N° 2047

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈme LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2025.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2026 (n° 1906)

TOME VII

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

 

AFFAIRES MARITIMES

PAR M. Jimmy PAHUN

Député

——

 

 Voir les numéros : 1906, 1996 (Tome III, annexe 17).


SOMMAIRE

___

Pages

premiÈre partie : un budget en hausse relative

I. le programme 205

A. L’action 1 « Surveillance et sÛRETÉ maritimes »

1. Surveillance du trafic maritime (10,5 millions d’euros en AE et 9,2 millions d’euros en CP)

2. Signalisation maritime (12,2 millions d’euros en AE et 14,5 millions d’euros en CP)

3. Système d’information « Surveillance maritime » (1,8 million d’euros en AE et 1,8 million d’euros en CP)

4. Capitainerie des ports (280 000 euros en AE et CP)

B. L’action 2 « Emplois et formations maritimes »

1. Financement de la formation initiale des marins

a. Subvention à l’ENSM

b. Lycées professionnels maritimes et autres centres de formation

2. Aide et protection du monde maritime

C. L’action 3 « Innovation et flotte de commerce »

D. L’action 4 « Action interministÉrielle de la mer »

E. L’action 5 « Soutien et systÈmes d’information »

F. L’action 7 « Pêche et aquaculture »

G. L’action 8 « Planification et Économie bleue »

II. L’action 43 DU programme 203

DeuxiÈme partie : La flotte océanographique française

I. LA FLOTTE ocÉanographique française CONSTITUE UN rÉseau unique de navires et de moyens au service de la recherche et en soutien À la présence maritime française

A. Une flotte pionniÈre au service de la recherche océanographique

1. Aux origines de la flotte océanographique française

a. Les débuts de l’océanographie française

b. La constitution de la première flotte océanographique civile

2. L’unification de la flotte océanographique française au sein de l’Ifremer

B. Une flotte multifonctionnelle pour rÉpondre aux besoins de la recherche ocÉanographique et À des missions de Service Public

1. Une flotte hauturière multifonctionnelle

a. L’Atalante, au service de la recherche sur tous les océans

b. Le Marion Dufresne, de l’avitaillement des TAAF à l’étude de l’Océan austral

c. Le Thalassa, au service d’une exploitation plus durable des ressources halieutique

d. Le Pourquoi Pas ?, en partenariat avec la Marine nationale pour cartographier les océans

2. La flotte côtière et semi-hauturière

3. Les moyens sous-marins

a. Le Nautile, le sous-marin habité des grandes profondeurs

b. Le Victor 6000, robot téléopéré

II. Flotte vieillissante, son renouvellement présente des défis financiers, technologiques et environnementaux

A. Le plan de renouvellement de la flotte doit Être actualisÉ et programmÉ

B. la multifonctionnalitÉ des futurs navires de la Flotte doit Être mieux ajustÉe aux besoins

1. Le remplacement de l’Antea par le brise-glace, le Michel Rocard

2. Le remplacement de l’Atalante est une priorité absolue

3. Le remplacement du Marion Dufresne doit être programmé

C. Le dÉfi de la DÉcarbonation de la flotte

III. imaginer la flotte ocÉanographique de Demain au service de l’avenir DE la recherche et de la souverainetÉ maritime française

A. Contribuer À une meilleure connaissance des grands fonds marins

B. De l’opportunitÉ de doter la recherche française de moyens maritimes dans les zones polaires

C. De l’avenir Des partenariats de la FOF

1. Vers une flotte européenne ou une coopération multinationale renforcée

2. De l’avenir de la coopération avec la recherche d’initiative privée

examen en commission

liste des personnes auditionnées

 


   premiÈre partie : un budget en hausse relative

I.   le programme 205

Le programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » permet de financer des actions relatives à la politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles (actions 1 et 4), à la régulation sociale de l’emploi maritime (formation, hygiène, santé, conditions de travail), qui est au cœur de l’action préventive en matière de sécurité maritime (action 2), au soutien à la qualité et au développement du pavillon français (action 3), à la participation à la protection de l’environnement marin et littoral (action 4), à la mise en œuvre de la politique des pêches maritimes et de l’aquaculture (action 7) ainsi qu’à des politiques transversales (actions 5 et 8). Le périmètre du programme 205 est inchangé par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.

Les crédits du programme 205 pour l’année 2026 sont globalement en hausse, que ce soit en autorisations d’engagement (AE) ou en crédits de paiement (CP) :

(En millions d’euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

AE

253

290

+ 14,6 %

CP

268

289

+ 8 %

L’augmentation de crédits porte sur deux principaux postes de dépenses et répond à un souci de sincérisation du budget :

– Sur l’action 2 : la compensation du dispositif d’exonérations des cotisations sociales patronales, qui était sous-budgétée en 2025, est augmentée de 10 millions d’euros pour 2026 ;

– Sur l’action 7 : d’une part, une enveloppe de 19 millions d’euros est prévue pour financer les restes à payer liés à la clôture du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). D’autre part, un ajustement de l’enveloppe d’AE du fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) de plus de 24 millions d’euros est prévu pour sécuriser la programmation sur les deux dernières années d’engagement du fonds.

Hormis ces deux postes de dépenses en hausse, tous les budgets de fonctionnement des autres actions du programme sont en baisse.

A.   L’action 1 « Surveillance et sÛRETÉ maritimes »

Les crédits de l’action 1 représentent 11,2 % des crédits du programme 205.

(En millions d’euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

AE

32,9

32,4

-1 %

CP

32,7

33,8

+ 3 %

Les crédits sont globalement stables par rapport à 2025. La légère évolution des crédits porte principalement sur les deux postes de dépenses suivants :

– La subvention à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) : l’enveloppe du programme baisse – 7,62 millions d’euros en 2026 contre 7, 85 millions d’euros en 2025 – sans pour autant affecter le niveau global du soutien de l’État à l’association grâce au maintien de ressources affectées ;

– Les investissements en signalisation maritime : le système de restauration des centres opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), précédemment imputé sur l’action 5 du programme, sera imputé à compter de 2026 sur l’action 1 dans le cadre de la réforme de la restauration des CROSS.

