davantage puisqu’une augmentation du trafic, y compris la nuit, est annoncée.
Sinon je vous déconseille le RER B qui fonctionne correctement quand il a le temps et dont il vaut mieux ignorer l’état des rames. Le Gouvernement lui a préféré le Charles‑de‑Gaulle Express, ce train pour les riches.
Je vous déconseille aussi la ligne K sur laquelle un train circule toutes les deux heures ; si vous vous arrêtez à Compans, mieux vaut ne pas avoir le vertige. L’escalier est très raide, autant dire très pratique pour les personnes à mobilité réduite, les parents avec une poussette et les personnes âgées.
Je vous déconseille aussi la ligne P : à partir de dix-neuf heures, il n’y a plus que des trains courts dans lesquels les usagers sont parqués comme du bétail ; le week-end, n’y pensez même pas, il n’y a pas de trains du tout.
Je ne parle ici que des liaisons entre ma circonscription et Paris car les déplacements à l’intérieur de ma circonscription sont quasiment impossibles sans voiture. C’est ce qui explique les nombreux bouchons notamment sur l’A104 et aux alentours de Claye-Souilly.
Rappelons que la pollution de l’air tue 48 000 personnes par an. De ce point de vue, mes administrés sont très chanceux.
Quand je fais part de ce problème aux personnes compétentes, elles me répondent que nous ne sommes pas prioritaires car nous sommes loin de Paris. Il ne faut pas s’étonner que les gens se sentent méprisés et abandonnés. Mes administrés n’en peuvent plus d’être considérés comme des déchets humains, condamnés à supporter toutes les pollutions possibles et imaginables sans jamais profiter de services publics dignes de ce nom. Les classes populaires n’ont que faire des avions qui décollent toutes les deux minutes de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Elles n’ont pas à payer le prix sanitaire des caprices des plus riches.
Dans toute la France, les transports du quotidien doivent primer. La politique en matière de transport doit être écologique et responsable. Je ne vous parle pas d’une écologie au service des plus riches, ni déconnectée de la réalité. Je vous parle d’une écologie populaire et sociale ; au service des gens et de notre survie commune.
Les priorités du Gouvernement ne sont vraiment pas les bonnes. Les grands projets autoroutiers vont à l’encontre de l’urgence écologique. L’autoroute A69, même peinte en vert, demeurera un projet écocidaire. Investissons plutôt dans un véritable plan de relance du ferroviaire ; dans la modernisation de notre réseau ; dans le développement des infrastructures cyclables. Nous pourrons dire alors que nous avons compris le sens de notre mission. Soyons dignes de notre fonction et non des fossoyeurs.
M. Peio Dufau (SOC). Votre rapport vante des objectifs clairs : accélérer la décarbonation des transports, favoriser le report modal vers les alternatives au transport routier et aérien ; moderniser nos infrastructures. En revanche, il est plus discret sur l’inadéquation du budget à leur réalisation.
Depuis plusieurs années, les crédits du programme 203 varient au gré des gouvernements ainsi que du contexte budgétaire et financier. L’instabilité et l’insuffisante hausse des crédits confirment que le plan d’investissement ferroviaire promis d’ici à 2030 est un mensonge. Le nouveau gouvernement ne marque pas d’inflexion sur le sujet.
Nous avons avec l’Allemagne une illustration du manque d’investissements dans le réseau ferré : le réseau craque, le taux de ponctualité des trains est tombé à 60 %. En manquant à sa promesse d’investissement, l’État met en danger nos infrastructures ferroviaires qui doivent pourtant être le fer de lance de la politique de report modal que vous appelez de vos vœux.
La sous-action 41-06 pourrait laisser penser que l’État soutient la régénération du réseau ferré national. Cependant, il apparaît que celle-ci est financée par le fonds de concours de la SNCF, sans aucune aide de la part de l’État. Pire, ces trois dernières années, la SNCF a dû vendre des actifs ferroviaires – Akiem ou Ermewa – pour alimenter ledit fonds de concours. Il faut mettre fin à cette hypocrisie.
Pour concrétiser la nouvelle donne ferroviaire – modernisation du réseau ; relance du fret ferroviaire et du train de nuit –, un amendement du groupe Socialistes et apparentés propose de créer un fonds d’investissement doté de 1,2 milliard d’euros.
La trajectoire budgétaire de l’Afit est une autre source d’inquiétude. Les 8,2 milliards en crédits de paiement et 8,5 milliards en autorisations d’engagement alloués ces deux dernières années sont loin des 23,7 milliards préconisés par le Conseil d’orientation des infrastructures. Il est urgent de changer de cap.
Le financement des Serm est un autre exemple de promesse en l’air. Le budget nous laisse présager, plutôt que des moyens, des solutions au rabais faisant appel à des cars.
De même, la relance des trains de nuit nécessite une commande urgente de matériel roulant. Où en est-elle ? Nous présentons un amendement pour financer la commande des 600 voitures et soixante locomotives préconisées par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités.
En somme, nous vous proposons de passer des paroles aux actes en votant des amendements de bon sens.
M. Vincent Descoeur (DR). Le budget des transports n’échappe hélas pas à l’effort demandé par le Gouvernement.
Selon la rapporteure pour avis, la stabilité des crédits du programme 203 permet de préserver les priorités en matière de mobilité. Je note toutefois qu’elle ne compense pas la diminution des fonds de concours de la SNCF, de l’Afit ou des collectivités territoriales.
Nous ne pouvons que souscrire à votre appel en faveur d’une programmation pluriannuelle pour le ferroviaire. Nous avions souligné l’année dernière combien la relance du ferroviaire, notamment le plan à 100 milliards, reposait sur un hypothétique effort de la SNCF. Force est de constater que cette critique demeure fondée.
Jimmy Pahun s’est montré moins enthousiaste en faisant état d’un budget en baisse. Les lignes budgétaires dédiées aux formations aux métiers de la mer et à la surveillance maritime sont relativement épargnées par les économies.
Enfin, dans le débat sur la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), je défends l’idée d’en dispenser les lignes intérieures d’aménagement du territoire. L’intérêt des dessertes peut être un critère de modulation qui viendrait s’ajouter à la distance parcourue.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je commencerai par évoquer les recettes. Afin d’éviter la SUVisation et d’encourager le recours à des voitures plus légères donc moins consommatrices d’énergie, nous préconisons de renforcer le malus poids.
En matière de transport maritime, nous souhaitons l’introduction d’un malus écologique pour les navires polluants – c’est l’objet d’un amendement de Christine Arrighi – ainsi que l’augmentation de la taxe sur les bateaux de luxe – amendement de Damien Girard.
S’agissant du transport aérien, nous voulons mettre fin à la niche sur le kérosène. Cela permettrait de dégager au moins 3,6 milliards d’euros, voire davantage si la taxation était alignée sur celle des automobiles. Nous soutenons également la hausse de la TSBA, comme le préconisait la Convention citoyenne pour le climat.
Pour ce qui concerne les dépenses, nous privilégions évidemment celles en faveur des transports en commun. Il nous faut décarboner nos modes de transport et sortir de l’usage excessif de la voiture individuelle.
Pour proposer une offre de transport alternative, les besoins d’investissement dans le réseau ferroviaire trop longtemps délaissé sont énormes. Le plan d’investissement de 100 milliards devra pour ce faire être financé. Divers outils sont à disposition parmi lesquels la taxe poids lourds instituée en Allemagne. Je regrette que cette option ne soit pas envisagée.
Pour garantir la mobilité de tous, notre groupe propose plusieurs amendements visant à mettre en place le ticket climat ou le leasing social mais aussi à réserver les financements de l’Afit aux projets ferroviaires et non routiers. Je déplore à cet égard le fonctionnement un peu opaque de l’Agence pour les députés qui ne sont pas en mesure de flécher les moyens.
Le transport est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France. Nous devons diminuer son empreinte écologique tout en assurant à chacun la possibilité de se déplacer, quels que soient ses revenus.
M. Mickaël Cosson (Dem). Malgré la baisse des crédits nécessaire pour accompagner l’effort global de redressement des finances publiques, les députés démocrates sont attachés au maintien d’une politique ambitieuse, tant en matière de décarbonation que d’égalité territoriale.
Le Gouvernement a déposé un amendement sur la TSBA, qui diffère un peu des premières annonces et devrait rapporter un milliard d’euros. Le relèvement de la taxe est bienvenu pour faire contribuer ce secteur à la hauteur de son impact carbone.
J’ai été intéressé, dans votre rapport, par la notion du coût de touchée moyen et la comparaison avec les autres pays européens. Si la TSBA française est relativement faible par rapport à nos voisins européens, d’autres taxes, dont le tarif de sûreté et de sécurité (T2S), viennent s’ajouter. Quel serait le coût de touchée moyen en France si l’amendement du Gouvernement était adopté ? Quel serait-il si votre proposition – une hausse permettant d’atteindre 2,5 milliards de recettes – était retenue ?
Je regrette que le produit de cette taxe ne soit plus affecté au moins en partie au fonds de solidarité pour le développement, l’éloignant ainsi de sa vocation originelle. Ce choix corrobore malheureusement la baisse généralisée de l’aide publique au développement.
Enfin, le rapporteur pour avis a appelé de ses vœux une réforme d’ampleur de la pêche. L’exemple de la fermeture d’une zone immense allant du golfe de Gascogne à la Bretagne l’hiver dernier doit nous interroger sur la pérennité du modèle que nous souhaitons léguer. Ne serait-il pas plus durable et finalement plus intéressant économiquement d’accompagner la modernisation des flottes pour pouvoir pêcher dans des conditions respectueuses de l’environnement ? Quelles évolutions de la réglementation européenne peut-on espérer pour garantir la survie de la pêche française face à une concurrence européenne redoutable ?
M. Jean-Michel Brard (HOR). La France est une grande puissance maritime et elle doit le rester. C’est un atout économique mais aussi pour la biodiversité.
La SNSM, seul organisme agréé par l’État pour cette mission, bénéficie du soutien de celui-ci et des collectivités territoriales. Modèle unique auquel nous sommes tous attachés, la SNSM compte 11 000 bénévoles, 130 salariés et 756 embarcations de sauvetage. Son budget de fonctionnement était de 71,3 millions d’euros en 2023 dont 60 % provient de la générosité du public.
Fragilisée par la crise du bénévolat, la SNSM doit aussi relever le défi du renouvellement de sa flotte. Alors que le nombre d’interventions de sauvetage a crû de 39 % en six ans, je m’inquiète vivement de la baisse – de 10 millions en 2024 à 7,85 millions – des subventions qui lui sont allouées. Il est indispensable de préserver le fléchage de la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel et de la taxe sur les éoliennes maritimes pour que la SNSM puisse continuer à assurer ses missions et son engagement bénévole au service de la sécurité maritime.
Second sujet de préoccupation, la pollution des littoraux consécutive à des aléas climatiques tels que la tempête Kirk. Le déversement d’eaux pluviales en mer à cause de la saturation des réseaux d’assainissement pollue nos eaux côtières et affecte la biodiversité ainsi que les filières conchylicole et ostréicole. Or ces activités historiques, présentes sur nos quatre façades maritimes, contribuent à la santé globale des écosystèmes marins ainsi qu’à notre souveraineté alimentaire. Elles sont pourvoyeuses d’emplois non délocalisables, qui participent au dynamisme économique et à l’attractivité de nos territoires littoraux.
Dès lors qu’il s’agit d’élevage en milieu ouvert, les filières sont entièrement dépendantes de l’état du milieu marin et de la qualité de l’eau. À chaque crise, elles subissent des interdictions de vente de la production dont les conséquences socio-économiques, comme celles de fermeture des zones de pêches sont tout à fait préoccupantes. Il importe de mieux concilier l’exploitation responsable du milieu marin et sa protection en continuant à soutenir l’effort d’innovation, en simplifiant la réglementation et en permettant l’accès à de nouvelles zones de production en mer.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Monsieur Meurin, pour mémoire, l’État consacre 1 milliard d’euros au réseau routier sachant qu’il gère 18 200 kilomètres de routes, dont 9 200 concédées, les départements 380 000 et les communes 700 000.
Le ministre a évoqué, non pas une loi, mais une réflexion à laquelle les parlementaires et les collectivités locales seront associés sur le financement des infrastructures, comprenant notamment les ressources de l’Afit, la TICPE et la fin des concessions autoroutières.
Monsieur Dufau, on ne peut pas parler de désengagement de l’État. Le plan d’investissement ferroviaire de 100 milliards doit nous aider à combler notre retard, notamment dans le déploiement de l’ERTMS (système européen de gestion de trafic des trains). Quant au sort des dividendes de la SNCF, il ne faut pas oublier l’effort historique qu’a constitué pour l’État en 2018 le rachat de la dette de 35 milliards d’euros permettant à l’entreprise de repartir du bon pied – elle payait à l’époque près de 2,5 milliards d’intérêts de dette. Il est donc normal que la régénération du réseau ferroviaire soit financée par le versement des dividendes à SNCF Réseau. En ce qui concerne les SUV, le malus a été rehaussé à juste titre.
Madame Soudais, l’examen des crédits n’est pas le lieu pour débattre du bien-fondé des grands projets d’infrastructure.
Monsieur Descoeur, je souscris à votre souhait d’une programmation pluriannuelle en faveur du rail.
M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. Monsieur Descoeur, le budget dédié aux affaires maritimes est passé de 312 à 216 millions, principalement en raison de la fin de l’aide exceptionnelle accordée à un transporteur transmanche, laquelle prenait la forme d’une exonération de charges salariales pendant trois ans.
Monsieur Bonnet, le malus écologique sur les navires polluants existe déjà d’une certaine manière. Que ce soit dans la Manche ou en Méditerranée, les navires doivent utiliser des carburants plus propres. S’agissant des yachts de luxe, nous devons trouver une solution pour qu’ils ne produisent plus aucune émission de carbone. Ils devraient être les fers de lance de recherches sur les motorisations propres qui pourraient ensuite être transposées à des bateaux plus lourds.
Monsieur Cosson, il y a deux pêches : la pêche européenne, au-delà des 12 miles, qui est un succès ; la pêche dans nos eaux territoriales, pour laquelle nous devrions travailler dans plusieurs directions : l’interdiction des navires d’une certaine taille afin de mettre en avant la pêche artisanale ; la création de zones de cantonnement dans lesquels la pêche est suspendue pour favoriser la régénération de la biodiversité ; la formation des jeunes ; la réforme de la gouvernance de la pêche – je pense à la renaissance des quartiers maritimes dans lesquels l’administrateur des affaires maritimes était au contact des pêcheurs et parvenait à les aider.
Monsieur Brard, je suis content que la SNSM perçoive 5 % de la taxe sur les éoliennes maritimes, le reste étant réparti de la manière suivante : 50 % pour les communes, 35 % pour les pêcheurs et 15 % pour l’OFB (Office français de la biodiversité). Je déplore le retard pris dans la construction des navires et je plaide pour que la SNSM crée son propre chantier. Tous les quarante ans, sans compter les accidents graves, il faut renouveler la flotte. Les marchés passés avec des chantiers ne sont pas toujours tenus.
Les ostréiculteurs et les conchyliculteurs sont des vigies ; ils nous garantissent la bonne qualité des eaux. Nous devons les aider, par exemple en rénovant les réseaux d’assainissement et les stations d’épuration – il faut un plan Marshall sur plusieurs années. Les bassins de purification, qui commencent à être installés, sont aussi une piste prometteuse. Ils permettent en cas d’alerte de transférer la production dans de l’eau pure. Cela existe depuis longtemps dans le bassin de Marennes-Oléron.
M. Romain Eskenazi, rapporteur pour avis. Madame Soudais, je subis, comme vous, les nuisances aéroportuaires. À cause de la continuité territoriale mais aussi du tourisme sur lequel repose une partie de l’économie française, l’avion ne sera jamais supprimé. Néanmoins, l’équilibre actuel entre intérêts économiques et santé des riverains n’est pas satisfaisant. Je compare souvent avec le vin, produit d’exportation incontournable et fierté française. L’interdiction de l’alcool dans un certain nombre de cas pour répondre à l’impératif de santé n’a pas été sans conséquences sur l’économie et les emplois du secteur. S’agissant du transport aérien, il faut encore ajuster le curseur. La hausse de la fiscalité et l’instauration d’un couvre-feu pourraient y aider.
Monsieur Descoeur, la TSBA ne distingue actuellement que deux catégories : vols intérieurs, Union européenne et assimilés ; vols long-courriers. L’amendement du Gouvernement crée une nouvelle distinction entre aviation d’affaires – les jets privés –, plus fortement taxée et modulée selon la motorisation, et service aérien régulier. Je salue l’ambition de cette mesure. Quant au critère de distance, l’amendement instaure une catégorie supplémentaire : le moyen-courrier. Je plaide pour la suppression de la TSBA sur les liaisons avec l’outre-mer au nom de la continuité territoriale et de la lutte contre la vie chère.
Les territoires auxquels vous faites allusion entrent dans la première catégorie pour laquelle l’augmentation est la plus faible – la taxe serait portée à 9 euros. Le montant de la taxe, bien que non négligeable, resterait bien inférieur à celui que fixent nos voisins européens. Nous serons plusieurs à essayer de rendre la réforme la plus juste possible mais aussi à souligner son objectif de sobriété, ce que le Gouvernement se refuse à faire préférant mettre en avant les recettes qu’il escompte. Si la trajectoire de croissance du trafic aérien n’est pas infléchie, nous ne serons pas en mesure de respecter les accords de Paris. À ce jour, le plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) de Roissy prévoit une hausse de 33 % du nombre de vols en trois ans.
Monsieur Bonnet, les accords de Chicago interdisent la taxation du kérosène pour les vols internationaux. C’est profondément injuste, j’en conviens, pour les automobilistes et les autres secteurs économiques. La TSBA, en vertu de laquelle plus on va loin, plus on est taxé, est une manière déguisée de taxer le kérosène. La convention citoyenne pour le climat demandait une taxe qui rapporterait 4,5 milliards, le Gouvernement propose 1 milliard, je défends un produit équivalent à celui de l’Allemagne, soit 2,5 milliards, niveau qui serait suffisamment dissuasif pour avoir un effet sur la croissance continue du trafic aérien.
Enfin, monsieur Cosson, le T2S est bien compris dans les coûts de touchée. Le graphique, tiré des données de la DGAC, montre bien que nous sommes bien au-dessous de nos concurrents directs – Londres, Amsterdam ou Francfort – même si nous nous situons dans la moyenne européenne. Je ne suis pas à ce stade capable de vous dire quel sera le coût de touchée avec la nouvelle version de la TSBA.
2. Réunion du mardi 22 octobre 2024 soir
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous abordons l’examen des amendements se rapportant aux crédits des transports.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CD71 de M. Loïc Prud’homme
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous nous opposons au développement de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse car il se fait au détriment des lignes du quotidien.
Le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), qui consiste à créer deux nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) ainsi que des aménagements ferroviaires au nord de Toulouse et au sud de Bordeaux, en est la parfaite illustration. Les crédits déjà alloués à ce projet doivent plutôt être affectés au financement de la rénovation des lignes des trains express régionaux (TER) de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie et du chantier de modernisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt).
Le GPSO, auquel s’opposent la majorité des élus locaux et les associations du territoire, est, en outre, une aberration écologique : il impliquerait l’artificialisation de milliers d’hectares de terres agricoles, entraînerait la pollution des sols et des eaux et provoquerait, à terme, des nuisances acoustiques majeures.
L’urgence est d’investir massivement dans les trains du quotidien, locaux et populaires, en développant le réseau local, en rénovant les petites lignes et en augmentant significativement la fréquence des TER grâce à des moyens matériels et humains plus importants.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis (Transports terrestres et fluviaux). Nous pourrions débattre de l’impact environnemental du GPSO, mais un tel débat excéderait le cadre de la discussion budgétaire. Je précise néanmoins que ce projet sera utile au développement des services express régionaux métropolitains (Serm) de Bordeaux, de Toulouse et de Montauban ainsi qu’au développement du fret.
En tout état de cause, nous ne pouvons pas modifier en loi de finances les fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit).
Avis défavorable.
M. Peio Dufau (SOC). En tant que cheminot et élu du sud-ouest, je suis concerné à un double titre par le GPSO. Il est d’autant plus absurde de construire une voie ferroviaire parallèle à une voie existante que l’argent manque pour entretenir cette dernière et qu’en définitive, moins de trains circuleront sur ces deux voies que sur la voie actuelle.
Par ailleurs, je doute que les transports pendulaires entre le sud-ouest et Paris soient la priorité des gens. Ils préféreraient qu’on développe des transports en commun efficaces pour leur permettre de se rendre au travail, qu’il s’agisse des services express régionaux métropolitains ou des bus, par exemple. Bref, le GPSO est un projet d’un autre temps : non seulement il est inepte d’un point de vue technique, mais il ne va pas dans le sens de l’histoire. Quel est l’intérêt de gagner vingt minutes lors d’un trajet entre Toulouse et Paris ?
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD69 de M. Sylvain Carrière, II-CD7 et II-CD85 de M. Peio Dufau (discussion commune)
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Il s’agit d’engager un véritable plan de relance du transport ferroviaire des passagers et des marchandises. En effet, sept années de présidence Macron ont fait dérailler ce fleuron français et les annonces faites en ce domaine ne sont pas suivies d’effet. À preuve, l’amendement de 3 milliards adopté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 a finalement été balayé par le 49.3.
Les lignes à grande vitesse captent l’écrasante majorité des financements, au détriment des petites lignes du quotidien – utiles à l’ensemble des Français, en particulier aux ruraux, mais aussi au fret –, qu’on abandonne au bénéfice des camions, toujours plus gros et plus polluants.
Nous proposons donc d’abonder de 3 milliards d’euros un fonds d’investissement pour la relance du transport ferroviaire et d’amorcer enfin la bifurcation écologique des transports du quotidien.
M. Peio Dufau (SOC). L’amendement II-CD7 vise à traduire dans le projet de loi de finances l’annonce par Élisabeth Borne d’un plan de 100 milliards d’euros destiné à financer la rénovation des voies ferroviaires existantes. À cette fin, nous proposons de créer une nouvelle ligne budgétaire et de lui allouer 1,2 milliard d’euros. Ces crédits sont en effets nécessaires pour relancer le fret, régénérer le réseau, maintenir les petites lignes, résorber les nœuds ferroviaires et développer les trains de nuit. Quant à l’amendement II-CD85, il est de repli.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Vous proposez de renforcer de façon significative les crédits alloués au développement, à la régénération et à la modernisation du secteur ferroviaire, en dénonçant le désengagement de l’État. Or son engagement en ce domaine est historique, puisque la nouvelle donne ferroviaire reste la feuille d’action du Gouvernement.
D’une part, SNCF Réseau investit, depuis 2021, grâce au soutien financier de l’État, près de 2,8 milliards pour la régénération du réseau, soit un effort sans précédent. D’autre part, le groupe SNCF versera, sur la période 2024-2027, 2,3 milliards supplémentaires par le biais du mécanisme de fonds de concours alimenté par les dividendes que le groupe verse à l’État. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit ainsi une nouvelle hausse de ce fonds de concours de 300 millions, après une hausse similaire en 2024. Ces augmentations sont justifiées par les 8 milliards de bénéfices réalisés par la SNCF, grâce à l’engagement historique de l’État, qui a repris sa dette à hauteur de 25 milliards en 2020 et de 10 milliards en 2022.
Je conviens néanmoins qu’il est désormais urgent de formaliser l’ensemble des modalités de financement des engagements pris par le gouvernement précédent. À cet égard, l’actualisation du contrat de performance de SNCF Réseau doit permettre d’acter et de préciser la trajectoire de l’effort de régénération et de modernisation du réseau pour les années à venir. Avis défavorable sur les trois amendements.
M. Peio Dufau (SOC). La dette que l’État a reprise à la SNCF était constituée, d’une part, de celle des anciennes entreprises ferroviaires privées – Compagnie des chemins de fer du Midi et autres –, transférées à l’opérateur unique lors de sa création, et, d’autre part, de celle que l’entreprise a contractée dans les années 1980, lorsque l’État lui a commandé la construction de dizaines de LGV qu’il n’a jamais payées. Il s’agissait donc bien, en fait, d’une dette de l’État. Certes – et c’est un acte fort –, les dividendes que le groupe lui verse contribuent à rénover le réseau. Mais l’État n’alloue pas un euro à la SNCF dans le projet de budget, de sorte que l’on n’atteint pas l’objectif fixé dans le plan présenté par Mme Borne.
Tout le monde en convient : le ferroviaire, c’est l’avenir. Or, si l’on ne maintient pas le réseau en état de fonctionnement, on tuera l’outil. Il faut, pour cela, 3 milliards par an. La SNCF prend en charge la moitié de cette dépense ; à l’État de financer l’autre moitié.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Il est vrai que l’État ne donne pas d’argent à la SNCF, mais il pourrait engranger les dividendes qu’elle lui verse.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD80 de M. Sylvain Carrière
M. Bérenger Cernon. Nous proposons de soutenir la modernisation du réseau en investissant 1,5 milliard d’euros supplémentaires, notamment en faveur des petites lignes du quotidien.
Si le Gouvernement avait tenu les engagements qu’il prend depuis sept ans, nous n’en serions pas là. En 2024, la France est toujours engagée dans le tout voiture. Le réseau ferroviaire national est vieillissant, en particulier les petites lignes, dont l’état est même jugé préoccupant. L’an dernier, l’Autorité de régulation des transports a constaté que l’offre ferroviaire était en baisse alors que la fréquentation des trains continue à augmenter.
Dans le même temps, le Gouvernement fait le choix de favoriser les grands projets d’infrastructures, comme les lignes à grande vitesse ou des projets d’autoroutes inutiles. Pourtant, nos territoires attendent des investissements dans les petites lignes qui desservent les villes et les villages et garantissent un accès équitable à une mobilité propre. Les routes continuent de s’étendre quand notre réseau ferroviaire se réduit année après année.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je partage votre préoccupation pour les petites lignes. Du reste, depuis 2020, le Gouvernement a engagé avec les régions un plan de remise à niveau des lignes de desserte fine du territoire afin de pérenniser les services publics de transport qu’elles assument, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Les crédits affectés par l’État dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) témoignent de l’attention particulière qui leur est portée. Ainsi, au cours de la période 2020-2022, il y a investi plus de 550 millions d’euros – soit un triplement de ses financements par rapport à la période précédente – sur un investissement total, tous financeurs confondus, de l’ordre de 1,5 milliard.
Cet effort se poursuit dans le cadre du volet mobilité des CPER 2023-2027. En effet, les protocoles entre l’État et les régions prévoient, pour les petites lignes, un investissement, tous financeurs confondus, de 2,6 milliards, dont 780 millions apportés par l’Afit au titre de la participation de l’État – 104 millions ont déjà été alloués en 2023 et 147 millions sont programmés en 2024.
Pour ces différentes raisons, votre amendement me semble en grande partie satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD82 de M. Peio Dufau
M. Peio Dufau (SOC). Nous proposons d’allouer 800 millions d’euros à un fonds de soutien aux régions afin d’accompagner les initiatives territoriales dans le cadre d’un moratoire sur la fermeture des petites lignes ferroviaires. Tout le monde s’accorde sur un tel moratoire, mais comme on se satisfait de résultats insatisfaisants…
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Même avis que sur l’amendement précédent.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD53 de Mme Marie Pochon et II-CD72 de M. Sylvain Carrière (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). Il s’agit d’investir 1,5 milliard d’euros dans la construction d’un parc de matériel roulant de nuit afin de déployer, d’ici à 2030, un véritable réseau de trains de nuit en France et vers l’Europe.
Dans son rapport sur les trains d’équilibre du territoire (TET) publié en mai 2021, le Gouvernement juge nécessaire, pour relancer l’attractivité des trains de nuit, d’acquérir 600 voitures et 60 locomotives, soit un investissement total de 1,5 milliard. Un tel investissement permettrait, par ailleurs, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation énergétique, de diminuer le coût du voyage pour les passagers – en leur évitant d’avoir à payer une nuit d’hôtel –, d’éviter la construction de nouvelles lignes en exploitant celles qui existent, de créer 130 000 emplois et, surtout, de garantir le droit à la mobilité, consacré par la loi 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), en particulier des habitants des territoires les plus enclavés.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Depuis 2022, malgré l’annonce ambitieuse d’un investissement de 100 milliards dans le transport ferroviaire, aucune avancée concrète n’a permis de remédier à la pénurie de matériels roulants, lesquels sont pourtant indispensables à la structuration d’un réseau national de trains d’ici à 2030. Or, sans investissements suffisants et immédiats, nous compromettons nos chances d’atteindre cet objectif.
La modernisation et l’extension du parc de trains de nuit sont un enjeu crucial pour le développement des mobilités durables et la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements. Elles permettraient également de créer, en France, une véritable filière industrielle capable de répondre aux besoins en créant de l’emploi.
Si, en cas d’adoption de l’amendement, le Gouvernement lève le gage, il fera le choix fort et ambitieux de la transition énergétique et écologique. Ce n’est qu’une affaire de choix : quel monde désirons-nous ?
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Tout d’abord, le bilan de ces dernières années est très positif : plusieurs lignes ont été remises en service, dont Paris-Nice et Paris-Lourdes depuis 2021. La ligne Paris-Tarbes a été prolongée jusqu’à Hendaye à l’été 2022, et deux autres lignes devraient être mises en service en 2023 : Paris-Aurillac et Paris‑Berlin.
Ensuite, 129 voitures de nuit ont été rénovées – pour un investissement total de 91 millions d’euros intégralement financé par l’État – et plusieurs aménagements ont été réalisés dans les principales gares accueillant les voyageurs de trains de nuit, notamment Paris-Austerlitz, Toulouse et Marseille.
La demande est extrêmement dynamique puisque 770 000 voyageurs ont opté pour le voyage de nuit en 2023, soit une hausse de fréquentation de 10 % par rapport à l’année précédente. Et l’année 2024 s’annonce exceptionnelle puisque les trains de nuit ont transporté 444 000 voyageurs au premier semestre, soit une augmentation de 45 %.
Enfin, le renouvellement du matériel roulant des trains de nuit se poursuivra en 2025 et il sera fait appel à un loueur, à l’issue d’une procédure de mise en concurrence qui sera lancée dans les prochains mois.
Avis défavorable.
M. Peio Dufau (SOC). Il s’agit, non pas de rénover des wagons obsolètes, mais de réfléchir à la production de nouveaux matériels, dont le délai avoisine une décennie. La fréquentation des trains de nuit est effectivement un succès. C’est précisément la raison pour laquelle 600 wagons-lits et 60 locomotives sont nécessaires. On ne peut pas se contenter de rénover d’anciens véhicules obsolètes, dans lesquels – je peux en témoigner – il n’est même pas possible de brancher un chargeur de téléphone.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. On ne produit pas 600 voitures du jour au lendemain : les 115 rames de TGV qui devaient être livrées en 2025 ne seront pas disponibles en temps voulu car Alstom a beaucoup de mal à les fabriquer. Il est donc inutile de prévoir des crédits supplémentaires.
M. Peio Dufau (SOC). Pour préparer l’avenir, il faut commander le matériel dès maintenant. Plus tôt il sera commandé, plus vite il sera livré. C’est du bon sens !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD86 de M. Peio Dufau
M. Peio Dufau (SOC). Il s’agit d’allouer 150 millions d’euros à l’achat de trains de nuit.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées à propos de l’amendement II-CD53.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CD163 de M. Fabrice Roussel et II-CD78 de M. Sylvain Carrière (discussion commune).
M. Fabrice Roussel (SOC). L’amendement II-CD63 vise à créer un fonds de financement des services express régionaux métropolitains abondé de 1 milliard d’euros, afin d’appliquer concrètement la loi du 27 décembre 2023 relative auxdits services express. Une conférence des financements a d’ailleurs été annoncée tout à l’heure, et il m’a semblé percevoir un appel à l’aide du ministre des transports.
De fait, les Serm sont à peine mentionnés dans la présentation de la sous-action Infrastructures ferroviaires du projet annuel de performance. Il est néanmoins indiqué que la prévision de fonds de concours Afit s’élève, pour 2025, à 300 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 350 millions d’euros en crédits de paiement (CP) – contre respectivement 673 millions et 398 millions dans la loi de finances pour 2024 –, que les opérations prévues en 2025 intègrent la montée en puissance des services express régionaux métropolitains et que le label de Serm a été attribué à vingt-quatre projets, après examen d’un premier dossier.
En septembre 2023, le président Macron annonçait le déblocage par l’État de 700 millions pour bâtir dix à quinze RER métropolitains, avec l’ambition de doubler la part du ferroviaire dans les déplacements du quotidien autour des grands pôles urbains. Or, non seulement ces 700 millions sont insuffisants – le coût du projet de la région nantaise atteint, à lui seul, cette somme –, mais ils n’apparaissent nulle part.
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Nous proposons, nous aussi, de créer une nouvelle ligne budgétaire consacrée aux services express régionaux métropolitains, dotée de 700 millions en 2025. Vingt-quatre agglomérations ont présenté un projet de Serm, alors que dix projets étaient initialement prévus dans la loi de 2023. C’est la preuve que les Françaises et les Français et les élus sont favorables à la grande bifurcation des transports et à la sortie du tout voiture. Mais l’État ne s’en donne pas les moyens : le grand plan de financement qui avait été prévu n’aura été qu’un effet d’annonce. Nous l’avions anticipé, du reste. C’est pourquoi nous nous étions abstenus lors du vote de la loi.
Les 700 millions que nous proposons d’allouer à ces projets permettraient de financer uniquement leur lancement l’an prochain et d’éviter tout essoufflement. En effet, selon l’association Objectif RER métropolitains, 40 milliards seraient nécessaires pour mener à bien leur déploiement.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Les deux amendements visent à allouer des moyens supplémentaires aux Serm. On recense vingt-quatre projets de Serm, mais ceux-ci ne seront pas opérationnels avant une quinzaine d’années. Leur financement est étalé sur une durée supérieure et il ne s’agit pas de mettre 15 milliards sur la table dès 2025. Les contrats de plan État-région (CPER) pour la période allant de 2023 à 2027 prévoient un financement de 2,66 milliards, dont 891 millions apportés par l’État pour la réalisation de la phase préalable.
Le ministre délégué chargé des transports s’est engagé à réunir, au début de l’année prochaine, une conférence nationale de financement des Serm, laquelle devra explorer de nouvelles pistes de financement, notamment celle des ressources fiscales locales dédiées. L’objectif est d’assurer la pérennité des investissements et du financement de ces services.
L’avis est défavorable sur les deux amendements.
M. Pierre Meurin (RN). Je regrette qu’aucun membre du Gouvernement ne se soit déplacé pour évoquer un sujet aussi important que celui des Serm. On nous a vendu les Serm comme le projet d’avenir qui allait révolutionner l’intermodalité dans notre pays. Vous nous dites que le déploiement de ces services prendra quinze ans. Une conférence de financement avait été annoncée pour le mois d’avril, mais celle-ci n’a toujours pas eu lieu. Les projets de loi ne sont-ils faits que pour communiquer ? À quoi cela sert-il d’adopter des textes si on ne souhaite pas les appliquer ? Nous n’avons aucune information sur le financement et le pilotage.
La loi a transformé le Grand Paris Express (GPE) en société des grands projets, mais on ignore tout de la situation de cette nouvelle structure. J’aurais aimé qu’un membre du Gouvernement nous réponde sur le sujet. Je sais que le Gouvernement n’a que peu de considération pour la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mais nous parlons d’un texte élaboré dans cette commission et adopté en séance publique l’année dernière. Le déficit de GPE s’élève à 13 milliards ! Nous avons besoin de réponses sur un projet qui coûte plusieurs milliards d’euros aux contribuables.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Il ne vous aura pas échappé que nous avons auditionné en fin d’après-midi le ministre délégué chargé des transports, juste avant le début de l’examen des crédits de la mission comme nous le souhaitions. Vous aviez tout loisir de l’interroger sur les Serm.
M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. Un barreau de ligne va entrer en service entre Redon et Quimperlé. Il y a actuellement seize trains par jour et il y en aura une vingtaine d’ici à la fin de l’année et près de trente dans deux ans. De nouvelles locomotives sont en cours de construction. Les projets de Serm fonctionnent efficacement. En Bretagne, il y aura 20 % de lignes de trains supplémentaires. Les communautés de communes, les autorités organisatrices de transports (AOT), la région et l’État travaillent très bien ensemble.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. L’horizon de la planification des vingt-quatre projets de Serm est le temps long : on ne planifie pas l’ouverture de lignes ferroviaires d’un claquement de doigts. Les collectivités locales qui détiennent des compétences dans ce domaine doivent organiser le service de transports jusqu’au dernier kilomètre autour des Serm. Tout cela demande du temps. Comme les financeurs sont multiples, l’organisation d’une conférence nationale de financement est nécessaire : le ministre délégué en a annoncé la tenue prochainement.
La commission adopte l’amendement II-CD163.
En conséquence, l’amendement II-CD78 tombe.
Amendement II-CD70 de Mme Ersilia Soudais
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Les chiffres du fret en France sont catastrophiques compte tenu de la place que ce mode de transport occupe dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l’impact environnemental. En 2022, la part du fret représentait 10,4 % du transport intérieur de marchandises contre 87,6 % pour les poids lourds. Nos voisins font beaucoup mieux puisque la moyenne européenne atteint 18 %, avec des pics de 23 % et de plus de 30 % en Allemagne et en Autriche. Entre 2000 et 2022, la part du fret ferroviaire a connu une baisse de 43 %, car celui-ci a été délaissé au profit de la route avec l’ouverture à la concurrence dans le rail dès 2006 et la suppression de l’écotaxe sur les poids lourds en 2014 alors que le fret paie toujours un péage au kilomètre. L’activité continue de se replier dans le transport ferroviaire et fluvial, comme l’affirme le ministère de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
Pourtant, le ministre délégué chargé des transports a confirmé sa volonté de doubler la part du transport de marchandises par le rail, mais une telle politique requiert des moyens, notamment financiers. Si on souhaite transformer la France en véritable nation écologique, soutenir le développement du fret est une évidence. L’an passé, notre commission avait voté un amendement visant à consacrer 1,5 milliard d’investissement dans le fret, mais le Gouvernement ne l’avait évidemment pas retenu lors d’un énième 49.3.
Nous proposons d’adopter à nouveau cet amendement, qui avait recueilli l’assentiment de la majorité des parlementaires l’an passé.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Le fret ferroviaire est évidemment incontournable pour décarboner le transport de marchandises, car il présente des bénéfices environnementaux majeurs par rapport à la route. Voilà pourquoi un soutien financier important est apporté au secteur depuis 2021 dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Lancée il y a trois ans, celle-ci a pour objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030.
