N° 527

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 octobre 2024

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025 (n° 324)

 

TOME VII

 

DÉFENSE

 

ÉQUIPEMENT des FORCES - DISSUASION

PAR M. François CORMIER-BOULIGEON

Député

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_______________________________________________________________________________________________________________Voir le numéro : 324

 

 


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : un budget qui assure le renouvellement capacitaire indispensable de nos armées

I. Un budget à la hauteur du défi capacitaire

A. Un effort prioritaire en faveur de la modernisation de nos équipements

1. Un budget conforme à la LPM 2024-2030

2. Une priorité accordée au capacitaire

B. Un budget qui permet un renouvellement majeur de nos capacités

1. Un budget qui traduit l’adaptation de la programmation capacitaire à l’évolution des menaces

2. Un investissement massif en faveur de notre dissuasion

3. La poursuite du renouvellement de nos capacités conventionnelles

a. Le « TOP 10 » des programmes en 2025

b. Le lancement en réalisation du PA Ng : évènement majeur de 2025

c. Les principales livraisons prévues en 2025

d. Les principales commandes prévues en 2025

II. Un examen détaillé des crédits illustre que l’effort capacitaire concerne l’ensemble du spectre

A. Un programme structuré autour de grands systèmes de force

B. Des crédits au bénéfice de l’ensemble des systèmes de force

1. Les crédits de la dissuasion

2. Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

3. Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

4. Les crédits d’équipement d’engagement et de combat

5. Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

6. Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

III. Les points de vigilance de votre rapporteur

A. Une fin d’année 2024 à risque

B. 2025, une année charnière pour les programmes SCAF et MGCS

a. L’entrée en phase 2 du SCAF doit être soumise à certaines conditions

b. L’accord sur le MGCS : coopération ou compétition ?

C. Le choix du successeur de l’AWACS : une urgence pour 2025

D. Le successeur du LRU : la nécessité d’une solution souveraine

Seconde partie : LA DGA face au défi de l’économie de guerre

I. L’enjeu d’une DGA plus agile et réactive pour répondre au défi de l’économie de guerre

A. Une DGA qui se met en « ordre de bataille »

1. La réorganisation de la DGA pour répondre aux enjeux de l’économie de guerre

a. La création de la direction de l’industrie de défense

b. Les autres directions issues de la réorganisation contribuent également à l’économie de guerre

2. Le défi des ressources humaines

a. Une forte concurrence avec le secteur privé

b. La mobilisation des leviers pour attirer et fidéliser

B. Le défi de la simplification et de l’agilité

1. Simplifier l’expression des besoins

2. Être plus agile dans les opérations d’armement : l’exemple de la force d’acquisition réactive

3. Privilégier le développement incrémental des systèmes

4. Adapter les normes au contexte d’emploi

5. Adapter les exigences de conformité au juste besoin

II. L’action de la DGA pour favoriser l’adaptation de la BITD à l’économie de guerre

A. Donner de la visibilité aux maîtres d’oeuvre

1. Une visibilité conférée par la dynamique capacitaire prévue par la LPM

2. Une visibilité renforcée pour le « TOP 12 »

3. Un dialogue renforcé avec l’industrie pour assurer une meilleure visibilité : l’exemple des drones

4. L’enjeu du partage de la visibilité par les maîtres d’œuvre

B. Accompagner l’augmentation de la production des maîtres d’oeuvre

1. Des premiers résultats prometteurs

a. L’augmentation du cadencement et la réduction des délais : une réalité pour de nombreux systèmes d’armes

b. Une dynamique d’investissement forte des grands maîtres d’œuvre

2. La nécessaire sécurisation des approvisionnements pour une BITD plus résiliente

a. Constituer des stocks stratégiques

b. Prioriser la production défense en cas de besoin

c. Relocaliser les productions critiques

C. Lever les obstacles que rencontrent les PME-ETI de la BITD sur le chemin de l’économie de guerre

1. Lever les goulets d’étranglement dans la chaîne de sous-traitance

2. Lever l’obstacle du financement

3. Lever l’obstacle des ressources humaines

4. Protéger les entreprises contre les menaces

III. Les recommandations de votre rapporteur

A. Poursuivre et amplifier le choc de simplification

B. Assurer l’exportabilité des équipements dès la phase de conception

C. Créer un outil de financement dédié aux PME-ETI de la BITD

Travaux de la commission

I. Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement

II. Examen des crédits

Annexe :  Auditions et déplacement du rapporteur pour avis

1. Auditions

2. Déplacement

 


    

   Introduction

L’Europe est aujourd’hui confrontée à un niveau de menaces inédit depuis la fin de la Guerre froide. La rupture introduite par la guerre en Ukraine et le choix de la Russie d’initier une « confrontation stratégique »  ([1]) contre ce qu’elle nomme « l’Occident collectif » ont fait entrer notre continent dans une nouvelle ère.

Le retour d’un conflit de haute intensité en Europe, le risque d’un embrasement au Proche et Moyen-Orient, la multiplication des actions hybrides menées par nos compétiteurs, ou encore l’extension des champs de conflictualité à de nouveaux espaces, marquent une rupture stratégique profonde et durable. Comme le résume le ministre des Armées, « nous ne sommes pas en guerre, mais nous ne sommes plus en paix ».

Ce durcissement de la compétition stratégique intervient en outre dans un contexte de forte incertitude sur la pérennité du « parapluie américain » en Europe en cas d’élection de M. Donald Trump.

● Dans ce contexte de montée des périls, la poursuite de la réparation et de la modernisation de nos armées n’est pas une option mais un devoir impérieux. Il en va de la préservation de notre souveraineté et de notre autonomie stratégique et, avant tout, de la paix et de la sécurité du continent européen.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur salue l’augmentation du budget de la mission Défense de 3,3 milliards d’euros prévue dans le projet de loi de finances (PLF) 2025. Le franchissement de cette nouvelle « marche » portera les crédits de nos armées à 50,5 milliards d’euros, conformément à la trajectoire fixée dans la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030.

Cet effort financier consenti par la Nation pour son armée est très important, a fortiori dans un contexte de contraintes fortes pour nos finances publiques. Mais il est nécessaire pour réparer nos armées qui ont été sacrifiées par des décennies de « dividendes de la paix ». De 2008 à 2019, le ministère des Armées a ainsi perdu 63 250 emplois, soit 20 % de ses effectifs ([2]), tandis que le parc capacitaire de notre armée a été significativement réduit.

 

 

 

Or, dans le même temps, nos compétiteurs se réarmaient massivement. De 1999 à 2021, les dépenses de défense ont ainsi augmenté de 292 % pour la Russie et 592 % pour la Chine, contre 20 % pour les pays de l’Union européenne ([3]). Aujourd’hui, la Russie a mis en place une économie de guerre au sens strict du terme, avec plus de 40 % des dépenses fédérales consacrées à la défense et à la sécurité. Rien n’arrêtera M. Poutine dans la guerre impérialiste qu’il mène en Ukraine si ce pays allié ne parvient pas à stopper l’avancée de l’armée russe puis à la repousser à l’intérieur de ses frontières de 2022 et 2014. Quelle que soit l’issue de ce conflit, la Russie restera en tout état de cause une menace majeure.

Le respect de la trajectoire de la loi de la programmation financière n’est donc pas un « cadeau » à nos militaires, mais la seule option viable pour que la France soit en mesure de tenir son rang dans la compétition stratégique mondiale. Dépenser 2 % de notre PIB pour garder la maîtrise de notre destin collectif est donc un minimum, même dans un contexte de tension forte sur les finances publiques.

● Le projet de budget du programme 146 pour 2025 illustre que les crédits dédiés aux capacités de nos armées financent le « juste besoin » de nos forces armées.

Ce budget est ainsi caractérisé par d’importants engagements financiers liés au renouvellement de notre outil de dissuasion nucléaire, clé de voûte de notre défense nationale et « assurance-vie » de notre pays. L’année 2025 marquera en effet le lancement en réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G) et du renouvellement des missiles de nos composantes océanique (M51) et aéroportée (ASN4G). Quant aux capacités conventionnelles, le porte-avions de nouvelle génération (PA NG) franchira une étape majeure en 2025, avec la notification de son marché principal.

Ces systèmes d’armes, commandés en 2025, seront présents dans nos forces durant plusieurs décennies. Le dernier SNLE 3G sera ainsi livré en 2050 aux forces océaniques stratégiques. Ce sont donc les équipements qui protégeront notre Nation sur le temps long que nous construisons aujourd’hui, comme le rappelait l’amiral Vandier, ancien chef d’état-major de la marine : « c’est la génération de nos parents qui a dessiné et construit le Charles de Gaulle. C’est à la nôtre qu’il revient de construire les outils militaires qui défendront la génération de nos enfants et petits-enfants dans les quarante prochaines années » ([4]).

Le développement annoncé du standard F-5 du Rafale, qui sera accompagné de son drone de combat, ainsi que les récents tests réussis de notre système sol-air de nouvelle génération (SAMP-T NG) et des premières munitions téléopérées rappelle que le renouvellement capacitaire pour faire face à l’évolution des menaces concerne l’ensemble du spectre.

● Enfin, l’évolution du contexte stratégique exige que notre industrie de défense soit prête à faire face en cas de crise. Le conflit en Ukraine rappelle combien le dimensionnement de l’outil de production pour fournir les capacités à forte consommation ou attrition constitue un des facteurs clés pour les belligérants dans le cadre d’une guerre de haute intensité. À cet égard, la capacité de notre industrie de défense à monter en puissance doit agir comme une véritable force de « dissuasion économique » ([5]) à l’encontre de nos compétiteurs.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport à « la DGA face au défi de l’économie de guerre ».

● Afin de lever toute ambiguïté, votre rapporteur tient à rappeler à titre liminaire que ce concept ne signifie naturellement pas que nous sommes en « économie de guerre ». Au sens strict, cette notion caractérise en effet « une période spécifique de l’histoire où les intérêts de la nation se résument à sa survie face à une menace existentielle, ce qui justifie que l’effort de défense soit à des niveaux supérieurs à 30 % du PIB » ([6]).

En revanche, notre pays a le devoir de préparer son économie de défense à une situation de crise majeure, voire à un conflit. L’enjeu est que « l’industrie française puisse soutenir un effort de guerre dans la durée, en cas de nécessité pour les forces armées ou au profit d’un partenaire » ([7]).

En conséquence, l’objectif de l’économie de guerre n’est pas de contraindre l’industrie à produire à une cadence « temps de guerre » en régime permanent, au risque de surproduire, mais d’instaurer une capacité industrielle prête à accélérer les cadences et diminuer les délais sur faible préavis. La BITD doit être en capacité de produire plus et plus vite en cas de besoin.

Tel est le sens de la démarche vers l’« économie de guerre » promue par le président de la République dans son discours à Eurosatory en juin 2022 et mise en œuvre depuis par le ministre des Armées avec le concours décisif de la DGA.

● La direction générale de l’armement (DGA), dont l’ancêtre a été créé en 1961 pour « construire une défense nationale indépendante fondée sur la dissuasion » ([8]) selon les termes du général de Gaulle, est un outil remarquable.

 

Il faut saluer le travail de ses ingénieurs, techniciens et opérateurs, qui conduisent des programmes d’armement, dont certains portent sur les objets les plus complexes et sophistiqués au monde, tels que le SNLE. La qualité de l’expertise technique de la DGA, enviée par de nombreux pays alliés et compétiteurs, est un atout majeur pour poursuivre la modernisation des capacités de nos armées.

Cependant, l’exigence de la préparation à l’économie de guerre nécessite que la DGA adapte son mode de fonctionnement et ses processus. Elle doit être davantage agile et réactive dans la conduite des programmes, sans naturellement renier son ADN centrée sur la garantie de la performance des systèmes d’armes utilisés par nos armées.

Tel est l’objectif de la transformation de la DGA initiée par son délégué général, M. Emmanuel Chiva, qui s’est notamment traduite par une importante réorganisation interne. La création d’une direction de l’industrie de défense, en charge de la politique industrielle de défense, illustre la volonté de la DGA de jouer un rôle majeur dans l’adaptation de notre BITD à l’économie de guerre.

S’il est naturellement prématuré de tirer un bilan définitif de ces réformes, votre rapporteur a cependant souhaité dans le cadre du présent rapport faire le point sur l’implication de la DGA dans la réussite de la préparation de notre pays à l’économie de guerre et suggérer quelques recommandations pour l’avenir à ce sujet. La transformation de la DGA est en effet un processus continu, qui ne s’est pas achevé avec sa réorganisation, mais a au contraire débuté avec celle-ci.

 

 

 

 


   Première partie : un budget qui assure le renouvellement capacitaire indispensable de nos armées

I.   Un budget à la hauteur du défi capacitaire

A.   Un effort prioritaire en faveur de la modernisation de nos équipements

1.   Un budget conforme à la LPM 2024-2030

Les crédits de la « mission Défense » inscrits au PLF 2025 sont conformes à la trajectoire de ressources définie à l’article 4 de la LPM 2024-2030. Les ressources totales du budget 2025 de la mission « Défense » s’élèvent ainsi à 50,5 milliards d’euros de crédits de paiements, hors pensions civiles et militaires de retraite, ce qui correspond à la « marche » de 3,3 milliards d’euros prévue à l’article susmentionné de la LPM.

Le respect par le PLF 2025 de cette « marche », dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, doit être salué. Il permet de poursuivre l’effort indispensable de réparation et de modernisation de nos armées entrepris depuis 2017.

Grâce au respect inédit de la trajectoire financière prévue dans la précédente et l’actuelle LPM, le budget de la mission Défense aura ainsi augmenté de 56 % entre 2017 et 2025, ce qui représente des ressources supplémentaires cumulées de plus de 70 milliards d’euros en faveur de nos forces armées.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION « DÉFENSE » DEPUIS 2017

  Source : ministère des Armées

Il convient de souligner que le strict respect de la programmation militaire depuis 2017 est inédit dans l’histoire récente. Pendant des décennies, les ambitions des précédentes lois de programmation étaient en effet systématiquement revues à la baisse en cours d’exécution, du fait de « coupes budgétaires » massives.

Cette période où le budget de la défense constituait systématiquement la variable d’ajustement du budget de l’État est révolue depuis 2017. On ne peut que s’en féliciter et affirmer qu’il doit impérativement en être ainsi aussi pour les prochaines années.

2.   Une priorité accordée au capacitaire

● Cet effort en faveur de la modernisation de notre outil de défense bénéficie en grande partie au renouvellement des capacités de nos armées.

La LPM 2024-2030 a en effet prévu, au titre de l’agrégat « équipement »  ([9]), 268 milliards de besoins programmés (+55% par rapport à la LPM 2019-2024). Les seuls programmes à effet majeur (PEM) représentent 100 milliards d’euros de besoins programmés pour la période 2024-2030, soit une augmentation inédite de près de 70 % eu égard à la LPM précédente.

Le PLF 2025 traduit cette trajectoire capacitaire ambitieuse. En 2025, l’agrégat « équipement » mobilisera en effet 64,8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (+67,5% par rapport à la loi de finances initiales « LFI » 2024) et 31,3 milliards d’euros de crédits de paiement (+10,6 %).

● Quant au programme 146, il bénéficiera en 2025 de 51,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (+110 % par rapport à la LFI 2024) et de 18,7 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 2,1 milliards d’euros (+12,6 %).

Le programme 146 représente ainsi plus de 50 % des crédits totaux de la mission Défense (hors dépenses du personnel du titre 2), proportion qui est stable depuis 2020.

Depuis 2017, les crédits de paiement du programme 146 auront ainsi augmenté de 86 % (de 10 à 18,7 milliards d’euros), soit trente points de plus que l’augmentation moyenne de la mission « Défense » sur la même période. Cela démontre la priorité accordée au renouvellement capacitaire.

 

 

  ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 146 DEPUIS 2017

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données des lois de finances et du PLF 2025.

  1.   Un budget qui permet un renouvellement majeur de nos capacités

1.   Un budget qui traduit l’adaptation de la programmation capacitaire à l’évolution des menaces

Le caractère pluriannuel de la programmation militaire est indispensable, dès lors que les grands programmes capacitaires s’inscrivent dans le temps long. Cependant, cette planification doit s’accompagner d’une nécessaire souplesse, pour adapter nos besoins capacitaires à l’évolution des menaces, ou encore aux aléas inhérents au déroulement des programmes. Tel est le sens de l’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM).

● En 2024, l’ajustement annuel s’est traduit par un effort accru dans le domaine des munitions, de la défense sol-air et de la lutte anti-drones pour tenir compte à la fois de l’évolution du contexte, des consommations en opérations et des impératifs de la politique d’économie de guerre.

Sur le segment des munitions et missiles, il a ainsi été décidé des commandes supplémentaires et une accélération de la production de munitions d’obus de 155 mm, ainsi qu’une accélération de la production et des livraisons de missiles Aster, Mica, Scalp et Exocet.

S’agissant de la lutte anti-drones (LAD), l’A2PM s’est traduit par : des commandes anticipées d’armes à énergie dirigée (laser et brouilleurs) ; une accélération des commandes des véhicules blindés Serval dans sa version LAD équipés d’un canon de 30 mm ; enfin, une accélération des capacités anti-aériennes de 40 mm et d’autoprotection des frégates, notamment pour tenir compte du retour d’expérience en mer Rouge.

Ces efforts supplémentaires représentent sur la période 2025-2027 un milliard d’euros pour les munitions et 300 millions d’euros pour la lutte anti-drones ([10]).

Un autre axe de l’A2PM, qui ne concerne pas uniquement le programme 146, est l’effort prioritaire en faveur de l’intelligence artificielle, dans le prolongement de la création de l’agence ministérielle de l’IA de défense (AMIAD), avec notamment un important volet dédié aux calculateurs. Ces investissements supplémentaires sont évalués par le ministère des Armées à 600 millions d’euros ([11]).

● Cet ajustement est financé en partie par l’évolution favorable de l’inflation par rapport aux hypothèses de hausse des coûts fondant la programmation financière de la LPM 2024-2030.

Ce gain lié à la baisse de l’inflation est estimé à environ 600 millions d’euros en 2025 et à 2,3 milliards d’euros sur l’ensemble de la période de la programmation : 1,2 milliard d’euros au titre du « coût des facteurs », un milliard d’euros au titre du coût des énergies non opérationnelles et 100 millions d’euros au titre du carburant opérationnel ([12]).

Ces nouvelles marges de manœuvre sont cependant utilisées non seulement pour financer l’A2PM, mais également les recomplètements de matériels cédés à l’Ukraine.

L’autre source de financement de cet ajustement annuel est liée aux retards industriels de certains programmes en 2024 (Eurodrone, frégate de défense et d’intervention, drone Patroller…), qui se sont mécaniquement traduits par des économies de crédits de paiement.

2.   Un investissement massif en faveur de notre dissuasion

● L’année 2025 sera marquée par des investissements majeurs au bénéfice du renouvellement de notre dissuasion nucléaire.

Les autorisations d’engagement (AE) liées à la dissuasion s’établissent dans le PLF 2025 à plus de 26 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 22 milliards d’euros par rapport à 2024 (+610%).

Les AE liées à la dissuasion représenteront en 2025 plus de la moitié des AE du programme 146 et contribuent à hauteur de 80 % à l’augmentation totale de ces derniers (+27 milliards d’euros d’AE en 2027).

 

● Ainsi qu’il sera détaillé dans la section II.B.1. du présent rapport, cet accroissement inédit des engagements financiers permettra de lancer en 2025 la réalisation de plusieurs programmes critiques pour le renouvellement de notre dissuasion :

– le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE 3G), qui remplaceront progressivement les quatre SNLE « Triomphant » de 2035 à 2050 (11, 5 milliards d’euros d’AE) ;

– le quatrième incrément du missile de la composante océanique dit M51.4 (7,5 milliards d’euros d’AE), qui remplacera le troisième incrément vers 2035 ;

– le missile de la composante aéroportée ASN4G (3 milliards d’euros d’AE), qui a vocation à remplacer à l’horizon 2035 le missile stratégique air-sol moyenne portée amélioré rénové (ASMPA-R).

Le lancement de ces deux programmes de missiles illustre la constante adaptation de notre outil de dissuasion nucléaire, puisqu’ils ont vocation à remplacer des systèmes qui ne sont même pas encore dans les forces à l’heure actuelle : le troisième incrément (M51.3) entrera en effet en service à compter de la fin de l’année 2025 à la suite de la réussite du tir de qualification en novembre 2023, tandis que le tir d’évaluation de l’ASMPA-R a été réalisé avec succès en mai 2024.

● Il est évident que les 22 milliards d’euros d’engagements financiers prévus en faveur de notre dissuasion constituent un investissement colossal qui pèsera significativement sur les crédits de paiement du programme 146 au cours de la prochaine décennie. L’enveloppe allouée par la LPM 2024-2030 à la dissuasion représente ainsi environ 13 % des crédits de paiement totaux pour la période 2024-2030.

Cependant, cet effort de la Nation en faveur de son « assurance-vie » qu’est la dissuasion est indispensable. Il s’agit de maintenir la robustesse et la crédibilité de notre dissuasion nucléaire, dans le respect du principe de stricte suffisance, face à l’évolution des menaces dans un contexte stratégique toujours plus incertain. C’est le legs inestimable du général de Gaulle que nous entretenons ainsi.

            3. La poursuite du renouvellement de nos capacités conventionnelles

a.   Le « TOP 10 » des programmes en 2025

Les autorisations d’engagement consacrées aux programmes conventionnels représentent 25 milliards d’euros (soit 48 % des AE du P146), tandis que les crédits de paiement (CP) desdits programmes s’établissent à 12,6 milliards d’euros (soit 67 % des CP du P146).

Le top 10 des programmes à effet majeur les mieux dotés budgétairement dans le PLF 2025 démontre l’ampleur et la diversité du renouvellement capacitaire de nos armées.

Classement des dix PRogrammes à effet majeur (PEM) du P146 les mieux dotÉes (PLF 2025) – hors dissuasion nuclÉaire

Rang

Autorisations d’engagement

 

Crédits de paiement

1

 

Porte-avions Ng

10,2 milliards d’euros

 

Rafale ([13])

1,7 milliard d’euros
 

2

 

Frégates de taille intermédiaire (FTI)

1,9 milliard d’euros

 

 

Scorpion
1,1 milliard d’euros

3

 

Système de Lutte Anti-Mines du Futur (SLAMF)

1,3 milliard d’euros

 

Avion de transport A400M
419 millions d’euros

 

 

4

 

Système de combat aérien du futur (SCAF)

814 millions d’euros

 

 

Frégates de taille intermédiaire (FTI)

351 millions d’euros

 

5

 

Futur missile antinavire (FMAN)
800 millions d’euros

 

 

Système de combat aérien du futur (SCAF)

295 millions d’euros

 

6


Drone de combat (UCAV)

704 millions d’euros

 


Radios Contact

254 millions d’euros

7

 

Sous-marin nucléaire d’attaque (Barracuda)

700 millions d’euros

 

Avion multi rôle de ravitaillement en vol et de transport MRTT

250 millions d’euros

 

8

 

Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA 5)

500 millions d’euros

 

 

Satellites Syracuse IV

240 millions d’euros

9

 

Radio HF Future

452 millions d’euros

 

Sous-marin nucléaire d’attaque (Barracuda)

235 millions d’euros

 

10

 

Capacité hydrographique et océanographique Future (CHOF)
431 millions d’euros

 

 

Système sol-air moyenne portée/terrestre de nouvelle génération (SAMP-T NG)

230 millions d’euros

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire de votre rapporteur.

b.   Le lancement en réalisation du PA Ng : évènement majeur de 2025

Au titre des capacités conventionnelles, le principal engagement financier du PLF 2025 est relatif à la notification prévue du marché principal du porte-avions de nouvelle génération (« PA Ng »). Plus de 10,2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus à cet effet.

Ce programme est dans sa phase d’avant-projet détaillé depuis avril 2023. Celle-ci vise notamment à consolider le besoin militaire et à définir les caractéristiques du projet (fonction, performances, contenu physique, calendrier, coûts), l’architecture capacitaire ou encore l’organisation industrielle.

Un des enjeux principaux de cette phase est notamment de maîtriser les interfaces non seulement avec les installations structurantes (brins d’arrêt, catapultes, chaufferies…) mais aussi avec le programme SCAF. Le PA Ng aura en effet vocation à accueillir le futur avion de chasse (New Generation Fighter ou « NGF »), qui sera certainement plus massif que le Rafale Marine. Par conséquent, le PA Ng sera vraisemblablement plus grand et quasiment deux fois plus lourd que l’actuel porte-avions (soit environ 77 000 tonnes).

En parallèle, les premiers travaux de réalisation des chaufferies nucléaires ont été engagés dans le cadre de la commande des prestations à long délai d’approvisionnements notifiée fin avril 2024 pour un montant de 600 millions d’euros. Selon les indications de la direction des applications militaires du CEA, les deux chaufferies nucléaires dites K22 du PA Ng devront chacune développer une puissance de 220 MW thermiques, contre 150 MW pour les chaufferies K15 qui équipent le porte-avions actuel.

L’enjeu principal de l’année à venir sera donc de préparer le lancement en réalisation du PA Ng, dont la notification est attendue par les industriels (Naval Group et Les Chantiers de l’Atlantique) fin 2025 pour un lancement des travaux début 2026. Le respect de ce jalon majeur du calendrier directeur du programme est essentiel pour être au rendez-vous de la relève du porte-avions Charles de Gaulle en 2038.

c.   Les principales livraisons prévues en 2025

Les capacités de la marine nationale seront fortement renouvelées en 2025, avec la livraison prévue de deux patrouilleurs outre-mer, d’une frégate de défense et d’intervention (FDI), d’un bâtiment ravitailleur de forces et de deux avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés.

S’agissant de l’armée de l’air et de l’espace, le parc d’aviation de chasse bénéficiera de la livraison de quatorze Rafale et de deux Mirage 2000D rénovés, tandis que celui de l’aviation de transport augmentera en 2025 d’un A400M, de deux C-130 rénovés et d’un A330 converti en MRTT.

Pour l’armée de terre, l’année 2025 sera marquée par la poursuite du programme Scorpion, avec la livraison prévue de 162 Griffon, 103 Serval et 33 Jaguar, ainsi que des dix premiers véhicules blindés mortiers embarqués pour l’appui au contact (MEPAC) et de 21 chars Leclerc rénovés. Le parc d’hélicoptères sera également renforcé avec l’arrivée de 6 hélicoptères Tigre au standard HAD.

Le renforcement du segment des missiles constituera également un axe fort des livraisons 2025, qui comprendront des missiles Aster, des torpilles lourdes F21 pour la marine, des missiles moyenne portée (MMP) au bénéfice de l’armée de terre, et enfin des missiles d’interception air-air MICA remotorisés pour l’armée de l’air et de l’espace.

L’effort en faveur des munitions est également souligné par la création en 2025 d’un nouveau programme à effet majeur « munitions de moyen calibre » (sous-action 10.86), qui porte sur l’acquisition de munitions de 40 mm des patrouilleurs hauturiers et des bâtiments ravitailleurs de forces.

Sur le segment spatial, le satellite d’observation CSO-3 doit être mis en orbite à la fin de l’année 2024 et plus de 80 stations de communication satellitaire Syracuse IV seront livrés.

d.   Les principales commandes prévues en 2025

La marine sera la principale bénéficiaire des commandes prévues en 2025. Outre la notification du marché principal du PA Ng précitée, seront commandés quatre bâtiments de guerre des mines SLAMF, deux bâtiments hydrographiques de nouvelle génération et une frégate de défense et d’intervention.

Pour l’armée de terre, aucune commande majeure n’est prévue en 2025, hors un lot de missiles MMP et 8 000 fusils d’assaut HK416.

Les commandes prévues en 2025 pour l’armée de l’air et de l’espace sont également modestes, avec des infrastructures pour le 6ème escadron de Rafale de la base d’Orange et un lot de missiles Scalp.

Sur le segment des missiles, une commande d’un lot de Mistral 3 et d’un lot de missiles Meteor est également prévue en 2025.

 

 

 

 

 

II.   Un examen détaillé des crédits illustre que l’effort capacitaire concerne l’ensemble du spectre

A.   Un programme structuré autour de grands systèmes de force

Le programme 146 est articulé autour de six actions budgétaires (n° 6 à 11) : cinq (n° 6 à 10) correspondent à des « systèmes de forces » pour reprendre les termes du projet annuel de performances et la sixième est liée aux opérations d’armement (n° 11).

● L’action 6 « dissuasion » regroupe l’ensemble des moyens dédiés à « assurer la crédibilité technique de la dissuasion », tels que les missiles des deux composantes et les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Il convient cependant de relever que cette action budgétaire ne reflète qu’imparfaitement l’effort de la Nation en faveur de sa politique de dissuasion, dès lors qu’elle n’intègre pas le financement des équipements conventionnels participant à la mission de dissuasion nucléaire, tels que les programmes Rafale, l’avion-ravitailleur A330 MRTT ou encore le porte-avions. Au titre du PLF 2025, l’action « dissuasion » du programme 146 représente, comme il a été vu, 26 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 5,7 milliards de crédits de paiement.

● L’action 7 « commandement et maîtrise de l’information » inclut les crédits liés aux moyens de recueil, de transmission et d’exploitation d’informations et de renseignement aux fins d’assurer notre autonomie de décision. Cette action couvre notamment de nombreux programmes spatiaux (satellites, maitrise de l’espace), le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), ou encore les drones et les avions de surveillance. Le PLF 2025 prévoit d’allouer à cette action près de 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 3,2 milliards de crédits de paiement.

● L’action 8 « projection-mobilité-soutien » réunit les moyens permettant aux forces de se projeter sur des théâtres d’opérations et d’assurer la mobilité intra-théâtre ainsi que le soutien des troupes. Les crédits liés aux avions de transport (A400M, A330 MRTT Phénix) et aux hélicoptères (NH 90, Cougar, HIL Guépard) sont notamment inscrits dans cette action. En vertu du PLF 2025, près de 1,3 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1,6 milliard d’euros de crédits de paiement sont proposés pour cette action.

● L’action 9 « engagement et combat » regroupe l’ensemble des équipements dédiés aux opérations en milieu hostile. Cette action inclut à titre d’exemple les crédits relatifs au PA Ng, au Rafale, au programme Scorpion, aux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), ainsi qu’à certains missiles (Exocet, missile moyenne portée MMP, missiles de croisière naval…). Le PLF 2025 prévoit d’affecter à cette action 19 milliards d’euros à titre d’autorisations d’engagement et 6,4 milliards d’euros au titre des crédits de paiement.

● L’action 10 « protection et sauvegarde » recouvre les équipements dédiés à la protection du territoire national face à des menaces conventionnelles, terroristes ou NRBC. Les crédits liés au patrouilleur du futur, au programme Avismar d’avions de surveillance et d’interception maritime, aux systèmes sol-air du futur ou encore à la lutte anti-drones sont réunis dans cette action. 1,7 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1,4 milliard d’euros de crédits de paiement sont prévus respectivement par le PLF 2025 pour cette action.

● Enfin, l’action 11 du programme 146 « préparation et conduite des opérations d’armement » ne correspond pas à un « système de force » comme les actions précitées, mais réunit les crédits liés aux activités de la direction générale de l’armement (DGA). Pour l’année 2025, cette action représente 320 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement et 293 millions d’euros au titre des crédits de paiement.

Les actions « engagement et combat » et « dissuasion » représentent ainsi à elles seules près de 65 % des crédits de paiement du programme 146 prévus en 2025, avec respectivement 34 % et 31 % desdits crédits alloués à ces deux actions.

RÉpartition des crÉdits de paiement entre les actions du p146 (PLF 2025)

(en milliards d’euros)

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données du projet de loi de finances 2025.

  1.   Des crédits au bénéfice de l’ensemble des systèmes de force

1.   Les crédits de la dissuasion

Comme il a été vu, l’entrée en phase de réalisation en 2025 de nombreux programmes structurants de notre dissuasion nucléaire explique l’explosion des autorisations d’engagement, qui sont fixées à hauteur de 26 milliards d’euros, soit une hausse de 608 %. L’augmentation des crédits de paiement, qui atteindront en 2025 5,7 milliards d’euros (+8,6 %), est logiquement plus faible, mais illustre néanmoins la montée en puissance continue des programmes majeurs de renouvellement des composantes. Depuis 2020, l’augmentation des crédits de paiement de cette action atteint 37 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 6 « DISSUASION » depuis 2020

(en milliard d’euros)

Tableau dissuasion

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de L’ACTION 6 « DISSUASION » (PLF 2025)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolutions

LFI 2024

PLF 2025

Évolutions

6

Dissuasion

3 679,05

26 075,81

+ 608,77%

5 279,28

5 734,24

+8,62 %

06.14

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ M51

254,06

7 491,90

+ 2 848,92 %

857,69

876,07

+2,14 %

06.17

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA)

60,28

91,24

+51,36 %

140,25

142,40

+1,53 %

06.18

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Simulation

660,92

715,17

+8,21 %

619,31

706,17

+14,03 %

06.19

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Autres opérations

1 705,41

4 917,18

+188,33 %

1 684,03

1 756,51

+4,30 %

06.22

Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion - soutien et mise en œuvre des forces ‒ toutes opérations

514,50

1 099,33

+113,67 %

919,94

963,65

+4,75 %

06.23

Assurer la crédibilité technique de la posture ‒ toutes opérations

483,87

260,99

- 46,06 %

423,98

544,05

+28,32 %

06.24

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ SNLE 3G

0

11 500

 

634,08

745,40

+17,56 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025.

● Le missile de la composante océanique : le M51

Pour répondre à l’évolution constante des technologies et préserver la crédibilité de notre dissuasion, la France a retenu une approche incrémentale de son missile M51 (sous-action 06.14). L’objectif est ainsi de déployer environ tous les dix ans une nouvelle version du système. La version M51.1 est entrée en service en 2010, la version M51.2 en 2016 et la version M51.3 entrera en service à compter de la fin de l’année 2025. Une nouvelle tête nucléaire navale (TNO-2) accompagnera la mise en service des missiles M 51.3

Le premier enjeu pour 2025 est donc d’assurer la production de l’incrément M51.3, en respectant la cadence de production nécessaire pour équiper en temps voulu chaque SNLE. Plus de 876 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus à cet effet en 2025.

L’autre enjeu pour l’année prochaine sera le lancement en réalisation du quatrième incrément, qui mobilise 7,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement dans le PLF 2025 (+ 2 850%). Le M51.4 a fait l’objet d’études amont qui ont permis de décider des adaptations et des améliorations en termes de portée, précision et de pénétration des défenses nécessaires à l’horizon 2035.

● Le missile de la composante aéroportée : l’ASMPA rénovée puis l’ASN4G

La rénovation à mi-vie des missiles ASMPA (sous-action 06.17) a été lancée fin 2016 et a pour objet l’amélioration des performances opérationnelles du missile face à l’évolution des défenses adverses jusqu’en 2035. La mise en service opérationnelle du ASMPA rénovée est effective depuis fin 2023 dans les forces aériennes stratégiques et est prévue prochainement dans la force aéronavale nucléaire.

Le principal enjeu pour 2025 sera le lancement en réalisation du successeur de l’ASMPA-R, à savoir le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G). Environ trois milliards d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus à cet effet dans le PLF 2025 (sous-action 06.19).

La phase de préparation du programme ASN4G a été lancée en 2018. La définition capacitaire et technique a été confirmée fin 2021, avec un missile hypervéloce, c’est-à-dire hypersonique et manœuvrant. L’ASN4G sera doté d’une nouvelle tête nucléaire (TNA4G) dont les travaux de conception ont commencé, sous l’égide de la direction des applications militaires du CEA. Ce missile sera emporté par le Rafale au standard F5 à l’horizon 2035.

● Le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération (SNLE 3G)

Le programme SNLE 3G, lancé en 2021, est le programme naval de défense qui permettra à la marine nationale de disposer de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, aux capacités opérationnelles renouvelées et étendues, au service de la dissuasion. Il s’agit de la troisième génération de SNLE après les 6 « Redoutable » des débuts de la dissuasion et les 4 « Triomphant » actuellement en service.

La mise en œuvre de ce programme se fera sur un temps long, puisque le premier SNLE 3G est prévu à l’horizon 2035, avec un rythme de livraison d’un sous-marin tous les cinq ans, de sorte que le quatrième et dernier exemplaire sera livré en 2050. Plus de 400 entreprises sont impliquées dans ce programme, sous l’égide de Naval Group.

Comme l’a indiqué une personne auditionnée, un SNLE est certainement un des objets les plus sophistiqués au monde, puisqu’il s’agit à la fois d’une chaufferie nucléaire embarquée, d’une plateforme de lancement de fusées, et d’un navire de combat avec un équipage de plus de 100 marins. Les SNLE 3G, qui seront dotées des futures versions du missile intercontinental M51, bénéficieront d’avancées technologiques, qui accentueront leur discrétion acoustique, leur furtivité et leur capacité de détection.

L’année 2025 constituera une étape majeure pour le SNLE 3G, avec le lancement de la phase 2 du programme, qui doit aboutir au développement du premier sous-marin, en vue de sa livraison en 2035. Ce lancement explique la mobilisation de 11,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement dans le PLF 2025.