Le budget de l’action 1 permet à la France d’exercer trois types de missions :

– en tant qu’État du pavillon, garantir le respect des normes internationales requises à bord des navires battant pavillon français ;

– en tant qu’État du port, contrôler les navires de commerce étrangers faisant escale dans ses ports ;

– en tant qu’État côtier, assurer l’organisation et la coordination de la recherche et du sauvetage maritimes le long des côtes françaises ainsi que la sécurisation des routes de navigation et des accès portuaires avec le réseau des phrases et balises.

1.   Surveillance du trafic maritime (10,5 millions d’euros en AE et 9,2 millions d’euros en CP)

La surveillance du trafic maritime, qui recouvre essentiellement le financement des sept CROSS de métropole et d’outre-mer ainsi que des deux centres spécialisés du Pacifique, reçoit 5,2 millions d’euros en crédits de fonctionnement pour 2026. Ces crédits financent le maintien en état opérationnel du réseau public des quatre-vingts sites opérés par les CROSS.

Les crédits d’investissement (5 millions d’euros en AE et 4,5 millions d’euros en CP), servent principalement à financer la rénovation de la tour radar du Stiff sur l’île d’Ouessant qui constitue l’unique moyen de surveillance et de communication au large de la pointe du Finistère pour garantir la sécurité de la navigation.

2.   Signalisation maritime (12,2 millions d’euros en AE et 14,5 millions d’euros en CP)

L’essentiel des crédits consacrés à la signalisation maritime finance le service d’armement des phares et balises (APB) qui assure l’ensemble des opérations de transport et de manutention pour les établissements de signalisation maritime (ESM) en mer.

Les crédits de fonctionnement financent notamment le maintien en conditions opérationnelles de plus de 8 000 aides à la navigation maritime ainsi que la formation des agents. Il s’agit également dans certains cas précis d’opérations patrimoniales sur les phares et maisons feux, notamment les grands phares du littoral, pour assurer leur préservation, leur transfert et leur reconversion. En 2026 comme en 2025, une enveloppe spécifique sera consacrée à la poursuite du remplacement des soubassements à mercure des phares par des systèmes innovants.

Les crédits d’investissement financent les travaux de « gros entretien », par exemple le carénage et la rénovation des motorisations. Dans le cadre du plan de modernisation des affaires maritimes, un volet important est consacré au renouvellement des moyens nautiques de l’APB, comme par exemple le remplacement de dix‑sept unités par neuf navires polyvalents, plus performants sur les plans technique et environnemental.

3.   Système d’information « Surveillance maritime » (1,8 million d’euros en AE et 1,8 million d’euros en CP)

0,78 million euros de crédits de fonctionnement sont destinés à assurer le maintien en condition opérationnelle des systèmes d’information relatifs à la surveillance maritime, au suivi des matières dangereuses et à l’échange de données avec d’autres États.

Près de 1 million d’euros de crédits d’investissement sont consacrés à la mise en place du guichet unique maritime et portuaire (GUMP) lequel est un chantier majeur de simplification administrative afin d’améliorer la compétitivité des ports et l’efficience du transport maritime. Il constituera, dès le 1er trimestre 2026, l’interface entre le navire et le port pour satisfaire aux obligations déclaratives d’entrée et de sortie du port.

4.   Capitainerie des ports (280 000 euros en AE et CP)

Avec la création en 2022 de la DGAMPA, l’organisation et le fonctionnement des capitaineries ont fait l’objet d’un transfert au profit de cette nouvelle direction. Les vingt-huit capitaineries concernées perçoivent 280 000 euros de crédits de fonctionnement « métiers » pour financer leurs cent soixante‑dix-sept agents en charge des missions de sécurité et de police portuaire.

B.   L’action 2 « Emplois et formations maritimes »

Les crédits de l’action 2 représentent 11 % des crédits du programme 205 et leurs montants sont en légère baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

AE

35,4

32

- 10 %

CP

36,9

32

- 13 %

Cette évolution s’explique par un ajustement à la baisse de la subvention pour charge de service public de l’École nationale supérieure maritime (ENSM) de 25,2 millions d’euros à 22,2 millions d’euros entre 2025 et 2026 et par l’absence de subvention pour charge d’investissement. Selon le ministère de la transition écologique, cette baisse s’inscrit en application de la circulaire du Premier ministre du 24 avril 2025 prévoyant de limiter la trésorerie des opérateurs au strict minimum. Dans ce cadre, il est prévu pour 2026 une mobilisation de la trésorerie excédentaire de l’établissement, compatible avec la soutenabilité de sa trajectoire financière.

1.   Financement de la formation initiale des marins

a.   Subvention à l’ENSM

L’École nationale supérieure maritime, unique opérateur du programme, reçoit une subvention pour charges de service public (SCSP) de 22,24 millions d’euros, en baisse par rapport à 2025 (cf. supra), destinée essentiellement au financement de la masse salariale.

L’établissement ne percevra pas de subvention d’investissement en 2026. L’ENSM devra mobiliser sa trésorerie pour poursuivre l’objectif de doublement du nombre d’officiers de la marine marchande d’ici 2027 fixé lors du Fontenoy du maritime.

b.   Lycées professionnels maritimes et autres centres de formation

Les douze lycées professionnels maritimes (LPM) reçoivent une subvention de 5,24 millions d’euros (AE et CP), pour assurer le face-à-face pédagogique et le financement de la mise en œuvre des stages professionnels destinés aux élèves et rendus obligatoires pour assurer la sécurité à bord des navires.

En complément de cette subvention, 1 million d’euros de crédits servira à nouveau en 2026 à financer la gratification des périodes de stage mise en place dans le cadre de la réforme des lycées professionnels.

L’aide aux élèves des LPM est revalorisée de 50 000 euros en 2026 pour atteindre 0,84 million d’euros pour financer les bourses qui leur sont attribuées. Cet ajustement est estimé nécessaire par le ministère pour répondre à la pression accrue des familles, en particulier celles confrontées à des difficultés financières importantes.