L’ensemble des aides à l’exploitation du fret ferroviaire croissent depuis 2021 et progressent dans le PLF pour atteindre 211 millions. Cette enveloppe permettra, conformément aux engagements du Gouvernement, de porter le montant de l’aide à l’exploitation des services de wagons isolés de 70 millions en 2024 à 100 millions l’année prochaine. En outre, l’État consacre, dans les nouveaux CPER, 500 millions au réseau capillaire du fret.
Une programmation des investissements pour le fret ferroviaire, aussi appelée démarche « Ulysse fret », vise à identifier les projets d’investissements nécessaires pour le fret ferroviaire d’ici à 2032. Le Gouvernement doit présenter prochainement un rapport de synthèse de ce travail.
L’avis est défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD174 de M. Peio Dufau
M. Peio Dufau (SOC). Il vise à majorer l’aide au fret ferroviaire de 170 millions à 230 millions. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de soutenir ce secteur.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. La commission vient d’adopter un amendement de 1,5 milliard, ce qui me semble suffisant. J’émets un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CD84 de M. Peio Dufau
M. Peio Dufau (SOC). Il s’agit de dégager 30 millions pour l’aide aux wagons isolés. Ces derniers assurent une desserte fine, lot par lot, wagon par wagon, entreprise par entreprise. De nombreuses sociétés, situées principalement dans les ports, sont embranchées au rail : les wagons y pénètrent, chargent des marchandises puis les livrent, dans ce qui s’apparente à du sur-mesure. Cette offre est indispensable pour de nombreuses entreprises connectées au rail : sans les wagons isolés, elles n’utiliseraient que des camions. Le service n’est pas forcément rentable, mais il a un sens pour l’économie française et pour les petites entreprises.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Les aides aux wagons isolés sont effectivement très utiles pour les petites entreprises, lesquelles n’utiliseraient que des camions sans ce soutien public. Voilà pourquoi l’ensemble des aides à l’exploitation du fret ferroviaire, qui avaient augmenté en 2021, sont renforcées dans le PLF pour 2025 pour atteindre 211 millions.
Grâce à cet effort, conforme aux engagements du Gouvernement, l’aide à l’exploitation des services de wagons isolés passera de 70 millions en 2024 à 100 millions en 2025. Votre amendement semble dès lors satisfait et j’émets un avis défavorable à son adoption.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD87 de M. Peio Dufau
M. Peio Dufau (SOC). Il a pour objet de lancer, avec une enveloppe dotée de 85 millions, l’expérimentation d’un ticket climat à 9 euros par mois. L’idée est d’étendre à l’ensemble de l’année le pass rail qui n’existe que l’été. Ce ticket permettrait d’emprunter tous les transports et le bilan de son utilisation nous renseignerait sur l’élasticité du lien entre une politique d’offre de transports à très bas coût et un report des mobilités vers les transports en commun décarbonés.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je partage votre souhait de développer un ticket climat, lequel existe sous la forme, plus restreinte, du pass rail.
Les 235 000 pass rail vendus ont généré 2,38 millions de trajets réservés. Cependant, ce chiffre se situe au-dessous des attentes initiales, en raison notamment d’une mise en vente tardive et d’une promotion insuffisante. Pour compléter ces résultats, une analyse qualitative évaluera le comportement des jeunes utilisateurs et leur perception du pass rail. Les résultats de cette enquête, attendus pour la fin de l’année, nous donneront des enseignements sur l’opportunité de reconduire ou d’adapter le dispositif en 2025, pourquoi pas dans la direction que vous tracez.
Avant que ces études ne soient effectuées, il me semble disproportionné d’ouvrir une ligne de crédits de 85 millions pour financer l’extension du dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD51 de Mme Marie Pochon, II-CD74 de M. Sylvain Carrière, II‑CD50 de Mme Marie Pochon et II-CD73 de Mme Ersilia Soudais (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). En 2023, le Gouvernement a promis un plan Vélo ambitieux assis sur un fonds doté de 1,25 milliard sur cinq ans, mais aucun des appels à projets prévus n’a encore vu le jour. L’année 2024 pourrait être une année blanche pour le vélo, laissant de nombreux territoires à la traîne, notamment dans les zones rurales où les aménagements sont très insuffisants, ce qui met en danger les usagers.
Quelques jours après l’atroce meurtre du jeune Paul à Paris, il importe de rappeler que si le nombre de blessés à vélo est plus élevé en ville, ces accidents font plus de morts à la campagne. En 2022, sur les 245 Françaises et Français décédés en faisant du vélo, 135 ont trouvé la mort sur une route rurale. Cela montre que le vélo n’est pas une occupation de bobos des villes et que sa pratique progresse également à la campagne. Ils sont en effet nombreux ceux qui aimeraient aller en ville ou au travail et faire leurs courses à vélo mais qui y renoncent faute d’infrastructures sécurisées et sécurisantes.
Comme nous restons très éloignés de l’objectif fixé de 12 % de part modale pour le vélo d’ici à 2030, nous proposons, comme le recommande l’Agence de la transition écologique (Ademe), de renforcer dès maintenant les investissements dans le développement du vélo à hauteur de 2,5 milliards supplémentaires.
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Le vélo est le mode de transport le plus écologique après la marche, pourtant les usagers de la route les plus vulnérables sont les cyclistes. Ces derniers, qui pèsent moins de 100 kilogrammes avec leur monture, ont peu de chance de se sortir indemnes d’une collision avec un véhicule pesant plusieurs tonnes. C’est ce qui est arrivé à Paul Varry, jeune militant de l’usage du vélo à qui je veux rendre hommage, tué par un conducteur de SUV mécontent d’avoir été rappelé à l’ordre après avoir fait de la piste cyclable son parking. Ils sont chaque année plus de 200 à perdre ainsi la vie, principalement en zone rurale où les infrastructures n’existent pas et où il est urgent de les construire. Les collectivités sont prêtes et veulent agir, il ne leur manque que les moyens. Tout gel supplémentaire de crédits conduira à un essoufflement généralisé.
Pour une activité sportive et écologique, nous proposons d’augmenter de 500 millions les crédits alloués au vélo.
Mme Marie Pochon (EcoS). Il s’agit d’un amendement de repli. Dans les territoires ruraux, plus de 80 % des déplacements s’effectuent en voiture, souvent individuelle, faute d’alternatives. Ce n’est pas faute d’idées ni d’initiatives lancées par des collectifs citoyens, des associations ou des collectivités pour remplacer la voiture, impasse écologique, sanitaire, financière et sociale. La voiture dégrade la santé humaine, coûte de l’argent public et creuse les inégalités. Entre 10 % et 15 % de la population n’a pas le permis et combien d’autres n’ont pas les moyens d’acheter ni d’entretenir une voiture, d’en payer l’assurance et le carburant ? Tous ces gens renoncent à se déplacer : environ 40 % des Françaises et des Français déclarent renoncer régulièrement à des rendez-vous faute de pouvoir s’y rendre.
Grâce au premier plan Vélo, défendu par Élisabeth Borne alors ministre des transports, 14 000 kilomètres d’infrastructures cyclables ont été aménagés. Cet effort a entraîné une hausse de 33 % de la fréquentation des pistes. L’amendement vise à atteindre l’objectif du plan Vélo du Gouvernement de consacrer 1,25 milliard à cette politique en cinq ans en investissant 250 millions par an dès 2025. Se résigner à une année blanche pour le vélo sous couvert de redressement des comptes publics alors que des millions d’euros sont consacrés à de nouveaux projets routiers est inacceptable pour les collectivités engagées comme pour tous les acteurs du vélo.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous proposons de sanctuariser le montant des investissements publics dans les infrastructures cyclables à hauteur de 250 millions. Les fonds dédiés au plan Vélo subissent des coupes budgétaires. La participation de l’État au plan Vélo sera de 100 millions en 2025, montant quatre fois inférieur à celui de cette année. Il s’agit d’un manque d’ambition alors que l’on déplore régulièrement des morts dans la cohabitation des usagers de la route. Les résultats de l’année en cours sont effrayants pour le vélo car aucun des dispositifs annoncés par le Gouvernement n’a vu le jour. Dans ma circonscription, il n’y a aucune volonté de proposer une alternative à la voiture. Les liaisons cyclables devraient compenser le manque de transports en commun sur l’axe Nord-Sud, mais, au lieu de cela, la seule voie récente est délaissée car elle fait doublon avec le RER A.
Avec l’appui de la Fédération française des usagers de la bicyclette, nous souhaitons abonder de 250 millions le plan Vélo pour les années 2023 à 2027. Il ne faut pas diminuer les investissements mais mieux les orienter.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Les cyclistes sont de plus en plus nombreux en France et le vélo se révèle de plus en plus populaire, pour les déplacements professionnels comme pour les loisirs. Ce phénomène n’est pas le fait du hasard, il résulte des engagements concrets pris par le Gouvernement pour soutenir le vélo, notamment le plan Vélo, doté de 1,25 milliard pour les années 2023 à 2027. Ces crédits ont été principalement utilisés pour réaliser des itinéraires cyclables continus, lesquels améliorent la sécurité et la qualité des trajets cyclistes. Ils ont déjà fait l’objet de six appels à projets dotés de 465 millions depuis 2019 pour 1 229 projets, dont 850 étaient situés en zone rurale ou périurbaine. Les territoires lauréats des derniers appels à projets seront annoncés à la fin de l’année : ils bénéficieront du soutien de l’État pour mener à bien des opérations d’aménagement cyclable.
Au-delà des fonds destinés à soutenir les mobilités actives, 183 millions de crédits d’État sont prévus dans les CPER et les contrats de convergence et de transformation (CCT) pour les années 2023 à 2027 pour achever les schémas nationaux et régionaux des vélos‑routes. Les dotations d’investissement de l’État aux collectivités – dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), dotation politique de la ville (DPV) et fonds vert – contribuent également au financement d’aménagements en faveur des mobilités actives, pour un montant estimé à 100 millions en 2023. Les initiatives des collectivités locales relaient l’effort de l’État pour construire un cadre financier solide pour les investissements dans les infrastructures cyclables.
L’avis est défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). La méconnaissance des territoires ruraux par l’extrême gauche m’indigne. Chez moi, dans la première circonscription du Pas-de-Calais, les routes ne sont même pas entretenues pour les tracteurs et les véhicules à moteur thermique. De nombreux lycéens et étudiants n’ont pas les moyens d’acheter un vélo. Vous avez été élus de façon démocratique dans les villes mais vous ne connaissez pas nos territoires, donc ne parlez pas en leur nom. Les habitants que je rencontre tous les jours ne veulent pas de plan Vélo mais des routes en bon état pour accéder facilement aux villes et des politiques visant à réduire les inégalités entre les territoires.
Mme Marie Pochon (EcoS). Je suis élue dans une circonscription comptant 240 communes, l’une des plus rurales de France, donc nous n’avons de leçon à recevoir de personne.
M. Pierre Meurin (RN). On ne peut pas adopter de démarche verticale et plaquer de fausses bonnes idées comme le plan Vélo. Dans les zones rurales, comment peut-on emmener les enfants à l’école et aller au travail à vélo ? Madame Pochon, vous aviez déposé un amendement visant à utiliser 20 % des espaces à zéro artificialisation nette (ZAN) pour développer des pistes cyclables dans les zones rurales, idée totalement lunaire. Même si vous êtes élue dans une circonscription rurale, vous avez un présupposé très urbain qui n’a aucune pertinence dans les territoires ruraux.
La France est passée du premier au dix-huitième rang mondial pour la qualité de ses infrastructures routières : avant d’élaborer des plans Vélo à 1,5 milliard, il faut rénover les routes qui se trouvent dans un état déplorable, notamment dans les zones rurales, et qui sont donc dangereuses. Votre plan Vélo est un truc de bobo écolo totalement déconnecté des enjeux de mobilité de notre pays.
M. Peio Dufau (SOC). La solution est multiple et associe le rail, la route et le vélo. Dans certains endroits, le vélo ne peut pas être utilisé pour les déplacements quotidiens, mais vous vous êtes également opposés à soutenir davantage le ferroviaire, chers collègues du groupe Rassemblement national ; or dans les zones rurales, le transport ferroviaire a un rôle important à jouer, donc gardez vos leçons.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF108 de M. Timothée Houssin et CD39 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)
M. Timothée Houssin (RN). L’amendement vise, pour une fois, à faire des économies puisque notre pays se trouve dans une situation difficile. À l’exception de la gauche, tout le monde cherche à maîtriser les dépenses publiques. Dans ce cadre, il est impératif d’orienter les fonds disponibles vers des investissements qui répondent directement aux priorités environnementales les plus urgentes.
C’est la raison pour laquelle je vous propose d’économiser 100 millions sur le plan Vélo : l’usage du vélo a augmenté de 27 % en deux ans dans les grandes villes et les ventes de vélos électriques ont progressé de 30 % car ceux-ci sont devenus accessibles. La dynamique est déjà lancée et les rues des métropoles sont déjà aménagées pour le vélo. En revanche, quand l’école, le lieu de travail et le supermarché se trouvent à plusieurs kilomètres voire à quelques dizaines de kilomètres du domicile, les gens n’utilisent pas le vélo pour se déplacer.
Nous vous proposons d’établir des priorités en matière de développement durable et de rediriger des fonds vers des énergies décarbonées comme le nucléaire et l’hydrogène, le recyclage et la prévention des inondations ; nous souhaitons également réaliser des économies.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Contrairement à l’amendement précédent, le nôtre vise modestement à rétablir les crédits de financement d’aménagements cyclables afin de développer la pratique du vélo dans de bonnes conditions. Venant d’un milieu rural, il m’apparaît nécessaire de créer de nouvelles pistes cyclables sécurisées : les habitants réclament d’ailleurs d’agir en ce sens. Le PLF prévoit de réduire les crédits alors qu’il convient d’accompagner l’essor de l’usage du vélo dans l’ensemble du territoire.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. L’amendement de M. Houssin vise à supprimer l’ensemble des crédits budgétaires alloués au plan Vélo quand celui de Mme Jourdan souhaite les augmenter de 50 millions pour financer les investissements dans les infrastructures cyclables : face à ces demandes contraires, le compromis inscrit dans le PLF me semble raisonnable. J’émets un avis défavorable à ces deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD66 de M. Sylvain Carrière
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Si le nombre de trajets réalisés à vélo est en constante augmentation – il a progressé de 28 % entre 2019 et 2021 –, le potentiel de développement de ce mode de transport reste important puisque, sur les 35 % de trajets domicile-travail inférieurs à 5 kilomètres, 60 % sont effectués en voiture. L’emport de vélos dans les bus permettrait de réduire le coût de la mobilité de 92 % par rapport à la voiture, dans un pays qui compte 15 millions de personnes en situation de précarité mobilité. Afin de promouvoir le report modal, nous proposons donc de dégager 5 millions d’euros pour renforcer les capacités d’emport de vélos dans les bus, sachant que le coût d’équipement d’un véhicule se situe entre 1 800 et 8 000 euros pour une capacité théorique de trois à huit vélos.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Bien que le développement des infrastructures permettant l’emport de vélos dans les bus puisse encourager une partie de la population à adopter ce mode de transport, les études disponibles montrent que cette demande se concentre principalement sur les déplacements touristiques ou de loisirs et qu’elle ne concerne que très marginalement les trajets domicile-travail. Un tel équipement ne fait pas l’objet d’un rapport coûts-bénéfices favorable puisqu’il ne semble pas répondre à une demande massive et généralisée, surtout dans les zones urbaines denses où les infrastructures cyclables se développent déjà rapidement.
Par ailleurs, la LOM a donné aux autorités organisatrices de la mobilité une certaine latitude pour investir dans ces équipements en fonction des besoins locaux – ce qu’elles font déjà très bien. Il est donc préférable de laisser ces autorités adapter les solutions en fonction des spécificités des territoires plutôt que d’imposer un déploiement généralisé qui ne correspondrait pas forcément aux attentes ou à la réalité des déplacements.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD63 de M. Emmanuel Blairy
M. Emmanuel Blairy (RN). Est-ce vraiment le moment d’investir plus de 15 millions d’euros dans la tour Séquoia et la grande arche de la Défense qui, soit dit en passant, fait presque offense à l’Arc de Triomphe ? Nous proposons de transférer 20 millions d’euros vers le programme 203 afin de régénérer le réseau routier national. Vous le savez, ce dernier subit une forte pression du fait de son usage intensif et, parfois, du dérèglement climatique. Par ailleurs, le développement de nouvelles formes de mobilité nécessite une révision des infrastructures. Il est donc crucial d’amplifier les efforts d’entretien, de réparation et de sécurisation des zones à risque. Le bon fonctionnement et la fiabilité du réseau routier, essentiel à la vie quotidienne de nos concitoyens et au développement économique de nos territoires, doivent être garantis par l’État.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. L’entretien du réseau routier national est effectivement une question de sécurité. C’est pourquoi le budget pour 2025 donne la priorité à l’entretien et à la régénération de ce réseau, auxquels il consacre quelque 1 milliard d’euros, par rapport au financement de nouveaux projets routiers. Avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). Je n’ai pas bien compris pourquoi vous vous opposiez au transfert de 20 millions supplémentaires vers cette action.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je le répète : priorité est donnée à l’entretien et à la régénération du réseau routier afin de garantir sa sécurité. Le milliard d’euros prévu au budget pour 2025 paraît suffisant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD34 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Je défends toujours la même chose, mais cette fois sous la forme d’un amendement d’appel car les montants ont finalement peu de sens. En 2012, les routes françaises étaient placées au premier rang dans le classement du Forum économique mondial ; or, en 2018, elles sont tombées à la dix-huitième place. Vous dites, madame la rapporteure pour avis, qu’il est formidable que 1 milliard d’euros soient consacrés à l’entretien du réseau, mais je vous ferai remarquer que c’est moins que l’année dernière. Il n’empêche que l’état de nos routes se délabre de jour en jour, de semaine en semaine – et je ne parle même pas des ouvrages d’art. Quelle est la stratégie de la France dans ce domaine ?
Grâce aux écolos et aux associations écoterroristes, qui manifestent et bloquent tout projet routier, même lorsque le dossier est légalement constitué, nous ne construisons plus de routes. Allons-nous nous y remettre ? Nous en avons besoin, pour des raisons démographiques, économiques et de désenclavement des territoires ruraux. Mais je parle dans le vide – je défends un amendement d’appel mais aucun ministre n’est présent pour répondre à mes interrogations sur ce sujet stratégique. Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. À vous entendre, le réseau routier de notre pays serait délabré. Je tiens à préciser que le milliard d’euros prévu en 2025 ne concerne que les routes relevant de la compétence de l’État, soit 18 000 kilomètres, à l’exception des 9 200 kilomètres de routes concédées. Cette somme me paraît donc suffisante. L’essentiel du réseau est géré par les communes et les communautés de communes, compétentes sur 700 000 kilomètres, ainsi que par les départements, qui assument la charge de 380 000 kilomètres. Ces collectivités font aussi beaucoup d’efforts, comme en témoignent le bon niveau d’entretien des routes et les investissements réalisés dans certains départements.
M. Pierre Meurin (RN). Votre réponse assez techno, probablement fournie par le ministère de l’économie ou des transports, n’est pas du tout satisfaisante car elle n’envisage aucune planification de l’entretien, de la rénovation et de la modernisation de notre réseau routier.
Les retours du terrain sont beaucoup moins optimistes que vous ne le dites. Le réseau se délabre et les départements n’ont plus les moyens d’entretenir les ouvrages d’art ni de les rénover. Je vous renvoie une nouvelle fois au rapport sénatorial de 2019, qui estimait à environ 200 millions d’euros par an pendant dix ans – moins que le plan Vélo – les crédits nécessaires à la rénovation de la totalité des ouvrages d’art de notre pays, dans le cadre d’une contractualisation où l’État se substituerait aux collectivités territoriales. Voilà une mesure intelligente et indispensable à notre souveraineté ! J’ajoute que le dérèglement climatique nécessite que les ouvrages d’art fassent l’objet d’un entretien bien particulier.
La réponse apportée n’est donc absolument pas satisfaisante. Mais aucun ministre ne participe à notre réunion… On se demande parfois pourquoi on travaille !
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Vos 4 millions ne changeraient pas grand-chose puisque 1 milliard d’euros sont budgétés.
M. Pierre Meurin (RN). Je vous ai dit que c’était un amendement d’appel !
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je ne vous permets pas de dire que ma réponse était techno : je suis une élue de terrain, conseillère départementale, et à ce titre je connais bien la situation des routes départementales. Pour avoir aussi été quinze ans conseillère municipale, je sais ce que c’est que d’entretenir des routes communales. Le ministère ne m’a pas aidée à répondre, je peux vous le dire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD97 de Mme Ersilia Soudais
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Il s’agit également d’un amendement d’appel – un appel à la prise de conscience de l’impact colossal des projets autoroutiers. Notre pays vient de subir des inondations inédites, et le Premier ministre a dit à ce sujet que la prévention coûtait moins cher que la réparation. C’est bien vu, sauf que la première cause de l’aggravation des phénomènes climatiques, ce qui fait que des pluies importantes provoquent des inondations, c’est l’artificialisation des sols. Or le Gouvernement soutient allègrement des projets archaïques comme celui de l’autoroute A69, qui a réussi l’exploit de détruire 400 hectares de terres agricoles et d’espaces naturels, des zones humides et 162 espèces protégées pour longer une route nationale existante. Je pourrais également évoquer la double autoroute A133-A134 pour contourner Rouen, un projet conçu il y a trente ans qui détruit 500 hectares de terres naturelles, dont 142 hectares de forêt, ou encore l’A412 en Haute-Savoie, une catastrophe écologique vieille de quarante ans. Du point de vue budgétaire, l’abandon de la cinquantaine de projets autoroutiers contestés permettrait d’économiser 18 milliards. Face au changement climatique, soyons donc cohérents et instaurons d’urgence un moratoire sur les projets routiers afin d’entamer une véritable bifurcation écologique.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Vous dénoncez le projet d’autoroute A69. Je ne reviendrai pas sur ce débat, qui n’a pas lieu d’être dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Je rappellerai simplement que les crédits relatifs aux projets autoroutiers ont été diminués pour donner la priorité aux mobilités décarbonées et à la régénération du réseau routier existant. Avis défavorable.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Madame Stambach-Terrenoir, je conçois que vous ayez des positions dogmatiques sur l’autoroute. En revanche, il existe effectivement, en Haute-Savoie, un projet vieux de quarante ans dont la réalisation est une nécessité absolue pour le désenclavement d’un territoire que vous ne connaissez manifestement pas. Il aurait été préférable de vous renseigner sur cette situation particulière avant d’exposer votre position dogmatique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD109 de M. Timothée Houssin
M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement vise à supprimer les crédits alloués au fonds vert dans le cadre du déploiement des zones à faibles émissions.
Ces ZFE sont avant tout source d’inégalités. Certains services publics d’envergure régionale tels que des hôpitaux se trouvent exclusivement dans les métropoles ; or les ruraux doivent pouvoir y accéder. Ainsi, dans ma circonscription, les habitants de nombreux villages situés à quelques dizaines de kilomètres de Rouen dépendent de services publics, notamment de services de soins, implantés dans la métropole et au cœur d’une ZFE.
Ces ZFE se trompent de cibles. Elles pénalisent les véhicules les plus anciens, souvent possédés par les personnes les plus modestes, qui sont aussi des petits rouleurs – dans le cas contraire, ces vieux véhicules ne circuleraient plus sur nos routes. Leur fondement scientifique est très discutable : comprenez-vous qu’un Porsche Cayenne V8 diesel de 400 chevaux pesant 2,5 tonnes puisse entrer dans une ZFE alors qu’une Twingo de 800 kg consommant trois à quatre fois moins ne le peut pas ?
Politiquement et économiquement, il serait opportun de mettre fin à cette politique. Cela nous permettrait d’économiser 14 millions d’euros.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. L’instauration de ZFE doit s’accompagner d’un report modal permis par la mise à disposition de solutions de mobilité autres que la voiture, par le développement de mobilités douces et par un verdissement du parc.
La réalisation d’études réglementaires et la détermination des besoins associés au déploiement de ces zones – mise en place d’une signalisation, création de parkings relais, développement d’autres solutions de mobilité, définition d’une stratégie de contrôle – bénéficient d’un soutien financier du fonds vert. À la mi-juillet 2024, 204 dossiers avaient été déposés et le montant cumulé des aides demandées s’élevait à 144 millions d’euros. L’entrée en vigueur des ZFE n’étant pas remise en cause, il me semble contreproductif de supprimer les aides financières accompagnant leur déploiement. Avis défavorable.
M. Pierre Meurin (RN). La question des ZFE me tient tout particulièrement à cœur. Quand allez-vous entendre raison ?
La classification Crit’Air n’a aucun sens. Comme l’a expliqué M. Houssin, un Porsche Cayenne, qui est un véhicule de riches – ce langage devrait plaire à la gauche –, est classé Crit’Air 1 bien qu’il émette beaucoup plus de monoxyde d’azote, de dioxyde d’azote et de particules fines qu’une Clio vieille de trente ans, très bien entretenue mais classée Crit’Air 4.
En réalité, les ZFE sont les instruments d’un système séparatiste qui, en distinguant géographiquement les aires urbaines des aires rurales, fait comprendre aux Français les plus modestes qu’ils sont des pollueurs pour les habitants des villes. Cette mesure, très symbolique, a donc pour effet de diviser les Français.
Il y a deux ans, MM. Millienne et Leseul ont mené une mission flash à ce sujet. Ils ont expliqué que les ZFE n’avaient aucun sens tout en concluant qu’il fallait poursuivre dans cette voie. Personne ne s’est penché sur l’acceptabilité sociale des ZFE ni sur les critères d’amélioration de la qualité de l’air dans les zones urbaines. Dans le même temps, on a appris que le métro, en raison de son système de freinage, polluait beaucoup plus que d’autres véhicules. Cela ne nous a pas empêchés de créer une sorte d’Absurdistan : chaque collectivité territoriale fait ce qu’elle veut en matière de ZFE, pour des raisons parfois purement idéologiques. Ainsi, à Paris, les propriétaires d’un véhicule Crit’Air 3 peuvent bénéficier d’un « pass ZFE » dans la limite de douze jours par an. Mais comment allez-vous expliquer aux Français les plus modestes que, pour aller travailler, se soigner, faire leurs courses ou emmener leurs enfants à l’école, ils n’ont pas le droit d’entrer dans les zones urbaines avec leur Clio pourtant bien entretenue ?
Voilà deux ans et demi que le groupe Rassemblement national vous alerte à ce sujet. Chacun reconnaît que ce système n’a absolument aucun sens et qu’il n’est pas efficient. Personne n’a jamais réussi à démontrer que les ZFE permettaient d’améliorer la qualité de l’air. Il faut donc y mettre fin. Quand ce dispositif cauchemardesque va-t-il s’arrêter ? Encore une fois, j’aurais aimé qu’un ministre soit présent pour répondre à ma question.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Vous vous interrogez sur l’acceptabilité sociale de ce dispositif, mais je rappelle que la création de ZFE est une proposition issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Il en est de même pour l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN).
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD107 de Mme Anaïs Sabatini
M. Julien Guibert (RN). En supprimant 50 millions d’euros au sein de l’action 03, Amélioration du cadre de vie, du programme 380, Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, nous entendons nous opposer aux ZFE, qui constituent un non-sens écologique et un coup porté contre les personnes les plus fragiles socialement, à savoir les habitants des zones rurales qui doivent se rendre dans une métropole mais qui n’ont pas les moyens d’acheter un véhicule moderne et moins polluant selon certains critères. Le chef-lieu de la région Bourgogne-Franche-Comté, Dijon, va bientôt mettre en place une ZFE. Les habitants de ma circonscription, dans la Nièvre, verront alors leurs trajets vers la métropole complexifiés, d’autant que presque aucun véhicule n’est doté de vignette Crit’Air.
Du reste, le bilan carbone d’un nouveau véhicule électrique produit en Chine est-il vraiment meilleur que celui d’un véhicule thermique sur le marché depuis une vingtaine d’années ? Je n’en suis pas certain.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les raisons évoquées précédemment.
M. Emmanuel Blairy (RN). On pourrait penser que la création de ZFE permet de réduire un peu notre empreinte carbone. Permettez-moi cependant de rappeler certaines choses très factuelles. Même si l’on décidait, demain ou dans trente ans, par pure idéologie, d’instaurer des ZFE dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants, et même si l’on imposait l’utilisation de moteurs électriques sur l’ensemble du territoire, il faudrait toujours des usines, des hommes et des femmes pour construire les véhicules, ainsi que de la voirie, de l’asphalte, du goudron, des plaquettes de frein, des disques… Là n’est donc pas la question. Le véritable enjeu réside sans doute dans les relations commerciales internationales, dans notre manière de produire, dans le localisme. En aucun cas il ne faut emmerder les ruraux, les empêcher de se déplacer pour se nourrir ou se soigner. Revenons au bon sens paysan et fions‑nous à ceux qui connaissent la valeur des choses, parce qu’ils vivent avec les saisons plutôt qu’avec des idéologies !
M. Timothée Houssin (RN). J’ai entendu les explications un peu empruntées de Mme la rapporteure pour avis, puis les vôtres, madame la présidente, nous dissuadant de faire quoi que soit contre les décisions de la Convention citoyenne pour le climat. J’ai surtout remarqué le silence de la gauche, qui a pourtant l’habitude de parler beaucoup sur les sujets de développement durable. Or je n’ai entendu absolument personne m’expliquer l’intérêt écologique de ces ZFE. Ainsi, nous allons continuer de consacrer des dizaines de millions d’euros à des dispositifs dont tout le monde sait qu’ils sont contreproductifs et injustes.
M. Pierre Meurin (RN). L’an dernier, La France insoumise a probablement eu un éclair de génie en demandant un moratoire sur la mise en place des ZFE. Cette position est pourtant contradictoire avec les décisions prises par la gauche au sein des exécutifs locaux. Le groupe Rassemblement national est le seul à avoir défendu, au début de l’année 2023, dans le cadre d’une niche parlementaire, une proposition de loi visant à supprimer les ZFE. Vous ne l’avez pas votée, mais vous aurez peut-être ce soir, chers collègues de gauche, l’occasion de vous rattraper et de vous montrer enfin cohérents avec les positions que vous avez prises – un peu comme pour l’abrogation de la réforme des retraites, le 31 octobre prochain. Sinon, ce sera comme d’habitude : vous vous agiterez un peu mais vous finirez toujours par voter pour Emmanuel Macron.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous jetez le bébé avec l’eau du bain. Consacrer des crédits à un meilleur accompagnement du dispositif, réfléchir à des modalités d’application tenant compte de divers paramètres, ce n’est pas pareil que supprimer l’intégralité de ces crédits, ignorer les problèmes de santé publique liés à la pollution de l’air causée par les transports et rejeter toutes les solutions visant à les régler.
M. Emmanuel Blairy (RN). Il ne s’agit pas d’ignorer les conséquences du réchauffement climatique ni de la pollution – deux phénomènes malheureusement complémentaires –, mais de considérer qu’il existe peut-être d’autres moyens de régler ces problèmes. Regardons les choses en face, soyons humbles et écoutons les avis des professionnels sur la question. Ni vous ni moi ne sommes prophètes, ni fils de prophètes ! Le groupe Rassemblement national a proposé la création d’une mission d’information sur les changements climatiques : cela montre que cette question ne nous pose pas de problème.
Vous défendez les ZFE. Pour ma part, je pense qu’il faudra envisager, dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants, par exemple, une renégociation des plans de circulation. Il y a trop de bouchons, en particulier à Paris depuis que la police de la circulation a été confiée à la maire de la capitale. Or les bouchons entraînent de la pollution, des maladies et toutes sortes de problèmes sanitaires.
Restons humbles, ne jouons pas aux apprentis sorciers et exposons clairement nos propositions. C’est trop facile d’attaquer le Rassemblement national en dessous de la ceinture ! Vous êtes partisans d’une écologie punitive ; quant à nous, nous défendons une écologie équitable.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). M. Delautrette l’a dit, il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre les ZFE, mais plutôt de réfléchir à une révision de leurs modalités d’application et aux moyens de limiter leurs effets de bord.
Les ZFE ne visent pas véritablement à lutter contre le réchauffement climatique. En revanche, leurs bénéfices sont tout à fait avérés s’agissant de la qualité de l’air, ce qui n’est pas négligeable alors que 40 000 décès sont imputés chaque année à la pollution de l’air extérieur.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD79 de Mme Ersilia Soudais
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous souhaitons annuler les coupes budgétaires prévues pour le fonds vert, s’agissant de l’action dédiée au cadre de vie qui comprend les crédits pour promouvoir les politiques de covoiturage. Celui-ci étant particulièrement utile en zone rurale, je ne doute pas que mes collègues du RN n’hésiteront pas à voter cet amendement. Je rappelle au passage que la Seine-et-Marne est le quatrième département à utiliser le plus le covoiturage. Ce dispositif présente l’avantage de réduire les coûts pour les ménages et l’empreinte carbone de nos trajets. Comme le souligne négaWatt, il participe à l’effort de sobriété. Favoriser le covoiturage est d’autant plus important que 15 millions de personnes de plus de dix-huit ans étaient en situation de précarité de mobilité en 2023 et que ce chiffre ne cesse d’augmenter.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je vous rejoins sur l’importance du covoiturage. Il ne s’agit pas seulement de remplacer chaque véhicule thermique par une voiture électrique. Il faut modifier les usages, ce qui suppose d’augmenter le taux d’occupation des véhicules qui est en moyenne de 1,4 seulement.
Le plan national covoiturage pour la période 2023-2027, doté de 150 millions d’euros, comporte trois mesures importantes : la prime de 100 euros pour les primo‑conducteurs, l’incitation financière au profit des usagers et l’éligibilité au fonds vert au titre du développement du covoiturage. La création de voies réservées au covoiturage pour l’accès aux agglomérations est également nécessaire, les incitations au covoiturage ne pouvant être uniquement financières.
Au 1er août 2024, 129 projets en faveur du covoiturage pour un montant de 7 millions d’euros ont déjà été retenus pour bénéficier du soutien du fonds vert. Des demandes de cofinancement supplémentaires ont déjà été déposées pour un montant de 23,6 millions jusqu’à la fin 2024. Pour 2025, les certificats d’économie d’énergie (CEE) ainsi que le fonds vert continueront de soutenir respectivement les usagers de plateformes et les collectivités.
Le sujet est pris au sérieux mais il faut du temps pour changer les habitudes.
Avis défavorable.
M. Pierre Meurin (RN). Je n’ai pas d’hostilité à l’égard de l’amendement, mais le covoiturage est déjà une pratique courante dans les zones rurales. Je doute donc des vertus de la planification en la matière. En outre, je regrette que vous ayez trouvé votre inspiration auprès de cette association fumiste qu’est négaWatt.
Alors que 60 % des trajets dans les zones urbaines couvrent une distance maximale de 2 kilomètres, la question primordiale est de savoir comment dissuader les gens de prendre leur voiture pour ces trajets-là.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD150 de M. Romain Eskenazi
M. Romain Eskenazi (SOC). Alors que la France possède le plus long réseau d’Europe – 8 500 kilomètres de voies navigables sur 38 000 –, le transport fluvial de marchandises, cinq fois moins émetteur de CO2 que le transport routier, représente moins de 3 % des tonnes-kilomètres transportées. Il pourrait être multiplié par quatre dans le bassin de la Seine.
Pour soutenir ce mode de transport, l’amendement vise à accroître de 200 millions l’enveloppe allouée à Voies navigables de France (VNF). Cette montée en puissance est indispensable pour moderniser le réseau – rénovation d’ouvrages, restauration de digues ou de berges, automatisation d’écluses, verdissement de la flotte – et développer des plateformes logistiques multimodales à l’entrée des métropoles et grands centres urbains pour faciliter l’acheminement des marchandises dans les derniers kilomètres.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je partage votre avis sur le rôle des voies navigables et leur potentiel de développement.
Pour 2025, les crédits dédiés à VNF sont stables à hauteur de 254 millions. L’établissement bénéficiera par ailleurs d’une hausse du plafond de perception de la redevance hydraulique de 6,6 millions par rapport à 2024, portant l’ensemble des recettes à un point haut de 774 millions.
L’établissement est préservé des coupes budgétaires. Je serai néanmoins attentive au respect des trajectoires prévues dans le COP (contrat d’objectifs et de performance) pour les moyens humains et financiers.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD100 de M. Dominique Potier
Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de dédier 60 millions d’euros à l’aménagement d’un domaine public fluvial à énergies positives.
Face au changement climatique, les ouvrages hydrauliques et de navigation contribuent grandement à l’adaptation et à la résilience des territoires grâce à une gestion active et raisonnée de la ressource hydrique et au savoir-faire des collaborateurs de VNF. Le développement du transport fluvial participe directement à la réduction des émissions du secteur. VNF assure par ailleurs la gestion, l’acheminement et la mise à disposition de l’eau dans les territoires pour maintenir ses différents usages dans la durée et le respect des équilibres naturels.
Cet amendement vise à lancer un vaste programme d’investissement permettant à terme, et en partenariat avec VNF, de mobiliser 1 milliard d’euros. Il s’agit de passer de la parole aux actes puisque ces objectifs sont inscrits dans la loi relative à l’accélération et à la production d’énergies renouvelables ainsi que dans la loi relative à l’industrie verte.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Le développement de l’hydroélectricité est l’une des missions confiées à VNF pour valoriser le potentiel de la voie d’eau dans la production d’énergie renouvelable, favoriser le développement du multi-usage des infrastructures et dynamiser les ressources propres de l’établissement.
Conformément à la loi relative à l’industrie verte, le COP 2023-2032 réaffirme l’objectif de développement des énergies renouvelables : VNF est tenu de pérenniser les capacités de production existantes sur le réseau et d’augmenter la puissance installée pour renforcer sa participation active à la transition énergétique.
Pour ce faire, l’établissement doit se doter d’une stratégie pluriannuelle 2025-2035 intitulée « Voies navigables à énergie positive » et présenter, fin 2024, un rapport étudiant les conditions, notamment financières, de développement de la production d’énergies renouvelables des voies navigables et de leurs dépendances. Ce rapport est un préalable à l’identification des besoins financiers. En outre, n’oublions pas que certains projets sont financés par les recettes qu’ils génèrent.
