______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2025.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI
d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 (n° 1456),
par M. Jean-Didier BERGER,
Député
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1ère lecture : 1456.
___
Pages
A. une information portant sur un périmètre élargi de la protection sociale
B. un recul de l’excédent en 2024, qui se confirmerait en 2025
b. L’équilibre en trompe‑l’œil des administrations de sécurité sociale en 2024
2. Une dégradation du solde des administrations de sécurité sociale qui se poursuivrait en 2025
II. l’équilibre général et les recettes
A. une dégradation inédite, hors période de crise, du solde des rÉgimes obligatoires de base
2. Une aggravation attendue des déficits sociaux au‑delà de 2024
B. une dette sociale à la dérive, qui pèse sur la trésorerie de l’acOSS
1. L’endettement du régime général
2. L’apurement des passifs transférés
a. La fin de la reprise de la dette sociale par la CADES, intervenue en 2024
2. Une nouvelle absence de certification des comptes de la branche famille et de la CNAF
D. des ressources dynamiques, principalement assises sur le facteur travail
1. Un financement encore majoritairement assuré par les cotisations
2. La compensation des allègements sociaux par l’État
A. Les dÉpenses de la branche maladie et de l’ONDAM
1. Les dépenses de la branche maladie
2. Les dépenses relevant de l’ONDAM
B. Les dÉpenses de la branche AT-MP
C. Les dÉpenses de la branche vieillesse
D. Les dÉpenses de la branche famille
E. Les dÉpenses de la branche autonomie
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées PAR LE RAPPORTEUR
Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) de l’année 2024, déposé le 23 mai 2025 par le Gouvernement, est le troisième texte de cette nature soumis au Parlement.
● La LACSS est une catégorie récente de loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), instituée par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).
La création d’un véhicule législatif spécifique devait, selon les termes du rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’époque, M. Thomas Mesnier, fournir un « point d’aboutissement plus solennel » aux travaux de contrôle de l’application de la LFSS portant sur l’exercice précédent ([1]). Contrairement au budget de l’État de l’année n–1, dont l’approbation fait de longue date l’objet d’un véhicule législatif distinct de la loi de finances de l’année n+1 ([2]), aucun texte spécifique ne donnait lieu à l’approbation des comptes sociaux du dernier exercice clos.
En effet, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, le I de l’ancien article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale disposait que la LFSS de l’année était divisée en quatre parties, la première « comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos ». Cette partie, à la fois éminemment technique et faiblement amendable, était examinée rapidement à l’automne. Le dépôt tardif du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et ses délais d’examen contraints ne permettaient pas aux membres du Parlement de prendre connaissance des nombreuses et riches annexes jointes au texte dans des conditions satisfaisantes.
Aux termes du nouvel article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, la LACSS :
– « comprend un article liminaire » retraçant les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), sous-secteur des administrations publiques (APU) qui excède le champ des LFSS ;
– « approuve » les tableaux d’équilibre par branche des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et des organismes concourant à leur financement, soit le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice clos, le montant des dépenses constatées relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), ainsi que les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des ROBSS et à l’amortissement de leur dette, en l’espèce le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) ;
– « approuve », via un renvoi au 2° de l’article L.O. 111-4-4 du même code, le « rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion » de la clôture de l’exercice et « retraçant la situation patrimoniale » des ROBSS et de leurs satellites.
Outre ce dernier rapport annexé, sept catégories d’annexes visées au même article L.O. 111-4-4 sont jointes au PLACSS, dont les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS) relatifs à chaque branche, qui en constituent l’annexe 1, la présentation des « mesures de réduction ou d’exonération […] et de réduction ou d’abattement de l’assiette de ces cotisations et contributions [sociales] » (annexe 2) et l’analyse de la mise en œuvre des dispositions de la LFSS du dernier exercice clos (annexe 5).
L’information du Parlement est, par ailleurs, complétée par les avis formulés par la Cour des comptes sur la cohérence des tableaux d’équilibre et du tableau de situation patrimoniale du dernier exercice clos ([3]), lesquels sont compris dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) ([4]). Ces documents ont été rendus publics le 26 mai 2025.
● À titre liminaire, plusieurs observations peuvent être formulées sur les conditions d’examen du PLACSS de l’année 2024.
En premier lieu, les délais fixés respectivement pour le dépôt du PLACSS sur le bureau de l’Assemblée nationale – avant le 1er juin de l’année suivant l’exercice clos ([5]) – et pour l’établissement du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) – dont la première réunion annuelle doit se tenir entre le 15 avril et le 15 juin ([6]) – sont formellement respectés. En effet, le PLACSS de l’année 2024 a été déposé le 23 mai 2025 par le Gouvernement, tandis que la commission des comptes de la sécurité sociale s’est réunie le 3 juin 2025, son rapport ayant été publié le même jour.
S’il convient de saluer le dépôt dans les délais du projet de loi, le rapporteur pour avis s’étonne du caractère pour le moins baroque d’un calendrier consistant à présenter un texte relatif aux comptes du dernier exercice clos près de 10 jours avant la présentation des travaux de la commission des comptes de la sécurité sociale, lesquels ont justement pour finalité d’éclairer l’élaboration des textes financiers sociaux ([7]).
En second lieu, la conformité aux dispositions organiques du calendrier de mise à disposition des annexes jointes au PLACSS de l’année 2024 est perfectible. Les annexes 2 et 3, portant respectivement sur les « niches sociales » et sur l’exécution de l’ONDAM, n’avaient pas été déposées à la date du 1er juin 2025, contrevenant ainsi au second alinéa de l’article L.O. 111‑6 du code de la sécurité sociale.
● Depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 ([8]), la commission des finances s’est saisie pour avis de tous les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Il était donc naturel qu’elle examine le PLACSS de l’année 2022 – l’adoptant, au contraire de l’Assemblée nationale – puis le PLACSS de l’année 2023, examiné à deux reprises en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024.
Pour rappel, la commission des finances a, dans ce contexte inédit, émis par deux fois un avis défavorable à l’adoption du PLACSS de l’année 2023 ([9]), lequel a également été rejeté à deux reprises par la commission des affaires sociales ([10]), saisie au fond. L’Assemblée nationale, le 15 octobre 2024, puis le Sénat, le 22 octobre de la même année, ont successivement rejeté ce texte.
Réunie le 4 juin 2025, la commission des finances a adopté les amendements de suppression des quatre articles du PLACSS de l’année 2024, émettant ainsi un avis défavorable à l’adoption de l’ensemble de celui‑ci.
● Ainsi que le notait le rapporteur pour avis lors de l’examen du PLACSS de l’année 2023 ([11]), « le rejet du PLACSS n’a pas de conséquences comptables sur la gestion opérationnelle des ROBSS. En effet, les tableaux d’équilibre et le tableau patrimonial dont le PLACSS prévoit l’approbation ne constituent pas formellement les comptes des organismes de sécurité sociale. Ces derniers sont établis par le directeur comptable et financier puis arrêtés par le directeur, avant d’être soumis à l’approbation de l’instance délibérative compétente de l’organisme concerné en amont du dépôt du PLACSS à l’Assemblée nationale ».
Il n’en demeure pas moins que l’état dégradé des comptes sociaux, dont le PLACSS de l’année 2024 n’a par définition ni pour objet ni pour effet d’engager le redressement, menace plus que jamais la pérennité de notre système de protection sociale.
Seront successivement abordés dans le présent rapport pour avis l’article liminaire (I) du PLACSS de l’année 2024, puis le solde et les ressources des ROBSS (II) et enfin les dépenses constatées pour cet exercice (III).
*
* *
Nota bene : dans les tableaux et graphiques du présent rapport pour avis, des effets d’arrondis ou de transferts peuvent expliquer que les totaux soient légèrement inférieurs ou supérieurs à l’addition des agrégats qu’ils retracent.
L’article liminaire porte sur les administrations de sécurité sociale (ASSO), soit un champ élargi par rapport aux régimes et organismes relevant de la loi de financement de la sécurité sociale (A).
Le solde des ASSO se maintiendrait juste à l’équilibre en 2024, avant de devenir déficitaire en 2025 (B).
A. une information portant sur un périmètre élargi de la protection sociale
● En application du 1° de l’article L.O. 111‑3‑13 du code de la sécurité sociale, l’article liminaire constitue une disposition obligatoire de la LACSS. Il présente un tableau de synthèse retraçant les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) s’agissant du dernier exercice clos, contribuant à l’information du Parlement sur un périmètre élargi de la protection sociale. Le cadre organique antérieur à la réforme du 14 mars 2022 ne prévoyait pas la présence d’une telle disposition dans la première partie de la LFSS de l’année, qui constituait alors l’équivalent de la LACSS.
● Il convient de faire le départ entre l’agrégat européen des ASSO, qui excède le périmètre des lois de financement, et celui des régimes obligatoires de base (ROBSS), chargés de couvrir les assurés contre divers risques sociaux, et leurs satellites. Ce dernier est l’objet principal du présent rapport pour avis.
Les ASSO sont l’un des sous-secteurs d’administration publique du système européen des comptes nationaux (SEC 2010) établi par la direction générale des statistiques de la Commission européenne (EUROSTAT), les deux autres catégories d’administrations définies par la nomenclature européenne étant les administrations publiques centrales (APUC) et les administrations publiques locales (APUL). Aux termes du paragraphe 20.67 du SEC 2010, relèvent du sous-secteur des ASSO « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes » ainsi que « les hôpitaux publics [qui] fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble […] s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale ».
L’exposé des motifs du PLACSS de l’année 2024 précise que, dans le cas de la France, les ASSO regroupent « l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, les régimes de retraite complémentaire obligatoires », comme l’AGIRC-ARRCO pour les salariés du secteur privé et l’IRCANTEC pour une large partie des agents publics non titulaires, « l’assurance chômage » (UNÉDIC), « les hôpitaux », « la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et le Fonds réserve pour les retraites (FRR) ».
B. un recul de l’excédent en 2024, qui se confirmerait en 2025
Le solde des ASSO est très légèrement positif en 2024, se maintenant ainsi à l’équilibre en raison du résultat structurellement excédentaire de la CADES (1).
La dégradation du solde des ASSO se poursuivrait en 2025 (2), dans un contexte macroéconomique marqué par d’importants aléas (3).
1. Un solde des administrations de sécurité sociale, à l’équilibre en 2024, largement soutenu par l’excédent de la CADES
Le solde des ASSO s’établit à 2,3 milliards d’euros en 2024, contre 11,5 milliards d’euros lors de l’exercice précédent (a). Il est porté, comme en 2023, par des organismes qui ne relèvent pas du champ des ROBSS et du FSV (b).
a. Un solde des administrations de sécurité sociale en recul de 9,2 milliards d’euros par rapport à 2023
Les données de la présente sous‑partie sont exprimées au sens de la comptabilité nationale, laquelle est calculée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) suivant les conventions statistiques régies par système européen des comptes nationaux (SEC 2010).
● Pour rappel, le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (PLRG) de l’année 2024 fait état d’un déficit public de 5,8 % du produit intérieur brut (PIB), soit un besoin de financement de 168,6 milliards d’euros selon le compte provisoire de l’année 2024 publié par l’INSEE le 28 mai dernier ([12]). La dégradation du solde public se poursuit après un exercice 2023 déjà marqué par un déficit de 5,4 % du PIB, soit 151,7 milliards d’euros.
Le rapport d’avancement annuel (RAA) du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) pour les années 2025 à 2029 ([13]), présenté par le Gouvernement le 16 avril 2024, concomitamment au dépôt du PLRG, présente la décomposition du solde par sous‑secteurs des administrations publiques de la manière suivante :
– d’un côté, les administrations publiques centrales (APUC) contribuent fortement à ce résultat négatif (– 5,3 % du PIB), en particulier à raison de celui de l’État (– 5,2 % du PIB), tandis que le déficit des administrations publiques locales (APUL) est plus modéré (– 0,4 % du PIB) ;
– de l’autre, les administrations de sécurité sociale (ASSO) connaissent un strict équilibre, tenant à la mention d’un seul chiffre après la virgule.
PrÉvisions initiales et actualisÉes pour l’année 2024
(en points de produit intérieur brut)
|
LFI et LFSS |
LPFP |
LF et LFSS |
PLRG et PLACSS |
Solde structurel |
– 3,7 |
– 3,7 |
– 5,5 |
– 5,2 |
Solde conjoncturel |
– 0,6 |
– 0,6 |
– 0,4 |
– 0,5 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires |
– 0,1 |
– 0,1 |
– 0,1 |
– 0,1 |
Solde effectif |
– 4,4 |
– 4,4 |
– 6,0 |
– 5,8 |
Dette au sens de Maastricht |
109,7 |
109,7 |
115,5 |
113,0 |
Prélèvements obligatoires (nets des crédits d’impôt) |
44,1 |
44,1 |
43,5 |
42,8 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt) |
55,4 |
55,3 |
56,8 |
56,4 |
Solde des APUC |
– 4,8 |
– 4,7 |
– 5,3 |
– 5,3 |
Solde des APUL |
– 0,3 |
– 0,3 |
– 0,6 |
– 0,6 |
Solde des ASSO |
0,6 |
0,6 |
0,0 |
0,0 |
Source : LPFP pour 2023 à 2027 ; article liminaire des lois de finances pour 2024 et 2025 et des PLRG et PLACSS de l’année 2024.
● Selon le RAA, le solde des ASSO au titre de l’année 2024 est légèrement excédentaire de 1,3 milliard d’euros, soit une estimation arrondie correspondant à 0,0 % du PIB. Ce résultat, conforme à la prévision rectifiée de la LFSS pour 2025, est en retrait par rapport à l’estimation initiale de la LFSS pour 2024 (0,6 % du PIB). Il marque une nette dégradation par rapport à l’excédent de 11,5 milliards d’euros, soit 0,4 % du PIB, qu’affichaient les ASSO en 2023.
La dégradation de l’excédent des ASSO s’explique, d’après les données contenues dans le RAA, par une progression des dépenses (+ 5,5 %, après + 4,3 % en 2023) plus marquée que celle des recettes (+ 4 %, après + 4,6 % en 2023) en 2024.
Les recettes des ASSO s’établissent à 778,1 milliards d’euros en 2024. Le rendement des cotisations sociales a ralenti (+ 4,3 %, après + 4,6 % en 2023), malgré le gel des points de sortie des « bandeaux » maladie et famille au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en vigueur au 31 décembre 2023 ([14]), qui modère le coût des allègements généraux. Il en va de même pour le produit des prélèvements sociaux sur le revenu et le patrimoine (+ 4,1 % après + 5,9 % en 2023), tandis que celui des impôts sur la production accélère légèrement (+ 2,5 % après + 1,6 % en 2023).
Les dépenses des ASSO s’élèvent à 776,8 milliards d’euros en 2024, portées par le dynamisme des prestations sociales (+ 5,5 %, après + 4,3 % en 2023). Cette évolution s’explique principalement par la progression des prestations versées au titre de la vieillesse‑survie (+ 6,9 %), les retraites de base ayant été revalorisées au 1er janvier 2024 à hauteur de l’inflation constatée en moyenne annuelle l’année précédente (+ 5,3 %), ainsi que par celle des dépenses de santé (+ 4,9 %), lesquelles sont portées par la consommation des soins de ville.
Saisi en application de l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([15]), le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) souligne dans son avis du 14 avril 2025 relatif au PLRG que la croissance des dépenses des ASSO apporte « la plus forte contribution à la hausse des dépenses publiques (+ 39,5 [milliards d’euros], soit plus de 60 % de la hausse de la dépense), tirées notamment par la revalorisation des prestations sociales sur l’inflation élevée de 2023 » ([16]).
● Les résultats des ASSO ont été actualisés à la marge par les comptes nationaux provisoires établis par l’INSEE le 28 mai dernier, soit après le dépôt du PLACSS de l’année 2024. L’excédent atteindrait finalement 2,3 milliards d’euros, en recul de 9,2 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent.
Les comptes des ASSO s’établissent de la manière suivante, sans que les résultats ne soient distingués – à l’inverse du RAA – en fonction des organismes relevant du même sous‑secteur :
– 779,1 milliards d’euros de recettes, soit 26,6 % du PIB (+ 4,2 % par rapport à 2023), en hausse de 1 milliard d’euros par rapport à l’estimation du RAA ;
– 776,8 milliards d’euros de dépenses, soit 26,6 % du PIB (+ 5,5 % par rapport à 2023), au même niveau que l’estimation du RAA ;
– 2,3 milliards d’euros d’excédent, soit 0,08 % du PIB.
Recettes, dÉpenses et SOlde des ASSO pour l’année 2024
(en milliards d’euros)
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Régime général (RG) + FSV |
531,3 |
543,9 |
– 12,6 |
ROBSS + FSV |
627,8 |
643,1 |
– 15,3 |
UNÉDIC |
45,3 |
45,3 |
– 0,1 |
Régimes complémentaires de retraite |
108,8 |
106,9 |
1,9 |
CADES |
19,3 |
3,7 |
15,6 |
FRR |
0,8 |
2,3 |
– 1,5 |
ODASS |
131,0 |
131,8 |
– 0,8 |
ASSO – total d’après le RAA |
778,1 |
776,8 |
1,3 |
ASSO – total révisé d’après l’INSEE |
779,1 |
776,8 |
2,3 |
Source : rapport d’avancement annuel (RAA) du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) 2025‑2029 au titre de l’année 2025 ; article liminaire du PLACSS de l’année 2024 ; comptes nationaux de l’INSEE pour le solde révisé (28 mai 2025).
b. L’équilibre en trompe‑l’œil des administrations de sécurité sociale en 2024
L’excédent modeste de 2,3 milliards d’euros des ASSO est porté, comme pour l’exercice précédent, par les organismes qui ne relèvent pas du champ des ROBSS et du FSV.