2.   Aide et protection du monde maritime

Une part des crédits de l’action 2, à hauteur de 1,6 million d’euros en AE et en CP, stable par rapport à 2025, est consacrée au financement du service de santé des gens de mer, qui assure la médecine de santé au travail des marins et qui a la responsabilité de délivrer les certificats d’aptitude pour embarquer ainsi que du centre de consultations médicales maritimes (CCMM). Le CCMM permet de mettre à disposition un service permanent et gratuit pour les navigants, de consultations et d’assistance télé-médicales pour tout navire en mer.

Elle assure aussi le soutien financier aux dispositifs d’aide pour les marins sans emploi.

C.   L’action 3 « Innovation et flotte de commerce »

Les crédits de l’action 3 représentent 26,6 % des crédits du programme 205.

Ils sont en légère baisse de 4 % dans le projet de loi de finances pour 2026, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

AE

80,5

77

- 4 %

CP

80,5

77

- 4 %

Cette baisse de crédits s’explique par :

– L’achèvement en 2024 du dispositif de soutien aux entreprises d’armement maritime (Seam) ([1]) mis en place au 1er janvier 2022 pour une durée de trois ans, la LFI pour 2025 incluant le financement du dernier semestre de 2024 ;

– L’ajustement de la prise en charge budgétaire des contributions aux caisses d’assurance sociale (UNEDIC et ACOSS).

Les crédits de l’action 3 servent en effet à financer :

– La contribution de l’État à la prise en charge des pensions et retraites de la Compagnie générale maritime et financière (CGMF). Ces crédits baissent chaque année du fait de la diminution progressive du nombre des ayants droit puisque ce régime n’admet plus de nouveaux pensionnaires ;

– Le dispositif de soutien à la flotte via des exonérations de cotisations patronales et le remboursement de cotisations salariales pour les entreprises employant des gens de mer affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM) à hauteur de 70 millions d’euros en AE et CP. Depuis 2025, seuls les navires de transport de passagers, les câbliers et les navires dédiés aux énergies marines renouvelables bénéficieront de la totalité des exonérations, les autres segments de la flotte bénéficiant de la seule exonération des cotisations « prévoyance – vieillesse » ;

– Depuis 2023, le contrôle des navires au titre de l’État du port (auparavant porté par l’action 1) doté de 1,4 million d’euros alloués aux centres de sécurité des navires (CSN) chargés d’inspecter les navires et de contrôler leur conformité à la réglementation en vigueur.

D.   L’action 4 « Action interministÉrielle de la mer »

Les crédits de l’action 4 représentent 5,1 % des crédits du programme 205 et sont en légère hausse par rapport à la LFI pour 2025, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

AE

13,7

14,6

+ 6,5 %

CP

23

24,3

+ 5,6 %

De même qu’en LFI pour 2025, 10 millions d’euros sont budgétés sur cette action pour le paiement des CP du nouveau patrouilleur des affaires maritimes, engagé en 2024 pour 24,9 millions d’euros. L’acquisition de ce patrouilleur bénéficie également d’un soutien du fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) à hauteur de 70 %. Il remplacera au second semestre 2027 le patrouilleur IRIS basé à La Rochelle et en service depuis 1988. Le futur patrouilleur disposera d’une propulsion à assistance vélique et aura une empreinte environnementale réduite.

Votre rapporteur pour avis se félicite que l’administration de la mer se dote du premier navire de cette catégorie à assistance vélique répondant aux ambitions de la France en matière de décarbonation du transport maritime.

Les crédits de cette action servent à financer l’action civile de l’État en mer (AEM). Les quarante-cinq missions assignées à l’AEM sont prises en charge par une dizaine de ministères. Le ministre chargé de la mer participe à plus de quarante missions et en coordonne une quinzaine. Dans ce cadre, les services des affaires maritimes mettent en œuvre les politiques relatives :

– au contrôle et à la surveillance des affaires maritimes : les affaires maritimes sont habilitées au titre des polices spéciales en mer ;

– au contrôle de l’environnement marin ;

– au contrôle et à la surveillance des pêches maritimes : depuis ces dernières années avec la montée en puissance de l’Agence européenne de contrôle des pêches (AECP) et compte tenu des exigences européennes de plus en plus importantes, la mission de contrôle des pêches s’est renforcée.

Dispositif de contrôle et de surveillance des affaires maritimes (DCS) ([2])
(10,5 millions d’euros en AE et 20,5 millions d’euros en CP)

Les personnels et unités du DCS sont des acteurs indispensables du contrôle des pêches en particulier pour la mise en œuvre des plans de contrôle conjoints européens (par exemple pour le cabillaud ou le thon rouge) sous l’égide de l’AECP.

Le dispositif de contrôle et de surveillance s’articule autour :

– d’un dispositif hauturier composé à partir de 2022 de 5 patrouilleurs dont 1 basé à La Réunion pour surveiller les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ;

– d’un réseau d’unités littorales des affaires maritimes qui participent au contrôle des activités maritimes côtières.

Le dispositif entre aussi dans le cadre du plan de modernisation « Administration de la Mer 2027 ». L’ensemble des contrôles est organisé par ciblage grâce à deux centres opérationnels : le centre national de surveillance des pêches (CNSP) et le centre d’appui au contrôle de l’environnement marin (CACEM).

E.   L’action 5 « Soutien et systÈmes d’information »

Les crédits de l’action 5 représentent 2,9 % du programme 205 et sont en baisse dans le projet de loi de finances pour 2026 comme l’illustre le tableau ci‑dessous :

(En millions d’euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

AE

13

8,5

- 34 %

CP

13,7

9,2

- 32 %

Cette évolution à la baisse est essentiellement due à :

– Un ajustement des crédits liés aux dépenses de fonctionnement communes au programme passant de 6,9 millions d’euros en CP en LFI pour 2025 à 5 millions d’euros en CP dans le PLF pour 2026 ;

– La prise en compte dans la LFI pour 2025 de crédits exceptionnels pour les travaux de rénovation de l’Hôtel de la Marine à Bordeaux.