Avis défavorable d’autant que nous venons d’augmenter les crédits de VNF de 200 millions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD75 de Mme Ersilia Soudais
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). L’amendement vise à augmenter les crédits alloués à VNF. L’établissement public gère le réseau de voies navigables de l’État, constitué de 6 700 kilomètres de voies, de plus de 3 000 ouvrages d’art et de 40 000 hectares de domaine public en bordure de voie d’eau. Il est un acteur clé de la bifurcation écologique.
Les savoirs des agents sont indispensables pour s’adapter aux conséquences du changement climatique. Or depuis 2017, 443 ETP (équivalents temps plein) ont été supprimés, leur nombre total passant de 4 471 à 4 028 dans le PLF pour 2025. L’amendement a donc pour objet de rétablir le plafond d’emplois de 2017.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je partage votre avis sur l’importance des agents de VNF et sur la qualité de leur travail, en particulier dans la gestion du cycle de l’eau.
Notre commission a souvent été alertée sur la baisse du plafond d’emplois de VNF. Dans le PLF pour 2025, pour la seconde fois consécutive, ce plafond est stabilisé à hauteur de 4 028 ETP.
L’établissement est préservé des coupes budgétaires. Je serai attentive au respect des trajectoires prévues dans le COP pour les moyens humains et financiers. Nous venons d’augmenter les crédits de VNF de 200 millions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD152 de M. Gérard Leseul
M. Denis Fégné (SOC). Il s’agit d’accorder 50 millions d’euros supplémentaires à l’Afit dont les recettes proviennent de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques, les amendes forfaitaires des radars automatiques, la taxe d’aménagement du territoire et la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Certaines de ces recettes ont connu une baisse significative en raison de la crise sanitaire.
La fragilité du modèle de financement des infrastructures, qui repose essentiellement sur l’Agence, est connue. Elle a été accrue ces dernières années par de multiples bricolages financiers dans des textes budgétaires rectificatifs.
Nous demandons au Gouvernement de lever le gage afin de ne pas avoir à ponctionner les crédits du programme Service public de l’énergie.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. L’Afit est désormais financée par le biais de taxes affectées prélevées sur les mobilités dites carbonées – concessions autoroutières, transport aérien, etc.
Bien que les recettes diminuent en 2025, passant de 4,6 à 3,7 milliards d’euros, l’Agence conserve un montant de recettes affectées bien supérieur à celui de 2023. Elle dispose ainsi des moyens nécessaires pour accompagner les projets prioritaires du Gouvernement, assurer le financement des restes à payer correspondant aux engagements antérieurs, et contribuer aux programmes de régénération et de modernisation des réseaux.
Cependant, j’en conviens, nous devons rester vigilants quant à l’évolution des ressources de l’Afit à court et moyen terme. M. le ministre délégué aux transports s’est engagé à mener une réflexion sur le sujet tenant compte notamment de la part croissante des véhicules électriques et de la fin des concessions autoroutières. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD179 de Mme Danielle Brulebois
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. L’amendement vise à augmenter la subvention pour charges de service public de l’Autorité de régulation des transports (ART) de 3,6 millions d’euros.
L’ART s’est vu confier de nombreuses missions nouvelles ces dernières années. La transposition du quatrième paquet ferroviaire européen a étendu les compétences de l’autorité dans le domaine de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. La loi d’orientation des mobilités a élargi ses missions à de nouveaux secteurs : la régulation des activités de gestionnaire de l’infrastructure, de gestionnaire technique ainsi que des prestations de sûreté exercées par la RATP en Île-de-France ainsi que la régulation du secteur des services numériques de mobilité. Enfin, la loi DDADUE du 8 octobre 2021 a confié à l’autorité de nouvelles responsabilités dans le secteur aéroportuaire et en matière routière.
Pour assumer ses nouvelles compétences, ses effectifs sont passés de 62,5 ETP en 2015 à 102 en 2022. Or, dans le même temps, la subvention est restée stable, autour de 11 millions, avant d’être majorée, mais insuffisamment, à 14 millions en 2022 puis à 15 millions d’euros en 2025. Aussi, chaque année, l’ART doit-elle puiser dans ses réserves pour financer ses charges. Cette situation anormale ne peut pas se prolonger indéfiniment.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD67 de M. Sylvain Carrière
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). L’amendement a pour objet de renforcer l’accessibilité des transports aux personnes en situation de handicap.
En France, 12 millions de personnes sont en situation de handicap et 15 millions développent une maladie invalidante. Or seulement 482 gares sur 3 000 sont accessibles aux personnes à mobilité réduite ; elles étaient 364 il y a deux ans ; à ce rythme, il faudrait encore plus de trente ans pour rendre l’ensemble des gares accessibles.
Nous devons faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap et leur permettre ainsi de participer pleinement à la vie sociale. Lorsque nous rendons accessibles les transports pour les personnes à mobilité réduite, cela sert aussi aux utilisateurs de poussettes, aux personnes âgées et aux femmes enceintes.
Nous revendiquons un nivellement par le haut en matière d’accessibilité des équipements publics. Nous devons y consacrer les moyens nécessaires afin de rattraper notre retard.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Le programme de mise en accessibilité des gares est le premier programme d’investissements de la société SNCF Gares et connexions – cela représente près de 350 millions tous les ans. De son côté, l’État a dégagé près de 120 millions en 2024 dont 100 millions au titre de la nouvelle génération de contrats de plan État-région 2023-2027.
En tout état de cause, comme l’État s’y est engagé lors de la Conférence nationale du handicap d’avril 2023, les travaux de l’ensemble des gares nationales seront lancés d’ici à la fin 2027. Les enveloppes prévues dans le cadre des volets mobilité des CPER 2023-2027 sont dimensionnées à cet effet : 928 millions d’euros dont 384 pour la part de l’État sont inscrits dans les avenants mobilité.
Il est encore trop tôt pour savoir si ces moyens seront insuffisants pour atteindre les objectifs fixés. Avis défavorable.
M. Peio Dufau (SOC). Je travaille à SNCF Gares et connexions. Je peux d’ores et déjà vous annoncer que les crédits que vous avez évoqués ne seront pas suffisants pour assurer l’accessibilité de l’ensemble des gares.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD68 de M. Sylvain Carrière
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). L’amendement vise à généraliser le développement des plateformes de mobilité. Déployées à l’échelle des bassins de mobilité, elles assurent le lien entre les usagers et les organisateurs de la mobilité.
En France, 15 millions de personnes souffrent de précarité dans leur mobilité, soit 1,7 million de plus qu’en 2022. Pour nombre d’entre elles, la cause en est le manque d’harmonisation entre les types de transports.
Prenons l’exemple d’un bus qui arrive dix minutes après le début des cours au collège, aucun élève ne le prendra. En avançant son départ de dix minutes, le report modal deviendrait possible. Les plateformes de mobilité permettent de tels ajustements mais elles restent trop peu développées.
En 2017, des expérimentations ont été menées par WeMove. Le rapport sur les incidences économiques de l’action pour le climat de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, qui les mentionne, conclut qu’un euro investi dans une plateforme permet en retour une économie de 6 euros à la collectivité. Pour offrir à 5 000 personnes supplémentaires un accompagnement à la mobilité en 2025, nous proposons d’engager 50 millions d’euros.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je reconnais l’utilité des plateformes de mobilité pour les publics spécifiques, qui ne trouvent pas de solution dans le système classique et qui ont besoin d’un accompagnement vers l’autonomie.
Cependant, les autorités organisatrices des mobilités disposent déjà d’une certaine latitude pour investir dans ces dispositifs en fonction des besoins locaux. Le Laboratoire de la mobilité inclusive a référencé 221 plateformes en 2023, qui font d’ailleurs souvent l’objet d’un accompagnement ou d’un soutien financier de l’État.
Il est donc préférable de laisser ces autorités adapter les solutions en fonction des spécificités de leur territoire, plutôt que d’imposer un déploiement généralisé qui ne correspondrait pas forcément aux attentes ou à la réalité des territoires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD166 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement tend à soutenir la transition écologique des entreprises de transport maritime, par la création d’un fonds doté de 125 millions d’euros.
Le soutien de l’État se résume à des mesures en faveur de la compétitivité, de l’emploi et de la modernisation de la flotte de commerce. Ces objectifs sont insuffisants car ils occultent les enjeux écologiques.
Il convient, d’une part, de repenser la place des échanges internationaux dans nos modes de consommation et, d’autre part, de réussir la décarbonation de la part du transport maritime qui restera nécessaire.
Le fonds pourra être alimenté par l’affectation d’une part des revenus du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, qui inclut depuis cette année les émissions du transport maritime.
M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. Je partage l’objectif de décarbonation et le transport maritime s’y attelle. J’ai déjà évoqué les zones Seca (zones de contrôle des émissions de soufre) ; les changements de carburant ; le recours à la propulsion vélique.
Dans le cadre de la stratégie nationale portuaire adoptée en 2021, l’État soutient les investissements dans les grands ports maritimes visant au déploiement de l’offre d’électricité à quai à hauteur de 175 millions. Pour l’heure, 4 milliards ont été engagés. Les réalisations concrètes en matière d’électrification des ports sont là : Marseille va devenir le premier port 100 % électrique d’ici à 2028, il est déjà le premier port connecté en Europe pour les ferrys.
Le travail est fait, les choses avancent. Votre amendement est satisfait. Je vous invite à le retirer, à défaut, j’y serai défavorable.
M. Karim Benbrahim (SOC). Mon amendement ne concerne pas l’électrification des ports mais plutôt le changement de propulsion des navires.
Le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne procure une nouvelle source de financement. Il serait incompréhensible que les projets de recherche et développement pour construire des navires moins polluants ne bénéficient pas des fonds de l’Union européenne. Je maintiens mon amendement dans la mesure où vous ne répondez pas aux questions qu’il soulève.
M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. J’ai commencé mon propos en évoquant l’évolution obligatoire de la propulsion des navires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD148 de M. Romain Eskenazi
M. Romain Eskenazi (SOC). J’ai bien conscience que le Gouvernement cherche des économies partout mais elles n’ont pas lieu d’être lorsque la sécurité est en jeu. Je parle là du sauvetage en mer.
Au cours de l’été, on a dénombré 983 situations de noyade dont 27 % – 268 – se sont soldées par des décès ; les deux tiers des personnes ont été sauvées par les membres de la SNSM qui sont pour beaucoup des volontaires.
Le budget de le SNSM finance la formation, la création de postes de secours, ou encore la signalétique en mer. Or il subit cette année une baisse de 30 %, soit 3 millions d’euros. Je demande donc non pas une augmentation mais simplement le maintien des crédits par rapport à l’année dernière. Il s’agit de sauver des vies sur nos plages.
M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. Il y a trois ou quatre ans, nous avons voté une hausse de la subvention de la SNSM de 4,5 millions portant l’aide de l’État à 10 millions par an. C’est énorme. La bonne nouvelle cette année provient des recettes de la taxe sur les éoliennes maritimes qui représentent 1,7 million – la SNSM en perçoit 5 %.
Je vous demande de retirer votre amendement sans quoi je serai obligé de donner un avis défavorable. J’aimerais que la SNSM commence à valoriser les investissements dont elle a bénéficié. Elle a reçu beaucoup d’argent et elle en lève aussi grâce à ses très nombreuses actions qui suscitent des dons importants. Je félicite d’ailleurs les bénévoles pour leur engagement exceptionnel. N’oublions pas non plus ceux qui vont en mer faire du sauvetage.
Je voudrais que la SNSM commence à rénover sa flotte. Le programme est lancé depuis cinq ans mais il est difficile de trouver le bon chantier pour construire les navires, notamment de première catégorie.
Je vous jure que la SNSM a ce qu’il faut pour l’instant.
M. Pierre Meurin (RN). Nous voterons avec grand plaisir l’amendement. Conformément à notre opposition constante aux énergies intermittentes, nous sommes très heureux de prendre de l’argent aux éoliennes pour le donner au sauvetage en mer.
M. Romain Eskenazi (SOC). Je salue la force de conviction du rapporteur pour avis. Je remercie M. Meurin pour son soutien mais je l’invite à lire l’exposé sommaire jusqu’au bout. Nous y précisons que « notre volonté n’est pas de réduire les crédits du programme 345 Service public de l’énergie, c’est la raison pour laquelle nous demandons au Gouvernement de lever le gage. »
M. Pierre Meurin (RN). J’invite le Gouvernement à ne pas lever le gage.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD77 de Mme Ersilia Soudais
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Il s’agit d’adopter un plan de reconversion pour les salariés travaillant dans le secteur des jets privés dont nous prônons l’interdiction dans l’espace aérien français.
Alors que le Gouvernement appelle à la sobriété énergétique, les ultra-riches sont épargnés et continuent de nous étouffer avec leur bilan carbone désastreux. Kylian Mbappé a ainsi parcouru en jet privé pas moins de 6 600 kilomètres en cinq jours de l’Espagne à la Suède en passant par la France.
Le jet privé reste le symbole d’un mode de vie écocidaire. Entre 2005 et 2019, les émissions de CO2 de ces appareils en Europe ont augmenté de près d’un tiers ; leur usage est cinquante fois plus polluant qu’un trajet en train. La situation est d’autant plus scandaleuse que des liaisons ferroviaires à grande vitesse existent sur 70 à 80 % des dix itinéraires les plus empruntés par les jets privés.
Par cet amendement, nous proposons donc la reconversion des salariés dans des secteurs contribuant à la bifurcation écologique tels que le ferroviaire, la rénovation thermique ou les énergies renouvelables.
M. Romain Eskenazi, rapporteur pour avis. Le groupe Socialistes ne défend pas, à court terme, l’interdiction des jets privés mais leur très forte taxation. La proposition du Gouvernement en la matière est assez encourageante mais nous souhaitons aller plus loin.
Je suis néanmoins favorable à votre amendement. L’inévitable baisse de l’activité des jets privés qu’entraînera la taxation – l’instauration d’un couvre-feu de huit heures par nuit dans les douze plus grands aéroports que je propose pourrait accentuer cette tendance – fera naître des besoins de reconversion professionnelle. Je suggère même d’élargir le plan à toutes les personnes qui travaillent aujourd’hui dans le secteur aérien puisque l’objectif est bien un ralentissement de la croissance du trafic pour des raisons écologiques et sanitaires.
M. Emmanuel Blairy (RN). Madame Soudais, vous refusez le progrès.
Sans prétention, je me permets de vous rappeler que l’homme à ses débuts marchait puis il s’est déplacé à cheval avant de recourir aux bateaux puis vint le train et enfin les moteurs thermiques et l’avion.
Ne devrions-nous pas plutôt nous intéresser à la pollution émise par un cargo qui traverse le monde grâce aux traités de libre-échange que vous soutenez parfois ?
Vous voulez reconvertir les salariés du secteur des jets privés, mais avez-vous un plan de reconversion pour les agriculteurs qui croulent sous les normes ?
Vous préférez une fois encore l’idéologie au bon sens paysan.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). C’est pathétique, monsieur le député. Je suis atterrée de vous entendre tout mélanger. Vous partez des jets privés pour arriver aux agriculteurs en passant par le libre-échange.
La seule cohérence dans votre pensée est le soutien que vous apportez à la fois aux ultra-riches qui se déplacent en jet privé et aux tenants de l’agrobusiness.
Loin de votre discours démagogique, vous devriez savoir que les agriculteurs sont les premiers à pâtir de l’utilisation de pesticides. Les normes environnementales sont là aussi pour les protéger.
Vous avez refusé de soutenir tous les amendements qui augmentaient les crédits alloués au ferroviaire et au vélo, parce que votre modèle, c’est la bagnole, chère à Emmanuel Macron. Vous préférez protéger les jets privés plutôt que soutenir des modes de déplacement absolument indispensables pour le futur. Vous êtes en commission du développement durable, essayez au moins de faire un petit peu semblant.
M. Peio Dufau (SOC). Vous êtes un peu schizophrènes. Tout à l’heure, vous défendiez le propriétaire de la Twingo contre celui du Porsche Cayenne et maintenant vous défendez les propriétaires de jets privés !
M. Pierre Meurin (RN). Je vous remercie, madame Guetté, pour vos leçons de morale mais contrairement à vous, nous n’avons pas voté pour Emmanuel Macron.
La gauche s’oppose à toute forme de progrès. Vous voudriez presque revenir à la traction animale voire humaine.
Ce que vous appelez avec beaucoup de mépris le modèle de la bagnole, c’est celui que connaissent les Français qui travaillent, ceux des zones rurales. Vous êtes complètement déconnectée.
L’amendement est purement incantatoire ; il est d’ailleurs présenté comme un amendement d’appel. Vous voulez interdire les jets privés mais vous soutenez les éoliennes qui sont fabriquées avec du balsa issu de la déforestation de l’Amazonie. Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de son doigt.
La commission adopte l’amendement.
Article 43 et état C : Crédits des budgets annexes
Amendement II-CD76 de Mme Clémence Guetté.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Nous constatons la forte reprise des flux aériens. En 2019, on a recensé un peu plus de 700 000 mouvements aériens à Paris-Charles-de-Gaulle et à Paris-Orly ; après une baisse due à la crise du covid, les entreprises aériennes ont multiplié leurs offres pour compenser les pertes financières liées à la crise sanitaire. Cette reprise cause des nuisances sonores extrêmement fortes, lesquelles ont des effets sanitaires très graves pour les riverains des aéroports, par exemple à Orly qui se trouve dans ma circonscription. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous alerte sur le fait que le bruit constitue le deuxième facteur environnemental provoquant le plus de dommages sanitaires en Europe derrière la pollution atmosphérique ; or l’avion, c’est la pollution et le bruit, puisqu’un décollage dégage plus de 130 décibels.
L’amendement vise à créer un organe de contrôle chargé de garantir le respect des couvre-feux légaux, de minimiser les nuisances sonores et de sanctionner les compagnies qui dérogeraient aux règles.
M. Romain Eskenazi, rapporteur pour avis. Je vis depuis trente-deux ans sous les avions de Roissy et j’ai axé mon rapport sur les impacts climatiques et les nuisances sonores du trafic aérien, qui font peser des risques sur la santé, notamment des troubles cardiovasculaires et du sommeil. Voilà pourquoi je recommande l’établissement d’un couvre‑feu à l’échelle nationale pour préserver la santé et le sommeil des riverains des aéroports qui sont trop nombreux en France : j’espère que la commission nous soutiendra dans ce combat. Je partage donc totalement votre constat.
Votre amendement vise à créer un nouveau programme au sein du budget annexe dédié au contrôle des nuisances. Le programme 614 Transports aériens, surveillance et certification du budget annexe comprend déjà une composante relative à la réduction des nuisances sonores et atmosphériques à proximité des aéroports.
En outre, l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa), autorité administrative indépendante, a déjà pour mandat de garantir le respect des couvre‑feux et des autres restrictions. Elle a d’ailleurs infligé 639 sanctions en 2023 pour un montant de 11,7 millions d’euros d’amende aux compagnies aériennes. Le budget de l’Acnusa relève du programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologique, du développement et de la mobilité durables et non du budget annexe, aussi préconiserai-je plutôt, comme je le recommande dans le rapport, de tripler le plafond des amendes pouvant être distribuées aux compagnies aériennes en cas de manquement aux prescriptions en vigueur car les sommes encourues sont actuellement trop peu dissuasives.
Je me réjouis que le ministre délégué chargé des transports ait annoncé tout à l’heure que quelqu’un serait nommé à la tête de l’Acnusa dans le mois qui vient, la présidence étant vacante depuis avril. De ce fait, aucune amende n’a pu être prononcée et les dossiers restent en souffrance malgré le travail des services de l’Autorité.
Enfin, je défends l’élaboration de nouvelles restrictions, notamment l’interdiction de décollages et d’atterrissages nocturnes, afin d’aboutir à un juste équilibre entre la préservation de cette activité économique et celle de la santé des riverains et du climat.
Je m’en remets à la sagesse de la commission sur l’amendement, en recommandant de privilégier une augmentation de l’action 26 du programme 217 qui porte sur l’Acnusa, même si je suis évidemment favorable à l’augmentation des moyens dédiés au contrôle et aux sanctions des nuisances aériennes.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Conformément à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), les amendements à la seconde partie du PLF peuvent transférer des crédits d’un programme à l’autre, sous réserve de la disponibilité de ceux-ci. J’appelle votre attention sur le fait que, compte tenu des amendements que nous avons déjà adoptés, le programme 174 Énergie, climat et après-mines n’aura bientôt plus de crédits disponibles – il ne reste plus que 600 millions en crédits de paiement (CP). Cela rendrait irrecevables, à la commission des finances ou en séance publique, les amendements suivants transférant les crédits de ce programme.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.
Après l’article 60
Amendement II-CD17 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). Au risque de revenir sur un sujet qui fâche, l’amendement vise à interdire tout financement de nouvelles autoroutes ou de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) par de l’argent public. Ces projets ne répondent à aucun enjeu de nos politiques de transport, ils empêchent la décarbonation des mobilités du quotidien, ils augmentent la pollution de l’air, ils détruisent les sols – que l’on songe aux 1 500 hectares de terrains fertiles artificialisés pour la construction de la ligne reliant Lyon à Turin –, ils constituent une débauche d’argent public – le PLF affecte près de 325 millions en autorisations d’engagement (AE) et 464 millions en CP au financement de l’Afit et de nouveaux réseaux routiers – et ils ne sont même pas utiles à tous nos concitoyens puisque les TGV sont utilisés par les personnes les plus aisées et que les autoroutes sont délaissées quand une alternative gratuite existe même si celle-ci est un peu moins rapide.
L’amendement ne minore pas les ressources de l’Afit mais il recentre ses investissements vers d’autres types d’infrastructures comme les lignes de train du quotidien, les trains de nuit, les pistes cyclables – les crédits du fonds Vélo sont gelés pour cette année et rien n’est prévu pour 2025 –, la régénération et l’entretien du réseau routier existant, qui souffre effectivement du changement climatique. Il n’est en revanche plus possible qu’un flot d’argent public finance des projets à contretemps de la crise écologique : soyons un peu modernes, chers collègues.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure avis. L’amendement propose de cesser de financer de nouvelles lignes LGV et autoroutes par l’Afit, en raison de leur impact écologique. Cependant, ces infrastructures sont essentielles pour l’amélioration de la mobilité. Les lignes LGV, comme Lyon-Turin, favorisent le report modal du transport routier et aérien vers le rail, contribuant à la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2). Quant aux autoroutes, elles restent parfois indispensables pour les territoires ruraux et périurbains, dans lesquels les alternatives de transports collectifs sont limitées.
Par ailleurs, les crédits pour les projets autoroutiers diminuent de près de 30 % en AE et en crédits de paiement, afin de donner la priorité aux mobilités décarbonées et à la régénération du réseau routier existant. Une approche équilibrée est nécessaire pour continuer à moderniser les infrastructures tout en limitant leur impact environnemental.
L’avis est défavorable.
M. Pierre Meurin (RN). L’amendement est la quintessence de l’idéologie écolo que nous combattons. Il cible également les routes à chaussées séparées par un terre-plein central, c’est-à-dire les voies sur lesquelles la vitesse est limitée à 110 kilomètres par heure. Celles-ci permettent de désenclaver les villes moyennes et les territoires ruraux. La ville d’Alès, qui se situe dans ma circonscription, n’est pas reliée à Nîmes : l’adoption de l’amendement empêcherait de finir cette route, qui a pour objectif de désengorger Nîmes grâce à l’aménagement d’un contournement.
Les bouchons résultent de l’absence d’infrastructures routières suffisantes pour absorber la croissance démographique : il est donc nécessaire d’aménager des contournements des villes et de construire de nouveaux tronçons routiers pour désengorger des agglomérations et des territoires. Les embouteillages polluent davantage que la circulation à une allure normale. L’adoption de votre amendement créerait des bouchons, donc de la pollution. Il en va de même de la suppression de places de stationnement dans une ville, laquelle accroît la pollution car les véhicules roulent plus longtemps pour pouvoir se garer.
Un amendement aussi idéologique montre à quel point vous ne vous souciez pas de l’amélioration de la qualité de l’air ; votre unique préoccupation est de taper sur les honnêtes gens qui roulent en voiture. Il est temps que cesse votre obsession, qui vire à une forme de pathologie politique.
M. Peio Dufau (SOC). Je viens de vérifier : il existe des voies ferrées entre Alès et Nîmes. Nous sommes donc sauvés !
Mme Lisa Belluco (EcoS). Ayant fait mes études à Alès, je connais assez bien le sujet. La suppression d’un cul-de-sac ferroviaire a permis de gagner près d’un quart d’heure entre Alès et Nîmes. La liaison entre les deux villes est désormais de bonne qualité, même s’il convient peut-être d’améliorer la fréquence des trains, ce qui nécessiterait d’adopter des amendements visant à accorder des moyens supplémentaires au transport ferroviaire en ponctionnant les lignes dédiées aux nouvelles autoroutes et LGV. Je vous remercie en tout cas d’avoir cité cet exemple, qui illustre parfaitement l’inutilité de la route lorsqu’on fait des travaux sur le rail.
M. Pierre Meurin (RN). Votre raisonnement est valable si vous habitez à deux minutes de la gare. Mais si vous vivez à Vézénobres, à sept kilomètres d’Alès, comment faites-vous pour gagner la gare sans prendre la voiture ? Peut-être voudrez-vous remplacer la route par une piste cyclable, mais allez expliquer votre projet aux gens… Je vous vois protester, mais vous avez bien parlé de « l’inutilité de la route », de façon générale et absolue. Les écologistes souhaiteraient voir la totalité des routes disparaître de la carte de France – l’amendement va d’ailleurs dans ce sens, puisqu’il vise à instaurer un moratoire sur les projets routiers, de façon générale. Vous êtes complètement hors-sol. L’exemple que j’ai cité était bon, et vos arguments complètement coupés de la réalité.
Vous opposez les mobilités les unes aux autres. Au contraire, la route, le rail et éventuellement les mobilités douces doivent être complémentaires. Votre idéologie antivoiture vous coupe de cette intelligence de l’intermodalité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD55 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Ce que j’ai dit tout à l’heure à M. le ministre délégué, je vais le répéter pour nos collègues d’extrême droite qui votent contre le train, contre le vélo et contre tout moyen de sortir les gens de la précarité mobilité. Ils pensent que le seul choix qui doit rester aux ruraux, c’est la voiture individuelle – tant pis pour leur santé et leur porte‑monnaie –, à moins que ce ne soit le jet privé… Nous, écologistes, défendons la liberté de choisir son mode de mobilité, y compris à la campagne.
En 2024, 12,3 milliards d’euros d’argent public sont provisionnés pour seulement cinquante-cinq projets routiers ou autoroutiers ; à l’heure de la disette financière, cet argent n’ira pas financer d’autres modes de mobilité. Seuls 30 millions sont alloués chaque année aux alternatives de mobilité en ruralité – aux navettes, à la structuration du covoiturage, aux solutions cyclables, au transport à la demande, à l’autopartage… Or, 30 millions d’euros, c’est aussi le coût d’un simple échangeur routier. Nous proposons donc d’arrêter de mettre des milliards dans des projets qui n’ajoutent aux routes que de nouvelles routes et n’aident pas les gens dans la galère à rouler dessus ; pour ce faire, notre amendement vise à interdire à Afit France de financer des projets à contretemps des impératifs écologiques de préservation des sols et de développement de réseaux de transport durables et accessibles à tous.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les raisons déjà évoquées en réponse à l’amendement II-CD17.
M. Julien Guibert (RN). Du fait de l’ouverture du réseau ferroviaire à la concurrence, ma région, pourtant dirigée par le Parti socialiste, le Parti communiste français et Europe Écologie-Les Verts, va faire fermer des lignes rurales. À compter de 2035, le technicentre de Varennes-Vauzelles, le plus gros employeur de ma circonscription et de mon département, risque également de fermer car nous n’avons aucune assurance que les sociétés ferroviaires privées l’utilisent pour assurer la maintenance de leurs trains. Par ailleurs, la gauche a supprimé l’accueil du public et fermé les guichets des gares de Saint-Florentin-Vergigny, Tonnerre, Pont-sur-Yonne et Villeneuve-sur-Yonne. Enfin, à la suite de la conclusion d’une nouvelle convention TER entre la région et la SNCF, nous avons dû nous battre pour éviter que les contractuels ne soient pas renouvelés, notamment dans les gares d’Avallon et Clamecy. Vous pouvez donc garder vos leçons de morale !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD101 de M. Sylvain Carrière
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Nous demandons un rapport sur les modalités de nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes. En effet, il n’est pas acceptable que des entreprises accumulent des profits considérables sur le dos des Français. Chaque année, les prix des péages augmentent davantage que l’inflation et certaines sociétés autoroutières refusent de payer des taxes qu’elles doivent à l’État. Pourtant, c’est open bar : les concessions sont distribuées à tout-va, au premier venu.
D’aucuns, comme l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, qui fut d’ailleurs l’un des artisans de la privatisation, crient au soviétisme lorsqu’il est question d’une nationalisation qui coûterait 50 milliards d’euros. Mais quel est le manque à gagner pour l’État ? D’après le rapport du Sénat sur la rentabilité des autoroutes, 55 milliards de dividendes seront distribués par Vinci et Eiffage entre 2006 et 2036 – une somme bien inférieure aux quelque 17 milliards payés par ces entreprises pour avoir le droit d’exploiter les autoroutes.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. L’enjeu, pour l’État, est plutôt d’anticiper la fin des concessions actuelles et de préparer les futures modalités de gestion des autoroutes. Cela implique de suivre les conditions de fin des contrats actuels, de réexaminer les conditions d’un éventuel renouvellement des concessions et de renforcer le cadre réglementaire pour s’assurer que ces dernières soient conformes à l’intérêt général. Il convient aussi de déterminer les modalités d’utilisation des financements dégagés en faveur des mobilités durables. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
3. Réunion du mercredi 23 octobre 2024 matin
Mission Écologie, développement et mobilités durables : Protection de l’environnement et prévention des risques ; Transition énergétique (M. Vincent Thiébaut et Mme Claire Lejeune, rapporteurs pour avis)
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Nous abordons maintenant les thématiques suivantes : prévention des risques ; sûreté nucléaire et radioprotection ; énergie, climat et après-mines.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis (Protection de l’environnement et prévention des risques). L’actualité des dernières semaines nous a rappelé l’exposition du territoire français aux risques, en particulier naturels.
Mon rapport porte sur le programme 181 Prévention des risques – naturels, technologiques, industriels ou miniers – et englobe aussi le financement de l’Ademe (Agence de la transition écologique) ; s’y ajoute cette année un nouveau programme 235 consacré à la nouvelle autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Alors même que les crédits destinés à financer l’Autorité de sûreté nucléaire n’y sont plus inscrits, les crédits de paiement (CP) et les autorisations d’engagement (AE) du programme 181 ne connaissent qu’une légère baisse, s’établissant à 1,308 milliard d’euros pour les premiers et à 1,311 milliard pour les seconds.
La diminution des crédits de l’action 01 Risques technologiques et pollutions ne reflète pas un recul global par rapport aux années antérieures mais une réduction des moyens alloués au plan d’action interministériel sur les substances per- et polyfluoroalkylées (Pfas) : 5 millions, répartis entre l’État et certains opérateurs, y seront consacrés contre 10 millions en 2024. Nous prenons conscience progressivement de l’ampleur de l’exposition de la population à des pollutions d’origine chimique. Parmi les substances chimiques potentiellement nocives, les Pfas commencent à être mieux identifiées dans les différents milieux et les risques liés à l’exposition davantage étudiés. Pour maintenir l’effort budgétaire et poursuivre le travail sur ces substances, je proposerai un amendement visant à rehausser les crédits de 5 millions d’euros.
Je souligne par ailleurs la nécessité de maintenir, voire d’augmenter les effectifs de l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) afin que les contrôles augmentent dans les années à venir pour atteindre 27 000 par an.
En ce qui concerne la prévention des risques naturels, mon rapport s’intéresse plus particulièrement aux risques d’inondation et de submersion, ceux auxquels sont exposés le plus grand nombre de territoires et d’habitants tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer. La stabilité des crédits de l’action 10 Prévention des risques naturels et hydrauliques ne doit pas masquer des charges croissantes, assumées notamment par les collectivités territoriales, pour améliorer la protection des populations et mieux gérer les crues.
L’année 2024 a été marquée par le transfert de la responsabilité des digues domaniales aux établissements publics chargés de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Ce transfert s’accompagne d’un versement direct de la part de l’État pour assumer les coûts d’entretien à venir ou de dispositifs de financement susceptibles d’être mobilisés au fil du temps. Les programmes d’actions de prévention des inondations (Papi) vont progressivement produire leurs effets et des travaux devront être lancés. Les collectivités comme les administrations déconcentrées de l’État soulignent l’ampleur du travail à accomplir pour entretenir ou étendre les systèmes d’endiguement, entretenir les cours d’eau, programmer des aménagements des milieux naturels tels que des zones d’expansion des crues.
Les collectivités peuvent faire appel au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, qui octroie des financements pour des études ainsi que pour des travaux préventifs ou de réduction de la vulnérabilité. Avec 225 millions en AE et 220 millions en CP, les moyens du fonds restent constants. Après les nombreux épisodes récents d’inondations et de pluies, une hausse paraît souhaitable dès 2025 pour renforcer les moyens de prévention et de protection. Les auditions ont également mis en lumière la nécessité d’accroître les ressources humaines ainsi que l’ingénierie et d’accompagner davantage les collectivités et les établissements publics.
Le programme 181 comprend aussi le budget de l’Ademe. Cet opérateur de l’État, qui intervient dans de nombreux domaines, est indispensable pour aider la France à suivre la trajectoire de décarbonation qu’elle s’est fixée. Les crédits de paiement, qui passent de 879 à 905 millions d’euros, lui permettront essentiellement d’honorer ses paiements en 2025. Nous ne savons pas encore quels projets l’Ademe pourra s’engager à financer à partir de 2025 pour les années suivantes. Les moyens qui leur sont octroyés sont précisés dans le budget voté par le conseil d’administration de l’établissement en décembre.
Or l’État, majoritaire au conseil d’administration, a fait part de son souhait d’une baisse du budget d’engagement, appelé aussi budget incitatif, d’environ 30 à 35 %. De 1,37 milliard, il pourrait passer à 900 millions environ. Cette diminution globale conduirait à réduire les moyens des deux principaux fonds d’intervention de l’Ademe : le fonds chaleur et le fonds économie circulaire.
Le fonds chaleur serait particulièrement affecté et pourrait être privé de 300 millions pour financer de nouveaux projets. Or, c’est un outil particulièrement efficace pour décarboner notre consommation de chaleur. De nombreuses collectivités locales et entreprises comptent sur les financements de l’Ademe pour développer des installations individuelles ou des réseaux de chaleur urbains. En 2023 le fonds chaleur a soutenu, avec un budget de 601 millions d’euros, 1 400 projets, pour un montant total d’investissements d’environ 1,7 milliard d’euros, qui généreront 2,8 térawattheures par an de production prévisionnelle supplémentaire d’énergies renouvelables et de récupération. Le budget du fonds a été porté à 820 millions en 2024.
Afin de ne pas compromettre la capacité de l’Ademe à agir et à instruire de nouveaux projets, nous demandons au Gouvernement de revoir à la hausse la limite maximale du budget incitatif. De notre côté, nous proposerons d’augmenter la subvention pour charge de service public de l’opérateur.
J’en viens à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), issue de la fusion de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) que le Parlement a définitivement approuvée en mai dernier. Il s’agit donc d’une nouvelle autorité administrative indépendante appelée à jouer un rôle crucial pour garantir la sûreté des installations nucléaires civiles et soutenir le programme de construction des nouveaux réacteurs. Elle verra ses capacités d’expertise renforcées tant en matière de sûreté que de radioprotection et d’exposition aux rayons ionisants. Elle sera également un organisme de recherche – une première mondiale pour une autorité de sûreté nucléaire.
La fusion de deux entités aux activités partiellement complémentaires mais aux statuts juridiques différents doit être réalisée en un temps record : moins d’une année aura été laissée aux établissements pour organiser leur rapprochement. Une première organisation temporaire sera instituée pour que l’ASNR unifie les fonctions dites support essentielles à son activité et que les équipes dites métiers des deux entités poursuivent leurs activités à peu près à l’identique dans un premier temps.
Si les deux entités ont réussi à organiser la fusion pour leur personnel et à identifier les textes réglementaires nécessaires au rapprochement et à la poursuite de leurs activités, la réflexion sur la future organisation unifiée nécessitera plus de temps. Le coût d’une telle réorganisation dans une structure qui comptera entre 2 100 et 2 500 agents ne doit pas être minimisé et ses conséquences sur le fonctionnement et les ressources humaines ne doivent pas être ignorées.
Selon les auditions et les éléments à ma disposition, les besoins ne sont pas totalement couverts par la dotation du programme 235. Il est prévu 365 millions d’euros en CP – 226 millions de crédits de personnel pour 2 027 ETP (équivalents temps plein) et 138 millions d’euros de crédits autres nécessaires au fonctionnement de l’autorité.
Les deux entités avaient évalué le budget de fonctionnement de la future ASNR à 158 millions d’euros, pour une enveloppe totale de quelque 388 millions. Les moyens de la future autorité pourraient être augmentés si l’administration fiscale tranchait favorablement la question des règles fiscales applicables à la future autorité, notamment la récupération ou non de la TVA. Le rescrit fiscal ne sera pas connu avant fin novembre. Afin d’assurer un démarrage satisfaisant à l’ASNR qui devra relever de nombreux défis, je proposerai d’augmenter son budget de 10 millions.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis (Transition énergétique). Nous vivons les conséquences de notre échec à agir suffisamment fort et vite face au dérèglement climatique. Si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de neutralité carbone en 2050, la bifurcation écologique doit être engagée dès maintenant. Cette transformation profonde de nos modes de production et de consommation doit concerner au premier chef deux secteurs : celui des transports, qui a consommé 34 % de l’énergie finale et émis près d’un tiers des gaz à effet de serre en 2023 ; celui du bâtiment, qui a représenté 44 % de la consommation énergétique finale et près de 18 % des émissions de gaz à effet de serre.
La bifurcation écologique implique une planification qui replace l’État dans un rôle stratégique et qui lui redonne des moyens significatifs, à la fois budgétaires et réglementaires, dans ses rapports avec les acteurs économiques.
Pourtant, alors que la transition énergétique constitue l’un des plus grands défis de notre siècle, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une baisse drastique et sans précédent des crédits budgétaires qui y sont consacrés. Les crédits du programme 174 s’élèvent à 2,4 milliards d’euros en AE et à 2,1 milliards en CP. À périmètre constant, ils diminuent respectivement de 41,6 % et de 35,7 %.