2.   Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

● La dotation de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » s’élève à 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,2 milliards d’euros en crédits de paiement. Depuis 2020, la hausse des crédits de paiement au titre de cette action atteint 52 %.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 7 « commandement et maîtrise de l’information » depuis 2020

(en milliard d’euros)

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 7
« COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION » (PLF 2025)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

7

Commandement et maîtrise de l’information

4 604,75

2 970,08

-35,50 %

2 765, 46

3 181,17

+15,03 %

07.22

Commander et conduire – Hébergement Cloud

10,00

0

-100 %

0,70

1,88

+168,79 %

07.23

Commander et conduire – ARTEMIS IA

10,00

56,00

+460 %

35,66

43,23

+21,22 %

07.24

Commander et conduire – Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA)

15,00

509,72

+3 298,13 %

278,78

314,42

+12,79 %

07.25

Commander et conduire – Système d’information « terre »

33,27

103,04

+209,70 %

50,18

55,58

+10,76 %

07.27

Commander et conduire ‒ Géographie numérique

4,09

69,77

+1 605,95 %

73,33

76,59

+4,46 %

07.28

Commander et conduire ‒ Autres opérations

147,82

250,43

+69,42 %

47,26

96,38

+103,95 %

07.29

Commander et conduire – Système d’information des armées (SIA)

68,50

94,49

+37,94 %

99,55

103,93

+4,40 %

07.30

Communiquer ‒ Cyber

541,10

108,74

-79,90 %

196,24

227,25

+15,80 %

07.35

Communiquer ‒ Autres opérations

717,10

104,92

-85,37 %

176,66

192,06

+8,72 %

07.36

Communiquer ‒ CONTACT

0

50,00

 

262,99

276,58

+5,17 %

07.37

Communiquer ‒ Descartes

230,00

210,08

-8,66 %

84,35

88,41

+4,81 %

07.42

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM (1)

87,79

269,50

+206,98 %

38,75

16,60

-57,16 %

07.43

Espace ‒ Communiquer – Moyens de communication satellitaire

100,06

173,34

+73,24 %

355,51

385,96

+8,56 %

07.44

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROIM (2)

10,00

110,50

+1 104 900 %

78,20

111,32

+42,35 %

07.45

Espace ‒ Maîtrise de l’Espace

1 210,00

0

-100 %

48,58

137,96

+183,98 %

07.46

Espace ‒ Commander et conduire ‒ OMEGA (3)

150,00

0

-100 %

71,01

86,41

+21,70 %

07.50

Communiquer ‒ Transmission

487,00

452,00

-7,19 %

61,09

23,33

-61,81 %

07.60

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ALSR (4)

0

0

-

8,73

19,79

+126,61 %

07.61

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ CUGE (5)

96,40

0

-100 %

119,52

116,97

-2,13 %

07.62

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Drones aériens

564,28

78,12

-86,16 %

326,24

237,97

-27,06 %

07.63

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Hawkeye

9,90

2,14

-78,38 %

142,76

189,49

+32,74 %

07.64

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM

42,80

50,50

+17,99 %

103,63

173,80

+67,71 %

07.67

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ SDCA (6)

13,30

77,30

+481,20 %

33,97

28,24

-16,86 %

07.68

Renseigner, surveiller, acquérir-Autres opérations

66,34

114,49

+72,59 %

71,78

53,69

-25,20 %

07.69

Communiquer – réseaux de théâtre

0

85,00

-

0

123,32

-

 

  1.       Renseignement d’origine électromagnétique. (2) Renseignement d’origine « image ». (3) opération de modernisation des équipements de Global Navigation Satellite System (système de navigation satellitaire global) des armées. (4) Avion léger de surveillance et de reconnaissance. (5) Capacité universelle de guerre électronique. (6) Système de détection et de commandement aéroporté, plus connu sous le signe anglais d’AWACS (Airborne Warning and Control System).

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025

 

● Sur le segment spatial

– Plus de 250 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus en vue de la phase de réalisation du programme « Céleste ». Celui-ci a pour objet d’assurer la continuité de notre capacité de renseignement d’origine électromagnétique depuis l’espace à l’horizon 2029, date de la fin de vie théorique de la constellation CERES (sous-action 07.42). Des discussions sont en cours entre la DGA et les industriels pour définir les spécifications de ce système.

– La mise en service du troisième satellite d’observation de la composante spatiale optique (CSO-3) est attendue en 2025, à la suite de sa mise en orbite prévue pour le premier tir commercial d’Ariane 6 en décembre 2024 (sous-action 07.44). Le programme IRIS, qui doit développer le successeur des satellites CSO, est quant à lui entré dans sa phase B (revue préliminaire de design) depuis décembre 2023. L’enjeu sera d’être en capacité de lancer la phase de réalisation dans un calendrier permettant d’éviter toute rupture temporaire de capacité dans ce domaine.

– Enfin, les crédits de paiement du programme de maîtrise de l’espace (sous-action 07.45), établis à hauteur de 138 millions d’euros, sont en forte hausse (+184%). Cette augmentation est justifiée par lancement de l’incrément 2 du programme, qui correspond notamment au développement d’une capacité de commandement et de contrôle (C2) des opérations spatiales (système Astreos).

● Sur le segment des drones

– Conformément aux prévisions de la LPM, l’année 2025 marquera une montée en puissance du segment des « drones de contact », avec 150 millions d’euros d’autorisations d’engagement et près de 54 millions d’euros de crédits de paiement mobilisés à ce titre dans le PLF (sous-action 07.28).

Cela permettra notamment le lancement en réalisation du second incrément du système de drones tactiques légers (SDTL), ainsi que la livraison des premières munitions téléopérées courte portée des sociétés Delair et KNDS France, issues du projet Colibri, à la suite du succès du test réalisé en octobre 2024.

L’ajustement annuel de la programmation s’est traduit par une augmentation des cibles de commandes et de livraisons de ces deux systèmes de drones, qui répondent à un besoin fort de nos armées. Pour rappel, la LPM 2024-2030 prévoyait au moins 1 800 munitions téléopérées à horizon 2030.

– Plus de 100 millions de crédits de paiement sont prévus au titre du drone Male européen dit Eurodrone, afin de financer notamment « la commande de chiffreurs et de travaux spécifique France en complément du développement mené en coopération », selon les indications de la documentation budgétaire.

 

Le ministre des Armées a confirmé en audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées que ce programme accuse environ un an de retard. Outre cette problématique des délais, une forte incertitude existe sur la pertinence des spécifications de l’Eurodrone au regard de l’évolution des besoins opérationnels résultant du nouveau contexte stratégique, a fortiori dans un environnement industriel où se développent de nombreuses alternatives pour doter nos forces d’un drone Male souverain à bas coût.

Selon votre rapporteur, il est impératif d’engager une véritable réflexion avec l’ensemble des pays participants sur leurs besoins au regard de ce programme.

3.   Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

● L’action 8 « Projection – mobilité – soutien » connait une forte baisse de ses autorisations d’engagement, qui s’établiront à 1,3 milliard d’euros (- 69 %). Cette baisse est toutefois à relativiser car les AE de cette action avaient doublé en 2024. Les crédits de paiement sont en revanche en augmentation sensible (+26%) pour atteindre 1,7 milliard d’euros, soit un niveau équivalent à 2020.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 8 « projection-mobilitÉ-soutien » depuis 2020

(en milliard d’euros)

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

 

 

 

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 8 « PROJECTION – MOBILITÉ – SOUTIEN » (PLF2025)

(en millions d’euros)

 

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

8

Projection - mobilité - soutien

4 073,75

1 263,13

-69 %

1 325,10

1 666,98

+25,80 %

08.42

Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M)

77,69

12,58

-83,33 %

295,31

445,83

+50,97 %

08.43

Projeter les forces – Autres opérations

11,20

50,00

+354,55 %

95,52

116,51

+21,97 %

08.44

Assurer la mobilité - VLTP (1)

2 104,85

3,53

-99,83 %

35,60

94,08

+164,25 %

08.45

Assurer la mobilité - HIL (2)

39,10

76,00

+94,87 %

135,63

168,58

+24,30 %

08.46

Assurer la mobilité – Rénovation Cougar

-

-

-

0

433,39

 

08.47

Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90

435,00

45,00

-89,66 %

238,21

238,92

+0,30 %

08.48

Assurer la mobilité – Autres opérations

272,76

254,81

-6,59 %

96,60

116,07

+20,15 %

08.49

Assurer la mobilité – Hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération (HM NG)

-

-

-

62,22

55,40

+10,95 %

08.51

Maintenir le potentiel ami et autre - porteur polyvalent terrestre (PPT)

125,00

400,00

+220 %

8,80

20,48

+132,77 %

08.53

Maintenir le potentiel ami et autre - Autres opérations

358,16

44,51

-87,43 %

59,55

61,48

+3,24 %

08.55

Maintenir le potentiel ami et autre - MRTT (3)

0

110,00

-

171,01

259,02

+51,47 %

08.56

Maintenir le potentiel ami et autre - Flotte logistique

650,00

266,70

-58,92 %

126,64

90,16

-28,81 %

 

()Véhicule léger tactique polyvalent. (2) Hélicoptère interarmées léger. (3) Multi-rôle tanker transport.

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025

● S’agissant de l’aviation de transport

– Pour le programme A400M (sous-action 08.42), l’année prochaine sera marquée par la livraison du 25ème exemplaire de l’avion à l’armée de l’air et de l’espace, ainsi que par la finalisation du développement des capacités tactiques essentielles ([14]). Près de 446 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus en 2025 à ce titre. Dix autres avions doivent être livrés d’ici la fin 2028, pour atteindre la cible « d’au moins 35 A400M » prévue par la LPM 2024-2030. Pour rappel, la LPM 2019-2025 prévoyait quant à elle un format de 50 avions A400M.

Or, la viabilité de la production de l’A400M pour la période postérieure à 2028 n’est pas assurée à ce stade, sauf en cas de succès important à l’export, du fait des réductions de commandes des pays participants au programme. Compte tenu de la nécessaire anticipation de trois ans des commandes aux fournisseurs en vue de continuer à produire le cas échéant après 2028, il faudra décider en 2025 de la poursuite ou non du programme A400M.

Même si ce programme a connu d’importantes difficultés, l’A400M est aujourd’hui unanimement reconnu comme un véritable game changer pour les capacités de transport et de projection de nos forces. Le développement de capacités multi-missions du A400M, notamment pour nos forces spéciales, constitue également un enjeu pour les années à venir.

Si les besoins actuels de l’armée de l’air et de l’espace semblent en effet inférieurs à la cible initiale de 50 A400M, un format de 38 A400M ne parait pas déraisonnable, notamment pour permettre à terme le stationnement permanent, ou à tout le moins le déploiement plus régulier, de cet aéronef dans nos outre-mer.

Le format définitif de notre flotte d’A400M dépendra également de l’avenir du projet de futur cargo médian tactique (FMTC), qui pourrait remplacer les C- 130 et les Casa de l’armée de l’air et de l’espace (sous-action 08.43). Le FMTC ou « A200M » serait notamment doté des mêmes moteurs que l’A400M. Cependant, ce projet n’en est qu’à un stade préliminaire d’études dans le cadre du fonds européen de défense et ne se concrétisera, le cas échéant, qu’à l’horizon 2035-2040.

– Pour le programme MRTT (sous-action 08.55), dont les crédits de paiement s’établissent à 259 millions d’euros dans le PLF, le premier des trois A 330 acquis dans le cadre du plan de soutien aéronautique (PSA) et converti en MRTT sera livré à l’armée de l’air et de l’espace en 2025.

Par ailleurs, les crédits prévus en 2025 financeront le premier incrément du standard 2, qui dotera notamment cette flotte d’une antenne de communication satellitaire Melissa permettant d’accéder à la constellation militaire Syracuse IV. La flotte A330 MRTT Phénix disposera ainsi d’une capacité de communication haut débit, souveraine et sécurisée, associée à des moyens accrus de transmission dans le cadre de la mise en œuvre de la composante aérienne de dissuasion. Le premier incrément du standard 2 comporte également l’intégration d’une capacité d’autoprotection.

 

● Sur le segment des hélicoptères

– Il existe une incertitude grandissante sur le calendrier de livraisons du programme d’hélicoptères interarmées légers HIL Guépard (sous-action 08-45), malgré les 168 millions d’euros de crédits de paiement prévus en 2025 pour son développement. Cet hélicoptère, qui a pour objet de remplacer progressivement les flottes d’Alouette III, Gazelle, Dauphin, Panther et Fennec, est entré en phase de réalisation depuis 2021. Cependant, la cible de 169 Guépard définie en décembre 2021 (80 pour l’armée de terre, 49 pour la marine et 40 pour l’armée de l’air et de l’espace) a été repoussée à une échéance indéterminée par la LPM 2024-2030, qui prévoit un format d’au moins 70 exemplaires à l’horizon 2035.

– Une autre incertitude porte sur le périmètre du nouveau standard de l’hélicoptère d’attaque Tigre (sous-action 09-68), qui doit être défini en lien avec notre partenaire espagnol. La réorientation promue par la LPM 2024-2030 est de réduire les ambitions capacitaires initiales du standard 3, au profit d’une seule logique de pérennisation du parc à travers une opération de rénovation à mi-vie, dans l’attente de son successeur à l’horizon 2040-2045. Ainsi, le développement du « missile haute trame » (MHT) dans le cadre du programme MAST-F pour armer le Tigre et l’Eurodrone parait définitivement abandonné, comme l’illustre la quasi-absence de crédits de paiement à ce titre (sous-action 09.84). Un des principaux enjeux de l’accord avec l’Espagne pour la France sera toutefois de maintenir les développements communs entre le Tigre et l’HIL Guépard.

– Si la LFI 2024 avait créé une activité budgétaire dédiée à l’ « hélicoptère de combat du futur » (sous-action 09-68), le PLF 2025 est muet quant à un éventuel financement de celle-ci. Or, le lancement d’études, au niveau national ou en coopération, pour préparer le successeur du Tigre dès à présent pourrait être opportun, dans un contexte où les Américains tentent d’imposer leurs concepts d’emplois, qui diffèrent significativement des nôtres, dans le cadre du programme NRGC (new generation rotorcraft capability) de l’OTAN. Il ne faudrait pas qu’à la vague de F-35 en Europe succède une déferlante de « H-35 » à l’horizon 2040.

● Enfin, au titre de l’action 8 du P146, il sera relevé que 400 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus au titre de la commande de 165 camions citernes de nouvelle génération notifiée à Arquus, dans le cadre du programme de « flotte tactique et logistique terrestre » (sous-action 08-51).

La LPM 2024-2030 prévoit en effet la commande de 376 de ces véhicules. Les livraisons à l’armée de terre, à l’armée de l’air et de l’espace ainsi qu’au service de l’énergie opérationnelle (SEO) sont prévues à compter de 2029.

 

4.   Les crédits d’équipement d’engagement et de combat

  ● Les autorisations d’engagement de l’action 9 « engagement et combat », sont en forte hausse (+108 %) pour s’établir à 19 milliards d’euros. L’intégralité de cette augmentation est toutefois due aux engagements financiers (10,2 milliards d’euros d’AE) pris pour le lancement du marché principal du porte-avions de nouvelle génération. Les crédits de paiements, qui s’établissent à plus de 6,4 milliards d’euros, poursuivent quant à eux leur accroissement (+7,34 %). Depuis 2020, la hausse des crédits de paiement au titre de cette action atteint 44 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 9 « engagement et combat » depuis 2020

(en milliards d’euros)

 

       Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 9 « ENGAGEMENT ET COMBAT » (PLF 2025)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

9

Engagement et combat

9 180,83

19 063,20

+107,64 %

5 977,27

6 416,23

+7,34 %

09.56

Frapper à distance ‒ Missile de croisière naval (MDCN)

0

23,50

-

7,55

10,71

+41,88 %

09.59

Frapper à distance ‒ Rafale

912,44

1 085,38

+18,97 %

1 678,23

1 898,53

+13,13 %

09.61

Frapper à distance – Autres opérations

1 016,35

433,90

-57,28 %

398,57

366,83

-7,96 %

09.62

Frapper à distance ‒ SCAF

0

813,60

-

306,68

295,25

-3,73 %

09.63

Frapper à distance ‒ Porte-avions

507,20

10 250,99

+1 921,89 %

227,66

271,76

+19,37 %

09.66

Opérer en milieu hostile – Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI)

-

-

-

2,38

0,93

-60,94 %

09.68

Opérer en milieu hostile ‒ Hélicoptère HAP/HAD Tigre

32,06

0,50

-98,45 %

208,79

228,33

+9,36 %

09.69

Opérer en milieu hostile – Future torpille lourde (FTL)

-

-

-

33,34

17,81

-46,58 %

09.71

Opérer en milieu hostile – Évolution Exocet

1 181,00

1 070,00

-9,4 %

74,58

129,36

+73,46 %

09.73

Opérer en milieu hostile – Frégates multi-missions (FREMM)

22,00

0

-100 %

16,47

4,41

-73,25 %

09.74

Opérer en milieu hostile – sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda

0

1 002,60

-

640,58

506,37

-20,95 %

09.75

Opérer en milieu hostile – Autres opérations et conduire des opérations spéciales

413,83

497,54

+20,29 %

380,67

460,29

+20,91 %

09.77

Opérer en milieu hostile ‒ SCORPION

3 388,00

336,00

-90,08 %

1 106,56

1 252,56

+13,19 %

09.78

Frapper à distance ‒ Mirage 2000

62,00

69,00

+11,29 %

79,25

120,37

+51,88 %

09.79

Opérer en milieu hostile ‒ Plateformes

305,80

95,61

-68,63 %

185,75

216,13

+16,36 %

09.80

Opérer en milieu hostile - MGCS Système de combat terrestre principal

33,12

97,58

+196,97 %

0,10

15,21

+15 355,86 %

09.84

Opérer en milieu hostile ‒ MAST-F

-

-

-

107,92

3,70

-96,57 %

09.85

Opérer en milieu hostile ‒ SLAMF

1 033,50

1 319,51

+27,66 %

38,44

108,76

+182,96 %

09.86

Opérer en milieu hostile – ATL 2

33,53

67,50

+106,06 %

47,66

58,43

+22,61 %

09.88

Opérer en milieu hostile ‒ missile moyenne portée (MMP)

-

-

-

72,21

99,06

+37,18 %

09.89

Opérer en milieu hostile ‒ Frégates de défense et d’intervention

240,00

1 900,00

+691,67 %

363,89

351,44

-3,42 %

 

● Au titre de cette action, outre le lancement du marché principal du PA Ng susmentionné, votre rapporteur souhaite mettre en exergue les éléments suivants.

– La sous-action liée aux Rafale (sous-action 09.59) constitue pour la seconde année consécutive la mieux dotée en crédits de paiement du P146 avec près de 1,9 milliard d’euros (+40 %), tandis que les autorisations d’engagement dépassent un milliard d’euros.

Ces crédits permettront notamment en 2025 la livraison de 14 Rafale, le déploiement du standard F4.1 et la qualification du standard F4.2. Il convient de relever que le projet annuel de performances du programme 146 mentionne au titre des engagements financiers pour le standard F4 « le lancement en réalisation de la capacité Suppression of Ennemy Air Defense (SEAD) ». Il s’agit d’une évolution majeure, puisque l’armée de l’air et de l’espace ne dispose plus d’une telle capacité de destruction des systèmes de défense sol-air ennemis depuis 1999 – date de retrait des missiles moyenne-portée anti-radar AS-37 Martel. En outre, alors qu’une telle capacité était attendue du titre du développement du standard F-5, il semblerait qu’il ait été décidé d’accélérer la mise en œuvre de cette capacité dès le standard F- 4.

L’année 2025 marque également une étape majeure pour les travaux sur le standard F-5, comme annoncé par le Ministre des Armées lors des 60 ans des forces aériennes stratégiques (FAS). Ainsi, le PLF 2025 prévoit 704 millions d’autorisations d’engagement pour financer le lancement en préparation du drone de combat UCAV qui accompagnera le Rafale F-5. En outre, 195 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour les travaux du standard F-5, notamment au titre du nouveau radar RBE2 XG.

Selon le ministère des Armées, « véritable rénovation à mi-vie, le standard F5 inclut le développement d’un nouveau radar, d’un nouveau système de guerre électronique, de nouveaux capteurs optroniques et l’intégration du missile nucléaire ASN4G, ainsi que d’armes de saturation. Il bénéficiera d'une intégration renforcée avec d'autres systèmes, tant au sol qu'en vol, et pourra être appuyé par un drone furtif de combat conçu pour faciliter les opérations de pénétration des défenses adverses » ([15]).

– Le programme de système de combat aérien du futur SCAF (sous-action 09.62) est doté de 295 millions d’euros de crédits, soit un montant équivalent à l’année dernière, pour financer la fin des travaux de la phase 1B.

La phase 1B représente au total un investissement financier pour la France de 1,1 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent 700 millions d’euros de travaux purement nationaux. Ces derniers concernent la nécessaire mise en cohérence avec le PA Ng et notre outil de dissuasion, ainsi que le développement de technologies pour le moteur.

En outre, le PLF 2025 prévoit 813 millions d’euros d’autorisations d’engagement au titre du lancement de la phase 2, qui doit aboutir au vol d’un démonstrateur. Cependant, il est vraisemblable selon les indications données à votre rapporteur que la phase 2 ne débute qu’en 2026, soit après les élections législatives allemandes de l’automne 2025.

– Le lancement en réalisation du futur missile de croisière (FMC) (sous-action 09.61), initialement prévu en 2025, reste incertain. Ce missile est développé dans le cadre du programme franco-britannique (qui seront rejoints prochainement par l’Italie) FMAN/FMC. Or, selon les indications transmises par le ministère des Armées, « le choix pour la France reste ouvert pour trouver le meilleur compromis survivabilité/performances/coût entre les concepts RJ ([16]), TP ([17]) et SCALP NG pour la mission de frappe dans la profondeur aéroportée »  ([18]).

Le choix éventuel du Scalp NG, c’est-à-dire une évolution du missile Scalp rénové actuel, signifierait de facto l’abandon par la France du programme FMC. Dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur, le ministère des Armées précise que le Scalp NG serait une solution de repli à titre national si « la montée en maturité des concepts RJ et TP n’était pas suffisamment démontrée fin 2024 ».

Le ministère indique également que « cette option permettrait de sécuriser le calendrier de remplacement des Scalp rénovés » et « que le risque de rupture capacitaire liée à la cession de missiles Scalp à l’Ukraine est une nouvelle donne qui doit être prise en compte dans le jalon de choix sur les options possibles pour FMC ».

– Le PLF 2025 est également caractérisé par des engagements importants au profit des missiles mer-mer (sous-action 09.71), avec plus d’un milliard d’euros d’autorisations d’engagement. Cette forte augmentation résulte du lancement de la phase de réalisation du futur missile antinavire (FMAN), qui mobilisera en 2025 plus de 800 millions d’euros d’AE.

Pour cette capacité antinavire, une différence d’orientation manifeste entre les approches française et britannique est apparue : « toutes les options françaises reposent sur le concept RJ (concept supersonique manœuvrant) », tandis que « le Royaume-Uni souhaite monter en maturité le concept TP (concept subsonique furtif), pour sa future capacité antinavire » ([19]).

– La poursuite des livraisons du programme Scorpion en 2025 (103 Serval, 162 Griffon et 33 Jaguar) mobilisera plus d’1,2 milliards d’euros de crédits de paiement, ce qui en fait le programme conventionnel le mieux doté après le Rafale. Les livraisons en 2025 incluront notamment les dix premiers « Mortier Embarqué Pour l’Appui au Contact » (MEPAC), qui équiperont les régiments d’artillerie « sol-sol canon » de l’armée de terre.

Il convient de rappeler que le programme Scorpion s’inscrit dans le temps long : en 2025, seulement 45 % de la totalité des véhicules du programme Scorpion auront été livrés à l’armée de terre, pour une cible prévisionnelle de 60 % en 2027 et de 80 % en 2030.

L’année 2025 sera également marquée par le jalon opérationnel de « Small Joint Operation 25 », qui prévoit la projection échelonnée de deux brigades interarmes (BIA) Scorpion en un mois. Ce rendez-vous majeur permettra de tester la performance des nouveaux équipements, notamment dans le domaine de la connectivité (SIA C2, Contact, hybridation des réseaux) et de l’interopérabilité avec nos alliés.

Enfin, aucune commande majeure au titre du programme Scorpion n’est prévue en 2025 - sous réserve que la commande de 530 Serval soit bien passée d’ici la fin de l’année 2024 -, ce qui explique la forte baisse des autorisations d’engagement par rapport à 2024 (- 90 %).

– Le PLF prévoit des engagements financiers, modestes à ce stade (97 millions d’euros d’AE et 15 millions d’euros de CP), pour financer la phase IA du Système principal de combat terrestre (MGCS). À la suite de l’accord politique d’avril 2024 qui a retenu une structuration en piliers, les discussions se poursuivent entre les quatre maîtres d’œuvre industriels (KNDS Deutschland, Rheinmetall, Thales France et KNDS France). L’objectif est de notifier le marché relatif à la phase 1A aux industriels au printemps 2025.

– L’année 2025 sera également marquée par la montée en puissance du programme de système de lutte anti-mines du futur (SLAMF) (sous-action 09-85). Le PLF intègre en effet plus 1,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement en vue de la commande des quatre premiers bâtiments de guerre des mines (sur les six prévus par la LPM 2024-2030), ainsi que du centre de commandement opérationnel à Toulon.

– Enfin, le programme de frégates de défense et d’intervention (FDI) (sous-action 09.89) prévoit la commande d’une quatrième FDI dès 2025, avec plus de 1,9 milliard d’euros d’autorisations d’engagement prévues à ce titre.

La première FDI, l’Amiral Ronarc’h, qui a effectué sa première sortie en mer en octobre 2024, doit être livrée à la marine en avril 2025. Les deuxième et troisième FDI doivent quant à elles être réceptionnées respectivement en décembre 2027 et décembre 2028. Enfin, la livraison des FDI 4 et 5 sont prévues en 2031 et 2032, conformément à la cible fixée par la LPM 2024-2030.

Il n’est cependant pas exclu que la quatrième FDI commandée par la France en 2025 fasse l’objet – à nouveau - d’une réorientation au profit de la Grèce, qui a récemment indiqué son intérêt pour acquérir une frégate supplémentaire.

Enfin, sur le segment des frégates, votre rapporteur salue l’ajout dans le PLF 2025 du programme à effet majeur « Évolutions frégates », lancé en 2024 soit avec deux ans d’avance par rapport au calendrier initial, compte tenu du retour d’expérience en mer Rouge. Selon les indications de la documentation budgétaire, ce PEM « couvre des besoins d’évolutions nécessaires aux frégates de classe FREMM en priorité pour leur permettre de faire face aux menaces les plus récentes. Il s’agit d’un PEM incrémental qui s’appliquerait à de nombreux domaines comme l’autodéfense, la connectivité, la résilience… ».

  1.   Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

  ● Les crédits de paiement de l’action 10 « Protection et sauvegarde », qui s’établissent à près d’1,4 milliards d’euros sont en croissance significative pour l’année 2025 (+37 %).  L’augmentation des crédits de paiement depuis 2020 atteint 250 %, soit un niveau bien supérieur aux autres actions du programme 146, pour un montant total cumulé d’1,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires en cinq exercices budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 10 « protection et sauvegarde » depuis 2019

(en milliards d’euros)

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 10 « PROTECTION ET SAUVEGARDE » (PLF 2025)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

10

Protection et sauvegarde

2 607,12

1 681,76

-35,48 %

1 018,50

1 397,93

+37,25 %

10.74

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – SECOIA

54,10

0

-100 %

50,00

46,27

-7,46 %

10.75

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Patrouilleur futur

-

-

-

140,74

149,99

+6,57 %

10.76

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Missiles

496,00

595,80

+20,16 %

164,43

221,76

+34,86 %

10.77

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – AVSIMAR

1,90

0,54

-71,58 %

162,89

156,09

-4,17 %

10.79

Assurer la sûreté des approches – Autres opérations et assurer la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens

64,91

556,75

+756,92 %

80,31

78,38

-2,40 %

10.82

Assurer la protection des forces et des sites – Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

674,30

0

-100 %

133,47

238,05

+78,35 %

10.86

Assurer la protection des forces et des sites – Autres opérations et assurer la protection de l’homme

1 091,82

521,47

-52,29 %

255,51

404,16

+58,18 %

10.87

Assurer la protection de l’homme – e-SAN

17,00

0

-100 %

6,88

6,60

-4,09 %

10.88

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - BALLASTIERES

2,00

7,20

+260 %

1,64

6,69

+307,82 %

10.89

Assurer la protection des forces et des sites - LAD

205,10

0

-100 %

22,63

89,94

+297,49 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025.

● Au titre de cette action, votre rapporteur souhaite mettre en exergue les éléments suivants.

– À la suite de la commande de sept patrouilleurs hauturiers (PH) en décembre 2023 (sous action 10.75), l’enjeu pour 2025 est la production du premier PH pour une livraison à la marine nationale dès la fin de l’année 2026. Les six autres seront livrés à partir de 2028, à raison de deux unités par an. Le programme d’équipement de la LPM 2024-2030 prévoit la livraison de trois patrouilleurs hauturiers supplémentaires entre 2030 et 2033.

Ce segment est particulièrement sous tension en raison de la nécessité de remplacer les cinq derniers patrouilleurs de haute mer (ex Aviso A69) hors d’âge. Afin d’éviter une rupture temporaire de capacité dans l’attente de la livraison des PH, le chef d’état-major de la marine a indiqué, en audition devant la commission de la défense nationale et des forcées armées de l’Assemblée nationale, envisager le recours à deux frégates non rénovées de type La Fayette, ainsi que des patrouilleurs d’outre-mer et d’un patrouilleur de la gendarmerie.

– Sur le segment des missiles air-air, l’année 2025 marquera le lancement en réalisation de la rénovation à mi-vie du missile Meteor, avec plus de 285 millions d’euros prévus à cet effet dans le PLF 2025 (sous-action 10.76), tandis qu’une commande d’un nouveau lot de missiles Mica sera également effectuée.

 

 

– Plus de 430 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus pour le renouvellement des capacités hydrographiques, avec l’acquisition de deux bâtiments hydrographiques de nouvelle génération associés à des systèmes de drones (sous-action 10.79).

– dans le domaine de la défense sol-air, 230 millions de crédits de paiement sont prévus au titre du système sol-air de moyenne portée/terrestre de nouvelle génération (SAMPT-NG) (sous-action 10.82), dont les premiers systèmes seront livrés aux forces dès 2026, conformément à l’annonce du ministre des Armées lors de la conférence sur la défense aérienne de l’Europe en septembre 2024.

Les missiles Aster 30 Block 1 NT, qui équiperont ce système, ont réussi leur premier tir de développement le 8 octobre dernier. Le système SAMPT-NG, qui sera doté de capacités d’interception de missiles hypervéloces, représentera une rupture technologique majeure par rapport aux autres systèmes existants tels que le missile Patriot américain, comme l’a indiqué le ministre des Armées, lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale.

En outre, sur le segment de la défense sol-air basse couche, de nouvelles commandes et livraisons de missile Mistral 3 sont prévues en 2025, tandis que des choix structurants doivent être opérés pour lancer le premier incrément de l’« opération défense sol-air basse couche », à la suite de l’acquisition en urgence opérationnelle du système VL Mica dans le cadre des jeux olympiques et paralympiques.

– le programme de lutte anti-drones (sous-action 10.89) bénéficiera quant à lui de crédits de paiement en forte augmentation, qui s’établissent à près de 90 millions d’euros (+30%). Ces derniers permettront notamment de financer l’acquisition de moyens de lutte anti-drones par la marine nationale.

  1.   Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

  ● L’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » voit également ses ressources augmenter en 2025 : les autorisations d’engagement s’établissent à hauteur de 320 millions d’euros (+29% %), tandis que les crédits de paiement sont fixés à 293 millions d’euros (+30 %). Depuis 2020, les crédits de cette action ont augmenté de 38 %.

 

 

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 11 « prÉparation et conduite des programmes d’armement » depuis 2020

(en millions d’euros)

 

Source : élaboré par votre rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 11 « PRÉPARATION ET CONDUITE DES OPÉRATIONS D’ARMEMENT » (PLF 2025)

(en millions d’euros)

 

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

11

Préparation et conduite des opérations d’armement

247,41

319,65

+29,20 %

225,75

292,97

+29,78 %

11.89

Fonctionnement et soutien DGA

86,33

99,35

+15,12 %

73,90

87,76

+18,75 %

11.90

Investissements pour les opérations d’armement

161,08

220,30

+36,65 %

151,85

205,21

+35,14 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2025.

 

● L’action 11, constituée de ressources budgétaires et extrabudgétaires, regroupe deux sous-actions auxquelles sont inscrits :

– les crédits de fonctionnement et de soutien de la DGA et des services qui lui sont rattachés (hors titre 2), inscrits à la sous-action 11.89 ;

– les crédits de fonctionnement et d’investissement des infrastructures d’expertise technique, d’évaluation et d’essais de la DGA, retracés à la sous-action 11.90.

Selon les indications du ministère des Armées, « la hausse des autorisations d’engagements et des crédits de paiement sur la sous-action 11.89 (fonctionnement et soutien) résulte de la hausse du coût des facteurs (gardiennage, énergie, transports), ainsi que de la prise en compte du coût de fonctionnement de l’Agence Ministérielle de l’Intelligence Artificielle de Défense (AMIAD).

La hausse des autorisations d’engagements et des crédits de paiement sur la sous-action 11.90 (investissements) est liée à la construction d’infrastructures pour héberger l’Agence Ministérielle de l’Intelligence Artificielle de Défense (AMIAD) et à l’acquisition de capacités patrimoniales de calcul, ainsi qu’à l’acquisition d’un avion banc d’essai léger répondant au besoin d’aérolargage »  ([20]).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1.   Les points de vigilance de votre rapporteur

A.   Une fin d’année 2024 à risque

Pour le programme 146, la période de fin d’année est traditionnellement marquée par d’importantes commandes. Ainsi, sur le seul mois de décembre 2023, ce sont près de neuf milliards d’euros de commandes qui ont été lancées par la DGA sur un total annuel de 20,3 milliards d’euros.

Or, de nombreuses personnes auditionnées ont fait part, à juste titre selon votre rapporteur, de leur crainte quant à l’exécution budgétaire de la fin de l’année 2024.

La réserve de précaution du programme 146 porte en effet sur 1,2 milliard d’euros, soit plus de 7 % des crédits totaux, ce qui est significatif. À titre de comparaison, le montant initial de la réserve de précaution en 2023 était de 769 millions d’euros.

Le niveau de la réserve de précaution en 2024 représente ainsi plus de la moitié du montant de l’augmentation des crédits de paiement prévue pour le programme 146 en 2025 (2,1 milliards d’euros).

L’absence de dégel ou un dégel a minima de la réserve de précaution en 2024 réduirait donc significativement l’effort capacitaire prévu dans le PLF 2025. Dans une telle hypothèse, de nombreuses commandes prévues d’ici la fin de l’année 2024 - telles que celles relatives aux 530 véhicules Serval d’appui Scorpion, à des missiles Scalp, ou encore au successeur du radar de surveillance de l’espace Graves - ne pourraient pas être effectuées. Or, un éventuel décalage de ces commandes en 2025 consommerait mécaniquement des crédits prévus pour d’autres programmes dans le PLF 2025.

La levée de la réserve de précaution par la prochaine loi de fin de gestion est donc la condition sine qua non pour réussir la programmation capacitaire prévue par le PLF 2025.

Bien que cela ne concerne pas uniquement le programme 146 mais l’ensemble de la mission « Défense », il est également crucial pour le respect de la trajectoire capacitaire que les dispositions de la LPM 2024-2030 relatives au financement interministériel, d’une part, du soutien national à l’Ukraine et, d’autre part, du surcoût lié aux opérations extérieures et missions intérieures (OPEX-MISSINT) soient respectées en 2024.

B.   2025, une année charnière pour les programmes SCAF et MGCS

a.   L’entrée en phase 2 du SCAF doit être soumise à certaines conditions

● L’année 2025 marquera la fin de la phase IB du SCAF et l’ouverture de nouvelles discussions pour le lancement de la phase 2, qui devrait débuter au printemps 2026.

La LPM 2024-2030 prévoit à ce titre qu’« à la fin de la phase 1B et avant la décision de lancement de la phase 2, le Gouvernement présentera au Parlement, avant la discussion du projet de loi de finances, un rapport de point d'étape sur les travaux réalisés pendant la phase 1B ».

L’entrée dans la phase 2 est une étape cruciale car elle doit aboutir au vol d’un premier démonstrateur. Or, à la fin de la phase 2, les États participants auront tant investi financièrement dans le programme qu’il est peu probable qu’ils renoncent à la phase suivante, celle du lancement en réalisation. Autrement dit, si la phase 2 du SCAF est lancée et menée à son terme, il est vraisemblable que le processus soit ensuite irréversible.

Le choix de lancer la seconde phase est donc une décision structurante pour l’avenir de notre aviation de chasse. Il est donc nécessaire, préalablement au lancement de cette nouvelle phase, de clarifier auprès de nos partenaires nos lignes rouges et d’obtenir des engagements fermes de leur part à ce sujet.

● Selon votre rapporteur, l’entrée dans la phase 2 du SCAF doit être soumise au respect des conditions suivantes.

Tout d’abord, les spécifications du SCAF doivent être compatibles avec la préservation du format de l’aviation de chasse de l’armée de l’air et de l’espace à terme. Ainsi, le coût du futur système doit être soutenable, pour ne pas être contraint de diminuer significativement notre flotte d’aviation de chasse. Il ne faut en aucun cas sacrifier la masse sur l’autel de l’hyper-technologie. Il est en outre évident que les spécifications du « NGF » doivent également permettre à celui-ci d’emporter le futur missile nucléaire français ASN4G - ainsi que son successeur - et d’apponter sur le PA Ng.

Deuxièmement, la répartition industrielle retenue au titre de la phase 1B ne doit pas être bouleversée au titre de l’entrée dans la phase 2. Plus particulièrement, la part des industriels français dans le projet doit être préservée et le principe du « best athlete » sauvegardé. Au-delà de la nécessaire préservation du rôle de Dassault, il n’est à titre d’exemple pas question de déstabiliser le partenariat actuel entre MTU et Safran sur le moteur, qui fonctionne bien actuellement, au prétexte de faire monter en compétence l’espagnol ITP.

Enfin, la France doit garder toute latitude pour exporter le SCAF, une fois celui-ci développé. En l’espèce, l’accord franco-germano-espagnol sur le contrôle des exportations du 23 octobre 2019 stipule que l’atteinte aux « intérêts directs » ou à la « sécurité nationale » permet à un État partie à l’accord de s’opposer à l’autorisation d’exportation demandée par un autre État. Or, ces notions sont très imprécises et doivent être définies strictement pour éviter toute opposition injustifiée de nos partenaires. Cette sécurité juridique est nécessaire, compte tenu notamment de la fluctuation de la politique allemande d’exportations d’armements.

b.   L’accord sur le MGCS : coopération ou compétition ?

● L’accord d’avril 2024 sur la répartition industrielle du programme MGCS par piliers, sur le modèle du SCAF, a préservé l’essentiel des intérêts français. En effet, KNDS France a été désigné, aux côtés de Rheinmetall, co-responsable de la fonction « feu principal » (canon, tourelle et munitions), qui est certainement la plus critique du futur système de combat terrestre.

Le lancement au printemps 2025 de la phase IA de ce programme permettra, quelle qu’en soit l’issue, de développer des briques technologiques qui seront en tout état de cause utiles pour le futur du segment char de notre armée de terre. Le développement en coopération d’un tel système permet également une ambition capacitaire qui serait difficilement soutenable financièrement dans le cadre d’un programme purement national.