Ces crédits regroupent essentiellement le budget relatif au fonctionnement de l’administration centrale et des services déconcentrés. Ils comprennent également le budget pour les systèmes d’information. L’action participe au financement de la démarche de transformation numérique entamée en 2021. Celle‑ci vise notamment à transformer les relations avec les usagers internes et externes grâce à la mise en place de l’espace numérique maritime.

Cette action porte également la dotation budgétaire du Bureau Enquête Accident en mer (BEA-mer), auparavant portés par l’action 1. Il s’agit d’un service à compétence nationale placé auprès de l’Inspecteur général des affaires maritimes. Ce service doit rechercher et déterminer les causes techniques des accidents, afin d’en tirer les enseignements pour l’amélioration de la sécurité maritime.

F.   L’action 7 « Pêche et aquaculture »

L’action 7 représente 42,1 % des crédits. Ces crédits sont en nette hausse par rapport à la LFI pour 2025 :

(En millions d’euros)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution

AE

74,5

122,3

+ 64 %

CP

68

95,5

+ 40 %

Selon les données du ministère, cette évolution des crédits s’explique par les mouvements suivants :

– La mise en œuvre du « plan Cétacés » par le soutien aux entreprises du secteur subissant les effets de la fermeture hivernale du Golfe de Gascogne avec une enveloppe de 21 millions d’euros destinée à assurer aux pêcheurs et aux mareyeurs un niveau d’indemnisation similaires aux niveaux de 2024 et 2025 ;

– L’optimisation de la mobilisation du fonds européen des affaires maritimes et de la pêche et aquaculture (FEAMPA) en sécurisant les contreparties nationales ; l’enveloppe sera ainsi portée à 40,7 millions d’euros en AE (contre 13,2 millions en 2025) et 16,8 millions d’euros en CP (contre 8,9 millions d’euros en 2025).

Les crédits de l’action 7 financent l’acquisition de connaissance scientifiques et de données qui conditionnent la mise en œuvre de la politique commune de la pêche (PCP) ainsi que les moyens spécifiques au contrôle des pêches, en particulier en matière de systèmes d’information.

 9,9 millions d’euros de crédits de fonctionnement en AE et CP sont consacrés à assurer le suivi des ressources halieutiques dans les conditions exigées par la règlementation européenne par la collecte de données et les expertises scientifiques. Cette ligne de dépense porte la subvention pour charges de service public versée à l’IFREMER de 3,9 millions d’euros ;

Même si l’essentiel de la dotation de l’Ifremer ne relève pas du programme 205 mais de la mission « Recherche et enseignement supérieur », votre rapporteur pour avis tient à souligner l’importance de l’expertise de l’Ifremer pour la France, notamment pour maintenir sa position stratégique dans les négociations européennes sur les quotas grâce aux données fiables et reconnues de l’Ifremer. Pour cela, il est essentiel de maintenir la dotation et les moyens financiers et humains de l’institut afin notamment de lui permettre de poursuivre son activité de conseil scientifique auprès de la Dgampa.

– 17 millions d’euros de crédits en AE et 15 millions d’euros de crédits en CP (fonctionnement et investissement) financent le pilotage du contrôle des pêches par la Dgampa, notamment les systèmes d’information de gestion des pêches et de l’aquaculture pour répondre aux obligations règlementaires en matière de connaissance et de suivi des stocks halieutiques.

G.   L’action 8 « Planification et Économie bleue »

L’action 8 représente 1,1 % du programme 205. Elle est dotée de 3,2 millions d’euros en AE, contre 2,8 millions d’euros en LFI pour 2025, et de 17,5 millions d’euros en CP, contre 13,5 millions d’euros en LFI pour 2025, soit des crédits en hausse par rapport à la LFI pour 2025.

L’évolution des crédits de l’action 8 s’explique par :

– La poursuite du financement du Fonds d’intervention maritime (FIM), inscrit à hauteur de 6,3 millions d’euros en CP en 2026 afin de couvrir les restes à payer ;

– La poursuite du financement du plan tourisme, à hauteur de 8 millions d’euros de CP afin de couvrir des restes à payer.

L’essentiel des crédits est consacré à la sous-action « Plaisance et littoral » qui est dotée de 2,2 millions d’euros en AE et de 10,2 millions d’euros en CP. Les crédits servent notamment au financement de l’observatoire des ports de plaisance, du site du guichet unique fiscalité plaisance de Saint-Malo ou encore à la poursuite de la modernisation du système d’immatriculation des navires dans le cadre du portail « démarches plaisance ».

II.   L’action 43 DU programme 203

Si la plus grande partie du programme 203 n’entre pas dans le périmètre du présent avis car ce programme est surtout consacré aux infrastructures ferroviaires, routières et aéroportuaires, il convient toutefois d’évoquer ici les crédits de l’action 43, seule action relative aux ports, qui représentent 1,5 % des crédits du programme.

Les crédits programmés pour 2026 sont stables par rapport à la LFI pour 2025 avec 87,5 millions d’euros en AE et CP.

L’essentiel des crédits de cette action sert à financer l’entretien des accès et des ouvrages d’accès des grands ports maritimes notamment les opérations de dragage (67,5 millions d’euros d’AE et de CP). L’augmentation de la dotation à partir de 2019 a permis de répondre au sous-financement chronique des opérations de dragage des grands ports maritimes (GPM) qui sont déterminantes pour la capacité d’attractivité et de compétitivité des GPM.

À compter de 2026, une nouvelle sous-action vient traduire l’engagement du Gouvernement à participer au financement du régime conventionnel de pénibilité pour la branche ports et manutention portuaire à hauteur de 20 millions d’euros par an sur vingt ans pour accompagner le financement par les partenaires sociaux de nouveaux droits de ce régime.