Si les régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires (8,6 milliards d’euros d’après l’annexe 4 du projet de loi) et la CADES (16 milliards d’euros d’après l’article 2 du projet de loi) sont excédentaires, l’UNÉDIC voit son solde refluer pour se maintenir juste à l’équilibre.
Les résultats de la CADES (i) et de l’UNÉDIC (ii) au titre de l’année 2024 méritent d’être examinées plus en détail.
Le rapporteur pour avis a déjà eu l’occasion de signaler, lors de l’examen du PLACSS de l’année 2023, « l’amélioration en trompe-l’œil de la situation financière des administrations de sécurité sociale » attachée à la comptabilisation du montant amorti par la CADES parmi les recettes des ASSO ([17]). L’exercice 2024 confirme cette lecture, les ASSO n’affichant un léger excédent qu’en raison de la situation particulière de la CADES. En retraitant l’excédent de la CADES, le solde des ASSO atteint – 13,7 milliards d’euros en 2024.
Le 3° de l’article 2 du projet de loi faisant l’objet du présent avis approuve le montant de la dette sociale amortie par la CADES en 2024, lequel s’élève à 16 milliards d’euros. Concrètement, le résultat de la CADES pour l’exercice 2024 correspond aux ressources qui lui sont attribuées – soit 19,2 milliards d’euros –, auxquelles sont retranchées les charges d’intérêts de la dette sociale – soit 3,2 milliards d’euros ([18]).
La Cour des comptes rappelle utilement, dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS), que la CADES « est structurellement excédentaire après couverture de ses charges d’intérêts d’emprunts » ([19]). Seules ces dernières sont assimilées aux dépenses des ASSO au sens de la comptabilité nationale, tandis que les ressources nécessaires au remboursement de la dette sociale majorent artificiellement le solde des ASSO. Il en résulte que l’amortissement annuel des déficits afférents aux besoins de financement des exercices antérieurs est comptabilisé comme une recette de l’exercice n, sans que les sommes amorties puissent être mobilisées pour couvrir les charges imputées sur ce même exercice.
L’assurance chômage se maintient juste à l’équilibre en 2024, après avoir renoué avec l’excédent en 2022 (4,3 milliards d’euros) puis en 2023 (1,6 milliard d’euros). L’annexe 4 du PLACSS de l’année 2024 indique que le solde serait nul, tandis que le RAA faisait état d’un solde légèrement déficitaire à hauteur de – 0,1 milliard d’euros. Il s’agit, en tout état de cause, d’un recul marqué par rapport au solde prévisionnel de 4,1 milliards d’euros figurant dans la LFSS pour 2024.
La détérioration du solde de l’UNÉDIC est imputable à une hausse des dépenses de 2,7 milliards d’euros (+ 6,4 % par rapport à 2023), consécutive à une augmentation des effectifs indemnisés au titre de l’assurance chômage entre 2023 et 2024, de 2,6 à 2,7 millions d’allocataires. Les recettes, moins dynamiques, augmentent de 1,2 milliard d’euros (+ 2,7 % par rapport à 2023).
Recettes et dÉpenses de l’assurance chômage (2008‑2027)
(en milliards d’euros)
Source : UNÉDIC, Situation financière de l’assurance chômage pour 2025‑2027, Prévisions financières, février 2025.
● Le mécanisme de mise à contribution de l’UNÉDIC au financement des politiques de l’emploi – présenté infra – conduit à la reprise de l’intégralité de son hypothétique excédent par l’État. La reprise opérée en 2024 au titre de la compensation partielle de la réduction dégressive d’assurance chômage, prévue à l’article 163 de la loi de finances pour 2024 ([20]), s’élève à 2,6 milliards d’euros. Le montant de cette ponction s’établissait à 2 milliards d’euros en 2023 ([21]), avant 3,35 milliards d’euros en 2025 ([22]).
Le rapporteur pour avis considère que le principe d’un prélèvement opéré par l’État sur les recettes de l’UNÉDIC n’est pas injustifié. Les politiques de l’emploi, via l’augmentation de la masse salariale et la diminution du chômage, et les réformes successives de l’assurance chômage ont, à la faveur d’une conjoncture économique favorable, contribué à améliorer la situation financière de l’UNÉDIC. Par ailleurs, la garantie accordée par l’État aux emprunts obligataires émis par l’UNÉDIC, dont le plafond était fixé à 1 milliard d’euros en 2024 ([23]), témoigne du soutien stable apporté par les pouvoirs publics au régime d’assurance chômage.
● La mise en œuvre d’une telle ponction à l’avenir devra toutefois tenir compte de la situation financière de l’UNÉDIC, laquelle est confrontée à un contexte macroéconomique dégradé marqué par « l’orientation défavorable de l’emploi » ([24]). La progression du taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), qui passerait de 7,3 % de la population active en 2024 à 7,7 % en 2026, devrait tirer vers le haut les effectifs de demandeurs d’emploi indemnisés, dont le nombre s’établirait à 2,7 millions en 2024 et à 2,5 millions en 2026.
Selon les dernières prévisions financières publiées par l’UNÉDIC, le solde du régime d’assurance chômage se maintiendrait à l’équilibre, à hauteur de – 0,2 milliard d’euros en 2025 et de 0,2 milliard d’euros en 2026. L’endettement financier de l’UNÉDIC, qui atteindrait 59,3 milliards d’euros en 2024, se stabiliserait à ce niveau élevé.
une pause dans le désendettement de l’assurance chômage (2008‑2027)
Source : UNÉDIC, Situation financière de l’assurance chômage pour 2025‑2027, Prévisions financières, février 2025.
Cette trajectoire diverge nettement de celle tracée par le document de cadrage adressé aux partenaires sociaux par le Gouvernement le 1er août 2023 en vue de la conclusion d’une nouvelle convention relative à l’assurance chômage. Il était alors indiqué que le niveau d’endettement de l’UNÉDIC pourrait « être divisé par près de deux d’ici fin 2026 par rapport à la fin 2022 », exercice au terme duquel la dette s’élevait à 60,7 milliards d’euros. Les évaluations précitées intègrent les effets des mesures issues des dernières négociations relatives à l’assurance chômage ([25]), estimés à 2,3 milliards d’euros sur la période 2025‑2028.
Les modalités de reprise par l’État d’excédents de l’UNÉDIC
L’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC) est une association paritaire de droit privé chargée, dans les conditions prévues à l’article L. 5427‑1 du code du travail, de la gestion de l’assurance chômage. Elle exerce cette mission sous la responsabilité des organisations représentatives des employeurs et des salariés.
L’article 9 de la LFSS pour 2018 ([26]) a étendu la réduction dégressive de cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC aux contributions d’assurance chômage versées par les employeurs afin de renforcer les politiques de réduction du coût du travail des salariés peu qualifiés. Le renforcement des allègements généraux au voisinage du SMIC a également porté sur les cotisations patronales au titre des régimes de retraite complémentaire obligatoires (AGIRC‑ARRCO).
En application du 7° bis de l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) joue un rôle d’intermédiaire et compense « à l’euro près » la perte de recettes résultant pour l’UNÉDIC du dispositif de réduction dégressive.
L’ACOSS bénéficie, en retour, de l’affectation par l’État d’une fraction de TVA en application du b) du 9° de l’article L. 131‑8 du même code. Cette affectation, qui intervient « pour solde de tout compte », est répartie entre l’UNÉDIC et l’AGIRC‑ARRCO au titre de la compensation des exonérations précitées. Concrètement, l’ACOSS ne bénéficie pas de régularisations en cours d’année en cas d’écart entre les prévisions de recettes de TVA et les recettes effectivement perçues.
Il convient de signaler qu’un écart peut survenir entre le montant de la compensation « à l’euro près », versée à l’UNÉDIC et à l’AGIRC‑ARRCO, et celui de la compensation « pour solde de tout compte » au bénéfice de l’ACOSS. Le différentiel, qu’il soit favorable ou défavorable à la sécurité sociale, s’impute sur le solde de l’ACOSS avant d’être réparti entre les branches du régime général.
Le dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) précise que la sécurité sociale a bénéficié d’un excédent de compensation de TVA de 2019 à 2021, avant que la progression du produit de la TVA ne soit moins dynamique que le coût des allègements généraux de cotisations patronales ([27]). Il en résulte, selon la Cour, « une charge croissante pour la sécurité sociale ». Le montant de cette sous‑compensation s’élèverait à 1,3 milliard d’euros en 2023, dont 0,8 milliard d’euros au bénéfice de l’UNÉDIC – répartis entre les branches autonomie, famille et AT‑MP, toutes excédentaires – et 0,5 milliard d’euros au bénéfice de l’AGIRC‑ARRCO – supportés par la seule branche vieillesse.
L’amélioration de la situation financière du régime d’assurance chômage, qui a renoué avec l’excédent en 2022, a conduit à la mise en place d’un mécanisme de reprise par l’État. Celui‑ci prend la forme d’une moindre compensation par l’ACOSS à l’UNÉDIC de la perte de recettes issue du dispositif de réduction dégressive, via l’affectation à cette première d’une fraction de TVA minorée par l’État.
Au titre de l’année 2024, l’article 163 de la loi de finances pour 2024 prévoyait ainsi l’affectation à l’ACOSS de 5,18 points de TVA, cette fraction étant minorée de 2,6 milliards d’euros en raison de la reprise par l’État d’excédents de l’UNÉDIC.
2. Une dégradation du solde des administrations de sécurité sociale qui se poursuivrait en 2025
● Le solde des ASSO reculerait de 0,2 point en 2025, passant de l’équilibre à – 0,2 % de PIB. Pour rappel, les prévisions antérieures de solde établies par le PSMT et la LFSS pour 2025 s’établissaient respectivement à 0,2 % et – 0,1 % du PIB. La poursuite de cette trajectoire déficitaire s’expliquerait par un ralentissement de la croissance des recettes, limitée à 2,1 % sous l’effet d’un fléchissement de la masse salariale. Le dynamisme des cotisations sociales en serait directement affecté, progressant de 3,1 % en 2025, après 4,3 % en 2024. Dans le même temps, les dépenses des ASSO continueraient de croître à un rythme soutenu de 3 %, en raison notamment des prestations vieillesse et maladie.
La position plus favorable des ASSO, relativement à celle des APU dans leur ensemble, se maintiendrait en 2025 d’après le rapport d’avancement annuel (RAA).
Ce document, qui se substitue au programme de stabilité (PSTAB), rend compte de la mise en œuvre de la trajectoire des finances publiques définies dans le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) 2025‑2029, élaboré par la France en application de ses engagements européens et approuvé par le Conseil de l’Union européenne le 21 janvier dernier ([28]). Les données qui y figurent reposent sur les hypothèses les plus récentes retenues par le Gouvernement.
DÉcomposition du solde effectif et projetÉ par sous‑Secteur (2020‑2029)
Source : plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) 2025‑2029, à partir des comptes nationaux (base 2020) ; rapport d’avancement annuel du PSMT 2025‑2029 au titre de l’année 2025.
● Il est regrettable que le rapport d’avancement annuel ne comporte que peu d’informations à moyen terme, se bornant principalement à examiner la situation des finances publiques au titre du dernier exercice clos (2024) et de l’exercice en cours (2025).
Saisi en application du VIII de l’article 61 de la LOLF ([29]), le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) note dans son avis du 15 avril 2025 sur le rapport d’avancement annuel que le « document de suivi du PSMT, peut ne porter que sur les années passées et en cours, sans dimension prospective. De fait, dans le projet dont le Haut Conseil a été saisi, le Gouvernement a inclus des projections pour les années ultérieures (2026-2029), mais leur degré de détail est très limité » ([30]). Par comparaison, le dernier programme de stabilité portait sur la période 2024‑2027 et présentait la décomposition du solde public par sous‑secteurs des administrations publiques pour chacun des exercices concernés.
3. Après un ralentissement de l’activité en 2024, des prévisions macroéconomiques incertaines pour l’année 2025
Les principales hypothèses macroéconomiques sous‑jacentes aux exercices 2024 et 2025 ont été actualisées à l’occasion de la présentation du rapport d’avancement annuel.
● Arrêtée à 0,9 % en 2023, la croissance du PIB en volume s’établit à 1,1 % en 2024, un résultat conforme à la dernière prévision du Gouvernement, sous‑jacente au PLFSS pour 2025 ([31]) et au PSMT. La composition de la croissance, largement portée par la demande publique et le commerce extérieur, s’est toutefois avérée sensiblement différente de la prévision initiale, comme l’ont souligné les récents travaux de la commission d’enquête sur les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 ([32]).
La prévision de croissance pour l’année 2025 est déjà sensiblement revue à la baisse. Initialement établie à 1,1 % au mois d’octobre, lors du dépôt des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025, la prévision de croissance a été abaissée une première fois à 0,9 % dès janvier 2025. Selon le rapport d’avancement annuel, la croissance s’établirait à 0,7 % en 2025, en recul de 0,2 point par rapport à la dernière estimation connue. Le rapport d’avancement annuel attribue en partie ce ralentissement à la dégradation de l’environnement international, rappelant que la hausse de l’incertitude favorise « des comportements attentistes » et pèse sur l’investissement et la consommation. L’incidence sur l’économie française de la hausse des droits de douane décidée par les États‑Unis et des contre‑mesures introduites par leurs partenaires commerciaux est évaluée à – 0,3 point de PIB ([33]).
Il convient de signaler que les prévisions économiques de printemps de la Commission européenne ([34]), publiées postérieurement au rapport d’avancement annuel, abaissent d’ores et déjà le scénario de croissance de la France à 0,6 % du PIB en 2025, en cohérence avec l’estimation du Fonds monétaire international (FMI) ([35]). Cette dégradation est attribuée à l’orientation restrictive de la politique budgétaire et aux incertitudes liées au commerce international, dans un contexte de ralentissement de la croissance de l’emploi.
Par ailleurs, l’inflation s’est établie à 2 % en 2024, soit 0,1 point en deçà de la prévision sous‑jacente au PLFSS pour 2025 et au PSMT. Le rapport d’avancement annuel attribue cet écart à la baisse soutenue des prix du pétrole et des services de communication. Le reflux de l’inflation se poursuivrait en 2025 pour s’établir à 1,4 %, sous l’effet notamment de la baisse des prix de l’énergie et des services.
Enfin, la masse salariale dans les branches marchandes non‑agricoles a crû de 2,7 % en 2024, soit 0,2 point de moins que la prévision sous‑jacente au PLFSS pour 2025 et au PSMT. La croissance de la masse salariale ralentirait en 2025 pour atteindre 1,9 %. Cette modération serait due à un acquis de croissance moins favorable, lié aux destructions d’emplois dans le secteur privé enregistrées à la fin de l’année 2024, et au ralentissement des embauches, notamment en apprentissage.
● Dans son avis du 15 avril dernier, le HCFP a relevé que :
– la prévision de croissance du PIB, établie à 0,7 %, « n’est pas hors d’atteinte malgré l’accumulation de risques à la baisse » et « peut être fragilisée par la matérialisation des risques pesant notamment sur l’environnement international » ;
– la prévision d’inflation, estimée à 1,4 %, « reste un peu élevée, compte tenu du ralentissement du prix des services et de la baisse des prix du pétrole et de l’appréciation de l’euro observées récemment, qui vont au-delà des hypothèses retenues par le Gouvernement » ;
– la prévision de croissance de la masse salariale dans les branches marchandes non‑agricoles, qui atteindrait 1,9 %, « bien que revue en baisse, reste un peu haute ».
De fait, il apparaît que les hypothèses macroéconomiques fournies par le Gouvernement au titre de l’année 2025 sont, dans un contexte international incertain, entourées d’importants aléas.
II. l’équilibre général et les recettes
Pour l’exercice clos, l’article 1er du PLACSS approuve le résultat des cinq branches des ROBSS et de leur principal satellite (A).
L’article 2 du PLACSS approuve, en son 1°, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) examiné dans le III du présent rapport pour avis, puis, en son 2°, les recettes affectées au fonds de réserve pour les retraites (FRR), lesquelles sont nulles, et enfin, en son 3°, les passifs que la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) apure (B).
L’article 3 du PLACSS approuve le rapport annexé sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale, laquelle a été certifiée en partie par la Cour des comptes (C).
Enfin, l’annexe 2 du PLACSS, jointe au PLFSS de l’année jusqu’en 2022, analyse les recettes des régimes et la compensation de certains allègements sociaux (D).
Une omission relative au FSV qui interroge
En application de l’article L. 135‑1 du code de la sécurité sociale, le FSV est un établissement public administratif chargé de financer les avantages d’assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale, dont l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et la validation des périodes non travaillées, par exemple au titre du chômage, des arrêts de travail, de l’apprentissage, des stages et de l’activité partielle.
L’article 2 du PLACSS ne propose pas, contrairement aux années précédentes, d’approuver les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au titre du dernier exercice clos.
Le 3° de l’article L.O. 111‑3‑13 du code de la sécurité sociale dispose que la LACSS « [a]pprouve, pour ce même exercice les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et aux organismes concourant au financement de ces régimes ». Il a pu être considéré par le Gouvernement que le FSV, qui n’a pas bénéficié de la mise en réserve de recettes depuis 2013 ([36]), jouait uniquement un rôle de financement des régimes de base.