Je souligne une nouvelle fois la contradiction des discours qui alertent sur la dette écologique sans consacrer les financements nécessaires à sa réduction. En effet, en l’absence de financements pluriannuels, la seule chose qu’il est possible de planifier est notre échec à atteindre nos objectifs.
Les signes d’une planification inexistante ne manquent pas : l’absence de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui aurait dû être promulguée avant le 1er juillet 2023, la non-publication des documents de planification – Stratégie nationale bas carbone (SNBC), troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) –, sans oublier une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et énergétique de l’État qui, contrairement à ce que son nom indique, ne comporte pas de trajectoire pluriannuelle de financement.
La forte baisse du budget brise la dynamique des investissements nécessaires pour réussir la transition énergétique et atteindre nos objectifs en 2030. Pourtant, l’investissement public dans ce domaine est financièrement rentable pour l’État. Une étude du collectif Rénovons montre ainsi que la rénovation énergétique des bâtiments assure à l’État un bénéfice net de 1,13 euro pour chaque euro investi.
En outre, toutes les personnes auditionnées ont pointé le besoin de lisibilité et de prévisibilité de l’action publique, à la fois en matière de verdissement du parc automobile et de rénovation énergétique des logements.
À rebours de l’ensemble des recommandations scientifiques, le budget 2025 traduit une vision de court terme, qui rendra le coût de la transition plus élevé à l’avenir et qui pénalisera davantage les ménages modestes et les classes populaires. La précarité énergétique a des conséquences sanitaires importantes, alors que la pauvreté constitue un facteur aggravant face à la pollution de l’air.
J’en viens au premier thème de mon avis budgétaire : les aides à l’acquisition de véhicules propres, financées par l’action 3 du programme 174. Les crédits de cette action connaissent une chute sans précédent. Ils s’élèvent ainsi à 970 millions d’euros, contre 1,5 milliard en 2024, soit une baisse de plus de 35 %. Les trois dispositifs d’aide que sont le leasing social, le bonus écologique et la prime à la conversion sont clairement menacés même si nous ignorons à ce stade comment la baisse des crédits affectera chacun d’eux. Ce choix est d’autant plus inquiétant que l’achat d’un véhicule électrique reste, en dépit des aides actuelles, inaccessible pour les ménages modestes et les classes moyennes.
Tant que les ménages ne peuvent se passer de la voiture pour leurs trajets du quotidien, faute de solutions de mobilité, les véhicules électriques doivent être accessibles pour tous, dans tous les territoires.
Pour ce faire, le leasing social doit être massifié. Le succès de ce dispositif, lancé en janvier 2024, montre qu’il répond à une demande populaire d’un véhicule écologique à un prix abordable. Il a bénéficié à des ménages qui n’auraient pas pu acquérir de véhicule neuf. Il a permis de réorienter le soutien de l’État vers de plus petits véhicules électriques, à la fois plus accessibles et plus vertueux sur le plan environnemental. Pourtant, le précédent gouvernement a mis fin au dispositif de manière brutale, à peine six semaines après son lancement.
Il convient au contraire de l’amplifier en 2025 pour qu’il concerne au moins 100 000 véhicules. Le leasing doit également être mieux ciblé sur les ménages des premiers déciles. L’aide publique par véhicule, estimée à 13 000 euros en 2024, pourrait être réduite afin de mettre davantage à contribution les constructeurs et les sociétés de leasing, qui bénéficient largement du dispositif.
Le bonus écologique et la prime à la conversion doivent être préservés. Cette dernière est particulièrement menacée alors que plusieurs études ont montré ses effets positifs sur le plan social, environnemental et économique. Je propose, dans mon avis, différentes pistes de réforme du bonus écologique et de la prime à la conversion, afin de les orienter vers des véhicules plus légers, plus accessibles pour les ménages modestes, et plus vertueux sur le plan environnemental.
Les politiques de verdissement de la flotte ne doivent pas se limiter à l’électrification des véhicules. D’abord, celle-ci doit s’inscrire dans une politique de transition globale des mobilités comprenant un renforcement des mobilités douces et un développement des transports en commun. Ensuite, les véhicules doivent être plus sobres, moins consommateurs de matières premières et accessibles aux ménages modestes.
Or la part des SUV dans les ventes de voitures neuves en France a été multipliée par dix en quinze ans pour atteindre 49 % en 2023. Pourtant, la propagation des SUV soulève plusieurs problèmes : ces véhicules sont jusqu’à cinq fois plus consommateurs de métaux critiques – lithium, nickel, cobalt – qu’une petite citadine ; leur acquisition reste inabordable, y compris sur le marché de l’occasion, pour les classes populaires ; ils posent en outre des questions de sécurité routière, puisqu’un piéton a entre 30 % et 100 % de risques supplémentaires d’être tué en cas de collision avec un SUV qu’avec une voiture standard.
À rebours de la stratégie de montée en gamme des industriels français, il convient de miser sur le développement de modèles d’entrée de gamme vertueux pour répondre au besoin de massification des véhicules électriques, première étape d’un plan devant conduire à la réduction du parc automobile au profit de mobilités plus douces.
Pour ce faire, je propose notamment l’extension du malus poids aux véhicules électriques et la fin de l’éligibilité des véhicules les plus lourds au bonus écologique.
Autre levier d’action : l’obligation d’électrifier les flottes d’entreprises. Près de 60 % des véhicules neufs achetés en France le sont par des entreprises, et leurs parcs automobiles se caractérisent par un très fort taux de renouvellement. Il convient donc de renforcer les obligations d’électrification du parc automobile des entreprises, grâce à une hausse des quotas assortis de sanctions, que ne prévoit pas la loi « climat et résilience », mais également en supprimant les niches brunes, comme celle permettant aux véhicules thermiques et hybrides d’être comptabilisés dans les amortissements des entreprises et ainsi d’échapper à l’impôt sur les sociétés.
Les constructeurs français ont privilégié une stratégie de montée en gamme de la production, assortie parfois de délocalisation. La filière automobile doit désormais être restructurée autour d’une production locale et bas carbone, créatrice d’emplois. L’instauration du score environnemental constitue une première étape en faveur de la relocalisation de la production, même si ses modalités de calcul présentent des limites. Enfin, le développement de la production de véhicules électriques se traduit par une transformation des savoir-faire qui impose un accompagnement social des salariés de l’automobile, d’autant plus indispensable face à la multiplication des plans de licenciement chez les constructeurs et les équipementiers. Les décisions des constructeurs ne peuvent reposer sur la seule rentabilité, ni encore moins sur une stratégie de réorganisation qui se ferait au détriment des travailleurs.
La rénovation énergétique des logements est le deuxième grand thème de mon avis budgétaire, même si les crédits du dispositif MaPrimeRénov’ sont transférés vers le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat.
Là encore, le financement diminue massivement. Les dotations allouées dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 permettraient de financer seulement 85 000 rénovations performantes et globales, alors que l’objectif du Gouvernement en 2024 était de financer 200 000 rénovations par an. Le discours selon lequel il convient d’accélérer le rythme des rénovations pour atteindre les objectifs ambitieux définis par le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ou le Haut Conseil pour le climat (HCC) – près de 700 000 rénovations par an en 2030 – se heurte à la réalité d’une enveloppe budgétaire fortement réduite.
La réforme de MaPrimeRénov’, engagée début 2024, consistait à réorienter les crédits vers les rénovations performantes, qui bénéficient d’un accompagnement, alors que les rénovations dites monogeste, moins efficaces, n’étaient plus systématiquement financées. Le précédent gouvernement a toutefois rapidement renoncé à cette réforme ambitieuse. C’est regrettable car seule une action publique résolument orientée vers la rénovation performante et globale du bâti permettra de lutter contre la précarité énergétique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur.
Malgré une prise en charge pouvant aller jusqu’à 90 %, le coût des rénovations est tel que le reste à charge peut se compter en dizaines de milliers d’euros. Il devrait être nul pour les ménages modestes et très modestes, donc financé par l’État. La suppression de la barrière financière créerait un effet de levier important en faveur des rénovations globales et performantes des logements.
Les ménages doivent être mieux accompagnés grâce à la mise en place d’un véritable service public de la rénovation énergétique. La présence physique de ce service public doit être renforcée dans les territoires. Le nombre de points d’accueil et d’accompagnateurs France Rénov’ doit être encore accru, et leur formation améliorée pour qu’ils puissent effectuer un travail social auprès des publics précaires. Enfin, je propose différentes pistes pour renforcer les contrôles et mettre fin à la fraude.
Enfin, le chèque énergie apporte une aide au paiement de la facture d’énergie de 5,6 millions de ménages très modestes, pour un montant moyen de 148 euros par an. Ce dispositif est déjà largement insuffisant. En outre, le Gouvernement a fait le choix regrettable de mettre fin à son automaticité, ce qui risque d’entraîner un non-recours massif.
S’agissant des certificats d’économie d’énergie (CEE), après les critiques formulées par la Cour des comptes, une réforme s’impose pour améliorer leur transparence et leur efficacité.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Christophe Barthès (RN). Au début du mois, nous avons tous entendu le Premier ministre affirmer dans son discours de politique générale qu’il était temps de faire des économies. L’annonce était belle mais sa traduction est encore boiteuse, ainsi qu’en témoigne la mission Écologie, développement et mobilité durables.
Alors que les Français ont du mal à se déplacer jusqu’à leur travail, le Gouvernement choisit de dépenser leur argent pour développer des ZFE (zones à faibles émissions) dont ils ne veulent pas. Alors que les Français ont du mal à payer leur énergie, le Gouvernement préfère les consoler à coups de chèque énergie au lieu de baisser les taxes.
Heureusement, certains pans du PLF sont positifs, sans doute parce qu’ils concernent des politiques publiques essentielles : la prévention des risques naturels, le développement des infrastructures et des services de transport, la gestion de l’eau.
Nos amendements ne viseront pas à sanctionner bêtement le Gouvernement mais à nouer un dialogue. Ils exprimeront notre volonté de faire entendre les priorités des Français et de réduire les dépenses de l’État. Il est désormais grand temps de cesser de dépenser l’argent des Français pour mener, sans leur consentement, des actions qui se retournent contre eux.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Le programme 174 destiné à financer les mesures en faveur de la transition écologique, comprend trois principaux dispositifs d’aide aux ménages : la prime à la conversion, le bonus écologique et le chèque énergie. Ce dernier, d’un montant de 150 euros en moyenne, apporte à 5,6 millions de ménages modestes une aide non négligeable pour payer les dépenses d’énergie de leur logement. Nous veillerons à ce qu’il reste accessible en dépit de la modification du système d’attribution.
Les crédits alloués au dispositif MaPrimeRénov’ relèvent désormais du programme 135, qui ne fait pas partie de la mission. Nous serons néanmoins attentifs à ce que les ménages n’ayant pas les moyens de faire des rénovations d’ampleur puissent malgré tout être aidés pour des travaux monogeste. Nous veillerons également à ce que le taux de TVA pour les chaudières à gaz n’évolue pas.
Notre groupe soutient la sanctuarisation du chèque énergie pour l’année 2025 et de la prime à la conversion. Nous nous assurerons aussi que l’augmentation du malus automobile et le recentrage des aides à l’électrification des véhicules ne soient pas synonymes d’exclusion pour les ménages modestes.
En ce qui concerne le programme 181, depuis 2020, les moyens dédiés à la maîtrise des risques industriels ont été renforcés. Les installations classées font l’objet d’une surveillance accrue par l’État. Après les semaines noires d’intempéries et d’inondations que nous venons de vivre – n’oublions pas les problèmes posés par le retrait-gonflement des argiles –, la prévention des risques naturels réclame toute notre vigilance. Le fonds Barnier, dont la dotation pourrait dépasser les 250 millions d’euros, en est un outil central.
Ces crédits confirment la ligne du Gouvernement : responsabilité budgétaire et ambition environnementale. Je vous invite à les voter.
M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Vos rapports ont le mérite de dévoiler la grande fumisterie organisée par le Gouvernement dans ce budget.
Les transports et les logements sont responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du pays. Ils devraient donc être les premiers bénéficiaires du budget de l’État planificateur. Pourtant, l’électrification des véhicules perd 500 millions d’euros alors même que l’ombre des ZFE plane et que 48 000 personnes meurent chaque année de la pollution de l’air.
MaPrimeRénov’ se voit privée de 1,2 milliard au bénéfice de la politique des petits gestes. J’espère que les 12 millions de Français victimes de précarité énergétique qui souffrent chaque année du froid ont bien acheté leurs cols roulés. Derrière les effets d’annonce, il faut planifier. Le SGPE l’a fait : il faudrait 200 000 rénovations thermiques profondes en 2024, 400 000 en 2026 et 700 00 par an à partir de 2030 ; nous en sommes à 84 000. Au lieu d’investir massivement et de créer 250 000 emplois qualifiés pour mener ces rénovations, le Gouvernement a fait le choix, une nouvelle fois, de l’inaction.
L’électrification du parc automobile ne pourra être menée à bien sans contraindre les banques, les grandes multinationales et les constructeurs automobiles. Chaque année, 60 % des véhicules neufs sont destinés à un usage professionnel et achetés en leasing par des sociétés bancaires ou des entreprises. Les entreprises ayant l’obligation d’électrifier leur flotte, leurs véhicules devraient alimenter le marché de l’occasion. Mais aucune d’entre elles ne respecte les quotas faute de sanction. Par conséquent, seules 2 % des voitures françaises sont électriques. Les plus précaires sont contraints de rouler dans de vieux véhicules diesel qui sont stigmatisés puisque les véhicules électriques sont hors de prix – les modèles d’entrée de gamme coûtent plus de 20 000 euros.
Mais ce n’est pas la seule corde à l’arc des constructeurs automobiles français. Ils ont la recette miracle pour continuer à faire toujours plus de marges au détriment de la bifurcation écologique : la propagation des modèles SUV et la montée en gamme. Résultat : 300 000 SUV supplémentaires sur nos routes chaque année et autant de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Si l’industrie automobile était responsable, elle se chargerait d’abaisser le poids des véhicules, mais elle l’augmente pour les vendre plus cher. Si l’industrie automobile était responsable, elle se chargerait de relocaliser les emplois, mais elle en a supprimé 100 000 en dix ans. Elle fait ainsi un coup double scandaleux : perte de souveraineté industrielle et refus de la transition écologique.
Alors je vous approuve, madame la rapporteure pour avis, lorsque vous suggérez de nationaliser Renault. Oui, nous voulons des véhicules moins lourds, plus écologiques, plus accessibles et produits en France. Un autre monde est possible, mais pour cela, il faut une vraie planification écologique, ce qui n’est clairement pas l’orientation de ce budget.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Depuis plusieurs années, le même constat s’impose : le projet de budget ne comporte pas les investissements nécessaires pour atteindre nos objectifs en matière de transition climatique. Bien que les phénomènes naturels extraordinaires se répètent et s’amplifient, que les rapports de grande qualité évaluant les besoins de financement et le coût du renoncement à agir se multiplient, la mission Écologie, développement et mobilité durables n’échappe hélas pas aux coupes budgétaires brutales et à l’austérité imposées par le Gouvernement. Le budget qui nous est présenté ne permet pas d’adapter notre pays aux réalités du changement climatique.
Les crédits du fonds Barnier stagnent alors que les aléas climatiques sont de plus en plus courants, comme en témoignent les récentes inondations.
S’agissant du secteur de la mobilité, dont la décarbonation doit être une priorité, le compte n’y est pas non plus : le Gouvernement fait le choix injustifiable d’un désengagement massif de l’État en réduisant les crédits des dispositifs d’aide de 35 %, soit une baisse de près de 600 millions d’euros. Le ministre des transports nous ayant indiqué que les arbitrages n’avaient pas encore été rendus, j’espère qu’une majorité forte se dessinera pour envoyer un message clair au Gouvernement : nous ne pouvons pas revenir sur ces dispositions qui affecteront l’acceptabilité de la transition écologique par nos concitoyens.
Quant à la baisse de près de 60 % des crédits alloués à la transition écologique territorialisée, elle va à rebours des préconisations du rapport Pisani-Ferry et Mahfouz, qui estime les besoins de financement des collectivités à 20 milliards, et envoie un signal désastreux aux élus locaux, qui ont fait preuve de volontarisme pour engager leur territoire vers la neutralité carbone d’ici à 2050 – objectif qui, je l’espère, fait l’unanimité au sein de notre commission.
Le groupe Socialistes ne peut se résoudre à laisser tel quel le projet de budget pour 2025.
M. Vincent Descoeur (DR). Monsieur le rapporteur pour avis, vous affirmez que la prévention des risques est assurée, en dépit d’une légère baisse des crédits. Alors que notre commission vient de créer une mission sur l’adaptation de l’aménagement du territoire au changement climatique, il importe de s’assurer que l’ensemble des acteurs bénéficieront de crédits suffisants. Sera-ce bien le cas ?
Lors de leur audition, les présidents de l’ASN et de l’IRSN ont indiqué que la fusion des deux organismes aurait un coût. Si vous abordez la question sans détour, on peut considérer que le budget résulte, sur ce point, de multiples estimations, qu’il s’agisse des coûts de la fusion ou des économies – évaluées au mieux entre 20 et 22 millions – qui pourraient être réalisées grâce à un régime fiscal plus favorable. Cette dernière estimation paraît hypothétique, de sorte qu’il conviendrait que la ligne budgétaire concernée bénéficie de crédits supplémentaires. Si comme je l’ai compris, vous avez déposé un amendement en ce sens, il est probable que nous le soutiendrons.
Enfin, nous ne pouvons que partager le constat d’une diminution drastique des crédits alloués à la transition énergétique. Il illustre l’incapacité du Gouvernement à tenir ses engagements dans ce domaine en raison de contraintes financières trop souvent occultées. Ainsi, la création de nouvelles taxes, abordée dans la dernière partie de votre rapport, ne saurait être la seule solution : l’assainissement des finances publiques nous apparaît comme un préalable indispensable.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Au cours des dernières semaines, des maisons ont été inondées, des dizaines de milliers de personnes privées d’électricité ou évacuées. « Qui donc aurait pu prédire ? » Comme les écologistes l’assènent depuis des décennies, le dérèglement climatique est bien là. Nous espérions donc que les moyens seraient enfin à la hauteur. Hélas, derrière les belles tournures utilisées par le Gouvernement, la réalité est bien sombre : au lieu de programmer les investissements nécessaires pour limiter les risques et réaliser la transition énergétique, il y renonce et sacrifie, comme toujours, la vie quotidienne de la majorité des Français en sabrant dans des programmes essentiels.
Le renoncement du Gouvernement se traduit d’abord par la baisse de 3,7 % des crédits relatifs à la prévention des risques naturels, notamment des inondations, et de 42 % de ceux alloués à transition énergétique. Le rapporteur pour avis relève à juste titre que les crédits du fonds Barnier, insuffisants, ne permettront pas de financer l’ensemble des programmes d’action qui, faute d’argent, ne sont guère que des déclarations – et je ne parle pas du renoncement concernant l’adaptation des sites industriels.
Renoncement en matière de lutte contre la pollution aux Pfas : le financement du plan d’action est réduit de moitié.
Quant aux coupes claires pratiquées dans le fonds vert, elles privent les collectivités de leurs capacités à s’adapter aux risques naturels.
Nous dénonçons également le prélèvement sur les recettes des agences de l’eau, dont l’action en matière de dépollution et d’adaptation des territoires aux crues et aux inondations est pourtant structurante.
Renoncement en matière de transition énergétique : la baisse de 35 % du budget de l’Ademe par rapport à 2024 met à mal le fonds chaleur, dont l’efficacité a pourtant été largement éprouvée. Ce fonds, qui ne peut pas répondre à tous les besoins de financement en 2024, le pourra encore moins en 2025. Notre groupe partage le constat alarmant de la rapporteure pour avis et salue ses recommandations. Nous dénonçons notamment la coupe de 2 milliards opérée dans des financements qui sont parmi les plus stratégiques pour parvenir à la neutralité carbone. Ainsi le Gouvernement renonce-t-il à rendre les véhicules propres accessibles à tous, en réduisant de 500 millions l’enveloppe consacrée à la prime à la conversion.
Renoncement, enfin, en matière de rénovation énergétique des logements, dont les crédits sont amputés de 1 milliard. Ces changements de cap brutaux sont délétères et dommageables pour tous – citoyens, acteurs économiques et collectivités –, en particulier, une fois de plus, pour les ménages les plus modestes.
M. Mickaël Cosson (Dem). À première vue, malgré quelques ajustements notables, le budget consacré à la prévention des risques semble évoluer à la baisse alors que le coût des dégâts qu’il nous faut anticiper est bien plus élevé que celui des actions de prévention locales.
Nous ne pouvons pas cacher notre déception face à la baisse des crédits alloués au plan d’action interministériel sur les Pfas, particulièrement cher à Cyrille Isaac-Sibille, dont le rapport nous a clairement alertés sur la nécessité de renforcer la lutte contre le rejet de ces substances et la pollution des eaux qui affecte de trop nombreux territoires. À l’instar de notre collègue, nous défendons l’instauration d’une taxe ou d’une redevance sur l’utilisation de ces polluants, dont les recettes permettraient de financer plus efficacement les actions de dépollution.
Quant à la baisse des autorisations d’engagement du fonds chaleur, elle risque de limiter la capacité de l’Ademe à soutenir de nouveaux projets en 2025. Vous envisagez ainsi la possibilité de donner la priorité à certains projets, en réduisant notamment l’aide en faveur de l’extension de réseaux de chaleur déjà existants au profit des territoires ruraux. Une telle réorganisation suffira-t-elle à maintenir les objectifs de décarbonation alors que la demande en énergies renouvelables ne cesse de croître ?
En ce qui concerne la transition énergétique, la baisse des crédits dédiés à MaPrimeRénov’, transférés vers le programme 135, est particulièrement préoccupante alors que nous devons accélérer pour atteindre nos objectifs d’une rénovation thermique performante. Si cette diminution correspond à l’utilisation qui a été faite du dispositif en 2024, il est nécessaire de mener une réflexion approfondie sur l’avenir de ces aides pour ajuster leur fonctionnement et s’assurer qu’elles répondent aux besoins à long terme. Compte tenu des délais de financement, on peut considérer qu’une partie du budget de 2025 servira à financer les travaux entrepris en 2024.
À cet égard, notre groupe propose d’étudier la possibilité de créer un viager rénovation qui permettrait de différer le remboursement au moment de la cession du bien. Il nous faut en effet réfléchir à une utilisation optimale des deniers publics alloués à un mécanisme trop souvent décrié du fait d’abus.
Enfin, nous regrettons la réduction des aides au verdissement du parc automobile, en particulier la baisse du budget alloué à la prime à la conversion. Elle a pourtant permis, cette année, l’achat de 45 000 véhicules pour un coût de 150 millions d’euros. En revanche, le dispositif du leasing social, bien qu’utile, a concerné 50 000 véhicules seulement pour un coût de 650 millions. Madame la rapporteure pour avis, vous souhaitez porter le nombre des véhicules loués à 100 000 l’année prochaine, probablement grâce à une augmentation du budget. Peut-être faudrait-il réfléchir à une réduction du coût à l’unité. Vous envisagez un allongement de la durée de location, mais ne serait-il pas préférable que ces véhicules se retrouvent sur le marché de l’occasion ?
M. Xavier Roseren (HOR). Malgré une légère réduction des crédits alloués au programme de prévention des risques naturels, l’effort est maintenu. Quant au rôle central de l’Ademe dans la transition énergétique, il est conforté malgré des ajustements financiers.
Je ferai deux remarques sur le programme 181. Premièrement, le fonds chaleur est l’un des outils les plus efficaces pour décarboner notre production énergétique : depuis sa création, plus de 8 500 installations ont généré une production additionnelle d’énergies renouvelables de 45 000 térawatts. Il nous semble donc important de conserver à long terme le financement de ces réseaux de chaleur. Deuxièmement, il faudra être attentif à ce que les collectivités bénéficient, dans le cadre du fonds de prévention des risques naturels majeurs, des moyens nécessaires pour renforcer les ouvrages de protection contre les inondations, sachant que les coûts d’intervention ne cessent d’augmenter.
En conclusion, ce rapport est un excellent outil pour comprendre les priorités budgétaires et les défis à venir.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Serons-nous prêts à faire face aux tempêtes, aux inondations et aux sécheresses provoquées par le dérèglement climatique ? J’en doute : non seulement les moyens que nous consacrons à la résilience de nos territoires sont insuffisants, mais le projet de loi de finances pour 2025 contribue à limiter les quelques outils dont disposaient jusqu’à présent les élus locaux.
En effet, outre que les recettes des collectivités risquent de diminuer fortement l’an prochain – on évoque une baisse de 5 milliards –, il a été décidé de réaliser une économie de 1 milliard sur le fonds vert, qui est pourtant l’un des rares dispositifs prévus pour adapter les territoires au changement climatique. Quant au fonds Barnier, il stagne pour la troisième année consécutive. Dans ces conditions, les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de réaliser les investissements essentiels à la réduction de leur vulnérabilité face aux risques environnementaux.
Le budget de la sûreté nucléaire n’est à la hauteur ni des promesses du Gouvernement ni des besoins de la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Dès lors que nous misons sur la relance du nucléaire, il nous faut garantir l’attractivité de la future organisation ; il y va de notre sécurité à tous.
Les crédits alloués à la transition énergétique sont composés en grande partie du mécanisme de soutien aux énergies renouvelables. Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), celui-ci devrait coûter 2,5 milliards en 2024 et 4,3 milliards en 2025. Or les gains de compétitivité de la filière des énergies renouvelables peuvent conduire à s’interroger sur la légitimité d’un tel niveau de soutien quand d’autres secteurs structurants de la lutte contre le dérèglement climatique semblent insuffisamment aidés. Je pense notamment aux aides à la rénovation énergétique, dont le contrôle échappe désormais à notre commission, mais dont je dirai tout de même un mot. Il est temps que MaPrimeRénov’ gagne en stabilité – nous ne pouvons pas en changer les contours et les modalités tous les six mois – et soit doté des crédits nécessaires, ce qui ne semble pas être le cas.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une augmentation de 3 milliards d’euros des accises sur l’énergie. Les ménages qui ont EDF pour fournisseur devraient être préservés d’une hausse des prix, mais les autres verront la différence sur leur facture. De même, nous nous inquiétons de la réforme du chèque énergie, dont la fin de l’automaticité pénalisera avant tout les ménages les plus précaires. Aussi défendrons-nous des amendements qui visent à protéger davantage ces derniers et à accroître notre résilience face au dérèglement climatique.
M. Jean-Victor Castor (GDR). Le groupe GDR juge, vous vous en doutez, ce budget largement insuffisant. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur l’outre-mer puisque je suis le seul élu de ces territoires à participer à ce débat.
Tout d’abord, ces territoires immenses sont confrontés à des problématiques entièrement différentes de celles de l’Hexagone. Dans mon pays, la Guyane, qui est en grande partie recouverte par la forêt amazonienne, d’une superficie de 8,4 millions d’hectares, le tout-électrique n’a aucun sens : nous n’avons ni électricité, ni eau. La multimodalité est inexistante. Actuellement, les fleuves sont quasiment à sec et, comme chaque année, des dizaines de milliers de personnes risquent de se trouver dans l’impossibilité de se déplacer.
En Guyane comme en Polynésie française, dont la superficie est presque équivalente à celle de l’Europe, les liaisons aériennes jouent un rôle essentiel. Des mesures telles que la taxation du transport aérien n’ont donc pas de sens là-bas ! Entre Cayenne et Saint-Georges, distantes de près de 200 kilomètres, il n’y a pas de ligne électrique. Du reste, les coupures d’électricité et les blackouts sont courants.
Aussi les études d’impact annexées aux projets de loi sont-elles particulièrement importantes pour les outre-mer : il est crucial que les décisions prises à Paris tiennent compte des spécificités de nos territoires et soient précédées de véritables diagnostics qui mesurent leur impact sur nos territoires. Il y va de la vie même des gens. Si une politique publique n’est pas comprise, cela n’a pas de sens. Je pense, par exemple, au malus écologique. Nous n’avons pas de routes en Guyane : la précédente ministre de l’outre-mer nous a proposé de tracer une piste de près de 200 kilomètres, en terre ! Quel type de véhicules voulez-vous utiliser sur de telles routes ? Tout le monde roule dans des pickups, chez nous !
M. Éric Michoux (UDR). Bravo à notre collègue, dont les propos sont frappés au coin du bon sens. Il n’est pas besoin d’aller en Guyane pour rencontrer les problèmes de mobilité qu’il vient d’évoquer : il suffit de se rendre dans les territoires ruraux.
Au demeurant, n’oublions pas, lorsqu’on parle du verdissement de notre parc automobile, que la moitié des voitures électriques et 80 % des batteries dont elles sont équipées sont importées de Chine. Quant à l’électricité qui les alimente, elle est produite à l’aide de panneaux photovoltaïques qui viennent… de Chine ! On saborde donc l’industrie automobile française au profit de l’industrie chinoise, laquelle commence d’ailleurs à concevoir des moteurs thermiques qui fonctionnent avec des carburants synthétiques. En choisissant l’électrification à tout va, on prend dix ans de retard ! On parle d’emploi, mais Renault et Peugeot s’interrogent, si bien qu’aucune des usines qui fabriqueront des voitures électriques pour des constructeurs français ne se situera en France. Les équipementiers, notamment, produiront en Roumanie, en Pologne ou en Chine. N’allons donc pas trop vite dans la démarche d’électrification : un peu de bon sens serait bienvenu.
Par ailleurs, en 2025, les habitations de classe énergétique G, soit 30 % de l’habitat rural, ne pourront plus être mises en location et seront donc difficiles à vendre. Et en 2028, ce sont les logements de classe F qui seront concernés, soit, au total, 80 % des logements. Ne serait-ce qu’à Paris, on ignore comment améliorer la classe énergétique des immeubles haussmanniens, car on est incapable de les isoler par l’extérieur.
Plutôt que de se demander comment financer l’infinançable, à savoir la transformation énergétique des bâtiments, ne pourrait-on pas repousser la date d’application de ces règles farfelues, que je qualifierai de parisiennes, et réviser la conception de l’indicateur lui-même, qui favorise les grandes surfaces ?
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Olivier Becht (EPR). Certains de nos débats me paraissent un peu surréalistes, car ils donnent le sentiment que la transition écologique ne pourrait se faire qu’en dépensant davantage d’argent alors qu’on le sait, elle dépend en partie de nos comportements. On touche à l’absurde avec la proposition de nationaliser Renault. Comme si des véhicules produits par l’État pouvaient être, de ce seul fait, plus écologiques ! Trabant produisait des voitures en carton, mais je ne suis pas certain que leur moteur était plus respectueux de l’environnement…
Si nous voulons remettre la France sur la voie de l’équilibre, nous devons réfléchir aux comportements et prendre en compte la dimension internationale du problème. Chaque jour, la Chine et l’Inde, qui représentent à elles seules un tiers de l’humanité, ouvrent deux à trois centrales à charbon.
M. Marc Chavent (UDR). Je vais enfoncer une porte ouverte, mais il est bon de rappeler à nos collègues de gauche qu’en imposant à la population des normes et des contraintes qu’elle n’est pas prête à accepter, on accroît le sentiment de défiance. L’écologie incitative, oui ; l’écologie punitive, méfiance. C’est pourquoi je regrette la diminution des crédits alloués à MaPrimeRénov’ et aux aides au verdissement du parc automobile.
La Chine détient le monopole des terres rares, de sorte qu’on est obligé de faire appel à elle pour construire des batteries. Méfiance donc, car l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Mme Danielle Brulebois (EPR). M. Becht a raison. Hier, j’entendais des collègues se plaindre de la fermeture de l’usine Solvay à Salindres, laquelle produit des Pfas qui sont utilisées pour la fabrication des batteries de voitures électriques. L’enfer est en effet pavé de bonnes intentions : les mêmes votent contre les Pfas et déplorent que Solvay ait fermé une usine qui employait 60 personnes.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Tout d’abord, l’ensemble des crédits du fonds Barnier, n’ont pas été consommés en 2024. Au-delà de la question de la longueur des procédures – qui est nécessaire, car il faut agir avec prudence lorsqu’on intervient sur des ouvrages qui modèlent les milieux naturels –, la question qui se pose, notamment après les inondations récentes, est celle de la gouvernance du fonds, notamment au niveau local, entre les collectivités territoriales. En effet, lorsqu’on élabore un Papi, on fait des choix, qui peuvent prêter à discussion.
Quoi qu’il en soit, j’ai déposé un amendement qui vise à renforcer le fonds Barnier, car certains plans de prévention arrivent à maturité. Toutefois, le nombre des réalisations ne va pas exploser. Mon approche est donc plutôt modérée. Encore une fois, il convient de se pencher sur la construction des plans de prévention et la gouvernance au niveau territorial.
Monsieur Descoeur, le président de l’ASN nous a fait part, lors de son audition, d’un besoin de financement complémentaire de 37 millions d’euros qui a été ramené, après une discussion avec l’État, à 19 millions. Il se trouve que le rescrit fiscal qui a été demandé pourrait conclure à une diminution de l’ordre de 22 millions des charges supportées par la nouvelle entité. Je vous proposerai donc un amendement qui vise à augmenter de 10 millions, soit la moitié de cette somme, les crédits alloués à l’ASNR, afin de sécuriser son budget quel que soit le régime fiscal finalement applicable.
En ce qui concerne le fonds chaleur, l’Ademe souhaite, pour pouvoir lancer de nouveaux projets, disposer de 15 millions supplémentaires. Mais la véritable question qui se pose est celle des autorisations d’engagement. De fait, on peut augmenter les crédits de paiement à hauteur de 300 ou de 500 millions : ils ne seront pas consommés et ne peuvent pas être reportés sur l’année suivante. Je défendrai donc un amendement qui vise à augmenter les crédits de 20 millions, notamment pour le fonds économie circulaire.
S’agissant des territoires d’outre-mer, je m’en tiendrai aux questions qui ont trait à mon rapport pour avis. L’Ademe accomplit un gros travail autour de la géothermie, notamment à Bouillante, afin de verdir la production d’électricité à l’aide de nouvelles centrales. Par ailleurs, l’agence aide les collectivités territoriales et les opérateurs à améliorer le tri des déchets. Une partie de la problématique est donc bien prise en compte dans différents sous-programmes.
Enfin, monsieur Chavent, il se trouve qu’en Alsace, un gisement potentiel de lithium a été identifié dans le cadre d’une opération de géothermie profonde, qui pourrait couvrir 40 % à 50 % des besoins français. De ce fait, des unités de production de batteries pourraient être installées dans cette région, ce qui contribuerait à renforcer notre souveraineté, tant du point de vue de la ressource que de la production.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Monsieur Barthès, on dénombre, chaque année, environ 40 000 morts prématurées provoquées par la pollution de l’air. La responsabilité politique exige donc de tenir ensemble les objectifs de justice sociale et de transition écologique, et donc d’améliorer la qualité de l’air dans les villes en permettant aux ménages d’accéder à une mobilité propre.
Par ailleurs, c’est plutôt l’inaction qui se retourne contre les Français, comme en témoigne l’actualité récente, notamment dans ma circonscription, qui a été très touchée par les inondations. Nous payons, en particulier les classes modestes et populaires, très cher les conséquences du déficit d’action et de moyens.
Madame Brulebois, le montant du chèque énergie est en moyenne de 50 euros, ce qui est très peu au regard de la forte augmentation de la facture de certains ménages, qui a provoqué, du reste, une explosion du nombre des impayés. Aussi de nombreuses associations recommandent-elles d’opter pour un dispositif beaucoup plus massif. Nous estimons, quant à nous, que le chèque énergie est un simple pansement : il n’est pas de nature à remédier à un problème qui requiert des politiques structurelles telles qu’un blocage des prix de l’énergie.
Les monogestes traduisent une forme de renoncement. Mme de Pélichy a réclamé une certaine stabilité réglementaire du dispositif MaPrimeRénov’. En l’espèce, l’instabilité prend la forme d’un recul, à l’occasion de la réforme intervenue cette année. Si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de décarbonation du secteur de l’habitat, il faut donner les moyens à l’ensemble des ménages, en particulier à ceux qui sont coincés dans des passoires thermiques, de réaliser des rénovations globales. Je pense notamment aux accompagnateurs France Rénov’, dont la mission devrait être de faire gagner à un logement trois ou quatre classes énergétiques.
Monsieur Cosson, certes, les crédits programmés pour 2025 correspondent à ceux qui ont été consommés en 2024. Mais il y va de notre conception de l’action publique. Doit-on se contenter de déverser quelques milliards en attendant que les initiatives émergent ou faut-il planifier une politique qui organise les moyens publics de manière à amorcer une dynamique ? Si l’on conçoit la rénovation thermique comme un véritable service public – c’est un peu le cas de France Rénov’ –, il faut choisir la seconde option. Du reste, on observe un début de dynamique puisqu’entre octobre 2023 et octobre 2024, le nombre des dossiers MaPrimeRénov’ déposés a augmenté de 50 %. Or, et c’est terrible, ce budget va la tuer dans l’œuf. Il en va de même, du reste, pour l’électrification de la filière automobile, qui se trouve à un stade critique : le budget va briser la dynamique en cours.
Monsieur Castor, nous devons avoir l’égalité républicaine pour horizon. Si les problèmes sont plus graves dans les territoires d’outre-mer, c’est que les moyens publics y sont encore plus insuffisants que dans l’Hexagone. Notre ambition doit être la même pour tous les territoires. Il est de la responsabilité de la République et de l’État de remédier aux inégalités scandaleuses qui perdurent, notamment en matière de transition énergétique et écologique. Cette question mériterait de faire l’objet d’un travail parlementaire spécifique.
Je suis de près la situation de Renault, dont une usine est située dans ma circonscription, à Viry-Châtillon. Bien que de nombreux sites de constructeurs et d’équipementiers, comme MA France ou Valeo, se trouvent en grande difficulté, ne soyons pas défaitistes : la filière automobile française peut présenter une plus-value si, avec l’État, nous développons la stratégie concertée de créer une filière décarbonée de véhicules les plus légers et écologiquement vertueux possible, dans le cadre d’une transition des mobilités globale qui réduise la dépendance à la voiture individuelle et favorise la multimodalité.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) pourrait être amélioré, et sa mise en œuvre pourrait être harmonisée, mais ne cassons pas ce thermomètre qui mesure la progression des opérations de rénovation thermique.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CD6 de M. Julien Guibert et II-CD20 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
M. Julien Guibert (RN). Notre amendement vise à remettre en question l’autonomie de l’Ademe et à réduire fortement son budget de fonctionnement en vue de réinternaliser ses missions au sein de l’administration centrale. L’existence de cette agence indépendante entraîne des surcoûts, alors que ses missions pourraient être exécutées directement et de manière plus efficiente par le ministère de la transition écologique. La Cour des comptes estime d’ailleurs que son budget de fonctionnement, hors dépenses de personnel, est excessif. Nous jugeons donc trop élevé le montant de 908 millions d’euros inscrit dans le PLF.