 


   DeuxiÈme partie :
La flotte océanographique française

I.   LA FLOTTE ocÉanographique française CONSTITUE UN rÉseau unique de navires et de moyens au service de la recherche et en soutien À la présence maritime française

A.   Une flotte pionniÈre au service de la recherche océanographique

La flotte océanographique française (FOF) est à la fois la plus grande infrastructure de recherche environnementale française et l’une des plus importantes flottes océanographiques en Europe et dans le monde.

1.   Aux origines de la flotte océanographique française

Les premières campagnes océanographiques françaises, principalement orientées vers l’halieutique, ont au départ été menées à bord de navires de la Marine nationale, de chalutiers reconvertis ou encore des navires du commandant Charcot, en particulier du Pourquoi Pas ? Il faut attendre 1933 pour assister à l’inauguration d’un navire construit et conçu spécialement pour la recherche océanographique puis les années 1960 pour que se constitue une flotte spécifique.

a.   Les débuts de l’océanographie française

Héritière des premières campagnes de recherche océanographique du XIXe siècle à bord de navires de pêche ou de la Marine nationale, l’apparition d’une flotte de navires consacrée uniquement à la recherche océanographique date du début du XXe siècle.

La mer devient en effet un objet de recherche à partir de la fin du XIXe siècle notamment avec la première campagne océanographique réalisée à bord du navire britannique de la Royal Navy, le Challenger, de 1872 à 1876 dans l’Atlantique, le Pacifique et l’Indien. En France, les premières missions de recherche océanographique en Atlantique et en Méditerranée voient le jour dans les années 1880 à bord de navires de la Marine nationale. Parmi les pionniers de l’expédition maritime scientifique, on compte le commandant Jean-Baptiste Charcot qui dirige les deux premières expéditions françaises en Antarctique de 1903 à 1905 avec son navire Le Français puis de 1908 à 1910 avec Le Pourquoi Pas ?

Après la fin de la Première Guerre mondiale, l’Office scientifique et technique des pêches maritimes, l’un des ancêtres de l’Ifremer, est créé en 1918. À cette époque, les campagnes océanographiques se déroulent à bord de chalutiers dans l’Atlantique nord, à Terre-Neuve, en Manche et en mer du Nord. En 1933 est inauguré le premier navire français spécialement conçu pour l’océanographie des pêches, le Président Théodore Tissier.

b.   La constitution de la première flotte océanographique civile

« Les années 1960 marquent un virage important : la France consacre un effort soutenu aux équipements de recherche, en créant une flotte océanographique de haute mer civile. Une politique de la recherche océanographique est définie. Les moyens de travail mis à la disposition des chercheurs français sont accrus et les efforts coordonnés. » ([3])

En 1960, le Thalassa prend la relève du Président Théodore Tissier. C’est un navire de recherche moderne qui permet de mener des missions dans toutes les disciplines de l’océanographie. En 1966, la flotte océanographique française se dote du navire le Jean Charcot qui est le premier navire océanographique pluridisciplinaire de haute mer et de deux navires de plus faible tonnage. Durant la même période, la flotte est complétée par des engins submersibles habités pour explorer les grands fonds marins.

En 1984, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), né de la fusion de l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes (ISTPM) et du Centre national pour l’exploitation des océans (Cnexo), gère et met en œuvre aux côtés de l’Institut national des sciences de l’Univers du Centre national de la recherche scientifique (CNRS-INSU), de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV), de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et du service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) la flotte océanographique française. La FOF est alors une très grande infrastructure de recherche (TGIR) regroupant des équipements nautiques de natures différentes, sous propriété de plusieurs opérateurs.

2.   L’unification de la flotte océanographique française au sein de l’Ifremer

Au terme d’un long processus entamé au début des années 2010, la gestion de la flotte océanographique a été unifiée et confiée à l’Ifremer. En 2018, le sous-affrètement du Marion Dufresne par l’Institut polaire français est ainsi repris par l’Ifremer tandis que l’IRD et le CNRS transfèrent leurs navires océanographiques à l’Ifremer, respectivement en 2018 et 2020.

En tant qu’infrastructure de recherche « étoile » (IR*) ([4]) inscrite à la feuille de route du ministère chargé de la recherche, la FOF est ainsi opérée, depuis 2020 par l’Ifremer et sa filiale d’armement, Genavir, pour le compte de multiples organismes et au bénéfice de l’ensemble de la communauté scientifique nationale, notamment le CNRS, des universités, le Muséum national d’histoire naturelle ou encore l’IRD.

La FOF dispose d’une direction propre au sein de l’Ifremer : la direction de la flotte océanographique (DFO) qui est chargée de la programmation des campagnes, tandis que l’armateur Genavir, filiale de l’Ifremer, est chargé de la réalisation des campagnes océanographiques et de la logistique afférente ainsi que du maintien en conditions opérationnelles des navires. La FOF est également dotée d’un comité directeur qui pilote l’évolution de l’infrastructure de la conception des moyens navals aux des développements technologiques relatifs aux systèmes embarqués ou sous-marins. Enfin, un conseil scientifique et des comités scientifiques sont chargés d’évaluer les demandes de campagnes, les besoins de formation et d’enseignement et de valorisation a posteriori de la recherche scientifique. Ce sont ainsi près de 500 personnes qui sont engagées, à terre et en mer, pour le compte de l’Ifremer et de Genavir.

Les moyens financiers de la FOF

 (En million d’euros)

Exécution et programmation Ifremer – IR* FOF

Exécution 2024

Estimation 2025

Ressources totales

120,7

87,1

Concours P.172 – Action 13

67,2

68,2

Autres programmes d’investissement (CPER, FEDER, PIA, collectivités…)

35

1,6

Ressources propres

18,5

17,3

Source : Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace (MESR)

Si l’Ifremer est propriétaire de quasiment tous les navires et moyens nautiques de la FOF, à l’exception du Marion Dufresne qui est propriété des TAAF (cf. infra), ses équipes scientifiques ne représentent que 25 % des utilisateurs des navires. En effet, sur les près de 1 800 scientifiques qui embarquent chaque année sur les navires de la flotte, plus des deux tiers appartiennent à d’autres établissements que l’Ifremer.