Il convient toutefois de signaler que les LFSS, dans leur partie relative au dernier exercice clos, et les LACSS successives ont systématiquement approuvés ou proposé d’approuver le montant, même nul, des recettes mises en réserve par le FSV.
Par ailleurs, le III de l’article 34 de la LFSS pour 2024 comportait cette estimation pour l’exercice 2024.
Enfin, la suppression du FSV et son intégration prévue dans la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), qui ne seront effectives qu’à compter du 1er janvier 2026 ([37]), n’ont en principe aucune incidence sur le mécanisme de mise en réserve au titre de l’année 2024.
A. une dégradation inédite, hors période de crise, du solde des rÉgimes obligatoires de base
Les branches des ROBSS ont en 2024 un résultat négatif à hauteur de 16,4 milliards d’euros, réduit à 15,3 milliards d’euros en y agrégeant l’excédent du FSV.
Le déficit constaté en 2024, concentré sur les branches maladie et vieillesse (1), interrompt le redressement des comptes sociaux entamé à l’issue de la crise sanitaire et devrait s’aggraver en 2025 (2).
1. Des évolutions contrastées entre branches, un déficit concentré sur les branches maladie et vieillesse
En comparaison avec la prévision de la LFSS pour 2024 puis la dernière rectification de la LFSS pour 2025, le solde des régimes obligatoires de base et du FSV traduit respectivement une dégradation de 4,8 milliards d’euros et une amélioration 2,9 milliards d’euros. Le déficit des ROBSS et du FSV se creuse de 4,5 milliards d’euros par rapport à 2023, exercice au titre duquel il s’était établi à 10,8 milliards d’euros.
SOlde des branches du ROBSS et du FSV pour 2023 et 2024
(en milliards d’euros)
|
PLACSS pour 2023 Approbation 2023 |
LFSS pour 2024 Prévision 2024 |
LFSS pour 2025 Rectification 2024 |
PLACSS pour 2024 Approbation 2024 |
Maladie |
– 11,1 |
– 8,5 |
– 15,3 |
– 13,8 |
Accidents du travail et maladies pro. |
1,4 |
1,1 |
0,6 |
0,7 |
Vieillesse |
– 2,6 |
– 5,8 |
– 6,0 |
– 5,6 |
Famille |
1,0 |
0,8 |
0,5 |
1,1 |
Autonomie |
– 0,6 |
1,2 |
1,1 |
1,3 |
Régimes obligatoires de base |
– 11,9 |
– 11,3 |
– 19,0 |
– 16,4 |
Fonds de solidarité vieillesse |
1,1 |
0,8 |
0,8 |
1,1 |
ROBSS + FSV |
– 10,8 |
– 10,5 |
– 18,2 |
– 15,3 |
Source : article 33 de la LFSS pour 2024 ; article 1er de la LFSS pour 2025 ; article 1er des PLACSS de l’année 2023 et de l’année 2024.
● Avec 0,7 et 1,1 milliard d’euros en 2024, les branches accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) et famille conservent leur résultat positif.
La branche maladie porte, à elle seule, près de 90 % du déficit de la sécurité sociale (– 13,8 milliards d’euros) et explique la totalité de l’écart par rapport à la prévision initiale pour 2024. Son solde se dégrade de 2,7 milliards d’euros par rapport à 2023.
La quasi‑extinction des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, qui ont reculé de 11,7 à 1,1 milliard d’euros entre 2022 et 2023, avait contribué à l’amélioration du solde de la branche maladie en 2023. Ce rétablissement fragile reposait sur des marges de manœuvre financières temporaires, liées à la normalisation de la situation sanitaire. Le rapporteur pour avis avait déjà indiqué, lors de l’examen du PLACSS sur l’année 2023, qu’il « n’[était] plus possible de compter sur cette source d’économies pour rétablir nos comptes sociaux à l’avenir » ([38]).
Le solde de la branche vieillesse, qui recule de 3 milliards d’euros par rapport à 2023 pour s’établir à – 5,6 milliards d’euros, se détériore fortement malgré les redéploiements de recettes dont a bénéficié la CNAV. Le dernier rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale indique que les recettes affectées à la CNAV sont celles qui, en 2024, ont le plus progressé parmi les branches du régime général (+ 7,8 % par rapport à 2023) ([39]). La croissance du produit de la taxe sur les salaires contribue à cette trajectoire à hauteur de 3,4 points, en raison notamment de la hausse de la quote‑part affectée à la CNAV ([40]). Cette dernière correspond aux économies engendrées par la réforme des retraites de 2023 pour la fonction publique de l’État.
S’agissant de l’ensemble des régimes de retraite de base et du FSV, les dépenses accélèrent plus rapidement (+ 6,8 %, après 4,5 % en 2023) que les recettes (+ 5,7 %, après 4,9 % en 2023). La revalorisation légale des pensions de retraite, qui a atteint 5,3 % en moyenne annuelle 2024 après 2,8 % en 2023, a mécaniquement tiré les dépenses de retraite à la hausse.
Enfin, la branche autonomie devient excédentaire (1,3 milliard d’euros), après avoir enregistré un déficit de 0,6 milliard d’euros en 2023. Le retour à l’équilibre financier s’explique par le transfert d’une quote‑part de 0,15 point de CSG de la CADES à la CNSA ([41]). Cette fraction concerne l’ensemble des assiettes de la CSG, à l’exception de celle relative aux revenus de jeux, et représente 2,6 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour la branche autonomie.
Recettes et dÉpenses des branches du ROBSS et du FSV pour 2024
(en milliards d’euros)
|
LFSS pour 2024 Prévision 2024 |
PLACSS pour 2024 Approbation 2024 |
||
|
Recettes |
Dépenses |
Recettes |
Dépenses |
Maladie |
243,4 |
251,9 |
239,2 |
253,0 |
Accidents du travail et maladies pro. |
17,1 |
16,0 |
16,9 |
16,3 |
Vieillesse |
287,9 |
293,7 |
288,2 |
293,8 |
Famille |
58,8 |
58,0 |
58,9 |
57,8 |
Autonomie |
41,2 |
40,0 |
41,2 |
39,9 |
Régimes obligatoires de base |
630,3 |
641,6 |
626,4 |
642,8 |
Fonds de solidarité vieillesse |
21,4 |
20,6 |
21,64 |
20,53 |
ROBSS + FSV |
631,5 |
642,0 |
627,8 |
643,1 |
Source : article 33 de la LFSS pour 2024 ; article 1er du PLACSS de l’année 2024.
● Le différentiel entre la prévision initiale et l’exécution, qui s’élève à 4,8 milliards d’euros, résulte d’une combinaison de moindres recettes (– 4,2 milliards d’euros) et d’un surcroît de dépenses (+ 0,6 milliard d’euros). Selon le dernier rapport à la CCSS, l’écart en recettes est principalement imputable aux recettes fiscales (– 3,9 milliards d’euros), dont – 2,4 milliards d’euros pour la seule TVA.
Les récents travaux de la commission des finances exerçant les prérogatives d’une commission d’enquête sur les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 ont souligné le rôle de « [la] moindre progression des emplois taxables à la TVA » et de « [la] décorrélation entre l’évolution des emplois taxables et celle des recettes de TVA » dans la surestimation des recettes correspondantes ([42]). Ce second facteur serait notamment lié à des effets de structure observés depuis 2020, en raison de la recomposition de la structure de consommation des ménages entre les produits soumis au taux normal de TVA et ceux faisant l’objet de taux réduits. Par ailleurs, le produit de la TVA collectée en 2024 a été pénalisé par la reprise en base des moindres recettes constatées lors de la clôture des comptes de l’année 2023.
Le tableau reproduit ci‑dessous retrace les déterminants, en recettes et en dépenses, des écarts à la prévision initiale de la LFSS pour 2024 et à la prévision rectifiée de la LFSS pour 2025.
Écarts du solde 2024 des robss et du fsv
aux prÉvisions initiales et rectifiÉes (LFSS pour 2025)
Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, Résultats 2024. Prévisions 2025, juin 2024.
● Le rapport à la CCSS fournit des précisions sur le solde d’autres régimes de base que le régime général ([43]).
Le régime des non-salariés et celui des salariés relevant de la Mutualité sociale agricole (MSA) sont respectivement excédentaire (0,1 milliard d’euros) et à l’équilibre. Pour leurs prestations de base, la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire (CRPCEN), la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et celle des barreaux français (CNBF) affichent des excédents respectifs de 0,2 milliard d’euros, 0,4 milliard d’euros et 0,1 milliard d’euros.
D’autres régimes ont un solde nul, car ils sont équilibrés par la loi de finances. Tel est le cas du régime des fonctionnaires civils et militaires de l’État, de ceux de la Société nationale des chemins de fer (SNCF) et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), ainsi que du régime des marins, géré par l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM).
La situation financière de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière (CNRACL) demeure préoccupante. Son déficit continue de se creuser pour atteindre 3 milliards d’euros en 2024, après 2,5 milliards d’euros en 2023 et 1,8 milliard d’euros en 2022. Les charges nettes de la CNRACL ont de nouveau progressé plus rapidement (+ 7,3 %, après + 5,9 % en 2023) que ses produits (+ 6,1 %, après + 3,4 % en 2023), portées notamment par les prestations vieillesse de droits propres (+ 8,0 %, après + 6,8 % en 2023).
Le rapporteur pour avis ne peut que rejoindre le constat formulé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, qui considère dans un récent rapport que la hausse marquée du taux de cotisation employeur par le Gouvernement s’apparente à « une solution de facilité » ([44]). Cette mesure de court terme fait peser de nouvelles charges sur les collectivités territoriales, sans répondre aux défis structurels auxquels la CNRACL est confrontée.
Les difficultés financières de la CNRACL
Instituée par l’article 3 de l’ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 ([45]), la CNRACL gère un régime spécial de retraite couvrant le risque vieillesse (25,2 milliards d’euros de prestations légales en 2024) et le risque invalidité (2,4 milliards d’euros de prestations légales en 2024) des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
La dégradation de la situation financière de la CNRACL a été documentée par un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA), dont les conclusions ont été publiées en septembre 2024 ([46]). Selon le dernier rapport à la CCSS, le régime présente un solde de – 3 milliards d’euros en 2024, enregistrant un déficit pour la septième année consécutive.
Les difficultés de la CNRACL sont imputables à plusieurs facteurs, parmi lesquels :
– la dégradation continue du ratio démographique du régime, qui s’élève à 1,46 cotisant pour un pensionné en 2023 contre un rapport supérieur à 4 dans les années 1980 ;
– le phénomène de contractualisation dans le secteur public, qui conduit à la substitution tendancielle de fonctionnaires titulaires – cotisant auprès de la CNRACL – par des agents contractuels – affiliés au régime général pour la retraite de base et à l’IRCANTEC pour leur régime complémentaire ;
– l’absence de ressources consacrées au financement des prestations non contributives versées par la CNRACL à ses affiliés, telles que la validation de périodes de congé maladie non cotisées dans leur entièreté.
S’appuyant sur une recommandation de la mission inter‑inspections précitée, le Gouvernement a annoncé, lors de la présentation du PLFSS pour 2025, son intention de procéder à un relèvement massif du taux de la cotisation d’assurance vieillesse applicable aux employeurs. Celui‑ci sera relevé de trois points par an sur quatre ans pour atteindre 43,65 % au 1er janvier 2028 ([47]), le Gouvernement ayant étalé cette trajectoire par rapport au scénario initialement envisagé – quatre points supplémentaires par an, sur trois ans.
Cette mesure intervient alors que le taux de la contribution employeur a déjà fait l’objet d’une première augmentation d’un point à compter du 1er janvier 2024, pour un surcroît de recettes de 0,6 milliard d’euros ([48]).
Le rapporteur pour avis avait, lors de l’examen du PLFSS pour 2025, pris acte de ces annonces tout en émettant de fortes réserves. Il relevait que « les hausses régulières de la contribution employeur sont insuffisantes pour redresser durablement les comptes de la CNRACL, le dernier rapport à la CCSS [d’octobre 2024] estimant que ʺ le taux de cotisation permettant d’assurer l’équilibre du régime est de 41,85 % pour 2025 (+ 10,2 points par rapport à 2024) et de 50,34 % pour 2030 (+ 18,69 points) ʺ. Le seul levier des cotisations patronales ferait ainsi peser une charge prohibitive sur les employeurs concernés ».
Les projections figurant dans le RALFSS confirment le caractère temporaire de l’embellie des comptes de la CNRACL. Le relèvement de trois points du taux de la contribution employeur générerait un surcroît de recettes de 1,8 milliard d’euros en 2025. Le déficit de la CNRACL, estimé à 2,4 milliards d’euros en 2025, se réduirait à 0,4 milliard d’euros en 2028 avant de repartir à la hausse en raison de la dégradation continue du ratio démographique du régime.
L’incidence de la hausse du taux de la cotisation vieillesse au titre de l’année 2025 n’a pas été compensée aux employeurs territoriaux, contrairement aux employeurs hospitaliers ([49]). Soucieux de ne pas fragiliser davantage les finances des collectivités territoriales, le rapporteur pour avis avait déposé un amendement sur la seconde partie du PLF pour 2025, rejeté par la commission des finances, afin de compenser le coût de la mesure pour celles‑ci ([50]).
Le rapporteur pour avis accueille avec intérêt le lancement d’une mission inter‑inspection complémementaire sur la situation de la CNRACL. Ses conclusions doivent être rendues au plus tard à la fin du mois d’octobre 2025. Aux termes de la lettre de cadrage du Premier ministre en date du 2 mai dernier, la hausse du taux de la cotisation employeur « n’a pas vocation à être remise en cause ».
2. Une aggravation attendue des déficits sociaux au‑delà de 2024
Le RALFSS de la Cour des comptes voit dans le résultat des régimes sociaux pour 2024 « un creusement du déficit inédit hors période de crise », qui témoigne d’une « trajectoire des comptes sociaux hors de contrôle ». Compte tenu de ses déficits successifs et croissants, la sécurité sociale, dont le solde atteindrait – 24,1 milliards d’euros en 2028, serait « sans perspective de stabilisation et encore moins de retour à l’équilibre ».
Solde effectif et projeté des robss et du fsv de 2008 à 2028 (p)
(en milliards d’euros)
Source : rapport annexé des LFSS pour 2008 à 2025 ; PLACSS de l’année 2024.
L’exercice 2024 interrompt, en tout état de cause, le redressement des comptes sociaux entamé depuis 2021 et la sortie progressive de la crise sanitaire.
B. une dette sociale à la dérive, qui pèse sur la trésorerie de l’acOSS
Il convient de rappeler que la récurrence des soldes négatifs au cours des différents exercices a entraîné l’accumulation d’une dette, répartie entre deux compartiments :
– d’une part, les déficits portés en trésorerie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui couvre quasi‑exclusivement ses besoins par des émissions de court terme sur les marchés, dans la limite de 45 milliards d’euros en 2024 ;
– la dette reprise en vue de son amortissement par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), établissement public administratif (EPA) géré par l’Agence France Trésor et créé par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ([51]), cette dernière ayant fixé les trois principes suivant lesquels la caisse bénéficie de ressources spécifiques, la durée de remboursement est limitée dans le temps et chaque nouveau transfert de dette doit être accompagné de recettes suffisantes.
Ces deux compartiments de dette à court (1) et moyen-long terme (2) seront abordés successivement.
1. L’endettement du régime général
● Après un solde de trésorerie excédentaire de 4 milliards d’euros en 2023, l’ACOSS connaît au terme de l’exercice 2024 un déficit – 4,1 milliards d’euros.
La trésorerie de l’ACOSS correspond à la différence entre ses encaissements et ses décaissements, soit respectivement 675 milliards d’euros et 682,6 milliards d’euros. Ses encaissements ont été majorés à hauteur de 8,8 milliards d’euros par les transferts de dette opérés vers la CADES en 2024.
Le plafond des ressources non permanentes auxquelles peut recourir l’ACOSS, fixé à 45 milliards d’euros en 2024 ([52]), a été respecté. Le « point bas brut » de ses besoins de trésorerie, qui intègre les encours mobilisés au titre de la politique de gestion des risques financiers et les avances aux partenaires, a atteint – 40,1 milliards d’euros le 24 décembre 2024. Il s’agit d’un écart au plafond d’endettement nettement réduit par rapport à l’exercice précédent, durant lequel le « point bas brut » s’était matérialisé à – 18,4 milliards d’euros en janvier 2023, soit largement en deçà du plafond d’emprunt de 45 milliards d’euros en vigueur pour cet exercice.
Les raisons de l’ampleur de ce « point bas brut » ne sont présentées ni dans les annexes au PLACSS de l’année 2024, ni dans le rapport à la CCSS. Il pourrait tenir à l’importance des déficits sociaux non transférés à la CADES, évoqués infra, et au financement d’une marge de précaution supplémentaire dans des circonstances politiques inédites. En effet, cette dernière a pu être justifiée par l’abandon d’une partie des mesures d’économies figurant dans le texte initial du PLFSS pour 2025 et par les incertitudes portant sur l’habilitation de l’ACOSS à recourir à des ressources non permanentes au 1er janvier 2025, malgré la présence d’une disposition en ce sens dans la loi spéciale promulguée le 20 décembre 2024 ([53]).
● Le résultat financier net de l’ACOSS, défini par la CCSS comme la « différence entre les charges d’intérêt supportées sur les emprunts d’une part et les produits financiers retirés de certaines disponibilités ponctuelles de trésorerie d’autre part » est de – 101 millions d’euros, contre – 75 millions d’euros en 2023. Cette dégradation traduit une nouvelle fois la hausse des taux d’intérêt : le taux moyen des emprunts de l’ACOSS s’établit à 3,64 % en 2024, après avoir connu un point bas de – 0,34 % en 2022.