Pour le Rassemblement national, l’existence de l’Ademe contribue à la complexité administrative en multipliant les acteurs dans le domaine de l’environnement. Ce morcellement complique les démarches pour les usagers et entraîne des coûts supplémentaires.
Nous proposons de réduire les crédits de fonctionnement de l’Ademe de 600 millions tout en préservant ses dépenses de personnel, soit une diminution de moitié de son budget par rapport à 2024. À moyen terme, nous suggérons de transférer ses missions au ministère de la transition écologique. Cela impliquerait une réorganisation des directions centrales et une augmentation de leur budget de fonctionnement, qui serait compensée par les économies réalisées sur le budget de l’Ademe.
Notre amendement est dicté par une volonté de rationalisation des dépenses publiques, de simplification administrative et d’optimisation des missions environnementales, sous l’égide d’une seule autorité ministérielle. Cette centralisation permettra de réaliser des économies substantielles, tout en maintenant une qualité de service identique. Dans la situation budgétaire actuelle, l’efficacité et la meilleure utilisation des fonds publics doivent être les fils conducteurs du projet de loi de finances. De plus, l’idée de simplifier le paysage administratif dans le domaine de l’environnement résonne auprès des usagers et des collectivités locales, qui se perdent parfois face à la multiplicité des structures.
Mme Marie Pochon (EcoS). Nous souhaitons au contraire maintenir le budget de l’Ademe au niveau de 2024, à 1,4 milliard d’euros. Cette agence joue un rôle essentiel dans la conduite des politiques de transition écologique.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis (Protection de l’environnement et prévention des risques). Je suis totalement défavorable à la suppression de l’Ademe, et donc à l’amendement II-CD6. Le risque serait de centraliser ses missions, car la transition énergétique ne réussira qu’à travers les territoires. Or l’Ademe accompagne les collectivités territoriales, en particulier dans le déploiement du fonds chaleur, dispositif très efficient – 1 tonne de CO2 évitée pour 36 euros dépensés –, grâce auquel de nombreux foyers bénéficient d’une énergie renouvelable.
Pour porter les crédits du fonds chaleur à 1 milliard voire davantage, comme vous le recommandez, il faudrait en réalité engager 15 millions d’euros. En effet, les nouveaux projets occasionnent des paiements sur deux ou trois ans. Nous devons donc raisonner en termes d’autorisations d’engagement plutôt que de crédits de paiement – l’Ademe y a insisté durant son audition. Si nous lui accordions 400 millions en crédits de paiement supplémentaires, elle ne les consommerait pas. Elle a besoin que nous garantissions ses autorisations d’engagement, sachant que sa lettre plafond prévoit de réduire son budget de 35 %.
Je défendrai un amendement visant à accorder 15 à 20 millions d’euros à l’Ademe en crédits de paiement, afin de conforter la trajectoire du fonds chaleur. Cette somme lui permettra de réaliser les études préliminaires des projets et de lancer des conventionnements, afin que les collectivités effectuent leurs montages financiers et programment des travaux pour les années à venir. Nous devrons donc aussi, et surtout, nous préoccuper du financement de l’Ademe en 2026 et 2027. Avis défavorable.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Pour m’être entretenue avec le président de l’Ademe, je ne peux qu’approuver vos propos.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD181 de M. Vincent Thiébaut
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter les crédits de paiement de l’Ademe de 20 millions, soit 15 millions pour abonder le fonds chaleur et 5 millions pour le fonds économie circulaire – cette répartition étant toutefois du ressort du conseil d’administration de l’agence.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CD124 de M. Maxime Laisney, II-CD125 de Mme Claire Lejeune et II-CD162 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis (Transition énergétique). Nous souhaitons porter les crédits du fonds chaleur à 1,6 milliard d’euros, car les moyens dont il dispose actuellement ne répondent pas aux besoins. Nous devons permettre aux ménages et aux collectivités de se défaire de la dépendance aux énergies fossiles en développant des projets soutenus par ce fonds.
M. Stéphane Delautrette (SOC). À l’heure où la performance des aides et des agences de l’État est questionnée, il faut insister sur l’efficience du fonds chaleur : c’est l’outil le plus performant de décarbonation de notre économie, avec 36 à 48 euros dépensés par tonne de CO2 évitée.
J’ai toutefois une divergence avec vous, monsieur le rapporteur pour avis. Le portefeuille de dossiers de l’Ademe, qui couvre les opérations engagées en 2024 et identifiées pour 2025, correspond à un budget d’environ 1,5 milliard. Il est vrai que ces crédits ne seront pas tous consommés dans l’immédiat, mais quand l’Ademe contractualise avec une collectivité ou une entreprise, elle ne peut engager des crédits que si elle dispose de l’autorisation d’engagement correspondante. C’est pourquoi nous proposons d’abonder le fonds chaleur de 200 millions, montant minimum pour offrir une visibilité à l’agence et lui permettre de lancer de nouveaux projets.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je le répète, le portefeuille de projets de l’Ademe, à 1,4 milliard, couvre plusieurs années. À ce stade, elle a surtout besoin d’enclencher de nouveaux projets, ce qui nécessite des autorisations d’engagement plutôt que des crédits de paiement – c’est ce qu’elle nous a dit lors de son audition. Mon amendement répond à ce besoin. Je demande le retrait des deux autres ; à défaut, avis défavorable.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le fonds chaleur est probablement l’argent public le mieux dépensé pour la décarbonation, et les réseaux de chaleur sont des leviers massifs de décarbonation dans les zones urbaines, en particulier pour l’Île-de-France qui comporte une nappe chaude, le Dogger.
L’Ademe a suffisamment de demandes de projets pour consommer l’enveloppe de 1,5 milliard qui lui a été octroyée – et en la matière, il faut bien distinguer les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.
Tout en étant conscients de l’enjeu de la décarbonation, du nécessaire accompagnement des collectivités et de l’importance d’abonder le fonds chaleur, nous ne pouvons faire abstraction de la période budgétaire difficile ; il paraît donc excessif d’abonder le fonds chaleur de 200 millions.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Les 4,3 milliards d’aide dispensés par le fonds chaleur ces quinze dernières années ont occasionné 14 milliards d’investissement. Ce dispositif a un effet de levier sur l’économie locale, argument supplémentaire pour le soutenir.
Pour inciter les acteurs, notamment les collectivités, à s’engager dans des projets aussi importants, il faut leur donner de la visibilité et de la sécurité. Si l’Ademe ne dispose pas du budget nécessaire pour donner l’élan, les nouveaux projets risquent de rester dans les tiroirs.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Vous aurez beau injecter 400 millions de crédits de paiement supplémentaires dans le fonds chaleur, le nombre de projets n’explosera pas, et ce qui ne sera pas consommé sera perdu ; c’est ce que nous a expliqué l’Ademe.
Le budget du fonds chaleur, à plus de 1 milliard, est réparti sur plusieurs années. L’Ademe a besoin de 15 millions d’autorisations d’engagement supplémentaires pour signer des conventions et lancer de nouveaux projets dont les paiements s’étaleront sur deux ou trois ans. Nous devrons donc sécuriser son budget pour 2026 et 2027.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Quand l’Ademe contractualise, elle verse des avances de subvention au porteur de projet pour qu’il démarre son opération. Vous ne me convaincrez pas que 20 millions suffisent pour initier de nouveaux projets.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. C’est le chiffre que l’Ademe elle-même nous a communiqué.
La commission adopte l’amendement II-CD124.
En conséquence, les amendements II-CD125 et II-CD162 tombent.
Amendement II-CD160 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons d’abonder le fonds économie circulaire de 100 millions d’euros. Dans notre rapport d’évaluation de la loi Agec, Véronique Riotton et moi-même avons constaté un certain nombre de retards dans ce domaine. Pour atteindre les objectifs fixés par la loi, il faut accompagner davantage les territoires.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Inscrire 100 millions supplémentaires au budget de l’Ademe ne fera qu’augmenter ses crédits de paiement, alors que l’agence n’aura pas à s’acquitter de tels paiements en 2025 au titre du fonds économie circulaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD161 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Il s’agit, cette fois, d’abonder de 20 millions le fonds économie circulaire.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Votre demande est satisfaite par l’amendement que nous venons d’adopter. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement que nous avons adopté accordait cette somme au fonds chaleur et au fonds économie circulaire, tandis que le mien se concentre sur ce dernier.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD172 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Les collectivités ont pris du retard dans le déploiement du tri à la source des biodéchets et ont grand besoin de financements de l’Ademe en la matière – d’autant que le PLF les mettra en difficulté à plusieurs égards. Aussi proposons-nous d’abonder les crédits correspondants de 450 millions d’euros.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je partage votre ambition mais, au vu des auditions que nous avons menées, il ne semble pas nécessaire d’abonder dans de telles proportions cette aide gérée par l’Ademe dans le cadre du fonds vert.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Que le PLF fait fondre comme neige au soleil !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD155 de M. Gérard Leseul
M. Stéphane Delautrette (SOC). M. Leseul, dont la circonscription de Seine-Maritime a été frappée par l’accident de l’usine Lubrizol, propose de créer une autorité indépendante de sûreté des sites Seveso, sur le modèle de l’Autorité de sûreté nucléaire. Elle serait dotée d’un budget propre et d’un pouvoir de sanction, et son président serait nommé selon les procédures propres à ces structures.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je comprends votre préoccupation, mais les sites Seveso sont déjà contrôlés au moins une fois par an, et la création d’une nouvelle instance démultiplierait les besoins en effectifs et en ressources. Avis défavorable.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous soutenons cet amendement, avec le souhait qu’il s’étende à toutes les installations classées pour la protection de l’environnement. Si nous voulons réindustrialiser la France, nous devons garantir que les risques associés sont contrôlés. L’ASN a prouvé que la forme juridique de l’autorité administrative indépendante était pertinente pour assurer cette mission.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD138 de Mme Alma Dufour
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). L’action 01, Prévention des risques technologiques et des pollutions, a été amputée de 5 millions, soit une baisse de 7 %. Nous souhaitons au contraire l’abonder de 100 millions. En effet, des accidents surviennent régulièrement dans les 1 000 sites industriels classés Seveso. En 2021, le Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles a recensé 1 581 événements technologiques et 250 incidents ou accidents dans des sites Seveso, dont 6 accidents majeurs. Les risques humains, sanitaires, environnementaux et économiques sont énormes, mais encore mal estimés. Les sapeurs-pompiers m’ont ainsi confié que si un incident se produisait dans l’usine Seveso de Mitry-Mory, dans ma circonscription, ils ne seraient pas en mesure d’intervenir. Une politique de prévention digne de ce nom s’impose.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je partage votre objectif, mais il ne me semble pas nécessaire d’abonder de 100 millions l’action 01. Mieux vaut accroître les effectifs dédiés à cette mission, qui relèvent d’un autre programme. Je défendrai par ailleurs un amendement relatif à la prévention de la pollution aux Pfas. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD182 de M. Vincent Thiébaut et II-CD21 de M. Nicolas Thierry (discussion commune)
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Il s’agit d’abonder de 5 millions l’action 01 afin de conforter la politique de réduction de l’exposition aux Pfas. Ces crédits retrouveraient ainsi leur niveau de 2024, à 10 millions.
M. Nicolas Thierry (EcoS). Nous proposons, pour notre part, d’abonder de 10 millions le budget alloué à la prévention des risques liés aux Pfas, aussi appelés polluants éternels. Ces composés chimiques sont présents dans un grand nombre d’objets du quotidien. Comme le démontrent de nombreuses études scientifiques, ils sont à l’origine d’une pollution majeure et persistante qui présente des risques pour la santé : cancers, altération de la fertilité, cholestérol, perturbations de la thyroïde… La prévention contre ce risque nécessite d’importants financements : il faut appuyer davantage les services de l’État, accompagner les collectivités, qui sont souvent démunies face aux contaminations locales, et mieux suivre les rejets aqueux et atmosphériques de certaines installations.
Cet amendement est plus ambitieux que celui de M. le rapporteur pour avis : sachant que des pollutions aux Pfas sont découvertes chaque mois voire chaque semaine, nous devons répondre à l’inquiétude grandissante de nos concitoyens.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Nous partageons la même ambition, mais je vous demanderai de retirer votre amendement au profit du mien, qui vise à maintenir les crédits de cette action à 10 millions d’euros. Il serait par ailleurs intéressant de faire le point sur les recherches relatives aux Pfas.
M. Nicolas Thierry (EcoS). Il ne se passe pas une semaine sans que soient révélés des niveaux alarmants de contamination aux Pfas partout sur le territoire. À compter du 1er janvier 2026, tous les États membres auront l’obligation de faire tester leur eau potable afin de détecter la présence éventuelle de vingt Pfas. Ne pas augmenter les budgets en conséquence, c’est prendre le risque que les collectivités ne puissent plus distribuer de l’eau ni dépolluer. Actons au moins une augmentation de 10 millions, même si c’est peu au regard de la gravité de la situation.
M. Peio Dufau (SOC). Une enquête récente au Pays basque a montré que non seulement l’eau potable était contaminée aux Pfas, mais aussi l’urine des enfants – notamment de ma propre fille. Il faut y mettre fin. Nous sommes tous contaminés par ces polluants, personne ne sait comment s’en débarrasser, et il faudrait continuer de les utiliser en fermant les yeux ? Si demain éclate une épidémie de cancers liés aux Pfas, je reviendrai vous voir, madame Brulebois ! La santé de nos enfants doit passer avant tout.
M. Vincent Descoeur (DR). Le rapport que nous avons conduit sur l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique a mis en évidence la nécessité d’investir dans la recherche pour résoudre le problème des Pfas. Nous voterons donc l’amendement de M. le rapporteur pour avis.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Vous faites peur à tout le monde, mais les études montrent que certains Pfas ne sont pas dangereux. Ne mélangeons pas tout. Je ne vois pas comment vous pourriez vous en passer : vous en avez dans vos vêtements, votre téléphone portable, vos lunettes, et peut-être dans vos implants dentaires et votre prothèse de hanche. Pensez aux progrès qu’ont permis les Pfas dans la vie quotidienne ! À force d’agiter des peurs et de dire que les riverains des usines sont contaminés, vous ferez partir des entreprises de France. Ceux-là mêmes qui condamnent les Pfas pleurent la fermeture de l’usine Solvay à Salindres, qui emploie plus de soixante personnes ! Arrêtez d’agiter les peurs, soyez objectif et respectez les travaux scientifiques.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Cessez d’agiter des arguments fallacieux, madame Brulebois. Nous ne parlons pas des Pfas qui, à ce jour, sont indispensables pour des raisons médicales ou énergétiques. Mobilisons des moyens pour aider les collectivités, autorités organisatrices du service de l’eau, qui sont confrontées à des pollutions majeures. Aidons les agriculteurs et les industriels à atteindre des seuils planchers de pollution diffuse aux Pfas.
Ces composants sont présents dans les produits d’hygiène, la cosmétique ou encore les textiles. Nous pouvons actionner l’article 129 du règlement Reach pour protéger nos concitoyens contre la diffusion non pas d’une, mais de 20 000 molécules. L’enjeu est l’interdiction de tous les Pfas pour protéger la population contre une épidémie de cancer. Certes, il existe des domaines dans lesquels nous ne sommes pas prêts à nous en passer – la médecine et les vêtements ignifugés pour les sapeurs-pompiers par exemple. Ce n’est pas une raison pour ne pas agir dans tous les autres domaines de la vie quotidienne où les Pfas sont présents.
M. Nicolas Thierry (EcoS). Le sujet est suffisamment grave pour faire preuve de nuance. Les Pfas présentent un risque majeur pour la santé et sont présents dans quasiment tous les objets du quotidien. En la matière, nous devons raisonner en termes d’usages essentiels ou non essentiels. Dans l’immédiat, nous ne pourrons pas nous passer des prothèses, des pacemakers ou du Prozac, qui contiennent des Pfas. Mais ces perturbateurs endocriniens sont aussi présents dans les produits cosmétiques qu’utilisent les jeunes filles, ou dans le fart de ski : nous pouvons nous en passer. De grâce, sur un sujet de santé publique aussi grave, cessez les caricatures. Une chose est certaine : cette pollution est majeure et justifie pleinement qu’on lui accorde au moins 10 millions d’euros.
M. Peio Dufau (SOC). Rappelez-vous l’amiante : à l’époque, on a prétendu qu’il serait catastrophique pour l’industrie de cesser d’en produire et d’en utiliser. Résultat, des dizaines de milliers de personnes en sont malades, voire en sont mortes. Puisque nous connaissons les risques liés aux Pfas, nous devons prendre des mesures pour réduire leur présence au maximum.
M. Julien Guibert (RN). Je suis directement concerné : j’habite à 200 mètres de l’usine Solvay de Clamecy, dans la Nièvre, classée Seveso seuil haut. J’ai beaucoup discuté avec des responsables du groupe : comme les autres producteurs de polymères, ils risquent de se désengager pour investir en Asie, où les normes sont moins exigeantes. Pourtant ils disposent de brevets spécifiques pour fabriquer des polymères moins polluants que ceux fabriqués là-bas. Le résultat, c’est que nous allons laisser le marché asiatique gérer ces molécules, avec un effet beaucoup plus néfaste pour la santé, comme le montre l’exemple des batteries de véhicules. En voulant tout interdire, on accélère la mondialisation. Nous devrions plutôt chercher à maîtriser ce que nous consommons.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Nous partageons tous l’objectif de préserver la santé. Vous l’avez dit, certaines actions relèvent des collectivités territoriales, d’autres de l’agence régionale de santé (ARS), d’autres de l’Office français de la biodiversité (OFB). Je propose donc d’abonder les crédits de 5 millions d’euros pour revenir au montant initial et de faire un point d’étape – je ne sais pas où en est l’évaluation de ce que nous avons voté l’an dernier. Je préfère avoir une approche raisonnée et ne pas abonder sans motif précis.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CD21 et adopte l’amendement II-CD182.
Amendement II-CD118 de M. Maxime Laisney
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Le présent amendement tend à rehausser les crédits alloués à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), qui effectue des missions de surveillance industrielle et de contrôle des pollutions, ainsi que des travaux de prévention des risques naturels. C’est un acteur majeur de la surveillance de la qualité de l’air. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 99 % de la population mondiale respire un air dont la quantité de polluants dépasse les plafonds qu’elle a établis et que ces pollutions sont responsables de 36 % des cancers du poumon. Les risques technologiques liés au changement climatique ne cessent d’augmenter. Il est donc indispensable que l’Ineris continue à remplir ses missions d’intérêt général.
Le texte prévoit de lui accorder 5 ETP supplémentaires, mais en 2025, il aura perdu trente-neuf postes depuis 2017. M. Barnier parle de la dette écologique : il faut mobiliser les moyens correspondants. Nous proposons de rouvrir les postes supprimés par les coupes effectuées depuis 2017 et nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Je suis d’accord sur le fond mais la forme pose problème. Votre amendement sera sans effet sur les effectifs puisqu’il tend à augmenter le budget de l’Ineris sans rehausser le plafond d’autorisations d’emplois.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD135 et II-CD143 de M. Emmanuel Fernandes (discussion commune)
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Stocamine est un ancien site minier du sud de l’Alsace reconverti à la fin des années 1990 en site d’enfouissement des déchets dangereux. Malgré l’interdiction initiale d’y placer des déchets inflammables, un incendie s’est déclaré spontanément en 2002. Depuis, plus aucun déchet n’y a été stocké mais tous les experts s’accordent à dire qu’à terme, la plus grande nappe phréatique d’Europe, qui alimente 8 millions de personnes en eau potable, sera contaminée. En effet, même si l’on coule du béton autour des déchets, la saumure polluée remontera tôt ou tard car il est impossible de la rendre étanche. En vertu du principe de précaution et du droit des générations futures à vivre dans un environnement sain, reconnu en octobre 2023 par le Conseil constitutionnel, nous nous devons d’organiser le déstockage des déchets. L’amendement II-CD135 vise donc à créer un fonds pour le financer, en mettant la priorité sur les déchets les plus toxiques et en garantissant une sécurité maximale aux intervenants. Il existe en Suisse et en Allemagne des entreprises compétentes pour y parvenir.
M. Hubert Ott (Dem). L’amendement II-CD143 vise à engager les crédits nécessaires pour commencer le déstockage des déchets dangereux du site de Stocamine. Antea Group a publié le 28 octobre 2020 une étude technique et financière de faisabilité, estimant le coût à 456 millions. Cette somme sera ventilée sur la durée des travaux, soit huit ans et demi. L’abondement du fonds devra donc monter en puissance. Le montant comprend l’entretien minier du site ; l’entretien, le renouvellement et la mise à niveau des équipements ; les charges ; les aménagements au jour et au fond ; les opérations de déstockage et de conditionnement ; l’élimination des déchets et, enfin, le confinement du site.
L’amendement tend à créer un nouveau programme, Fonds finançant le déstockage maximal du site de Stocamine en mettant la priorité sur les déchets toxiques, sans fixer de limites a priori, avec des garanties de sécurité optimale pour les intervenants, sous la conduite d’un opérateur de confiance et le contrôle de la commission de suivi de site (CSS). Il sera d’abord abondé de 31 millions, prélevés sur les crédits affectés aux mines de potasse d’Alsace, dans l’action 04, Gestion économique et sociale de l’après-mines, du programme 174, Énergie, climat et après-mines. Il ne crée aucune charge supplémentaire mais reporte des sommes déjà affectées à Stocamine.
Le déstockage est essentiel : lorsque l’expérience d’enfouissement a été décidée, l’État s’est engagé sur sa réversibilité.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. J’ai présidé une mission d’information commune sur le site de stockage souterrain de déchets Stocamine, dont je vous invite à lire le rapport. Elle recommandait le déstockage, mais à deux conditions : disposer d’un site de réception mieux sécurisé et s’assurer que l’opération n’entraînerait aucun risque environnemental ni humain. Plus d’une centaine d’études ont été menées ; la majorité des experts, indépendants et internationaux, ont conclu qu’il fallait favoriser le confinement. On peut rouvrir le débat, je reconnais que le problème est réel. Cependant les amendements visent à sanctuariser une somme pour financer le déstockage alors qu’aucune décision n’a été prise. Encore une fois, les experts ont conclu au confinement et l’État a pris des engagements. Je vous demande donc de retirer les amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Le second amendement est transpartisan ; les crédits étant déjà affectés, son adoption ne coûterait rien aux finances publiques. L’eau potable de 7 millions de personnes n’est pas un problème anecdotique. Toutes les études convergent pour affirmer qu’elle sera un jour polluée, la seule question étant de savoir quand. Le tribunal doit se prononcer sur l’arrêt en urgence des travaux, et sur leur interdiction. Il faut prévoir les fonds nécessaires pour pouvoir réagir.
M. Hubert Ott (Dem). Que voulons-nous faire de cette situation héritée d’un passé discutable ? La masse d’eau est considérable : c’est la plus grande nappe phréatique d’Europe d’un seul tenant. Sa pollution serait d’autant plus dramatique qu’on ne pourrait la maîtriser. Il est moralement inacceptable de faire courir ce risque à la population de l’Alsace et aux générations de demain. Il faut d’abord sortir les déchets enfouis à 600 mètres de fond, ils seront alors contrôlables et nous pourrons résoudre la question de leur devenir. L’effondrement des galeries est inéluctable ; si on le laisse se produire, nous ne pourrons que subir. Pour un responsable politique, c’est indéfendable.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Les amendements posent un problème de forme. Par ailleurs je vous entends, mais j’écoute aussi les gens présents sur le site : les mineurs ont tous annoncé qu’en cas de déstockage, ils démissionneraient. Une seule chose est certaine : si on ne confine pas, la nappe sera polluée, tout le reste n’est que supposition.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Tous les mineurs n’ont pas annoncé leur démission, c’est faux. Certaines entreprises sont capables de déstocker en toute sécurité, grâce à des bras robotisés. Les 31 millions sont déjà alloués au site, il ne s’agit que de les réaffecter. Le tribunal administratif de Strasbourg devra statuer en 2025 sur la légalité de l’enfouissement : en tant que législateur, nous ne pouvons pas accepter de laisser couler du béton en attendant de savoir si c’est illégal, car il sera trop tard.
M. Hubert Ott (Dem). Je suis le dossier depuis 1997 ; j’étais alors de ceux qui s’opposaient à l’expérience. En 2002, j’ai vécu l’incendie. Il est vrai qu’à l’origine, les mineurs chargés du stockage étaient favorables à cette solution. Mais désormais, tous ceux – ils sont encore vivants, et unanimes – qui ont connu les conditions dans lesquelles la décision de stockage a été prise, puis sa réalisation, sont contre. De surcroît, le déstockage est techniquement possible. En 2014, Ségolène Royal, alors ministre de l’écologie, a ordonné la sortie de 2 tonnes de déchets mercuriels : c’est donc faisable, a fortiori avec les nouvelles techniques robotiques dont nous disposons aujourd’hui.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. S’il est possible de remonter ces déchets, j’en serai le premier ravi. Cependant le problème de forme demeure.
Dans le précédent PLF, le Gouvernement a fait adopter un article additionnel engageant l’État à commencer le déstockage quand les techniques seraient à maturité et les conditions réunies – article censuré par le Conseil constitutionnel. Je ne peux me déclarer favorable à un amendement qui tend à bloquer 500 millions en attendant une hypothétique décision judiciaire.
M. Hubert Ott (Dem). Je le répète : l’amendement II-CD143 ne crée aucune charge, il ne vise qu’à flécher correctement 31 millions.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II‑CD104 de Mme Anaïs Sabatini.
Amendement II-CD144 de Mme Violette Spillebout
Mme Violette Spillebout (EPR). Le présent amendement vise à mieux prévenir les risques naturels et hydrauliques, en lien avec la triste actualité des inondations. Celles qui sont survenues il y a quelques mois dans le Nord et le Pas-de-Calais ont provoqué d’énormes dégâts. Nous consacrons de fortes sommes à réparer mais il faut augmenter le budget consacré à la prévention des risques hydrauliques. Des dispositifs efficaces existent, comme Vigicrues. L’augmentation des moyens permettrait de mieux connaître les cours d’eau, de modéliser les crues pour les prévenir – car les habitants n’ont pas assez de temps pour s’organiser – et de disposer d’outils d’expertise plus performants. Une meilleure cartographie, par exemple, aiderait les gens qui veulent investir dans un territoire mais qui ne peuvent plus se projeter.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. En effet, il est essentiel d’accompagner les collectivités territoriales et les services de l’État qui œuvrent sur le terrain, notamment pour modéliser les crues ainsi que pour construire et contrôler les ouvrages. Avis de sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CD180 de M. Vincent Thiébaut et II-CD81 de Mme Constance de Pélichy
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à augmenter le fonds Barnier de 50 millions d’euros. En 2024, tous les crédits n’ont pas été consommés, mais les territoires sont parvenus à une forme de maturité en la matière, en particulier avec l’élaboration des programmes d’action pour la prévention des inondations.
Nous devrons néanmoins nous interroger sur la gouvernance. En audition, le maire de Mandelieu-la-Napoule nous a expliqué qu’il travaillait depuis quinze ans à la réalisation d’un ouvrage mais qu’il était coincé par des injonctions contradictoires de la loi ou des services de l’État. Une simplification s’impose, même si la réflexion doit aussi s’inscrire dans la durée.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Le fonds Barnier n’est pas à la hauteur des enjeux en matière de prévention et d’environnement. Mon amendement vise donc à le renforcer, eu égard à la multiplication des événements climatiques, qui frappent tous les départements.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-CD44 de M. Christophe Barthès
M. Christophe Barthès (RN). Le présent amendement vise à augmenter de 1 million le fonds Barnier en prélevant des crédits de l’action Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air du programme 174. Dotée de plus de 63,7 millions, pour subventionner des associations et la participation à des instances internationales, elle ne sera pas en péril, mais cela favorisera la sobriété financière, en particulier lors de participations à des instances internationales. À la suite des inondations tragiques qui ont affecté le Nord, comme l’Aude en 2018, l’objectif est de soutenir et de développer la prévention des risques naturels. Il s’agit également de satisfaire à une demande des Français, qui veulent pouvoir compter, en cas de catastrophe, sur le retour de leur contribution au budget de l’État.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable. Nous avons déjà été beaucoup plus ambitieux en adoptant les amendements précédents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD10 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). Mon amendement, issu des travaux d’une mission d’information transpartisane que j’ai présidée, vise à abonder le programme Prévention des risques afin d’aider les communes rurales à réaliser les plans communaux de sauvegarde (PCS). Leur élaboration permet de réunir tous les acteurs concernés – élus, agents municipaux, bénévoles et représentants d’entreprise – pour prévoir la gestion d’une éventuelle crise consécutive à un événement naturel, technologique ou sanitaire majeur. Les petites communes manquent d’ingénierie, sont parfois sous-dotées ou utilisent des plans copiés-collés inadaptés à leur situation.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Il est vrai que certaines communes, en particulier les plus petites, peinent à élaborer les PCS, qui sont pourtant des documents importants : elles se heurtent à la fois aux injonctions contradictoires, au manque d’ingénierie et aux difficultés de financement. Cependant le montant des crédits que vous proposez de transférer au programme 181 est excessif et cette aide ne relève pas du fonds Barnier. Les sommes doivent provenir du budget des communes, éventuellement aidées par l’État.
Demande de retrait ; à défaut avis défavorable.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous parlez d’injonctions contradictoires : le texte rabote le budget des collectivités mais vous refusez d’abonder davantage les programmes à même de financer l’ingénierie dont elles ont besoin. Nous soutenons l’amendement.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Selon les maires et les pompiers, c’est grâce aux PCS – créés dans la loi Matras – que les intempéries et les inondations des dernières semaines n’ont pas fait de victimes.
Les petites communes concernées élaborent aussi leur PCS, suivant la volonté des élus locaux, de la sécurité civile et de la gendarmerie. Les préfectures les aident ; elles en ont les moyens. Ce n’est pas une question de budget mais de coordination des actions. Peut-être faut-il dresser une évaluation des PCS mais, encore une fois, ils ont prouvé leur efficacité.
Mme Lisa Belluco (EcoS). La mission d’information constitue un outil d’évaluation. Celle que M. Lemaire, du groupe Horizons, et moi-même avons conduite sur l’adaptation du modèle de protection et de sécurité civiles a auditionné les associations d’élus. Je cite le rapport : « Les élus de communes rurales ont également alerté la mission d’information sur le manque de ressources humaines comme techniques à l’échelle de la commune pour la réalisation du plan communal de sauvegarde, obligeant certaines communes à déléguer ces missions à des prestataires externes. Beaucoup d’élus locaux souhaiteraient ainsi pouvoir bénéficier d’un accompagnement plus poussé de l’État en matière d’ingénierie, afin de pouvoir être plus à même de développer ces outils par eux-mêmes. De même, les exercices anti-incendie représentent un coût difficilement pris en charge par les collectivités, alors que leur utilité dans la lutte contre les feux de forêt est avérée. » Partant, nous avons recommandé d’inclure dans la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) une ligne budgétaire consacrée au financement des PCS. Je vous propose d’adopter l’amendement, quitte à réviser le montant des crédits alloués lors de l’examen en séance.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. C’est en effet sur le montant de la DETR qu’il faut agir. Le financement des PCS ne relève pas du fonds Barnier, qui doit financer la prévention des inondations.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD141 de M. Timothée Houssin
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Le fonds Barnier ne peut pas non plus être mobilisé pour lutter contre le frelon asiatique, dont je ne méconnais pas la nocivité par ailleurs. Le Sénat a adopté une proposition de loi visant à endiguer sa prolifération qui met en danger la biodiversité.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Anthony Brosse (EPR). Les auditions préalables à l’examen de cette proposition de loi étaient en cours quand la dissolution est intervenue. Si tout va bien, ce texte viendra à l’ordre du jour la semaine du 2 décembre.
M. Julien Guibert (RN). Le frelon asiatique est nuisible, en particulier pour la filière apicole. Il s’agit d’un amendement d’appel mais je n’ai pas entendu l’avis du rapporteur sur le transfert de 100 000 euros qui est proposé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD173 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). Le présent amendement d’appel vise à créer un plan national de lutte contre les pollutions sonores liées au secteur des transports.
Après la pollution atmosphérique, le bruit est le deuxième facteur environnemental de problèmes de santé. Les conséquences sanitaires des pollutions sonores sont graves : elles perturbent le sommeil et les systèmes endocrinien, cardio-vasculaire et immunitaire, et augmentent le risque d’hypertension artérielle et d’asthme.
Le trafic routier en est l’une des premières causes ; 40 % de la population française est exposée à des niveaux sonores supérieurs à ceux recommandés par l’OMS. Plus de 1,9 million de Franciliens sont exposés à la pollution sonore aéroportuaire, qui excède les recommandations de l’OMS le jour comme la nuit.
Le coût social en France est évalué à 147 milliards par an. En moyenne, les personnes qui y sont durablement exposées perdent 10,7 mois de vie.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Le quatrième plan national santé environnement (PNSE4) prévoit d’améliorer l’environnement sonore. Par ailleurs, contre les bruits liés aux infrastructures de transport, des plans de prévention sont déployés au niveau local. Un plan national serait plus large mais il faut s’appuyer sur ce qui existe. Pour faire respecter le code de l’environnement et le code de la santé, les agents des ARS, notamment, prennent des dispositions sévères, par exemple en demandant l’annulation de certaines activités dans les salles des fêtes.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Des articles récents ont révélé que le bruit dans les cantines scolaires pouvait atteindre 90 décibels, très largement au-dessus des recommandations. Beaucoup d’élèves portent des bouchons d’oreilles en cours – c’est anormal. Nous devons nous saisir du problème.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CD65 de Mme Constance de Pélichy, II-CD153 et II-CD154 de M. Gérard Leseul (discussion commune)
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Vous avez tous assisté aux auditions du président de l’ASN et du directeur général de l’IRSN. Les deux fois, le trou budgétaire de 37 millions de la future ASNR et été évoqué et son ampleur m’a été confirmée lors des auditions menées en préparation de mon rapport pour avis. Mon amendement vise à le combler.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Lors de son audition, le président sortant de l’ASN a souligné le risque que l’ASNR ne puisse fonctionner si nous réduisons son budget. La sûreté nucléaire doit constituer une priorité nationale et nous devons tout mettre en œuvre pour renforcer les contrôles au cours des prochaines années, qui verront la poursuite du grand carénage des centrales existantes et le déploiement du programme nucléaire. L’amendement II-CD153 vise donc à allouer 2 millions d’euros supplémentaires au programme Sûreté nucléaire et radioprotection ; l’amendement II-CD154, de repli, 1 million. Il faudrait renforcer les effectifs de l’ASNR de 20 ETP par an pendant les cinq années de l’application du programme pluriannuel.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Pendant les auditions, le président de l’ASN a expliqué qu’il manquerait 37 millions par rapport aux prévisions. Depuis, l’État a abondé sa participation ; il ne manquerait plus que 19 millions, mais on attend un rescrit fiscal qui pourrait se monter à 22 millions. Je vous propose le retrait de ces amendements au profit de mon amendement II-CD184, beaucoup plus ambitieux.
M. Vincent Descoeur (DR). J’ai exprimé ma préoccupation à ce sujet. Dois-je comprendre que le nouveau statut serait plus avantageux de 22 millions ?
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Après un abondement de l’État effectué depuis la tenue de nos auditions, la somme manquante ne serait plus de 37 mais de 19 millions d’euros, et elle pourrait être couverte par le rescrit fiscal de 22 millions d’euros intervenant à la création de la nouvelle structure – il resterait même un supplément de 3 millions d’euros. Dans l’amendement II-CD184 à venir, je vous propose d’augmenter les crédits de la future ASNR de 10 millions d’euros, afin de sécuriser au moins la moitié de son financement dans le cas où le rescrit fiscal, qui n’interviendra pas avant le mois de novembre, ne serait pas au niveau attendu.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). C’est bien ce qui me gêne dans votre réponse : nous n’avons pas d’assurance totale concernant le rescrit fiscal. Le président de l’IRSN n’avait pas manqué de nous alerter sur le fait qu’une diminution du budget affecterait en premier lieu la recherche, poste essentiel dans une perspective de réindustrialisation nucléaire et aussi en termes de sûreté à un moment où se développent les petits réacteurs innovants. Qui peut le plus peut le moins : quitte à revoir nos positions en séance, sécurisons une somme importante pour la future ASNR.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Le conditionnel restant du conditionnel, j’abonde dans le même sens. Si l’amendement II-CD65 est adopté, les nôtres tombent. Celui du rapporteur pour avis tombera-t-il également, sachant qu’il n’est pas dans la discussion commune tout en portant sur le même sujet ?
M. Vincent Descoeur (DR). Comme mes collègues, j’insiste sur le caractère hypothétique de ces 22 millions d’euros. Au cours des auditions, nous avions tous admis que l’ASNR devait conserver des moyens pour la recherche, mais aussi pour assurer l’attractivité de ses métiers dans un environnement très concurrentiel. Quel que soit le régime fiscal applicable, il faut combler cet écart de 37 millions d’euros.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. L’amendement II-CD184 du rapporteur pour avis ne tomberait pas en cas d’adoption de l’amendement II-CD65 car il n’est pas gagé sur le même programme.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Encore une fois, le besoin n’est plus de 37 millions mais d’une vingtaine de millions. En raison du changement de statut de l’établissement, il y aura un rescrit fiscal. La seule incertitude porte sur son montant, étant donné qu’il portera sur plusieurs composantes – TVA, taxes foncières et autres. Sanctuarisons 10 millions d’euros dès à présent, pour le cas où l’une de ces composantes ne serait pas couverte par le rescrit. Nous serions alors certains de couvrir la totalité des besoins identifiés par l’ASN et l’IRSN. Quoi qu’il en soit, mobiliser 50 ou 100 millions d’euros supplémentaires comme vous le proposez ne suffirait pas à ce que l’IRSN embauche davantage, puisqu’il ne parvient déjà pas à réduire un taux de vacance élevé.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Rappelons que cette fusion a notamment été justifiée au motif qu’elle résoudrait les problèmes de recrutement en renforçant l’attractivité des métiers.