Cette unification est atypique en Europe : les autres grandes flottes océanographiques nationales, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, sont réparties entre plusieurs établissements, ce qui implique un effort accru de coordination.

B.   Une flotte multifonctionnelle pour rÉpondre aux besoins de la recherche ocÉanographique et À des missions de Service Public

La flotte océanographique française est l’une des plus importantes d’Europe, proposant une gamme variée d’instruments avec une capacité de projection sur tous les océans du monde, des eaux côtières peu profondes aux grands fonds marins. Elle est également la seule en Europe à être multifonctionnelle : la moitié de son activité est orientée vers la recherche et l’autre moitié vient en appui de mission de politiques publiques.

Depuis 2018, ce principe de mixité des usages de la flotte est détaillé dans un cahier des charges de la programmation qui engage l’Ifremer en termes de nombre moyen de jours à respecter au profit de l’activité scientifique – ce qui représente 450 jours par an pour les navires hauturiers et 960 jours par an pour les navires côtiers et régionaux. Les campagnes d’intérêt public doivent quant à elles faire l’objet de conventionnement.

Les dix-sept navires de la flotte embarquent ainsi tous les ans environ 1 800 scientifiques pour mener quelque 150 missions françaises pluridisciplinaires en géosciences marines, biologie et écologie, halieutique, océanographie physique ou encore sur les écosystèmes profonds.

1.   Une flotte hauturière multifonctionnelle

La flotte hauturière est constituée de quatre navires hauturiers : l’Atalante, le Marion Dufresne, le Thalassa et le Pourquoi pas ? Ces navires polyvalents sont capables de réaliser des campagnes océanographiques pluridisciplinaires en haute mer d’une durée de plusieurs semaines.

En 2023, 50 missions se sont déroulées sur ces navires hauturiers :

– 24 missions (48 %) en lien avec une activité scientifique ;

– 5 missions (10 %) en appui aux politiques publiques ;

– 16 missions (32 %) en lien avec des essais techniques ;

– 4 missions (8 %) en lien avec la Marine nationale ;

– 1 mission en lien avec de l’affrètement.

Ce qui représente 445 jours d’activité scientifique embarquée sur les navires hauturiers.

a.   L’Atalante, au service de la recherche sur tous les océans

L’Atalante est le seul navire de la flotte hauturière avec une capacité de déploiement mondial sur tous les océans et qui est entièrement consacré à la recherche océanographique. Il est déployé en moyenne une année sur quatre dans l’océan Indien et l’océan Pacifique. Ce navire polyvalent est capable de mettre à l’eau des engins habités sous-marins comme le Nautile ou le robot téléguidé Victor 6000 (cf. infra).

b.   Le Marion Dufresne, de l’avitaillement des TAAF à l’étude de l’Océan austral

Le Marion Dufresne est le seul des quatre navires hauturiers de la FOF n’appartenant pas à Ifremer. Ce navire est propriété des TAAF et opéré par l’armateur Louis Dreyfus, exclusivement au départ de La Réunion. La FOF et les TAAF se partagent ainsi l’utilisation du Marion Dufresne :

– Pour des missions scientifiques pour le compte de la FOF pour 217 jours par an ;

– Pour de la logistique et du ravitaillement pour les TAAF pour 120 jours par an.

Il s’agit en effet d’un navire polyvalent pouvant assurer aussi bien du transport de fret, de personnel ou de l’avitaillement en gasoil à destination des TAAF que des missions scientifiques d’envergure grâce à des capacités techniques uniques pour étudier l’Océan austral.

Le Marion Dufresne s’est ainsi rendu indispensable à deux égards. En premier lieu, il est un outil essentiel à la continuité territoriale entre la France et ses districts austraux. En raison de l’isolement géographique des Terres australes, l’administration des TAAF met en œuvre une chaîne logistique complexe pour pouvoir accueillir chaque année entre 40 et 100 personnes, à la fois scientifiques et personnels techniques. Cette chaîne logistique dépend de la desserte par la mer assurée par le Marion Dufresne pour les districts austraux (cf. carte ci-dessous).

Source : https://taaf.fr/collectivites/presentation-des-territoires/les-iles-australes/

Les autres territoires des TAAF sont desservis par le navire l’Astrolabe, opéré par la Marine nationale, pour le district antarctique de Terre-Adélie et par avion miliaire pour les Île Éparses.

En second lieu, le Marion Dufresne dispose de capacités techniques uniques au sein de la flotte océanographique française contribuant à des succès d’envergure d’un point de vue scientifique :

– La longueur du navire, 120 mètres, a permis l’implantation du carottier géant Calypso ce qui fait du Marion Dufresne un outil unique au monde pour effectuer du carottage long ([5]). Le carottier prélève des couches de sédiments jusqu’à 6 500 mètres de fond. Grâce à des carottes de plus de 60 mètres, les scientifiques sont en mesure de reconstituer le climat de la Terre depuis des centaines de milliers d’années ;

– Le navire dispose également d’un système de treuillage pour la manipulation d’engins et de matériels lourds ainsi que des sondeurs multifaisceaux ([6]).

c.   Le Thalassa, au service d’une exploitation plus durable des ressources halieutique

Ce navire hauturier de 75 mètres, qui opère principalement en Atlantique nord, est équipé pour étudier l’halieutique et l’océanographie physique. Ses missions premières sur l’halieutique concernent le suivi de l’écologie des populations et de l’évaluation des espèces exploitées dans la Manche, dans le golfe de Gascogne et en Mer du Nord grâce à des équipements à bord tels que des sondeurs halieutiques ou encore grâce sa capacité de chalutage.

Les missions accomplies à bord du Thalassa sont indispensables pour mieux connaître l’évolution des ressources halieutiques. Ces connaissances et données contribuent à définir une politique de quotas de pêche en phase avec une exploitation plus durable de l’océan.

d.   Le Pourquoi Pas ?, en partenariat avec la Marine nationale pour cartographier les océans

Le Pourquoi Pas ? est le navire amiral de la flotte. Sa construction et mise en service en 2005 se sont appuyées sur un partenariat entre la Marine nationale et l’Ifremer. En effet, l’utilisation de ce navire est partagée entre les scientifiques et la Marine nationale pour cartographier l’océan pour le compte du service national d’hydrographie et d’océanographie (Shom).