● Cependant, il existe un risque fort que la co-responsabilité entre KNDS France et Rheinmetall ne se traduise pas par une véritable coopération pour développer en commun un nouveau système de « fonction feu », mais aboutisse à une forme de mise en concurrence entre les deux entreprises. Ainsi, dans sa présentation de l’accord d’avril 2024, le ministère des Armées précise au sujet de cette « fonction feu » que « dans un premier temps, différents systèmes de canons nationaux seront développés et un système sera choisi après des essais comparatifs » ([21]). Selon les informations de votre rapporteur, cette mise en concurrence s’appliquerait en l’état au tube du canon et non à la tourelle.

En outre, l’annonce du partenariat récent entre Rheinmetall et Leonardo – qui fait suite à l’échec des discussions entre KNDS et Leonardo – démontre la volonté du groupe allemand de développer un système de transition, le char KF-51, qui pourra lui servir de levier pour imposer ses propres standards dans le cadre du programme MGCS.

La perspective d’un « beauty contest » entre Rheinmetall et KNDS France dans le choix de la « fonction feu » du MGCS implique pour l’industrie terrestre française d’être en capacité de pouvoir proposer une offre compétitive.

Dans ce contexte, il est impératif de soutenir les projets d’évolution de nos chars Leclerc au niveau national, tels que le canon Ascalon développé par KNDS France. Il s’agit à la fois de préserver nos compétences, mais aussi d’être compétitif dans le cadre du programme MGCS.

Un tel soutien serait du reste conforme à la LPM 2024-2030, dont le rapport annexé précise que « si les programmes de coopération sont une priorité pour la France, ils ne doivent pas empêcher la conduite d'études pouvant établir les conditions de faisabilité de projets souverainement conduits et financés par la France en dehors de toute coopération ».

C.   Le choix du successeur de l’AWACS : une urgence pour 2025

L’avion radar E3-F SDCA (système de détection et de commandement aéroporté), plus connu sous le signe anglais d’AWACS (Airborne Warning and Control System), est une capacité stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace, y compris pour la composante aéroportée de notre dissuasion. Cet avion permet en effet de détecter, d’identifier et de classifier la situation tactique d’un théâtre d’opérations et de partager celle-ci avec les avions de chasse et le centre d’opérations.

Le PLF 2025 ne prévoit pas les autorisations d’engagement nécessaires pour la commande du successeur de cet avion, dont les quatre exemplaires de notre parc sont abrités sur la base aérienne 702 d’Avord. Du reste, le tableau capacitaire prévu dans la LPM 2024-2030 ne mentionne nullement un tel programme, qui est donc théoriquement renvoyé à post-2035.

Or, repousser la durée de vie de nos Awacs actuels jusqu’à 2035 ne parait pas opportun non seulement d’un point de vue opérationnel mais également financier. En effet, le coût de l’heure de vol ne manquerait pas d’exploser dans une telle hypothèse, du fait de l’augmentation des coûts de maintien en condition opérationnelle d’un aéronef en fin de vie.

Il semble donc urgent de décider du successeur de l’Awacs, dès 2025, dans le cadre du prochain ajustement annuel de la programmation militaire. À cet égard, les premiers essais du système Global Eye de Saab par l’armée de l’air et de l’espace semblent positifs. En outre, l’acquisition de ce système, peu onéreux en comparaison de l’E-7 Wedgetail de Boeing, constituerait un signal fort en faveur de l’Europe de la défense et consoliderait notre coopération capacitaire naissante avec la Suède (acquisition par la Suède d’Akeron MP et par la France de missiles NLAW).

D.   Le successeur du LRU : la nécessité d’une solution souveraine

● La préservation de notre capacité de frappe à longue portée est impérative dans le contexte stratégique que nous connaissons. Or, nos lance-roquettes unitaires (LRU) arriveront en fin de vie en 2027, de sorte que leur remplacement devient urgent pour l’armée de terre.

À ce titre, la LPM prévoit que « s'agissant des capacités de frappe à longue portée, la recherche d'une solution souveraine sera privilégiée pour remplacer le lance-roquettes unitaire dans les meilleurs délais. Une solution permettant d'éviter des duplications dans les développements et d'envisager un accroissement de la portée sera recherchée, notamment en permettant l'intégration sur cette même plateforme terrestre d'une capacité de frappes opératives et précises dans la profondeur de missiles hypervéloces à des portées de plusieurs centaines de kilomètres ».

Le ministre des Armées a récemment confirmé la recherche d’une solution souveraine pour le successeur du LRU, ce qui ouvre la voie au lancement prochain de deux « partenariats d’innovation » de 25 millions d’euros chacun, qui seront notifiés à deux groupements d’entreprises (respectivement Ariane-Thales et MBDA-Safran), avec l’objectif ambitieux de développer un démonstrateur sous 18 mois. Votre rapporteur salue cette décision du ministre.

L’option visant à acquérir une capacité étrangère pour remplacer nos LRU, qu’il s’agisse du système américain Himars ou de l’Euro-Puls germano-israélien, doit en effet être résolument écartée selon votre rapporteur.

Seule une solution souveraine garantit à nos forces une liberté d’emploi en cas de conflit et une liberté de décision, notamment en ce qui concerne l’exportation du matériel. Disposer d’une autorité de conception française permet en outre de garder la maîtrise de l’évolution du système. Enfin, seul un outil de production localisé en France permet de maîtriser les cadences et les volumes de production, notamment en cas de crise.

Au surplus, compte tenu de la forte tension sur les chaînes de production concernées, il n’est même pas assuré que la livraison de Himars puisse intervenir dès 2027. Pour l’ensemble de ces raisons, il est impératif que le successeur du LRU soit développé de manière souveraine, conformément aux dispositions de la LPM 2024-2030.

● Il conviendra en revanche de clarifier rapidement le besoin opérationnel de l’armée de terre. En effet, se doter d’un successeur du LRU ne sera peut-être pas suffisant, dans le contexte stratégique actuel. Le conflit en Ukraine ainsi que les récentes attaques de l’Iran sur Israël rappellent que les capacités de frappe à très longue portée de type missiles balistiques terrestres constituent une arme stratégique pour nos compétiteurs.

C’est dans ce contexte qu’en juillet 2024, cinq pays européens dont la France ont signé une lettre d’intention pour travailler en commun sur le développement d’une frappe dans la profondeur, dans le cadre de l’initiative l'« European Long Range Strike Approach » (ELSA).

Dès lors, la question de la nature du successeur du LRU se pose : faut-il privilégier dans un premier temps un système de frappe tactique similaire au LRU actuel (portée de 100 kilomètres) puis développer dans un second temps un système de frappe de très longue portée (portée de 1 000 kilomètres) ? Ou convient-il de concentrer nos efforts sur ce second système de missile balistique ou missile de croisière terrestre dès à présent ? La question est ouverte et il y a urgence à y répondre dès 2025.


   Seconde partie : LA DGA face au défi de l’économie de guerre

● L’outil de production de notre industrie de défense est dimensionné avant tout pour répondre aux besoins exprimés par nos armées, compte tenu d’une part, de leur contrat opérationnel, et d’autre part, des ressources financières allouées.

Or, depuis la fin de la guerre froide, les armées ont été essentiellement mobilisées pour des opérations asymétriques de maintien de la paix et de lutte anti-terroriste. Ce contexte d’emploi des forces a eu des conséquences sur la nature des commandes passées à notre industrie de défense. À titre d’exemple, la consommation particulièrement faible de munitions dans le cadre des engagements de nos forces armées a abouti à une réduction drastique de la production d’obus en France (production de 500 obus par an en moyenne de 2012 à 2017) et à la décision de ne plus entretenir une capacité de production de poudres autonome.

Bien plus, les réductions de formats capacitaires décidées dans le contexte des « dividendes de la paix » et les baisses de commandes subséquentes ont réduit structurellement les capacités de production de la BITD. Les dividendes de la paix ont produit des fruits amers et coûteux.

Dans ce contexte, l’enjeu pour la DGA était alors de maintenir a minima les compétences des industriels de la défense, afin de pouvoir remonter en puissance en cas de besoin. Les commandes ont donc porté essentiellement sur des équipements de haute technologie, fabriqués en petites séries, en vue de préserver les compétences des bureaux d’études. Les chaînes de production se sont adaptées à cette nouvelle donne en privilégiant une logique de flux, aux dépens des stocks. En outre, au titre du triptyque coûts-délais-performance, les contraintes de coûts et l’optimisation de la performance des systèmes d’armes constituaient des critères bien plus déterminants que les délais de fabrication, qui n’étaient pas un véritable enjeu à l’époque (sauf contexte d’urgence opérationnelle).

● Le retour d’un conflit de haute intensité en Europe a mis en évidence que les capacités industrielles de production n’étaient plus adaptées au nouveau contexte stratégique. Les volumes et les délais de production à nouveau devenus un enjeu majeur, pour être en capacité, (i) à court terme, de soutenir notre allié ukrainien tout en reconstituant rapidement les stocks de nos armées et, (ii) à moyen terme, de soutenir nos armées en cas de crise majeure.

En outre, dans un contexte de réarmement massif des pays européens, la capacité de l’industriel à livrer rapidement les équipements est devenue un enjeu de compétitivité pour l’industrie de défense, comme l’a souligné le ministre des Armées lui-même : « Je ne vais pas commencer à accabler une entreprise française en particulier, mais on rate aussi parfois des marchés parce qu’on livre moins vite que les Américains (…) Ce n’est pas faute de le répéter depuis un an et demi : les questions de délai nous ont mis dans la panade avec des clients européens » ([22]).

● La DGA est au cœur de ce défi de l’économie de guerre à un double titre.

Tout d’abord, en tant que « maître d’œuvre étatique du système de défense »  ([23]), la DGA a la charge de la conduite des programmes d’armement. Or, la façon dont ses programmes d’armement sont organisés a naturellement une incidence majeure sur les spécifications et les délais de production des matériels.

En outre, la DGA a la responsabilité de « s’assurer de la capacité de la BITD à répondre en toutes circonstances et sur la durée aux besoins du ministère des Armées » ([24]). Dans cette perspective, la DGA a pour mission d’accompagner l’adaptation des entreprises de la BITD aux exigences de l’économie de guerre.

En conséquence, il s’agit de répondre à une double question.

D’une part, comment la DGA adapte-t-elle ses propres méthodes de travail pour répondre à l’économie de guerre ?

D’autre part, comment la DGA soutient-elle les entreprises de la BITD dans leur démarche vers l’économie de guerre ?

   

   

   

   

   

 

I.   L’enjeu d’une DGA plus agile et réactive pour répondre au défi de l’économie de guerre

A.   Une DGA qui se met en « ordre de bataille »

1.   La réorganisation de la DGA pour répondre aux enjeux de l’économie de guerre

a.   La création de la direction de l’industrie de défense

La nouvelle organisation de la DGA est issue du projet de transformation « Impulsion » initié par le délégué général Emmanuel Chiva dès sa nomination le 29 juillet 2022.

La création de la direction de l’industrie de défense (DID) constitue la principale innovation de cette réorganisation. L’institution de cette direction reflète l’ambition de la DGA de renforcer son action de politique industrielle au profit de l’autonomie stratégique.

● À cette fin la DID porte trois grandes missions, qui correspondent à ses trois services :

– la définition et la mise en œuvre de la politique industrielle de défense, en s’appuyant sur une connaissance et un dialogue approfondis avec l’ensemble de la chaîne industrielle (maîtres d’œuvre et chaîne de sous-traitance). Cette mission est portée par son service des orientations industrielles (SOI) ;

– les activités d’assurance qualité, qui consistent à contrôler la conformité des systèmes d’armement aux spécifications du contrat (assurance qualité des systèmes) ainsi que l’efficience des processus de production en termes de performances, coûts et délais (assurance qualité des processus). Le renforcement des capacités d’évaluation de la performance industrielle est un des axes majeurs de la réorganisation de la DGA. Ces activités sont pilotées par le service de la performance et de la qualité industrielles (SPQI) ;

– enfin, le « service de la sécurité économique » (SSE) assure une connaissance du tissu économique et contribue à la protection des entreprises de défense.

L’établissement de la direction de l’industrie de défense permet donc de superviser au sein d’un pôle unique l’ensemble des problématiques inhérentes aux enjeux de production de la BITD : le développement et la consolidation des filières industrielles ; le contrôle de la qualité et de la performance des chaînes de production ; le soutien aux PME ; la sécurisation des chaînes d’approvisionnement ; la connaissance et la veille des entreprises et compétences critiques, y compris des sous-traitants, et plus largement de l’ensemble de l’écosystème industriel (banques, assurances, investisseurs) ; le renforcement de la résilience des entreprises de la BITD face aux aléas et menaces ; ou encore le contrôle des investissements étrangers.

● La DID présente par ailleurs deux spécificités :

– elle a une présence territoriale forte, à travers l’action d’un réseau d’attachés industrie de défense en région (AIDER), qui conseillent les préfets et les régions en matière de développement économique des entreprises de défense. En outre, les 26 sites du service de la performance et de la qualité industrielles (SPQI) répartis sur l’ensemble du territoire permettent à la DGA d’être au plus proche des entreprises de la BITD ;

– elle abrite en son sein un délégué aux PME, responsable du plan d’action ministériel en faveur des PME, ETI et startups (PEPS), ainsi qu’un délégué ministériel pour la représentation du ministère des Armées au sein de certaines entreprises de défense.

● En raison de ses attributions, la direction de l’industrie de défense a un rôle moteur dans le travail d’adaptation de la BITD aux enjeux de l’économie de guerre. Elle est notamment en charge à ce titre :

– des projets de relocalisation pour des productions critiques et difficilement substituables, en coopération étroite avec les services de la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie et des finances ;

– de l’accompagnement des entreprises susceptibles d’avoir des difficultés pour garantir une montée en puissance de la production (« goulets d’étranglement ») en cas de nécessité, à travers la mise en place des dispositifs de remédiation ;

– des travaux d’amélioration des cadences de production des industriels de l’armement, notamment pour les matériels les plus critiques en cas de conflits de haute intensité ;

– de la mise en œuvre des dispositifs créés par la LPM 2024-2030 pour accroître la résilience de la BITD : constitution de stocks stratégiques ; mécanisme de priorisation au bénéfice de la production de matériels militaires ; modernisation du régime des réquisitions.

b.   Les autres directions issues de la réorganisation contribuent également à l’économie de guerre

Au-delà de la direction de l’industrie de défense, les enjeux relatifs à l’économie de guerre impliquent l’ensemble des directions de la DGA.

 

 

 

ORGANIGRAMME de la dga à la suite de la réorganisation

● L’accélération de la conduite de certains programmes d’armement est pilotée par la nouvelle direction des opérations, de la maintenance et du numérique (DOMN).

La mise en place de cette direction illustre la nécessité de regrouper les services en charge, d’une part, de la conduite des programmes d’armement et, d’autre part, du maintien en condition opérationnelle (MCO).

L’objectif est d’intégrer les enjeux de soutien dès la conception des programmes d’armement, selon le modèle employé dans le cadre du programme d’hélicoptère interarmées léger (HIL) Guépard. Seule une telle intégration permet en effet de disposer d’une vision globale du coût total d’une opération d’armement, tout au long de la vie du système. Cela permet également de prévenir toute tentative des industriels de surfacturer les prestations de MCO pour compenser les efforts qu’ils auraient consentis au stade de l’acquisition.

 

 

● Les actions de simplification des processus de la DGA (normes techniques, opérations de qualification) sont conduites par le nouveau service de la transformation et de la performance (STP), en coordination étroite avec la direction de l’ingénierie et de l’expertise (DIE).

La création d’un tel service met en exergue que la modernisation et la simplification des méthodes de travail des services de la DGA constituent un processus continu et évolutif. Le STP illustre également le caractère transversal de l’enjeu de l’économie de guerre, qui doit concerner l’ensemble des services de la DGA. La mission du STP est ainsi d’initier un véritable changement culturel au sein du personnel de la DGA.

● Enfin, la nouvelle direction de la préparation de l’avenir et de la programmation (DPAP) a pour caractéristique notable de réunir les équipes en charge de la programmation budgétaire, d’une part, et celles en charge de la programmation capacitaire, d’autre part. La finalité de ce regroupement est de garantir une cohérence dès le stade de la préparation du programme entre les besoins capacitaires et les moyens financiers.

● Si la réorganisation de la DGA a permis une structuration plus lisible, en regroupant des services selon une logique de « missions », sa portée pratique pour le personnel de la DGA doit être relativisée : seule une centaine de postes ont vu leurs attributions significativement affectées par cette réorganisation.

La réorganisation de la DGA est globalement bien accueillie par les industriels de défense. La diminution des unités de management, le regroupement des interfaces et un dialogue renforcé avec les entreprises de défense en région sont plus particulièrement salués.

Les représentants du GICAT ont ainsi relevé que « la réorganisation de la DGA a induit un partage d’informations plus fluide sur des sujets stratégiques tels que les levées de fonds, les enjeux de recrutement et d’attractivité, l’accompagnement des PME, la cyber résilience de la chaine de sous-traitance ou encore les travaux conjoints avec les clusters, notamment en région ».

2.   Le défi des ressources humaines

a.   Une forte concurrence avec le secteur privé

Les ressources humaines de la DGA, qui compte 10 600 agents, répondent à un certain nombre de spécificités. Tout d’abord, de nombreux statuts coexistent au sein du personnel de la DGA.

 

 

 

LES DIFFÉRENTS STATUTS DU PERSONNEL DE LA DGA

Le personnel de la DGA est réparti en trois statuts :

≥ Des ingénieurs militaires, officiers des corps de l’armement, qui représentent 20 % de l'effectif global. Deux corps distincts existent :

▪ Le corps des ingénieurs de l’armement (IA), grand corps technique de l’État, recrute en sortie d’école Polytechnique (école sous tutelle de la DGA) ou sur concours (internes et externes). Les IA exercent des fonctions de direction, de contrôle, d'inspection et de coordination dans toutes les activités relatives à l'armement ;

▪ Le corps des ingénieurs des études et techniques de l’armement (IETA) recrute en entrée de l’École nationale supérieure des techniques avancées Bretagne (ENSTA-Bretagne) ou sur concours interne. Les IETA exercent des fonctions techniques et administratives de direction, d'encadrement général, d'expertise, de contrôle, de coordination, dans toutes les activités liées à l'armement. Ils peuvent également exercer des fonctions au sein de formations interarmées ou relevant d'une autre armée ou de tout organisme.

≥ Des ingénieurs et techniciens civils, qui sont agents contractuels. Ils représentent 40 % de l'effectif de la DGA. Il existe deux statuts pour les agents contractuels : les ingénieurs et cadres technico-commerciaux dits "ICT" ; les techniciens, dits "TCT"

Le recrutement des ICT et des TCT s’effectue sur le fondement de la loi 84-16 du 11 janvier 1984, article 4 « Recrutement sur des emplois permanents de l’état notamment lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer ces fonctions ou lorsqu’il s’agit de fonctions nouvellement prises en charge par l’administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées ».

Les ICT/TCT sont recrutés par contrat de travail de droit public, pour une durée indéterminée. Les salaires sont fixés en fonction de l’âge, de l’expérience et du poste à pourvoir tout en se basant sur la convention collective nationale (pour les ICT) et régionale (pour les TCT) de la métallurgie.

≥ Enfin, les fonctionnaires techniques et administratifs, qui représentent 40 % de l’effectif. Au sein des fonctionnaires, 1 300 personnes à la DGA ont le statut d’ouvrier d’État.

Par ailleurs, la DGA est avant tout une direction technique : 90 % de ses effectifs sont composés d’ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers qualifiés. Le personnel est également très qualifié, puisque les personnels de niveau I (catégorie A ou officiers) représentent près de 64 % du total des effectifs.

Enfin, les besoins de recrutement de la DGA sont en hausse, en raison d’un schéma d’emplois dynamique : 951 effectifs temps plein (ETP) supplémentaires ont été créés sur la période 2019-2023, tandis qu’une augmentation de 532 ETP est programmée sur la période 2024-2030. En 2023, la DGA a ainsi réalisé plus de 1 100 recrutements en externe.

La conjugaison d’un profil de personnels très qualifiés et de besoins de recrutement en hausse constitue un défi important pour la DGA. La compétition est en effet forte sur le marché de l’emploi pour attirer ces profils fortement recherchés, dans un contexte de pénurie d’ingénieurs en France et de plans de recrutements ambitieux des entreprises de la BITD.

Or, la DGA ne peut rivaliser avec les perspectives d’évolution salariale offertes par le secteur privé. Si les salaires à l’embauche proposés par la DGA sont quasiment équivalents à ceux offerts par les entreprises de la BITD – à l’exception des filières numérique et aéronautique –, les écarts de rémunération s’accroissent en revanche au fur et à mesure de la carrière.

En outre, le statut des ouvriers de l’État, dont relèvent 1 300 personnes à la DGA essentiellement employées dans des fonctions d’opérateurs d’essais, est aujourd’hui considéré comme moins attractif qu’auparavant, malgré un régime de pension particulièrement favorable.

b.   La mobilisation des leviers pour attirer et fidéliser

● La DGA mobilise l’ensemble des leviers à sa disposition pour attirer et fidéliser le personnel technicien.

Pour les ingénieurs cadres et techniciens technico-commerciaux (dits « ICT/TCT), la nouvelle convention collective de la métallurgie à laquelle ceux-ci sont soumis - au même titre que le personnel de la BITD – institue un référentiel de rémunération plus attractif à l’embauche, à compter de 2024. Ce référentiel permettra notamment de prendre en compte l’expérience des cadres venant du privé, quel que soit leur niveau de diplôme.

Par ailleurs, la nouvelle politique de primes en cours de déploiement a pour objet de mieux valoriser la prise de responsabilités et l’engagement individuel, ainsi que la montée en compétences.

La DGA a enfin engagé un dialogue avec les entreprises de défense pour limiter le flux de départs de techniciens et d’ingénieurs de la DGA vers la BITD.

L’activation de ces différents leviers commence à porter ses fruits, avec une forte réduction des départs (de trente personnes par mois durant la période post covid à dix par mois fin 2024).

● S’agissant des ingénieurs de l’armement (IA), la DGA est dans l’attente de l’issue du chantier interministériel relatif aux grands corps techniques de l’État. Il est notamment attendu une uniformisation des évolutions statutaires, indiciaires et indemnitaires des IA avec les autres grands corps techniques (Mines, Ponts et Insee), sur la base de ce qui a été effectué pour les administrateurs de l’État. La DGA ne rencontre toutefois pas de difficultés à recruter à la sortie de l’École Polytechnique (26 IA recrutés à la sortie de l’X contre 18 il y a quelques années) et son concours d’admission sur titre remporte un succès grandissant.

● Une rénovation de la grille indiciaire et des déroulements de carrière des ingénieurs des études et techniques de l’armement (IETA) est également en cours de réflexion dans le cadre du groupe de travail « officiers » engagé par le ministère des Armées. La DGA a recruté en 2024 44 IETA à l’entrée de l’ENSTA Bretagne. La concurrence avec le secteur privé est là encore vive, puisque les quatre premiers employeurs d’élèves civils de l’ENSTA sont Naval Group, MBDA, Airbus et la DGA.

● Enfin, la promotion de la mobilité est un axe de développement de la politique de ressources humaines de la DGA.

La mobilité au sein du ministère des Armées est d’usage pour les ingénieurs de l’armement et les ingénieurs des études techniques de l’armement. Le nouveau cadre de gestion des personnels ICT/TCT valorise la mobilité, en leur rendant applicable l’ensemble des dispositifs de mobilité prévus par le droit commun.

Concernant les départs dans le civil, la situation est plus contrastée. Pour les ingénieurs de l’armement, la DGA a créé le dispositif spécifique de « période d’ouverture » pour leur permettre d’effectuer une mobilité dans l’industrie durant deux ou trois ans. Une cinquantaine d’IA ont ainsi effectué une telle mobilité avant de revenir au sein de la DGA. En revanche, pour le personnel civil, le risque de ces mobilités est d’accroître le flux de départs d’ingénieurs dans le privé, sans retour à la DGA.

Lors de son discours du 24 octobre 2024 sur le site de la DGA de Vert-le-Petit, le ministre des Armées a appelé la DGA à développer cette politique d’ouverture. Ainsi, la mobilité en dehors de la DGA conditionnera à l’avenir l’avancement des officiers du corps des ingénieurs de l’armement.

B.   Le défi de la simplification et de l’agilité

1.   Simplifier l’expression des besoins

● Si l’étape de l’expression du besoin militaire est de la responsabilité des armées, la DGA participe à celle-ci pour analyser et formaliser les spécifications retenues. La concrétisation de ce dialogue entre les forces et la DGA est la rédaction du « document unique de besoin », qui a été introduit par l’instruction ministérielle n° 1618 sur la conduite des programmes d’armement.

Cette étape de l’expression des besoins est cruciale dans un contexte de préparation à l’économie de guerre, car les spécifications exigées par les armées et la DGA ont une incidence directe sur les coûts et les délais de l’opération d’armement.

Or, jusqu’à une date récente, cette incidence n’était pas assez prise en compte, les performances attendues du système d’armes constituant la priorité des armées et de la DGA. Ainsi que l’a résumé le délégué général « entre les coûts, les performances et les délais, nous avons eu tendance jusqu'à ce jour à privilégier les performances. Nous considérons désormais que les deux autres critères sont parfois plus importants » ([25]).

 

 

● L’enjeu est donc de trouver le juste équilibre entre coûts, performance et délais. À cette fin, la promotion de « l’analyse de la valeur » pour chaque programme d’armement constitue un des axes forts de la transformation de la DGA. Ainsi que le résume le directeur de la direction de l’industrie de défense « le travail consiste à passer en revue les exigences, à les chiffrer et à en évaluer l’impact en matière de délais et de coûts. Le but, c’est d’arriver, quand cela est possible et avec les forces qui expriment le besoin opérationnel, à des objets plus simples. Car ce qui est simple se produit mieux et plus rapidement » ([26]). La finalité de cette « analyse de la valeur » est en somme de faire la chasse à la sur-spécification.

Ce travail de simplification des documents uniques de besoin ne fait que commencer. À titre d’exemple, selon les indications de la DGA « six revues [de documents uniques de besoins] dans le domaine terrestre ont déjà été effectuées conduisant à des réductions de plusieurs centaines d’exigences dans les documents ». Le travail d’analyse de valeur est mis en œuvre actuellement sur les programmes de bâtiments de guerre des mines, de maitrise de l’espace Ares ou encore du système Rifan (réseau intranet des forces aéronavales).

● Outre la chasse aux sur-spécifications, le recours aux appels à projets d’industriels peut se révéler efficace pour simplifier les opérations d’armement. Il s’agit de faire appel à la créativité des industriels, en partant de l’effet militaire recherché et non plus de spécifications déjà préalablement fixées par la DGA.

Les appels à projets Colibri et Larinae relatifs aux munitions téléopérées constituent un bon exemple de ce changement de méthode, ainsi que l’a souligné le délégué général pour l’armement : « Pour les deux appels à projets que nous avons lancés, nous n’avons pas demandé aux industriels de nous fournir un système mais de répondre aux effets que nous voulions produire. Par exemple, dans Colibri, nous souhaitions avoir un système capable de neutraliser une menace blindée à cinq kilomètres. Nous souhaitons disposer rapidement d’un système bénéficiant d’une autonomie sur zone, économique et facile pour se former. Telles sont les caractéristiques du cahier des charges que nous avons transmis aux industriels, ce qui les a d’ailleurs beaucoup surpris. Cette démarche a fortement stimulé le tissu industriel » ([27]).

Dans le cadre de la procédure d’acquisition des munitions téléopérées (programme MTO-CP), qui prolonge l’appel à projet Colibri, les spécifications ont ainsi été limitées au plus juste, en ne retenant que les performances essentielles et accessibles, ce qui permettra de limiter la durée de qualification et de livrer les systèmes au plus tôt. Ce travail de simplification et de réduction des exigences doit être nécessairement précédé d’un dialogue renforcé avec les industriels du domaine concerné pour évaluer l’état de l’art.

2.   Être plus agile dans les opérations d’armement : l’exemple de la force d’acquisition réactive

● La force d’acquisition réactive (FAR), créée au printemps 2023, constitue une des innovations importantes mises en œuvre dans le cadre de la transformation de la DGA.

Elle a été instituée afin de répondre à des besoins opérationnels pour lesquels la rapidité du délai de réalisation de l’opération d’armement (de l’expression des besoins à la livraison) constitue le critère principal. La FAR illustre ainsi la capacité de la DGA à conduire des programmes d’armement dans des délais contraints, pour répondre à un contexte d’urgence

Cette force d’acquisition réactive a par exemple été mise en œuvre lors de l’acquisition de drones au bénéfice des forces armées ukrainiennes. Le calendrier de l’opération a été particulièrement serré : alors que l’expression du besoin par l’état-major des armées a été formalisée le 23 juin 2023, la FAR a passé les contrats à Delair fin juillet, avec des premières livraisons en septembre 2023.

● La démarche de simplification de l’expression des besoins est au cœur de la force d’acquisition réactive.

La force d’acquisition réactive a ainsi divisé par deux le prix et le délai de l’acquisition des véhicules légers de transport non-protégé sanitaire (VLTP NP SAN), en réduisant au maximum les spécificités militaires du véhicule, dès lors que les conditions d’utilisation de celui-ci sont proches du civil.

La FAR a en outre piloté l’acquisition en urgence pour les Jeux olympiques et paralympiques de systèmes de défense sol-air de courte portée VL MICA, qui ont été commandés sur la base de la version du système exportée au Maroc, avec une expression des besoins extrêmement réduite.

À ce jour, la force d’acquisition réactive a déjà permis d’accélérer une quinzaine de dossiers concernant différents matériels. L’enjeu pour la DGA est de diffuser les bonnes pratiques de la FAR au sein de l’ensemble des services, en termes de simplification de l’expression des besoins, de réduction des exigences de conformité et de réactivité dans la conduite des programmes d’armement.

3.   Privilégier le développement incrémental des systèmes

● Un autre levier pour réduire les délais des opérations d’armement est de promouvoir le développement incrémental des systèmes d’armement. Cela permet de livrer au plus tôt une première capacité aux armées, nonobstant le fait que celle-ci ne réponde pas immédiatement à l’ensemble du besoin, des incréments ultérieurs permettant d’obtenir la pleine capacité.

 

À titre d’exemple, il a été pris la décision en 2021 dans le cadre du programme Scorpion de développer plusieurs incréments du Jaguar, pour ne pas retarder le déploiement des premiers véhicules dans les régiments, alors même que la première version ne répondrait pas à l’ensemble des performances attendues.

Outre la réduction des délais de livraisons, la logique incrémentale permet de tirer parti des premiers retours d’expériences des armées sur le terrain pour affiner le besoin et optimiser le système d’arme dans le cadre des futurs incréments. Cette démarche est particulièrement adaptée aux domaines soumis à de rapides évolutions de la technologie, tels que le numérique, où le risque est fort de livrer des capacités obsolètes, à l’issue d’un long processus de développement.

● Conformément à l’instruction ministérielle n° 1618 sur la conduite des opérations d’armement ([28]), qui favorise une telle démarche, la DGA élargit le spectre des programmes soumis à un développement incrémental, ainsi que l’illustrent trois exemples récents.

Le modèle retenu pour le programme « défense surface-air basse couche » repose ainsi sur une première acquisition réactive sur étagère (achat des VL Mica dans le cadre des Jeux olympiques), qui sera suivie d’un développement qui permettra de disposer d’une capacité totalement adaptée au besoin de nos forces armées.

De même, le programme à effet majeur « drones de contact » créé par la LPM 2024-2030 a été structuré selon une logique nativement incrémentale, qui permet d’intégrer les innovations et évolutions technologiques en cycle court.

Enfin, dans le domaine naval, la création dans le PLF 2025 du programme à effet majeur incrémental « Évolutions frégates » illustre la nécessité de couvrir les besoins d’évolutions de bâtiments en matière d’auto-protection, de connectivité, de résilience, pour faire face à l’évolution des menaces, notamment en mer Rouge.

4.   Adapter les normes au contexte d’emploi

Les règles de navigabilité sont souvent décriées par les industriels pour leur complexité et leur inadaptation aux contraintes d’emploi des aéronefs militaires. Cependant, des évolutions récentes illustrent une évolution de la DGA, en sa qualité d’autorité technique, à ce sujet.

● La DGA a tout d’abord adopté une démarche de « navigabilité différentiée », en modulant ses exigences en fonction du niveau de criticité des pièces. Ainsi, sur la flotte de C130H, l’autorité technique DGA et le SIAé ont conduit en 2022 et 2023 une analyse de risques permettant de discriminer entre les pièces « critiques » et les pièces « non critiques » pour la sécurité des vols.

La finalité de cette analyse est de réduire les exigences pour les pièces « non critiques », afin d’augmenter la disponibilité de la flotte C130H. En application de cette « navigabilité différenciée », la DGA concentre désormais ses exigences sur 3 000 références de pièces, contre 60 000 précédemment.

● Un autre exemple de l’assouplissement de la DGA en matière de navigabilité concerne l’introduction dans la réglementation des « autorisations de vol à faible criticité », pour la remise en vol des aéronefs qui ont subi un dommage mineur. Ce régime permet d’étendre les prérogatives des armées, en leur qualité d’autorités d’emploi, pour autoévaluer l’opportunité de certaines remises en vol, tout en garantissant un niveau de sécurité maîtrisé. Cela permet de mobiliser l’expertise technico-opérationnelle des forces armées pour les dommages non critiques et de recentrer l’intervention de la DGA sur les besoins en expertise technique les plus complexes. Depuis son entrée en vigueur, l’armée de l’air et de l’espace a eu recours plus d’une centaine de fois à ce nouvel outil en 2023.

● En matière de navigabilité des drones, la DGA étudie actuellement la mise en place d’un nouveau concept de drone « certifiable mais non certifié » pour les drones qui n’ont pas vocation à survoler de zones peuplées. L’objectif serait d’exiger de l’industriel uniquement le respect d’un taux global de perte par heure de vol. Cette démonstration serait apportée non pas avant la livraison aux forces armées, mais sur la base du retour d’expérience en opérations, après quelques années d’exploitation en service. Cela permettrait de réduire la durée entre le lancement d’un programme et sa livraison aux forces, tout en générant des économies en raison de l’absence de fourniture de preuves de certification. En cas d’évolution du concept d’emploi du drone, la certification du ministère des Armées pourrait être rapide, puisque le design du drone aurait été conçu pour être « certifiable ».

● Dans le domaine des munitions, l’axe prioritaire est de privilégier l’application des normes OTAN pour le stockage et le transport des munitions, qui sont moins restrictives que la réglementation française.

Par ailleurs, la DGA n’hésite pas à étendre la durée de vie des missiles, sur la base d’une meilleure connaissance des mécanismes de vieillissement. La durée de vie de certains missiles complexes a ainsi été doublée, voire triplée. De même, des études sont en cours pour permettre le réemploi de poudres propulsives ayant dépassé leur durée de vie théorique.

5.   Adapter les exigences de conformité au juste besoin

Un autre axe de simplification pour optimiser les délais concerne les exigences d’assurance qualité demandées par la DGA aux industriels, pour s’assurer de la conformité et de la performance des équipements, au stade du développement et de la qualification.

L’enjeu est de moduler ces exigences en fonction du niveau de maturité identifié de l’industriel sur l’équipement concerné. La réduction de l’échantillonnage des opérations de vérification, une standardisation de ces dernières, ainsi que la définition de « défauts acceptables » font ainsi partie des axes de travail de la DGA.

La contrepartie d’une telle réduction des opérations de vérification est que les industriels garantissent à la DGA une meilleure transparence, en termes d’accès à leur documentation interne tout au long du processus de développement.

II.   L’action de la DGA pour favoriser l’adaptation de la BITD à l’économie de guerre

A.   Donner de la visibilité aux maîtres d’oeuvre

1.   Une visibilité conférée par la dynamique capacitaire prévue par la LPM

La visibilité est essentielle pour l’industrie de défense. Il s’agit en effet d’une industrie du temps long, qui nécessite souvent des investissements lourds, avec une chaîne de sous-traitance très importante.

La visibilité est tout d’abord engendrée par l’augmentation du volume des commandes consécutive à la hausse des budgets consacrés à la politique d’équipements de nos armées. Les crédits de paiement du programme 146 auront ainsi augmenté de 86 % de 2017 à 2025 (de 10 milliards d’euros à 18,7 milliards d’euros), soit trente points de plus que l’augmentation moyenne de la mission Défense sur la même période.

Dans ce contexte, les commandes passées aux industriels ont plus que doublé en moins d’une décennie : elles sont passées de 9,5 milliards d’euros en moyenne entre 2012 et 2016 à 20 milliards d’euros de crédits en 2023. L’ensemble des maîtres d’œuvre de la BITD bénéficient de cette hausse des commandes ([29]).

 

VOLUME DES COMMANDES PASSÉES AUX INDUSTRIELS

Source : ministère des Armées, « Deux ans d’économie de guerre en chiffres », 23 juin 2024.

En vertu de loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM) l’agrégat « équipements » représente 268 milliards d’euros de besoins programmés sur la période de la programmation (contre 172 milliards de besoins programmés par la LPM 2019-2025, soit une augmentation de plus de 55 %).

Le tableau capacitaire du rapport annexé de la LPM permet aux industriels de connaître les objectifs de parcs à l’horizon 2030 et 2035 et donc d’anticiper les commandes à venir. Peu d’entreprises dans le monde civil peuvent se réjouir d’avoir une telle visibilité des commandes de leur client principal.

2.   Une visibilité renforcée pour le « TOP 12 »

● Au-delà de la LPM, la DGA a renforcé la visibilité pour certains armements considérés comme prioritaires car susceptibles d’une forte attrition ou consommation en cas de conflit (liste dite « Top 12 » définie dans le cadre des travaux de l’économie de guerre). La DGA a ainsi passé des commandes globales de longue durée garantissant un certain volume et a en outre anticipé certaines commandes.

À titre d’exemple, à la suite d’une première commande de 200 missiles Aster fin 2022 pour un montant de 900 millions d’euros, le ministère des Armées instruit une commande anticipée de 200 nouveaux missiles Aster. À ces anticipations de commandes répondent des anticipations de livraisons de la part de l’industriel.