La commission adopte l’amendement II-CD65.
En conséquence, les amendements II-CD153 et II-CD154 tombent.
Amendement II-CD112 de M. Maxime Laisney
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). N’oublions pas que cette fusion à marche forcée soulèvera de graves problèmes d’indépendance : les experts seront sous la tutelle de décisionnaires, ce qui peut conduire à faire prévaloir les intérêts économiques et politiques sur l’intérêt général de la sûreté nucléaire. Le comité social et économique (CSE) de l’IRSN avait émis un avis défavorable sur le projet de fusion. L’opération s’est faite contre l’avis des salariés et dans des délais contraints et impossibles à tenir – nous en avons désormais la preuve. Pour couronner le tout, les moyens n’étaient pas à la hauteur. Je me réjouis de l’adoption d’un amendement qui va permettre d’augmenter réellement les crédits, alors que vous nous parlez de ressources potentielles, monsieur le rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de maintenir le nombre d’emplois à 2 320 postes, résultant de l’addition des effectifs des deux entités, alors que la fusion aboutit à la suppression de 293 emplois. Dans le domaine de la sûreté nucléaire et dans un contexte de relance effréné, le maintien des emplois est une nécessité.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis. Pour ma part, je regrette le vote de l’amendement précédent car la solution que je proposais aurait permis de rassurer beaucoup de monde, mais j’en prends acte. Cela étant, nous n’allons pas ajouter 14 millions d’euros supplémentaires comme demandé dans cet amendement, d’autant que la nouvelle entité ne pourra pas embaucher plus dans la mesure où ses autorisations d’emploi restent inchangées. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-CD184 de M. Vincent Thiébaut est retiré.
Amendement II-CD147 de Mme Clémence Guetté
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous proposons de créer un fonds pour la souveraineté dans le pilotage de la transition énergétique dans le cadre d’un nouveau programme budgétaire abondé de 3 milliards d’euros. Il devrait permettre à l’État d’entrer au capital de TotalEnergies et de General Electric, et d’augmenter sa participation dans Engie. L’énergie n’est pas une marchandise mais un bien commun. Nous défendons donc le retour à une forme de monopole public de la production d’électricité, s’inscrivant dans un réseau européen.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD130 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous proposons d’abonder le fonds vert à hauteur de 4 milliards d’euros. Ce fonds est sévèrement entamé par les projections budgétaires du gouvernement Barnier, alors qu’il est impératif de renforcer les investissements locaux. Chevilles ouvrières de la bifurcation écologique, les collectivités locales interviennent dans la rénovation thermique du patrimoine bâti, des équipements scolaires et sportifs, des immeubles des bailleurs sociaux. Elles s’occupent aussi de renaturation, de développement des transports, et j’en passe. Dans une récente étude, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) estime d’ailleurs les besoins en investissements publics des collectivités à 12 milliards d’euros par an. On en est bien loin avec le fonds vert rabougri du PLF.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD157 et II-CD158 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous nous étions réjouis de la hausse de 1 milliard de l’enveloppe du fonds vert l’an dernier ; les collectivités territoriales avaient alors déposé 15 000 projets pour un montant de 4,9 milliards, prouvant ainsi leur capacité à utiliser les outils proposés par l’État pour agir en faveur de la transition écologique. Cette année, alors que les collectivités vont subir des coupes budgétaires à hauteur de 5 milliards, le fonds vert est amputé de 1,5 milliard, ce qui va complètement à l’encontre des trajectoires et des objectifs qui devraient être recherchés. Nous proposons donc d’abonder le fonds vert à hauteur de 2 milliards ou, en repli, de 1,5 milliard, pour – c’est un minimum – rétablir la situation de l’année dernière.
Successivement, contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements.
Amendement II-CD56 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). En 2023, le Gouvernement créait le fonds vert, un outil essentiel pour aider les collectivités territoriales à relever le défi de la transition écologique. Ce fonds correspondait à l’exact contraire de ce que vous décrivez tous comme de l’écologie punitive : une écologie par le bas, construite à partir d’initiatives de terrain et de projets soutenus par les collectivités, répondant à des problèmes du quotidien. Même ça, le Gouvernement le détruit. Dans le PLF, les crédits du fonds vert passent de 2,5 à seulement 1 milliard, soit une baisse de 60 %. Parmi les efforts budgétaires auxquels vous appelez les Français après avoir fait n’importe quoi avec leur argent, c’est l’un des effondrements les plus massifs, qui affaiblit directement les capacités de nos collectivités à adapter leur territoire au dérèglement climatique.
Contraints à des efforts budgétaires, les Français doivent aussi payer pour des écoles rurales surchauffées faute de rénovation énergétique, pour le manque d’alternatives de mobilité, pour des dégâts causés par des inondations massives – certains habitants ont tout perdu en quelques minutes la semaine passée, et leurs communes sont laissées sans solution. Cette situation est d’autant plus inacceptable que nous savons ce qu’il en coûtera de torpiller le budget de l’écologie : selon un rapport publié en décembre 2023 par l’Ademe, l’inaction climatique pourrait coûter près de 260 milliards dans le cas d’un réchauffement de 3,5 degrés d’ici à la fin du siècle. Il est donc impératif de rétablir le fonds vert au moins à son montant initial de 2,5 milliards pour permettre aux collectivités de poursuivre leurs actions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD128 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Pour toutes les raisons déjà invoquées, nous voulons annuler les coupes budgétaires prévues au titre du fonds vert, qui auraient de graves répercussions sur la vie quotidienne de nos concitoyens, où qu’ils vivent sur le territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD140 de Mme Claire Lejeune et II-CD139 de M. Maxime Laisney (discussion commune)
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Il s’agit d’augmenter les fonds dédiés à la rénovation thermique afin de revenir sur les coupes budgétaires et d’appliquer le reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant une rénovation thermique globale. Dans son rapport annuel de 2024, le Haut conseil pour le climat (HCC) estime que le reste à charge constitue un élément clé dans la décision d’engager ce genre de rénovation. Il doit donc être nul si nous voulons atteindre les objectifs en matière de rénovations globales réalisées chaque année, alors que leur nombre stagne à un niveau catastrophique.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous souhaitons annuler les coupes budgétaires prévues pour la rénovation thermique. La Cour des comptes a pointé la vulnérabilité des habitations face au réchauffement climatique. Malheureusement, l’urgence climatique et la lutte contre la précarité énergétique ne sont pas la priorité d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements. En amont de ce budget austéritaire, les coupes budgétaires annoncées en février 2024 ont touché de manière démesurée les fonds dédiés à l’écologie, dont ceux de MaPrimeRénov’. En outre, le périmètre de la ministre de la transition écologique a été drastiquement réduit, ce qui est incompatible avec la mise en place d’une planification écologique cohérente et globale.
Successivement, contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements.
Amendement II-CD122 de Mme Claire Lejeune, II-CD169 de M. Fabrice Barusseau et II-CD123 de M. Maxime Laisney (discussion commune)
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous souhaitons porter à 2 milliards les fonds dédiés à l’électrification des véhicules, à rebours de la coupe de 500 millions prévue par le Gouvernement. Ces fonds doivent être dédiés aux ménages modestes afin qu’ils puissent acheter des véhicules électriques dont le prix moyen est de 35 000 euros, contre 26 000 euros pour une voiture thermique. En incluant la borne de recharge, le reste à charge pour l’achat d’une voiture neuve est compris entre 10 000 et 40 000 euros – de l’ordre de 22 000 euros pour un ménage modeste. Pour un ménage en situation de précarité, qui ne peut pas épargner, un tel achat est impossible à concrétiser.
L’électrification des véhicules répond à des préoccupations sanitaires : la pollution de l’air provoque 40 000 morts prématurées par an. Certaines études mettent aussi l’accent sur un phénomène croissant de précarité en matière de mobilité. L’État doit se montrer responsable et mobiliser les moyens permettant notamment aux ménages modestes et aux classes populaires d’acheter des véhicules électriques.
M. Fabrice Barusseau (SOC). Un peu plus modeste que le précédent, mon amendement répond aux mêmes préoccupations avec les mêmes arguments. On entend sans cesse marteler qu’il faut plus de taxes et moins d’aides, un signal forcément perçu comme très négatif par les citoyens. Pour notre part, nous proposons d’ajouter 600 millions pour rétablir les crédits en matière d’aides à l’acquisition de véhicules moins polluants à leur niveau antérieur. Rappelons que ces crédits peuvent servir à l’achat d’une voiture ou à une location de longue durée dite leasing social, mais nous ne connaissons pas encore la répartition des différentes enveloppes. En plein bras de fer entre l’Europe et la Chine à propos des surtaxes appliquées aux véhicules chinois, la baisse de ces aides est malvenue : elle risque de réduire l’avantage compétitif des véhicules électriques fabriqués en Europe face à des véhicules concurrents importés de Chine et privés du bonus français depuis décembre.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous proposons d’annuler les coupes budgétaires prévues pour l’électrification des véhicules et d’en revenir aux crédits existants, même si nous les jugeons largement insuffisants. C’est aussi un enjeu critique d’un point de vue industriel : quand la puissance publique retire ses aides, comme en Allemagne, le marché s’effondre. Le passage à l’électrique ne revient pas à passer d’une marchandise à une autre, il soulève des questions de droit à la mobilité, d’inclusion, d’égalité entre les citoyens et entre les territoires.
La commission rejette successivement les amendements.
4. Réunion du mercredi 23 octobre après-midi
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous poursuivons l’examen des crédits consacrés au programme 174 Énergie, climat et après-mines. Alors que la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) n’autorise les transferts de crédits d’un programme à l’autre que sous réserve de leur disponibilité, le programme 174 n’est plus doté, du fait des amendements adoptés depuis hier, que de 603 millions d’euros. Je vous invite à en tenir compte.
Article 42 et État B (suite) : Crédits du budget général
Amendement II-CD19 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). Le soutien au verdissement des véhicules diminuera de 500 millions en 2025. Le ministre des transports s’est certes déclaré attaché au leasing social, dont le développement était une promesse présidentielle, mais sans préciser quel montant pourrait lui être alloué. Nous en proposons un : si notre amendement visant à renforcer le malus au poids est adopté en séance publique, nous dégagerons une recette supplémentaire de 220 millions dès l’année prochaine. Je suggère de consacrer une enveloppe équivalente à l’aide aux personnes modestes souhaitant acheter un petit véhicule électrique. Cet amendement a été rédigé en collaboration avec l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis (Transition énergétique). Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD175 de M. David Taupiac
M. David Taupiac (LIOT). Si 50 000 foyers modestes ont pu acquérir une voiture électrique en 2024 grâce au leasing social, nous redoutons que ce dispositif fasse les frais des restrictions budgétaires, ses financements étant noyés dans un budget plus global. Je propose donc de clarifier les choses en créant un programme Leasing social spécifique vers lequel seraient fléchés les 650 000 millions que nous entendons y consacrer.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Après ce vote, je serais théoriquement en droit de refuser l’examen de tout amendement tendant à prélever des crédits sur le programme 174.
Amendement II-CD151 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). Issu des travaux de la mission flash sur les mesures d’accompagnement de la création de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) et déjà adopté par notre commission l’année dernière, cet amendement vise, dans un objectif de justice sociale, à renforcer et à mieux cibler les aides à l’acquisition d’un véhicule moins émetteur, en les étendant par exemple à ceux qui respectent les normes Crit’Air 2. À l’heure où nombre de véhicules affichent encore une vignette Crit’Air 3, 4 ou 5, un dispositif élargi permettrait de verdir progressivement le parc automobile en aidant les personnes aux revenus modestes.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Je ne peux que partager votre ambition, mais l’extension de la prime à la conversion aux véhicules Crit’Air 2 me paraît incompatible avec l’objectif d’électrification du parc automobile. Avis de sagesse.
M. Gérard Leseul (SOC). Nous sommes tous favorables à l’électrification progressive du parc, mais la marche est très haute. Un véhicule électrique d’occasion de taille moyenne coûte au moins 15 000 euros. Ces prix, inabordables, nous imposent d’offrir à nos concitoyens un accompagnement socialement acceptable pour eux.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. L’abondement du budget consacré à l’électrification du parc doit précisément permettre aux Français de franchir rapidement cette marche, plutôt que de diluer le dispositif en allouant des fonds à des véhicules moins vertueux.
M. Gérard Leseul (SOC). Les véhicules électriques abordables sont-ils fabriqués en France ? Permettent-ils de maintenir et de développer notre industrie ? Je me permets d’insister sur la nécessité de définir une trajectoire plus raisonnable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD170 de M. Fabrice Roussel
M. Fabrice Roussel (SOC). Nous proposons de créer un prêt à taux zéro (PTZ) pour l’achat d’un véhicule moins émetteur en finançant la garantie de l’État, conformément aux conclusions de la mission flash consacrée aux ZFE-m et à la proposition de loi déposée par M. Leseul le 3 novembre 2021. Le dispositif prévu dans la loi « climat et résilience », trop restrictif et non adossé sur une garantie de l’État, est insuffisant.
L’objectif est de simplifier les démarches en avançant les aides et de combler le reste à charge, qui peut parfois paraître insurmontable. Pour l’État, qui garantirait le prêt à hauteur de 90 %, l’effort prendrait la forme d’une immobilisation de trésorerie et non d’une véritable dépense.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD16 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous proposons de renforcer les aides à l’achat de vélos à assistance électrique. Une telle mesure serait d’une grande efficacité budgétaire et écologique : moins lourds que les voitures, les vélos électriques consomment moins d’énergie et de matériaux, tout en permettant de se déplacer rapidement et moyennant un effort réduit, en ville et au-delà. À l’heure où les ZFE-m se déploient, ils doivent prendre une place bien plus centrale dans nos politiques de mobilité, en complément des autres offres de transport. Néanmoins, leur coût les rend relativement inabordables, en particulier pour les personnes les plus défavorisées ou les classes moyennes, qui doivent être aidées fortement en vue de réduire leur reste à charge.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD159 de M. Fabrice Roussel
M. Fabrice Roussel (SOC). L’installation de bornes de recharge est indispensable au renouvellement du parc automobile et à la réussite d’une transition écologique soutenable pour les acteurs de la mobilité. Les contraintes et les coûts occasionnés sont particulièrement forts, même si la filière du stationnement, qui a un rôle majeur à jouer dans le verdissement du parc, adhère pleinement aux objectifs de déploiement.
Nous proposons d’abonder de 120 millions d’euros l’action 03 Aides à l’acquisition de véhicules propres pour assurer un meilleur maillage du territoire par le réseau de bornes de recharge et garantir une meilleure accessibilité aux consommateurs. Nous ne saurions en effet consentir à ce que les zones rurales, moins denses, soient oubliées par les opérateurs privés.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD58 de M. David Taupiac
M. David Taupiac (LIOT). Le renforcement du malus écologique et du malus au poids prévu dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 permettra d’augmenter très nettement les recettes associées. Je propose de créer un fonds, abondé par une partie de ces excédents, pour accélérer la transition du secteur automobile et faciliter le verdissement des flottes.
Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD88 de M. Denis Fégné
M. Denis Fégné (SOC). Cet amendement vise à rétablir les crédits consacrés au chèque énergie, qui seraient réduits à 852 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 567 millions en crédits de paiement (CP) en 2025 – montants auxquels il convient d’ajouter 13 millions au titre du dispositif spécifique aux résidences sociales et 35 millions de frais de gestion. Les crédits alloués à ce dispositif qui a bénéficié à plus de 5 millions de ménages en 2023, après être restés stables ces deux dernières années, seraient ainsi rabotés de 180 millions en CP et de 47 millions en AE.
Nous proposons de revaloriser cette aide en tenant compte de l’augmentation de 8,6 % du prix de l’électricité intervenue en février 2024, pour un coût raisonnable de 115 millions en AE et de 257 millions en CP – en retenant le même taux de réalisation que celui prévu dans le projet annuel de performances (PAP) de la mission.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD127 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous proposons d’augmenter les crédits de paiement consacrés au chèque énergie pour les ramener à leur niveau de 2024, afin de nous assurer que les fonds soient bien provisionnés, donc que la réforme prévue par le Gouvernement – le chèque ne sera plus versé automatiquement – ne soit pas un prétexte pour faire des économies sur le dos des plus précaires en pariant sur le non-recours au dispositif.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD203 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Reprenant un amendement de Charlotte Leduc adopté l’année dernière puis balayé par le Gouvernement après son recours à l’article 49.3, il vise à remédier à une situation particulièrement pénalisante pour les anciens mineurs ayant opté pour le rachat des indemnités de logement ou de chauffage dans le cadre d’un contrat de capitalisation. Il était prévu, au terme de l’amortissement du capital réel perçu par ces anciens mineurs dans le cadre du contrat, que le versement des prestations reprenne, ce qui n’a finalement pas été le cas.
Nous souhaitons prévoir le versement des indemnités dues et, le cas échéant, le rattrapage des montants non perçus par les anciens mineurs et leurs ayants droit.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement II‑CD25 de M. Pierre Meurin.
Amendement II-CD94 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Au risque de verser dans la marteau-thérapie sur ce sujet qui me tient à cœur, je propose de ponctionner le budget alloué aux ZFE. Le ministre n’étant pas présent, je crains de parler dans le vide, mais quand mettrons-nous fin à ce séparatisme que certains souhaitent instaurer entre les Français des zones rurales, notamment les plus modestes, et ceux des zones urbaines ? Je vois que Gérard Leseul, au moins, m’écoute – il a bien conscience de la faible acceptabilité sociale des ZFE, même s’il explique par ailleurs qu’il faut les maintenir.
Il est temps de sortir de l’omerta qui entoure cette question – à tel point qu’on pourrait se demander si un intérêt électoral n’est pas en jeu. Les habitants de ma circonscription me parlent tous les jours de la ZFE qui sera créée à Nîmes en 2025. Nous devons remédier à l’absurdité du système Crit’Air et répondre à l’incompréhension des Français. Le fait de ne pas pouvoir échanger avec un ministre à ce propos est une vraie source de frustration.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Si je comprends bien, vous êtes à la fois contre les ZFE et contre l’électrification du parc automobile. Vous parvenez donc à adopter une position simultanément antisociale, antiécologique et néfaste sur le plan sanitaire – puisque la pollution de l’air cause 40 000 morts prématurées par an. Rappelons en outre que la France est visée par trois procédures contentieuses liées au non-respect des objectifs de concentration en dioxyde d’azote et en particules PM10 fixés par l’Union européenne.
Notre ambition est de concilier les objectifs d’égalité et de justice sociale et les objectifs écologiques, afin que nos concitoyens ne restent pas dépendants de leur voiture thermique, dont l’usage a des conséquences dramatiques pour leur santé. J’émets donc bien évidemment un avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). Nous œuvrons pour l’égalité. La preuve : nous refusons de faire une différence entre zones rurales et zones urbaines et nous voulons que nos concitoyens ruraux puissent bénéficier des mêmes solutions de mobilité que les urbains.
Les ZFE-m sont de toute façon un leurre : au vu du nombre de dérogations possibles, il est probable qu’elles ne servent strictement à rien, alors que leur déploiement sera lourd et complexe. À Marseille, par exemple, la moitié de la pollution de la ville est causée par le port, qui n’est pourtant pas classé en ZFE. Vous me rappelez ces soldats de la Septième compagnie qui, pour faire accélérer un train en marche, actionnent le sifflet plutôt que de remettre du charbon : vous faites du bruit, mais vous n’avancez pas.
M. Pierre Meurin (RN). Je vous rappelle, madame la rapporteure pour avis, que vous appartenez à un groupe politique qui a demandé un moratoire sur les ZFE.
Je connais par cœur la fiche que vous venez de lire pour me répondre. Vous prétendez que nous sommes contre les véhicules électriques, ce qui est faux. Seulement, connaissez-vous leur coût carbone et leur niveau d’émissions de particules fines – monoxyde et dioxyde d’azote ? Ce n’est pas le pot d’échappement qui émet le plus de particules fines, mais les pneus et les suspensions, qui sont davantage mis à l’épreuve sur les véhicules électriques, du fait de leur poids. Je vous invite donc à consulter les vraies études, celles qui montrent que les véhicules électriques émettent au moins autant de particules fines que les véhicules thermiques légers – d’où l’absurdité des normes Crit’Air, qui s’attachent uniquement à l’ancienneté du véhicule sans prendre en compte son poids.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). J’ai travaillé sur cette question pendant dix ans à la métropole de Clermont-Ferrand, où nous avons créé une ZFE. Je serais curieux de lire les études auxquelles vous faites référence, car s’il est vrai que les véhicules électriques émettent des particules fines, à l’instar des véhicules thermiques – moins au freinage, mais un peu plus au niveau des pneus –, le fait que vous évoquiez le dioxyde d’azote montre que vous n’y connaissez rien, ce gaz étant produit par la combustion.
Je suis d’accord avec vous : le dispositif ZFE n’est pas parfait. En revanche, il n’a pas vocation à faire de la ségrégation territoriale, mais bien à rétablir l’égalité entre les citoyens – qu’ils habitent en ville, dans les zones périurbaines ou à la campagne – face aux conséquences sanitaires de la pollution de l’air. C’est bien parce que l’air est de moins bonne qualité dans les villes et que la durée de vie de leurs habitants risque de s’en trouver raccourcie que les dispositifs concernent les zones urbaines.
Je serais curieux de connaître vos propositions pour résoudre ce problème : vous prenez la parole à tire-larigot depuis hier soir pour réclamer la présence d’un ministre, mais je n’ai entendu aucune suggestion de nature à améliorer la situation.
M. Gérard Leseul (SOC). Il est effectivement stupide de faire des ZFE un totem en les rendant coupables de tous les maux. Notre commission y a consacré beaucoup de temps et a proposé de nombreuses améliorations à ce dispositif, qui est certes loin d’être parfait. Plusieurs de nos recommandations ont d’ailleurs été retenues par les collectivités locales et par le Gouvernement. Ce travail doit se poursuivre.
J’appelle nos collègues à faire preuve de cohérence : comment peut-on s’opposer à la fois au malus au poids et aux aides à l’achat de véhicules Crit’Air 1 ou 2, qui, par définition, ne seraient pas limitées aux véhicules électriques ?
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je serais moi aussi curieuse de consulter les études mentionnées par M. Meurin. À Berlin, par exemple, la création d’une ZFE a permis de faire diminuer la concentration de dioxyde d’azote de 12 % et celle de carbone de 52 %.
M. Pierre Meurin (RN). Voilà deux ans qu’on explique que les ZFE ne sont pas parfaites et qu’on ne fait rien pour y remédier. Je ne vois pas de quelles améliorations M. Leseul parle. Le fait que la mairie de Paris annonce un « pass ZFE » permettant aux véhicules polluants de circuler jusqu’à douze jours dans la capitale montre bien l’absurdité du système.
Peut-être n’ai-je pas été assez clair, mais je faisais référence aux particules fines, qui sont produites à 75 % par le système de freinage et par les suspensions des véhicules. À cette aune, une Clio de Crit’Air 4 pollue en réalité beaucoup moins qu’un Range Rover ou qu’un SUV de la marque Tesla.
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Pour vous répondre sur le moratoire demandé par LFI, il y a une différence entre critiquer les ZFE tout en œuvrant à ce que les Français accèdent à d’autres moyens de mobilité, et se contenter de dire que les ZFE n’ont pas de sens tout en refusant de consacrer des crédits à l’électrification du parc automobile. Vous défendez une position simpliste qui mettra les Français dans une impasse en maintenant leur dépendance aux véhicules thermiques, nocifs pour le climat comme pour leur santé ; nous promouvons la transition des mobilités dans leur ensemble, tout en critiquant les ZFE telles qu’elles sont conçues actuellement.
La commission rejette l’amendement.
Article 45 et État G : Objectifs et indicateurs de performance
Suivant l’avis de M. Vincent Thiébaut, rapporteur pour avis (Protection de l’environnement et prévention des risques), la commission rejette l’amendement II-CD102 de M. Timothée Houssin.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 non modifié.
Article 60
Amendements de suppression II-CD134 de Mme Claire Lejeune, II-CD47 de Mme Danielle Brulebois et II-CD92 de M. Denis Fégné
Mme Claire Lejeune, rapporteure pour avis. Nous souhaitons supprimer la réforme du chèque énergie, qui, en remettant en cause l’automaticité de son versement, risque de conduire à une hausse du non-recours et affecterait les personnes les plus précaires, souvent concernées par les fractures numérique, sociale et générationnelle.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Le chèque énergie a eu beaucoup de succès. S’il cesse d’être attribué automatiquement, les bénéficiaires actuels continueront certes de le percevoir sous réserve d’y être toujours éligibles, mais les nouveaux bénéficiaires potentiels risquent de rencontrer d’importantes difficultés. Le chèque s’adresse en effet à un public précaire, qui n’a pas forcément accès aux plateformes. Cette demande émane d’ailleurs de l’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir.
M. Denis Fégné (SOC). Avec l’article 60, le Gouvernement entend faire des économies sur le dos des bénéficiaires du chèque énergie : les associations de défense des consommateurs craignent à juste titre une explosion du non-recours si la fin de l’envoi automatique est validée.
La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 60. En conséquence, les amendements II-CD46, II-CD48 et II-CD42 de Mme Manon Bouquin tombent.
Mission Écologie, développement et mobilité durables : Paysages, eau et biodiversité ; Politiques de développement durable (M. Sébastien Humbert et Mme Lisa Belluco, rapporteurs pour avis)
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis (Paysages, eau et biodiversité). J’ai été désigné rapporteur pour les crédits du programme 113 Paysages, eau et biodiversité et du programme 159 Expertise, information géographique et météorologie, qui comprend les subventions pour charges de service public (SCSP) d’opérateurs tels que le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), Météo-France ou l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
Ces deux programmes évoluent de façon contrastée : si les moyens du programme 113 diminuent fortement, le programme 159 est globalement préservé, ses crédits augmentant de 0,7 % – ce qui ne compense pas, néanmoins, l’augmentation des charges obligatoires des opérateurs, liée en particulier à la hausse de 4 points de la contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) pensions et à la réforme des mutuelles de santé.
La baisse des crédits du programme 113 affectera essentiellement l’action 07 Gestion des milieux et biodiversité, qui représente plus de 90 % des crédits du programme. Les financements affectés à la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2030 seront ainsi divisés par deux, passant de 264 à 130 millions d’euros, ce qui aura nécessairement une incidence sur les actions conduites par l’État en faveur des écosystèmes.
Bien que bénéficiant d’une augmentation de 15 millions de sa SCSP, l’Office français de la biodiversité (OFB) disposera par exemple de moins de moyens pour mener ses actions. Il devra donc agir intelligemment, c’est-à-dire en restaurant la biodiversité sans la détruire par des politiques énergétiques dévastatrices. J’ai ainsi rappelé, lors des auditions, la nécessité de stopper l’implantation d’outils de production d’énergie intermittente, en particulier les éoliennes, dont les coûts pour la société et le préjudice pour la biodiversité sont considérables – on ne compte plus les milans ou les cigognes décapités par ces aérogénérateurs. La France a besoin de davantage d’énergie décarbonée pilotable. Il serait donc beaucoup plus opportun de développer l’hydroélectrique en remettant en service des turbines – une démarche souvent bloquée par l’interprétation de la réglementation écologique –, d’autant que, d’après les experts, le potentiel d’exploitation pourrait ainsi croître de 20 %. Je déposerai un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur cette question.
Il est également nécessaire de mieux informer les maires ruraux quant aux possibilités qui leur sont offertes en matière de curage des cours d’eau, et surtout de leur donner davantage de souplesse pour intervenir, notamment pour libérer les embâcles responsables de certains débordements. À l’occasion des inondations de cet été dans la plaine des Vosges, les élus de ma circonscription m’ont fait part de difficultés de communication avec l’OFB à propos du déblaiement des rivières et des fossés. Cet organisme devra renoncer à ses dogmes et assouplir ses relations avec les collectivités locales.
Le programme 113 finance également les missions d’intérêt général de l’Office national des forêts (ONF). Sa dotation reste stable, à 19,3 millions d’euros, alors que les missions qui lui incombent, notamment la lutte contre les parasites et le renouvellement du peuplement forestier, augmentent. C’est pourquoi je proposerai d’augmenter ses crédits de 3 millions. Je déposerai également en séance publique un amendement sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, en vue de revenir sur la suppression de quatre-vingt-quinze emplois d’ouvriers forestiers. L’ONF devrait se recentrer sur son cœur de métier et non dépendre toujours plus d’entreprises forestières privées qui ne respectent pas toujours scrupuleusement les cahiers des charges. En outre, les délais de réalisation des travaux forestiers s’allongent en raison du manque de main-d’œuvre. La réduction des effectifs de l’ONF risque aussi de se traduire par une baisse du chiffre d’affaires et une hausse des charges d’externalisation préjudiciables à ses finances.
Je me suis aussi intéressé aux moyens du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), qui a notamment pour objectif de protéger chaque année, par acquisition ou affectation, 2 500 à 3 500 hectares supplémentaires d’espaces naturels littoraux soumis à des pressions importantes, dégradés ou menacés. Il devrait disposer de 4 millions supplémentaires pour mener à bien ses missions. Je défendrai un amendement en ce sens.
Enfin, si les dotations des agences de l’eau ont été renforcées ces deux dernières années dans le cadre du plan Eau, ces organismes se heurtent à deux problèmes : leur plafond de dépenses, qui les empêche d’utiliser toutes les redevances qu’elles perçoivent ; et le report en 2026 de l’augmentation du plafond de recettes, qui réduira d’autant leurs capacités de redistribution. Dans ce contexte, le groupe Rassemblement national présentera un amendement visant à allouer 10 millions à la politique de l’eau en créant un nouveau programme, qui pourrait être directement piloté par le ministère de la transition écologique, pour aider les collectivités. Dans un deuxième temps, une réflexion devra être conduite en vue de réaménager les attributions et les compétences des agences de l’eau et, plus largement, d’évaluer l’efficacité du modèle actuel. En attendant, je présenterai un amendement tendant à supprimer le plafond de dépenses de ces agences.
Parmi les missions importantes qui incombent à ces agences, la sécurisation de l’alimentation en eau potable est un enjeu majeur pour nos concitoyens, mais beaucoup reste à faire également en matière d’assainissement non collectif, d’autant que les aides versées demeurent très insuffisantes et pas assez incitatives. Dans la majeure partie des villages ruraux, les habitants dont les installations ne sont plus aux normes se voient contraints de payer des amendes aux syndicats mixtes départementaux d’assainissement non collectif. J’ai appris lors des auditions que de nouvelles aides, plus importantes – de l’ordre de 40 % pour un projet –, seraient prévues dans le douzième programme des agences de l’eau. Cela faciliterait le financement de ces travaux obligatoires par des particuliers dont le pouvoir d’achat est déjà très affecté. Ces annonces vont donc dans le bon sens.
Le programme 159 comprend les crédits alloués au Commissariat général au développement durable (CGDD), à l’IGN, à Météo-France et au Cerema. Globalement, ces budgets sont stables, à l’exception de celui du Cerema, qui perd 3 millions d’euros, et de celui de Météo-France, qui en gagne autant.
La réévaluation du montant des redevances perçues par Météo-France pour son soutien au trafic aérien sera effective en 2025 : cette ressource passera donc de 85,5 à 90,1 millions l’an prochain, puis elle progressera chaque année pour atteindre 93,9 millions en 2029. Les attentes de nos concitoyens à l’égard de Météo-France sont importantes, qu’il s’agisse de la fiabilité des prévisions ou de la fourniture de données précises permettant aux collectivités de s’adapter au mieux au changement climatique. Aussi notre groupe proposera-t-il un relèvement supplémentaire des crédits de l’opérateur.
Malgré une progression de 4 millions, l’IGN ne bénéficie toujours pas d’une subvention pour charges de service public à la hauteur de ses missions socles, puisqu’il lui manque encore 15 millions. Ce déficit structurel est en partie dû à la gratuité des données fournies par l’IGN à la demande de l’État. Or les missions de l’institut sont essentielles pour la connaissance du territoire, des forêts, pour le suivi de l’artificialisation des sols et, plus globalement, pour notre souveraineté nationale. C’est pourquoi je défendrai un amendement visant à renforcer de 15 millions les crédits alloués à l’IGN.
Le travail de cartographie de l’usage des sols aurait dû être réalisé avant le vote de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) afin de disposer au préalable d’un état des lieux précis de la situation. Tout a été fait à l’envers, en dépit du bon sens !
Pour des raisons tenant à la souveraineté et à la cohérence de l’action publique, il est souhaitable que les administrations françaises fassent appel au savoir-faire français, c’est-à-dire à l’IGN ou à des entreprises françaises, au lieu de recourir à des cabinets de conseil qui sollicitent ensuite de grandes entreprises étrangères. Par exemple, le ministère des finances a eu recours au cabinet Capgemini, qui a lui-même fait appel à Google, pour la détection des piscines privées sur le territoire français alors que l’IGN était capable d’assurer cette mission. Il s’agit également de réduire la dépendance de nos administrations à des acteurs étrangers.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis (Politiques de développement durable). Avant de vous présenter les crédits du programme 217, Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables, je tiens à protester contre les conditions d’examen de ce PLF pour 2025. Au lieu de tenir compte de la nouvelle situation à l’Assemblée nationale à la suite de la dissolution, le Président de la République a laissé passer deux mois avant de nommer un Premier ministre, à une période où l’administration est censée recevoir des consignes politiques claires pour élaborer le projet de loi de finances. Il en a résulté un dépôt tardif du texte, qui nous a privés du temps que nous consacrons généralement à des auditions. Nous n’avons pas non plus reçu toutes les réponses à nos questionnaires. Pour le programme 217, seules 20 % des réponses me sont parvenues ! Cela montre clairement que les administrations ont été désorganisées et que les cabinets ministériels, en cours de formation, n’étaient pas en état de donner un imprimatur politique aux projets de réponses.
Le programme 217 constitue le support de la mise en œuvre des politiques publiques du pôle regroupant le ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, le ministère de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, le ministère du logement et de la rénovation urbaine, ainsi que les quatre ministères délégués qui leur sont associés – celui chargé de la ruralité, du commerce et de l’artisanat, celui chargé des transports, celui chargé de la mer et de la pêche, et enfin celui chargé de l’énergie. Le programme intègre l’essentiel de la masse salariale des ministères précités et de trois autorités administratives indépendantes, ainsi que les dépenses transverses de fonctionnement et d’investissement telles que celles liées aux bâtiments ou aux moyens numériques.
À moins que de nombreux amendements soient adoptés, je vous indique d’ores et déjà que j’émettrai un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 217. Le contraste entre le défi écologique que nous devons relever collectivement et l’atonie de l’action politique que reflètent ces crédits est trop grand pour que je donne un avis différent.
En 2022, nous avons battu tous les records de canicule et subi une série d’incendies de forêt très graves, qui ne se sont pas limités à la partie méridionale de notre pays mais étendus jusqu’au Jura et à la Bretagne. Selon un récent rapport de WWF, trois quarts des vertébrés ont disparu en cinquante ans. De plus en plus souvent, la France est frappée par des inondations toujours plus graves. Il n’y a donc plus de temps à perdre en politiques dilatoires marquées par des saupoudrages de crédits. Il faut donner à notre pays un cap écologique clair. Or le Gouvernement fait tout le contraire : alors que le virage écologique est le principal défi de notre siècle, ce projet de budget sacrifie toutes les politiques environnementales.
Le programme 217 se caractérise par une évolution atone, qui achève un processus de rationalisation budgétaire. Pour le reste, il ne marque ni n’amorce aucune ambition, ce qui est logique puisqu’il n’est que le miroir des autres programmes de la mission Écologie, développement et mobilité durables : dès lors que les principaux programmes, comme le 174 ou le 181, sont frappés d’une réduction des crédits relatifs à des politiques aussi essentielles que la rénovation énergétique des bâtiments, le programme 217 ne peut que suivre la même tendance.
En vingt ans, le pôle ministériel chargé de la transition écologique a perdu près de 8 000 agents. Ce sont donc 8 000 personnes en moins dans nos territoires, à l’Agence de la transition écologique (Ademe), à l’OFB ou dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) pour mettre en œuvre la transition écologique. Certains disent qu’il n’y a pas d’argent magique ; ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas de transition écologique magique sans moyens et sans personnels. L’an dernier, nous avions pourtant connu une avancée, certes très timide : pour la première fois depuis des années, le schéma d’emplois du pôle ministériel était positif, avec 307 équivalents temps pleins (ETP) supplémentaires. Or, cette année, c’est la rechute, avec la perte de 61 ETP. Mon principal amendement, qui ne sera pas examiné aujourd’hui, consistera à prolonger la bonne dynamique engagée l’an passé en demandant à nouveau 307 ETP supplémentaires.
Pour 2025, les crédits du programme s’élèvent à 3,22 milliards d’euros en AE et 3,21 milliards en CP, soit des hausses respectives de 3,96 % et 3,87 %. En tenant compte de l’inflation, cette majoration de crédits est faible. Il s’agit même d’une hausse en trompe-l’œil car, si les dépenses de personnel augmentent légèrement, les crédits d’investissement diminuent de 33 %, ce qui est d’autant plus préoccupant que ces montants sont des plafonds et que les crédits sont toujours susceptibles d’être gelés, comme on l’a vu en février et juin dernier.
La rénovation énergétique des bâtiments du pôle ministériel marque le pas. Le Gouvernement annonce un unique objectif pour le programme 217 : « être une administration exemplaire, au regard du développement durable, dans la maîtrise des moyens de fonctionnement ». Deux indicateurs visent à mesurer l’efficience de la gestion immobilière et de la fonction achat, mais aucun ne concerne l’environnement, même au ministère dédié à ce sujet.
Le programme 217 intègre les crédits de trois autorités administratives indépendantes, à savoir la Commission nationale du débat public (CNDP), l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ces trois autorités ont en commun d’assurer des missions croissantes malgré la stagnation de leurs effectifs. Cela illustre certes la formule du Premier ministre, « faire plus avec autant », mais une telle politique rencontre vite des limites, surtout dans le cas de l’Acnusa. Par négligence du Président de la République, le président de l’autorité aéroportuaire n’a pas été remplacé alors que son mandat a expiré en avril. De ce fait, le collège de l’autorité ne peut plus se réunir pour prononcer des sanctions et plusieurs centaines de dossiers s’empilent, ce qui suscite chez les compagnies aériennes un sentiment d’impunité. L’immobilisme dans lequel l’Acnusa est plongée contre son gré risque de s’accentuer du fait de l’échéance, à l’automne 2024, du mandat de trois membres de son collège, ce qui réduira ce dernier à six membres.