Le résultat financier de l’ACOSS se répartit de la manière suivante en 2024 :
– d’une part, 1 049,5 millions d’euros de charges financières, contre 617,4 millions d’euros l’année précédente ;
– d’autre part, 947,8 millions d’euros de produits financiers, contre 541,7 millions d’euros l’année précédente, dont 352,6 millions d’euros à raison de la rémunération de ses comptes à la CDC et à la Banque de France, 312,7 millions d’euros liées à des opérations de marché et 280,4 millions d’intérêts sur les relations avec d’autres partenaires financiers.
● Le rapport à la CCSS indique que « [l]e financement [de l’ACOSS] durant l’année 2024 a de nouveau reposé principalement sur les instruments de marché (97 % du financement total) », répartis entre les titres dits Negotiable European Commercial Papers (NeuCP) pour 74 % et les titres dits Euro Commercial Papers (ECP) pour 23 %. La rémunération des disponibilités placées auprès d’elle par certains régimes de base et organismes ne relevant pas du régime général, dont les dépôts sont régis par l’article L. 225‑1‑3 du code de la sécurité sociale, représente 3 % de son financement en 2024. L’ACOSS n’a pas eu recours au financement bancaire au cours de cet exercice.
2. L’apurement des passifs transférés
La dernière reprise des passifs par la CADES, engagée en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire, est arrivée à son terme en 2024 (a).
Le terme prévisionnel de l’amortissement de la dette sociale, situé en 2033, est fragilisé par l’accumulation des déficits sociaux depuis la crise sanitaire (b).
a. La fin de la reprise de la dette sociale par la CADES, intervenue en 2024
Le 3° de l’article 2 du projet de loi faisant l’objet du présent avis indique que la CADES a amorti 16 milliards d’euros de dette sociale en 2024, après 18,3 milliards d’euros en 2023.
Ce montant, cohérent avec la cible fixée par la LFSS pour 2024 ([54]) et confirmée par la LFSS pour 2025 ([55]), correspond à la différence entre les ressources de la CADES (19,2 milliards d’euros) et ses charges d’intérêt (3,2 milliards d’euros). Ces dernières sont les seules comptabilisées comme une dépense, contribuant à l’équilibre des ASSO examiné supra.
● Les ressources de la CADES s’élèvent à 19,2 milliards d’euros en 2024, en recul par rapport à l’exercice précédent (21,1 milliards d’euros). Ce recul s’explique par la réduction de la fraction de CSG attribuée à l’établissement, qui est passée de 0,6 % à 0,45 % en contrepartie du renforcement des moyens de la CNSA ([56]).
L’établissement a bénéficié, en 2024, de l’affectation :
– de l’intégralité du produit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), due au taux de 0,5 % du revenu brut ([57]), pour un total de 9,2 milliards d’euros en 2024 (contre 8,9 milliards d’euros en 2023, soit + 4,1 %), dont 8 milliards d’euros au titre des revenus d’activité et de remplacement (+ 3 %) et 1,2 milliard d’euros au tire des revenus issus du patrimoine, des placements, des jeux et des bijoux (+ 6,4 %) ;
– du produit d’une fraction de CSG, pour 7,9 milliards d’euros en 2024 (contre 10,1 milliards d’euros en 2023, soit – 22,1 %), dont 7 milliards d’euros assis sur les revenus d’activité et de remplacement (– 22,8 %) et 860 millions d’euros assis sur les revenus du patrimoine, des placements et des jeux (– 20,9 %) ;
– d’un versement du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), à hauteur de 2,1 milliards d’euros en 2024 comme en 2023, dont le montant s’élève à 1,45 milliard d’euros à partir de 2025 ([58]).
● La reprise de 136 milliards d’euros de passifs, réalisée sur le fondement du II septies de l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, tel que rétabli par l’article 1er de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, s’est achevée en 2024.
Trois ensembles de passifs doivent être distingués au sein de ces flux :
– au plus tard le 30 juin 2021 et dans la limite de 31 milliards d’euros, la CADES devait avoir couvert les besoins de l’ACOSS au 31 décembre 2019, correspondant aux déficits cumulés de la branche maladie du régime général et du FSV, de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles et du régime de retraite des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, géré par la CNRACL ;
– à compter de 2021 et dans la limite de 92 milliards d’euros, la CADES devait couvrir les déficits cumulés entre 2020 et 2023 par le régime général, le FSV et la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles, soit une composante correspondant à la « dette covid » ;
– à compter de 2021, la CADES devait verser à la CNAM les dotations nécessaires pour couvrir un maximum d’un tiers de la charge des emprunts contractés par les établissements publics de santé jusqu’à 2019, soit 13 milliards d’euros.
La CADES, après avoir repris 27,2 milliards d’euros de dette sociale répartis entre le régime général (24,2 milliards d’euros) et la dette des hôpitaux (3 milliards d’euros) en 2023, a versé un reliquat de 8,77 milliards d’euros à l’ACOSS au titre des déficits cumulés entre 2020 et 2023.
Conformément à l’échéancier prévu par l’article 2 du décret n° 2024-176 du 6 mars 2024 ([59]), une ultime opération, consistant en un transfert de 1,6 milliard d’euros, a été réalisée en septembre 2024, après des échéances de 2,19 milliards d’euros en mars puis de 4,98 milliards d’euros en juin.
RÉpartition par exercice et catÉgories d’opÉrations de la reprise
de passifs par la CADES pour l’application de la loi du 7 aoÛt 2020
(en milliards d’euros)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Total |
Déficits jusqu’au 31 décembre 2019 |
20 |
11,2 |
s. o. |
31,2 |
||
Déficits pour 2020 (maladie et FSV) |
s. o. |
23,8 |
9,1 |
0 |
0 |
32,9 |
Déficits pour 2021 (vieillesse) |
0 |
25,9 |
1,7 |
0 |
27,6 |
|
Déficits pour 2022 (maladie et vieillesse) |
0 |
0 |
22,5 |
0 |
22,5 |
|
Dette hospitalière (dotations de la CNAM) |
5 |
5 |
3 |
0 |
13,0 |
|
Déficits pour 2023 (maladie) |
0 |
0 |
0 |
8,8 |
8,8 |
|
Total |
20 |
40 |
40 |
27,2 |
8,8 |
136 |
Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (mai 2025).
● Pour la seule année 2024, l’annexe 7 du PLACSS et le rapport d’activité de la CADES indiquent que cette dernière a payé des intérêts de 3,2 milliards d’euros, contre 2,75 milliards d’euros en 2023 et 1,25 milliard d’euros en 2022, avec le programme suivant :
– cinq émissions à moyen et long termes présentées infra, dont trois sous format social pour un montant de 11,7 milliards d’euros ([60]), ayant permis de lever 18,1 milliards d’euros au total (contre 22,2 milliards d’euros en 2023), empruntés à hauteur de 8 milliards d’euros sur le marché de l’euro et pour le surplus sur celui du dollar ;
– des émissions à court terme ayant permis de lever 16,6 milliards d’euros (contre 24 milliards d’euros en 2023).
Emprunts de rÉfÉrence clÔturÉs par la CADES en 2024
|
Montant |
Marché |
Livre d’ordres * |
Maturité |
Taux |
Social bonds |
9 janvier |
4,0 Md€ |
Euro |
+ 20 Md€ (+ 230) |
2029 |
2,75 % |
64,8 % |
17 janvier |
4,0 Md€ |
Dollar |
16 Md€ (180) |
2027 |
4,25 % |
58,3 % |
7 février |
4,0 Md€ |
Euro |
+ 21 Md€ (+ 200) |
2027 |
2,76 % |
79,2 % |
14 mai |
4,0 Md€ |
Dollar |
17 Md€ (146) |
2029 |
4,50 % |
s. o. |
5 septembre |
3,0 Md€ |
Dollar |
7,3 Md€ (97) |
2027 |
3,75 % |
s. o. |
(*) : figure entre parenthèses le nombre d’investisseurs.
Note de lecture : dans le tableau ci‑dessus, la somme des montants levés dans le cadre des emprunts de référence, arrondis dans les communiqués de presse successifs de la CADES, excède le montant global de 18,1 milliards d’euros levé au titre de l’année 2024.
Source : commission des finances, d’après le rapport financier de la CADES pour 2024 et les communiqués de presse successifs relatifs au programme de financement de la CADES.
b. Une cible d’amortissement de la dette sociale fragilisée dans un contexte d’accumulation des déficits sociaux
● Depuis sa création, les déficits repris par la CADES atteindraient 396,5 milliards d’euros, parmi lesquels 258,6 milliards d’euros ont été apurés, soit 65,2 % de la dette qui lui a été transférée, tandis que 137,9 milliards d’euros restent au passif de son bilan.
Évolution du cumul de la dette reprise par la CADES de 1996 À 2024
(en milliards d’euros courants)
Source : annexe 1 du PLACSS de l’année 2024 – REPSS sur le financement.
Le taux de financement de la CADES, c’est‑à‑dire le taux moyen de ses emprunts en cours, compte parmi les indicateurs de performance de la caisse. Il a crû, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, pour s’établir à 2,11 % au 31 décembre 2024, contre 1,29 % l’année précédente.
Compte tenu des projections de ressources qu’elle établit et des perspectives sur les marchés, la caisse estime, sauf dans l’hypothèse, naturellement, où de nouveaux passifs lui seraient transférés – impliquant une révision organique – qu’elle serait en mesure d’éteindre sa dette en juillet 2032 selon le scénario médian d’une probabilité de 90 %. Les perspectives d’amortissement associées aux scénarios optimistes et pessimistes, d’une probabilité de 5 % chacun, sont situées respectivement en mai 2031 et en mars 2033.
● La dégradation des comptes sociaux, dont les déficits enregistrés depuis 2024 sont dépourvus de perspectives d’amortissement, pèse sur la trésorerie de l’ACOSS et pose la question d’un nouveau transfert de dette à la CADES.
La Cour des comptes, dans son RALFSS de mai 2025, alerte sur « une dette croissante et non financée », qui pèserait sur l’ACOSS à hauteur de 113 milliards d’euros en 2028. Ce montant correspond à près de sept années de recettes affectées à la CADES. Dès lors, l’ACOSS se voit implicitement confier la mission de faire « rouler » la dette des régimes de base et de combler leurs besoins de financement structurels, au‑delà des besoins de trésorerie de court terme liés au décalage temporel entre l’encaissement des recettes et le décaissement des prestations.
trajectoire de la dette sociale entre 2023 et 2028 (p)
(en milliards d’euros)
Note de lecture : dans la dernière ligne du tableau ci‑dessus, la Cour des comptes simule les plafonds d’emprunt de l’ACOSS entre 2026 et 2028 à partir « d’une projection mécanique en fonction de l’encours moyen prévisible ».
Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (mai 2025).
L’accumulation des déficits sociaux expose l’ACOSS à des difficultés croissantes de trésorerie, auxquelles l’allongement de sa durée d’emprunt, d’un an à deux ans, n’apporte pas de remèdes structurels ([61]). La Cour des comptes signale que les emprunts de court terme font peser un risque de taux et un risque de liquidité sur l’agence : le marché financier sur lequel émet l’agence, « dont elle est déjà l’un des premiers emprunteurs, [n’est] pas indéfiniment extensible ». Au delà d’un seuil d’endettement annuel moyen de 70 milliards d’euros, qui pourrait être atteint dès 2027, il est indiqué que l’ACOSS aurait de sérieuses difficultés à obtenir des marchés l’ensemble des financements demandés, fragilisant la continuité des paiements et remboursements des prestations sociales. Interrogé par le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Thibaut Bazin, lors de la présentation du RALFSS devant cette même commission, le Premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Moscovici n’a pas davantage explicité les critères permettant d’objectiver le seuil d’endettement de 70 milliards d’euros associé à un risque sérieux de « crise de liquidité » ([62]).
Le rapporteur pour avis rappelle ses réserves, déjà exprimées lors de l’examen du PLFSS pour 2025, quant à une nouvelle reprise de dette par la CADES, qui pourrait consister à prolonger son existence au delà de 2033. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) avance, dans une note de janvier 2025, que cette mesure est « inévitable » et « nécessaire » à brève échéance ([63]).
En réalité, cette opération s’apparenterait, en l’absence de plan crédible de redressement des comptes sociaux, à une forme de fuite en avant, contraire au principe de solidarité intergénérationnelle censé régir la gestion de la dette sociale. Le rapporteur pour avis partage ainsi l’analyse formulée par la Cour des comptes, pour laquelle « une nouvelle reprise de dette par la Cades ne résoudrait pas le problème de fond résultant de la dégradation continue des soldes de la sécurité sociale, qui exposerait à la reconstitution rapide d’un nouveau stock de dette. Un préalable indispensable est la définition d’une trajectoire crédible de retour à l’équilibre impliquant des mesures d’économie et de maîtrise des dépenses ».
C. Le bilan des rÉgimes et de leurs satellites : une situation patrimoniale dégradée en 2024, une qualité des comptes insuffisante
Le rapport annexé sur le tableau patrimonial, dont l’article 3 du projet de loi propose l’approbation, révèle la dégradation de la situation patrimoniale de la sécurité sociale, dont le passif net et l’endettement financier augmentent parallèlement en 2024 (1).
Comme lors de l’exercice précédent, l’impossibilité pour la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille et de la CNAV au titre de l’année 2024 est préoccupante (2).
1. Dans la continuité de la crise sanitaire, la poursuite de la dégradation de la situation patrimoniale de la sécurité sociale en 2024
Les comptes nationaux publiés le 28 mai 2025 par l’INSEE indiquent que la dette des ASSO, au sens du traité de Maastricht ([64]), s’élève à 286,6 milliards d’euros à la fin de 2024, contre 264,9 milliards d’euros pour l’exercice précédent.
● Sur le champ plus restreint de la LFSS, c’est-à-dire celui des ROBSS et des organismes concourant à leur financement, affectataires de recettes de leur part ou chargés de constituer des réserves à leur profit, le rapport annexé au PLACSS de l’année 2024 fait état d’un actif et d’un passif de 198,5 milliards d’euros au 31 décembre 2024, contre 177,2 milliards d’euros l’année précédente.
Situation patrimoniale simplifiÉe de la sÉcuritÉ sociale en 2024
(en milliards d’euros)
Actif |
Passif |
||
Immobilisations |
7,4 |
Fonds propres |
– 93,4 |
s. o. |
dont réserves des ROBSS |
7,16 |
|
dont réserves du FRR |
14,65 |
||
dont report à nouveau |
– 140,81 |
||
Provisions pour risques et charges |
18,2 |
||
Actif financier |
76,0 |
Passif financier |
197,0 |
dont val. mobilières et placements |
59,4 |
dont titres de l’ACOSS |
39,31 |
dont encours bancaire |
21,3 |
dont titres de la CADES |
147,2 |
dont créances financières |
18,2 |
dont dettes bancaires |
6,79 |
Actif circulant |
115,1 |
Passif circulant |
76,8 |
dont créances de prestations |
10,3 |
dont dettes en prestations |
39,07 |
dont créances de cotisations et ITN |
9,2 |
dont charges à payer en cotisations |
4,96 |
dont produits à recevoir |
67,8 |
dont dettes envers des pers. pub. |
20,92 |
dont créances sur des pers. pub. |
18,5 |
dont autres passifs |
12,08 |
Total de l’actif |
198,5 |
Total du passif |
198,5 |
Note : les items précédés du pronom « dont » correspondent aux exemples les plus significatifs d’une catégorie, non à tous les sous-totaux d’un agrégat intermédiaire entrant dans le bilan.
Source : rapport annexé au PLACSS de l’année 2024 ; rapport à la CCSS de juin 2025.
La notion de dette appelle des précisions dès lors qu’elle est lue sous l’angle de sa place dans la situation patrimoniale des organismes sociaux.
Entendu, ainsi que l’est celui de l’État, comme le cumul des déficits non remboursés (passifs nets), l’endettement budgétaire de la sécurité sociale, mesuré par ses fonds propres négatifs, s’élève à 93,4 milliards d’euros à la fin de 2023. Il s’agit d’une augmentation de 1,2 milliard d’euros par rapport à l’exercice précédent, en raison de la dégradation du déficit des régimes de base et du FSV (– 4,5 milliards d’euros), ainsi que de la diminution des ressources affectées à la CADES (– 2,3 milliards d’euros).
Le financement du passif net précité est assuré à titre principal par l’endettement financier net de la sécurité sociale, qui correspond à la différence entre ses passifs financiers (197 milliards d’euros) et ses actifs financiers placés ou détenus en trésorerie (76 milliards d’euros). Ces derniers sont principalement gérés par le FRR (20,4 milliards d’euros). L’endettement financier net s’accroît en 2024, pour s’élever à 120,9 milliards d’euros, contre 113,4 milliards d’euros lors de l’exercice précédent. Il convient de relever la hausse significative de l’endettement financier net de l’ACOSS, de 13,8 milliards d’euros en 2023 à 39,5 milliards d’euros en 2024. Outre la dégradation continue du solde des régimes de base, le rapport à la CCSS attribue ce ressaut au besoin accru de sécurisation de la trésorerie en l’absence de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 adoptée au 31 décembre 2024.