Parmi les atouts de ce navire, qui opère principalement dans l’Atlantique, on peut relever : la réalisation de carottage, la cartographie des canyons sous‑marins, l’équipement en informatique de pointe ou encore la présence à bord de huit laboratoires. Ce navire de recherche est également l’un des plus silencieux au monde permettant de capter tous les sons de l’océan. Grâce à des propulseurs transversaux, ce navire est en mesure de rester immobile pendant que ses engins sous-marins plongent.

Un exemple de mission commune du Thalassa et du Pourquoi pas ?
sur le stockage de carbone dans l’océan

Entre juin et juillet de 2023, le Thalassa et le Pourquoi pas ? se sont mis au service d’une campagne de grande envergure intitulée « Apero » (Assessing marine biogenic matter Production, Export and Remineralization : fron the surface to the dark ocean) portée par le CNRS pour comprendre les conséquences du changement climatique sur la capacité de l’océan à absorber le carbone, aussi connue sous le nom de « pompe biologique du carbone ».

Durant cette campagne de quarante jours mobilisant le Thalassa et le Pourquoi Pas ?, les 65 scientifiques embarqués appartenant à une quinzaine de laboratoires français et étrangers, ont effectué un grand nombre d’observations et de prélèvements dans la colonne d’eau, entre 200 et 1 000 mètres de profondeur.

2.   La flotte côtière et semi-hauturière

La flotte régionale est constituée de cinq navires côtiers ([7]) et d’une vedette ([8]) qui sont utilisés dans la Manche, dans l’Atlantique et en Méditerranée pour des campagnes pouvant aller jusqu’à une dizaine de jours. S’y ajoutent sept petits navires de station du CNRS, répartis entre les façades maritimes métropolitaines et qui effectuent des sorties courtes.

La FOF est également dotée d’un navire semi-hauturier, l’Antea, basé en Nouvelle-Calédonie. Ce catamaran en aluminium conçu à l’origine pour des missions longues sur l’Atlantique par l’IRD, assure désormais la présence française dans le Pacifique ouest.

3.   Les moyens sous-marins

Les systèmes sous-marins de la flotte océanographique française font partie des moyens de pointe, uniques en Europe, au service de la recherche océanographique française. Le maintien de ces équipements, indispensables à l’amélioration de la connaissance des grands fonds marins, est un enjeu de souveraineté à l’heure où les prétentions internationales pour exploiter ces grands fonds se multiplient.

a.   Le Nautile, le sous-marin habité des grandes profondeurs

Le sous-marin habité Nautile est l’un des six sous-marins de ce type dans le monde. Depuis sa mise en service en 1984, le Nautile a réalisé plus de 2 000 plongées sous tous les océans en embarquant à son bord un scientifique, un pilote et un copilote.

Pouvant plonger à des profondeurs allant jusqu’à plus de 6 000 mètres, le Nautile permet aux biologistes et aux géologues d’observer et d’intervenir directement dans les grands fonds. Sa grande taille lui permet de transporter beaucoup d’équipements et ses deux bras manipulateurs de collecter de nombreux échantillons. Il opère en binôme avec le robot Ulyx qui cartographie une zone durant la nuit et repère les lieux pour le Nautile qui y plongera en journée pendant huit heures.

Alors que la mission du Nautile devait s’achever en 2025 après quarante années de service, la décision a été prise, dans le cadre de France 2030, de prolonger son activité jusqu’en 2035. Votre rapporteur pour avis salue cette décision qui permet de préserver un savoir-faire et une compétence français en matière d’embarqué habité immergé. Le Nautile est en effet le seul sous-marin scientifique habité en Europe capable d’atteindre les grands fonds.

b.   Le Victor 6000, robot téléopéré

Mis en service en 1999, le robot téléopéré Victor 6000 est un engin plus léger que le Nautile. Sans équipage, il peut rester jusqu’à 72 heures sur le fond. Il est le fruit des développements technologiques des équipes de l’Ifremer qui l’ont doté de capacité d’intervention au fond et de manipulation pour échantillonner la faune, les fluides et les roches extraordinaires au niveau mondial. Chaque bras de Victor 6 000 peut porter 100 kg pour manipuler des outils ou prélever des roches.

II.   Flotte vieillissante, son renouvellement présente des défis financiers, technologiques et environnementaux

Trois des quatre navires hauturiers de la flotte océanographique française sont aujourd’hui âgés et doivent être remplacés au cours de la prochaine décennie. Une planification à moyen terme (PMT) sur le niveau d’activité et le renouvellement de la flotte a été construite en 2018 et 2019 et votée par le conseil d’administration de l’Ifremer en 2020. Ce plan décennal de modernisation de la flotte doit aujourd’hui être actualisé pour tenir en compte également de la problématique de la décarbonation de la flotte et de l’inflation.

A.   Le plan de renouvellement de la flotte doit Être actualisÉ et programmÉ

L’unification de la FOF s’est accompagnée d’une réflexion prospective inédite qui a donné lieu en 2020 à la publication d’une programmation décennale du renouvellement des moyens navals. Au regard du coût et du délai de construction d’un navire ou de leurs équipements lourds, un tel exercice de prospective et de programmation était indispensable.

Cette programmation s’est traduite par la finalisation d’actions engagées et par le lancement de nouveaux projets. Pour ce faire, un total de 30,9 millions d’euros de crédits de paiement a été octroyé à la FOF entre 2022 et 2024 pour financer :

– La construction du navire semi-hauturier Anita Conti pour la Manche et l’Atlantique en remplacement du Thalia, qui a été livré en 2025 (16,6 millions d’euros) ;

– La modernisation du Pourquoi Pas ? est en cours afin de rester en flotte jusqu’en 2040 (14,3 millions d’euros).