La création de nouveaux programmes à effet majeur, tels que le PEM « munitions gros calibre » (MGC) répond aux besoins d’offrir une visibilité aux industriels sur le segment critique des munitions d’artillerie de 155 mm, qui relevait jusqu’à présent des « autres opérations d’armement » (AOA) et non d’un programme spécifique. La visibilité offerte par les commandes pluriannuelles d’obus a permis à KNDS France d’investir sur fonds propres dans la modernisation de son outil de production, avec notamment l’ouverture d’une seconde chaîne de ceinturage, dans l’un de ses sites berruyers.

ACTIONS EN FAVEUR DU « TOP 12 » DANS LE CADRE DES TRAVAUX DE L’ÉCONOMIE DE GUERRE

 

Équipements

Principaux résultats

1

Armemement air-sol modulaire (AASM)

Production en hausse jusqu’à 90 par mois en 2024. Travaux permettant d’accroître encore ce rythme de production.

Notification du contrat de renforcement du site EURENCO de Sorgues fin 2023.

2

Canon Caesar

Acquisition rapide de 18 CAESAR Mk1* pour le recomplètement des cessions.

Commande globale de 109 CAESAR, associée à une augmentation de la capacité de production de Nexter passée de 4 à 6 par mois avec objectif de 8 à la fin 2024, et à une réduction des délais de production de 30 à 15 mois entre la commande et la livraison.

3

Munitions 155 mm

Lancement d'un PEM Munitions de gros calibres. Au titre du premier incrément, notification d’un marché permettant :

- la commande pluriannuelle de munitions ;

- la relocalisation à Bergerac d’ici fin 2025 de moyens de production de poudre propulsive chez Eurenco ;

- un mécanisme contractuel, permettant à l'État de modifier le rythme des livraisons.

4

Munitions 44 mm CTA

Lancement de la qualification de deux secondes sources sur des équipements. Commandes en LPM.

5

Camions citernes

Dans le cadre du 1er incrément du PEM « FTLT », lancement d'une consultation pour l'acquisition d'un maximum de 800 camions citerne de nouvelle génération (CCNG). Notification du marché de développement et d'acquisition au 1er trimestre 2024. Premières livraisons en 2026. En cas de crise haute intensité, principe retenu que l’attrition des camions citernes sera notamment couverte par la réquisition de systèmes civils.

6

Missiles moyenne portée (MMP)

Commande globale de 1 300 munitions pour notification fin 2023.

Mise en place d’un mécanisme d’accélération permettant l'augmentation rapide de la cadence de missiles MMP chez MBDA en cas de besoin.

7

Missiles Mistral

Commande globale de 229 missiles français, notifiée fin 2023, contenant des prédispositions pour des commandes d'autres pays membres de l'UE dans le cadre des initiatives européennes sur les acquisitions groupées de munitions. Accord de coopération signé mi-2024 avec Belgique, Estonie, Chypre, et Hongrie. Intérêt confirmé également d’autres pays.

Réduction du délai de réalisation des missiles et augmentation de la cadence (passage de 20 aujourd’hui à 40 par mois en 2025) sont associés à ce marché.

 

8

Missiles Aster

Engagement vers l'OCCAR réalisé fin 2022 ayant permis la commande à l’industrie des munitions Aster pour la France et l’Italie.

La commande permet d'accroître la visibilité de la supply chain, avec des augmentations de capacités chez certains sous-traitants, et ainsi de la pérenniser.

La Tiger Team Aster a permis en 2024 de définir et de mettre en œuvre un calendrier accéléré de livraison et des mesures de réduction du cycle de livraison qui permettra de le comprimer de plus d’un facteur 2 entre 2022 et 2026.

9

NRBC

Des commandes de masques, panoplies et cartouches ont été notifiées en application de la stratégie contractuelle prévue. Ces commandes se poursuivront sur la LPM.

10

Bouées acoustiques

Renforcement de la démarche de développement d'une filière nationale de bouées au vu du durcissement des conditions d’approvisionnement de bouées étrangères (prix et délais).

11

Système de drone tactique (SDT)

Mesure intégrée dans la LPM d’accélération de l'armement du SDT

12

Drones de contact

Lancement d'un PEM drones incrémental qui a porté en particulier des acquisitions réactives de drones et de munitions téléopérées en 2024.

Source : ministère des Armées, réponse aux questionnaires budgétaires de votre rapporteur

● En contrepartie de la visibilité offerte par les commandes globales, la DGA exige des industriels une réactivité renforcée. À titre d’exemple, le contrat d’acquisition de 1 300 Akeron MP, conclu en novembre 2023, comporte une clause d’accélération des livraisons. En vertu de celle-ci, la DGA peut exiger de MBDA, sous respect d’un préavis et au terme d’un certain temps d’exécution du contrat, de rehausser le rythme de livraison de ses missiles.

Ce modèle de contrats s’inscrit parfaitement dans la logique d’une économie de guerre : l’État offre davantage de visibilité à l’industriel et à sa chaîne d’approvisionnement, ce qui permet à l’industriel de s’organiser pour être capable d’augmenter le cadencement de ses livraisons en cas de besoin. De telles clauses d’accélération ont vocation à être élargies à d’autres systèmes d’armes critiques.

● Enfin, le développement de contrats cadres avec des pays alliés est également un outil susceptible de massifier les commandes et de donner davantage de visibilité aux industriels. Pour renforcer leurs capacités de défense antiaériennes respectives, la Belgique, Chypre, l’Estonie, la Hongrie et la France ont par exemple signé en juin 2024 un accord de coopération cadre pour l’acquisition commune de missiles Mistral. Cet achat, éligible au mécanisme d’acquisition en commun EDIRPA, sera réalisé par la DGA auprès de MBDA, pour répondre aux besoins français, belges, chypriotes, estoniens et hongrois. De même, la coalition artillerie créée dans le cadre du soutien à l’Ukraine contribue à donner de la visibilité à KNDS France pour les acquisitions de canons Caesar.

 

3.   Un dialogue renforcé avec l’industrie pour assurer une meilleure visibilité : l’exemple des drones

Avant même la contractualisation, la DGA cherche à améliorer la visibilité des entreprises de la BITD sur les commandes à venir, afin que celles-ci puissent anticiper le développement de nouvelles capacités et adapter leur outil de production.

Le représentant de la société Delair auditionné par votre rapporteur a ainsi salué le partage de la feuille de route de la DGA sur le segment des petits drones pour les années à venir, lors d’une réunion avec les industriels du secteur.

La formalisation du « pacte drones aériens de défense » annoncé lors du dernier salon du Bourget permettra une intensification de ce dialogue entre la DGA et les industriels. La visibilité sur les besoins des armées donnée aux industriels (et en particulier aux PME du secteur) dans le cadre de ce forum, leur permettra d’adapter leur offre et de répondre aux consultations du ministère.

Le pacte drones aériens de défense

Le pacte drones aériens de défense a pour objet d’instituer de nouvelles méthodes de travail entre la DGA, les forces armées et les industriels du domaine des drones aériens de contact de moins de 150 kg, domaine qui inclut les munitions téléopérées.

Ces systèmes représentent en effet un enjeu majeur opérationnel, notamment pour le combat aéroterrestre futur, et obéissent à des logiques et rythmes de développement courts, très différents des autres types de matériels militaires. Ainsi, l’État se doit de mettre en place des méthodes de travail adaptées reposant sur une concertation étroite entre l’État et l’industrie, pour disposer d’une BITD (base industrielle et technologique de défense) performante, apte à répondre aux besoins des armées françaises ou alliées, garantie d’un niveau suffisant d’autonomie stratégique dans le domaine.

Ce pacte, établi entre l’État et les industriels français volontaires fait suite à une des recommandations issues des travaux du groupe de travail GICAT (Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres) - ADIF (Association du Drone de l’Industrie Française) initié en 2023.

Le pacte engage réciproquement les différents signataires dans un collectif de travail dont l’objectif principal est d’améliorer la connaissance réciproque des parties prenantes tout en travaillant à une vision commune des sujets les plus prégnants pour assurer la capacité de la filière française à répondre aux besoins du ministère des armées.

Il s’agit notamment pour les industriels de mieux connaître les besoins opérationnels et pour le ministère des armées de mieux apprécier les solutions, capacités et compétences des acteurs de la filière industrielle française des drones aériens. Cela se traduit concrètement par la mise en place de forums d’échanges État/Industrie.

Tout industriel français volontaire, répondant aux critères d’éligibilité pourra souscrire au pacte drones aériens de défense. Une représentation la plus large possible de la filière française des drones aériens (plate-formistes, équipementiers, etc.) est d’ailleurs recherchée. Fin août 2024, la DGA a déjà reçu 30 demandes d’adhésion. Les commissions destinées à statuer sur l’éligibilité des demandes d’adhésion se tiendront au 3ème trimestre 2024

 

 

 

  1.   L’enjeu du partage de la visibilité par les maîtres d’œuvre

Le principal enjeu actuel est de partager cette visibilité entre tous les acteurs de la chaîne de production, notamment les PME sous-traitantes des grands groupes.

Comme le souligne l’IGA Alexandre Lahousse, directeur de la direction de l’industrie de défense, « il est primordial que la visibilité d’en haut ruisselle dans toute la chaîne, jusqu’aux orteils, pour que les entreprises sous-traitantes de rangs 1, 2 et 3 puissent également investir dans leur outil de production. Il serait anormal que les grands maîtres d’œuvre disposent d’une visibilité sur sept ans et qu’un sous-traitant fonctionne avec des bons de commande ne dépassant pas trois mois, avec le risque que les banques lui refusent un prêt. Nous travaillons actuellement sur ce point avec les industriels. Et nous allons nous donner les moyens de le contrôler »  ([30]).

À ce titre, le représentant du comité Richelieu auditionné par votre rapporteur a relevé que les grands groupes donnent davantage de visibilité à la supply chain en 2024 par rapport aux années précédentes. Cependant, des efforts en ce sens restent encore à accomplir par les grands maîtres d’œuvre.

B.   Accompagner l’augmentation de la production des maîtres d’oeuvre

1.   Des premiers résultats prometteurs

a.   L’augmentation du cadencement et la réduction des délais : une réalité pour de nombreux systèmes d’armes

● L’économie de guerre est déjà en partie une réalité, avec l’augmentation des cadences de production et la réduction des délais de production, pour de nombreux systèmes d’armement, notamment sur les segments les plus critiques en cas de conflits de haute intensité :

– La production de l’emblématique canon Caesar de KNDS France devrait ainsi monter jusqu’à huit exemplaires par mois en 2025 (six actuellement), contre deux avant la guerre en Ukraine, tout en ayant réduit le cycle de production de 30 à 15 mois. En outre KNDS France va quasiment doubler sa production d’obus (de 40 000 à 70 000 par an), avec l’acquisition de deux nouvelles unités de ceinturage gros calibre, dans un contexte où le ministère des Armées prévoit un objectif de 100 000 obus de 155 mm (dont 80 000 seront livrés à l'Ukraine et 20 000 aux armées françaises), alors que la France en produisait en moyenne 500 par an entre 2012 et 2017.

– Pour MBDA, la cadence de production des missiles Mistral va quadrupler entre 2022 et 2025, en passant de 10 à 40 unités par mois, avec un raccourcissement des délais de 30 à 15 mois. La production du missile anti-char Akeron MP sera quant à elle multipliée par 2,5 dans la même période (de 20 à 50 par mois), tout en réduisant la durée de production (de 34 à 21 mois). Enfin, comme il a été vu, six fois plus de missiles Aster seront livrés à la France que prévu initialement au titre de la commande de novembre 2022.

● Si KNDS France et MBDA sont les exemples les plus emblématiques de l’augmentation des capacités de production dans le cadre de l’économie de guerre, comme l’illustre la remise par le ministre des Armées de médailles de la défense nationale aux salariés de ces deux groupes, de nombreuses autres entreprises contribuent également à cette montée en puissance. À titre d’exemple :

Eurenco entend doubler ses capacités de production de charges modulaires d’ici 2026.

– Safran a pour objectif de porter la production des bombes AASM (armement air-sol modulaire) à 1 200 pour 2025, c'est-à-dire de multiplier celle-ci par deux.

– La production du radar Ground Master de Thales est passée de douze à vingt-quatre unités par an.

– Sur le segment des petits drones, Delair a triplé le cadencement de sa production du drone T-26, en passant de 4 par mois à 12 par mois. Les délais de livraisons sont également optimisés, comme le montrent les premières livraisons de drones en octobre 2023, trois mois seulement après la commande de la DGA pour l’Ukraine.

– Enfin, Dassault a pour objectif de produire trois Rafale par mois à compter de mi-2025, alors qu’il en produisait un seul par mois il y a quelques années.

b.   Une dynamique d’investissement forte des grands maîtres d’œuvre

De telles augmentations de capacités de production imposent d’agir sur l’ensemble des leviers : constitution de stocks, modernisation de l’outil de production, recrutements.

● À titre d’exemple, MBDA a constitué des stocks de certains aciers spéciaux à hauteur de 80 tonnes, alors que 4 à 5 tonnes sont nécessaires aujourd’hui, tout en accélérant la qualification de secondes sources pour sécuriser ses approvisionnements.

L’entreprise a également prévu un investissement d’un milliard d’euros sur la période 2024-2028 pour l’ensemble de ses sites en France afin de renforcer la chaîne de production : acquisition de nouvelles machines d’usinage, soudage, fraisage, ponçage sur le site de Bourges Aéroport et doublement de la superficie du site de Selles-Saint-Denis pour accueillir de nouvelles activités.

L’adaptation des processus de production pour raccourcir les délais constitue un autre axe d’effort de l’entreprise, avec le passage à une organisation 3x8 sur les moyens de production à Bourges pour certains procédés métalliques sur le chemin critique (fraisage, tournage, usinage, fluotour…), la mise en œuvre d’une plate-forme de fabrication additive (« Printing Bourges »), ou encore la mise en place du groupe de travail relatif au missile Aster avec la DGA.

Enfin, cette montée en puissance nécessite des recrutements massifs. MBDA prévoit ainsi d’embaucher 2 600 personnes à l’échelle du groupe, dont plus de 1 000 en France en 2024. Sur la période 2022-2024, les effectifs du site de Bourges ont ainsi augmenté de 30 %.

● Si les entreprises de défense sont régulièrement accusées de ne pas prendre assez de risques, certaines entreprises n’hésitent pas à investir sur fonds propres sans attendre les commandes étatiques.

Ainsi, KNDS France a investi plus de 150 millions d’euros, dans les douze mois suivant le conflit en Ukraine, en anticipation et sur fonds propres.

De même, la société Eurenco a un plan d’investissement de 600 millions d’euros d’investissement entre 2024 et 2026, rendu possible par ses commandes à l’exportation. La relocalisation de la production de poudres à Bergerac n’a par exemple été financée qu’à hauteur de 10 millions d’euros par l’État français.

Dans la même perspective, Naval Group a investi plus de 140 millions d’euros en fonds propres dans le Var, dont une partie conséquente sera affectée à la création du centre d’excellence des drones, systèmes autonomes et armes sous-marines.

De même, le droniste Delair a financé seul le développement de tous ses produits sur fonds propres, grâce au soutien de ses investisseurs. La société a également construit son modèle sur la rapidité de ses délais de livraisons (deux à trois mois pour les plus gros modèles de drones), qui est permise par la constitution de stocks financés sur fonds propres. Delair va tripler son chiffre d’affaires entre 2023 et 2024 (de 10 à 30 millions d’euros) et a pour objectif d’atteindre 100 millions d’euros en 2024.

 

 

 

 

2.   La nécessaire sécurisation des approvisionnements pour une BITD plus résiliente

a.   Constituer des stocks stratégiques

● Afin de renforcer la réactivité des entreprises de défense en cas de crise, l’article 49 de la LPM 2024-2030 ([31]) a prévu la possibilité pour l’autorité administrative de contraindre les entreprises de défense à constituer des stocks de matières premières, composants, pièces de rechange et produits semi-finis.

La finalité de ce dispositif est de sécuriser l’approvisionnement de ressources critiques (composants de base essentiels, matières premières et métaux stratégiques) issues d’États étrangers à la fiabilité incertaine. À titre d’exemple, l’industrie aéronautique est fortement dépendante au titane russe.

L’article institue un certain nombre de garanties, afin que cette décision ne soit pas de nature à déstabiliser l’entreprise : les stocks exigés ne peuvent couvrir les besoins des forces armées que pour une durée maximale de deux ans, et doivent être proportionnés au regard de la situation économique de l’entreprise et des conditions d’approvisionnement. En revanche, le coût afférent à la constitution de stocks reste à la charge exclusive de l’entreprise.

Le décret n° 2024-278 du 28 mars 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées a précisé la mise en œuvre de ce mécanisme, en spécifiant notamment que les stocks doivent tenir compte du « volume des commandes en cours ou prévisibles auprès de l'entreprise concernée ».

● Sur ce fondement, la DGA a notifié à ce stade un seul arrêté - à MBDA - précisant les obligations de constitution de stocks. Six autres arrêtés ont été initiés à l’été 2024 et doivent être notifiés tout prochainement (KNDS, Naval Group, Arquus, Airbus, Safran), tandis que les deux derniers doivent être initiés à la fin de l’année (Thales et Dassault). Le contenu de ces arrêtés n’est pas public.

Outre les stocks de matières premières et de composants, les discussions avec les industriels portent notamment sur le niveau de stocks de pièces de rechange exigé pour optimiser le maintien en condition opérationnelle.

 

 

b.   Prioriser la production défense en cas de besoin

● L’article 49 de la LPM 2024-2030 prévoit également un mécanisme de priorisation ([32]), permettant de contraindre une entreprise à produire en priorité pour son client défense eu égard à ses commandes de nature civile. Ce dispositif a également pour objet de sécuriser les approvisionnements de nos armées en cas de besoin.

La défense reste en effet un marché de niche, en comparaison des gros industriels de l’aéronautique ou de l’automobile, de sorte que les entreprises de la BITD ne sont pas forcément prioritaires pour leurs fournisseurs. À titre d’exemple, la défense ne représente que 15 % du chiffre d’affaires du métallurgiste Aubert&Duval.

● Selon les informations données à votre rapporteur, le délégué général pour l’armement a fait parvenir un courrier à plusieurs industriels les invitant à prioriser dès à présent, sans contrepartie, leurs commandes urgentes concourant à l’équipement des forces armées.

Ces courriers, couplés à la perspective de mise en œuvre du mécanisme de priorisation de la LPM, auraient suffi, à ce jour, à obtenir des efforts de priorisation de la part des industriels sans avoir à mettre en application ledit mécanisme.

c.   Relocaliser les productions critiques

La sécurisation de nos approvisionnements exige également de relocaliser certaines productions critiques pour notre autonomie stratégique.

● Depuis décembre 2022, une cinquantaine de propositions de relocalisation ont été reçues et étudiées par la direction de l’industrie de défense de la DGA. Cette dernière en a sélectionné quinze et les a soumis à la direction générale des Entreprises (DGE) du ministère de l’économie et des finances, en vue de leur instruction dans la perspective de financement (notamment via le plan d’investissement France 2030).

Ces propositions sont estimées par la DGA à près de 200 millions d’euros, avec un autofinancement de 55 % en moyenne, et pourraient créer environ 250 emplois en France. Ces projets concernent les filières aéronautique, navale, terrestre, spatiale, munitionnaire, électronique ou encore des thématiques telles que les batteries, la propulsion, les matériaux, la fabrication additive et l’équipement du combattant.

● À ce stade, la DGE a confirmé le financement via France 2030 de quatre projets de relocalisation sur les quinze retenus par la DGA, qui concernent :

-         l’entreprise Accuwatt, basée en Savoie et spécialisée dans les batteries hautes performances, pour deux projets au titre de l’appel à projets « grands fonds marins » de France 2030 ;

-         un grand industriel français du secteur des matériaux (qui souhaite rester anonyme), dans le cadre d’un projet relatif aux matériaux décarbonés (appel à projet « métaux critiques » de France 2030) ;

-         la société Vistory, située dans le Cher, au titre de l’appel à projet « première usine ». Celle-ci sera installée dans la périphérie de Bourges, sur un ancien terrain militaire.

● Enfin, deux projets ont bénéficié de financements directs du ministère des Armées au bénéfice de :

-  la société Eurenco, dans le cadre de la relocalisation de sa filière de production de poudres gros calibres à Bergerac, avec un financement du ministère des Armées à hauteur de 10 millions d’euros (relocalisation opérationnelle en 2025)  ;

-  l’entreprise Selectarc, qui produit des baguettes de soudage, notamment pour les sous-marins nucléaires (relocalisation opérationnelle en 2026).

La relocalisation de la production de poudres a bergerac

La relocalisation de la production de poudre de gros calibres sur le site de Bergerac a été motivée par une stratégie visant à réduire la dépendance vis-à-vis de compétiteurs étrangers dans le domaine des charges modulaires. Ce processus a impliqué des investissements significatifs dans la modernisation des infrastructures et le transfert de technologies et de compétences, qui ont pu être maintenues durant près de 20 ans au sein du groupe en Suède, en l’absence de commandes publiques.

Les principaux défis liés à cette relocalisation incluent la gestion de la montée en compétences des équipes locales et l’adaptation des installations pour répondre aux exigences de production accrues. Les travaux avancent nominalement et il faudra moins de 9 mois entre le début des travaux et le début de fonctionnement de la nouvelle entité. La DGA a financé à hauteur de 10 millions d’euros le projet relocalisation. Eurenco a par ailleurs bénéficié de 76 millions d'euros de l’Union européenne dans le cadre du programme ASAP (Act in Support of Ammunition Production) pour augmenter ses capacités de production

Source : Réponses écrites d’Eurenco à votre rapporteur

  1.   Lever les obstacles que rencontrent les PME-ETI de la BITD sur le chemin de l’économie de guerre
    1.   Lever les goulets d’étranglement dans la chaîne de sous-traitance

● Le défi d’augmenter les cadences de production ne dépend pas des seuls grands maîtres d’œuvre, mais implique de mobiliser l’ensemble de la chaîne de sous-traitance, composée principalement de PME.

Les sous-traitants assurent en effet près de 30 à 80 % du processus de production des équipements, selon les programmes. À titre d’exemple, la supply chain de MBDA est composée de 1 600 sous-traitants, qui interviennent au titre des 40 000 composants présents dans un missile complexe.

En outre, l’activité des sous-traitants se place généralement au début du processus de production, le maître d’œuvre ayant souvent un rôle d’intégrateur, de sorte que des goulets d’étranglement dans la chaîne de sous-traitance se traduisent mécaniquement par des retards dans la production finale.

● Or, le contexte d’économie de guerre crée dans certaines chaînes de sous-traitance une situation de forte tension, voire un risque de saturation, des appareils de production. Selon une note de conjoncture de l’INSEE du 9 juillet 2024, le taux d’utilisation des capacités de production des entreprises de défense françaises approche ainsi les 90 % (soit plus de 10 points au-dessus de la moyenne de l’industrie française)

La difficulté pour ces entreprises souvent duales est de répondre aux sollicitations de leurs donneurs d’ordre « défense », tout en conservant la confiance de leurs clients civils, qui assurent souvent la majorité du volume d’activité de l’entreprise. Ainsi que le relève en effet le directeur de la direction de l’industrie de défense, « le portrait-robot d’une entreprise moyenne de la BITD est une PME de cinquante employés avec un chiffre d’affaires défense aux alentours de 25 % » ([33]).

● Dans ce contexte, la direction de l’industrie de défense de la DGA s’attache à identifier les goulets d’étranglement au sein de la chaîne de sous-traitance, y compris avec les entreprises situées au-delà du rang 2.

Plus de 200 entreprises ont été identifiées par les industriels comme possibles goulets d’étranglement en cas de montée en puissance. L’identification de mesures organisationnelles a permis de recentrer l’étude sur moins de 100 entreprises, pour cibler in fine 49 entreprises potentiellement critiques pour plusieurs maitres d’œuvre industriels, traitées en priorité.

La DGA met alors en place des plans de remédiations adaptées à leurs difficultés (machines, ressources humaines sur les métiers en tension, financement, approvisionnement…).

● À titre d’illustration, en mars 2024, a ainsi été lancé le premier « accélérateur Défense » DGA-Bpifrance, permettant l’accompagnement intensif d’une trentaine de PME sous-traitantes critiques pour la BITD. En juin 2024, une démarche similaire (programme « ECODEF »), en partenariat avec la région Pays de la Loire, a été démarrée au profit d’entreprises ligériennes de défense.

L’ACCélérateur défense DGA-BPI

La Direction générale de l’armement (DGA) et Bpifrance ont lancé la première promotion de l’Accélérateur Défense le 27 mars 2024.

Composé de 28 PME, ce programme démarre dans un contexte particulier de passage à une économie de guerre, impliquant une accélération rapide des cadences industrielles.

Les entreprises sélectionnées pour participer à ce programme font partie de la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) constituée de l’ensemble des entreprises françaises qui travaillent directement ou indirectement à la réalisation et à la maintenance des équipements des forces armées.

Ces PME font face notamment à de nouveaux défis dans un contexte géopolitique particulier :

• Renforcer les investissements dans les outils de production et soutenir l’innovation ;

• Constituer des stocks stratégiques (matières premières, composants sensibles) et accélérer les cadences de production ;

• Gagner en agilité et en efficacité de production, à travers la simplification des équipements, normes et procédures ;

• Renforcer l’attractivité du secteur Défense et créer une réserve de compétences mobilisables.

Le démarrage de cette promotion de l’Accélérateur Défense s’inscrit ainsi dans une volonté forte et commune avec BPIFrance, d’accompagner les entreprises travaillant pour ce secteur stratégique pour faire rapidement évoluer leurs moyens de production. Ce programme d’accompagnement vise ainsi à aider les entreprises sélectionnées à maximiser leur performance opérationnelle et ainsi se mettre en capacité de produire de plus gros volumes, plus vite, à coûts maitrisés et dans la durée.

Ces 28 PME françaises s’apprêtent ainsi à suivre un programme d’accompagnement de 12 mois alliant conseils personnalisés, journées dédiées aux enjeux du secteur défense et mises en relation, afin d’offrir aux dirigeants tous les outils nécessaires pour répondre aux enjeux de l’économie de guerre :

•Conseils : réalisation d’une mission d’entrée ou d’une mission 360° pour identifier les axes prioritaires de croissance, suivie de 10 à 20 jours de conseil sur des modules dédiés ;

•Collectif : participation à 3 journées dédiées aux enjeux et problématiques actuelles du secteur (montée en cadence, enjeux de cybersécurité, recrutement…) ;

• Mises en relation : un accès privilégié aux réseaux d’entrepreneurs, communauté des « Accélérés » regroupant plus de 4 500 entreprises.

Source : ministère des Armées, « Lancement de l'accélérateur défense en partenariat avec BPIFrance », 11 avril 2024.

La DGA supervise également les relations entre les sous-traitants et les maîtres d’œuvre industriels (MOI). À cette fin, la DGA dispose ainsi de conventions avec les grands MOI pour permettre des actions coordonnées relatives à l’optimisation des chaînes de sous-traitance.

Ces conventions (dont les premières ont été signées en 2012) ont été amendées en 2024 pour intégrer des dispositions directement liées à l’économie de guerre, telles que :

– l’incitation de la chaîne de sous-traitance à une meilleure sécurité cyber et physique ;

– la tenue d’échanges réguliers entre la DGA et chaque maître d’œuvre sur le ruissellement des paiements vers la chaîne de sous-traitance ;

– une déclinaison vers les sous-traitants de la visibilité sur les commandes de systèmes d’armes offerte par la LPM ;

– une identification conjointe avec la DGA des goulets d’étranglement et des sous-traitants qui seraient critiques pour plusieurs MOI.

L’ensemble de ces actions, instituées à la faveur de l’économie de guerre, ont vocation à s’installer dans la durée. Elles ont ainsi été intégrées dans l’instruction ministérielle en faveur des ETI et PME et startups (« PEPS ») du 3 juillet 2024.

le PLAN PEPS EN FAVEUR DES ETI, PME ET START-UP de la défense

Le plan PEPS (plan d’action en faveur des ETI, PME et start-ups) traduit la volonté du ministère des Armées d'accompagner les PME, ETI et startups en lien avec la défense pour faire face aux nouveaux enjeux du secteur.

En juillet 2024, une nouvelle instruction ministérielle a été publiée, pour :

- étendre la politique fournisseurs aux startups ;

- installer dans la durée certaines actions instituées à la faveur du contexte de l’économie de guerre : suivi du ruissellement des paiements, montée en maturité cyber des chaînes de sous-traitance, renforcement de la relation avec les maîtres d’œuvre industriels pour un suivi resserré de la base industrielle et technologique de défense (BITD) ;

- renforcer le dialogue de proximité dans les territoires.

Afin de répondre au besoin d’une proximité accrue avec le tissu industriel, le ministère a densifié la présence de relais dans les territoires : dans chaque région il y a désormais un interlocuteur DGA (attaché d’industrie de défense en région, AIDER) pour les achats d’armement, un interlocuteur SGA (délégué régional) pour les achats hors armement, et un interlocuteur EMA (officier général de zone de défense et de sécurité).

Elle s’accompagne de la mise en place d’un délégué aux PME et ETI et d’un médiateur des entreprises (placés au sein de la direction de l’industrie de défense de la DGA), le délégué étant chargé de l’animation de l’instruction ministérielle.

Organisé autour de cinq piliers complémentaires, le plan PEPS regroupe 29 actions essentielles pour assurer le soutien aux fournisseurs du ministère : maintenir un dialogue de proximité, gage d’une relation de confiance ; financer de manière adaptée et réactive, pour s’adapter aux spécificités des ETI, PME et startups ; assurer la résilience et le lien armées-Nation, garants d’un tissu industriel efficace ; favoriser le soutien au développement, de manière directe ou indirecte, pour renforcer les acteurs industriels ; être un tiers de confiance, protégeant les intérêts de tous les acteurs industriels, seule véritable garantie de pérennité.

Source : ministère des Armées, « Lancement de l'accélérateur défense en partenariat avec BPI France », 11 avril 2024.

  1.   Lever l’obstacle du financement

● La préparation à l’économie de guerre exige que les entreprises de défense trouvent les financements nécessaires à la montée en puissance de leur outil de production.

Or, les PME-ETI du secteur de la défense connaissent des difficultés de financement, en raison, d’une part, des spécificités structurelles du secteur de la défense (longueur des cycles économiques, rôle de l’État comme client ou comme régulateur, notamment des investissements étrangers) et, d’autre part, de la montée en puissance des critères extra-financiers (ESG), qui sont interprétés à tort par certains comme excluant l’investissement dans le secteur de la défense.

Ces difficultés ne sont du reste pas propres aux entreprises françaises, comme l’a mis en exergue une étude récente de la Commission européenne, qui évalue le déficit d’investissement en capital dans les PME européennes du secteur de la défense à deux milliards d’euros et le déficit de financements en dettes entre un et deux milliards d’euros ([34]).

● L’action de la DGA en vue de soutenir le financement de la BITD comporte un « volet bancaire » et « un volet investissement ».

Sur le volet bancaire, la direction de l’industrie de défense abrite un « référent bancaire défense », qui est en contact direct avec le réseau des « référents défense », mis en place par la fédération bancaire française au sein des principaux réseaux bancaires. Il instruit toute demande de PME, ETI et startups de la BITD qui rencontrerait des difficultés de financement (y compris dans le cadre d’un contrat export) avec sa banque, du fait présumé de ses activités liées à la défense.

Par ailleurs, la DGA fait la chasse aux politiques internes des banques dont les exclusions iraient au-delà des exigences réglementaires. À cet égard, la notion « d’armes controversées » devrait être systématiquement accompagnée de manière explicite par la liste des armements concernés (mines antipersonnel, armes à sous-munitions, armes chimiques et biologiques), afin d’éviter toute surinterprétation possible des politiques d’exclusion.

Sur le volet investissement, les principales pistes d’actions de la DGA sont les suivantes :

– veiller, au niveau européen, que les évolutions de la réglementation ESG, ou toute autre réglementation extra-financière ne soient pas de nature à restreindre le financement du secteur de la défense. En outre, il convient de mesurer les effets concrets de l’assouplissement obtenu récemment de la banque européenne d’investissement (BEI) en faveur du financement du secteur dual ;

– s’assurer que les investisseurs publics évitent autant que possible de co-investir avec (ou investir dans) des acteurs financiers qui excluent l’investissement dans le secteur de la défense ;

– consolider dans la durée les relations entre le secteur défense et les banques en développant une meilleure compréhension mutuelle. Un évènement commun avec la direction générale du Trésor au profit des entreprises de la BITD est ainsi envisagé au début de l’année 2025 ;

– développer des mesures incitatives pour attirer les capitaux, en s’inspirant par exemple des dispositifs mis en place pour favoriser les investissements « verts » (écolabels et labellisation) ;

– renforcer des outils publics déjà existants (Definvest, prêt sans garantie Def’fi) et réfléchir à la mise en place d’orientations et/ou d’outils permettant à l’État de financer des fonds « souveraineté-défense » ;

– soutenir les initiatives visant à faciliter l’introduction en bourse des PME/ETI de défense.

  1.   Lever l’obstacle des ressources humaines

● Selon une étude sur la caractérisation des métiers en tension dans la BITD, réalisée en 2022 par le service ministériel de la statistique à la demande de la DGA, huit métiers sur 10, représentant 87 % de l’emploi total, sont en tension.

Cette situation est liée à une augmentation très sensible des besoins de recrutement, dans un contexte de manque de main d’œuvre dotée des qualifications nécessaires aux entreprises de la défense.

● Face à ces difficultés de recrutement, qui entravent la montée en cadence de certaines chaînes de production, la DGA a décidé de s’appuyer sur les outils et capacités de France Travail.

Ainsi, un « e-Forum Emploi Défense » au profit des PME et ETI de la BITD a été organisé par la direction de l’industrie de défense de la DGA en mars 2024 avec le soutien de France Travail. Celui-ci a permis aux entreprises de valoriser leurs métiers, de proposer des offres d’emploi et d’effectuer des entretiens de recrutement vidéo. Une deuxième édition est envisagée début 2025.

Le bilan de cet évènement montre cependant que 70 % des candidatures ont été refusées dès la première phase de sélection. Seules 16 % des candidatures ont été retenues pour un premier entretien dont 30 % ont été annulés par la suite. Seulement 22 seconds entretiens ont été programmés, illustrant la sélectivité disproportionnée et contreproductive des entreprises participantes, en matière de profils recherchés, malgré leurs problèmes de recrutement.

● Dans ce contexte, la DGA a érigé le soutien au recrutement en priorité de son action régionale, selon les axes d’effort suivants :

– améliorer la visibilité et l’attractivité RH de la BITD, en mettant en avant les familles de métier les plus en tension ;

– renforcer la fonction « attractivité/fidélisation » dans les PME sous-traitantes, en rapprochant notamment ces entreprises avec les groupements d’entreprises pour l’insertion et la qualification (GEIQ) ;

– mener des actions de communications spécifiques au recrutement : informer les dirigeants concernés des dispositifs publics d’accompagnement existants et améliorer la visibilité des offres d’emploi disponibles dans la BITD ;

– rappeler les maîtres d’œuvre à leur engagement en matière de pérennité des PME sous-traitantes dans le cadre du plan ministériel PEPS, lesquels s’opposent à toutes pratiques de débauchage sauvage au détriment de leurs sous-traitants.

● Enfin, la DGA développe également la réserve industrielle de défense (RID) instituée par la LPM 2024-2030.

Celle-ci a vocation à mettre en place un vivier de réservistes qualifiés à la disposition des entreprises de défense, qui serait particulière utile en cas de crise nécessitant une montée en cadence soutenue.

Les premiers engagements à servir dans la RID ont été signés fin 2023, avec un objectif d’environ 3 000 réservistes sur la période de la LPM 24-30.

  1.   Protéger les entreprises contre les menaces

Dans le cadre du chantier « économie de guerre », il est essentiel de renforcer la résilience de l’outil de production pour faire face aux risques d’espionnage et de sabotage, notamment cyber.

● Dès 2019, la convention cyber signée par le ministère avec les huit principaux maîtres d’œuvre industriels (MOI) de défense a permis de conduire des premières actions pour faire monter en maturité cyber la BITD.

Dans la continuité de cette convention, un référentiel d’exigences minimales de protection cyber (le « référentiel de maturité de cybersécurité fondamental ») a été établi à destination de l’ensemble des entreprises de la BITD. L’objectif est ainsi de mettre en place un processus de montée en maturité cyber progressif mais volontariste, en s’appuyant sur des référentiels simples et lisibles, co-construits avec les industriels.

Dans la même perspective, un conseil pour la cybersécurité de l’industrie de l’armement (CCIA) a été institué par le ministère des Armées et les huit maîtres d’œuvre industriels (MOI) au premier semestre 2024. Présidé par le directeur général adjoint de la DGA et le major général des Armées, le CCIA doit permettre un pilotage de ce sujet sensible au plus haut niveau de gouvernance.

● Dans le domaine de la protection physique contre les risques d’espionnage et de sabotage, un meilleur partage d’informations entre les acteurs de la sûreté industriels et étatiques a été mis en place. Il a ainsi été créé un « cercle de confiance » État-industrie regroupant la DGA, la DRSD et les principaux maîtres d’œuvre industriels concernés par l’économie de guerre.

La DGA a également établi un référentiel d’exigences minimales de protection physique (le « référentiel de sûreté fondamental ») co-construit avec les principaux maitres d’œuvre industriels, sur le modèle de ce qui a été réalisé dans le domaine du cyber.

Ces référentiels doivent être déclinés sur l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et ont vocation à être intégrés à terme dans les référentiels réglementaires, afin de renforcer l’action des entreprises contre les menaces d’espionnage et de sabotage.

III.   Les recommandations de votre rapporteur

A.   Poursuivre et amplifier le choc de simplification

Les exigences d’économie de guerre impliquent de poursuivre et d’amplifier la simplification de la conduite des programmes d’armement de la DGA. Plusieurs axes de progrès ont été identifiés par votre rapporteur dans ce domaine.

Il convient tout d’abord d’amplifier autant que possible la démarche de la force d’acquisition réactive (FAR), pour accélérer les cycles de développement. Si celle-ci n’est certes pas adaptée à des programmes très complexes, force est de constater que la vingtaine de projets traités à ce stade par la FAR constitue un périmètre fort réduit au regard du nombre de programmes dont la conduite est assurée par la DGA. En outre, un enjeu majeur pour la DGA est d’acculturer l’ensemble de ses services aux bonnes pratiques développées par la FAR.