Dans le cadre de l’avis prévu par le 2° de l’article L.O. 111 – 4 – 6 du code de la sécurité sociale et par l’article L.O. 132‑3 du code des juridictions financières, intégré dans le RALFSS, la Cour des comptes estime que le tableau patrimonial figurant dans le rapport annexé « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2024 ». Il est toutefois observé que la fiabilité des données comptables intégrées au tableau de situation patrimoniale présente « un caractère variable » et dans certains cas des insuffisances, comme en témoignent les opinions exprimées sur les comptes des branches du régime général, présentées ci‑après.
2. Une nouvelle absence de certification des comptes de la branche famille et de la CNAF
● Introduit par le II de l’article 22 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, l’article 47-2 de la Constitution dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement ; elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle […] de l’application des lois de financement de la sécurité sociale […] ; les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères ; ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».
Conformément au 4° de l’article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale et à l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes a établi un rapport sur les vérifications qu’elle a effectuées concernant les dix jeux de comptes composant les états financiers afférents au PLACSS, à savoir ceux de l’activité de recouvrement, celui de chacune des branches et celui des organismes qui les gèrent : l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et les caisses nationales d’assurance maladie (CNAM), d’assurance vieillesse (CNAV), de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et des allocations familiales (CNAF).
Une telle combinaison, qui d’une part ne retraite pas les nombreux transferts entre les branches ou les organismes et d’autre part retrace des opérations dépassant le cadre de la LFSS – par exemple à raison de l’encaissement de produits ou de la prestation de services pour le compte de l’État, des collectivités territoriales ou de régimes tiers aux ROBSS –, explique que la Cour des comptes se prononce sur des sommes à la fois plus élevées que celles présentées supra et déséquilibrées, avec des produits de 722 milliards d’euros et des charges de 595 milliards d’euros, au sein desquelles le régime général pèse 73 % et 91,1 %.
● La procédure de certification des comptes de l’année 2024 révèle, une nouvelle fois, d’importantes marges de progrès après l’évolution favorable constatée lors de l’exercice précédent.
Après avoir prononcé à l’encontre de cette branche un « refus » pour 2022, la Cour des comptes constate, comme pour 2023, « qu’il ne lui est pas possible d’exprimer une position sur les comptes de la branche famille [et] de la CNAF » pour 2024. Les enjeux financiers sont pourtant conséquents, alors que la branche famille a comptabilisé 87,3 milliards de charges de prestations légales, tous financeurs compris, et 7 milliards d’euros de charges de prestations extra‑légales, correspondant aux aides d’action sociale propres à la branche.
Les six insuffisances d’éléments probants signalées en 2023 perdurent, témoignant du caractère à la fois massif et structurel des erreurs et incertitudes affectant les comptes de la branche famille et de la CNAF. Sont ainsi visés le cadre général du contrôle interne, les erreurs affectant les prestations légales du fait d’une fiabilité insuffisante des données déclaratives, les erreurs résiduelles à des données déclaratives non corrigées après contrôle interne, les erreurs affectant les prestations légales ayant une origine interne aux CAF, les erreurs affectant les prestations extra‑légales d’action sociale et, enfin, le recouvrement des indus sur prestations.
Parmi les risques non maîtrisés examinés par la Cour des comptes, figurent ceux relatifs au paiement à bon droit des prestations sociales. L’un des indicateurs mobilisés porte sur le risque résiduel lié aux erreurs imputables à des données fournies par les allocataires et des tiers, qui n’ont pas été corrigées à la suite des contrôles internes.
Dans les 24 mois suivant le versement des prestations, le montant d’indus et de rappels qui ne seront jamais détectés ou recouvrés en raison des règles de prescription ([65]), imputables à des données non corrigées après un contrôle interne, se situerait entre 6,9 % et 9,1 % du montant des prestations versées par la CAF, soit entre 4,5 milliards d’euros et 7,2 milliards d’euros. La valeur centrale de cet indicateur de risque résiduel à 24 mois s’élève à 8 % des prestations correspondantes, soit 6,3 milliards d’euros en 2023 ([66]). Les erreurs recouvrent un risque de perte et un risque de moindre dépense pour les CAF. En effet, la valeur centrale précitée se répartit entre 6,5 points d’indus, définis comme des trop-perçus par les bénéficiaires, et 1,4 point de rappels, correspondant aux sommes dues mais non payées par la CNAF ([67]).
L’indicateur de risque résiduel à 24 mois se dégrade par rapport à l’exercice 2022, pour lequel l’intervalle de confiance se situait entre 5,8 % et 8 % des prestations servies, soit entre 4,3 milliards d’euros et 5,9 milliards d’euros.
Ces résultats interviennent alors que, selon la Cour des comptes, la structure des prestations a été très peu modifiée entre 2022 et 2023. Les erreurs se concentrent sur les opérations réalisées par le réseau des CAF pour le compte de tiers, à la manière de la prime d’activité (État), du revenu de solidarité active (État et départements) et des aides au logement (État), qui nécessitent une actualisation fréquente des informations personnelles de l’allocataire. À titre d’exemple, en 2023, l’indicateur de risque résiduel à 24 mois se situe entre 27,1 % et 32,4 % des sommes servies au titre de la prime d’activité.
Des progrès modestes dans la maîtrise des risques financiers, une ambition à confirmer
Le rapporteur pour avis prend acte des mesures mises en œuvre par la branche famille dans le cadre d’un plan d’action partagé par l’ordonnateur et le directeur comptable et financier de la CNAF, dit « qualité transverse » (PAQT). Il en va ainsi de la réforme dite de la solidarité à la source, généralisée à compter du 1er mars 2025 à l’issue d’une phase d’expérimentation ([68]). Celle‑ci vise à fiabiliser la déclaration trimestrielle de ressources (DTR) des bénéficiaires du RSA et de la prime d’activité via des formulaires pré‑remplis, alimentés avec les données adressées par l’employeur aux URSSAF et aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) au titre de la déclaration sociale nominative (DSN).
La direction de la sécurité sociale a indiqué lors de son audition que la réforme de la solidarité à la source n’avait, compte tenu de son calendrier de mise en œuvre, pas eu d’incidence notable sur le niveau des erreurs constatées lors de l’exercice 2024. Le rapporteur pour avis sera vigilant quant au déploiement effectif desdites mesures. Il souligne que la Cour des comptes avait déjà estimé, pour les comptes de l’année 2023, que le caractère récent du PQAT « n’apport[ait] pas encore d’assurance raisonnable sur la maîtrise des risques affectant les opérations que les caisses réalisent » ([69]).
L’enjeu est désormais d’obtenir des résultats probants à court terme, sans repousser l’amélioration attendue de la qualité des comptes de la branche famille à une échéance ultérieure et, par définition, incertaine.
● En revanche, la Cour des comptes a, comme en 2023, certifié avec réserve les comptes des quatre autres branches de prestations, ceux de l’activité de recouvrement et ceux de cinq des organismes nationaux, formulant quarante-neuf observations : sept « anomalies comptables significatives », contre six pour l’exercice précédent, et quarante-deux « insuffisances d’éléments probants », un niveau stable par rapport à 2023.
D. des ressources dynamiques, principalement assises sur le facteur travail
Quatre documents éclairent le Parlement dans l’évaluation des recettes des ROBSS : le REPSS sur le financement ; l’annexe 2 du PLACSS, qui n’avait pas été publiée au 1er juin 2025, en méconnaissance des dispositions organiques du code la sécurité sociale ; le RALFSS de la Cour des comptes et le rapport du Gouvernement à la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).
Le rapport à la CCSS note que la hausse de ces recettes de 28,5 milliards d’euros (4,6 %) en 2024 par rapport à 2023, proche de la dynamique constatée l’année précédente (+ 4,8 %), a surtout reposé sur la croissance de la masse salariale du secteur privé (+ 1,8 point) et sur celle des autres assiettes (+ 2,1 points). Le montant des produits nets affectés aux régimes de base et au FSV est inférieur de 3,7 milliards d’euros (– 0,6 %) à la prévision initiale de la LFSS pour 2024. Cet écart est dû à une prévision de recettes fiscales qualifiée de « trop optimiste » par la Cour des comptes, qui signale également que l’hypothèse de progression de la masse salariale (+ 3,9 %), sur laquelle repose le produit des cotisations et d’une partie des prélèvements sociaux, a été plus élevée que la progression constatée (+ 3,3 %) pour la deuxième année consécutive.
Seront abordés successivement l’architecture du financement de la protection sociale (1), le coût et les modalités de compensation des « niches sociales » (2) et les transferts reçus ou versés par les régimes de base (3).
1. Un financement encore majoritairement assuré par les cotisations
En dépit du mouvement de fiscalisation du financement de la sécurité sociale constaté depuis les années 1990, celui repose toujours principalement sur les cotisations sociales.
● En 2024, le montant respectif des cotisations sociales et des impositions est de 304,2 et de 238,7 milliards d’euros, soit 48 % et 38 % des recettes nettes, le reliquat correspondant à des transferts nets ou à d’autres produits. Les cotisations ont crû de 4,5 % en un an, contre 4,7 % pour les impositions. La progression est contrastée selon les impositions : + 4,5 % pour la CSG assise sur les revenus d’activité, + 6,1 % pour celle assise sur les revenus du patrimoine et + 4,6 % pour celle assise sur les revenus de remplacement ; + 3,6 % pour la taxe sur les salaires ; + 4,6 % pour le forfait social, hors mesures nouvelles ; + 2,1 % pour la TVA, soit une progression nettement inférieure à la prévision figurant dans la LFSS pour 2024 (+ 2,8 %).
La CCSS rappelle que 65 % des recettes des ROBSS et du FSV reposent sur le facteur travail, par l’intermédiaire des cotisations sociales, de la CSG sur les revenus d’activité, de la taxe sur les salaires et du forfait social.
Cette architecture renchérit le coût du travail et pèse sur la rémunération nette des salariés. Dans ce contexte, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux gagneraient à envisager de nouvelles pistes de financement de notre modèle de protection sociale. Le rapporteur pour avis relève que les mesures prenant la forme d’une « TVA sociale », qui pèserait sur l’ensemble des consommateurs et serait accompagnée d’une réduction des cotisations patronales, suscitent un regain d’intérêt. Un tel scénario est notamment examiné dans le cadre d’une mission sur l’état des comptes sociaux commune au Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM), au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et au Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), saisis par le Premier ministre en mars 2025.
Produits nets des ROBSS et du FSV par nature en 2023 et en 2024
(en milliards d’euros ; en pourcentage)
|
2023 |
PLACSS pour 2024 |
||
|
Réal. 2024 |
Écart 2023‑2024 |
||
|
Val. |
Vol. |
||
Cotisations sociales |
291,0 |
304,2 |
13,2 |
4,5 % |
Cotisations de l’État |
6,9 |
6,9 |
0,0 |
0,7 % |
Cotis. d’équilibre de l’employeur |
46,3 |
49,5 |
3,2 |
6,8 % |
Impositions de toutes natures |
228,0 |
238,7 |
10,7 |
4,7 % |
dont CSG |
120,7 |
128,2 |
7,5 |
6,2 % |
dont autres impôts affectés |
108,1 |
111,4 |
3,3 |
3,1 % |
Charges de non-recouvrement |
– 1,9 |
– 2,4 |
– 0,5 |
28,4 % ([70]) |
Transferts nets |
12,7 |
12,3 |
– 0,4 |
3,3 % |
Autres produits nets |
16,2 |
17,7 |
1,5 |
9,3 % |
Total |
600,0 |
627,8 |
27,8 |
4,6 % |
Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (mai 2025) ; rapport à la CCSS (juin 2025).
● Le profil de financement varie selon les risques : la branche AT-MP est encore profondément marquée par une logique d’assurance, quand la cinquième branche, relative à l’autonomie, relève exclusivement de la solidarité nationale.
Structure des recettes brutes par branche des ROBSS en 2024
(en pourcentage)
Source : annexe 1 du PLACSS de l’année 2024 – REPSS sur le financement.
2. La compensation des allègements sociaux par l’État
Comme lors de l’examen du précédent PLACSS, le rapporteur pour avis considère que la critique opposée au prétendu « définancement » ou « appauvrissement organisé » de la sécurité sociale mérite d’être nuancée.
Le coût des exonérations et réductions de cotisations sociales est en principe compensé par l’État (a). Certaines mesures demeurent toutefois à la charge de la sécurité sociale, notamment au regard des limites de la règle de compensation pour « solde de tout compte » (b).
a. Un principe de neutralité des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, qui peut faire l’objet de dérogations
● Les grands principes de la neutralité des relations entre l’État et la sécurité sociale sont définis à l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que l’État attribue des recettes fiscales ou des crédits budgétaires à la sécurité sociale afin de compenser :
– toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 25 juillet 1994, dite Veil ([71]) ;
– toute mesure soit de réduction ou d’exonération de contributions, soit de réduction ou d’abattement d’assiette de cotisations ou contributions instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004, dite Douste-Blazy ([72]) ;
– toute mesure de transferts de charges entre l’État et la sécurité sociale.
L’encadrement des conditions de création ou d’extension des « niches sociales » a été renforcé à l’occasion de la réforme organique du 14 mars 2022 ([73]). Aux termes du 2° de l’article L.O. 111-3-16 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la réforme organique de 2022, seules les LFSS peuvent créer ou modifier des réductions ou exonérations de cotisations ou de contributions de sécurité sociale non-compensées aux ROBSS ou établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans. Dans le second cas, le législateur financier social doit désormais prévoir expressément la non‑compensation des mesures dérogatoires.
● Les pertes de recettes occasionnées pour la sécurité sociale peuvent faire l’objet d’une compensation dite intégrale, prenant la forme de crédits du budget de l’État, ou d’une affectation de recettes fiscales pour « solde de tout compte » en cas de disposition expresse de non-compensation ou de dérogation à l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale.
L’annexe 2 du PLACSS de l’année 2024 distingue l’absence de compensation « au plan juridique » et « au plan financier », en précisant que « la plupart des exonérations qui font l’objet de dérogations au principe de compensation intégrale par crédits budgétaires sont compensées à la sécurité sociale par affectation de recettes fiscales (la TVA). Si la modalité de compensation est dérogatoire à celle prévue par l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, le coût est bien compensé à la sécurité sociale » ([74]).
En pratique, les allégements généraux répondant à un objectif transversal de création d’emplois et d’amélioration de la compétitivité des entreprises sont compensés par l’affectation d’une fraction de TVA ([75]) . À l’inverse, les exonérations ciblées sur des publics, des secteurs ou des territoires spécifiques font l’objet d’une compensation intégrale via des crédits budgétaires.
Le mécanisme de la compensation « pour solde de tout compte » peut toutefois induire des pertes financières pour la sécurité sociale, dans la mesure où le montant de la fraction de TVA affectée à celle‑ci n’est pas ajusté en fonction des moindres recettes constatées en fin d’exercice. Selon l’annexe au projet de loi de finances pour 2025 relative aux relations financières entre l’État et la protection sociale, cela signifie concrètement « qu’il n’existe plus – en principe – de mécanisme de régularisation en N+1 du montant de TVA affectée, de manière à ce que le montant de TVA affecté corresponde strictement au coût effectif de la perte de recettes résultant des allègements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires ».
b. La compensation quasi-intégrale des pertes de recettes supportées par la sécurité sociale, en dépit du coût croissant des allègements généraux
● En ne retenant que les exonérations et réductions, c’est-à-dire les minorations de l’assiette ou du taux des prélèvements sociaux, le coût de ces dispositifs hors covid-19 représente 74,5 milliards d’euros en 2024, contre 74 milliards d’euros en 2023.
Ces mesures, qui ont principalement pesé sur les branche maladie (38,7 milliards d’euros), vieillesse (19,2 milliards d’euros) et famille (15,7 milliards d’euros), ont été compensées à hauteur de 96,2 %. Il ressort de l’annexe 2 du PLACSS de l’année 2024 que le montant des mesures compensées comprend les allègements généraux, dont les travaux de la Cour des comptes présentés infra ont démontré qu’ils pouvaient induire une perte financière sèche pour la sécurité sociale.
Si l’on ajoute les exemptions d’assiette ([76]), le total des « niches sociales » entrant dans le champ de la LFSS est de 89,1 milliards d’euros en 2024.
CoÛt DES ALLÈGEMENTS (ROBSS – hors FSV) en 2024
(en millions d’euros)
Allègements généraux et mesures de modulation des taux (1) |
64 902 |
Part patronale des cotisations sur les bas salaires |
26 681 |
Cotisations d’allocations familiales (salariés) |
9 591 |
Cotisations d’allocations familiales (régimes spéciaux) |
0 |
Cotisations d’assurance maladie (régimes des indépendants) |
1 125 |
Cotisations d’allocations familiales (régimes des indépendants) |
823 |
Cotisations d’assurance maladie (régimes spéciaux) |
243 |
Part patronale des cotisations d’assurance maladie (salariés) |
26 439 |
Exonérations compensées par des missions du budget de l’État ; hors covid-19 (2) |
6 796 |
Travail et emploi |
4 710 |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
382 |
Outre-mer |
1 305 |
Culture |
37 |
Écologie, développement et mobilité durables |
84 |
Médias, livre et industries culturelles |
9 |
Recherche et enseignement supérieur |
262 |
Cohésion des territoires |
3 |
Sport, jeunesse et vie associative |
1 |
Exonérations compensées par des missions du budget de l’État ; covid-19 (3) |
290 |
Plan d’urgence face à la crise sanitaire |
290 |
Total des compensations fiscales et budgétaires ; hors covid-19 = (1) + (2) |
71 698 |
Total des compensations fiscales et budgétaires ; y. c. covid-19 ; (5) = (1) + (2) + (3) |
71 988 |
Exonérations non compensées |
2 700 |
Part salariale des heures supplémentaires |
2 342 |
Stages en milieu professionnel |
121 |
Contrats uniques d’insertion ou d’accompagnement dans l’emploi (secteur public) |
110 |
Contrats de sécurisation professionnelle |
79 |
Exonération en faveur de jeunes chefs d’exploitations agricoles |
48 |
Source : annexe 2 du PLACSS de l’année 2024.