Cette politique atone se retrouve dans les crédits des deux écoles d’ingénieurs relevant du programme 217, l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE). Je fais mien le constat exprimé par ma collègue Anne Stambach-Terrenoir il y a deux ans : alors que les politiques de transition énergétique et écologique exigent plus d’ingénieurs et de techniciens, la stabilité des crédits alloués à ces deux écoles, malgré la hausse du coût de l’énergie, empêche toute ambition. Lors des débats sur la loi relative à l’industrie verte, que les députés du groupe Les Républicains avaient alors votée, le gouvernement précédent s’était pourtant engagé à former davantage d’ingénieurs. Nous pouvions donc nous attendre à ce qu’un gouvernement composé de membres de la Droite républicaine et d’Ensemble pour la République consente à des efforts en matière de formation, mais il n’en est rien.
En résumé, le programme 217 reflète la renonciation du Gouvernement à mener une politique de transition écologique. Voilà l’une des causes majeures du désarroi des milliers de femmes et d’hommes affectés dans l’administration centrale ou dans les services déconcentrés, qui ont besoin de sens dans leur travail. Ils ont intégré ces ministères pour conduire la transition écologique de notre pays, servir nos concitoyens, assurer l’accès à des biens communs et, dans le cadre du programme 217, s’occuper de sujets essentiels tels que les transports publics, la rénovation énergétique, la protection des eaux, des paysages et de la biodiversité, ou encore la mise en œuvre de solutions décarbonées. De telles missions devraient susciter un sentiment d’enthousiasme et de confiance. Or, si l’on en croit le baromètre social des ministères concernés, établi par l’institut Ipsos, seuls 29 % des agents ont un état d’esprit positif, et une grande partie d’entre eux ressentent une perte du sens de leur travail. Ce constat a été confirmé par les représentants de deux syndicats que nous avons auditionnés, FO et la CFDT.
Cette situation résulte de la réduction constante des effectifs du pôle au cours des dernières années, de la compression du « pouvoir de vivre » des fonctionnaires en dehors de quelques hauts gradés, des réorganisations administratives si fréquentes qu’elles sont ressenties comme des désorganisations, mais plus encore de la diminution des politiques écologiques menées par l’État. Il est difficile d’avoir un esprit positif lorsqu’un gouvernement agit à rebours de ses déclarations, qu’il ne fait pas de l’écologie une priorité et qu’il ne défend pas ses propres agents, comme ceux de l’OFB devenus des boucs émissaires bien commodes pendant la crise agricole.
Atonie des crédits, absence de priorité pour l’écologie, gestion passive des personnels : avec un tel constat, je ne peux qu’émettre un avis défavorable à l’adoption de ces crédits en l’état. Je défendrai, comme plusieurs collègues ici présents, des amendements pour que le programme 217 soit à la hauteur des enjeux.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Pascal Markowsky (RN). Au sein de l’excellent rapport de M. Humbert, deux sujets me paraissent particulièrement importants.
Le premier est le rôle joué par l’IGN pour la souveraineté de la France, car la cartographie est une activité cruciale qui nous permet de ne pas dépendre de sociétés étrangères. Il est regrettable que certaines administrations françaises préfèrent avoir recours à des sociétés privées, lesquelles s’appuient malheureusement sur des entreprises américaines. L’IGN doit disposer des moyens lui permettant d’accomplir ses missions fondamentales, d’autant qu’il jouera, grâce à sa connaissance précise de nos territoires, un rôle clé dans l’adaptation au changement climatique.
Le deuxième sujet essentiel est l’utilisation, par Météo-France et l’IGN, de l’intelligence artificielle (IA) pour compenser les baisses d’effectifs. Lors des auditions, les représentants de l’IGN ont en effet indiqué que l’IA avait déjà permis à l’établissement public d’accroître sa productivité en accomplissant certaines missions sans augmenter ses effectifs. Pour ce faire, nos opérateurs ont besoin de moyens. Il conviendra également d’étudier l’impact de cette technologie, qui sera de plus en plus utilisée dans les années à venir, sur l’environnement.
Enfin, dans un contexte de crise budgétaire, les ministères doivent contribuer à l’effort de redressement des comptes publics. Aussi pensons-nous que des économies peuvent être réalisées au sein du programme 217.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). L’heure est grave. Le cycle de l’eau, si essentiel à la vie, se trouve aujourd’hui menacé. La biodiversité, ce tissu vivant de notre planète, se fragmente chaque jour un peu plus. Pourtant, face à cette urgence climatique sans précédent, le budget qui nous est proposé choisit la voie de l’abandon.
Le programme 113 paie un prix exorbitant : ses autorisations d’engagement sont amputées de 25 %, passant de 557 à 441 millions d’euros – une réduction qui sonne comme un coup de grâce pour ceux qui luttent pour la protection du vivant. Ces chiffres cachent une réalité bien plus sombre, car les coupes décidées de manière autoritaire en février et juillet dernier nous arrachent des moyens vitaux. Ils semblent techniques, mais leur impact est bien réel et dévastateur. Derrière ces lignes budgétaires, ce sont des forêts qui ne seront pas restaurées, des espèces qui disparaîtront dans l’indifférence, des écosystèmes entiers qui seront sacrifiés.
Que dire au sujet de la stratégie nationale pour la biodiversité, pourtant cruciale ? Alors que les experts de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) réclamaient 85 millions supplémentaires, le Gouvernement a choisi, sans honte, de réduire ces crédits de plus de 120 millions : l’enveloppe est ainsi passée de 264 millions en 2024 à 140 millions dans le présent PLF. Comment accepter cela alors que la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) nous alerte quant à l’extinction imminente d’un million d’espèces ? En niant la réalité, le Gouvernement trahit non seulement ses engagements, mais aussi la jeunesse qui s’engage, les scientifiques qui alertent et les citoyens qui attendent des actions à la hauteur du péril.
Le groupe LFI-NFP, qui n’attendait rien du Gouvernement, n’en est pas moins choqué et profondément déçu. Quel gâchis ! Je pense à tous les agents de l’État qui continuent de se battre, avec si peu de moyens, pour préserver notre patrimoine naturel. Je pense aussi aux jeunes qui, malgré les promesses non tenues, continuent de marcher, de crier et d’espérer que nous réagissions enfin. Notre groupe fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher ces reculs écologiques catastrophiques. Nous ne resterons pas silencieux alors que le Gouvernement cherchera peut-être une nouvelle fois à faire passer par la force, en recourant au 49.3, des décisions qui mettent en péril notre avenir commun.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Le programme 113 a bénéficié l’an dernier d’une importante augmentation de crédits, à hauteur de 111 %. Cette année, c’est l’inverse : il subit une baisse drastique de 144 millions, soit 30 %.
Seuls les crédits de l’action 02, qui financent les contentieux de l’eau et de la biodiversité, augmentent véritablement. Le signal politique est désastreux : cela signifie que le Gouvernement se prépare à ce que l’État soit de plus en plus condamné dans ce domaine. Ce n’est pas étonnant au vu des récents scandales sanitaires sur les eaux minérales et la présence de molécules potentiellement dangereuses dans les captages d’eau.
Quant à l’action 07, qui concourt à la lutte contre la perte de biodiversité, à la protection des espaces naturels sensibles et au bon état des eaux souterraines et de surface, elle voit ses crédits diminuer de 25 %. Cette baisse n’est absolument pas souhaitable car c’est notre cadre de vie qui est en jeu. L’Institut Montaigne a d’ailleurs publié hier un rapport démontrant l’interdépendance entre biodiversité et économie. La préservation de la biodiversité n’est pas une contrainte, mais une condition essentielle au maintien des activités humaines.
S’agissant du programme 159, je vous invite à soutenir le Cerema, qui dispose d’une certaine expertise dans l’accompagnement des collectivités dans leur transition. Alors que ses missions se multiplient, cet opérateur voit ses crédits diminuer de plus de 3 millions d’euros. Nous défendrons évidemment un amendement à ce sujet.
Le programme 217 sert de support à la mise en œuvre de politiques publiques qui ne peuvent être conduites qu’avec des moyens et des effectifs suffisants, ce qui est loin d’être le cas. Ainsi, les parcs nationaux n’ont plus de fonds pour investir ni pour assurer leur entretien. Quant à l’ONF, il subit une baisse de son plafond d’emplois alors que la bonne santé de la forêt et des sols forestiers est très importante pour lutter contre le dérèglement climatique. La diminution des effectifs de l’ONF, constante depuis vingt ans, doit absolument cesser.
Les diverses auditions menées ont mis en lumière un mal-être qui s’accroît chez un certain nombre d’agents de ces ministères. Pour répondre à ce malaise et amorcer une trajectoire positive de création d’emplois, nous défendrons également une série d’amendements.
M. Vincent Descoeur (DR). Je déplore à mon tour les conditions très inconfortables et les délais dans lesquels nous sommes amenés à nous prononcer sur ces avis budgétaires. J’ai reçu le rapport de Mme Belluco ce matin, à onze heures. Je remercie notre collègue d’en avoir fait une présentation synthétique ; cependant, ayant participé à l’intégralité des travaux de notre commission, je regrette de ne pas avoir pu en prendre connaissance plus tôt.
Dans le contexte budgétaire actuel, notre groupe ne peut que rappeler qu’il n’est pas très raisonnable d’envisager des augmentations d’effectifs, que ce soit dans les ministères ou au sein des autorités administratives indépendantes.
Le programme 113, dont les crédits avaient doublé en 2024, est désormais proposé à la baisse. Certains intervenants ont souligné la diminution programmée de la dotation du fonds vert. Je ne peux m’empêcher de dénoncer la logique qui a présidé à la création de ce fonds : nul ne pouvait ignorer que cette initiative n’était pas soutenable dans la durée et que les crédits correspondants étaient condamnés à diminuer au fil du temps. M. Amard a d’ailleurs rappelé les baisses successives de février puis de juillet 2024, qui ont notamment affecté la stratégie nationale pour la biodiversité, ce que je trouve regrettable.
Vous dénoncez la diminution des moyens du Cerema, auquel les collectivités locales font effectivement de plus en plus appel. Pour ma part, je l’ai dit à Mme Pannier-Runacher lors de son audition, je regrette que la hausse du « plafond mordant » des agences de l’eau soit reportée à 2026 alors que les membres de la mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique avaient unanimement souligné l’importance de donner à ces agences les moyens nécessaires pour accompagner les collectivités locales dans le renouvellement de leur réseau. Nous avions ainsi estimé à 120 ans le temps nécessaire au renouvellement de tous les réseaux d’eau et d’assainissement de notre pays.
M. Hubert Ott (Dem). La question des paysages, de l’eau et de la biodiversité est essentielle. Malgré le contexte budgétaire, il s’agit d’un sujet vital, au sens propre, car sans eau et sans protection de la biodiversité et des paysages, l’humanité ne pourrait survivre. Aussi est-il fort regrettable que les crédits du programme 113 soient ramenés de 512 à 446 millions d’euros, en CP. Cette baisse aura inéluctablement un impact sur la stratégie nationale pour la biodiversité 2030. La réduction des moyens alloués à l’OFB, qui joue un rôle clé dans la protection des milieux naturels et la gestion des ressources hydriques, est tout aussi déplorable.
Je souhaite m’arrêter quelques instants sur l’action 07 du programme 113, qui concentre l’essentiel des politiques en faveur des milieux naturels. Ses crédits passent de 493 à 420 millions en CP et de 558 à 418 millions en AE. Cette diminution de moyens va altérer notre capacité à protéger les écosystèmes. Or la biodiversité, matière première de tout écosystème, subit un effondrement sans précédent : en moins d’un demi-siècle, 70 % des vertébrés ont tout simplement disparu. L’IPBES annonce d’ailleurs l’extinction d’un million d’espèces au cours du siècle. Les causes de cette situation dramatique sont à chercher du côté de l’artificialisation des sols et de l’intensification de certaines grandes cultures : de tout cela résultent un appauvrissement paysager et une simplification qui suppriment le vivant de nos territoires.
Nous avons pourtant les moyens d’inverser la donne. Des pratiques agricoles comme l’agroécologie ou l’agroforesterie conduisent naturellement à améliorer la résilience des exploitations. Pour encourager cette dynamique, il est crucial de continuer à soutenir financièrement ces évolutions. La multifonctionnalité agricole des territoires est la clé de toutes les souverainetés – alimentaire, écologique et énergétique.
Vous proposez, monsieur Humbert, de renoncer à certaines énergies renouvelables pour préserver la biodiversité. Cette idée n’a pas de sens : nous ne lutterons contre le changement climatique qu’en adaptant la réponse énergétique à chaque territoire, en fonction des opportunités qu’il nous offre. Si nous voulons sortir de l’impasse climatique, nous devons mettre un terme définitif à la maladie française de la pensée unique et simpliste. Le bon mix énergétique sera diversifié, et surtout adapté à chaque bassin de vie : il devra donc inclure toutes les options technologiques disponibles, sans exclusive. En aucun cas nous ne défendrons le climat et la biodiversité, qui résultent de processus complexes, en adoptant une posture simpliste, voire réductrice.
M. Sylvain Berrios (HOR). À l’instar de M. Descoeur, je déplore que les rapports nous aient été transmis relativement tard, ce qui n’est pas très confortable.
Je ne m’attarderai pas sur le programme 217, car chacun connaît ici la situation budgétaire de notre pays. Il faut bien faire des économies sur les dépenses de fonctionnement et de structure quelque part. Je concentrerai donc mon propos sur les programmes 113 et 159.
La ponction de la trésorerie des agences de l’eau, à hauteur de 130 millions, mérite d’être discutée. Dans le cadre de la loi de finances pour 2024, nous avions en effet pris un engagement qui devait conduire à un déplafonnement des taxes affectées à l’horizon du 1er janvier 2025. Les agences auraient dû recevoir la totalité du produit des redevances, soit 2,5 milliards d’euros. Toutefois, compte tenu du dérèglement climatique, que personne ne peut nier, il est permis de s’interroger quant à la capacité des agences de l’eau à accompagner durablement les communes, notamment pour faire face aux inondations, mener des travaux d’assainissement, gérer l’eau pluviale et, plus généralement, anticiper les évolutions nécessaires en matière d’aménagement du territoire. Nous pouvons nous inquiéter de ce manque d’anticipation, en particulier face au risque d’inondations, et des insuffisances de la réflexion sur les aménagements nécessaires au bon déroulement du cycle de l’eau et à la protection de la biodiversité dans l’ensemble du territoire.
M. Anthony Brosse (EPR). Il faut le reconnaître, le programme 113 subit une importante baisse de crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 ; cependant, ce budget reste constant si l’on tient compte du gel opéré un peu plus tôt cette année. Alors que certaines lignes voient leurs crédits augmenter, à l’instar de la subvention versée par l’État à l’OFB, en hausse de plus de 15 %, d’autres apparaissent en recul. Il faudra peut-être aller chercher des financements ailleurs, comme vous l’indiquez dans votre rapport, monsieur Humbert. Il convient toutefois de souligner la stabilisation des plafonds d’emplois des opérateurs du programme, qui permet à chacun de poursuivre ses actions.
La protection de la biodiversité est essentielle. Les engagements pris par le Président de la République lors du One Ocean Summit, au début de l’année dernière, afin de protéger 30 % des terres et des mers d’ici à 2030 doivent résonner en chacun de nous. Pour réaliser cette ambition, il faut évidemment que les moyens suivent, mais le maintien du budget eu égard aux gels de crédits effectués cette année démontre la volonté du Gouvernement d’atteindre les objectifs que notre pays s’est fixés dans ce domaine.
Vous déplorez dans votre rapport le manque de soutien du ministère de la transition écologique au fonctionnement de l’ONF, en particulier au titre de ses missions d’intérêt général. Le rapport publié par la Cour des comptes en septembre s’en fait l’écho et précise que le futur contrat pluriannuel, qui sera discuté l’an prochain, devra en tirer toutes les conséquences. La capacité d’autofinancement de l’établissement reste néanmoins importante.
Les crédits du programme 159 sont en légère hausse, de 3 millions d’euros. Le directeur général de l’IGN, que j’ai rencontré la semaine dernière, m’a indiqué être satisfait de l’augmentation de sa dotation, de près de 5 millions, et de ses effectifs, pour faire face aux besoins en matière de stratégie et d’intelligence artificielle. L’établissement public reçoit des financements complémentaires dans le cadre de partenariats avec des ministères ou des États étrangers, comme la Suisse, ce qui lui permet d’obtenir un budget suffisant.
Quant au programme 217, il voit ses AE et CP augmenter de près de 4 % et prévoit des moyens accrus pour le personnel de presque toutes les sections du ministère de la transition écologique. Cette évolution permet de préserver l’attractivité des métiers dont l’État a besoin pour poursuivre son action de surveillance, d’anticipation et d’accompagnement des acteurs publics et privés chargés des politiques environnementales.
Mme Marie Pochon (EcoS). Le rythme actuel de disparition des espèces est 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d’extinction. Trois quarts des vertébrés ont disparu en cinquante ans : c’est ce que les scientifiques appellent la sixième extinction de masse des espèces. Les records de chaleur explosent, tandis que nos villes et nos champs se retrouvent soit noyés, soit asséchés. On estime que 75 % des écosystèmes mondiaux sont altérés par l’activité humaine.
Nous sommes face à un choix. Nous pouvons nous dire que d’autres font pire, continuer de flécher l’argent public vers les aides à la construction, l’usage de pesticides et les projets routiers, ce qui enrichit depuis cinquante ans les magnats du BTP et de l’industrie phytosanitaire, et supprimer le secrétariat d’État chargé de la biodiversité alors que s’ouvre la COP16 consacrée à ce sujet. Nous pouvons aussi, au contraire, placer la protection de la biodiversité, l’atténuation du changement climatique ainsi que l’adaptation face à ce défi et aux limites de notre planète au cœur de nos politiques publiques. Nous, écologistes, faisons preuve de cohérence et de bon sens en choisissant résolument la seconde option. Quant à vous, de manière incohérente et alors que les conséquences de votre inaction sont encore apparues la semaine dernière, quand nombre de nos concitoyens ont tout perdu, en quelques minutes, du fait des inondations – et je ne parle même pas des dégâts dans le domaine agricole –, vous choisissez de couper les crédits de plusieurs actions du programme 113. Encore une fois, avec vous, l’écologie se prend une balle. Au terme d’une baisse constante de ses effectifs depuis vingt ans, le ministère de l’écologie a perdu 8 000 agents. Nous avons donc l’habitude… Permettez-nous tout de même de vous faire quelques suggestions.
Nous proposerons d’augmenter les crédits alloués à l’OFB afin de renforcer les moyens dédiés aux polices de l’eau et de l’environnement. Nous proposerons de réallouer les crédits nécessaires à la réussite de la stratégie nationale pour la biodiversité, ainsi que de préserver les dotations des réserves naturelles et des aires protégées. Nous proposerons de massifier la pratique des paiements pour services environnementaux dans les aires d’alimentation de captages et d’accroître les moyens du réseau des conservatoires d’espaces naturels.
Alors que le Gouvernement vient d’apporter une garantie de 500 millions d’euros aux Jeux olympiques de 2030, nous avons appris hier qu’il avait décidé d’amender son projet de loi de finances pour réduire de 130 millions le budget des agences de l’eau. Un an et demi après la présentation d’un plan Eau censé moderniser la politique de l’eau au regard du changement climatique, cette nouvelle coupe est révélatrice de la politique menée par l’exécutif, qui ne repose que sur des opérations de communication et se fiche de revenir sur une promesse – le Gouvernement s’était en effet engagé à augmenter, en 2025, les crédits des agences de l’eau à hauteur de 175 millions.
En cohérence avec nos positions et en tenant nos promesses, nous défendrons, lors de l’examen des amendements, cette autre orientation que je vous décrivais tout à l’heure.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Je reconnais que mon rapport vous a été envoyé très tard et je tiens à vous présenter mes excuses à ce propos. Je n’ai pu auditionner le secrétariat général du ministère de la transition écologique que lundi, en fin d’après-midi, et j’ai mis une journée à échanger avec les administrateurs qui m’épaulaient. Ces derniers ont travaillé jour et nuit, dans des délais absolument inimaginables, et je les en remercie. J’espère que cette situation ne se reproduira plus.
Comme vous, madame Jourdan, je déplore le mal-être qui s’accroît parmi les agents du pôle ministériel. Cela nous a été signalé de nombreuses fois par différents acteurs auditionnés – principalement par les syndicats, mais pas uniquement. Les agents éprouvent une perte de sens de leur métier et n’arrivent pas à distinguer la direction politique prise par les ministres dont ils dépendent. Il conviendrait donc de définir des ambitions et d’avancer résolument dans ce sens.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Le nucléaire est l’énergie la plus propre et décarbonée que l’on puisse produire. Son impact sur l’environnement est minime par rapport à celui de l’éolien, qui détériore le paysage. Ma circonscription, qui concentre 75 % des éoliennes de mon département, commence à être défigurée par ces installations, lesquelles produisent, au demeurant, une énergie faible et intermittente.
Ce n’est pas en allant vers le modèle allemand que nous réussirons. Je rappelle en effet que l’Allemagne, qui a rouvert ses centrales à charbon, est le premier pays pollueur de l’Union européenne et l’un des pays les plus pollueurs au monde. La France, en revanche, est responsable de moins de 1 % des émissions mondiales de CO2. En réalité, nous avons déjà accompli notre transition écologique il y a plus de quarante ans : nous sommes en avance par rapport à un certain nombre d’autres pays, et nous pouvons en être fiers.
Je le répète, ce n’est pas en recouvrant des champs entiers de panneaux solaires ou en installant des éoliennes partout, au risque de défigurer des départements entiers, que nous produirons toute l’énergie dont nous avons besoin. Une analyse du mix électrique en temps réel montre d’ailleurs que les installations éoliennes sont très peu sollicitées : aussi considérons-nous ces énergies intermittentes comme une arnaque.
Amendements II-CD14 de Mme Lisa Belluco, II-CD137 de M. Maxime Laisney et II‑CD110 de M. Timothée Houssin (discussion commune)
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Mon amendement vise à augmenter les crédits du fonds vert pour financer la renaturation des sols et la réhabilitation des friches à la hauteur des besoins estimés par la Fondation pour la nature et l’homme. Les très graves inondations que notre pays a connues ces derniers jours sont la conséquence directe de l’artificialisation des sols. Quand de l’eau tombe sur un sol bétonné, elle ne le traverse pas ; quand elle tombe en grande quantité, ce qui arrivera de plus en plus avec le changement climatique, c’est l’inondation. Si nous voulons limiter les inondations, il faut renaturer les sols bétonnés et construire sur des sols déjà construits comme les friches. Le projet de loi de finances va à l’encontre de cet objectif, puisqu’il ampute de 1,5 milliard d’euros le fonds vert qui finance la renaturation et la réhabilitation des friches.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). L’amendement II-CD137 souligne la nécessité de végétaliser les villes et de désimperméabiliser les revêtements à l’heure où les conséquences du changement climatique s’intensifient, comme l’ont montré plusieurs épisodes de chaleur intense et les inondations de ces derniers jours.
Les îlots de chaleur urbains sont définis comme la différence de température entre une zone urbaine et les zones rurales voisines. Cette différence est due à l’architecture, à l’imperméabilisation des sols, au déficit de végétalisation ou encore à la concentration des activités humaines. L’Île-de-France a enregistré une surmortalité de 21 % lors de la canicule de juillet 2022. 3,7 millions de Franciliens, soit 31 % de la population, résident en effet dans un îlot de chaleur urbain. Afin de limiter les risques sanitaires des canicules et améliorer le confort des habitants, nous souhaitons rehausser les crédits du fonds vert de 1 milliard d’euros.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Les collectivités territoriales et les entreprises peuvent agir pour la renaturation des friches et l’adaptation sans l’aide du fonds vert. Nous avons davantage besoin de crédits pour la voirie et les réseaux d’eau. Avis défavorable aux amendements II-CD14 et II-CD137 et favorable à l’amendement II-CD110.
La commission rejette successivement tous les amendements.
Amendement II-CD129 de M. Maxime Laisney
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Il vise à annuler les coupes à l’action Adaptation des territoires au changement climatique, qui comprend les mesures relatives à la prévention des risques naturels comme les inondations et le recul du trait de côte.
Dans son rapport de 2024, le Haut conseil pour le climat (HCC) indique que « les principaux risques climatiques à fort impact directement attribuables au changement climatique dû aux activités humaines ont tous été observés en métropole comme dans les outre-mer au cours de la dernière décennie, y compris ceux liés aux extrêmes chauds […] et aux différents types d’inondations. »
Une autre conséquence du changement climatique est l’érosion côtière qui touche 20 % des côtes françaises. Le Cerema a réalisé des cartes prospectives des zones concernées par le repli du trait de côte : en 2100, près de 450 000 logements seraient condamnés. Ces estimations sont dix fois supérieures à celles précédemment réalisées. Le repli du trait de côte menace également plus 50 000 locaux d’activités, 10 000 écoles, mairies et gymnases, plus de 1 700 km de routes et près de 240 km de voies ferrées. Il est nécessaire de maintenir les financements dédiés au fonds vert pour que les collectivités puissent prendre des mesures d’adaptation aux conséquences du changement climatique.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Même réponse que pour les amendements précédents. Avis défavorable.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Le Comité des finances locales (CFL), l’Association des maires de France et l’Association des maires ruraux de France déplorent unanimement le recul des crédits du fonds vert pour 2025.
En décembre 2022, nous avons transposé, sans débat parlementaire, la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dite directive-cadre sur l’eau, par laquelle la France s’est engagée à prendre plusieurs mesures de rattrapage dès 2025. Il faut maintenir les crédits du fonds vert au plus haut niveau pour que les projets des collectivités organisatrices des services d’eau et de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) soient concrétisés en temps et en heure.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je suis nouveau dans cette institution, mais il me semble qu’un rapporteur doit avoir travaillé son sujet. J’aimerais bien savoir ce qui fait dire à M. le rapporteur pour avis que les collectivités territoriales peuvent se débrouiller seules. Pour avoir été pendant dix ans élu d’une collectivité territoriale, je vous assure que nous avons besoin d’aide pour rénover les friches car leur dépollution coûte plus cher la destruction de terres agricoles, dont nous avons besoin pour nourrir la population. J’attendais un niveau d’argumentation plus élevé.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. On entend aussi certaines petites communes dire que le fonds vert ne joue pas toujours son rôle de levier. J’ajoute qu’il existe, à l’échelle des départements et des régions, des dispositifs qui permettent d’aboutir au même résultat. Le contexte budgétaire restreint impose des choix politiques : l’argent n’est pas magique, et il faut savoir faire des propositions raisonnables. Nous avons choisi de donner la priorité à la politique de l’eau et à la régénération des forêts.
M. Pierre Meurin (RN). Je regrette une nouvelle fois l’absence de ministre dans cette commission qui ne semble pas intéresser le Gouvernement. Toutefois, les explications du rapporteur pour avis sont très claires. Nous avons voté il y a un an la loi relative à l’industrie verte qui doit servir de cadre légal aux territoires pour la régénération des friches, notamment industrielles. Le fonds vert n’est pas la réponse à toutes les préoccupations : nous ne sommes pas favorables à sa suppression, car il a son intérêt, mais on a l’impression que la gauche voterait n’importe quoi, pourvu que la couleur soit verte. Un peu de sérieux ! L’argent n’est pas magique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD15 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. L’article 6 de la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols prévoit un droit de préemption corrélé à l’atteinte de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) pour les élus locaux. Le but est de leur permettre d’acquérir un terrain si celui-ci est indispensable pour préserver ou pour renaturer les sols. Néanmoins, acquérir un terrain reste coûteux. Au vu des difficultés financières dans lesquelles se trouvent de nombreuses communes, les élus n’utiliseront jamais ce droit de préemption s’ils n’y sont pas aidés par des moyens spécifiques, a fortiori si le Gouvernement parvient à imposer sa politique d’austérité et à retirer 5 milliards de dotation aux collectivités territoriales. L’amendement propose de faire de ce droit formel, inscrit dans la loi et plébiscité par les associations d’élus locaux et les associations environnementales, un droit réel et concret pour protéger les sols.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. L’artificialisation des sols est un sujet à traiter sérieusement. Pour notre part, nous appelons plutôt à assouplir le ZAN, qui a produit l’inverse de l’effet escompté. Conçu dans l’objectif de limiter l’étalement urbain, il empêche en réalité les petites communes de se développer du fait de schémas de cohérence territoriale (Scot) et de schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) toujours plus contraignants. Il ne me semble pas souhaitable d’accorder davantage de crédits sans cadre législatif clair. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD133 de M. Maxime Laisney, II-CD99 de M. Dominique Potier et II-CD105 Mme Anaïs Sabatini (discussion commune)
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Le taux de fuites sur le réseau d’eau potable est de 20 % et représente chaque année la consommation de 18 millions d’habitants ; c’est autant d’eau prise inutilement à la nature. Le PVC, cancérogène, a une durée de vie de quarante ans, et la fonte produite en France une durée de vie de quatre-vingts ans. Si nous voulons résorber en moins de dix ans le taux de fuites dans l’Hexagone – sans parler de ce qui serait nécessaire pour reconstruire les réseaux chez nos frères en humanité d’outre-mer –, il est urgent de mener une politique de rattrapage en aidant les autorités organisatrices à porter le taux de renouvellement du réseau d’eau potable à 1,2 % par an. Trop d’opérateurs, dont Veolia et Suez, renouvellent 0,3 % à 0,8 % des réseaux chaque année. C’est insuffisant. L’amendement II-CD133 vise à franchir un cap en 2025 en allouant 1,5 milliard d’euros à un plan d’investissement pour les canalisations d’eau.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement, moins ambitieux financièrement que celui de mon collègue, propose de créer un fonds bleu sur le modèle du fonds vert – très sollicité dans le milieu rural où j’habite – pour renouveler les réseaux d’eau et de lui allouer 776 millions d’euros. C’est absolument nécessaire. Selon une cartographie présentée en mars 2024 par l’association Intercommunalités de France, 198 collectivités territoriales affichent au moins un service d’eau dont le taux de rendement est inférieur à 50 % ; dans les territoires d’outre-mer, c’est encore pire.
M. Pierre Meurin (RN). Il ne s’agit pas ici de défendre un fonds violet, jaune, orange ou vert, mais rien ne va dans ce pays : ni la santé, ni l’énergie, ni les 900 000 kilomètres de canalisations d’eau, dont l’état est particulièrement alarmant. Notre amendement propose d’ouvrir une ligne de crédits symbolique de 10 millions d’euros pour la planification nationale de l’entretien des réseaux d’adduction et de distribution d’eau potable. Je salue la décision du Gouvernement d’avoir rendu facultatif le transfert de cette compétence ; la liberté communale est importante et nous avions déposé une proposition de loi visant à bloquer le transfert obligatoire aux intercommunalités, qui favorisait les mauvais gestionnaires et pénalisait les bons. J’imagine qu’un amendement aussi consensuel fera l’unanimité.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Nous sommes tous d’accord pour constater que le taux de rendement des réseaux d’eau doit être amélioré, particulièrement en outre-mer, ce qui nécessite d’aider les collectivités les plus fragiles à réaliser des investissements importants. Le plan Eau a posé les premiers jalons : les moyens des agences de l’eau ont augmenté en 2024. L’augmentation prévue pour 2025 aura lieu en 2026 ; c’est insuffisant. Néanmoins, les montants proposés par les deux premiers amendements sont excessifs compte tenu du contexte dégradé des finances publiques. Demande de retrait au profit de l’amendement II-CD105, dont le chiffrage me paraît plus adapté.
M. Vincent Descoeur (DR). Je souscris aux remarques de nos collègues, y compris à celles de Gabriel Amard, qui a participé activement à la mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique : nous y avions constaté que l’horizon de renouvellement du réseau excédait le siècle. Ce qui nous empêche de voter ces amendements, c’est la ponction équivalente faite sur la ligne du programme Infrastructures et services de transports.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2024, nous avions identifié ensemble un besoin minimum de 2,5 milliards d’euros pour le redressement des réseaux, notamment en outre-mer. Nous proposons ici 1,5 milliard d’euros pour une première tranche de rattrapage. C’est encore loin du but. Ne nous ridiculisons pas : j’espère que personne ne votera l’amendement du RN, qui permet tout au plus de rénover 2,8 kilomètres de canalisations en milieu urbain. Un peu de décence ! Ce n’est pas à l’échelle de l’enjeu.
M. Pierre Meurin (RN). Le sujet est vertigineux. Dans l’absolu, je suis d’accord avec M. Amard. Il serait tentant de voter des montants à la hauteur de son ambition ; néanmoins, nous avons une vision de la bonne gestion des deniers publics. M. Descoeur a rappelé que ces amendements étaient gagés sur une autre ligne de crédits. Je regrette une nouvelle fois qu’un ministre ne soit pas présent pour lever le gage.
La portée de notre travail est limitée car nous ne sommes saisis que pour avis. Tout se décidera en commission des finances. Il me semble toutefois essentiel de voter l’un de ces trois amendements pour des raisons symboliques. Au vu de l’enjeu, je suis prêt, à titre personnel, à voter l’amendement de la gauche. Je ne doute pas que la commission des finances fera preuve de raison budgétaire.
M. Olivier Serva (LIOT). C’est la première fois que j’interviens dans cette commission. Je le fais pour vous relater mon expérience en Guadeloupe. Nous avons dû faire voter une loi il y a deux ans, ce qui n’était encore jamais arrivé, pour regrouper les compétences jusqu’alors dévolues aux intercommunalités au sein d’un organisme unique, le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), lequel fonctionne très mal. Savez-vous à combien est estimé le montant des travaux de réparation des canalisations d’eau en Guadeloupe ? 1 milliard d’euros, sans parler de Mayotte ou de la France hexagonale. L’amendement propose 1,5 milliard d’euros pour toute la France, y compris les outre-mer. C’est une goutte d’eau. Quel que soit l’état des finances publiques, apporter de l’eau de qualité et en quantité aux hommes et aux femmes de ce pays est un impératif de base, singulièrement en outre-mer.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Le chiffrage des amendements se réfère à des études d’après lesquelles les besoins oscillent entre 776 millions et 3,1 milliards d’euros par an.
M. Sylvain Berrios (HOR). Comme l’a dit mon collègue Descoeur, ces amendements amputent du même montant le programme Infrastructures et services de transports. M. Serva a montré que les montants proposés étaient loin de ce qu’il faudrait. J’ajoute que, quand l’eau fait l’objet d’une délégation de service public, l’entretien des réseaux revient à la société délégataire. Si nous y allouons 10 millions ou 1,5 milliard d’euros d’argent public, cela revient à donner l’argent des Français à ceux qui auraient dû faire ce travail – souvent l’une des deux sociétés citées par M. Amard.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). L’entretien des réseaux ne revient jamais aux sociétés délégataires ! Ils sont la propriété des collectivités territoriales.
M. Sylvain Berrios (HOR). Vous vous trompez. Cela arrive, et l’usager devra payer deux fois. Par ailleurs, si nous nous faisons censurer par la commission des finances, ce travail n’aura servi à rien.
La commission adopte l’amendement II-CD133.
En conséquence, les amendements II-CD99 et II-CD105 tombent.
Amendement II-CD145 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). En 2021, environ 12 millions de personnes ont consommé de l’eau polluée par les pesticides. Ces chiffres sont sous-évalués d’après l’ONG Générations futures, qui indique que 71 % des métabolites de pesticides à risque pour l’eau potable ne font l’objet d’aucun suivi dans les eaux souterraines.
Face à ce constat alarmant, l’amendement vise à massifier le déploiement des paiements pour services environnementaux (PSE) sur les aires d’alimentation et de captage. Cet outil permet de rémunérer les agriculteurs qui mettent en place des pratiques permettant de se passer des pesticides. Les PSE qui ciblent les aires de captage sont particulièrement efficaces pour préserver la ressource en eau : à l’échelle des bassins Artois-Picardie, les aires de captage ne représentent que 3 % de la surface agricole utile, mais elles fournissent l’alimentation en eau potable de 4 millions d’habitants. L’amendement propose d’augmenter de 300 millions d’euros le budget alloué aux PSE gérés par les agences de l’eau.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Les paiements pour services environnementaux sont un outil intéressant pour les agriculteurs. Néanmoins, l’amendement les circonscrit à la protection des captages alors que de nombreuses autres actions peuvent être légitimement financées au titre des PSE, comme les haies qui sont d’une grande utilité contre les inondations. En outre, le montant évoqué représente presque autant que les deux paliers d’augmentation générale du plafond des recettes des agences de l’eau entre 2024 et 2026. Cela me semble excessif. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD171 de M. Fabrice Barusseau
Mme Chantal Jourdan (SOC). Il vise à alerter sur la dégradation de la qualité de l’eau en allouant 200 millions d’euros supplémentaires au programme Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. À compter de 2025, le programme 113 financera le développement de plusieurs outils numériques qui permettront d’accélérer l’acquisition de données pour les captages d’eau potable. Dans le même temps, les agences de l’eau déploient des moyens pour la sécurisation des aires d’alimentation. Un travail est également en cours pour définir les points de prélèvement sensibles. Dans l’attente des résultats de cette démarche, il me semble prématuré de créer un nouveau programme doté d’autant de moyens. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD136 de Mme Claire Lejeune
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Nous voilà, ironie de l’histoire, à défendre un engagement pris par le chef de l’État en 2024. Le projet de loi de finances pour 2025 propose de reporter d’un an les 175 millions d’euros d’augmentation prévus pour les agences de l’eau. Les autorités organisatrices ont pourtant des objectifs à tenir. Les agences de l’eau doivent être soutenues pour défendre les milieux aquatiques, favoriser l’infiltration – ce qui, dans le contexte des inondations, n’est pas un petit sujet – et renouveler les réseaux afin de lutter contre les fuites. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir adopté l’amendement II-CD133.
La France s’est engagée, à l’article 16 de l’ordonnance de transposition de la directive-cadre sur l’eau, à prendre des mesures de rattrapage dès 2025 pour tous les territoires qui connaissent des difficultés d’accès à l’eau. Nous parlons beaucoup des outre-mer, pour lesquels nous ne faisons rien, mais plus de 400 000 de nos concitoyens ne sont pas raccordés ou n’ont pas la garantie d’accéder à une eau de qualité dans l’Hexagone.