La DGA pourrait également davantage valoriser « l’innovation ouverte », sans remettre en cause son rôle de maître d’ouvrage. Il s’agit de développer un dialogue plus poussé qu’aujourd’hui avec les industriels sur les projets de recherche que ces derniers développent sur fonds propres. Les propositions non sollicitées peuvent en effet être promises à un bel avenir, comme l’illustre le canon Caesar, qui n’est pas issu d’une expression de besoin de l’armée de terre et de la DGA, mais a été développé initialement par KNDS France sur fonds propres pour l’export.

Il serait également opportun que la DGA développe la pratique de l’homologation croisée pour des équipements qui ont déjà été qualifiés par des pays alliés ayant un niveau de standards techniques équivalent au nôtre. Cela permettrait de gagner un temps précieux pour des capacités telles que les bâtiments de guerre des mines du système de lutte anti-mine futur (SLAM-F), qui ont été développés sur la base de la plateforme retenue par la Belgique et les Pays-Bas.

Dans la même perspective, la DGA doit également davantage s’appuyer qu’elle ne le fait actuellement sur les certifications civiles existantes, lorsque des capacités civiles sont envisagées à des fins militaires (exemple de l’avion Beluga d’Airbus qui pourrait être adapté pour une solution d’avion « hors gabarit », ou des bâtiments navals hors frégates de premier rang).

La phase de contractualisation pourrait être également accélérée, en mettant en place une pratique fort développée dans le monde de l’industrie civile : les lettres de commande (« intention to proceed »). Celles-ci permettent, une fois l’industriel choisi, de lancer immédiatement les premiers travaux, encadrés par des plafonds de dépenses, sans attendre la fin des négociations contractuelles.

Le développement des contrats dits cost+fee, en lieu et place des contrats forfaitaires habituels, constitue également une piste de travail intéressante. Ce type de contrat permet notamment de moduler le prix du contrat en fonction des résultats de l’industriel, en termes d’augmentation de la capacité de production et/ou de réduction des délais de livraison.

Enfin, l’optimisation de la phase de qualification doit être recherchée, en évitant notamment les redondances pour les essais d’équipements entre la DGA, les armées, a fortiori dans un contexte où les moyens étatiques dans ce domaine sont saturés.

B.   Assurer l’exportabilité des équipements dès la phase de conception

Le critère de l’exportabilité de l’équipement doit impérativement être mieux pris en compte au stade de la définition des spécifications.

L’écosystème a en effet trop privilégié la sophistication technologique des équipements, qui était dans l’intérêt de tous : les armées, qui souhaitent avoir les équipements les plus performants possibles ; les ingénieurs et techniciens de DGA, qui sont stimulés par les défis technologiques ; les industriels, car les produits complexes coûtent plus chers.

Or, la complexité génère des coûts et des délais, qui constituent un véritable frein à l’exportation, notamment dans le secteur terrestre, a fortiori dans un contexte où les délais de livraison sont devenus un critère majeur pour les États acquéreurs de systèmes d’armement.

Il est donc impératif que la DGA effectue une analyse systématique des conséquences de certaines spécifications en matière d’exportabilité, sans sacrifier naturellement les besoins de nos armées.

Il en va de la compétitivité de nos entreprises de défense à l’export et par conséquent de la préservation de notre modèle de BITD souveraine et autonome.

C.   Créer un outil de financement dédié aux PME-ETI de la BITD

L’adaptation des PME-ETI de la BITD à l’économie de guerre nécessite un financement adapté. Or, il a été vu que nos entreprises de défense souffrent d’un déficit de financement privé en dette ou en capital, qui les empêche trop souvent de moderniser leur outil de production.

Le défi de l’économie de guerre exige donc l’établissement d’un mécanisme de fléchage de l’épargne vers les PME-ETI du secteur de la défense, pour pallier à la déficience des financements privés.

Si des propositions de loi ont évoqué la mobilisation du livret A à cette fin([35]), d’autres orientations semblent possibles.

La création d’un nouveau livret d’épargne dédié à l’industrie, évoqué par le premier ministre dans sa déclaration de politique générale, pourrait être un véhicule approprié pour un tel financement de l’industrie de défense.

Il serait également envisageable de s’inspirer des « fonds Tibi », qui mobilisent l’épargne des investisseurs institutionnels aux fins de financement des entreprises technologiques.

Quelle que soit la forme retenue, l’essentiel est d’agir vite pour permettre à nos PME-ETI de prendre résolument le chemin de l’économie de guerre.

 

 

 

 

 

 


   Travaux de la commission

 

I.   Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement

La commission a entendu M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324), au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2024.

 

Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/FPzS8K

   


II. Examen des crédits

  La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cormier-Bouligeon, les crédits inscrits au programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense » pour 2025, au cours de sa réunion du 30 octobre 2024.

 M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, de la mission Défense et du programme Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. « Au milieu du chaos, j’ai trouvé qu’il y avait en moi un calme invincible ». Il peut sembler paradoxal de commencer la présentation de ce rapport par une citation d’Albert Camus, connu pour son pacifisme. J’ai néanmoins considéré que parler de chaos reflétait bien la situation du monde tel qu’il est aujourd’hui et que le programme 146 d’investissement capacitaire sur le long terme correspond bien à la construction de ce calme invincible, qui doit être celui de notre pays.

Mes chers collègues, nos avis peuvent diverger au sein de cette commission sur le modèle d’armée, les coopérations européennes ou encore la dissuasion. Mais je crois que nous partageons tous ici la conviction profonde que la poursuite de la réparation et la modernisation de nos armées n’est pas une option, mais une ardente nécessité, un devoir moral vis-à-vis de nos concitoyens, de notre nation, des générations à venir qui vivront dans un monde périlleux. D’ailleurs, nous vivons d’ores et déjà dans un monde périlleux.

Réparer et moderniser nos armées est un devoir absolu. La Russie restera une menace durable, quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine. Si la Russie perd, elle cherchera à se venger ; si elle gagne, elle cherchera à profiter de son avantage. Comme nous le disait la semaine dernière, ici même, à l’Assemblée nationale, Ilia Iachine, opposant russe de M. Poutine, à peine sorti de vingt-cinq mois d’emprisonnement pour motif politique, « rien n’arrêtera M. Poutine dans sa guerre, si vous ne l’arrêtez pas, si vous n’aidez pas l’Ukraine à l’arrêter et à le repousser au-delà de ses frontières ».

À la Russie de M. Poutine, il convient encore d’ajouter l’Iran des mollahs au Proche et au Moyen-Orient ; la Corée du Nord et la Chine en Asie. Comme le dit avec justesse le ministre des Armées, « nous ne sommes pas en guerre, mais nous ne sommes plus en paix ». Il s’agit d’une rupture stratégique profonde et durable dont nos concitoyens n’ont peut-être pas encore suffisamment conscience.

Réparer et moderniser nos armées est un devoir, car nous sommes confrontés à une mutation sans précédent de la conflictualité, avec de nouveaux champs tels que l’espace, le cyber ou les grands fonds marins, et la multiplication des actions hybrides menées par nos compétiteurs. Enfin, l’Europe doit se préparer collectivement à assurer seule la sécurité de son continent, notamment en cas d’élection de Donald Trump.

Je salue naturellement, comme plusieurs de mes collègues rapporteurs auparavant, l’effort de la nation pour ses armées, avec cette nouvelle marche budgétaire à 3,3 milliards d’euros. Comme depuis 2019, nous votons et mettons en œuvre des lois de programmation militaire d’une ampleur inégalée et nous les exécutons à l’euro près.

Cependant, il ne faut pas oublier d’où nous venons. Il s’agit bien de réparer nos armées, qui ont été si abîmées par des décennies de coupes budgétaires. Nous ne pouvons que nous féliciter que soit révolue cette période funeste où elles étaient considérées comme une variable d’ajustement budgétaire. Elles ne doivent pas le devenir à nouveau.

Il faut d’ailleurs remettre en perspective cet effort budgétaire : consacrer 2 % de notre PIB pour garantir la sécurité de notre pays et assurer la maîtrise de notre destin collectif n’est pas cher payé. Posons-nous la question autrement : combien nous coûterait une défaite, combien nous coûte déjà la guerre menée par M. Poutine en Ukraine ? Combien nous coûte le mémorandum de Budapest de 1994, par lequel l’Ukraine a troqué l’abandon de son arsenal nucléaire contre le respect de ses frontières par la Russie ?

Cet effort de la Nation pour ses armées se retrouve naturellement dans le projet de budget du programme 146, dédié aux équipements de nos armées et à la dissuasion. Il est prévu, en 2025, plus de 50 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, soit le double de 2024. Les crédits de paiement s’élèvent quant à eux à 18,7 milliards d’euros, soit plus que les crédits de la mission Sécurités, qui regroupe la police, la gendarmerie et la sécurité civile. Depuis 2017, les crédits du programme 146 ont augmenté de 86 %, soit 30 points de plus que l’augmentation moyenne du budget de la mission Défense. Ce chiffre démontre à lui seul la priorité indispensable accordée au renouvellement capacitaire au regard des montants en jeu.

À quoi serviront ces crédits ? La priorité capacitaire pour 2025 est accordée au renouvellement de notre dissuasion nucléaire. Ainsi, 2025 restera une date clé dans l’histoire de notre dissuasion nucléaire, un jalon exceptionnel avec le lancement en réalisation de trois programmes majeurs : le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération pour plus de 11 milliards d’euros d’autorisations d’engagement ; le renouvellement du missile de notre composante océanique avec le quatrième incrément du M51 et, enfin, le renouvellement du missile de notre composante aéroportée l’ASN4G. Plus de 26 milliards d’euros d’autorisations d’engagement sont ainsi mobilisés pour la modernisation de notre dissuasion, pour garantir sa robustesse et sa crédibilité pour la période post 2035.

Outre le renouvellement de notre dissuasion, le deuxième fait marquant du PLF 2025 concerne le lancement du marché principal du porte-avions de nouvelle génération (PA Ng), avec la mobilisation d’une enveloppe conséquente de plus de 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement.

Au-delà de la dissuasion et du PA Ng, le renouvellement concerne l’ensemble du spectre capacitaire, avec des équipements de très haute technologie. Je pense par exemple au lancement annoncé du standard F5 du Rafale et de son drone de combat accompagnateur, ou encore au développement de capacités de destruction des défenses aériennes ennemies grâce à des missiles antiradars qui seront intégrés aux Rafale F4. Je tiens également à évoquer des équipements plus rustiques, mais nécessaires, comme les premières munitions téléopérées souveraines, développées par KNDS France et Delair, qui viennent de réussir leur premier test.

Enfin, le projet de budget 2025 intègre d’importantes évolutions décidées par l’ajustement annuel de programmation (A2PM), avec un effort accru sur les missiles et munitions ainsi que sur la lutte anti-drones. Entre 2025 et 2027, plus d’un milliard euros par rapport aux prévisions de la LPM sera ainsi consacré aux munitions.

Je voudrais maintenant en venir, mes chers collègues, à mes principaux points d’attention. Mon premier point d’attention concerne la fin de l’année 2024. Les crédits actuellement gelés pour le programme 146 représentent un montant inédit de 1,2 milliard d’euros, soit plus de la moitié de l’augmentation des crédits prévus en 2025. Par conséquent, en cas d’absence de dégel ou de dégel a minima, l’ensemble de la programmation capacitaire 2025 serait remis en cause, dès lors que ce qui n’a pas été commandé en 2024 devra l’être en 2025.

Mon second point d’attention porte sur nos programmes européens majeurs. Concernant le SCAF, l’enjeu de l’année 2025 consistera à négocier l’entrée dans la phase 2, qui doit aboutir à un premier démonstrateur. À ce titre, nous devons être très clairs auprès de nos partenaires sur nos conditions et nos lignes rouges, avant d’entrer dans cette phase déterminante du programme.

À mon sens, trois conditions principales doivent être remplies. Il s’agit d’abord de s’assurer que les spécifications du SCAF, et donc son coût, ne remettent pas en cause le format de notre aviation de chasse. Deuxièmement, la part actuelle des industriels français ne doit pas être remise en cause et le principe du best athlete doit être sauvegardé. Enfin, il est impératif de garder notre liberté d’action à l’export.

S’agissant maintenant du Main Ground Combat System (MGCS), le futur système de combat terrestre, je salue le travail accompli par les états-majors français et allemands sur l’expression des besoins. Je salue également le travail accompli par notre ministre, Sébastien Lecornu, et son homologue allemand, Boris Pistorius : l’accord de 2024 a préservé l’essentiel, avec la coresponsabilité de KNDS France sur la « fonction feu », aux côtés de Rheinmetall. Il est essentiel, selon moi, de soutenir ce programme européen. Nous avons besoin de prévoir le remplacement du char Leclerc, ainsi que de construire des partenariats entre États européens. Cependant, ne faut-il pas craindre que cette coopération théorique sur la « fonction feu » se transforme en pratique en véritable compétition entre les deux entreprises pour imposer ses propres solutions ?

Mon troisième et dernier point d’attention concerne le successeur du lance-roquettes unitaire (LRU). Je m’inscris en faux contre la perspective, que certains évoquent, d’acheter un système étranger sur étagère. Je rappelle que la LPM prévoit expressément qu’une solution souveraine devra être privilégiée, seul moyen de préserver notre liberté d’action et d’emploi. Je salue à cet égard la décision récente du ministre des Armées de retenir une telle approche, ce qui ouvre la voie à la notification des deux marchés de partenariat aux deux groupements d’industriels français pour développer le successeur du LRU.

Je conclurai mes propos en évoquant la partie thématique de mon rapport, que j’ai consacré à « la DGA face au défi de l’économie de guerre ». À la demande du Président de la République et du ministre des Armées, Emmanuel Chiva, le délégué général pour l’armement, a entamé une transformation profonde de la DGA dès mai 2022. Les services ont été réorganisés, avec notamment la création d’une direction de l’industrie de défense. Plusieurs chantiers ont été lancés pour simplifier la conduite des programmes d’armement.

Outre sa transformation interne, le rôle de la DGA dans le cadre de l’économie de guerre consiste à soutenir l’adaptation de la BITD pour être en mesure de produire plus, plus rapidement. À ce titre, l’enjeu du financement sera particulièrement marqué pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Je conclus en n’émettant un avis favorable, en prenant en compte de mes réserves s’agissant de la fin de la gestion 2024.

M. Yannick Chenevard (EPR). Par nature, la DGA, créée pour accompagner le programme de dissuasion nucléaire, est habituée aux grands programmes complexes, qui peuvent atteindre parfois plusieurs milliards d’euros et durer des décennies.

Dans l’après-guerre froide, nous avons dû adapter notre appareil industriel et la DGA, en privilégiant les programmes lourds et les technologies sophistiquées. Mais aujourd’hui, nous avons changé d’époque, avec le retour de la guerre, des empires et des conflits de haute intensité. Nous préparons notre BITD à l’économie de guerre. N’est-il pas venu le temps d’une certaine simplification, pour gagner en efficacité ?

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Vous avez raison, la simplification est nécessaire pour être au rendez-vous de l’économie de guerre. Il faut d’abord simplifier l’expression des besoins. Notre écosystème a longtemps privilégié la sophistication technologique des équipements, parce qu’elle était dans l’intérêt de tous, c’est-à-dire des armées ; des ingénieurs et techniciens de la DGA ; et des industriels. Mais la complexité génère des coûts et des délais, ce qui n’est plus acceptable dans le contexte actuel, ni dans l’optique d’exportation de nos équipements, laquelle est nécessaire à l’équilibre de notre BITD souveraine.

En deuxième lieu, la DGA doit également faire preuve d’une plus grande audace pour contourner un certain nombre de normes civiles qui nuisent au bon déroulement des programmes. Elle doit également prendre un certain nombre de risques en réduisant les exigences de documentation, mais aussi alléger les processus d’acceptation des matériels, surtout quand ils émanent d’industriels jugés matures. Enfin, la DGA doit s’ouvrir davantage aux propositions non sollicitées des industriels. Je pense par exemple au canon Caesar, d’abord développé sur fonds propres par KNDS. J’ai confiance en Emmanuel Chiva et dans l’ensemble des équipes de la DGA pour mener à bien ce chantier de la simplification.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprise de taille intermédiaire (ETI) de la défense connaissent des difficultés de financement en raison des spécificités structurelles du secteur de la défense et de la montée en puissance des critères extra-financiers, comme les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), que certains interprètent à tort comme excluant les investissements dans le secteur de la défense. La DGA porte-t-elle un effort sur le financement des PME et ETI ? Quelles sont vos propositions en la matière ?

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Vous avez raison de soulever ce point fondamental du financement, qui ne nous est pas inconnu ici, à la commission de la défense nationale et des forces armées, puisque notre ancien collègue Jean-Louis Thiériot s’est particulièrement impliqué sur ce sujet.

Celui-ci ne se limite cependant pas à la France : une étude de la Commission européenne de janvier 2024 estime ainsi que le déficit d’investissement en capital dans les PME européennes du secteur de la défense s’élève à deux milliards d’euros. Or la préparation de l’économie de guerre exige évidemment que les entreprises de défense de toutes tailles obtiennent les financements nécessaires pour faire monter en puissance leur outil de production.

L’action de la DGA dans ce domaine comporte un volet bancaire un volet en investissement. S’agissant du volet bancaire, la DGA a mis en place en son sein un référent bancaire défense. Il est en charge d’instruire toutes les demandes des PME ou ETI qui rencontreraient des difficultés de financement avec leur banque. D’après les retours que j’ai obtenus dans le cadre de mes travaux, ce dispositif fonctionne bien. La DGA fait aussi la chasse aux politiques internes des banques dont les exclusions iraient au-delà des exigences réglementaires. Il s’agit par exemple de s’assurer que la notion « d’armes controversées » ne soit pas prétexte à exclure des acteurs de la dissuasion nucléaire.

Sur le volet financement, la DGA s’assure notamment que les investisseurs publics évitent autant que faire se peut de co-investir avec des acteurs financiers qui excluent l’investissement dans le secteur de la défense. Elle réfléchit également à développer des mesures incitatives pour attirer les capitaux, en s’inspirant par exemple des dispositifs pour favoriser les investissements verts comme les éco labels.

Pour ma part, j’estime que le défi de l’économie de guerre exige l’établissement d’un mécanisme de fléchage de l’épargne collective vers les PME et les ETI du secteur de la défense, pour compenser une certaine déficience des financements privés. L’utilisation du « livret A » a déjà fait l’objet de nombreuses propositions, mais il ne s’agit pas du seul outil envisageable. La création d’un nouveau livret d’épargne dédié à l’industrie, évoquée par le Premier ministre dans son discours de politique générale, pourrait constituer un véhicule approprié pour un tel financement de l’industrie de la défense.

Quelle que soit la forme retenue, l’essentiel consiste agir vite pour permettre à nos PME et à nos TPE de prendre résolument le chemin de l’économie de guerre en même temps que les grands acteurs de la BITD. Au niveau européen, il est impératif que la Banque européenne d’investissement (BEI) montre l’exemple en ouvrant sa politique de prêts aux entreprises de défense, et pas seulement aux entreprises duales. Cela serait un signal très fort à l’égard des autres investisseurs institutionnels.

M. Julien Limongi (RN). Monsieur le rapporteur, vous faites le constat d’un échec des discussions entre KNDS et Leonardo dans le cadre du MGCS et vous constatez que l’Allemagne a choisi de développer un char de transition, le KF51. En revanche, vous ne mentionnez pas une solution alternative en France. A-t-elle été évoquée lors de vos auditions ? Enfin, je vous remercie d’avoir évoqué le livret d’épargne de défense, qui figurait dans les propositions de Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle de 2022.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Donald Trump a clairement indiqué qu’il réduirait sensiblement sa participation à l’OTAN s’il était à nouveau élu. Nous devons donc nous poser la question des coopérations entre les BITD des différents États membres de l’UE ou de l’Europe élargie au Royaume-Uni pour faire face à nos besoins d’investissement, notamment sur des segments aussi lourds que le char du futur. Je ne suis pas certain en effet que chaque pays soit en mesure de développer des solutions souveraines.

S’agissant du char du futur, des étapes importantes ont été franchies, qu’il s’agisse de l’expression commune de besoin par les états-majors des armées françaises et allemandes ou de l’accord conclu entre les deux ministres en avril dernier, dont nous attendons la mise en œuvre dans les semaines à venir. Aujourd’hui, KNDS France a la coresponsabilité du canon et de la tourelle. Sur ce programme comme pour le SCAF, l’essentiel consiste à investir dans les briques technologiques, qui nous seront utiles à terme. Nous devons également nous interroger sur la motorisation, pour essayer d’augmenter la durée de service de nos chars Leclerc.

M. Sylvain Maillard (EPR). J’estime que la coopération franco-allemande peut nous permettre de franchir un pas technologique dans le cadre du programme MGCS, que les parlementaires allemands considèrent aujourd’hui d’un meilleur œil que par le passé. Au-delà de la réalisation de ce programme, souhaitez-vous que notre besoin de développer ces briques dans les années à venir soit pleinement réaffirmé ?

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous devons naturellement faire du financement de la recherche et du développement de ces briques technologiques une priorité. La solution de sagesse consiste à la fois à jouer pleinement le jeu du MGCS, tout en préparant des options alternatives, au cas où ce programme n’irait pas à son terme. De ce point de vue, nous avons intérêt à soutenir les industriels français, afin qu’ils poursuivent la recherche sur ces briques technologiques, qui nous seront, quoi qu’il arrive, nécessaires.

Je me permets enfin d’évoquer les avions Awacs, qui sont notamment présents à la base aérienne 702 d’Avord. La rénovation du cockpit a pris du retard et coûterait cher. Aujourd’hui, l’armée de l’air et de l’espace étudie un certain nombre de solutions alternatives. Des officiers de l’armée de l’air m’ont indiqué que la solution GlobalEye développée par Saab semble constituer une réponse à leurs besoins. Selon moi, il faut prendre une décision rapidement au sujet du successeur de l’Awacs.

 

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La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la suite de l’examen pour avis des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », « Défense » et « Sécurités ».

Nous commençons par les interventions des orateurs des groupes avant le vote sur les amendements et les crédits de ces trois missions.

Mme Caroline Colombier (RN). J’ai une pensée pour les hommes et les femmes engagés sous nos drapeaux, qu’ils soient militaires, civils de la défense, membres des forces de l’ordre ou anciens combattants. Par-delà les chiffres, ils sont au cœur des missions budgétaires dont nous allons débattre. Nous devons être collectivement à la hauteur de leur engagement, présent ou passé, qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime.

Notre groupe d’opposition ne manquera pas d’interroger les ministres sur les manques et les incohérences des budgets présentés – c’est le jeu démocratique. Mais n’oublions pas l’essentiel : par-delà les clivages, nous parlons pour le même pays, la même nation, le même drapeau et pour tous ceux qui les défendent. Les ministres des armées et des anciens combattants représentent les armées d’une France qui tient encore son rang dans le concert des nations, grâce notamment à sa puissance militaire.

Celle-ci est cependant limitée. Notre armée n’a pas la masse critique – thème cher au général Burkhard – pour affronter un conflit de haute intensité. Elle est sous-dimensionnée pour protéger le deuxième domaine maritime du monde, avec seulement une centaine de navires. Les récents exercices Orion ont montré que beaucoup reste à faire dans le domaine des satellites. Son service de santé, pourtant le meilleur au monde, ne peut prendre en charge que huit blessés en urgence absolue en cas d’engagement majeur.

L’armée britannique qui, comme la nôtre, fut un temps incontestée, fait face aux mêmes défis. La question est de savoir si nous sommes prêts à aller vers la guerre, selon le titre du dernier livre du ministre des armées, comptable des moyens mis en œuvre dans ce domaine. Il faut bien constater qu’il existe un écart entre l’autosatisfecit auquel il s’est livré et la réalité.

La hausse de 3,3 milliards des crédits de la mission Défense prévue pour 2025 par la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024 – 2030) n’est qu’une façade. Si l’on tient compte du surcoût des opérations extérieures (Opex), qui atteint 2 milliards et pour lequel aucune solidarité ministérielle n’est à attendre, et de la hausse de l’aide à l’Ukraine par le biais du recomplètement des matériels et des fonds alloués à la Facilité européenne pour la paix (FEP), la marche budgétaire est en réalité un faux plat. Si l’on ajoute à tout cela les gels et les surgels de crédits, dont le montant s’élève à 2,6 milliards pour 2024 et qui ne manqueront pas de se reproduire en 2025, on constate que le projet de loi de finances pour 2025 ne prévoit aucune hausse du budget de nos armées.

Dans le détail, on y retrouve les lubies macronistes qui font tant de mal à nos armées : 813 millions sont prévus pour le système de combat aérien du futur (Scaf) et 97,6 millions affectés au programme système principal de combat terrestre (MGCS) – deux projets qui s’enlisent et sont voués à l’échec. Le Scaf va à l’encontre de tous les fondamentaux de la coopération industrielle : ni doctrine d’emploi commune, ni coopération commune, ni spécification commune. Le MGCS est affecté des mêmes tares, que confirme le lancement par l’Allemagne et l’Italie d’un projet concurrent.

Pourtant, le Gouvernement persévère, au détriment des intérêts de notre pays et de toute logique industrielle. Certes, il faut un char du futur. Certes, il faut un avion du futur. Certes, la coopération est souhaitable, à condition qu’elle soit réellement utile et non destinée à satisfaire des chimères européistes qui ne mènent à rien – la référence gaulliste n’échappera pas à nos ministres.

Concernant la mission Défense, les amendements du groupe Rassemblement national s’attacheront à préserver une armée souveraine, plus humaine et plus innovante. Nous proposerons la réallocation des moyens dévolus à des programmes ou à des structures inutiles à des segments de nos armées qui en ont bien besoin. Nous défendrons une augmentation des moyens pour le cadre de travail et de vie de nos militaires et de leurs familles. Nous proposerons des amendements permettant d’innover et de rester dans la course avec nos compétiteurs, notamment dans le domaine spatial.

Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation sont stables, à hauteur de 1,9 milliard. Toutefois, nous dénonçons avec force les économies réalisées sur le dos du monde combattant par le biais de la stagnation de la pension militaire d’invalidité (PMI). L’an dernier, devant cette commission, la secrétaire d’État Patricia Mirallès s’était engagée à faire progresser le point d’indice de la PMI de 4 % en deux ans. Tel ne sera pas le cas.

Faire des économies sur les anciens combattants en leur accordant une aumône n’est pas acceptable ! Notre groupe défendra une hausse du point d’indice de la PMI alignée sur le taux d’inflation de 2024. Sans vouloir polémiquer, chacun sait quelle mauvaise gestion a durablement affecté nos finances publiques. Faire des économies d’accord, mais pas au détriment de nos anciens combattants !

Par ailleurs, nous aurons à cœur de défendre le patrimoine du monde combattant, sans lequel la mémoire ne repose sur rien, par le biais d’amendements relatifs à la préservation des drapeaux, des stèles et des plaques commémoratives. Nous aurons également à cœur de défendre les moyens accordés aux associations et à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Enfin, nous défendrons une extension de la demi-part fiscale accordée aux veuves d’anciens combattants.

Concernant la mission Sécurités, dont les crédits relèvent du ministère de l’intérieur, nous tiendrons compte des observations du major général de la gendarmerie nationale (MGGN). L’un de nos membres, ancien gendarme, aura à cœur de défendre ses frères d’armes.

Notre vote sur les trois missions qui nous sont soumises pour avis dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous sommes un parti d’opposition responsable. Nous espérons que le Gouvernement le sera à l’identique pour aboutir à un budget acceptable par tous.

M. Yannick Chenevard (EPR). 50,5 milliards de crédits : telle est l’enveloppe qui sera consacrée à notre défense en 2025, soit 3,3 milliards de plus qu’en 2024, ce qui est conforme à la trajectoire fixée par la LPM 2024 – 2030. Cela représente 18 milliards de plus qu’en 2017. L’effort est colossal, d’autant qu’il a été engagé après des décennies de coupes budgétaires et de baisses drastiques. Ce que je qualifiais ce matin de saignées a été rappelé en chiffres par le ministre devant notre commission : disparition d’un régiment sur deux de l’armée de terre ; fermeture de onze bases aériennes ; réduction de 135 à 85 du nombre de bâtiments de combat. Le budget soumis à notre examen pour avis est donc une étape essentielle. Pour la huitième année consécutive, le budget de la défense augmente ; il aura doublé en 2030, à l’issue de l’application de la LPM 2024 – 2030.

Pour nos armées, la nation consent un effort financier inédit, qui doit être particulièrement salué dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Chaque euro doit être optimisé. Le respect de la trajectoire de la LPM 2024 – 2030 permettra à la France de poursuivre la préparation et la transformation de son armée, et de tenir son rang ainsi que ses engagements dans un contexte de durcissement de la conflictualité.

Ces crédits contribueront à financer les priorités retenues. Une attention particulière sera portée à la modernisation de notre dissuasion nucléaire. Dans son rapport, notre collègue François Cormier-Bouligeon salue l’investissement massif prévu par le projet de finances pour 2025 en faveur de notre dissuasion. L’année 2025 sera notamment celle du lancement de la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), et du renouvellement des missiles de nos composantes océanique – M51 – et aéroportée – ASN4G.

Ce budget garantit également d’autres investissements, qui participent au renforcement de notre autonomie stratégique, notamment dans les domaines de l’espace, des fonds marins, du cyber, du renseignement, de la sphère informationnelle et de l’innovation, afin de donner à nos armées les capacités de renseignement, d’analyse et d’action dans les champs hybrides, matériel et immatériel.

Le budget 2025 profitera directement à nos militaires, dans leur quotidien. Des moyens seront mis en œuvre pour parfaire l’équipement du combattant, la préparation opérationnelle et les conditions d’entraînement, pour renforcer le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit plan « famille », et pour améliorer la politique salariale. Outre répondre aux besoins essentiels de nos armées, ce budget permettra de soutenir notre tissu économique et d’ancrer progressivement notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation, le projet de loi de finances prévoit un budget stable, ce dont nous nous réjouissons. L’enveloppe du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation permettra notamment de financer l’ouverture d’une nouvelle maison Athos, à Colmar. S’agissant de la transmission de la mémoire, l’enveloppe concrétisera notamment un engagement fort contre l’antisémitisme au profit du Mémorial de la Shoah. Quant à la gendarmerie, son budget est porté à 6,9 milliards, ce qui permettra notamment de créer quatre-vingts brigades et sept escadrons de gendarmerie mobile.

Ce budget est à la hauteur des enjeux et des menaces. Il s’agit d’un effort colossal, que la nation consent dans un contexte budgétaire resserré, pour assurer la défense de ce que nous sommes : une nation libre. Notre groupe votera les crédits des missions.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Dans le contexte d’austérité massive et de matraquage social qu’incarne le budget 2025, la mission Défense fait figure d’exception. De là à dire qu’elle a été sanctuarisée et que la marche de 3,3 milliards prévue par la LPM 2024 – 2030 est pleinement respectée, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Le groupe La France insoumise est obligé de faire part de ses réserves pour trois raisons : l’insincérité, l’insoutenabilité et – pour la rime – la naïveté.

L’insincérité tient au fait que figurent au budget des armées des dépenses qui ne devraient pas y figurer. Le ministre a eu beau nous dire que l’exécution de la loi finances pour 2024 n’est pas achevée et qu’il ne désespère pas d’éviter des annulations de crédits ou l’imputation de dépenses exceptionnelles à son ministère, nous n’en croyons rien. Il est évident que les dépenses plus ou moins imprévues engagées dans le soutien à l’Ukraine, dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP) et dans le déploiement d’effectifs en Nouvelle-Calédonie/Kanaky auront un impact sur l’exécution du budget 2024 et engendreront des reports de charges. Ainsi, même si la somme allouée semble facialement conforme à la LPM 2024 – 2030, il faudra payer plus avec la même somme. La baisse effective est donc incontestable.

Au demeurant, le ministre en a convenu à demi-mot lorsqu’il a affirmé que, avec le projet de budget 2025, la « programmation physique » ne sera pas affectée. Cette idée de programmation physique, dont l’usage n’est guère courant, nous fait comprendre sans peine qu’il existe au sein du ministère une programmation non physique qui, elle, sera affectée. On devine ce qu’elle désigne. C’est principalement la préparation opérationnelle qui fera les frais de cette insincérité, ce qui n’est pas acceptable.

En matière d’insincérité, un autre point noir persiste, alors même qu’il a été signalé par le rapporteur pour avis Bastien Lachaud : le flou entourant les définitions respectives des missions extérieures (Missops) et des Opex, qui non seulement permet de contourner le Parlement, mais a des conséquences financières que le rapporteur pour avis a eu le loisir de présenter ce matin.

Le deuxième sujet de préoccupation est la soutenabilité de la trajectoire que dessine ce projet de budget. Même si l’on peut se féliciter qu’il confirme le lancement de programmes à effet majeur (PEM) structurants pour nos armées et pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), parmi lesquels le porte-avions de nouvelle génération (PANG) est peut-être le plus important, il n’en demeure pas moins que nous voyons s’édifier un véritable mur des restes à payer après 2027, qui a de quoi nous inquiéter. Il est logique que le décalage entre autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) s’accroisse notablement en cette deuxième année d’application de la LPM 2024 – 2030. Nous sommes au début d’un cycle, j’en conviens.

Il n’en reste pas moins que l’explosion des crédits à ouvrir après 2027 obérera toute marge de manœuvre pour le prochain Président de la République – si tant est que nous devions attendre cette date pour en élire un –, ce qui soulève des interrogations du point de vue démocratique. On m’objectera qu’il s’agit de la contrepartie de l’idée même de programmation. Quoi qu’il en soit, la trajectoire des crédits à ouvrir année après année est inquiétante. Les dépenses qui devront être engagées après 2027 pour honorer des AE ouvertes dès à présent sont vertigineuses ; elles risquent fort d’empêcher tout nouvel investissement.

J’en viens à la naïveté, qui caractérise sans discontinuer les choix du Gouvernement en matière de coopération. Le choix d’écarter Atos du marché du supercalculateur qui équipera l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) est présenté comme technique. Il demeure incompréhensible, surtout si l’on prétend sauver cette entreprise.

Quant à l’obstination du Gouvernement à poursuivre les programmes franco-allemands Scaf et MGCS, nous donnons l’alerte depuis plusieurs années sur l’absence totale de fiabilité du partenaire allemand. Au fil des ans, les faits – hélas ! – nous donnent raison.

Ce mois-ci, nous avons successivement appris que l’Allemagne s’engage avec le Royaume-Uni pour le développement d’un drone de combat, dont on voit mal comment il n’aurait pas vocation à s’intégrer au Scaf, et, plus inquiétant, que Rheinmetall, qui est déjà le passager clandestin du MGCS, s’engage dans un projet de char avec l’Italien Leonardo. La démonstration que j’ai faite à plusieurs reprises est plus que jamais pertinente : tandis que le MGCS devient l’unique option de Nexter, il devient parfaitement rentable et avantageux pour les Allemands d’en partir au dernier moment : ils seront alors sans concurrent européen sur le marché et nous n’aurons plus qu’à acheter allemand, au nom de la préférence européenne que nous promouvons par ailleurs.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas approuver ce budget.

Mme Anna Pic (Soc). Dans un contexte d’austérité budgétaire généralisée, la mission Défense du projet de loi de finances pour 2025 est l’une des seules à être préservée. Ses crédits augmentent de 3,3 milliards pour atteindre 50,5 milliards, comme prévu par la LPM 2024 – 2030. Compte tenu des besoins de nos armées, nous nous en réjouissons.

Si cette augmentation correspond à l’euro près aux engagements que nous avons votés, diverses raisons incitent à croire que, par-delà les aspects budgétaires, nous ne serons pas en mesure d’appliquer les dispositions adoptées il y a un an et demi, et à remettre en cause la sincérité des éléments qui nous sont présentés.

Le déploiement significatif de militaires dans le cadre des JOP sera vraisemblablement pris en charge dans sa totalité par le ministère des armées. Il s’agit de dépenses déjà engagées dont le ministère ne pourra s’exonérer. Par effet de substitution, certains programmes – lesquels ? – en pâtiront.

Le même raisonnement peut s’appliquer au financement des Opex, dont les provisions étaient insuffisantes, d’autant que le flou subsiste concernant leur qualification et leur intégration dans le budget dédié. Il en va de même s’agissant du soutien à l’Ukraine, qui n’est pas au niveau attendu, en plus d’être particulièrement flou, comme l’a rappelé Thierry Sother lors de l’audition du chef d’état-major des armées (Cema), qu’il a interrogé sur les crédits alloués à la FEP.

En outre, le financement de la mobilisation de nos armées en soutien aux forces ukrainiennes ne doit pas être intégré – la LPM 2024 – 2030 l’indique clairement – à la trajectoire budgétaire que nous avons adoptée. Par ailleurs, comme le rappelle Isabelle Santiago dans son rapport sur avis sur le budget des forces terrestres au sein du programme Préparation et emploi des forces, de fortes inquiétudes subsistent sur la fin de l’exercice budgétaire en cours, au point de compromettre la capacité de ces forces à atteindre les objectifs fixés par la LPM 2024 – 2030, notamment sur les gels et surgels survenus en cours d’année.

Nous défendrons plusieurs amendements illustrant nos diverses interrogations sur le projet de budget 2025. L’un d’eux visera à abonder à hauteur de 200 millions le fonds de soutien à l’Ukraine, dont l’adoption permettrait à la France de se conformer aux engagements pris, dans les cadres national et bilatéral, avec le gouvernement ukrainien. Compte tenu de la rapidité de l’évolution du contexte géopolitique et géostratégique et des menaces qui en découlent pour la France et l’Europe, nous donnerons l’alerte sur la nécessité, pour le ministère des armées, de mettre l’accent sur le renseignement et sur la recherche stratégique, en vue d’anticiper les menaces.

Si l’annonce du ministre Lecornu relative au lancement du PANG est la bienvenue du point de vue du respect du calendrier, nous appelons l’attention de l’Assemblée nationale sur les conséquences qui en résulteront sur le financement des autres équipements de la Marine nationale, qui ne sont pas moins nécessaires. Dans un contexte de multiplication de l’emploi des forces maritimes, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2025 risquent fort d’être insuffisants.

Par ailleurs, plusieurs de nos amendements viseront à la remise d’un rapport, pour évaluer notamment la poursuite du plan « famille 2 », la mise en œuvre du dispositif d’économie de guerre et l’équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, dont nous débattons chaque année.