● Dans son dernier RALFSS, la Cour des comptes estime toutefois que le coût des allègements généraux de cotisations patronales n’a que partiellement été compensé à la sécurité sociale, pour une charge de 18,3 milliards à son détriment depuis 2019 ([77]). Selon le graphique reproduit ci‑dessous, ce déséquilibre est passé de 2,4 milliards d’euros en 2019, année marquée par la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisation sociale, à 5,5 milliards d’euros en 2024.
Incidence des allÈgements gÉnéraux sur le solde de la sÉcuritÉ sociale (2019‑2024)
(en milliards d’euros)
Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (mai 2025).
● Le rapporteur spécial est soucieux de l’équilibre des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, qui pourrait requérir un ajustement plus régulier des modalités de compensation « pour solde de tout compte ».
Il remarque toutefois que les estimations précitées n’intègrent pas l’incidence positive des politiques de réduction du coût du travail sur l’activité économique, la masse salariale et in fine sur les ressources de la sécurité sociale. En effet, la Cour des comptes précise que « cette approche comptable [de la perte financière pour la sécurité sociale] ne tient pas compte des recettes nouvelles apportées par les emplois créés grâce à ces allègements », par définition malaisées à évaluer.
En tout état de cause, une première réforme des allègements généraux a été engagée afin d’en renforcer l’efficacité et d’en modérer le coût pour les finances publiques. L’article 18 de la LFSS pour 2025, d’une part, abaisse à compter du 1er janvier 2025 les points de sortie des « bandeaux » maladie et famille à 2,25 et 3,3 fois le SMIC et, d’autre part, instaure à compter du 1er janvier 2026 un dispositif unifié de réduction générale dégressive dont le point de sortie correspond à 3 fois le SMIC. L’économie associée à ces mesures s’élève à 2 milliards d’euros en 2025, dont 1,6 milliard d’euros pour la sécurité sociale ([78]).
Ainsi que le rappelle la CCSS, « les régimes de sécurité sociale échangent d’importantes masses financières entre eux et avec d’autres organismes ; ces transferts poursuivent différents objectifs : il peut s’agir de transférer le financement d’une prestation d’un organisme à un autre, de prendre en charge des cotisations de catégories particulières d’affiliés, d’assurer l’équilibre comptable de régimes intégrés ou d’apporter des ressources à des fonds de financements ».
En 2024, ces flux ont apporté 65,3 milliards d’euros de recettes aux ROBSS, provenant à raison de 65 % du FSV, qui finance des prestations non‑contributives, de 30 % de l’État (prise en charge de cotisations, subventions d’équilibre versées à certains régimes spéciaux de retraite, etc.) et de 5 % de régimes complémentaires.
Dans le sens inverse, leurs versements ont représenté 53,6 milliards d’euros, répartis à raison de 44 % au profit de fonds pour des maladies spécifiques ou celui en faveur des victimes de l’amiante, 31 % à celui des départements ou d’autres partenaires des branches maladie et autonomie et 13 % à celui des régimes complémentaires.
III. Les dÉpenses
En 2024, les cinq branches des ROBSS ont dépensé 643,1 milliards d’euros ([79]), soit 5,3 % de plus qu’en 2023 ou 0,2 % de plus que la prévision de la LFSS pour 2024.
Charges nettes des ROBSS et du FSV par branche en 2023 et 2024
(en milliards d’euros ; en pourcentage)
|
2024 |
LFSS pour 2024 |
LACSS pour 2023 |
||||
|
Prév. |
Écart |
Réal. |
Écart |
|||
|
Val. |
Vol. |
Val. |
Vol. |
|||
Maladie |
253 |
251,9 |
1,1 |
0,4 % |
243,9 |
9,1 |
3,8 % |
Accid. du travail et maladies pro. |
16,3 |
16 |
0,3 |
1,9 % |
15,4 |
0,9 |
5,8 % |
Vieillesse |
293,8 |
293,7 |
0,1 |
0,0 % |
275,1 |
18,7 |
6,8 % |
Famille |
57,8 |
58 |
– 0,2 |
– 0,3 % |
55,7 |
2,1 |
3,8 % |
Autonomie |
39,9 |
40 |
– 0,1 |
– 0,3 % |
37,6 |
2,3 |
6,1 % |
Régimes obligatoires de base |
642,8 |
641,6 |
1,2 |
0,2 % |
610,4 |
32,4 |
5,3 % |
Fonds de solidarité vieillesse |
20,5 |
20,6 |
– 0,1 |
– 0,5 % |
19,3 |
1,2 |
6,2 % |
ROBSS + FSV |
643,1 |
642 |
1,1 |
0,2 % |
610,7 |
32,4 |
5,3 % |
Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (mai 2025).
Les prestations légales atteignent 601,9 milliards d’euros en 2024, contre 571,5 milliards d’euros en 2023 et 623,6 milliards d’euros prévus en 2025.
Leur progression de 5,3 % en 2024 par rapport à 2023 se répartit entre :
– 3 points d’évolution spontanée ;
– 2,8 points du fait des revalorisations ;
– 0,1 point à la baisse avec le recul des soins liés au covid-19.
Les mesures nouvelles ont contribué à modérer cette dynamique, en réduisant la croissance des dépenses de prestations de 0,4 point.
répartition des prestations légales nettes par branche de 2022 À 2025 (p)
(en milliards d’euros ; en pourcentage)
Source : rapport à la CCSS (juin 2025).
Les dépenses des branches maladie (A) et vieillesse (C) représentent 85 % du total, voire 88,1 % avec celles du FSV. Les branches AT-MP (B), famille (D) et autonomie (E) méritent toutefois une attention particulière en raison de la hausse notable de leurs dépenses.
A. Les dÉpenses de la branche maladie et de l’ONDAM
Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2025, la Cour des comptes souligne que « la branche maladie porte, à elle seule, 90 % du déficit et explique la totalité de l’écart par rapport à la prévision initiale pour 2024 ».
Il convient d’aborder ces charges de manière globale (1) puis en insistant sur celles comprises dans l’ONDAM (2), étant rappelé que ce dernier agrégat inclut aussi des prestations, rémunérations ou investissements d’autres branches.
1. Les dépenses de la branche maladie
Les dépenses de la branche maladie ont atteint 253 milliards d’euros en 2024, soit 0,4 % de plus que la prévision de la LFSS initiale et 3,8 % de plus qu’au titre du PLACSS de l’année 2023.
Ces charges couvrent principalement les prestations nettes qui s’élèvent à 218,9 milliards d’euros, consacrées aux soins de ville, aux établissements de santé, aux prestations maternité et aux soins des Français à l’étranger.
Répartition des dépenses de la branche maladie en 2024
Source : rapport à la CCSS (juin 2025).
Hors ONDAM, la progression des dépenses s’explique principalement par les revalorisations légales. Les prestations d’invalidité, en particulier, ont augmenté en raison d’une revalorisation de 4,6 % intervenue au 1er avril 2024, portant leur montant à 8 milliards d’euros.
2. Les dépenses relevant de l’ONDAM
L’ONDAM retrace des prestations légales, dont l’essentiel des indemnités journalières, et les dotations aux établissements de santé et médico-sociaux (ESMS), couvrant ainsi des dépenses retracées dans les comptes des branches maladie, AT‑MP et autonomie (cf. annexe 3 du PLACSS pour une décomposition exhaustive).
● L’ONDAM comprend six sous-objectifs :
– celui des soins de ville, correspondant aux honoraires des professionnels libéraux, aux remboursements des produits de santé et aux indemnités journalières (IJ) ;
– celui des établissements de santé ;
– ceux du financement des ESMS pour les personnes âgées et handicapées ;
– celui du fonds d’intervention régional (FIR) et de divers soutiens pour l’investissement, qui correspond d’une part aux enveloppes déléguées par les agences régionales de santé (ARS) en vue d’actions et d’expérimentations dans le domaine sanitaire et d’autre part au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) et au plan d’aide à l’investissement (PAI) de la CNSA ;
– celui des autres prises en charge (dotations aux établissements accueillant des personnes faisant face à des difficultés spécifiques, dont l’addiction, les soins des Français à l’étranger, etc.).
Les indemnités journalières
Les indemnités journalières compensent la perte de revenus en cas d’incapacité temporaire de travail, qu’elle soit liée à la maladie, aux AT-MP, à la maternité, au congé de paternité ou de naissance. Créé par la loi du 5 avril 1928 puis intégré à la sécurité sociale en 1945, le cadre de leur indemnisation (carence de trois jours, durée maximale de trois ans) reste globalement inchangé, malgré les évolutions du monde du travail et de l’assurance maladie.
Entre 2000 et 2024, la dépense totale liée aux indemnités journalières a presque triplé, passant de 6 à 17,1 milliards d’euros. Elle relève en majorité du régime général (14,3 milliards d’euros en 2023) et se répartit entre les différents risques couverts : environ 57 % pour le risque maladie, 24 % pour les AT-MP et 20 % pour la maternité et les congés de naissance.
La crise sanitaire a fortement contribué à cette dynamique haussière, notamment à travers les dispositifs spécifiques mis en place pour indemniser les arrêts liés au covid-19. Ces seuls dispositifs ont représenté 5,2 milliards d’euros de dépenses entre 2020 et 2023. Mais au-delà de cet effet conjoncturel, la tendance de fond s’est accentuée : entre 2019 et 2023, les dépenses d’indemnités journalières versées au titre de la maladie ont augmenté en moyenne de 6,7 % par an, contre une croissance plus modérée auparavant.
D’après la Cour des comptes, cette hausse s’explique principalement par une augmentation du nombre d’arrêts, notamment d’arrêts longs, qui sont les plus coûteux. Le nombre d’arrêts indemnisés a progressé de 4,1 % par an sur la période 2019-2023, et le nombre de jours indemnisés de 3,9 % par an. La durée moyenne des arrêts reste stable, autour de 48 jours, ce qui suggère une augmentation simultanée des arrêts de courte et de longue durée. Ce sont toutefois les arrêts longs qui pèsent le plus sur la dépense globale : ceux d’une durée de six mois ou plus représentent seulement 7 % du total des arrêts, mais concentrent à eux seuls 45 % des montants versés.
● Les dépenses relevant du champ de l’ONDAM ont été fixées à 254,9 milliards d’euros dans la LFSS pour 2024, soit une hausse de 3,2 % à champ constant, hors effet de la crise sanitaire. Afin de limiter un dépassement trop important, l’objectif initial a été rehaussé de 2 milliards d’euros dans la LFSS pour 2025.
Ces dépenses continuent toutefois de se caractériser par une exécution insuffisamment maîtrisée. Pour la quatrième année consécutive, l’objectif initial fixé par la loi de financement de la sécurité sociale a été dépassé, à hauteur de 1,3 milliard d’euros hors covid.
DÉcomposition de l’Évolution de l’ONDAM pour 2024
entre la prÉvision et l’exÉcution
(en milliards d’euros ; en pourcentage)
Source : rapport à la CCSS (juin 2025).
Si ce dépassement est moins marqué qu’en 2023 (4,2 milliards d’euros) et 2022 (3,5 milliards d’euros), il n’en est pas moins préoccupant. Contrairement aux exercices précédents, aucun aléa exogène — tel qu’un épisode épidémique ou une revalorisation salariale décidée en cours d’année — n’est venu perturber l’exécution. Celle-ci a même bénéficié d’un contexte favorable, avec une inflation constatée de 1,8 %, inférieure à l’hypothèse initiale de 2,5 %. Toutes les conditions semblaient donc réunies pour permettre le respect de l’objectif voté.
Le dépassement constaté en 2024 s’explique principalement par la dynamique du sous-objectif des soins de ville, qui à lui seul représente un écart de 1,5 milliard d’euros. Les postes les plus inflationnistes sont les indemnités journalières, en forte hausse de 8 %, ainsi que certains honoraires de professionnels de santé libéraux : ceux des masseurs kinésithérapeutes ont augmenté de 5,2 %, ceux des infirmiers de 4,9 %, et ceux des médecins spécialistes de 4,6 %. À cette dérive s’ajoute une nette dégradation de la situation financière des hôpitaux publics, dont le déficit est désormais estimé à 3 milliards d’euros pour l’année 2024.
B. Les dÉpenses de la branche AT-MP
En 2024, 4,7 milliards d’euros des 16,3 milliards d’euros dépensés au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) concernent les prestations versées pour incapacité permanente. Cette enveloppe est en hausse de 3,9 %, une évolution qui s’explique principalement par la revalorisation des rentes.
Cette dynamique s’inscrit dans un mouvement amorcé après une période de relative stabilité, voire de léger recul : entre 2013 et 2021, les dépenses de prestations pour incapacité permanente sont passées de 5,5 à 5,4 milliards d’euros. Depuis 2021, elles augmentent en moyenne de 3,5 % par an, principalement sous l’effet des fortes revalorisations intervenues en réponse à l’inflation : +3,4 % en 2022, +3,6 % en 2023, et +3,9 % en 2024.
Si l’effet de revalorisation a permis d’absorber la baisse du nombre de rentes servies, cette seule explication ne suffit pas à rendre compte de l’ensemble de la progression. Comme le souligne la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2025, sur la décennie 2013-2023, un résidu de 0,2 milliard d’euros subsiste, traduisant des facteurs difficilement identifiables, tels qu’un effet de structure lié à la distribution des bénéficiaires, des évolutions législatives ou encore l’augmentation des salaires de référence.
Évolution des dépenses de prestation d’incapacité permanente depuis 2013
(en milliards d’euros et en pourcentage)
Source : rapport à la CCSS (juin 2025).
C. Les dÉpenses de la branche vieillesse
Les dépenses de la branche vieillesse pour l’ensemble des régimes obligatoires de base s’élèvent à 293,8 milliards d’euros en 2024, en hausse de 6,8 % par rapport à 2023. Cette évolution est conforme aux prévisions inscrites en loi de financement. L’aggravation du déficit résulte principalement de la revalorisation des pensions de retraite de 5,3 % au 1er janvier 2024.
Pour le seul régime général, qui compte 15,4 millions de retraités au 31 décembre 2024 (+ 1 %), les prestations légales vieillesse atteignent 160,9 milliards d’euros, soit 56 % des prestations légales versées par l’ensemble des régimes de base, et 80 % de celles versées hors fonction publique d’État.
Le déficit de la branche vieillesse s’établit à 5,6 milliards d’euros, porté essentiellement par le régime général (– 3,6 milliards d’euros) et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (– 3 milliards d’euros). Les autres régimes spéciaux sont soit équilibrés par des subventions d’État, soit excédentaires.
PRESTATIONS LÉGALES DE LA BRANCHE VIEILLESSE DU RÉGIME GÉNÉRAL
(en milliards d’euros ; en pourcentage)
|
2024 |
2023 |
Écart 2024-2023 |
Écart (%) |
||||
|
Droits propres |
Droits dérivés |
Total |
Droits propres |
Droits dérivés |
Total |
||
Pensions |
137,3 |
13 |
150,3 |
128,2 |
12,3 |
140,5 |
9,8 |
7 % |
Minimum vieillesse |
3,8 |
0,2 |
4 |
3,5 |
0,2 |
3,6 |
0,4 |
9,7 % |
Majorations |
5,8 |
0,8 |
6,6 |
4,7 |
0,7 |
5,4 |
1,2 |
22 % |
Total |
147 |
13,9 |
160,9 |
136,3 |
13,2 |
149,6 |
11,3 |
7,5 % |
Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (mai 2025).
D. Les dÉpenses de la branche famille
En 2024, les charges nettes de la branche famille s’élèvent à 57,8 milliards d’euros, en hausse de 3,8 % par rapport à 2023. Les prestations qui se montent à 40,7 milliards d’euros représentent 70 % de ces charges. Le solde est constitué de transferts vers la branche vieillesse au titre des majorations de pensions pour enfants à charge et de l’assurance vieillesse des parents au foyer, à hauteur de 14 milliards d’euros, et de charges courantes, pour 3,1 milliards d’euros dont plus de 70 % de charges de personnel.
La croissance des prestations résulte surtout de la revalorisation légale de la base mensuelle de calcul des allocations familiales, rehaussée de 4,6 % au 1er avril 2024. Un second facteur réside dans l’évolution des plafonds de ressources : ceux-ci ont augmenté plus rapidement que les revenus des allocataires en 2022, année de référence pour le calcul des droits en 2024, en raison d’une inflation particulièrement marquée.
Par ailleurs, le dynamisme des allocations de soutien familial, dont les versements progressent de 7,2 % pour atteindre 3,3 milliards d’euros, s’explique en partie par la généralisation, début 2023, de l’intermédiation des pensions alimentaires. Ce dispositif a permis d’élargir le nombre de bénéficiaires éligibles à cette prestation, en particulier parmi les parents isolés.
La branche finance également des prestations extra-légales d’action sociale, notamment à destination des établissements d’accueil de la petite enfance et de la jeunesse. Dans ce cadre, les subventions d’investissement ont augmenté de 18 %, conformément aux orientations du plan « Petite enfance » lancé en 2021. Quant aux subventions de fonctionnement, elles progressent de 9 %, soit 6,5 milliards d’euros, portées par l’accroissement des heures d’accueil sans hébergement ainsi que par le soutien accru aux actions de parentalité, aux centres sociaux et aux espaces de vie sociale.