Je vous demande instamment d’abonder les crédits des agences de l’eau pour tenir l’engagement du plan Sécheresse et respecter la directive européenne. Qu’attendez-vous pour tenir vos engagements ? Une nouvelle condamnation de la France ? Ce n’est pas sérieux.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Les moyens des agences de l’eau ont augmenté en 2024 et augmenteront de nouveau en 2026. Je reconnais que l’effort est encore insuffisant ; cependant, sans suppression de leur plafond de dépenses, tout crédit supplémentaire affecté aux agences de l’eau ne ferait qu’augmenter inutilement leur trésorerie car elles ne pourront pas dépenser les fonds. Avis défavorable.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Vous empêchez les agences de l’eau et les autorités organisatrices des services de l’eau, c’est-à-dire les collectivités, de prélever une redevance sur les pollutions diffuses qui saccagent le vivant dans le milieu agricole. Cette redevance est plafonnée pour les industriels. À l’arrivée, ce sont les ménages, y compris les ménages modestes qui doivent déjà payer leurs charges locatives et leurs factures d’eau, qui supportent 90 % de la dépense nationale annuelle en matière de lutte contre la pollution, de protection des milieux et de restauration cycle de l’eau. Ce n’est pas normal. Puisque vous ne voulez pas appliquer le principe pollueur-payeur, il faut permettre que des redevances soient prélevées et/ou augmenter les ressources des agences de l’eau afin que les ménages n’aient pas à payer la casse due aux industries et aux agriculteurs qui utilisent des produits chimiques.
M. Sylvain Berrios (HOR). Il a été dit plusieurs fois que les agences de l’eau avaient 450 millions d’euros de trésorerie. En réalité, il s’agit de restes à rembourser aux collectivités territoriales : les factures ne sont pas encore arrivées, mais la dépense aura lieu. Ce n’est pas un trésor de guerre.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD116 de M. Maxime Laisney
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Il vise à rétablir les 108 postes supprimés dans les projets de loi de finances précédents, pour un montant de 5,4 millions d’euros. Nous avons élaboré des stratégies indispensables pour répondre aux enjeux de sécheresse, du dérèglement climatique, de la protection et l’assainissement des milieux. Il faut des moyens humains pour instruire ces dossiers.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Vous souhaitez augmenter les effectifs des agences de l’eau de 108 postes. Pour cela, il aurait fallu déposer un amendement sur le plafond d’emplois et non sur les crédits ; sans suppression de leur plafond de dépenses, les crédits supplémentaires ne peuvent pas être utilisés. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CD57 de Mme Marie Pochon et II-CD132 de M. Maxime Laisney (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). Nous sommes confrontés à une urgence écologique d’une ampleur sans précédent. Selon une étude du CNRS menée pendant trente-sept ans et publiée en 2023, 60 % des oiseaux des champs ont disparu en Europe en seulement quarante ans et 20 millions d’oiseaux disparaissent chaque année. Ce n’est que la pointe de l’iceberg. D’ici la fin du siècle, les insectes pollinisateurs indispensables à notre survie pourraient disparaître, mettant en péril la sécurité alimentaire.
Notre pays a l’honneur d’accueillir des écosystèmes majeurs, de la forêt amazonienne au plateau du Vercors, et d’être le sixième pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées. Cela nous oblige. Les aires protégées telles que les réserves naturelles ont prouvé leur efficacité : elles freinent l’érosion de la biodiversité et assurent la résilience des écosystèmes face au changement climatique. Elles méritent un budget stable. Pour assurer la pérennité de nos 230 réserves naturelles dont les agents œuvrent au quotidien au service de la protection de la biodiversité, nous proposons de reconduire le budget de 2024.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Les crédits alloués à la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) sont massivement réduits dans le PLF pour 2025. Toutefois, nous avons l’impératif de réduire les dépenses publiques. Plutôt que de procéder à un rétablissement global des crédits de la SNB, il vaut mieux procéder par des soutiens ciblés à des actions spécifiques, comme nous le faisons au profit de l’ONF ou du Conservatoire des espaces littoraux. Défavorable.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’amendement a le même objectif que celui de Mme Pochon, l’annulation des coupes budgétaires qui affectent la protection de la biodiversité : les autorisations d’engagement pour le programme 113 ont été réduites d’un quart ; le pacte en faveur de la haie a perdu 72 % de ses crédits et le plan de réduction de l’usage des produits phytosanitaires, 35 %. Et, monsieur Meurin, sachez que les produits phytosanitaires sont bien les premiers responsables de la mort massive des oiseaux et non pas les éoliennes.
Face à l’effondrement de la biodiversité, ces coupes budgétaires sont non seulement complètement irresponsables mais aussi hypocrites un an après l’annonce en grande pompe de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité.
Les derniers rapports sont alarmants. Selon WWF, la population des vertébrés sauvages en Europe a baissé de 73 % en cinquante ans et celle des insectes de 70 à 80 %, et ces chiffres sont probablement sous-estimés.
Il est tout aussi capital de lutter contre l’effondrement de la biodiversité que contre le réchauffement climatique. Un rapport conjoint du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) montre que ces deux crises sont liées. On ne s’en sortira pas si on ne les attaque pas de front.
Il ne s’agit de rien de moins que de préserver nos conditions de survie sur cette planète. Voilà pourquoi nous appelons d’urgence à rétablir les fonds en faveur de la protection de la biodiversité.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Les crédits alloués à la SNB sont massivement réduits pour 2025. Toutefois, nous avons l’impératif de diminuer les dépenses publiques. Plutôt que de procéder à un rétablissement global de ces crédits, il vaut mieux procéder par des soutiens ciblés à des actions spécifiques, comme nous le faisons au profit de l’ONF ou du Conservatoire du littoral (CELRL). Défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD38 de Mme Chantal Jourdan
M. Fabrice Barusseau (SOC). Il vise à rétablir les 50 millions d’euros dont ont été amputées l’action 01 qui recouvre les activités de protection, gestion, et de valorisation des paysages et patrimoine mondial, sites classés, inscrits, et Grands Sites de France, ainsi que l’action 07 qui concourt à la lutte contre la perte de biodiversité et à la reconquête de la qualité des espaces sensibles sur terre et en mer, à l’atteinte du bon état des eaux souterraines et de surface, y compris littorales et à la sécurité des approvisionnements en matières premières non énergétiques.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Avis défavorable pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD36 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). La protection de l’environnement et des biotopes exige de lutter contre les espèces exotiques envahissantes qui sont capables de détruire d’importantes ressources, avec des conséquences parfois catastrophiques pour les activités économiques.
Le frelon asiatique est à ainsi l’origine de millions d’euros de pertes pour l’économie nationale. Dans mon département de l’Hérault, les crabes bleus se multiplient depuis 2017 et dévorent tout sur leur passage : anguilles, huîtres, moules, petits poissons et filets de pêche. Citons aussi les écrevisses de Louisiane qui favorisent les inondations en creusant les berges.
Cet amendement vise donc à transférer 20 millions d’euros du fonds de soutien aux énergies renouvelables intermittentes à la protection de nos apiculteurs, nos pêcheurs et nos territoires contre les espèces envahissantes.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. La lutte contre les espèces envahissantes contribue à alléger la pression sur la biodiversité. Elle constitue l’un des volets de la SNB 2030 pour laquelle un indicateur mesure depuis 2024 le nombre d’actions coup de poing contre les espèces envahissantes – la cible est hélas passée de 234 à 150 pour 2025. Je suis favorable à un renforcement des moyens qui sont dédiés à cette lutte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD35 de Mme Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). La France a une fâcheuse tendance à forcer les transitions agricoles en interdisant nombre d’entrants ou de pratiques qui nuiraient à l’environnement, laissant les agriculteurs souvent seuls face aux maladies et aux nuisibles ravageurs.
Pour le Rassemblement national, il ne peut pas y avoir d’interdiction sans solutions. Il convient de développer la recherche, notamment sur la nature des sols dont la connaissance est indispensable à la transition agro-écologique.
L’amendement a donc pour objet de retirer des crédits au plan Vélo et marche afin de les consacrer à un accompagnement utile à nous agriculteurs.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD131 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Il vise à créer un fonds pour les refuges et les sanctuaires pour les animaux, doté de 15 millions d’euros.
Les récentes mesures d’interdictions de captivité de la faune sauvage imposent de développer les structures d’accueil pour les animaux provenant de cirques, de delphinariums mais aussi de saisies des forces de police ou encore abandonnés.
En France, il existe moins d’une dizaine de structures d’accueil pour les animaux terrestres et aucune pour les dauphins et les orques ; à l’étranger, les projets ne sont pas encore aboutis. Il y a urgence à créer des places – la fin de la captivité est prévue pour les orques en 2025 et pour les dauphins en 2027 –, sinon ces animaux risquent d’être transférés dans des pays comme la Chine, dans lesquels les normes de bien-être animal sont parfois inexistantes.
Les cétacés sauvages nagent entre 64 et 160 kilomètres par jour à une vitesse de 48 kilomètres par heure. Il est inacceptable de les enfermer dans des petits bassins.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Un plan au bénéfice des circassiens doit accompagner l’application de la loi de 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. Il concerne, entre autres, le placement des animaux au refuge ; l’aide à la création de cirque fixe ; la stérilisation des animaux.
Alors que la détention d’animaux sauvages en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants est interdite à partir du 1er décembre 2028, 8 millions d’euros en CP et en AE pour 2025 et 2026 sont inscrits dans le programme 113 pour financer ce plan. Les montants semblent suffisants : avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). Vous proposez d’allouer 15 millions à des lieux pour accueillir des animaux à la suite de décisions judiciaires ou administratives. Or lorsqu’un animal sauvage est placé dans un lieu de dépôt, les frais liés à ce placement sont assumés par la personne désignée par la décision du juge ou de l’autorité administrative. Votre amendement dote les structures d’accueil de moyens par anticipation alors que la question de la prise en charge est aujourd’hui tranchée au cas par cas.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Vous m’avez mal comprise. En raison de la loi de 2021, de nombreux animaux, aujourd’hui en captivité, auront besoin de lieux d’accueil, que l’on appelle refuges ou sanctuaires. Cela ne me semble pas une dépense accessoire. Il est question du bien-être d’animaux souvent en voie disparition.
M. Emmanuel Blairy (RN). Votre intention est louable évidemment. Il me semble préférable de déposer une proposition de loi invitant les autorités administratives, voire les départements, à créer des lieux de dépôt. Les seules structures reconnues par la loi sont les fourrières pour animaux. Pour le reste, ce sont les réquisitions administratives ou judiciaires qui désignent le lieu de dépôt.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD49 de M. Stéphane Lenormand
M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement part d’un constat simple : 80 % de la biodiversité française se trouve dans les outre-mer de même que 97 % de notre zone exclusive économique. La biodiversité y est très riche, mais aussi fragile. Il convient de la protéger, notamment des effets du réchauffement climatique.
Il vous est proposé d’affecter aux territoires d’outre-mer 80 % des crédits de l’action 07, Gestion des milieux et biodiversité.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Votre amendement vise à créer un programme consacré exclusivement à la protection de la biodiversité en outre-mer, doté de 334 millions d’euros, au préjudice de l’ensemble du territoire. Je ne nie pas la nécessité de porter une attention particulière à la biodiversité en outre-mer, mais vous proposez un bouleversement du programme 113 auquel je ne peux souscrire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD52 de M. Stéphane Lenormand
M. Stéphane Lenormand (LIOT). La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon a pris ses responsabilités ces dernières années pour essayer de préserver l’isthme pour des raisons économiques, sociales, mais aussi de sécurité tandis que l’État a été le plus souvent aux abonnés absents. Il est donc proposé symboliquement d’affecter 2 millions d’euros aux travaux de consolidation et de prévention qui doivent encore être menés et que la collectivité n’est plus en mesure d’assumer.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Il me semble important de trouver les moyens de financer l’adaptation au changement climatique des territoires d’outre-mer comme de métropole. Cependant, votre amendement vise uniquement Saint-Pierre-et-Miquelon alors que d’autres territoires en auraient également besoin. En outre, vous prélevez les crédits sur le fonds vert qui est précisément destiné à l’adaptation. Avis défavorable.
M. Olivier Serva (LIOT). Je soutiens l’amendement.
J’en profite pour indiquer au rapporteur et à tous les députés qu’aux termes d’un amendement adopté à l’unanimité, l’emploi du terme métropole a été banni au profit de celui d’Hexagone.
En effet, la métropole est définie dans le dictionnaire par rapport aux colonies. Or les départements d’outre-mer ne sont plus colonies depuis 1946. J’invite donc tout le monde à préférer le mot d’Hexagone.
M. Pierre Meurin (RN). J’entends l’argument du rapporteur mais l’outre-mer est en première ligne du changement climatique. L’amendement me semble donc justifié.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD106 de Mme Anaïs Sabatini
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Il prévoit de renforcer les crédits pour soutenir la filière bois, notamment les exploitants privés. Il est complémentaire de celui que j’ai déposé sur le financement des missions d’intérêt général de l’ONF. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CD189 de M. Sébastien Humbert et II-CD98 de M. Dominique Potier (discussion commune)
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Il s’agit de transférer 4 millions de l’action 09, Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale, du programme 345, Service public de l’énergie vers l’action 07 au profit des conservatoires d’espaces naturels (CEN).
M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement vise à augmenter de 3 millions les crédits des CEN, qui comptent 10 000 bénévoles et 1 200 salariés pour 4 500 sites. Si la taxe affectée dont ils bénéficient reste stable à 40 millions d’euros, le fonds vert subit des coupes de 60 % ; les crédits du programme 113 baissent de près de 24 %.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien qui répond aux besoins identifiés pas les CEN.
M. Gérard Leseul (SOC). Je le maintiens.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CD121 de Mme Claire Lejeune et II-CD13 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’amendement vise à augmenter la dotation de fonctionnement des CEN.
Le réseau, qui s’appuie sur plus de 1 100 salariés sur tout le territoire pour gérer plus de 4 000 sites naturels couvrant plus de 270 000 hectares, a besoin de crédits supplémentaires pour maintenir et développer les compétences indispensables à sa gestion.
Les conservatoires jouent un rôle essentiel dans la préservation et la restauration de notre biodiversité ainsi que des zones humides, dont on connaît le rôle capital pour atténuer les effets du changement climatique – grâce au stockage de carbone ; à l’absorption des excès d’eau lors des crues ; au maintien de la biodiversité, etc.
Les coupes budgétaires démentielles dans le fonds vert ont pénalisé les collectivités mais aussi d’autres organismes, comme les CEN, qui avaient établi leur budget sur plusieurs années. Selon eux, ces coupes mettent en danger certains projets déjà très avancés et cela ne va pas s’arranger. Alors que nous vivons la sixième extinction des espèces, il est urgent de donner des moyens aux CEN.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit également de renforcer les moyens des CEN qui sont des acteurs décisifs dans la protection de notre patrimoine commun, la biodiversité. Ils en ont besoin pour mener leur politique foncière ou élaborer les documents de gestion de leurs 4 000 sites – présents dans une commune sur huit.
L’amendement propose de leur allouer, conformément à leur demande, 4 millions supplémentaires. Il me semble que nous sommes tous d’accord pour rehausser les crédits alloués au CEN.
Un tiers des sites sont équipés pour accueillir du public. Auditionné à l’Assemblée nationale l’an passé, le représentant des CEN évoquait 6 millions de visiteurs annuels. Les conservatoires permettent à de nombreux enfants de faire des sorties dans la nature et de se familiariser avec les différents écosystèmes qu’ils voudront préserver une fois adultes. Ils contribuent au changement des mentalités que nous appelons toutes et tous de nos vœux. Il est important de garantir un accès à la nature.
L’amendement s’inscrit dans la continuité des classes dans la nature et plus généralement de l’école dehors que nos élus locaux promeuvent, avec succès d’ailleurs, à Poitiers notamment.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Les quatre amendements auraient pu faire l’objet d’une discussion commune. Avis favorable à l’amendement II-CD121.
La commission adopte l’amendement II-CD121, en conséquence l’amendement II‑CD13 tombe.
Amendement II-CD40 de Mme Chantal Jourdan
Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit d’augmenter de 2 millions les crédits des CEN selon le souhait formulé par la Fédération des conservatoires d’espaces naturels.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Demande de retrait car il est satisfait, sinon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CD12 de Mme Lisa Belluco et II-CD117 de Mme Claire Lejeune
Mme Lisa Belluco (EcoS). L’eau est un bien commun. Nous en avons besoin pour l’ensemble de nos activités et elle ne saurait être accaparée. C’est la raison d’être de la police de l’eau qui vérifie notamment la légalité des prélèvements.
« L’État assure la police administrative de l’eau, mais ses services déconcentrés manquent de moyens pour l’exercer, qu’il s’agisse de l’Office français de la biodiversité (OFB), des Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) ou des directions départementales des territoires ». Tel est le constat de la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2022. Elle poursuit : « Les contrôles concernant la gestion quantitative de l’eau portent essentiellement sur le respect des arrêtés préfectoraux dits sécheresse ; ils portent très peu sur le respect, par les gestionnaires des barrages, des débits réservés ou encore le respect de leurs autorisations de prélèvement par les agriculteurs irriguant notamment au regard des périodes et des volumes. »
Les contrôles sont insuffisants alors que la tension sur la ressource en eau s’accroît. En vingt ans, la quantité d’eau renouvelable disponible a baissé de 14 %. Nous devons préserver celle qui reste et pour cela, nous avons besoin d’une police de l’eau forte.
J’en profite pour saluer le travail remarquable de l’OFB et de tous ses agents, travail malheureusement de moins en moins reconnu, y compris par les ministres de tutelle. C’est regrettable.
L’amendement vise donc à allouer 5 millions à l’OFB pour renforcer son action de police. Si j’osais, je dirais que c’est une goutte d’eau dans ce budget.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. La police de l’eau n’est pas exercée seulement par l’OFB mais aussi par les services de l’État. Un rapport du CGEDD, publié fin 2018, estimait à 3 700 ETP les effectifs qui contribuent à la police de l’eau et de la nature. Selon l’OFB, 480 ETP s’y consacreront parmi son personnel en 2025. Il n’est pas prévu de diminution des effectifs sous plafond de l’Office qui bénéficie de dix emplois hors plafonds supplémentaires.
Il est important que les agriculteurs soient accompagnés plutôt que sanctionnés pour s’approprier une nouvelle politique de l’eau. Avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). À l’origine, le cœur de métier de l’OFB était la police de la chasse et le contrôle des espèces.
Selon un récent rapport du Sénat, les contrôles dans le cadre de la police de la chasse ont diminué de 87 %. Voilà ce qui arrive quand on déshabille Pierre pour habiller Jacques : l’OFB délaisse sa mission première au profit de l’écologie punitive.
Aujourd’hui, l’OFB souffre d’une image négative. Les agriculteurs et les maires voient arriver des agents armés et disposant d’un arsenal juridique pour non seulement constater les infractions mais aussi les rechercher.
Dans ma circonscription, je suis régulièrement interpellé sur le comportement de cow-boy des agents de l’Office. Je n’ai rien contre eux, j’incrimine plutôt leur doctrine d’emploi qui les place dans cette position plutôt que dans celle d’accompagner les collectivités et les agriculteurs.
L’OFB doit se recentrer sur ses missions originelles et faire plus d’accompagnement que de répression.
Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous sommes finalement d’accord puisque dotés de moyens supplémentaires, l’OFB pourrait non seulement augmenter ses contrôles et retrouver son rôle de police de la chasse, mais aussi accompagner les agriculteurs et toutes les personnes contrôlées. Les sanctions sont liées à un recentrage de l’OFB sur cette fonction.
Je m’étonne que vous vouliez désarmer la police – les agents de l’OFB sont des forces de police. Votre avis est à géométrie variable selon la police concernée.
M. Emmanuel Blairy (RN). Ai-je dit que les agents de l’OFB devaient être désarmés ?
L’OFB devait être divisée en deux entités, l’une chargée de missions de police pour laquelle le port d’une arme est justifié, l’autre, de missions d’accompagnement.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Les agents de l’OFB peuvent être amenés, dans une même journée, à exercer des missions de police et des fonctions administratives. Il est difficile d’organiser leur temps de travail de telle manière qu’ils puissent ne pas porter d’arme à certains moments.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CD188 de M. Sébastien Humbert
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. L’ONF s’autofinance à près de 70 %. Après plusieurs années délicates, sa situation financière s’est redressée mais les excédents budgétaires ont été affectés au désendettement et non au financement de nouvelles missions.
Les fonds publics demeurent essentiels pour soutenir l’opérateur dans l’exercice de ses missions d’intérêt général – surveillance de l’état biologique des forêts, lutte contre les parasites, renouvellement du peuplement forestier.
Le PLF pour 2025 ne tient compte ni de l’inflation ni du développement de nouvelles missions. C’est d’autant plus problématique que le rythme de renouvellement des forêts est appelé à doubler par rapport aux dernières décennies et que la part de la régénération naturelle devrait diminuer de plus de 80 % à 50 %, occasionnant une hausse des coûts d’investissement.
Pour aider l’ONF à accomplir ses missions d’intérêt général, l’amendement tend à augmenter son budget de 3 millions d’euros.
M. Pierre Meurin (RN). Il est essentiel que la commission vote l’amendement. La gauche critique, à juste titre, les saignées dans le personnel de l’ONF. En septembre, la Cour des comptes a demandé d’arrêter l’hémorragie – l’Office a perdu 40 % de ses effectifs en vingt ans. Les agents jouent pourtant un rôle majeur : ce sont notamment eux qui surveillent les forêts pour prévenir les incendies.
Pendant les deux dernières années, la gauche a défendu des amendements similaires. Il serait incompréhensible de ne pas voter cet amendement indispensable du rapporteur.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD115 de Mme Claire Lejeune
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). L’amendement a pour objet d’augmenter les crédits alloués à Météo-France.
Alors que les événements extrêmes se multiplient et s’intensifient, cet opérateur est crucial pour la gestion des risques, mais aussi pour l’adaptation de nos politiques publiques face au changement climatique. Il joue un rôle clé dans la compréhension du réchauffement climatique ainsi que dans les travaux du Giec.
Récemment, ma circonscription en Essonne a été durement touchée par les inondations, qui ont provoqué des dégâts très importants, nécessitant la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Mais que fait le Gouvernement ? Il supprime des postes alors qu’il prétend faire de la planification écologique une priorité : 383 postes ont été supprimés au sein de météo France depuis 2017. Ces suppressions ont dégradé les conditions de travail.
Il est indispensable de renforcer les moyens de Météo-France. Nous demandons donc le rétablissement du plafond d’emplois de 2017, soit la création de 380 postes.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Je vous invite à le retirer au profit du suivant, sinon avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD64 de M. Emmanuel Blairy
M. Emmanuel Blairy (RN). Il y a deux ans jour pour jour, le 23 octobre 2022, une tornade a balayé le village de Bihucourt en trois minutes. La magnifique photo publiée le lendemain dans La Voix du Nord avait été prise par un chasseur de tornades qui venait des Pays-Bas. Il était le seul à savoir qu’une tornade allait passer par les Hauts-de-France et l’Artois, en l’occurrence.
Je me suis demandé pourquoi Météo-France n’avait pas émis d’alerte ce jour-là. J’ai appris, de la bouche de la PDG lors de son audition par la commission, qu’elle devait faire avec les moyens dont elle disposait.
La prévention doit être la priorité de ce grand service public que nous devons choyer. C’est la raison pour laquelle je vous propose de lui octroyer 2 millions supplémentaires.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. La subvention pour charges de service public versée à Météo-France passe de 207,26 à 210,7 millions d’euros. Cela reste insuffisant compte tenu des nouvelles missions qui lui sont confiées. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CD113 de Mme Claire Lejeune et II-CD41 de Mme Chantal Jourdan
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). L’amendement tend à accroître les crédits du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).
Acteur essentiel de la planification de la bifurcation écologique, cet organisme apporte une expertise précieuse à l’État et surtout aux collectivités dans des domaines cruciaux tels que l’environnement, les infrastructures et l’adaptation au changement climatique. Malheureusement, 379 postes y ont été supprimés sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Dans un contexte d’aggravation des catastrophes climatiques, il est fondamental de renforcer ses effectifs pour qu’il puisse mener à bien ses missions.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Bien que moins ambitieux financièrement, l’amendement a le même objet que le précédent : doter le Cerema d’effectifs supplémentaires pour faire face à l’élargissement de ses missions et à l’accentuation du dérèglement climatique.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. L’amendement II-CD113 minore les crédits du transport aérien, en cohérence avec votre politique anti-avions. Avis défavorable.
Quant à l’amendement II-CD41, son exposé des motifs ne vise pas les bonnes actions. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD185 de M. Sébastien Humbert
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) a subi une diminution de son plafond et de son schéma d’emplois de 25 ETP en 2024, après une année de stabilisation en 2023. Alors qu’une nouvelle stabilisation était prévue, l’établissement enregistre pour 2025 une perte de 7 ETP, malgré un nombre de missions croissant. L’amendement vise à combler son déficit structurel, estimé à 15 millions d’euros.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD114 de M. Maxime Laisney
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). L’IGN est un acteur crucial de la planification écologique. Agissant à rebours des impératifs écologiques, le Gouvernement prévoit d’y supprimer 7 postes, portant à 127 le nombre de postes supprimés depuis 2017. Cela risque d’affaiblir gravement cet opérateur de référence, chargé de mesurer et d’observer notre territoire pour des missions vitales, comme la cartographie des habitats naturels, le suivi des changements climatiques ou l’anticipation des risques d’inondation. Au moment où la puissance publique doit planifier la bifurcation écologique, il est impossible que des acteurs de terrain comme l’IGN subissent les effets de l’obsession austéritaire du Gouvernement. Alors que le Giec nous alerte sur des bouleversements irréversibles, il est incompréhensible de priver l’IGN des moyens nécessaires à ses missions.
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Demande de retrait : l’amendement a été satisfait par l’adoption du précédent.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CD11 de Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis, est retiré.
Amendement II-CD202 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Afin de nous inscrire dans la bonne dynamique du projet de loi de finances pour 2024, je vous propose de financer 307 ETP supplémentaires. En vingt ans, les effectifs ministériels ont été réduits de plus de 8 000 agents.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD120 de M. Maxime Laisney
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Nous souhaitons augmenter les effectifs des inspecteurs des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
Les services d’inspection des ICPE connaissent un manque structurel de moyens humains pour assurer leurs missions de contrôle des 500 000 installations industrielles et énergétiques classées sur le territoire national dont 1 300 sites Seveso. Plus de la moitié des inspecteurs et inspectrices de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement souhaitent quitter leur emploi selon France Info. Ceux-ci jouent pourtant un rôle déterminant pour éviter un nouveau Lubrizol. La mission d’information du Sénat sur l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de l’usine Lubrizol a souligné le manque d’inspecteurs des ICPE dans son rapport.
Après l’accident de Lubrizol, le Gouvernement s’était engagé à augmenter de 50 % le nombre d’inspections d’installations classées. Toutefois, l’augmentation des effectifs d’inspecteurs ne suit pas. Alors que des crédits ont été votés pour recruter trente nouveaux inspecteurs en 2021 et vingt en 2022, une enquête de Libération du 26 septembre 2022 révèle que ces recrutements n’auraient pas été effectués et que le nombre d’inspecteurs aurait même diminué entre 2019 et 2021. En 2022, d’après le ministère de la transition écologique, 22 852 inspections ont été réalisées par 1 587 inspecteurs, loin de l’objectif ministériel de 25 000 inspections.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Ces inspecteurs seront d’autant plus nécessaires dans le projet de réindustrialisation du pays que prétend défendre la loi industrie verte. Néanmoins, le problème ne se réduit pas à des questions de plafonds d’emplois, il tient aussi au déficit de recrutement et de formation. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD156 de M. Gérard Leseul
M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de renforcer les moyens humains alloués au Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi). Depuis l’accident de Lubrizol, il y a cinq ans, contrairement à ce qu’avait promis le ministère, il n’y a ni plus d’inspections ni plus d’inspecteurs des sites Seveso. Le risque demeure entier dans beaucoup d’agglomérations.
Contre la préconisation de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Suivant la position de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement II-CD142 de M. Timothée Houssin.
Amendement II-CD24 de M. Pierre Meurin
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Je profite de cet amendement pour vous rappeler que les deux principales causes de mortalité aviaire en France, d’après une étude du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 2023, sont l’intensification de l’agriculture avec la généralisation des engrais et des pesticides de synthèse et l’augmentation des températures. Puisque vous vous préoccupez tant de la population aviaire de notre pays, je vous inviterai à voter à l’avenir avec nous l’interdiction des pesticides et des SUV. Avis défavorable.
M. Pierre Meurin (RN). C’était un amendement un peu taquin sur la tour Séquoia. De même qu’il est incohérent, pour la gauche, de défendre les éoliennes qui tuent sept à huit oiseaux par unité par an, d’autant qu’elles produisent une énergie intermittente qui n’a aucun intérêt du point de vue de notre souveraineté énergétique, il l’est aussi de défendre la biodiversité depuis une infrastructure avicide, si je peux dire.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Votre sensibilité me touche ! En matière de morts d’oiseaux, la chasse est aussi très bien placée. Selon la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), 25 millions d’oiseaux sont chassés par an, un nombre sans commune mesure avec celui des oiseaux tués par des éoliennes, qui, elles, au moins, servent à quelque chose.
M. Emmanuel Blairy (RN). Je suis hyper sensible aux gens sensibles comme vous, monsieur Bonnet. Vous allez nous faire pleurer. Les chasseurs sont les plus grands défenseurs de la biodiversité ! On n’oppose pas la régulation des animaux à leur protection. Il existe des quotas territoriaux de prélèvement, pour lesquels les fédérations de chasse font un travail formidable. Je ne comprends pas bien pourquoi vous vous attaquez tout à coup à la chasse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD149 de M. Romain Eskenazi
M. Romain Eskenazi (SOC). Nous proposons de rétablir les ETP nécessaires dans les ministères de la transition écologique et de la mer, où les effectifs sont passés de 41 000 à 35 000 en sept ans. Le mal-être au travail de ces agents va croissant.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Les effectifs du pôle ministériel sont aujourd’hui très nettement insuffisants pour relever le défi de la transition écologique. Les effectifs de l’action 11 mettent en œuvre les politiques du programme 205 Affaires maritimes, pêche et aquaculture, qui ont subi une baisse de près de 10 % en dix ans. Cette mise en tension des agents ainsi que l’externalisation de certaines missions essentielles doivent être évitées. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CD89 de M. Denis Fégné
Mme Chantal Jourdan (SOC). Les personnels de plusieurs directions du ministère de la transition écologique souffrent des réductions d’effectifs, à l’origine d’une surcharge de travail. Cet amendement et les prochains visent à rétablir les postes nécessaires.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Avis favorable sur celui-ci et sur les suivants.
La commission rejette l’amendement.
Contre la préconisation de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-CD164 de M. Fabrice Barusseau, II-CD90 et II-CD91 de M. Denis Fégné et II-CD165 de M. Fabrice Roussel.
Amendements II-CD23 de M. Pierre Meurin et CD119 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)
M. Pierre Meurin (RN). L’an dernier, à la place de Mme Belluco, j’avais déjà proposé de supprimer la Commission nationale du débat public (CNDP) pour faire des économies. Le salaire de sa présidente, aux alentours de 15 000 euros mensuels, avait défrayé la chronique. Cette commission ne sert absolument à rien, sinon à faire incuber la totalité des associations, des ONG et des lobbys écolos pour lutter contre le nucléaire, défendre les ZFE et les éoliennes. Elle n’a rien de citoyen, puisque les Français que je rencontre n’en connaissent pas l’existence ; elle sert seulement à taper sur les plus modestes et sur la voiture.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous nous opposons à cette vision caricaturale de la CNDP. Nous souhaitons augmenter les crédits qui lui sont alloués. Elle doit avoir les moyens d’assurer ses missions dans de bonnes conditions : garantir le droit à l’information et à la participation du public dans l’élaboration de toute une série de projets à impact environnemental. Le choix du mix énergétique doit faire l’objet d’un débat et ne peut pas être décidé par le seul Président de la République, comme cela a été le cas pour la relance du nucléaire.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Monsieur Meurin, nous avons un profond désaccord politique sur le sujet. La Commission nationale du débat public garantit le droit constitutionnel du public à être informé et à participer aux décisions ayant un impact sur l’environnement. Elle a plutôt tendance à apaiser les conflits, puisque 66 % des projets faisant l’objet d’une concertation ou d’un débat sont modifiés. Plus que jamais, la démocratie participative et environnementale est déterminante pour redonner confiance à nos concitoyens dans les institutions, dans l’avenir et dans la réindustrialisation.
Vous qui étiez rapporteur pour avis du programme 217 l’an dernier devez savoir que ces fonds de concours correspondent à l’obligation des maîtres d’ouvrage de financer la concertation et qu’ils n’abondent pas le budget de la CNDP.
Si la CNDP est si méconnue, d’après vous, peut-être faut-il lui donner des moyens supplémentaires pour que davantage de projets soient accompagnés et de débats publics organisés, ce qui éviterait bien des tensions. Avis défavorable.
Madame Lejeune, il faudrait que l’augmentation des crédits s’accompagne au moins d’un élargissement des compétences. Sagesse.
M. Pierre Meurin (RN). Cela m’amuse que vous disiez que la CNDP apaise les tensions. On voit le résultat à Sainte-Soline !
La CNDP existe depuis 1995. En trente ans, elle a eu l’occasion de se faire connaître. Si le droit à l’information est un principe constitutionnel, cette commission n’est pas inscrite dans la Constitution. Il y a plein de façons d’informer le public. Cela se fait d’ailleurs souvent localement, par le biais d’enquêtes publiques. La CNDP est une espèce de machin informe que personne ne connaît. Je vous mets au défi, chers collègues, de faire un sondage dans vos circonscriptions. Je pense qu’il n’y a pas 2 % des Français qui soient au courant de son existence, et que ces 2 % ce sont les ONG écologistes qui l’utilisent pour faire passer des idéologies d’extrême gauche.
M. Gérard Leseul (SOC). Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie d’avoir rappelé le rôle fondamental de la CNDP dans l’organisation du débat, sans parti pris. Je regrette vivement la caricature qui en a été faite par les députés du Rassemblement national qui, visiblement, ne la fréquentent pas. Il y a par exemple des débats très importants sur les diverses incidences du tracé de la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN). La CNDP évite l’expression trop brutale de la colère ou du dépit.
M. Nicolas Bonnet (EcoS). Nous pourrions nous accorder sur le fait que la CNDP est insuffisamment connue du grand public. C’est bien pour cela qu’elle a besoin de plus de moyens pour mieux se faire connaître, afin de favoriser la participation citoyenne. Les parlementaires sont évidemment légitimes pour décider de projets nationaux, mais ils doivent aussi rester à l’écoute des acteurs des territoires. Et s’il n’y a que d’affreux écolos qui participent aux enquêtes publiques, je vous suggère, monsieur Meurin, d’y inviter d’affreux fachos, ce qui donnera lieu à des débats sûrement passionnants.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Monsieur Meurin, je vous remercie, vous avez donné deux exemples qui sont, en réalité, en faveur de l’existence de la CNDP. Il n’y a jamais eu de débat public sur Sainte-Soline. On voit bien les tensions que cela peut créer quand les parties prenantes ne sont pas mises autour de la table pour débattre d’un projet et faire remonter les objections. Il n’existe aucun projet commun autour de ces réserves de substitution. Un débat public organisé en bonne et due forme par la CNDP, avec des méthodes impartiales, aurait peut-être permis d’apaiser les tensions. Quant aux enquêtes publiques, elles arrivent quand le projet est déjà abouti. Les avis émis à cette occasion ne sont donc que marginalement pris en compte. La CNDP a pour vocation d’organiser un débat public en amont, pour que les différentes remarques puissent être considérées et que le projet suive son cours dans de meilleures conditions.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CD205 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à augmenter la masse salariale ministérielle de 14 ETP : 2 pour l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires et 12 pour la Commission de régulation de l’énergie. Mes trois amendements suivants sont de repli.
La commission rejette l’amendement.
La commission rejette successivement les amendements II-CD192 et II-CD191 de Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis.
Suivant la position de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement II-CD32 de M. Pierre Meurin.
La commission rejette l’amendement II-CD206 de Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis.
Amendement II-CD195 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Il s’agit de renforcer les moyens de l’École nationale des ponts et chaussées pour que l’école puisse mener à bien la rénovation thermique et énergétique de ses bâtiments.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD193 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. L’amendement vise à donner à l’École nationale des ponts et chaussées les ressources humaines suffisantes – 10 ETP – pour former les ingénieurs dont notre pays a besoin pour mener la transition écologique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD194 de Mme Lisa Belluco
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. C’est un amendement de repli afin de compenser l’augmentation du point d’indice de 2024 dans le budget dédié à l’École nationale des travaux publics de l’État et à l’ENPC, pour 248 310 euros.
La commission adopte l’amendement.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.
Après l’article 60
Amendement II-CD9 de Mme Lisa Belluco
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit d’interdire le financement des réserves de substitution par les agences de l’eau. Or cette mesure serait contre-productive pour notre souveraineté alimentaire. Dans de nombreux cas, les réserves de substitution n’ont pas d’effet délétère sur les nappes souterraines et sont essentielles au maintien d’une activité agricole. Il appartient aux agences de l’eau de garantir qu’elles sont utilisées conformément aux impératifs de préservation de la ressource. Avis défavorable.
Mme Lisa Belluco, rapporteure pour avis. Une précision : il s’agit d’éviter d’investir des dizaines de millions d’euros d’argent public à des fins privées, en vue d’accaparer un bien commun.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CD187 de M. Sébastien Humbert
M. Sébastien Humbert, rapporteur pour avis. En septembre 2023, à la suite du recensement des ouvrages communaux engagé dans le cadre des programmes nationaux Ponts 1 et Ponts 2, l’État a mobilisé 35 millions pour aider les collectivités à réparer leurs ouvrages les plus dégradés, notamment ceux qui présentaient un enjeu majeur pour la sécurité des usagers et la continuité des dessertes locales. Près de 32 000 communes sont éligibles au programme national Ponts travaux, à savoir l’ensemble des communes éligibles au programme Ponts 1 pour 2021-2023 et au programme Ponts 2 en cours. Nous demandons au Gouvernement un rapport sur l’atteinte des objectifs du programme national Ponts et sur les moyens budgétaires nécessaires à leur réalisation.
La commission rejette l’amendement.