Dans le cadre de l’examen de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous présenterons deux amendements portant sur des mesures que nous avons défendues l’an dernier, en espérant que le nouveau gouvernement fera davantage preuve d’esprit d’ouverture que le précédent. Il s’agit d’accorder une réparation, aussi légitime que dérisoire du point de vue strictement financier, aux membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Cette demande de réparation ayant été explicitement reconnue par le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030, il est plus que temps de confirmer le financement correspondant, soit 92 290 euros. L’Assemblée nationale doit rendre justice aux vingt-deux derniers survivants avant qu’il ne soit trop tard.

La situation budgétaire de la France et les dépenses contraintes précédemment évoquées obligeront le ministère à faire des sacrifices. Au groupe Socialistes et apparentés, nous sommes ouverts à l’idée de prendre position sur les choix opérés par l’exécutif ; encore faudrait-il que nous soyons en mesure de les apprécier pleinement. Aussi aimerions-nous savoir où sont les coupes cachées avant de nous prononcer. En fonction du sort qui sera réservé à nos amendements et des réponses que nous attendons, notre groupe se prononcera favorablement ou s’abstiendra lors du vote des crédits des trois missions.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Notre commission est privilégiée : deux des trois budgets que nous examinons – la mission Défense et le programme Gendarmerie nationale – sont en augmentation. En cette période difficile pour nos finances publiques, il convient de le rappeler.

Le groupe Droite républicaine votera les crédits de la mission Défense, en prenant acte du respect intégral de la LPM 2024 – 2030. La tentation a été grande de faire participer la défense à l’effort budgétaire important que notre pays doit consentir, mais les crédits annoncés sont bel et bien là, et la cible d’augmentation nette des effectifs prévue par la LPM 2024 – 2030 est maintenue. Dès le mois de juillet, lors de la présentation de notre pacte législatif, notre groupe a classé le respect de la LPM 2024 – 2030 parmi ses lignes rouges.

Toutefois, comme nous l’avons rappelé à M. le ministre lors de son audition, plusieurs points appellent notre vigilance. Le premier est le gel des crédits, qui prendra dans les mois à venir une importance majeure : il s’agira d’éviter que Bercy prenne ce qu’il n’a pu obtenir lors de la présentation du budget. Plusieurs de nos rapporteurs pour avis se sont exprimés ce matin sur ce point.

Le deuxième est le financement des Opex et des opérations intérieures (Opint), qui est en baisse par rapport à la programmation, pour les raisons objectives que nous connaissons tenant à la situation en Afrique saharo-sahélienne. Toutefois, la hausse de la conflictualité, largement décrite par les chefs d’état-major devant notre commission depuis plusieurs années, exclut que nous baissions la garde – les tensions graves au Proche-Orient nous le rappellent chaque jour.

Quant à l’amplification des Opint, elle est aussi source d’inquiétude. Si celles menées dans le cadre des JOP étaient prévues et connues, les événements dramatiques survenus en Nouvelle-Calédonie ne manquent pas de nous inquiéter s’agissant de leurs répercussions budgétaires. S’agissant de l’aide, essentielle, à l’Ukraine, nous sommes attachés à son financement interministériel.

Nous nous opposerons aux amendements visant à remettre en cause l’équilibre, que nous savons fragile, de la LPM 2024 – 2030. Battons-nous ensemble, comme nous l’avons fait lors de son examen, pour nous assurer qu’elle est exécutée à l’euro près !

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, nous partageons certaines craintes exprimées par notre rapporteur pour avis, mais nous comptons particulièrement sur la ténacité de notre nouveau ministre délégué pour faire avancer les questions qui nous tiennent à cœur, telles que la revalorisation de la retraite des combattants. Nous n’oublions pas ce que nous leur devons.

Nous prenons acte de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur l’indemnisation des harkis. Nous regrettons qu’il ait fallu une décision de justice pour qu’ils obtiennent gain de cause – ultime symbole de cette douloureuse question ! Concernant la jeunesse, nous soutenons la volonté du Gouvernement de revoir en profondeur la journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne répond plus à sa vocation première.

Dans un contexte budgétaire difficile et contraint, le budget Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation permet de maintenir les droits, d’avancer sur de nombreux sujets et d’instaurer une juste indemnisation de nos compatriotes harkis. Notre groupe votera ses crédits.

Au sein de la mission Sécurités, les crédits du programme Gendarmerie nationale augmentent de plus de 500 millions. Nous saluons cet effort. Cependant, son schéma d’emploi nul fait peser des menaces sérieuses sur l’exécution des engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) en matière de création de brigades. Le déploiement de nouvelles brigades en est un engagement essentiel. Nos concitoyens l’attendent. Quant à la montée en puissance de la réserve, pilier essentiel de la gendarmerie, elle suscite aussi des inquiétudes justifiées. En raison de ces interrogations légitimes et en attendant le sort fait à nos amendements ainsi que les réponses du Gouvernement, le groupe Droite républicaine s’abstiendra sur les crédits du programme Gendarmerie nationale.

M. Damien Girard (EcoS). Ce budget est utile et globalement adapté à notre armée et à l’environnement stratégique. L’augmentation du montant des crédits des quatre programmes de la mission Défense est nécessaire pour respecter le cadre fixé par la LPM 2024 – 2030 et accompagner l’adaptation de notre armée aux tensions géopolitiques, au retour de la haute intensité sur notre continent et aux conséquences du péril écologique.

Le renforcement des moyens concourant aux exigences d’une dissuasion nucléaire robuste et crédible ainsi que la poursuite de la modernisation des équipements sont vitaux pour notre sécurité et pour celle de l’Europe. Les efforts en matière de remise à niveau des infrastructures, de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et d’investissement des nouveaux champs de conflictualité, au premier rang desquels les fonds marins, sont réels et contribuent à notre préparation.

Toutefois, ce budget n’est pas à la hauteur des ambitions que nourrit la France et des responsabilités qu’elle assume. Le domaine maritime en témoigne. Notre marine a dû recourir à un bricolage provisoire pour maintenir l’activité de quinze frégates de premier rang en attendant la livraison des frégates de défense et d’intervention (FDI). Cette rupture capacitaire démontre que l’objectif de quinze frégates de premier rang est insuffisant pour assumer les responsabilités de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde et la protection de nos nombreux territoires dits d’outre-mer.

À titre comparatif, l’Italie vise seize frégates de premier rang, alors que sa zone d’intérêt maritime est plus réduite. Le retour au format qui prévalait avant la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, soit dix-huit frégates de premier rang, est un minimum.

Certes, les navires de second rang sont plus nombreux. Ils sont capables d’assurer certaines missions. Néanmoins, ils demeurent complémentaires des frégates de premier rang et ne disposent pas des mêmes capacités face aux enjeux de haute intensité caractérisant la nouvelle donne géopolitique. Évacuation des ressortissants français des pays en tension ; lutte contre les trafics illicites, notamment dans l’océan Indien et dans les Caraïbes ; protection de notre ZEE, notamment dans l’océan Pacifique ; soutien à la liberté de navigation ; mise en œuvre de la dissuasion ; participation aux exercices, notamment dans le cadre de l’Otan : notre marine est partout et tout le temps. Elle doit être dotée correctement pour assurer sa mission.

Plus généralement, la stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique doit s’appuyer une réalité capacitaire, notamment maritime, sous peine d’être une ambition de feuille de papier. Notre marine aurait pu être mieux dotée, à un coût réduit, sans les décalages et les réductions de séries ayant affecté certains programmes, notamment celui des frégates multimissions (Fremm).

Les ressources humaines du ministère des armées demeurent en tension, qu’il s’agisse de l’accompagnement des conjoints, de la revalorisation salariale ou de l’amélioration de la condition des militaires. Les marges de progression sont réelles. L’effort ne doit pas être relâché. Le taux de rotation élevé du personnel, provoqué par une insuffisante fidélisation, engendre concrètement des coûts supplémentaires de recrutement et de formation.

À cet égard, la réserve opérationnelle est un outil précieux, dont la montée en puissance doit continuer à être accompagnée. La sanctuarisation des moyens qui lui sont attribués est nécessaire. Pourtant, le rapport pour avis sur le programme Gendarmerie nationale indique que le projet de loi de finances pour 2025 remet directement en cause les engagements de la Lopmi sur la montée en puissance des réserves de la gendarmerie. La réserve doit être soutenue dans son ensemble, de façon constante et programmée. L’Assemblée nationale doit y être attentive.

Le groupe Écologiste et social votera ce budget, dont les imperfections ne font pas oublier l’essentiel : une adaptation budgétaire réelle de notre armée à un contexte international plus que dégradé. J’émets toutefois une réserve sur son orientation générale. Ni la LPM 2024 – 2030 ni le projet de loi de finances pour 2025 n’effectuent de véritable priorisation stratégique de nos forces armées. Enjeu méditerranéen, positionnement face à la Russie, stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique, préservation de notre capacité à entrer en premier sur un théâtre d’Opex, maintien de l’effectivité de notre dissuasion : vous conviendrez que l’augmentation du budget, bien réelle, est insuffisante compte tenu de ces multiples objectifs, dont je pourrais ajouter qu’ils sont très ambitieux à l’aune de notre situation budgétaire.

Une priorisation des enjeux donnant à notre flanc sud-est l’importance qu’il mérite permettrait de rationaliser les dépenses prévues par la LPM 2024 – 2030. La construction d’une sécurité européenne prise en main par les Européens est un enjeu de long terme, au sein duquel la France doit être capable d’humilité dans son rapport à ses partenaires et d’ambition dans sa contribution à la défense collective de notre continent.

Mme Josy Poueyto (Dem). En votant la LPM 2024 – 2030, nous nous sommes fixé l’objectif de transformer nos armées. Après des années de sous-investissement, face à un environnement stratégique chaque année plus dégradé, il était temps de renforcer et de moderniser notre modèle d’armée. Je salue le travail de notre ministre des armées, Sébastien Lecornu, qui a engagé cette réforme d’ampleur et continue de veiller à son déploiement.

Avec un budget de 50,5 milliards, soit une hausse de 3,3 %, les crédits de la mission Défense sont ambitieux. Ils respectent la trajectoire votée par le Parlement, ce dont dépend sa crédibilité. Nous avons choisi de privilégier la cohérence et l’efficacité à la masse. L’entraînement et l’équipement de nos militaires sont donc particulièrement importants. En 2025, 10 milliards seront investis dans les équipements et leur MCO, et près de 8 milliards seront consacrés à la préparation et à l’emploi des forces. Nous n’ignorons pas la nécessité de nous adapter aux nouvelles menaces et d’anticiper des sauts technologiques pour avoir une guerre d’avance plutôt qu’une guerre de retard. L’innovation sera l’une des priorités pour 2025, ce dont nous nous réjouissons.

Le cyber, le renseignement, les drones et l’intelligence artificielle sont des domaines stratégiques pour nos trois armées. Ils deviennent indispensables pour les guerres de demain. Nous saluons ce budget, qui alloue plus de 1 milliard à l’innovation, 300 millions au cyber et 450 millions aux drones. Un effort supplémentaire de 100 millions par rapport aux 200 millions prévus par la LPM 2024 – 2030 pour l’intelligence artificielle doit nous permettre d’acquérir un supercalculateur pour nos armées dès l’année prochaine.

Cette transformation de nos armées vise à renforcer notre autonomie stratégique et à maintenir la France au rang des grandes puissances. En augmentant de 8 % le budget de la dissuasion, nous pouvons engager la modernisation de ses deux composantes et la construction du PANG, assurant notre posture de nation-cadre auprès de nos alliés comme de nos adversaires.

De tels objectifs sont hors d’atteinte si nous ne disposons pas des ressources nécessaires. Nous nous félicitons de la montée en puissance de nos armées, nourrie par la poursuite de l’effort en faveur de la réserve opérationnelle, qui bénéficiera de la création de 700 équivalents temps plein (ETP) et de plus de 27 000 recrutements. Ces emplois seront les bienvenus dans le renseignement, le cyber et l’intelligence artificielle, secteurs d’avenir pour nos armées.

Deux autres éléments s’avèrent cruciaux pour nos militaires et leurs familles : l’amélioration de leurs conditions de vie en emprise et la reconnaissance de leur engagement au service de la nation. Notre groupe a toujours été particulièrement attentif à l’accompagnement des familles de nos militaires, qui subissent elles aussi les contraintes de cet engagement. Nous saluons le déploiement du plan Fidélisation 360, qui vise à améliorer le quotidien des militaires dans les emprises.

En 2025, ces mesures permettront la rénovation du parc immobilier de nos armées, qui se trouve parfois dans un état de vétusté avancée. J’appelle l’attention de la commission sur les casernes de gendarmerie dont la rénovation est attendue de longue date par nos gendarmes, comme l’a rappelé Valérie Bazin-Malgras ce matin. Nous sommes également très attachés au plan « famille 2 », qui sera doté de 51 millions pour augmenter l’offre de garde de jeunes enfants, construire des crèches et étendre la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile.

Notre reconnaissance pour le sacrifice de nos militaires doit être sans faille, notamment lorsqu’ils sont blessés ou deviennent anciens combattants. Nous espérons que la promesse de construction de nouvelles maisons Athos en 2025 sera suivie d’effets, tant ces structures sont importantes pour la guérison.

Le groupe Les Démocrates salue l’effort budgétaire consenti dans le projet de loi de finances pour nos armées. Les crédits de la mission Défense, de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et du programme Gendarmerie nationale traduisent notre volonté de poursuivre la transformation de nos armées, de soutenir au mieux nos soldats ainsi que leurs familles et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France. Notre groupe votera ces crédits.

Mme Lise Magnier (HOR). Le groupe Horizons & indépendants soutient les efforts nécessaires consacrés à la réduction des dépenses publiques et au redressement des comptes publics. Il ne nous semble pas moins nécessaire de préserver les trajectoires des lois de programmation dans les domaines régaliens, pour nos armées, pour nos policiers, pour nos gendarmes, pour notre sécurité civile et pour notre justice.

S’agissant de la mission Défense, notre groupe salue l’augmentation continue du budget alloué à nos armées. Notre pays évolue dans un monde dangereux, caractérisé par des rivalités entre puissances et des menaces hybrides émanant d’acteurs étatiques et non étatiques – un monde dans lequel nos intérêts doivent être protégés. Nous saluons le choix de préserver et de confirmer les engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030.

Il faut toutefois bien constater que, depuis son adoption, l’environnement stratégique de la France est en constante évolution. En 2023, la guerre en Ukraine entrait dans sa deuxième année et les Ukrainiens pouvaient encore compter sur l’engagement résolu de l’Europe et des États-Unis. La perspective d’une victoire électorale de Donald Trump bouleverse la donne. Par ailleurs, les tensions au Proche-Orient n’avaient pas atteint les sommets actuels. Le dispositif militaire français en Afrique entamait tout juste sa transformation, qu’il a fallu accélérer au lendemain du coup d’état au Niger. Le tournant de l’intelligence artificielle, qui n’était pas complètement intégré dans les efforts prioritaires identifiés par la LPM 2024 – 2030, est désormais bien pris en compte, comme le montre l’excellent rapport d’Anne Le Hénanff.

Le groupe Horizons & indépendants soutient les quatre inflexions stratégiques du budget des armées : le nouvel effort prioritaire sur l’intelligence artificielle ; la fidélisation de nos soldats ; le rééquilibrage stratégique en Afrique et sur le flanc est de l’Europe ; l’accélération de l’effort d'acquisition de munitions. Il veillera à préserver ce qu’il considère comme des fondamentaux : la dissuasion nucléaire comme pilier de notre souveraineté ; la place de la France dans l’Alliance atlantique et son action pour la défense européenne ; l’action du ministère des armées en faveur de la qualité de vie de nos soldats et de leurs familles. Notre groupe votera les crédits de la mission Défense.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe salue la relative stabilité des crédits qui lui sont alloués. Ce budget consacre le maintien des efforts pour nos blessés, pour les harkis et leurs familles en tenant compte de la décision de la CEDH du 4 avril 2024, et pour la reconnaissance envers le monde combattant dans toute sa diversité. Le montant de 1,8 milliard permettra aussi, après une année riche en commémorations de la Libération, d’envisager une fête nationale d’ampleur pour les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945.

Le lien armées-jeunesse bénéficie d’une attention particulière : les crédits qui y sont consacrés augmentent de plus de 50 %. Nous appelons de nos vœux la transformation de la JDC et souhaitons qu’elle devienne enfin une journée d’intérêt national pour les jeunes citoyens. Nous voterons les crédits de la mission.

Concernant le programme Gendarmerie nationale, nous saluons l’augmentation générale allouée au budget de la mission Sécurités. Il est indispensable que l’effort budgétaire pour la création de 239 brigades de gendarmerie se poursuive. Si quatre-vingts brigades ont été créées, le maillage territorial doit s’intensifier. La gendarmerie est présente sur 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Nos gendarmes méritent toute notre attention et, surtout, les moyens d’exercer leurs missions. Si l’ordre dans les comptes est une priorité pour le groupe Horizons & indépendants, il ne doit pas être obtenu au détriment de l’ordre dans la rue, indispensable à notre cohésion sociale. Notre groupe votera les crédits de la gendarmerie nationale.

M. David Habib (LIOT). Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation est stable. Il aurait été judicieux de consacrer son évolution à la revalorisation du point d’indice de la PMI. Notre groupe signale à l’attention l’insuffisante reconnaissance de celles et ceux qui ont combattu pour notre pays et méritent notre respect ainsi que notre accompagnement.

S’agissant de la gendarmerie nationale, j’ai été satisfait, comme d’autres ici, de la décision prise dans le cadre de la Lopmi de créer 239 brigades d’ici 2027. Depuis ma première élection en 2002, quatre gendarmeries ont été fermées dans ma circonscription. Grâce à la Lopmi, nous avons enregistré, pour la première fois, la création d’une brigade mobile, qui fait particulièrement bien son travail. Un engagement est pris pour 2025 ; toutefois, la question des effectifs obère la capacité à créer des brigades de gendarmerie. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une stratégie de maillage territorial. Ce questionnement devra obtenir réponse de la part du Gouvernement au cours de l’exercice budgétaire.

Concernant les 50 milliards inscrits au budget la mission Défense, nous saluons le respect de la LPM 2024 – 2030. Nous avons trois sujets de préoccupation. Le premier est le financement des Opex, qui suppose une solidarité des autres ministères. Nous avons conscience qu’elle a des limites. Le deuxième est la capacité à consommer les crédits d’armement – 20 milliards de commandes pour nous faire entrer dans l’économie de guerre –, qui suppose que les 200 000 salariés des quelque 4 000 industries concernées soient informés et formés, en capacité d’être recrutés, et connaissent suffisamment à l’avance les demandes du ministère des armées. Le troisième est l’application du plan « famille 2 », qui se heurte à la question de la mobilité. Face à tout cela, nous appelons à un effort de déconcentrations des pouvoirs, tout en étant conscient qu’elle n’est pas, en Macronie, la préoccupation première. Le local est capable d’apporter des réponses là où l’échelon national est ankylosé.

Ne pas voter ce budget serait étrange – j’en ai voté de moins bons. Nous le voterons avec les réserves que je viens d’énumérer.

M. Édouard Bénard (GDR). De 2017 à 2024, les crédits de la mission Défense ont augmenté de 46 %. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle augmentation de 3,3 milliards, qui en porterait le budget à 50,5 milliards, soit une hausse de 7,5 %, au moment même où le Gouvernement entend tailler dans grand nombre de dépenses publiques. Cette hausse s’inscrit dans le cadre plus général de la LPM 2024 – 2030, à laquelle ce budget est conforme.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont voté contre la LPM 2024 – 2030. Ils ne sont pas opposés aux investissements matériels permettant de renouveler et moderniser l’équipement de nos forces armées en tant que tels, mais considèrent que certains axes d’investissement retenus par la LPM 2024 – 2030 et leur déclinaison dans le projet de loi de finances pour 2025 intriguent du point de vue des évolutions technologiques et de la réalité de leur caractère opérationnel.

L’année 2025 sera celle du lancement officiel du PANG, grâce à un budget de 224 millions. Nous avons eu l’occasion de formuler nos réserves sur le chantier d’un nouveau porte-avions nucléaire. Nous nous interrogeons toujours sur sa pertinence et sur son coût, s’agissant d’un outil particulièrement coûteux à l’intérêt stratégique limité. Lorsque la France s’est engagée contre l’État islamique, 80 % des frappes aériennes ont été effectuées au départ de la Jordanie, contre 20 % depuis le Charles de Gaulle. Par ailleurs, l’emploi d’un porte-avions ne dispense pas de l’autorisation de survoler l’espace aérien d’États tiers pour mener à bien les missions confiées aux avions embarqués, comme d’ailleurs celles des avions de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), ce qui limite l’intérêt du PANG.

Certains experts militaires affirment que notre pays doit augmenter le nombre de Fremm, pour assurer des missions diverses plus importantes et quotidiennes telles que la surveillance maritime, l’écologie marine et la lutte contre les trafics. Notre pays n’a pas les capacités financières nécessaires pour mener de front ces deux chantiers. Il ne peut en choisir un qu’au détriment de l’autre.

Les moyens significatifs consacrés à la dissuasion nucléaire, notamment sa composante sous-marine qui bénéficiera de 752 millions en 2025 pour financier les SNLE 3G, dans le cadre d’une enveloppe globale de 5,8 milliards, ne nous intriguent pas moins. Le retour d’expérience (Retex) du conflit russo-ukrainien démontre les limites de la dissuasion.

Concernant la seule dissuasion nucléaire sous-marine, son intérêt stratégique tient à la mobilité des sous-marins et à la difficulté, pour la partie adverse, de les localiser. Le progrès continu de l’intelligence artificielle allié au réseau de surveillance satellitaire et aux dispositifs de surveillance sous-marine tels que les réseaux de balises dérivantes, les radars et les sonars haute fréquence, pourraient remettre en question, dans un avenir proche, le caractère furtif des SNLE, qui fait tout leur intérêt stratégique.

Ainsi, le budget consacré à la dissuasion nucléaire, appelé à monter en charge dans le cadre des engagements pris dans le cadre de la LPM 2024 – 2030, cannibalise des moyens qui pourraient être plus judicieusement employés à l’équipement et à l’entraînement de nos forces armées conventionnelles pour assurer la sécurité du territoire. Alors même que l’objectif de 185 Rafale à l’horizon 2030 est considéré comme le minimum nécessaire par l’état-major de l’AAE, le budget consacré à la dissuasion nucléaire en 2025 permettrait à lui seul d’en acquérir soixante. Or ces chasseurs peuvent, avec l’appui d’avions ravitailleurs, être projetés en quarante-huit heures partout sur le territoire français, sans avoir besoin d’un groupe aéronaval (GAN).

S’agissant de la partie recettes du budget, l’ampleur des commandes d’équipements et de services du ministère des armées auprès d’entreprises à capitaux français nous autorise à nous interroger sur le niveau de retour de recettes dans le budget de l’État. À titre d’exemple, la décision du groupe industriel KNDS – réunissant dans une holding le français Nexter, issu de la privatisation de GIAT Industries privatisé, et l’armurier allemand Krauss-Maffei Wegmann – d’implanter son siège aux Pays-Bas pour des raisons d’optimisation fiscale intrigue, d’autant que son capital est détenu à 50 % par l’État français. Ce sont autant de rentrées fiscales manquantes à l’heure où nous cherchons des recettes supplémentaires, pouvant notamment servir à abonder le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, en particulier pour revaloriser plus substantiellement la valeur du point d’indice de la PMI, qui sert au calcul de la PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant.

À défaut d’une réécriture profonde des orientations de la mission Défense du projet de loi de finances élaboré par le Gouvernement, en cohérence avec notre vote sur la LPM 2024 – 2030, les députés de la Gauche démocrate et républicaine n’approuveront pas les crédits.

M. Matthieu Bloch (UDR). Au nom du groupe UDR, je rends hommage aux femmes et aux hommes engagés – militaires, gendarmes et réservistes – qui protègent nos compatriotes au quotidien, parfois au péril de leur vie. Ils font partie de ceux pour lesquels l’engagement, la patrie et le sacrifice ont un sens. Nous leur devons reconnaissance.

Notre position est claire : seule une grande ambition en matière de défense permettra à la France d’assurer son indépendance. Face à la résurgence des foyers de tension dans le monde, notamment à l’est de notre continent, au Proche-Orient et dans le Caucase, où l’Azerbaïdjan multiplie les agressions contre le peuple arménien, la France n’a plus le choix. Elle doit se maintenir parmi les grandes puissances dans le concert des nations, à l’heure où cette place lui est plus que jamais contestée.

Concernant la mission Défense, nous reconnaissons la nette augmentation des efforts pour l’équipement de nos forces, à hauteur de près de 6 milliards pour notre dissuasion et de 1,9 milliard pour nos Rafale, et pour la mise en marche du PANG, que nous soutenons.

Toutefois, nul ici n’est naïf : cette hausse de crédits ne pourra être que d’apparence, en raison du gel de crédits par Bercy sur l’exercice 2024, de l’ordre de 2,6 milliards. Les quelque 570 millions prévus pour les Opex ne permettront pas, comme chaque année, d’assumer les surcoûts induits par le déploiement de nos soldats. J’ai une pensée particulière pour ceux mobilisés au Proche-Orient, en Méditerranée et dans le cadre des opérations Aigle en Roumanie et Lynx en Estonie. Si la France doit se maintenir comme grande puissance militaire, il faudra envisager une plus grande ambition financière sur ce point.

Par ailleurs, l’objectif de relocalisation de notre production d’équipements militaires est évoqué sans être concrétisé. Ce budget aurait dû être l’occasion d’engagements forts. Nous devons assurer le maintien de la France parmi les fleurons industriels de l’armement. Nous sommes aux prémices de potentielles dépendances industrielles à l’échelon européen, sans objectif militaire et géopolitique commun, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Au groupe UDR, nous souhaitons que les missions régaliennes de l’État soient exercées d’abord au service du peuple français. Dans ces circonstances et compte tenu des crédits proposés, il s’abstiendra sur la mission Défense.

Concernant la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, nous faisons le vœu d’une revalorisation forte du point d’indice de la PMI pour permettre aux invalides de procéder aux soins de kinésithérapie ou de rééducation fonctionnelle dont ils ont besoin, et surtout d’obtenir des prothèses et divers équipements partiellement remboursés par la sécurité sociale. Nous nous opposons à la baisse de l’allocation de reconnaissance du combattant alors même que le Gouvernement prévoit 14 millions supplémentaires pour le lien armées-jeunesse, avec des objectifs bien minces de refonte de la JDC. Il est invraisemblable que le Gouvernement fasse le choix de faire des économies sur nos héros de guerre. Le groupe UDR votera contre les crédits de cette mission.

Enfin, la hausse envisagée des crédits de la mission Sécurités ne nous semble pas à la hauteur des enjeux. D’abord, les crédits de 173 millions consacrés à l’exercice des missions militaires sont relativement faibles. Ensuite, les signaux rouges sont nombreux en matière de maintien de l’ordre public dans notre pays. Lundi dernier encore, le ministre de l’intérieur a rappelé le niveau très élevé de la menace terroriste, en demandant une plus grande sécurisation des lieux de culte chrétiens pour la Toussaint. Il y a quelques jours, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a décidé de prolonger le couvre-feu dans l’archipel jusqu’au 4 novembre. Quel message ce budget enverra-t-il à nos gendarmes ? Des mesures fortes s’imposent, au premier rang desquelles une véritable revalorisation des conditions de vie et d’exercice opérationnel de nos gendarmes. Le groupe UDR votera contre les crédits de la mission Sécurités présentés par le Gouvernement.

M. le président Jean-Michel Jacques. Merci à tous les orateurs de groupe. Nous allons passer maintenant à l’examen des amendements déposés devant notre commission avant de voter sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis.

 

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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense »

M. le président Jean-Michel Jacques. La commission a été saisie de 108 amendements, dont onze ont été retirés avant discussion et onze déclarés irrecevables – cinq au titre de l’article 40 de la Constitution, trois au titre de l’article 41 de la Constitution et trois faute de s’inscrire dans le champ de la saisine de la commission.

 

 

Article 42 et État B : Crédits du budget général

 

 

Amendement II-DN109 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Cet amendement d’appel vise à favoriser le bon développement du bataillon de renseignement de réserve spécialisé (B2RS), ayant vocation à offrir une capacité nouvelle de recherche en sources ouvertes. Installé à Strasbourg, il a vocation à créer d’autres compagnies au sein d’autres villes universitaires. Il s’agit d’alerter le Gouvernement sur son manque de visibilité au sein de la programmation. Le budget provisionné ne garantit pas le bon développement de ce bataillon.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les crédits du B2RS sont rattachés à l’armée de Terre et non aux deux services de renseignement – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) – du programme 144. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Le ciblage des crédits tel qu’il apparait dans le dispositif de l’amendement n’est donc pas correct. Par ailleurs, la brigade de renseignement a été dissoute en 2016 au profit de la brigade de renseignement et cyber-électronique (BRCE). Avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je m’étonne que l’amendement cible uniquement la BRCE, créée le 1er août 2024, et non tous les réservistes de l’armée de Terre. Avis défavorable.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Les services de l’Assemblée ont validé l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN100 de M. Frédéric Boccaletti

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN102 de M. Frédéric Boccaletti

M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à soutenir et à pérenniser nos compétences en matière de cartographie. Sans les géographes militaires du 28ème groupe géographique de l’armée de terre, qui travaillent à l’abri des regards, il aurait été difficile de protéger les JOP. À l’heure du système d’information du combat Scorpion (SICS) et de Google Maps, il faut préserver la capacité à imprimer des cartes de manière autonome, car nos réseaux demeurent vulnérables.

Sur des théâtres d’opérations complexes, où les brouillages sont de plus en plus fréquents, cette compétence est primordiale et infaillible, à condition d’être régulièrement mise à jour. La carte sur papier a un bel avenir. Le présent amendement vise à pérenniser cette compétence et à lui permettre d’évoluer.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La déroute des armées françaises en 1870 relevait de la méconnaissance de la cartographie. Heureusement, nous avons progressé depuis lors. Il est indispensable de maintenir les efforts dans ce domaine, notamment si nos armées sont amenées à combattre dans des conditions dégradées, où les solutions numériques disparaissent.

J’émets toutefois un avis défavorable à votre amendement, pour deux raisons. La cartographie ne relève pas uniquement de l’armée de terre. La marine et l’AAE ont également besoin de services de cartographie compétents. L’amendement aurait davantage sa place dans une action dédiée à la formation interarmées, pour que les armées puissent toutes bénéficier d’un soutien dans le domaine cartographique. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN49 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à acquérir un lot de chars Leclerc Évolution. Ce char, présenté lors du salon de l’armement Eurosatory en juin 2024, est un char de génération intermédiaire offrant une véritable solution pour établir une transition opérationnelle et technologique entre le Leclerc, actuellement en service, et le char du futur du projet MGCS. Cela permettrait de lancer son exportation, à l’heure où les nouveaux modèles de chars allemands sont exportés en Europe. Nous préconisons l’achat de six chars, pour un coût unitaire estimé à 8 millions.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes un certain nombre à soutenir l’évolution du char Leclerc, notamment pour que les industriels français soient en capacité de proposer des solutions innovantes telles que le projet de canon Ascalon développé par KNDS France, mais plutôt dans le cadre du MGCS.

Il est inutile d’abonder le programme 146 pour l’acquisition du Leclerc Évolution, qui n’est pas un produit fini que nous pourrions commander et acquérir sur étagère dès 2025, mais un prototype. J’ignore d’ailleurs comment vous avez pu chiffrer le coût de son acquisition. Par ailleurs, en cas d’échec de la coopération sur le MGCS, les études nationales et les acquis obtenus par les acteurs de la BITD sur les briques technologiques que nous avons financées serviront à financer une solution alternative. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. La qualité du démonstrateur Leclerc Evolution de KNDS est indéniable. Toutefois, nos auditions ont permis de mieux cerner les besoins militaires de l’armée de terre. Les forces terrestres ne souhaitent pas d’un char Leclerc amélioré. L’enjeu consiste à ne pas rater la marche du changement de génération en consacrant des ressources à un modèle intermédiaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN20 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il y a douze ans, on nous promettait le char du futur en collaboration avec l’Allemagne : le MGCS. Nous n’en sommes qu’à l’étape des études préalables. Il faut bien constater que ce projet a du mal à avancer, en raison d’intérêts contraires – du côté allemand – et de projets alternatifs – en Allemagne et en Italie. Cela donne l’impression que nos programmes sont stérilisés pour permettre à nos concurrents de développer les leurs. Le présent amendement vise à réattribuer les crédits alloués au MGCS à l’étude et à la fabrication d’un char alternatif français.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je m’inscris en faux contre vos propos. Le projet MGCS progresse. Il y a quelques mois, les états-majors des armées française et allemande ont formulé l’expression commune de leurs besoins, et un accord a été cosigné par les ministres Lecornu et Pistorius.

Je prends note de votre remise en cause idéologique des partenariats européens. Notre vision est différente de la vôtre, d’autant que nous devrons faire des efforts pour faire travailler ensemble nos BITD nationales à l’échelle européenne. Je salue moi aussi l’excellent travail de KNDS France, mais je ne puis émettre un avis favorable à l’amendement.

Par ailleurs, j’aimerais vous poser la question suivante : sur quelle base le char intermédiaire que vous appelez de vos vœux doit-il reposer ? Sur un châssis de Leopard ? Sur un châssis à faible contenu allemand – pour l’exportation dont parlait notre collègue Colombier, par exemple dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, un tel châssis n’est pas envisageable ? Avec quel niveau d’automatisation ? Ces questions ne sont pas tranchées dans votre proposition. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Même avis. Nous devons faire confiance aux utilisateurs. Nous sommes députés de la nation. Tout le monde, au sein des armées, notamment le chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat), que nous avons auditionné, dit que la solution que vous proposez ne correspond pas à leur souhait. Faisons confiance au Cemat pour choisir le système qui correspondra le mieux aux besoins de nos armées. Les deux états-majors se sont parlé ; les ministres ont signé des documents. Avis défavorable.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Le MGCS n’est pas uniquement un char. Il s’agit d’un système incluant des drones terrestres et s’inscrivant dans une dimension de combat collaboratif. Tout cela justifie sa production en collaboration.

Par ailleurs, les chars Leclerc ayant été modernisés, les utilisateurs considèrent que les enjeux sont désormais la logistique et le maintien MCO. Nous y sommes très attachés. Nos chars doivent être opérationnels.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je vous remercie, monsieur Cormier-Bouligeon, de me prêter le talent de pouvoir répondre en deux minutes à une question que le couple franco-allemand n’a pas réussi à élucider en douze ans. Nos homologues allemands nous ont clairement indiqué – lors d’une réunion à laquelle j’étais et certains d’entre vous aussi – développer le char Leopard pour faire concurrence à la France, le MGCS étant le cadet de leurs soucis. Soyons un peu réalistes et pragmatiques !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN65 de M. Emmanuel Fernandes

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Sur les théâtres d’opération à haute intensité, les drones de combat, notamment antichar, sont arrivés, sans faire disparaître les dispositifs antichars standards sol-sol ou sol-air. La maîtrise de ces dispositifs ainsi que de ceux qui les empêchent d’opérer est décisive. C’est pourquoi il importe d’élaborer des dispositifs passifs – tels que des parapluies – et actifs capables de protéger les chars Leclerc des éléments antichar.

La vulnérabilité liée à l’absence de dispositifs tactiques de protection contre ces attaques est plus que significative. En l’absence de réponse matérielle adaptée, elle est susceptible d’entraîner une incapacité opérationnelle de nos unités blindées. Devant les atermoiements du ministère et afin de lever les doutes qui subsistent sur la volonté réelle de financer de tels dispositifs, nous appelons l’attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur ce sujet.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je partage votre analyse. Le Retex ukrainien met en lumière la grande fragilité des chars, notamment face à la menace des drones. Deux programmes – Prometeus (Protection multi effets terrestre unifiée) et Pronoia (protection novatrice orientable intégrée d’autoprotection) – sont menés par la direction générale de l’armement (DGA). Ils étudient la pertinence de l’intégration de systèmes de protection active, travaillant respectivement sur une solution hard kill et soft kill. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement d’appel permet de rappeler que le calendrier n’est pas tenu, alors même que la question de la protection des chars Leclerc a déjà été soulevée. Le rôle de la représentation nationale est de manifester sa volonté ferme et claire qu’il le soit. Nous ne sommes pas là uniquement pour tenir le crachoir du Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN73 de M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP)

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous souhaitons acter, par cet amendement d’appel, notre volonté de voir émerger un projet de char intermédiaire entre le projet MGCS et le char Leclerc. Si le premier n’aboutit pas, nous n’avons pas – contrairement à l’espérance exprimée par notre collègue Cormier-Bouligeon – de plan B.

Il est faux de dire que les briques technologiques en cours de développement dans le cadre de la recherche sur le MGCS suffiraient à construire un char. Les compétences générales auront été perdues. L’industriel en est parfaitement conscient et sans doute prêt à en témoigner devant la représentation nationale.

Nous devons, en toute logique et en toute responsabilité, nous assurer de la conservation de nos savoir-faire et mettre à niveau un char nous permettant de procéder à la transition. Les Allemands immobilisent le capital de Nexter dans cette recherche. S’ils s’en retirent, ils auront un produit sur étagère, et nous nos yeux pour pleurer.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, je ne crois pas à une solution entièrement souveraine. Nous investissons dans le développement de briques technologiques qui nous seront utiles le moment venu, dans le MGCS ou dans un programme alternatif. Nous sommes tous en alerte sur ce sujet. Le présent amendement d’appel est plus raisonnable que le précédent.

Faisons confiance à nos industriels – la France est responsable ou coresponsable de six des huit piliers, dont la « fonction feu », qui me semble être la plus importante – et à la coopération franco-allemande. Si M. Trump est élu le 5 novembre et réduit le soutien américain à l’Otan, les BITD nationales auront intérêt à coopérer pour assurer la défense du continent. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il faut allouer les moyens nécessaires à la pérennisation et à la modernisation du char Leclerc pour prolonger son utilisation jusqu’en 2040, voire en 2045. À titre personnel, je m’abstiendrai. Notre groupe est favorable à la coopération à long terme et souhaite que le projet MGCS, entamé il y a un certain temps, avance. Il n’en nourrit pas moins des réserves sur cette coopération, dont il souhaite qu’elle aille à son terme et s’ouvre à d’autres partenaires.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ces réponses sont de nature à nous inquiéter. C’est précisément pour avoir trop fait confiance que nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises le bec dans l’eau, comme ce fut le cas récemment pour le projet de système de patrouille maritime MAWS. Les Allemands ne sont pas des partenaires fiables dans le domaine de l’armement, ce que je regrette.