Ces évolutions sont toutefois partiellement tempérées par la baisse continue des naissances (– 2,5 % en 2024 après – 6,6 % en 2023) qui limite la progression des prestations liées à la petite enfance. Ainsi leur croissance atteint seulement 1,7 %, dont 1,2 % pour la prestation d’accueil du jeune enfant, un rythme inférieur à celui découlant de la revalorisation des prestations.
E. Les dÉpenses de la branche autonomie
Le PLACSS fait état d’une dépense de 39,9 milliards d’euros au titre de la « cinquième » branche, un montant en hausse de 6,1 % par rapport à 2023.
Pour 2024, il convient de noter :
– un soutien de 16,1 milliards d’euros aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
– un soutien de 15,2 milliards d’euros aux établissements pour les personnes en situation de handicap ;
– des transferts aux départements à hauteur de 5,2 milliards d’euros pour financer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) ;
– 1,6 milliard d’euros pour financer l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et l’aide journalière aux proches aidants (AJPA).
*
* *
Lors de sa seconde réunion du 4 juin 2025, la commission a examiné pour avis le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Nous examinons pour avis le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) de l’année 2024. L’exercice est moins inhabituel que le précédent, au cours duquel nous avions étudié à deux reprises le projet de loi, compte tenu de la dissolution. La situation des comptes de la sécurité sociale n’en est pas moins critique. Ceux qui prétendent que l’on pourra trouver des marges de manœuvre – par exemple pour faire passer le budget de la défense de 50 à 100 milliards d’euros – sans toucher à notre modèle social sont à côté de la vérité ou ne la disent pas tout entière aux Français.
Notre modèle social est ultragénéreux : c’est celui qui corrige le plus au monde les inégalités. Selon France Stratégie, la redistribution les réduit de 25 %, soit près de 10 points de plus que la médiane européenne. Ce système est financé par des impôts et des cotisations très élevés, pour un niveau de dette très important et des dépenses tous azimuts qui explosent. La Cour des comptes, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, fait le constat d’une « trajectoire des comptes sociaux hors de contrôle ».
Notre devoir de solidarité à l’égard de nos compatriotes et surtout des générations de demain exige que nous en reprenions le contrôle. Le creusement du déficit constaté en 2024 est assez inédit hors période de crise, interrompant le redressement des comptes sociaux. De près de 15 milliards d’euros en 2024, il devrait s’établir à plus de 24 milliards d’euros en 2028. Ces déficits pèsent sur l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). La trajectoire de la Cades reste bonne et va vers une résorption de la dette. En revanche, les déficits de l’Acoss s’enchaînent et s’aggravent. Ils vont croître plus vite que ne se réduit la dette de la Cades, ce qui imposera de prendre des décisions stratégiques. Nous avons voté un plafond d’emprunt de 45 milliards d’euros en 2024. En 2028, il faudra le multiplier par trois.
Un tel déficit pose notamment la question de la soutenabilité de notre système de retraites. La Cour des comptes l’a bien dit : remettre en cause la réforme des retraites – comme ce sera le cas demain dans l’hémicycle – alors même qu’elle n’est pas suffisante ne ferait qu’aggraver le déficit de 15 milliards d’euros supplémentaires. On ne peut pas se payer ce luxe, d’autant moins à l’heure où d’autres pays européens prennent des mesures inverses. Le Danemark fera ainsi passer l’âge de la retraite à 70 ans à l’horizon 2040. L’Italie y réfléchit également. Or l’espérance de vie dans ces pays est un peu plus faible que la nôtre.
Les solutions proposées pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ne sont pas suffisantes. Le relèvement du taux de contribution employeur va même générer des effets pervers. Les employeurs, qui auront plus de difficultés à payer les futurs recrutements, s’orienteront davantage vers les contractuels. C’est un cercle vicieux.
Les dépenses des administrations de sécurité sociale explosent : elles atteignent 643 milliards d’euros en 2024, en hausse de plus de 5 % par rapport à 2023. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui avait été respecté pendant plusieurs années, n’est plus sous contrôle et dérape, alors qu’il n’y a ni crise sanitaire ni poussée inflationniste. Certains postes de dépense doivent nous alerter. C’est le cas des indemnités journalières, qui ont augmenté de plus de 100 % en dix ans. Sans doute faudra-t-il modifier les règles des arrêts. J’ai fait plusieurs propositions à l’automne dernier afin que le délai de carence soit plus juste. Pourquoi traiter de la même façon ceux qui ne sollicitent jamais la solidarité nationale et ceux qui la sollicitent à tort et à travers ? Il paraît également nécessaire de reprendre le contrôle des dépenses liées aux transports sanitaires. À tout le moins, nous pourrions nous accorder sur le fait que nous ne pourrons pas continuer à soutenir un modèle qui laisse exploser ce type de dépenses. Cela risque de remettre en cause tous les mécanismes de solidarité.
Des amendements de suppression ont été déposés sur les quatre articles du texte. Mais quel sens cela aurait-il d’être contre un texte vidé de son contenu ? Vous auriez plutôt intérêt à préserver le thermomètre dans son intégralité. Une partie toutefois en est contestable : celle qui concerne les comptes de la branche famille et de la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). C’est la deuxième année consécutive qu’ils ne sont pas certifiés ; la troisième fois depuis cinq ans.
Je proposerai de voter contre le texte pour trois raisons : du fait de la perte de contrôle totale de nos comptes sociaux, liée à de mauvaises orientations ; à cause de la déficience d’une partie des comptes et de la non-certification des comptes de la branche famille ; par anticipation, parce que, si tous les amendements de suppression sont adoptés, voter ce texte n’aurait plus aucun sens.
M. le président Éric Coquerel. Je vous rejoins sur votre conclusion et je voterai dans le même sens – mais peut-être pas pour les mêmes raisons.
Sur les 40 milliards d’euros d’économies de dépenses publiques à trouver, j’ai bien compris que l’idée du gouvernement – inspiré fort opportunément par le rapport de la Cour des comptes – était d’en prendre une bonne partie sur les dépenses sociales, au risque de remettre en question les fondements mêmes de notre système social. Le lendemain de la publication du rapport, François Bayrou parlait d’une TVA sociale, même si j’ai cru comprendre qu’il avait depuis abandonné cette idée saugrenue.
Je voudrais revenir sur cette autre idée selon laquelle le manque de liquidités mettrait en péril notre système. En réalité, l’Acoss n’est pas outillée pour financer une dette élevée, notamment parce qu’elle emprunte sur des marchés à court terme. Si le niveau d’emprunt nécessaire en 2027 dépassait 70 milliards d’euros, on pourrait se retrouver dans une situation compliquée. Mais on n’en est pas là. Si l’on enlevait les 19 milliards d’euros de recettes de la Cades consacrés au désendettement qui sont imputés chaque année aux comptes sociaux, en réalité, en 2024, la sécurité sociale ne serait pas déficitaire de 15,3 milliards d’euros mais excédentaire de 4 milliards. En 2025, le déficit affiché est de 21 milliards d’euros. En réalité, il ne serait que de 2 milliards d’euros et, en 2028, de 5 milliards d’euros au lieu de 24 milliards d’euros.
Beaucoup avaient sonné l’alerte sur le danger que représentait le transfert d’une dette de l’État vers la dette sociale. Une grande part des 92 milliards d’euros de déficit isolés sur la période 2020-2023 et imputés sur la dette sociale sont l’effet de la politique menée en réponse au covid – le chômage partiel, par exemple. C’était d’autant moins opportun qu’à l’inverse du stock de la dette de l’État, celui de la dette sociale doit être remboursé. L’économiste Michaël Zemmour avait estimé qu’imputer ce montant sur la dette de l’État aurait permis d’économiser 9 milliards d’euros par an. Sans doute faudrait-il que l’État reprenne une partie de cette dette.
Il y a eu une politique d’appauvrissement de la sécurité sociale. Si une large partie des exonérations est compensée, 5,5 milliards d’euros ne le sont pas. L’encouragement de l’autoentrepreneuriat, soit des emplois qui ne cotisent pas à la sécurité sociale, a contribué au manque de recettes de la sécurité sociale.
Enfin, certaines dépenses non financées me semblent relever d’une politique de l’État : primes Ségur et revalorisation des tarifs de consultation chez les médecins, pour 14 milliards d’euros. La question posée est une fois de plus celle des recettes : reconsidérer les exonérations et la dette logée dans la Cades, soumettre les dividendes de la participation salariale à des cotisations, augmenter modérément les cotisations d’assurance vieillesse notamment pour la retraite – selon des économistes, une augmentation de 0,15 point des cotisations par an pendant sept ans permettrait de revenir à l’âge légal de 62 ans. Il y a des solutions. Comme pour le budget de l’État, il faut identifier les dépenses indues et rechercher des recettes supplémentaires.
M. Philippe Lottiaux (RN). Le déficit de la sécurité sociale se creuse. La Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille et a certifié avec réserve ceux des quatre autres branches. Si la sécurité sociale était une entreprise privée, elle aurait déjà déposé le bilan. Le constat de la Cour des comptes est inquiétant, que ce soit sur les milliards d’euros de non-récupération de créances par les Urssaf, les très nombreuses erreurs déclaratives des allocataires des CAF estimées à 1,7 milliard d’euros, les erreurs internes, celles affectant les remboursements de frais de santé ou les indemnités journalières. On comprend mieux que les Français et les entreprises croulent sous les charges, alors que le système de santé se détériore.
Face à cela, aucune action réelle de redressement des comptes n’est menée. Nous assistons seulement à des tentatives désespérées de s’en prendre encore et toujours aux Français qui cotisent, par le biais du déremboursement de médicaments ou du transport sanitaire – en témoignent les récentes manifestations de taxis. Il y a pourtant de nombreuses pistes pour améliorer la situation : la lutte contre la fraude, la réforme de certaines prestations, comme l’aide médicale de l’État, la conditionnalité de certaines prestations ou la lutte contre la suradministration qui embolise le système – toujours plus d’administratif et toujours moins de soignants, cela ne peut conduire qu’à la catastrophe sanitaire et financière que nous connaissons. En tout état de cause, nous ne pourrons pas cautionner ce projet de loi qui présente une situation manquant singulièrement de sérieux dans sa gestion politique comme comptable.
M. David Amiel (EPR). Nous serons évidemment favorables au projet de loi. Je voudrais d’ailleurs saluer le progrès que constitue, depuis la révision organique de 2022, cette photographie du budget de la sécurité sociale.
Si la situation est moins dégradée que celle qui était attendue lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté cet automne, elle reste alarmante, particulièrement en ce qui concerne les dépenses d’assurance maladie, qui n’ont rien à voir avec des transferts entre l’État et la sécurité sociale. Pour sauvegarder l’essentiel, c’est-à-dire le fonctionnement de notre hôpital public, la couverture des soins de santé, la présence médicale dans l’ensemble du territoire, il faut corriger des dysfonctionnements. Cela m’amuse toujours d’entendre le Rassemblement national nous faire de grandes tirades sur les finances publiques mais voter contre la réforme des retraites il y a deux ans et s’opposer désormais à la réforme du transport sanitaire. Celle-ci n’affecte pourtant en rien la protection des Français mais corrige des dysfonctionnements qui font que l’on paie des transports à vide ou que l’on tolère une fraude très importante dans ce secteur.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le président Coquerel a bien démontré que le déficit de la sécu n’est pas, en réalité, le trou abyssal que certains prétendent et brandissent à tout bout de champ pour expliquer qu’il faudrait dérembourser par ci, couper par là ou s’en prendre de nouveau au système de retraites. Puisque le collègue macroniste parle de l’assurance maladie, que certains présentent comme hors de contrôle, il faudrait rappeler que, sur les 4,8 milliards d’euros de dérapage présentés cette année, 3,7 milliards d’euros sont imputables à un manque de recettes et à leur mauvaise anticipation. Le problème, ici comme ailleurs, est bien celui des rentrées d’argent. Depuis qu’Emmanuel Macron préside malheureusement ce pays, les exonérations de cotisations sociales, soit les cadeaux faits aux patrons et aux grandes entreprises, sont passées de 29 milliards d’euros en 2017 à 77 milliards d’euros en 2024. Ce sont 50 milliards d’euros de manque à gagner pour les caisses de l’État et autant, bien souvent, dans les poches des actionnaires, puisque ni l’emploi ni l’investissement productif n’augmentent.
Mais comment fait-on pour ne pas avoir un trou de 77 milliards d’euros ? On est allés les chercher dans la consommation populaire, c’est-à-dire dans les poches des plus pauvres, avec les transferts de TVA. En 2017, il y avait 11 milliards d’euros de TVA transférés ; en 2024, nous arrivons à 60 milliards d’euros. À chaque fois que l’on donne un cadeau aux patrons, on le fait payer à ses propres salariés quand ils vont faire leurs courses et qu’ils achètent une baguette. En 2024, les exonérations non compensées représentent 8 milliards d’euros. Non seulement le levier de la TVA ne permet pas de combler le manque à gagner dans le budget de l’État mais surtout, ce sont toujours les plus pauvres qui le paient. En effet, la TVA pèse 12,5 % du revenu des foyers les plus modestes et seulement 4,7 % de celui des plus aisés. Conséquence de cette austérité : notre hôpital souffre puisque cette année encore l’Ondam est inférieur de 1,9 milliard d’euros aux besoins.
M. Philippe Brun (SOC). Vous ne serez pas surpris que nous n’approuvions pas ces comptes de la sécurité sociale, comme la Cour des comptes qui n’a pas certifié les comptes de la branche famille et qui n’a certifié les comptes des autres branches qu’avec des réserves. Cela laisse une impression de déjà vu, celle du gouvernement qui vide les caisses en laissant filer 77 milliards d’euros en 2024 dans les exonérations de cotisations sociales dont certaines ne sont pas compensées. Le salaire est contourné, alors même qu’il est l’assiette principale de financement de la sécurité sociale, au profit de revenus essentiellement défiscalisés et désocialisés – participations, prime de partage de la valeur, intéressement. Cette stratégie a été critiquée par la Cour des comptes. Son coût pour la sécurité sociale est de 19,3 milliards d’euros pour 2023, de quoi largement couvrir le déficit qu’il nous est demandé d’approuver. Impression de déjà vu aussi puisque cette année encore, les déficits dont les différents gouvernements Macron portent la responsabilité sont attribués à des hôpitaux qui coûteraient trop cher, à la médecine de ville, aux taxis, à la prévention ou aux personnes âgées.
Des solutions existent pourtant : reconsidérer les allègements de cotisations sociales, notamment au-dessus de 2,5 smic, augmenter le smic et tenir une conférence nationale sur les salaires, réorienter nos efforts vers la prévention des accidents du travail, en santé et en matière de santé environnementale.
M. Nicolas Ray (DR). Notre groupe votera également contre ce projet de loi pour exprimer notre désaccord avec la politique de finances sociales des gouvernements qui ont préparé le budget 2024. Le rejet de ce texte est sans conséquence sur l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale mais nous souhaitons souligner par ce vote la profonde aggravation du déficit de la sécurité sociale, qui est passé d’un peu plus de 10 milliards d’euros à plus de 15 milliards d’euros en un an, avec des branches déficitaires – la branche vieillesse de 5,6 milliards d’euros, plus du double de celui de 2023, ou la branche maladie, de près de 14 milliards d’euros. La légère amélioration de 2,9 milliards d’euros par rapport aux prévisions s’explique par des recettes supérieures à celles initialement prévues et non grâce à des mesures correctrices.
Nous déplorons que cette gestion ne se soit pas redressée pour assurer le financement de notre modèle social, auquel nous sommes attachés. Il est temps de s’attaquer vigoureusement à cette impasse budgétaire de nos dépenses sociales. Notre groupe ne peut approuver cette gestion court-termiste qui a malheureusement guidé l’action des gouvernements précédents. Nous regrettons aussi que Michel Barnier n’ait eu ni le temps ni l’occasion de corriger cette situation, du fait de l’adoption de la motion de censure votée conjointement par le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire. La Cour des comptes se montre particulièrement inquiète vis-à-vis de la trajectoire de nos comptes sociaux qui sont désormais hors de contrôle, parlant même de « cessations de paiement ». Pour toutes ces raisons, nous appelons à un redressement de la trajectoire grâce à une plus grande prévention et une meilleure organisation de notre système de santé.
Mme Eva Sas (EcoS). L’examen des comptes de la sécurité sociale pour 2024 nous permet de réaffirmer clairement que la sécurité sociale n’est pas responsable de la situation catastrophique des finances publiques. Certes, son déficit atteint 15,3 milliards d’euros mais celui de l’État est de 169,8 milliards d’euros. Il serait donc profondément injuste de faire peser l’effort de redressement des comptes publics sur les dépenses sociales, comme le gouvernement s’apprête à le faire en 2026.
Deuxième constat : ce déficit n’est pas le résultat d’une dérive incontrôlée des dépenses qui, au contraire, ne permettent pas de couvrir les besoins, notamment pour les hôpitaux publics dont le déficit global atteint 2,8 milliards d’euros. Il s’explique avant tout par la compensation insuffisante des allégements généraux de cotisations patronales à hauteur de 5,5 milliards d’euros en 2024, auxquels il faut ajouter plus de 4 milliards d’euros d’exemptions, soit les cotisations perdues sur les compléments salariaux non soumis à cotisations. Ce sont donc presque 10 milliards d’euros qui ne sont pas compensés et qui expliquent les deux tiers du déficit.