Par ailleurs, en estimant que la France n’est pas capable de développer un programme intermédiaire, M. Cormier-Bouligeon admet que la France a eu tort de faire confiance lorsque KMW et Nexter ont fusionné pour créer KNDS. De notre côté, nous avions raison de nous opposer à une telle perte de souveraineté. C’est ce à quoi nous engage le rapporteur ; nous nous y refusons.

M. Sylvain Maillard (EPR). Monsieur Saintoul, vous refusez ce que tous les partenaires et les deux ministres ont signé. Vous négligez l’avis des armées et proposez une solution dégradée. Certes, la création d’un nouveau système de défense exige d’inventer des briques technologiques, donc de prendre des risques, de se donner le temps et d’agir dans le cadre d’une coopération européenne susceptible d’être élargie à d’autres partenaires. Des briques technologiques nous manquent pour le construire. Nous avons besoin de l’apport des autres. La volonté politique est là, la volonté industrielle aussi – tel n’a pas toujours été le cas. Donnons-nous les moyens et accompagnons la volonté des ministres ! Nous verrons ce qui se passe dans les années à venir. Tout semble aligné pour que le projet fonctionne.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN116 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Si l’on tient compte de la commande de 200 missiles Aster, du lancement du PANG et de la multiplication de l’emploi des forces navales, la hausse des crédits alloués aux forces navales, certes importante, doit excéder la marche prévue par la LPM 2024 – 2030.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les crédits alloués aux munitions connaissent une hausse très importante de 16 % en AE et de 23 % en CP. Je mets en garde contre la tentation de prendre sur le budget du PANG pour abonder celui des munitions. Lorsque nous avons commencé à réfléchir au remplacement des porte-avions Foch et Clemenceau, nous avons construit le Charles-de-Gaulle puis renoncé en 2013, sur décision du président Hollande, à construire son bâtiment-frère. Or les porte-avions, pour citer Jacques Chirac, sont comme les gendarmes, ils vont par deux.

Considérant que les crédits alloués aux munitions sont en forte hausse et qu’il ne faut surtout pas toucher au PANG, dont j’ai rappelé l’importance ce matin, je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je suis surpris que le rapporteur pour avis reprenne à son compte les propos du président Chirac selon lesquels les porte-avions vont par deux, alors même que la LPM 2024 – 2030 n’en prévoit qu’un.

Je profite de l’évocation de projets navals pour rappeler à notre collègue Maillard que la dernière fois que nous nous sommes fiés à une volonté politique fermement exprimée par nos partenaires, nous l’avons amèrement regretté : c’était l’affaire Aukus. Plusieurs contrats de construction de sous-marins nous sont passés sous le nez faute de partenaires fiables. C’est ce qui risque de se passer avec l’Allemagne. Dans les deux cas, les volontés ne sont pas alignées.

Par ailleurs, le rôle des chefs d’état-major est de trouver des accords sous l’injonction des politiques. Ils seront capables de définir des spécifications souveraines et la BITD française, si on le lui demande, s’en sortira.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN95 de Mme Stéphanie Galzy

Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la capacité de nos armées à surveiller efficacement notre ZEE, qui représente une richesse inestimable pour notre nation sur les plans économique et environnemental. Les enjeux sont multiples, de la protection de nos ressources à la lutte contre les activités illégales, de la préservation de notre environnement maritime à l’affirmation de notre souveraineté. Nos armées disposent-elles des équipements adéquats, des ressources humaines suffisantes et des technologies de pointe nécessaires pour mener à bien les missions complexes qu’exigent leur surveillance et leur protection ? Nous demandons au Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour renforcer nos capacités de surveillance maritime.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le renouvellement des flottes de patrouilleurs outre-mer (POM), de bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) et de frégates de surveillance (FS), ainsi que des connexions satellitaires et des drones, est en cours, par plots. Le mouvement de renforcement de la sécurisation et de la surveillance de notre ZEE est et d’ores et déjà initié et assumé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN70 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Un amendement similaire à celui-ci avait fait l’objet d’un avis favorable de notre commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. L’usage du 49-3 par le gouvernement Borne a empêché son examen en séance publique.

Nous appelons une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers engagés dans la dissuasion nucléaire. Alors même qu’ils sont engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant. Les opérations dans lesquelles ils sont engagés n’ont pas la qualification d’Opex et ils ne satisfont pas aux autres critères d’obtention de la carte du combattant.

Notre amendement est plus ambitieux que l’amendement II-DN1 du président Jacques, et financé. Nous espérons qu’il sera lui aussi adopté à l’unanimité, pour qu’il soit débattu dans l’hémicycle et pour que notre appel soit concrétisé.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le rapport prévu par l’amendement II-DN1 nous permettra d’être éclairés sur ce point. Nous sommes tous d’accord pour dire que la situation faite à nos sous-mariniers naviguant à bord des SNLE a quelque chose d’inique. Ils doivent bénéficier des mêmes avantages que les autres militaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN48 de M. Frédéric Boccaletti

M. Frédéric Boccaletti (RN). Par cet amendement d’appel, le groupe Rassemblement national appelle l’attention du Gouvernement sur le statut des sous-mariniers œuvrant à notre dissuasion. Engagés en permanence pour maintenir notre posture stratégique, pilier de notre sécurité et de notre défense nationale, ils ne bénéficieront jamais du statut d’ancien combattant, en raison notamment de la qualification de leur mission, qui n’est pas considérée comme une Opex. Il faut leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. M. Boccaletti et moi-même nous retrouvons souvent dans les associations d’anciens marins de la région de Toulon. Je souscris pleinement à ses propos mais attendons le rapport, nous verrons ensuite quelle direction suivre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue Chenevard nous a proposé par deux fois d’attendre le rapport prévu à l’amendement II-DN1. Or nous ne sommes pas certains que le budget de la défense sera examiné en séance publique, de sorte que ce rapport ne sera peut-être pas même demandé.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que le Gouvernement est sommé par la représentation nationale de lui remettre un rapport, ni même parce qu’il s’engage à le faire, qu’il le fait. Je rappelle que nous attendons toujours le rapport sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, qui nous avait été promis pour le printemps et qui est toujours dans les limbes, peut-être parce que son contenu ne fait pas plaisir au ministre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de M. Alexandre Dufosset

M. Alexandre Dufosset (RN). Il vise à augmenter les moyens de la lutte anti-sous-marine (ASM), dont l’exercice Squale a rappelé en juin dernier qu’elle est cruciale, notamment dans le cadre d’une guerre de haute intensité. Nous proposons d’amplifier la tendance en cours, en augmentant de 10 millions les crédits qui lui sont alloués, ce qui permettra à nos armées de disposer des équipements les plus pointus dans ce domaine.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Le triangle opérationnel Atlantique 2 – frégates – sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), complété par le NH90, est le meilleur au monde pour la chasse aux sous-marins, à tel point que les Américains nous demandent de pister ceux qui entrent en Méditerranée. Par ailleurs, la lutte ASM bénéficiera de l’augmentation des crédits alloués à la marine – à hauteur de 14 % en AE, soit 3,7 milliards, et de 11 % en CP, soit 3,5 milliards. L’amendement n’apporte donc aucun élément significatif en matière de lutte ASM.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de modifier le statut des officiers mariniers commissionnés employés sur des postes de baleiniers en Polynésie française pour leur permettre de continuer à servir après dix-sept ans de service. Ils sont les seuls à savoir accoster sur certains archipels en passant au-dessus de la barrière de corail qui les entourent. Leur formation est longue, dans la mesure où chaque atoll est unique et n’a qu’un seul chemin d’accès. Il est donc indispensable de leur permettre de continuer à servir après leurs dix-sept ans de service. Leur demande est aussi celle des forces armées en Polynésie française (FAPF).

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une situation, que nous avons déjà déplorée l’an dernier. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN138 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’Alphajet, qui équipe la Patrouille de France, arrivera en fin de vie vers 2032-2033. L’amendement vise à créer un programme permettant de lui donner un successeur.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne doute pas que la Patrouille de France disposera, en tout état de cause, d’un successeur de l’Alpha Jet. Faut-il acquérir un système sur étagère, en développer un en coopération avec nos partenaires espagnol et britannique ou développer un nouvel avion de façon autonome ? Cette dernière option aurait nécessairement un coût significatif, bien supérieur aux 50 millions prévus par l’amendement. Dans l’attente d’une décision à ce sujet, inscrire des crédits dès 2025 semble prématuré. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il est plus que temps, compte tenu de la durée des programmes de ce type, de prévoir un successeur à l’Alpha Jet. Un avion sur étagère, je n’en vois pas. Une coopération de plus, il aurait fallu y penser il y a dix ans. Il est urgent, si nous voulons que la Patrouille de France continue à exister et à faire rêver les Français, de se pencher sur un tel programme. Un budget de 50 millions est un bon début.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN66 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il concerne également le successeur de l’Alpha Jet. Nous l’avions déposé l’an dernier. Le ministère des armées nous avait répondu que la solution consiste à développer ou à acquérir un avion modulaire répondant à la fois aux besoins de la Patrouille de France, à la fonction RED AIR et à l’avion de complément à l’aune du Scaf et de son vecteur habité, l’avion de chasse de sixième génération (NGF). Cette réponse très floue n’est pas rassurante. Il n’est pas envisageable que la Patrouille de France évolue sur des appareils qui ne seraient pas français à 100 %. C’est pourquoi nous souhaitons créer une dotation matérielle pour la Patrouille de France.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suis plongé dans un abîme de perplexité. Cet amendement est quasi identique à l’amendement II-DN138, que vous avez rejeté. Quelle est votre logique de vote ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN64 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à créer une ligne budgétaire pour garantir l’internalisation de la fonction RED AIR. Nous n’avons pas eu d’éclairage à ce sujet l’an dernier, faute d’examen du budget en séance publique. Cette fonction, liée à la souveraineté nationale, ne peut être ni déléguée ni confiée à des prestataires privés, a fortiori s’ils sont étrangers.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’ai rappelé ce matin, il me semble nécessaire de réinternaliser la fonction RED AIR, qui n’existe plus au sein de l’AAE en raison du format de nos armées. Cette mission doit être confiée uniquement à des entreprises françaises, à l’exclusion d’entreprises étrangères qui s’établiraient quelque temps en France pour répondre à l’appel d’offres. Toutefois, l’amendement II-DN138 me semble préférable à celui-ci. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN37 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Chacun connaît la position de notre groupe sur le programme Scaf et sur ses atermoiements. Le dernier en date est le rapprochement entre Berlin et Londres en novembre 2023, matérialisé par la signature de l’accord Trinity House Agreement prévoyant l’élaboration d’un drone de combat susceptible de concurrencer le Scaf.

Dans son ouvrage Vers la guerre ?, le ministre Lecornu lui-même émet des doutes sur la réussite du programme. Le Scaf, c’est le MGCS en pire. Nous souhaitons un programme souverain, financé par la réattribution des fonds du Scaf au développement – enfin ! – d’un avion par des sociétés françaises.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nos collègues du Rassemblement national ont de la suite dans les idées : ils ne veulent aucune coopération franco-allemande, ce qui serait presque une bonne nouvelle les concernant.

Sur le fond, je suis moins inquiet que vous sur le calendrier du Scaf. Nous disposons, dans l’attente du Scaf, d’une solution transitoire très ambitieuse : le Rafale standard F5. Un lancement de la phase 2 du Scaf en 2026 ne portera pas préjudice à l’AAE.

Par ailleurs, vous avez parfaitement raison de rappeler la nécessité de préserver nos intérêts nationaux, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Or cette exigence est pleinement intégrée : dans le cadre de la phase 1B, la France aura consacré plus de 700 millions d’euros à des travaux purement nationaux.

Enfin, l’entrée dans la phase 2, qui sera déterminante, doit dépendre d’engagements de nos partenaires sur la préservation de nos intérêts industriels et de notre liberté d’exportation. Si ces conditions sont réunies, le développement en coopération, qui permet de diviser les coûts par trois, doit être privilégié pour aboutir à un démonstrateur. Avis défavorable.

Mme Sabine Thillaye (Dem). Il faut, entre partenaires, faire preuve d’un minimum de respect et de confiance mutuels. Si chacun passe son temps à se plaindre de l’autre, il est impossible d’aboutir. À trop parler des projets qui patinent, on en oublie ceux qui marchent. J’appelle l’attention sur la coopération entre les motoristes MTU Aero Engines et Safran, qui marche particulièrement bien. Si elle est efficace, c’est parce que les objectifs ont été bien définis au préalable, dès 2018, et la propriété intellectuelle bien délimitée. À condition de dialoguer et de définir clairement les priorités ainsi que la méthode dès le début, les coopérations aboutissent. Si l’on s’inscrit dans un esprit de concurrence de part et d’autre et non de confiance, rien ne peut aboutir.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je remercie M. Cormier-Bouligeon d’avoir signalé l’importance du standard F5 et de la dronisation du Rafale. Nous défendons cette idée depuis de nombreuses années, notamment en rappelant l’importance du programme Neuron. Nous aurions pu voter cet amendement, malheureusement l’alternative au Scaf proposée n’est pas la bonne.

Nous devons avancer et procéder à un saut technologique. Tel est le sens de l’amendement II-DN76, qui vise à remplacer le Scaf par le développement d’un avion spatial qui est à l’étude chez certains de nos industriels et qui permettrait à la France, dans les décennies à venir, d’être à la pointe de la technologie et de maîtriser une technologie de rupture indispensable, à laquelle il faut consacrer autant de ressources que possible.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Monsieur Giletti, le drone de combat prévu par l’accord germano-britannique récemment signé est à l’Eurofighter ce que le projet de drone issu du programme Neuron serait au Rafale standard F5.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN130 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à alerter la représentation nationale sur le besoin en MCO qui se fera sentir l’an prochain en raison de la cession aux forces armées ukrainiennes de Mirages 2000-5, cession qui provoquera nécessairement un report d’activités sur les avions Rafale et sur les avions Mirage-2000D.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN135 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à augmenter les crédits relatifs aux infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace. Ce budget est en diminution dans le projet de loi de finances pour 2025. Pour ne citer qu’elles, les pistes aéronautiques sont pourtant un outil de combat à part entière. Cette baisse de crédits empêchera de parer à la vétusté croissante des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN76 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La coopération sur le Scaf est un vrai sujet. Il est impensable que la France se lie les mains dans une telle coopération compte tenu du résultat des autres coopérations avec l’Allemagne, d’autant que le partenaire allemand vient de signer un accord avec le Royaume-Uni pour un projet quasi concurrent du Scaf.

Il est nécessaire de penser dès à présent le saut technologique dont nous avons besoin, non en produisant un F-35 amélioré, comme pourrait l’être le NGF, mais en opérant un saut technologique, notamment en travaillant à l’avion spatial qui, en se déplaçant à haute altitude, serait quasi indétectable et quasi intouchable par les moyens de défense actuels, et pourrait tout à la fois frapper au sol et dans l’espace. Ce modèle d’avion est en développement chez nos industriels. Les Américains et les Chinois y travaillent également. Ne pas investir massivement dans un tel modèle d’avion spatial serait criminel pour notre défense.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’avion spatial fait déjà partie des axes d’innovation du ministère au titre des études technico-opérationnelles, comme le prévoit la LPM 2024-2030. Par ailleurs, le programme Scaf poursuit son développement, notamment grâce aux crédits dédiés aux études amont dans le programme 144. Avis défavorable.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Comme je l’indique dans mon rapport et comme je l’ai expliqué ce matin, le standard F5 et son drone d’accompagnement pourraient faire le lien avec le NGF et avec la rupture technologique évoquée par M. Lachaud, à laquelle nous croyons aussi. Cela démontre que les arguments opposés à mon amendement II-DN37 étaient tout à fait fallacieux. Je regrette une fois encore le sectarisme et l’idéologie dont font preuve nos collègues du groupe La France insoumise.

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Monsieur Giletti, je ne comprends pas pourquoi vous dites cela. Nous n’avons absolument pas supprimé les crédits alloués au standard F5 du Rafale, bien au contraire. Nous le soutenons depuis longtemps. Nous savons très bien qu’il standard peut être le chaînon manquant qui nous sépare du NGF. Nous ne voyons pas l’intérêt de plaider en faveur d’un Scaf français alors même que nous disposons du Rafale standard F5, dont le budget est indispensable pour avancer vers la rupture technologique de l’avion spatial. Il ne s’agit pas de sectarisme, mais de logique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN131 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. J’ai eu ce matin l’occasion de regretter l’abandon, dans la LPM 2024 – 2030, du lancement du satellite Syracuse 4C, qui figurait dans la précédente LPM. Cela crée un trou capacitaire dans nos télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rétablir les crédits pour le lancement du troisième satellite Syracuse 4C, qui pourrait être aussi une bouée de sauvetage pour les entreprises du spatial français – Thales Alenia Space et Airbus Space and Defense –, qui connaissent des difficultés.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Tel Henri Salvador, M. Giletti aimerait tant voir Syracuse ! L’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, le général Mille, a dit devant cette commission : « Nous avons, à une époque, imaginé d’énormes satellites en orbite géostationnaire. Mais les constellations qui évoluent en orbite basse ont aussi des avantages. Les deux sont complémentaires pour assurer l’efficacité et la redondance dont les armées ont besoin. Mettre tous nos objets sur l’orbite géostationnaire serait à mon sens dangereux. »

Par ailleurs, la LPM 2024 – 2030 prévoit le lancement de Syracuse V, ce qui assure la continuité sur ce segment. Enfin, comme vous le rappelez vous-même dans votre exposé sommaire, le montant exigé par le lancement d’un troisième satellite est significatif. Si nous avons 800 millions à allouer, il y a d’autres priorités pour s’adapter à l’évolution de la menace. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN136 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Loin de moi l’idée d’opposer les capacités satellitaires en orbite basse et en orbite haute, dont j’ai rappelé ce matin qu’elles sont complémentaires. Le lancement du Syracuse 4C aurait permis de surveiller la zone indo-pacifique, qui n’est pas couverte par nos satellites souverains de télécommunications spatiales. Le présent amendement vise à rappeler la nécessité de lancer au plus vite les premières études relatives à Syracuse V, certes prévu par la LPM 2024 – 2030, mais dont nous n’avons pas le calendrier.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN79 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous avons mis en garde, lors de l’examen de la LPM 2024 – 2030, contre l’erreur qu’est la suppression du Syracuse 4C au profit d’une hypothétique constellation européenne Iris2, qui soulève une question de souveraineté, un projet européen ne pouvant garantir la souveraineté française. Nous constatons à présent que le projet Iris2 est à la peine, en raison de la crise du secteur des satellites en Europe et de la façon dont la Commission européenne gère les programmes spatiaux. Le risque de trou capacitaire est réel. Il n’est pas envisageable que les armées françaises ne bénéficient plus de moyens de communication clairement sécurisés.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN28 de M. Julien Limongi

M. Julien Limongi (RN). Le rapport annexé de la LPM 2024 – 2030 recense les ruptures capacitaires potentielles – elles sont nombreuses – susceptible de provoquer un trou capacitaire pour de nombreuses technologies. Tel est le cas s’agissant des satellites. Le présent amendement porte sur les satellites en général, en orbite haute et en orbite basse. Il vise à renforcer les moyens alloués à leur développement technologique.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous avons abordé la question en évoquant le satellite Syracuse V. Par ailleurs, nous sommes favorables à la constellation Iris2. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN12 de Mme Florence Goulet

Mme Florence Goulet (RN). Les tensions internationales s’étendent. L’espace est devenu un champ de confrontation. Sa militarisation s’intensifie. Nos infrastructures spatiales, peu visibles, sont indispensables à la défense nationale, aux communications et à l’économie. Elles sont directement menacées par des satellites espions ou armés.

La France a pris des initiatives en la matière. Toutefois, les moyens actuels sont insuffisants pour garantir la mise en œuvre rapide et efficace des programmes. L’amendement prévoit d’accroître les financements pour assurer une protection optimale de nos infrastructures spatiales et préserver notre souveraineté dans ce nouvel espace de confrontation.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN134, II-DN139, II-DN133 et II-DN137 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN134 alloue des moyens supplémentaires à l’acquisition d’un radar de veille spatiale Graves. Les capacités spatiales sont indispensables à la compréhension des situations. Il s’agit de moderniser notre système de détection de l’espace.

L’amendement II-DN139 vise à augmenter les moyens alloués à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) pour accélérer le développement du radar Graves et permettre à la France de maintenir son rang parmi les puissances mondiales.

L’amendement II-DN133 vise à faire respecter l’effectif théorique initial du commandement de l’espace (CDE), installé à Toulouse. Le respect de la stratégie spatiale de défense (SSD) se joue aussi à hauteur d’homme. Le CDE emploie actuellement 320 militaires, dont environ 85 % appartiennent à l’AAE. Un effectif de 470 personnes est prévu à l’horizon 2030, alors qu’il était initialement prévu un effectif de 500 militaires dès 2025.

L’amendement II-DN137 porte sur le drone volant à moyenne altitude et longue endurance (MALE) européen. J’ai interrogé ici même le ministre Sébastien Lecornu sur les atermoiements de ce programme. Il a reconnu l’existence de retards et indiqué qu’il faudra s’interroger sur la pertinence d’un drone MALE européen en 2032. Cet amendement d’appel met en lumière un drone auquel il faut donner sa chance, l’Aarok, mis au point par Turgis & Gaillard. Il peut être un très bon complément à l’hypothétique drone MALE européen.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La demande formulée par l’amendement II-DN134 nous semble prématurée. Le radar Graves-NG, qui succédera au radar Graves, est en développement. Attendons son aboutissement avant de commander un second radar Graves. Avis défavorable.

S’agissant de l’amendement II-DN137, il va de soi que nous devons être attentifs au segment des drones. Mini-drones, munitions teléopérées, drones tactiques, drones aériens de la marine, drones MALE : nous devons faire porter l’effort sur tout le spectre. S’agissant plus du drone Aarok, le ministre des armées lui-même a jugé le projet intéressant. Le « patch drones et robots » de la LPM 2024 – 2030, doté de 5 milliards d’euros de besoins programmés, permet d’intégrer ce type d’objet dans la programmation.

S’il n’y a pas de crédits dédiés à ce drone dans le projet de loi de finances pour 2025, ce n’est pas par manque d’intérêt, mais parce qu’il est trop tôt. Ce drone a commencé ses essais au sol en avril 2024. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Avis défavorable sur le 137.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. L’Onera bénéficie de subventions à hauteur de 129 millions d’euros pour charge de service public et pour charge d’investissement. Par ailleurs, en tant qu’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), il bénéficie d’un soutien important par le biais de marchés avec le ministère des Armées et des Anciens combattants. En tant qu’établissement dont les activités sont duales, il bénéficie également des marchés du domaine civil. Je doute donc qu’une hausse de ses crédits de 1 million ait un impact significatif, sinon sur les crédits du programme 146 que l’amendement prévoit d’amputer. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous examinons de multiples amendements d’appel à 1 euro. Les amendements d’appel devraient être réservés à l’examen du budget en séance publique, où le ministre est présent et peut répondre. Demande de retrait ou avis défavorable sur l’amendement II-DN133.

La commission rejette successivement les amendements II-DN134, II-DN139 et II-DN133.

Elle adopte l’amendement II-DN137.

 

Amendement II-DN47 de Mme Caroline Colombier

Mme Caroline Colombier (RN). Il vise à l’acquisition d’une solution souveraine en matière de drones. Le drone Aarok a été félicité par le CEMAAE, qui est favorable à son expérimentation. Il s’agit de doter nos forces armées d’un outil souverain de surveillance et de renseignement.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je fais observer que cet amendement prévoit un budget de 40 millions.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN61 de M. Christophe Marion

M. Christophe Marion (EPR). Cet amendement, que je retire, ne prévoit pas 40 millions pour acquérir un drone qui n’existe pas encore, mais 10 millions pour le finaliser.

L’amendement est retiré.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement II-DN23 de M. Alexandre Dufosset.

 

Amendement II-DN108 de M. Frédéric Boccaletti

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. S’agissant d’un amendement d’appel, j’invite son auteur à le déposer en séance publique, le Gouvernement n’étant pas représenté en commission. Sur le fond, il est redondant avec l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis du programme Soutien et logistique interarmées, visant à abonder les crédits du service de santé des armées (SSA) et que j’invite la commission à adopter. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN78 de M. Aurélien Saintoul

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de mettre en lumière les lacunes budgétaires de la pharmacie centrale des armées (PCA) et les actions de recherche du SSA, malmenés par des années de politique d’austérité. Il s’inscrit dans la continuité des observations de mon rapport pour avis. Une action ambitieuse est nécessaire pour renforcer le SSA et sa capacité de répondre à des engagements de haute intensité et de longue durée. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN6 de M. Frank Giletti.

 

Amendement II-DN5 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. La SSD a un sens si nous sommes en mesure d’agir dans l’espace, ce qui constitue une véritable rupture. Compte tenu des retards du programme d’yeux en orbite pour un démonstrateur agile (Yoda), confirmés par le projet annuel de performances (PAP), l’amendement vise à obtenir un calendrier de sa mise en œuvre.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Notre collègue n’a pas défendu le bon amendement. S’agissant de l’amendement II-DN5, j’en suggère le retrait au profit de l’amendement II-DN147, que j’ai déposé en tant que rapporteur pour avis et que je vous invite à adopter, et émets à défaut un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN26 de M. Alexandre Dufosset

Mme Nadine Lechon (RN). Il vise à augmenter les effectifs du SSA. En l’état actuel de ce dernier, notre pays, comme l’indiquent les rapports publiés par la Cour des comptes en juin 2023 et par le Sénat en septembre 2023, notre pays ne pourrait soigner de façon adéquate les blessés d’un conflit de haute intensité. Il convient d’accélérer et de faciliter le recrutement de personnel, notamment par des mesures d’incitation de nature financière telle que des primes, des prêts d’acquisition immobilière et des aides à la mobilité familiale.

Le présent amendement prévoit d’abonder de 10 millions en AE et en CP les crédits du titre II (T2) de la sous-action 58.06 Fonction santé de l’action 58 Logistique et soutien interarmées – Personnel travaillant pour le programme Préparation et emploi des forces du programme 212 Soutien de la politique de défense. Afin de respecter l’impératif de recevabilité financière, il prévoit de minorer du même montant les crédits en AE et en CP de l’action 8 Relations internationales et diplomatie de défense du programme 144.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les ressources humaines du SSA sont un véritable sujet. Le SSA a énormément de difficultés à recruter et à fidéliser. Malheureusement, j’émets un avis défavorable. Un abondement immédiat de 10 millions ne me semble pas résoudre le problème.

Il faut une dizaine d’années pour former des médecins. Augmenter les crédits du T2 de 10 millions n’est pas forcément la meilleure des solutions. Il faut les augmenter dans la durée et accompagner cette augmentation par celle des budgets alloués à l’entretien des infrastructures et aux capacités de formation, compte tenu de la longueur des parcours d’études. Il est indispensable de travailler sur le capacitaire. Je vous invite à voter l’amendement II-DN147, qui vise à améliorer les capacités du SSA.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au SSA afin de soutenir le renforcement de ses capacités de rôle 2 et 3 – chirurgie initiale et de sauvetage ; traitement hospitalier sur le théâtre – pour préparer les opérations des conflits de haute intensité.

L’amendement vise aussi à répondre au Retex de l’opération de secours aux populations civiles victimes des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza. Cette mission a démontré la complexité, pour le SSA, qu’induit le traitement de nombreuses victimes de combats de haute intensité.

Nous proposons de renforcer les moyens du SSA, à hauteur de 20 millions, afin de soutenir une démarche d’acquisition des matériels nécessaires à la mise en œuvre de capacités de soutien médical de rôle 2 et 3 pour des engagements de haute intensité et de longue durée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de Mme Caroline Colombier

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les bras m’en tombent. Vous votez contre un amendement à 20 millions mais vous défendez un amendement à 18 millions. J’avoue ne pas comprendre. Un crédit de 18 millions est insuffisant pour atteindre l’objectif fixé par l’amendement. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN141 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à rappeler au Gouvernement la nécessité de renforcer les moyens civils relatifs aux évacuations sanitaires (Evasan) dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) afin de limiter la pression induite par les Evasan sur les personnels, matériels et vecteurs des forces de souveraineté. Dans les collectivités d’outre-mer, les autorités civiles doivent se réapproprier pleinement la compétence Evasan, qui leur revient en droit, afin d’obérer le moins possible les capacités opérationnelles des armées.

Votre rapporteur a constaté en Polynésie française que les réquisitions et les demandes de concours fréquentes des forces de souveraineté dans le cadre des Évasan peuvent entraîner une sursollicitation des forces, des soutiens et des matériels. Si le rythme anormalement élevé des Evasan réalisé par les forces armées dans le Pacifique en lieu et place des autorités civiles a légèrement diminué depuis la crise de la covid-19, il se maintenait à un niveau supérieur à celui d’avant-covid lors de mon déplacement, en juin 2023.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Julien Limongi

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le « patch munitions » de la LPM 2024 – 2030 est doté de 16 milliards. L’effort est réel.

S’agissant de cet amendement relatif à la filière des munitions de petit calibre, je rappelle que nous développons un partenariat avec nos amis belges. Les ministres ont signé une lettre d’intention. Les discussions sont en cours avec l’industriel FN Herstal. Cette collaboration répondra à votre légitime préoccupation. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN15 de Mme Florence Goulet.

 

Amendements II-DN54, II-DN56, II-DN59 et II-DN58 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). Il s’agit d’alerter sur la nécessaire montée en puissance des réserves de missiles air-air. La LPM 2024-2030 prévoit le renouvellement du missile d’interception, de combat et d’autodéfense (Mica) par le Mica NG. D’après le PAP 2024, un premier lot devrait être livré à l’AAE d’ici 2026 et aucune nouvelle commande n’est prévue avant. Les stocks sont insuffisants. En cas d’engagement aérien majeur, nos forces aériennes seraient rapidement à court de munitions, donc en difficulté pour mener à bien leur mission. Afin de permettre à l’AAE et à notre aéronautique navale d’être en mesure de continuer à jouer leur rôle de protection du territoire et de respect des engagements pris auprès de nos alliés, des commandes sont nécessaires.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il importe de remettre à niveau nos stocks de missiles, qu’il s’agisse des Mica, des Aster, des systèmes de croisière conventionnels autonomes à longue portée (Scalp) ou des autres. Des crédits de 16 milliards y sont consacrés sur la période 2024-2030, dont près de 2 milliards pour l’année 2025. Les missiles Mica ne sont pas oubliés : le projet de loi de finances pour 2025 prévoit près de 150 millions en AE et 200 millions en CP. Un lot de missiles Mica remotorisés sera livré à l’AAE en 2025, avant que ne soit livré le Mica NG. Je profite de l’occasion pour saluer MBDA, ses dirigeants et ses collaborateurs, notamment ceux du site de Bourges. Avis défavorable.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte l’amendement II-DN44 de M. Emeric Salmon.

 

Contre l’avis du rapporteur pour avis, elle adopte successivement les amendements II-DN101 de M. Frédéric Boccaletti et II-DN45 de M. Emeric Salmon.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement II-DN111 de M. Sébastien Saint-Pasteur.

 

Amendement II-DN115 de Mme Anna Pic

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Le programme 144 ne comprend que deux services de renseignement, la DGSE et la DRSD. La direction du renseignement militaire (DRM) relève, quant à elle, du programme 178. Par ailleurs, la DGSE et la DRSD sont satisfaites de leurs budgets respectifs, qui sont conformes à la LPM 2024 – 2030. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement II-DN67 de M. Aurélien Saintoul est retiré.

 

Amendement II-DN75 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à financer la recréation d’une filière industrielle de munitions de petit calibre. Son montant – 500 millions – est bien plus élevé que ceux des amendements de nos collègues du Rassemblement national et plus conforme à l’objectif visé. Il s’agit, depuis plusieurs années, d’un marronnier de notre commission. Notre collègue Chassaigne, notamment, a souvent plaidé pour la renationalisation d’une filière de munitions de petit calibre. Donnons-lui acte qu’il avait raison.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Cela sent bon les années 1980 ! Les industriels n’y sont pour rien. Ce qui compte, ce sont les commandes de l’État. Créer un pôle public de l’armement ne changera rien à l’affaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN77 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à la nationalisation d’Atos. Depuis des mois, on nous explique qu’Atos doit être sauvée, mais le projet de sauvetage est pour le moins nébuleux. Nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes.

On nous explique que, pour reprendre une entreprise dont le passif est de 5 milliards, il faut débourser 700 millions pour acquérir des activités dites stratégiques mais très mal définies – lesquelles ne le sont pas ? Or un rapide calcul basé sur la valeur des actions donne le chiffre de 70 millions. Ce montant est plus cohérent que celui de 700 millions, s’agissant d’une entreprise plombée par une dette de 5 milliards. Je ne vois aucune raison de faire un cadeau particulier aux actionnaires. L’État a absolument besoin de nationaliser Atos. Le montant de 70 millions est tout à fait raisonnable pour une entreprise de souveraineté dont il faut absolument préserver les compétences sans se plomber en rachetant pour 5 milliards de dette.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Des années 1980, nous passons à 1917 ! C’est retour vers le futur ! Vous décidez de rayer d’un trait de plume une dette pourtant bien réelle de 5 milliards. Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Je soutiens l’amendement, qui me semble répondre à des besoins de souveraineté. La nécessité de conserver un outil de production et de souveraineté en matière de données et de supercalculateurs n’a pas de date. 1917 ou une autre, peu importe ! Nous avons besoin d’Atos, qui est exposé au risque d’une vente à la découpe, non selon la valeur stratégique des activités, mais selon leur rentabilité. Nous ne pouvons pas nous permettre qu’une part d’Atos soit vendue au motif qu’elle est rentable et de laisser le reste se dévitaliser.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je n’ai pas voulu dramatiser l’enjeu, croyant que nous sommes tous sensibles à la gravité du sujet. La désinvolture du rapporteur pour avis me laisse pantois. Il ne s’agit pas de faire une petite blague et de se demander s’il s’agit d’une solution datant de 1917. Il s’agit de répondre à un enjeu parfaitement contemporain lié à la mondialisation, notamment à la mondialisation financière.

S’il vous semble pertinent de laisser vendre à la découpe une entreprise qui développe une filiale telle que Worldgrid, qui développe des systèmes de contrôle-commande pour centrales nucléaires, et si vous vous sentez à l’aise avec une telle perte de souveraineté dans ce domaine, alors même qu’il s’agit d’une entreprise de rentes garantissant la survivabilité financière d’Atos, vous avez le droit de penser que je suis ringard. Je n’en pense pas moins que vendre Worldgrid n’est pas une bonne idée.

Si vous pensez que nous pouvons nous passer d’un champion national en matière de supercalculateurs et d’intelligence artificielle, c’est votre droit. Je crois, moi, à l’avenir d’un champion intégré. Racheter une entreprise ayant 5 milliards de dettes ne signifie pas les effacer d’un trait de plume, mais se donner les moyens d’un projet industriel sérieux et crédible à l’avenir, et non de se contenter de la vendre à la découpe en s’obligeant à l’avenir à conclure des contrats exclusivement avec HP.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN151 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement de sincérisation du budget porte sur un sujet que j’ai longuement abordé ce matin. Dès lors que le Gouvernement décide de créer la catégorie de Missops, de leur allouer un budget important – plusieurs centaines de millions chaque année – et de le prélever sur divers BOP des armées sans assurer la traçabilité et la visibilité de son coût réel pour le ministère, donc de ce qui doit être déduit de la planification de la LPM 2024 – 2030, il nous semble important à tout le moins de sincériser ce budget en créant une ligne budgétaire où inscrire les surcoûts des Missops.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Je souscris à ce constat. Il faut clarifier le statut des Missops, dont relèvent les opérations Aigle et Lynx, et mieux identifier les surcoûts associés, dont l’impact budgétaire pour l’armée de terre est significatif. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN51 de M. Daniel Grenon

M. Daniel Grenon (NI). Plusieurs experts alertent sur l’insuffisance de la provision de 800 millions destinée à financer les coûts assumés par les armées dans le cadre des Opex. Ces opérations, notamment les déploiements en Estonie dans le cadre de la mission Lynx et en Roumanie dans le cadre de la mission Aigle, en coopération avec les autres puissances de l’Otan, représentent un coût financier sous-estimé. Le seul coût de cette dernière a été estimé à 700 millions en 2022 par le Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Compte tenu de l’insuffisance des provisions, le présent amendement d’appel vise à interroger le Gouvernement sur le manque de moyens alloués à l’armée pour les Opex.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement vise à abonder la provision des Opex-Missint afin de faire face au surcoût éventuel des missions menées sur le flanc est de l’Europe. Or ces opérations ne relèvent pas des Opex aux yeux du Gouvernement, qui les qualifie de Missops, ce qui est l’un des aspects du problème.

Ce faisant, l’amendement ajoute de la confusion à une situation déjà illisible, d’autant que son montant est sous-dimensionné par rapport au montant effectif des surcoûts des Missops. Surtout, il ne résout pas le problème majeur du traitement des Missops et des Opex : le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution qui prévoit l’autorisation des interventions des forces armées à l’étranger par le Parlement et son information à leur sujet. Je regrette que vous n’ayez pas voté l’amendement II-DN151, qui permettait de régler la question que vous soulevez. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à abonder les crédits dédiés au financement des opérations prioritaires et rapidement envisageables par le service d’infrastructure de la défense (SID) afin d’améliorer les conditions de vie et de travail de nos forces armées. En 2022, le lancement de l’opération « Poignées de porte », dotée de 40 millions, avait permis de cibler la réalisation de 1 200 opérations de moyenne ou de faible envergure pré-identifiées, permettant de résoudre concrètement des irritants chroniques des militaires.

Les auditions de votre rapporteur pour avis portant sur les soutiens et sur la logistique interarmées révèlent des besoins persistants. Je suggère donc un abondement des crédits dédiés à la politique immobilière afin de relancer l’ambition issue de la première opération « Poignées de porte » et contribuer à l’amélioration de la condition militaire.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN33 de Mme Michèle Martinez

Mme Michèle Martinez (RN). Il vise à appeler l’attention sur la situation tendue rencontrée par les militaires, les civils de la défense et leurs familles pour se loger. Le logement joue un rôle indéniable pour attirer et retenir les effectifs. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit des moyens certes en hausse, mais loin d’être suffisants, tant nous partons de loin en matière de logement. Pour construire plus et plus vite, j’espère obtenir un avis favorable.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit un abondement de 30 millions pour la politique de logement du ministère des armées. Il est évident qu’il faut traiter la situation du logement au sein de ce ministère. C’est une question de justice.