S’agissant de l’idée de TVA sociale lancée par Emmanuel Macron et François Bayrou, consistant à faire basculer le financement de la protection sociale des cotisations vers la TVA, rappelons d’abord qu’elle est l’impôt le plus injuste à mobiliser, puisque quand les plus modestes octroient 12 % de leur revenu disponible à la TVA, les plus riches n’y consacrent que 5 %. Les plus pauvres ayant déjà du mal à boucler leur fin de mois, augmenter les prix à la consommation serait donc la plus mauvaise des idées, d’autant que le but est encore une fois de baisser le coût du travail, alors même que cette politique de l’offre n’a pas démontré son efficacité. Le gouvernement ne cherche qu’à faire un nouveau cadeau fiscal aux entreprises, malgré le niveau déjà démesuré des exonérations actuelles. Quasiment multipliées par quatre en dix ans, elles atteignent 77 milliards d’euros en 2024. Les écologistes sont donc fermement opposés à cette idée de TVA sociale et ils n’approuveront pas les comptes de la sécurité sociale tels qu’ils sont présentés par le gouvernement pour 2024.
Mme Félicie Gérard (HOR). Pour la troisième année consécutive, notre assemblée est appelée à se prononcer sur l’approbation des comptes de la sécurité sociale. Ce texte fait état d’une forte dérive de nos comptes sociaux. Tout d’abord, la branche maladie accuse un déficit de 13,8 milliards d’euros en 2024, la croissance des dépenses dépassant celle des recettes. Deuxièmement, le système de retraites accuse un déficit de 1,4 milliard d’euros en 2023 et de 4,4 milliards d’euros en 2024. Il doit s’appuyer sur la récente réforme des retraites pour tenter de stabiliser ses comptes, même si l’on peut se demander, au vu des bilans, si tout cela sera suffisant. Troisièmement, la branche autonomie, dont les dépenses atteignent 39,9 milliards d’euros en 2024, a bénéficié d’un excédent de 1,3 milliard mais anticipe un déficit de 0,7 milliard en 2025. Enfin, le déficit global du financement social est à nouveau à la dérive : – 15,3 milliards d’euros en 2024 et – 22,1 milliards d’euros prévus en 2025.
Face à ces constats, nous pensons qu’il est plus qu’urgent de réformer notre modèle social pour qu’il perdure de manière saine, en redéfinissant ce qui doit être considéré comme un risque mis en commun et ce qui relève de l’assurance privée. Nous pensons que nous devons revoir son financement pour qu’il ne repose plus uniquement sur les travailleurs et sur la dette. Enfin, nous pensons que nous devons plafonner les prestations sociales. Nous aurons l’occasion d’en débattre à l’automne, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit ici non pas de se prononcer pour ou contre les mesures de politique sociale mises en œuvre ou envisagées par le gouvernement mais bien de valider la photographie des comptes 2024. Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de ce projet de loi.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Monsieur le président, en ne reprenant pas la dette dans la Cades, nous n’aurions pas fait 19 milliards d’euros d’économies par an ; c’est le contraire, nous nous serions dégagé des marges de manœuvre en laissant la dette augmenter. Nous avons sur ce sujet une différence de points de vue.
Monsieur Lottiaux, vous savez qu’avec Jocelyn Dessigny nous allons mener une mission d’information pour éclairer les divers dysfonctionnements et chercher ensemble des solutions pour mettre un terme à l’augmentation des erreurs et des indus de la CAF.
Monsieur Amiel, certes les 15 milliards d’euros sont inférieurs aux près de 18 milliards d’euros annoncés à l’automne mais supérieurs aux 10 milliards d’euros prévus ensemble l’année dernière.
Monsieur Le Coq, ce ne sont pas certains qui disent que les comptes sont « hors de contrôle » mais la Cour des comptes elle-même, qui le constate et l’affirme. On ne peut pas faire de relativisme sur ce sujet.
Madame Sas, vous avez dit que la sécurité sociale n’était pas responsable du déficit global des finances publiques. Néanmoins, quand 1 euro sur 2 est dépensé pour le système social, dire que l’on va faire les économies sur un quart ou un cinquième du budget et réussir à régler tous les problèmes du pays paraît très difficile. Lorsque nous devons faire des économies dans nos familles, nous commençons par regarder les plus gros postes de dépenses. S’agissant des allègements patronaux, vous avez donné des chiffres sans en citer d’autres – et pour cause. En effet, il serait très difficile de savoir ce qui se serait passé sans ces allègements. Il faudrait estimer les emplois et donc les cotisations sociales qu’ils ont générés. Ne mentionner que le manque à gagner sans prendre en compte les bénéfices est assez contestable.
M. le président Éric Coquerel. Pour aller au bout de mon raisonnement, je pense que certaines charges qui relèvent de la Cades n’auraient jamais dû être imputées à la dette sociale.
Article liminaire : Recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2024
Amendements de suppression CF1 de Mme Joëlle Mélin et CF10 de Mme Sophie Pantel
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis défavorable sur tous les amendements de suppression. D’une part, la loi organique exige du gouvernement qu’il dépose un projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. D’autre part, il serait étrange de vouloir à la fois voter contre les comptes et supprimer tout ce qui nous certifie qu’ils ne sont pas bons.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, elle émet un avis favorable à la suppression de l’article liminaire.
Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2024
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte les amendements de suppression CF2 de Mme Joëlle Mélin et CF11 de Mme Sophie Pantel.
En conséquence, elle émet un avis favorable à la suppression de l’article 1er et l’amendement CF5 de M. Matthias Renault tombe.
Article 2 : Approbation, au titre de l’exercice 2024, de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et de la dette apurée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte les amendements de suppression CF3 de Mme Joëlle Mélin et CF12 de Mme Sophie Pantel.
En conséquence, elle émet un avis favorable à la suppression de l’article 2.
Article 3 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2024
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte les amendements de suppression CF4 de Mme Joëlle Mélin et CF13 de Mme Sophie Pantel.
En conséquence, elle émet un avis favorable à la suppression de l’article 3.
Elle émet ainsi un avis défavorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées PAR LE RAPPORTEUR
Direction de la sécurité sociale :
– M. Thomas Ramilijaona, sous-directeur du financement de la sécurité sociale ;
– M. Charles Boriaud, adjoint au sous-directeur du financement de la sécurité sociale.
([1]) Rapport n° 4378 et 4379 de M. Thomas Mesnier, rapporteur général, sur la proposition de loi organique et sur la proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2021 (XVe législature), p. 35.
([2]) Comme le rappelle utilement M. Michel Lauzzana dans son avis n° 2728 sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023, présenté au nom de la commission des finances et enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2024 (XVIe législature), l’approbation par le Parlement du budget de l’État pour l’année précédente fait l’objet d’une loi distincte « depuis plus de deux siècles ». L’article 102 de la loi du 15 mai 1818 prévoyait ainsi que « la loi des comptes est une loi particulière qui sera présentée aux Chambres avant la loi annuelle de finances ». Cet exercice est désormais régi par la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (LRG).
([3]) La production de ces avis par la Cour des comptes est prévue par le 2° de l’article L.O. 111‑4‑6 du code de la sécurité sociale et par l’article L.O. 132‑3 du code des juridictions financières.
([4]) L’établissement du RALFSS par la Cour des comptes est prévu par le 3° de l’article L.O. 111‑4‑6 du code de la sécurité sociale et par l’article L.O. 132‑3 du code des juridictions financières.
([5]) Second alinéa de l’article L.O. 111‑6 du code de la sécurité sociale.
([6]) Deuxième alinéa de l’article D. 114‑3 du code de la sécurité sociale.
([7]) Pour rappel, la commission des comptes de la sécurité sociale avait anticipé ses réunions du printemps pour les deux précédents exercices clos, les organisant le 25 mai 2023 et le 30 mai 2024, les PLACSS afférents étant déposés respectivement le 24 mai 2023 et le 31 mai 2024.
([8]) Loi constitutionnelle n° 96‑138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
([9]) Respectivement le 5 juin 2024 et le 9 octobre 2024.
([10]) Respectivement le 5 juin 2024 et le 25 septembre 2024.
([11]) Avis n° 317 de M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis, sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2024 (XVIIe législature), p. 7.
([12]) INSEE, Le compte des administrations publiques en 2024, INSEE Première, n° 2054, mai 2025.
([13]) Les données figurant dans le rapport d’avancement annuel reposent sur les comptes provisoires dits avancés des administrations publiques au titre de l’année 2024, publiés par l’INSEE le 27 mars 2025. Voir en ce sens INSEE, Comptes nationaux des administrations publiques – premiers résultats – année 2024, Informations rapides, n° 81, mars 2025.
([14]) Article 20 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([15]) Article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([16]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP‑2025‑2 relatif au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, p. 5.
([17]) Avis n° 317 de M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis, sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2024 (XVIIe législature), p. 7.
([18]) Annexe 7 au PLACSS de l’année 2024 relative aux comptes définitifs du FSV, de la CADES, du FRR et des organismes ou fonds financés par les régimes obligatoires de base, p. 33.
([19]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025, p. 58.
([20]) 1° du I de l’article 163 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([21]) Article 3 de la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.
([22]) Article 131 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
([23]) Article 183 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([24]) UNÉDIC, Situation financière de l’assurance chômage pour 2025‑2027, Prévisions financières, 19 février 2025, p. 6.
([25]) Arrêté du 19 décembre 2024 portant agrément de la convention du 15 novembre 2024 relative à l’assurance chômage, de la convention du 15 novembre 2024 relative à l’assurance chômage à Mayotte et de leurs textes associés.
([26]) Article 9 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.
([27]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025, p. 136.
([28]) Recommandation C/2024/659 du Conseil de l’Union européenne du 21 janvier 2025 approuvant le plan budgétaire et structurel national à moyen terme de la France
([29]) Article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([30]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP‑2025‑4 relatif au rapport d’avancement annuel 2025 du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029, p. 1.
([31]) Annexe 3 au PLFSS pour 2025 relative à l’équilibre des finances sociales, p. 9.
([32]) Rapport n° 1274 de MM. Éric Ciotti et Mathieu Lefèvre, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, dotée des prérogatives d’une commission d’enquête en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2025 (XVIIe législature), p. 106.
([33]) Le scénario du rapport d’avancement annuel intègre les annonces américaines du 2 avril 2025, dont les droits dits réciproques de 20 % établis sur les produits importés en provenance de l’Union européenne, et modélise des contre‑mesures proportionnelles à ces mesures pour l’ensemble des pays visés. Les négociations commerciales entre les États‑Unis et leurs partenaires se poursuivent à la date de la présentation du présent avis, donnant lieu à diverses mesures de suspension ou d’exemption des droits et contre‑mesures envisagés. À titre d’exemple, les droits américains additionnels de 20 % visant l’Union européenne ont été suspendus le 9 avril 2025 pour une durée de 90 jours, les produits européens étant soumis au taux uniforme de 10 % applicable à tous les produits importés aux États‑Unis.
([34]) Commission européenne, European Economic Forecast. Spring 2025, European Economy Institutional Paper n° 318, mai 2025, p. 102.
([35]) FMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2025.
([36]) 3° de l’article 1er de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.
([37]) Article 24 de la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.
([38]) Avis n° 317 de M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis, sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2024 (XVIIe législature), p. 24.
([39]) Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, Résultats 2024. Prévisions 2025, juin 2024, p. 52.
([40]) L’article 16 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 opère un « swap » de taux entre la CNAV et la CNAM. La fraction du produit de la taxe sur les salaires affectée à la première passe de 53,27 % en 2023 à 55,57 % en 2024, quand celle affectée à la seconde passe de 25,19 % à 23,55 %.
([41]) Article 3 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.
([42]) Rapport n° 1274 précité de MM. Éric Ciotti et Mathieu Lefèvre, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2025 (XVIIe législature), p. 63.
([43]) Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, Résultats 2024. Prévisions 2025, juin 2025, p. 18.
([44]) Rapport n° 1422 de M. Stéphane Delautrette, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur le financement de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2025 (XVIIe législature), p. 8.
([45]) Ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et communes et de leurs établissements publics.
([46]) Rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA), Situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Bilan et perspectives, mai 2024.
([47]) Article 1er du décret n° 2025-86 du 30 janvier 2025 relatif au taux de cotisations vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
([48]) La hausse de la contribution employeur intervenue au 1er janvier 2024 a fait l’objet d’une compensation aux employeurs territoriaux et hospitaliers pour la seule année 2024. L’article 4 du décret n° 2024-49 du 30 janvier 2024 a réduit d’un point le taux de la cotisation d’assurance maladie applicable aux agents territoriaux et hospitaliers, abaissant temporairement celle-ci de 9,88 % à 8,88 %.
([49]) L’ONDAM pour l’année 2025 compense l’incidence des hausses du taux de la contribution employeur intervenues au 1er janvier 2024 et au 1er janvier 2025 à hauteur de 1 milliard d’euros, réparti entre les établissements de de santé (0,9 milliard d’euros) et les établissements et services médico‑sociaux (0,1 milliard d’euros).
([50]) Amendement n° II‑CF1663 de M. Jean‑Didier Berger et plusieurs de ses collègues.
([51]) Ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
([52]) Article 35 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([53]) Article 3 de la loi n° 2024-1188 du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([54]) I de l’article 34 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([55]) 4° de l’article 1er de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.
([56]) c) et f) du 3° et b) et c) du 3° bis de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale.
([57]) Articles 14 à 17 et article 19 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précitée.
([58]) Troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale.
([59]) Décret n° 2024-176 du 6 mars 2024 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général en 2023 et au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général à effectuer en 2024.
([60]) D’après l’International Capital Market Association (ICMA), les social bonds désignent tout type d’instrument obligataire dont le produit, ou un montant équivalent, est exclusivement utilisé pour financer ou refinancer, en tout ou en partie, des « projets sociaux éligibles », qu’ils soient nouveaux et/ou existants. Le rapport publié par l’ICMA sur les principes applicables aux obligations sociales (2 021) constitue le cadre de référence pour de telles émissions. La CADES rend compte de ses émissions d’obligations sociales dans un rapport annuel d’allocation et de performance ; le dernier rapport porte à ce jour sur l’exercice 2023.
([61]) Aux termes du premier alinéa de l’article L. 139‑3 du code de la sécurité sociale, modifié par le II de l’article 39 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, l’ACOSS peut recourir à des ressources non permanences « pour une durée inférieure ou égale à deux ans et dont la durée moyenne annuelle pondérée est inférieure ou égale à un an ».
([62]) Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, compte rendu de la commission des affaires sociales n° 89 du mercredi 28 mai 2025.
([63]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, La sécurité sociale fragilisée, Note sur l’état des lieux du financement de la protection sociale, janvier 2025.
([64]) La dette des administrations publiques, au sens du traité de Maastricht, est brute en ce que les actifs financiers ne viennent pas en déduction de celle‑ci.
([65]) Article L. 553‑1 du code de la sécurité sociale.
([66]) Cour des comptes, Rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale. Exercice 2024, mai 2025, p. 64.
([67]) Annexe 1 au PLACSS de l’année 2024, REPSS sur la branche famille, p. 123.
([68]) Décret n° 2025-185 du 26 février 2025 portant généralisation des déclarations préremplies de ressources pour l’attribution du revenu de solidarité active et de la prime d’activité.
([69]) Cour des comptes, Rapport sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale. Exercice 2023, mai 2024, p. 70.
([70]) La forte progression des charges liées au non‑recouvrement (+ 0,5 milliard d’euros par rapport à 2023) est due, d’après le rapport à la CCSS, à « d’importantes opérations de gestion découlant de la reprise des contrôles de l’assiette sociale », lesquelles ont conduit à une hausse des pertes sur créances irrécouvrables donnant lieu à des admissions en non‑valeur.
([71]) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.
([72]) Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.
([73]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
([74]) Annexe 2 au PLACSS de l’année 2024 relative à la présentation et à l’évaluation des mesures d’exonération de cotisations sociales, p. 17.
([75]) Relèvent de la catégorie des allègements généraux les trois dispositifs suivants, présentés selon l’état du droit antérieur à la LFSS pour 2025 : la réduction générale dégressive portant sur les salaires compris entre 0 et 1,6 fois le SMIC, dite allègement Fillon ; la réduction forfaitaire de 6 points des cotisations maladie portant sur les salaires compris entre 0 et 2,5 fois le SMIC, dite bandeau maladie ; et la réduction forfaitaire de 1,8 point des cotisations famille portant sur les salaires compris entre 0 et 3,5 fois le SMIC en vigueur au 31 décembre 2023, dite bandeau famille.
([76]) Selon l’annexe 2 au PLACSS, les exemptions d’assiette se distinguent des exonérations de cotisations sociales en ce qu’elles consistent à exclure certains revenus de l’assiette soumise aux cotisations et contributions sociales. Sont notamment concernés les dispositifs de participation financière, tels que l’intéressement et la participation, et les accessoires de salaire, tels que les titres‑restaurant et les chèques vacances.
([77]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025, p. 138.
([78]) Le budget général de l’État bénéficie d’une rétrocession d’une fraction de TVA équivalente à 0,6 milliard d’euros, en compensation de la diminution du rendement de l’impôt sur les sociétés associée à la réforme des allègements généraux, laquelle devrait peser sur les bénéfices des entreprises.
([79]) Il en est rendu compte de manière exhaustive dans les six rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS) qui, ensemble, forment l’annexe 1 du PLACSS.