Toutefois, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis de mettre en lumière les capacités contraintes du SID, qui a des problèmes de recrutement majeurs. Il ne paraît pas envisageable que ce service puisse absorber la maîtrise d’ouvrage équivalente à un abondement de 30 millions sur une seule année. J’invite plutôt à ouvrir une réflexion sur la transformation à long terme des capacités du SID, qui me paraît préférable, couplée à une juste augmentation des crédits dont il a la responsabilité. Je défendrai l’amendement II-DN148 à cet effet et invite la commission à l’adopter.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-46 de M. Emeric Salmon

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Compte tenu des besoins identifiés par mon travail, il me semble que l’amendement II-DN68 de M. Bex est mieux dimensionné par rapport aux besoins. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN68 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). En vue de la revalorisation du patrimoine, nous proposons un redéploiement de crédits réaliste et réalisable de 8 millions.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Quitte à voter des crédits que le SID risque de ne pas pouvoir dépenser, je suis favorable au vote de crédits supplémentaires de 8 millions, en espérant que le SID me donne tort et parvienne à les dépenser.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN148 et II-DN153 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le II-DN148 est un amendement d’appel portant sur la politique du logement mise en œuvre par la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE).

Les dispositions appliquées pour le paiement des charges du logement prévoient une retenue pour le logement et l’ameublement, dont le taux correspond à 10 % de la rémunération des militaires soumise à retenue pour pension. Le taux de la retenue pour un fonctionnaire civil du ministère des armées muté dans un territoire d’outre-mer est fixé à 15 % du salaire soumis à retenue. L’amendement vise à aligner le taux de la retenue pour charge de logement des personnels civils du ministère des armées dans les outre-mer sur le taux de retenue appliquée au personnel militaire.

L’amendement II-DN153 traite du logement des militaires affectés à l’étranger. J’ai évoqué ce matin les problèmes qu’ils rencontrent. L’indemnité de résidence à l’étranger (IRE) est nettement insuffisante pour répondre aux besoins de nos militaires dans de très nombreux pays. En Corée du Sud par exemple, un militaire louant un appartement doit d’abord verser de 50 % à 90 % de la valeur du bien, ce qui est impossible, notamment pour les sous-officiers. Il est donc indispensable de revoir la politique du logement pour nos militaires affectés à l’étranger.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Amendement II-DN60 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). Cet amendement d’appel vise à alerter sur la nécessaire rénovation des infrastructures sportives du ministère des armées, dont j’ai pris la mesure lors d’un déplacement dans le régiment cantonné à Douai, ville qui m’est chère. L’absence d’un plan de rénovation de ces infrastructures pose problème s’agissant de la préparation des soldats et de leurs conditions de vie, lesquelles jouent un rôle majeur pour fidéliser nos troupes. L’amendement prévoit d’accorder un budget à la rénovation des infrastructures sportives du ministère.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit certes d’un amendement d’appel, compte tenu de l’insuffisance du budget de 1 million proposé. Je vous invite à le retirer et à le défendre en séance publique pour que le ministre puisse vous répondre et émets à défaut un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN71 de M. Abdelkader Lahmar

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement qui nous tient particulièrement à cœur et que notre groupe défend depuis plusieurs années. Notre collègue Lachaud a été rapporteur de la mission d’information sur l’évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations au sein des forces armées. Quelques années après la publication de son rapport, le « Me too » des armées a confirmé la nécessité, pour les militaires, de disposer d’un recours au sein de l’Assemblée nationale pour faire valoir leurs droits.

Le présent amendement vise à financer la création d’un comité parlementaire chargé suivi du respect des droits des militaires. On objectera qu’une telle instance ferait doublon celles qui sont chargées de la condition des personnels. En réalité, elle offrirait aux militaires une possibilité supplémentaire de faire valoir leurs droits dans des situations à laquelle ils ne voient pas toujours d’issue. Au demeurant, l’usage démontre que les militaires écrivent régulièrement à des parlementaires faute de trouver une issue. Il s’agit de garantir le respect des droits des militaires.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. J’ai formulé une telle préconisation dans mon rapport de 2019.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à renforcer l’engagement du ministère des armées en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap en l’inscrivant dans une politique plus large de diversité sociale et de lutte contre toutes les formes d’inégalités. Le ministère des armées est le deuxième employeur public en France. Il a donc une capacité d’entraînement et une responsabilité l’obligeant à l’exemplarité dans la promotion de l’inclusion professionnelle et dans la lutte contre les discriminations. Pourtant, le taux d’emploi des personnes handicapées dans l’armée est encore trop bas par rapport à la moyenne nationale. L’objectif annoncé lors du lancement du plan « handicap » d’un taux de 6 % de personnels en situation de handicap en 2024 n’a pas été atteint. C’est pourquoi je propose une augmentation significative du budget dédié.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’inscrit dans le cadre du « Me too » des armées et de la publication de mon rapport d’information en 2019. Les chiffres sont terrifiants. La mission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) donne des chiffres terrifiants de dizaines de viols, de centaines d’agressions sexuelles et surtout d’un tiers des femmes militaires victimes de VSS. Il est donc urgent de réagir. Le ministre a commis deux circulaires. Toutefois, les effectifs de la cellule Thémis sont encore trop faibles pour répondre à l’afflux des demandes pour entendre la parole des victimes qui se libère. C’est pourquoi je propose d’en augmenter leur budget pour permettre de procéder à des recrutements.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La rémunération indiciaire des sous-officiers supérieurs devait augmenter au 1er octobre. Tel n’a pas été le cas. Le ministère annonce une augmentation au 1er décembre. Cela représente deux mois de solde augmentée perdus pour les militaires. Il importe, pour fidéliser nos armées, que les militaires aient confiance dans l’engagement et dans la parole donnée par le ministre. C’est pourquoi je propose d’augmenter la ligne budgétaire afférente, afin de compenser ces deux mois et de faire en sorte que la hausse de la revalorisation indiciaire soit datée du 1er octobre et non du 1er décembre.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN38 de M. Julien Limongi

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le problème que me pose cet amendement est qu’il propose une revalorisation limitée aux seuls officiers et sous-officiers de l’armée de terre. Il ne me semble en aucun cas justifié d’exclure de mesures de revalorisation les personnels de l’armée de l’AAE, de la marine et des services interarmées. Les efforts doivent concerner les forces dans leur ensemble, qui concourent toutes à l’exercice des missions des armées et partagent les mêmes défis de fidélisation et d’attractivité. Je suggère le retrait de l’amendement en vue de le rédiger autrement et le présenter en séance publique, et émets à défaut un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN150 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les militaires affectés à l’étranger bénéficient d’une prime, l’IRE. Leurs grades correspondent à des catégories de fonctionnaires civils. Les sous-officiers sont traités au niveau de leur prime comme des fonctionnaires de catégorie C. Or les postes qu’ils occupent justifient leur rattachement à la catégorie B.

Il s’agit d’une perte de revenu chiffrée à 1,9 million pour les sous-officiers affectés à l’étranger. Il en résulte des difficultés pour se loger, mais aussi des failles de sécurité. J’ai évoqué ce matin le cas d’un sous-officier obligé de faire du baby-sitting le soir pour financer son logement, ce qui est scandaleux. Un militaire qui n’a pas les moyens de survivre est une proie facile pour les services de renseignement étrangers. Je propose d’abonder de 1,9 million la ligne de crédits afférente.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN152 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une autre bizarrerie de la situation des militaires français à l’étranger. Les militaires dont le conjoint ne travaille pas perçoivent le supplément familial de solde à l’étranger (SUFE), dont la particularité est d’être versé même si le conjoint travaille pour une rémunération inférieure à un certain montant.

Le SUFE est calculé sur la base de l’indice brut majoré 300, qui a été retenu à une période où l’indice minimum de la fonction publique était 262. Autrement dit, un conjoint de militaire travaillant à l’étranger au niveau du Smic ferait perdre à son conjoint le bénéfice du SUFE. Ne pas en revoir l’indice prive des dizaines de militaires d’un revenu complémentaire indispensable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN143 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je l’ai déposé l’an dernier, mais il n’a pas été examiné en séance publique, le 49-3 ayant coupé court à nos débats. Il vise à améliorer le statut des personnels civils de recrutement local de Polynésie, dont le statut très particulier est une manière, pour l’État français, de reconnaître sa dette due aux essais nucléaires dans le Pacifique. Ce statut, certes protecteur, fige certains personnels dans un même poste ou dans une même catégorie. L’idée est d’y inclure des postes de catégorie A. Il s’agit d’une mesure de justice sociale à destination des personnels civils de recrutement local de Polynésie.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN36 de M. Thierry Tesson

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Dans le domaine spatial, le budget des études amont prévoit 70 millions d’euros en AE et en CP. Celui alloué à la dissuasion est d’environ 202 millions d’euros. Le montant de 1 million d’euros est en quelque sorte un montant d’appel. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN57 de M. Thierry Tesson

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. La direction générale de l’armement (DGA) a notifié le 5 mars 2024 des accords-cadres auprès de cinq sociétés en vue d’identifier les solutions permettant le développement d’ordinateurs quantiques universels. Cela représente un investissement de 500 millions dans le cadre de France 2030. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de M. Alexandre Dufosset

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le montant de 10 millions est cosmétique par rapport aux montants d’ores et déjà engagés dans le domaine du quantique. Outre le programme PROQCIMA, le ministère participe au programme ADEQUADE, financé par le Fonds européen de la défense (FEDef) et coordonné par Thales. Par ailleurs, la gravimétrie quantique est d’ores et déjà une réalité grâce au programme de capacité hydro-océanographique future (CHOF). Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN39 de M. Laurent Jacobelli

M. Laurent Jacobelli (RN). Il offre l’occasion de régler deux problèmes. Le premier problème s’appelle l’Agence européenne de défense (AED), qui est clairement un organisme qui ne sert pas à grand-chose et bat en brèche la souveraineté des États en matière de défense, qui est pourtant la seule concevable. Nous proposons de prendre l’argent de ce budget – 8,7 millions – pour régler un second problème, celui du MCO, souvent décrit comme un problème ou un point de vigilance par les rapporteurs pour avis. Retrouver notre souveraineté nationale, aider nos armées à s’entraîner et à rester opérationnelles : cet amendement deux-en-un est fort de sens.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement.

 

Contre l’avis de la rapporteure pour avis Anne Le Hénanff, la commission adopte l’amendement II-DN22 de Mme Florence Goulet.

 

Amendement II-DN103 de M. Boris Vallaud

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Il vise à accompagner le développement d’une stratégie complémentaire au transfert d’armes en abondant de 200 millions l’aide à l’Ukraine, qui est un engagement que nous soutenons, mais qui ne doit pas peser sur le budget des armées.

Afin de ne pas amputer les budgets sur lesquels l’amendement est gagé, ses auteurs comptent sur l’application de l’article 4 de la LPM 2024 – 2030 prévoyant que l’aide à l’Ukraine ne pèse pas sur le budget des armées.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous partageons l’ambition de Mme Santiago : nous avons soutenu la création du fonds spécial de soutien à l’Ukraine à hauteur de 100 millions en 2022, ainsi que son abondement à hauteur de 200 millions en 2023 puis en 2024. Je crois comprendre que le Gouvernement cherche à modifier son mode de financement, notamment en utilisant les intérêts des actifs russes gelés en Europe. Nous préférons faire payer les milliardaires russes proches de M. Poutine que les contribuables français. Je suis favorable à l’objectif mais émets un avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN72 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de faire respecter une promesse ministérielle. L’an dernier, nous avons demandé au ministre d’indiquer dans les bleus budgétaires le montant exact de la contribution française à l’Otan, dans la mesure où elle est amenée à exploser pour atteindre près de 1 milliard à la fin de la décennie. Cette information figure dans les bleus budgétaires, nous a répondu en substance le ministre. Contraint de constater qu’elle n’y figure pas, il nous a concédé le point et s’est engagé à faire en sorte qu’elle y figure.

Non seulement elle n’y figure toujours pas, mais les questions posées en tant que rapporteur pour avis pour obtenir le montant précis du budget alloué à l’Otan sont restées sans réponse. Nous proposons donc de créer une ligne budgétaire Contributions internationales – Otan afin que le Parlement puisse contrôler l’action du Gouvernement et vérifier le montant réel de cette contribution.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN74 de Mme Murielle Lepvraud

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Le projet de loi de finances pour 2024 comporte une stratégie climat-défense visant à adapter nos armées aux bouleversements induits par les changements climatiques. Ce document se contente de mentionner la nécessité d’adapter les capacités politiques et les doctrines, et d’anticiper les exigences et les contraintes normatives. Le changement climatique est de plus en plus structurant pour toutes les activités humaines. Les armées n’y échapperont pas.

Nous nous interrogeons notamment sur la pérennité du moteur thermique alors même que l’Union européenne prévoit d’en interdire la vente à partir de 2035. Une exemption pour les moyens militaires terrestres est imaginable pour des raisons d’efficacité opérationnelle. Toutefois, dès lors que les principaux constructeurs ne produiront plus de véhicules thermiques, aucun n’acceptera de continuer à en produire pour les micro-marchés des besoins militaires. Nous serons obligés d’évoluer. Mieux vaut anticiper que subir. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’un programme intitulé Préparer l’après-pétrole.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La lutte contre le changement climatique et la transition énergétique des activités humaines constituent un objectif civilisationnel. Les auditions de notre commission ont rappelé combien le changement climatique et la raréfaction des ressources naturelles agissent comme un amplificateur des risques géostratégiques. Le ministère des armées a enfin pris conscience du problème. Le général Burkhard nous a enfin donné raison. Mme Lepvraud et plusieurs d’entre nous alertent de longue date à ce sujet. Il est nécessaire de tenir compte des enjeux de transformation des forces et des moyens de nos armées dans un monde post-pétrole. Le présent amendement vise à engager cette réflexion. Il est utile et nécessaire. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

 

Après l’article 59 :

 

Amendement II-DN83 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement ne coûte pas cher. Il invite le Gouvernement à nous remettre un rapport pour avancer dans la connaissance et la compréhension de deux problèmes majeurs. Le premier est la gestion des débris spatiaux dans un contexte d’inflation et de prolifération des capacités orbitales et la réponse à apporter à cette question devenue critique. Le second est la météo spatiale, dont l’importance croît avec le trafic orbital. L’enjeu est d’objectiver l’existant et son devenir à brève échéance pour anticiper les évolutions susceptibles d’affecter le trafic des satellites, notamment des satellites militaires, et d’amorcer une réelle programmation cadre dans le domaine spatial.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. L’accroissement de la densification spatiale en orbite basse crée de nombreux risques. On estime à près de 40 000 le nombre d’objets de plus de 10 centimètres et à un peu moins d’un million le nombre d’objets de plus d’un centimètre. Sans sectarisme et pour faire avancer la connaissance et le bien de l’humanité, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN132 de M. Frank Giletti, rapporteur pour avis

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il vise à réaliser notre capacité d’action dans l’espace, qui sera la véritable rupture de la stratégie spatiale de défense.

M. François Cormier-Bouligeon rapporteur pour avis. À l’amendement Yoda défavorable le rapporteur du programme 146 est. Vous avez consacré la partie thématique de votre rapport au domaine spatial. Vous avez donc auditionné toute la filière du spatial militaire. Votre rapport comporte toutes les informations utiles. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN80 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir du Gouvernement un rapport sur sa stratégie de surveillance maritime. Année après année, nous empilons les mesures et créons des programmes dans tous les domaines maritimes possibles. Nous manquons d’une vision d’ensemble de la protection de la souveraineté du territoire maritime. Il est tout à fait illusoire de considérer que la France exerce pleinement sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire maritime. Nous ne pouvons pas nous résoudre à cet abandon. Nous demandons au Gouvernement de détailler une stratégie globale articulant les moyens engagés. Un tel document existe mais ne propose aucune vision ni aucun but clair.

Contre l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN82 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir du Gouvernement des éléments précis sur l’impact des reports de commandes sur le coût des programmes et sur la capacité des armées à remplir les contrats opérationnels. La marche affichée de 3,3 milliards est faciale, dès lors qu’elle intègre des dépenses imprévues. Il y a donc report de charges. De même, si le financement interministériel du surcoût du BOP Opex n’est pas activé, cela augmentera encore les reports de charges.

Même si tout se déroule comme prévu d’ici 2030, le mur des AE sera supérieur à 150 milliards d’euros, soit près de trois fois le budget de la défense. Cela soulève deux questions : le budget est-il soutenable ? Quid de l’enjeu démocratique ? Le prochain Président de la République, qui sera élu au plus tard en 2027, sera pieds et poings liés par des engagements excédant largement la logique de planification. Il est indispensable de faire la clarté sur les surcoûts et sur les reports de charges.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je pourrais me contenter de mentionner les rapports prévus aux articles 9 et 10 de la LPM 2024 – 2030 ainsi que les nombreux rapports de la Cour des comptes. M. Lachaud soulève la question de l’ampleur des AE. Les programmes de défense sont lourds et de longue durée. Nous sommes obligés de recourir aux AE pour les financer, même si elle rigidifie les budgets. Des objets tels que le PANG et le standard F5 du Rafale doivent faire l’objet d’une prévision.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN86 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à obtenir du Gouvernement un rapport faisant état du bilan global et des sommes perçues par l’État français au titre des redevances sur les exportations d’armement de la part des industriels et de leurs sous-traitants. Lorsque nous exportons des armements, les entreprises versent une redevance à l’État, qui est la contrepartie des subventions versées et du soutien à l’export.

Sur ce sujet, l’opacité règne depuis de nombreuses années. Le montant de ces redevances n’est pas communiqué à la représentation nationale. Nous ne sommes pas certains que le Gouvernement fasse le nécessaire pour obtenir les montants dus. Il s’agit de faire la lumière sur ce qui a pu se passer au cours des dernières années. Au demeurant, la Cour des comptes a appelé notre attention sur le sujet sans parvenir à donner un chiffre exact.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Sans préjudice du fond, l’indicateur de performance que vous souhaitez créer n’a pas sa place dans le programme 144. Il en existe un permettant de mesurer le délai de traitement des dossiers d’exportation de matériels de guerre mais uniquement du point de vue de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). L’indicateur proposé devrait figurer dans le programme 129 Coordination du travail gouvernemental, qui comprend notamment les crédits du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de créer un indicateur mais d’obtenir un rapport permettant de faire le point sur ce qui a pu se passer au cours des dix dernières années en matière de redevances. Ont-elles été versées ou non ? Pourquoi ? Ces questions sont légitimes. Aucun document ne permet de le savoir, alors même que le doute est fort s’agissant de la possibilité que les entreprises se soient affranchies de cette obligation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN87 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’obtenir un rapport sur l’importation de matériels de guerre et de biens et technologies à double usage, qui serait le pendant du rapport annuel sur les exportations de ces matériels. Il est indispensable que la représentation nationale soit éclairée sur les volumes de biens à double usage et de matériels de guerre que la France importe. Cet exercice de transparence est nécessaire et indispensable pour savoir de qui nous pourrions dépendre dans les prochaines années, notamment en cas de conflit. Chacun connaît les réglementations américaines de contrôle des exportations en matière de défense (ITAR&EAR), qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années et nous ont incités à désitariser les matériels de guerre. Cette réflexion devrait être appliquée à tous les États.

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement recense d’ores et déjà les matériels importés en application du traité sur le commerce des armes (TCA), qui prévoit que les États parties sont tenus d’établir un rapport annuel sur leurs exportations et leurs importations d’armement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN118 de Mme Anna Pic et II-DN97 de Mme Isabelle Santiago ensemble

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Le II-DN118 prévoit un rapport sur les modalités de financement des Opex de la France.

Le II-DN97 porte sur le plan « famille 2 ». Un rapport précisant l’état d’avancement de sa mise en œuvre est nécessaire, compte tenu du taux d’inflation, des diverses mobilisations des personnels, des difficultés de réinsertion de certains d’entre eux et des accompagnements mis en œuvre, s’agissant notamment des soins et de la scolarisation des enfants.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN118 fait clairement écho à l’enjeu de traitement budgétaire et de qualification juridique des engagements à l’étranger des forces armées. J’ai soulevé la question à de très nombreuses reprises. Le refus répété du Gouvernement de se soumettre à l’obligation découlant de l’article 35 de la Constitution d’information et de contrôle du Parlement a abouti à une situation illisible, ubuesque et contraire aux dispositions de la LPM 2024 – 2030.

Ma conviction est qu’il faut considérer toutes les missions opérationnelles à l’étranger comme entrant dans le champ de l’article 35 de la Constitution, dont le respect doit conditionner tout financement interministériel. Le ministre a reconnu un enjeu de lisibilité. Toutefois, il me semble nécessaire d’attendre la réponse à la question juridique avant d’en tirer les enseignements pour le traitement budgétaire. Sagesse.

S’agissant de l’amendement II-DN97, les travaux de votre rapporteur pour avis ont permis d’identifier les retombées du plan « famille », en écho à la mission d’information sur le plan « famille » dont Mme Santiago était co-rapporteur. J’ai aussi analysé les développements en cours du plan « famille 2 », identifié certaines de ses lacunes et rappelé que certaines actions annoncées ou prévues restent à mettre en œuvre.

Cet amendement permettra utilement de renforcer le suivi par le Parlement de ces politiques fondamentales pour l’amélioration de la condition militaire et la réussite des efforts de fidélisation et de s’assurer que les engagements pris dans la LPM 2024 – 2030 sont réellement suivis d’effets concrets. Avis favorable.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Amendement II-DN117 de Mme Anna Pic

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Nous souhaitons obtenir un rapport sur l’adaptation de la politique de rémunération des militaires évaluant l’action du Gouvernement en faveur d’un meilleur équilibre entre rémunération indiciaire et rémunération indemnitaire, formulant des recommandations, et évaluant leur coût financier et leurs implications budgétaires en vue du prochain projet de loi de finances et des mesures.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme l’indique mon rapport pour avis, la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) n’a pas été à la hauteur des attentes, en raison d’effets négatifs que votre rapporteur pour avis a déjà évoqués à plusieurs reprises, notamment la fiscalisation de l’indemnité de garnison et les conditions de gestion et de versement de l’indemnité de sujétion d’absence opérationnelle (ISAO).

Toutefois, la présente demande de rapport sur les effets de la NPRM et sur les équilibres de la rémunération des militaires ne me paraît pas idéalement positionnée. À court terme, les effets pervers de la NPRM sont déjà bien identifiés et gagneraient à être résolus au plus vite. À moyen terme, la LPM 2024 – 2030 prévoit une clause de revoyure en 2026 et le Parlement sera récipiendaire d’un rapport sur le sujet. Je préconise plutôt une mission d’information dans le courant de l’année 2025 visant à analyser les effets de la fiscalisation. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN122 de M. Frédéric Boccaletti

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai déjà eu l’occasion de souligner que la fiscalisation de l’indemnité de garnison soulève une grande difficulté. Elle devrait, à partir de l’exercice fiscal 2025, effacer une partie significative des bénéfices de la NPRM en raison de la hausse consécutive de l’impôt sur le revenu et de la perte de bénéfice des prestations sociales. Ses effets restent toutefois difficiles à chiffrer.

Il me paraît donc plus adapté de prévoir la remise d’un rapport identifiant les effets de la fiscalisation de l’indemnité de garnison plutôt que ceux de sa défiscalisation. En dépit de mes demandes répétées, le ministère a été incapable de chiffrer les effets de la fiscalisation a priori. Nous le ferons a posteriori. Je pense qu’il n’est pas moins incapable, à moins qu’il s’agisse de mauvaise volonté, de nous donner des éléments sur la défiscalisation de l’indemnité de garnison. Soit le ministère n’en a pas les capacités, soit il ment ouvertement à la représentation nationale depuis trois ans. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur

Mme Isabelle Santiago, rapporteur pour avis. Il vise à obtenir un rapport sur les coûts engendrés par les développements de technologies et les matériels innovants liés aux nouveaux espaces de conflictualité. Ce rapport pourrait différencier les trois espaces que sont le spatial, les fonds marins et le cyber. Ce dernier nécessite le développement de technologies innovantes spécifiques pour que la France assure sa supériorité dans ce domaine, où se mêlent puissances militaires et acteurs majeurs de l’économie. Ce rapport pourrait contribuer à la formulation d’une stratégie opérationnelle pour que la France ait l’ascendant militaire dans le cyberespace et puisse investir les domaines émergents liés à l’intelligence artificielle.

Mme Anne Le Hénanff, rapporteure pour avis. Je souscris à la nécessité de disposer d’informations sur les coûts engendrés par l’émergence de nouveaux espaces de conflictualité. Il y a des informations à ce sujet dans les annexes budgétaires de la mission Défense, certes partielles et parfois peu claires. J’ai indiqué cet axe d’amélioration dans mon rapport pour avis.

Nous disposons toutefois d’éléments dans le rapport transmis aux parlementaires en vertu de l’article 10 de la LPM 2024 – 2030 relatif à son exécution. Je suis favorable à la clarification de la répartition du budget total dédié, au titre de l’innovation de défense ainsi que des programmes d’armement, aux nouveaux espaces de conflictualité et à d’autres domaines transverses tels que l’intelligence artificielle. Je suggère le retrait de l’amendement pour en retravailler la rédaction et le présenter, avec mon soutien, en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN85 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous sommes très préoccupés par le risque de privatisation des fonctions régaliennes liées au ministère de la défense. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant un bilan de l’éventuel recours aux entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD).

S’agissant des matériels importés, l’annexe 11 du rapport sur les exportations d’armement est tout sauf exhaustive. Elle précise exclusivement les imports de matériel déjà constitués, et absolument rien sur les composants qui nous intéressent.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-DN140 de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’obtenir un rapport sur la scolarisation des enfants des militaires français à l’étranger, qui bénéficient à cette fin d’une prime, la majoration familiale à l’étranger (MFE). Elle permet de prendre en charge à l’euro près les frais de scolarité dans les établissements français de référence du pays. Malheureusement, elle ne tient compte ni des frais de transport, ni des frais de demi-pension, ni des frais d’uniforme, parfois inabordables avec un traitement de militaire, comme c’est le cas au lycée Rochambeau à Washington.

Un tel rapport permettrait de vérifier qu’il n’y a pas de solution plus efficace que la MFE pour résoudre ce problème, qui se pose particulièrement dans les pays anglo-saxons et scandinaves. Ainsi, les militaires ayant une famille sont de fait exclus des affectations à la délégation française à l’ONU, en raison du coût de la vie sur place.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cette question a été abordée lors de la présentation du plan « familles » en 2021. Les militaires de pays étrangers, par exemple les Américains en poste à Naples pour l’Otan, perçoivent des primes permettant de financer leur vie de famille. Les nôtres travaillent souvent avec des militaires étrangers. Ce problème dure depuis des années et doit être réglé.

La commission adopte l’amendement.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux explications de vote.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous étions partis pour ne pas voter le budget de la mission Défense. Il intègre désormais d’importantes dispositions proposées par le Rassemblement national, notamment la fin des subventions à l’AED ainsi que la prise en compte de demandes capacitaires, de la santé, du logement et du salaire de nos militaires, de la situation des harkis et de la tension sur le point d’indice de la PMI. Nous y sommes donc favorables.

M. Yannick Chenevard (EPR). Nous étions partis pour voter ce budget. Un rapide calcul indique que nous avons augmenté de 800 millions un budget déjà considérable. Nous ne le voterons pas.

Mme Lise Magnier (HOR). Nous étions partis pour voter les crédits de la mission Défense. Nous avons amputé de 100 millions nos capacités de commandes de matériel, dont nos forces ont besoin. Nous avons amputé de 60 millions le financement de l’opération Sentinelle, au détriment de la sécurité du territoire national. À force de petits bougés, nous sommes parvenus à un budget qui prévoit 800 millions de bougés dans la trajectoire de la LPM 2024 – 2030. Pour nous, c’est inquiétant. Nous avons abondé de 300 millions les crédits du SSA, qui n’aura absolument pas les moyens concrets de les dépenser. La maquette budgétaire a fortement dévié de la trajectoire prévue par la LPM 2024 – 2030. Nous nous abstiendrons sur le vote de ces crédits.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Nous nous abstiendrons sur le vote des crédits, dans l’attente du débat en séance publique. Auparavant, nous souhaitons obtenir des réponses au sujet des mesures budgétaires de l’année 2024 impactant le budget qui nous est proposé. Nous tenons à la sécurisation des budgets de nos armées.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous avons remporté des victoires lors de l’examen de ce budget. Notre propos liminaire était très clair : nous ne ratifions pas l’idée selon laquelle la marche de 3,3 milliards est respectée. Les dépenses imprévues et les dépassements de crédits, dans le cadre des Opex, de l’aide à l’Ukraine, des JOP, de l’intervention en Nouvelle-Calédonie/Kanaky et des MissOps effacent ce montant. Des crédits de 800 millions ne permettent pas de compenser la perte que représentent ces dépenses indues.

Par ailleurs, la trajectoire budgétaire globale présente, à l’horizon 2027 et surtout 2030, un mur de restes à payer. Les gains que nous avons remportés au cours de cet examen ne permettent pas de l’éviter. Nous voterons contre ce budget.

Nous espérons avoir l’occasion de plaider en séance publique en faveur de la nationalisation d’Atos, qui est notre principale victoire mais qui n’est qu’un pas.

M. Michel Gonord (DR). Nous aurions voté le budget, mais déformé par des modifications de 800 millions, nous ne le voterons pas.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense modifiés.

 

 


   Annexe :

Auditions et déplacement du rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

 

1.   Auditions

 

     Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) – M. Frédéric Parisot, délégué général ;

 

     Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – M. Jérôme Demoment, directeur des applications militaires ;

 

     État-major de la Marine – M. le contre-amiral David Desfougères, sous-chef plans et programmes ;

 

     Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) – M. le général Jean-Marc Duquesne, délégué général ;

 

     Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) – M. Philippe Missoffe, délégué général ;

 

     Comité Richelieu – M. Thierry Gaiffe, président ;

 

     KNDS – M. Nicolas Chamussy, directeur général et M. Alexandre Dupuy, directeur de la Business Unit Systèmes et Key Account Manager France ;

 

     État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général de corps aérien Philippe Moralès, major général ;

 

     MBDA – M. Eric Béranger, président-directeur général, M. l’amiral (2S) Hervé de Bonnaventure, conseiller défense, et M. Jean-René Gourion, directeur des affaires commerciales ;

 

     Airbus – M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques France, M. le général (2S) Guy Girier, conseiller défense, M. le général (2S) Louis Pena, conseiller défense, et M. Olivier Masseret, directeur des relations institutionnelles France ;

 

     Naval Group – M. Guillaume Rochard, directeur stratégie, partenariats et affaires institutionnelles ;

 

     État-major de l’armée de terre – M. le général de brigade Alain Lardet, sous-chef plans et programmes ;

 

     Delair – M. Bastien Mancini, président-directeur général ;

 

     Eurenco - M. Thierry Francou, président-directeur général, et M. Yves Traissac, directeur général délégué ;

 

     État-major des armées – M. le vice-amiral Éric Malbrunot, sous-chef plans et programmes ;

     Direction générale de l’armement

Table-ronde « Transformation, RH et économie de guerre » avec Mme Caroline Krykwinsi, directrice de la direction des ressources humaines, et M. l’IHA Éric Kobak, directeur du service de la transformation et de la performance (STP) ;

Table-ronde « Économie de guerre : définition, actions entreprises, résultats » avec M. l’IGA Alexandre Lahousse, directeur de la direction de l’industrie de défense (DID), et M. l’IGA Guilhem Reboul, directeur de la direction des opérations, du maintien en condition opérationnelle et du numérique (DOMN) ;

 

     Dassault Aviation – M. Bruno Giorgianni, directeur des affaires publiques ;

 

     Direction générale de l’armement – M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement.

 

 

Contributions écrites transmises à votre rapporteur

 

     Contribution écrite d’Ariane Group ;

 

     Contribution écrite d’Arquus ;

 

     Contribution écrite de Safran ;

 

     Contribution écrite de Thales.

 

 

 

 

2.   Déplacement

 

     Base aérienne de la base d’Avord – rencontre avec M. le colonel Xavier Rival, commandant de la base aérienne, les officiers et les personnels de la base.

 

 


([1]) Revue nationale stratégique 2022.

([2]) Cour des comptes, « La LPM 2019-2025 et les capacités des armées », mai 2022.

([3])  Commission européenne et Haut représentant de l’UE, « Communication conjointe sur l’analyse des déficits d’investissement dans le domaine de la défense et sur la voie à suivre », 18 mai 2022.

([4]) Audition de l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine, commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 27 juillet 2022.

([5])  Référence au concept d’ “economic deterrence” utilisé dans la stratégie pour l’industrie de defense américaine, voir US department of defence, « National Defense Industrial Strategy », novembre 2023.

([6]) M. Julien Malizard, « L’économie de guerre : une perspective budgétaire internationale », magazine des ingénieurs de l’armement, n° 132.

([7]) Revue nationale stratégique.

([8]) Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, sur la dissuasion nucléaire, commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 1er février 2023.

([9])  L’agrégat « Équipement » de la LPM 2024-2030 regroupe 10 opérations stratégiques : la dissuasion, les programmes à effet majeur, les autres opérations d’armement, les équipements d’accompagnement et de cohérence, l’entretien programmé du matériel, l’entretien programmé du personnel, les infrastructures de défense, la prospective et la préparation de l’avenir, l’environnement des programmes d’armement et enfin le renseignement. Son périmètre est donc plus large que celui du programme 146.

([10]) Ministère des Armées, rapport au Parlement « sur les enjeux et les principales évolutions de la programmation budgétaire de la mission Défense », juin 2024.

([11]) Ibid.

([12]) Ibid.

([13]) Le programme Rafale inclut les programmes à effet majeur Rafale, Rafale F4, Rafale F3R, retrofit F1-F3 et et Rafale F5.

([14]) Autoprotection évoluée, blindage final, atterrissage sur terrains sommaires souples, ravitaillement en vol de chasseurs, d’avions de transport et d’hélicoptères, largage de parachutistes par les deux portes, largage de matériel par gravité jusqu’à 25 tonnes et éjection jusqu’à 16 tonnes, et suivi de terrain automatique avec et sans visibilité.

([15]) Ministère des Armées, « Rafale standard F5 : premières commandes notifiées aux industriels », 14 octobre 2024.

([16]) RJ pour « ramjet » : concept supersonique manœuvrant.

([17]) TP pour turbopropulseur : concept subsonique furtif.

([18]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([19]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([20]) Ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

([21])  Ministère des Armées « . Allemagne : signature de la phase 1A du programme de char du futur », 30 avril 2024.

([22])  Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, de M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie, et de M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, sur le rapport annuel du Gouvernement au Parlement portant sur les exportations par la France, Assemblée nationale, 26 septembre 2023.

([23])  Ministère des Armées, « Vision stratégique du délégué général pour l’armement », mars 2023.

([24])  Ibid.

([25]) Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, 8 novembre 2023.

([26]) Esprit Défense n° 7, « Économie de guerre, produire plus et plus vite, le défi », printemps 2023.

([27]) Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, 19 mai 2023.

([28])  Guide d’application de l’instruction ministérielle n° 1618 d’octobre 2021 promeut une telle démarche incrémentale « une OA [opération d’armement] peut être scindée en incréments successifs, qui constituent autant d’opérations d’armement unitaires et dont les différentes phases (voire jalons) peuvent se chevaucher. Cette décomposition permet de donner une première réponse à un besoin opérationnel sans attendre de disposer de toutes les technologies nécessaires ou avoir défini précisément la capacité opérationnelle finale. Chaque incrément doit donc suivre les phases de la conduite d’une OA, mais le périmètre d’un incrément peut inclure des travaux de préparation des incréments suivants. »

 

 

([29]) Ministère des Armées, « Deux ans d’économie de guerre en chiffres », 23 juin 2024 : au 31 décembre 2023, les commandes passées en attente de livraison étaient réparties entre les différentes entreprises comme suit selon le ministère des Armées : Thalès : 6 milliards d’euros ; Airbus Defense and Space : 5 milliards d’euros ; Airbus Helicopters : 5 milliards d’euros ; Dassault aviation : 5 milliards d’euros ; Naval Group : 4 milliards d’euros ; MBDA : 3 milliards d’euros ; Safran : 2 milliards d’euros ; Chantiers Navals (hors Naval Group) : 1,5 milliard d’euros ; Nexter : 1,5 milliard d’euros ; Arquus : 1 milliard d’euros.

([30]) Esprit Défense n° 7, printemps 2023, « Économie de guerre, produire plus et plus vite, le défi ».

([31]) Article 49 de la LPM 2024-2030 : « Afin de garantir la continuité de l'exécution des missions des forces armées et des formations rattachées ou de sécuriser leur approvisionnement, l'autorité administrative, après consultation de l'entreprise concernée, peut ordonner, par arrêté, à toute entreprise titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 2332-1 la constitution d'un stock minimal de matières, de composants, de rechanges ou de produits semi-finis stratégiques dont elle est tenue d'assurer le réapprovisionnement continu au fur et à mesure de leur utilisation pour les besoins de ses activités ».

 

([32]) Article 49 de la LPM 2024-2030 : « Afin de garantir la continuité de l'exécution des missions des forces armées et des formations rattachées, de sécuriser leur approvisionnement, d'honorer les engagements internationaux auxquels la France est partie en matière de défense ou d'assurer la poursuite de coopérations internationales en ce domaine, l'autorité administrative, après consultation de l'entreprise concernée, peut ordonner, par arrêté, à toute entreprise avec laquelle elle a conclu un marché de défense ou de sécurité mentionné à l'article L. 1113-1 du code de la commande publique de réaliser tout ou partie des prestations faisant l'objet du marché par priorité sur tout engagement contractuel autre que ceux liés à l'exportation ou au transfert des matériels mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 2331-2 du présent code. Le cas échéant, l'arrêté précise, par dérogation aux stipulations contractuelles, le délai dans lequel la réalisation des prestations est attendue. ».

 

 

([33]) Esprit Défense n° 7, « Économie de guerre, produire plus et plus vite, le défi », printemps 2023.

 

([34]) Commission européenne, « Access to equity financing for European defence SMEs », 11 janvier 2024.

([35])Proposition de loi visant à flécher l’épargne non centralisée des livrets réglementés vers les entreprises du secteur de la défense nationale, Assemblée nationale, 23 janvier 2024.