Néanmoins, selon le directeur de la FOF, M. Olivier Lefort, le plan de renouvellement de la FOF adopté en 2020 n’est plus soutenable en raison de l’augmentation du coût des énergies et plus généralement de l’inflation. Pour preuve, alors qu’en 2020 le coût total d’investissement du plan de renouvellement de la flotte (hors remplacement du Thalassa et du Marion Dufresne) était estimé à 242,5 millions d’euros, l’Ifremer chiffre désormais à 300 millions d’euros le seul coût de remplacement de l’Atalante sans compter également le coût de remplacement du Marion Dufresne et des autres priorités de financement connues depuis 2020.

Le niveau d’investissement nécessaire pour le renouvellement de la flotte côtière et hauturière d’ici 2035

Pour la flotte côtière :

– L’Anita Conti qui remplacera le Thalia à compter de 2026 a coûté 30 millions d’euros ;

– Le coût des navires devant remplacer l’Europe, le Théthys et le Côte de Manche, dont les coûts restent à préciser, nécessite une enveloppe unitaire entre 9 millions d’euros et 30 millions d’euros pour des livraisons prévues en 2030, 2032 et 2035 ;

– Le Michel Rocard remplacera l’Antéa pour un coût révisé de 85 millions d’euros (contre 65 millions d’euros initialement). Le MESR a notifié, en 2024, une enveloppe de 10 millions d’euros d’autorisation d’engagement pour contribuer au financement du projet mais les financements complémentaires sont à arbitrer.

Pour la flotte hauturière

– Le coût de remplacement de l’Atalante d’ici 2030 / 2032 est estimé à 300 millions d’euros ;

– Le coût de remplacement du Marion Dufresne d’ici 2032 est estimé à 350 millions d’euros ;

– Le coût de remplacement du Thalassa d’ici 2035 est estimé à 250 millions d’euros.

Au total, le côut de remplacement de la flotte côtière et hautière d’ici 2035 est estimé à plus de 1 milliard d’euros.

Votre rapporteur pour avis souligne ainsi la nécessité de procéder rapidement à une actualisation de la programmation moyen terme (PMT) de la FOF avec un objectif de réduction des émissions de GES tout en maintenant un haut niveau de service.

Il alerte également sur la priorité absolue à donner au financement du remplacement de l’Atalante qui est la « pièce maîtresse » de la flotte, indispensable au maintien de la position de la France sur le podium de la recherche océanographique mondiale.

B.   la multifonctionnalitÉ des futurs navires de la Flotte doit Être mieux ajustÉe aux besoins

Le remplacement des navires de la flotte doit être l’occasion, d’une part, de réajuster les moyens de la flotte en cohérence avec les priorités scientifiques définies pour les prochaines décennies et, d’autre part, de réévaluer l’équilibre entre les missions scientifiques et les missions d’appui aux politiques publiques tout en préservant la polyvalence des navires de la flotte.

Parmi les priorités transversales à la flotte, l’Ifremer a souligné l’importance de continuer à disposer :

– D’une capacité de projection sur l’ensemble des océans – ce qui est aujourd’hui assuré par l’Atalante ;

– De deux navires en capacité d’opérer les engins sous-marins lourds – ce qui est actuellement assuré par Le Pourquoi Pas ? et l’Atalante ;

– De capacité de carottage long sur plusieurs navires hauturiers de la flotte afin de limiter les transits associés à ces opérations.

Par ordre chronologique, les navires dont le remplacement est prioritaire sont les suivants : l’Antea en 2029, l’Atalante en 2031 et le Marion Dufresne en 2032. Le Thalassa ne devra être remplacé qu’en 2035 et le Pourquoi Pas ? en 2045.

1.   Le remplacement de l’Antea par le brise-glace, le Michel Rocard

Selon le plan de renouvellement de la flotte, publié en 2020, l’Antea, navire semi-hauturier de la flotte déployé dans le Pacifique, arrivait à échéance en 2025, soit trente ans après sa première mise en service en 1995. Avec l’Atalante, ce navire assure la présence française ainsi que l’existence de missions côtières lointaines à l’échelle de tout le Pacifique.

Un nouveau navire, le Michel Rocard, est prévu pour remplacer l’Antea. La construction de ce nouveau navire résulte de l’engagement du Président de la République, exprimé le 10 novembre 2023 lors du One Planet – Polar Summit, de doter la flotte océanographique d’un navire en configuration glace au service de la communauté scientifique française. Ce sera le premier navire brise-glace de la FOF.

Le Michel Rocard aura la particularité d’être déployé de mars à novembre dans le Pacifique Ouest, en ayant pour base Nouméa en Nouvelle-Calédonie, puis de décembre à février, soit durant l’été austral, en Antarctique. Ce partage devrait permettre de répondre aux besoins spécifiques des communautés scientifiques des deux zones géographiques.

Votre rapporteur pour avis soulève plusieurs interrogations sur l’opportunité pour la France de construire un brise-glace ainsi que sur la pertinence de la dualité de déploiement du Michel Rocard :

– Sur la conception du navire : selon le commandant Gilles Ferrand, la navigation dans les glaces nécessite de concevoir une coque avec peu d’aspérité, ce qui a pour effet d’offrir moins de protection contre le roulis. Qu’en sera-t-il donc pour les conditions à bord lors des campagnes scientifiques conduites dans le Pacifique ? La conception du navire peut-elle répondre aux spécificités d’une navigation hauturière dans le Pacifique équatorial et tropical et d’une navigation dans les glaces de l’Antarctique ?

– Sur les navigations de transit : l’IRD, lors de son audition, a alerté sur le coût très élevé à l’usage du Michel Rocard en raison des temps de transit importants entre les deux zones géographiques, en termes de consommation d’énergie, de personnel navigant mobilisé et d’indisponibilité pour mener des campagnes scientifiques ;

– Sur sa date de mise en service et son coût : lors des auditions, seul le coût des études préalables, estimées à 2 millions d’euros, était financé. Une forte incertitude demeure quant au coût total du projet ainsi que sa date de mise en service effective.

En effet, le livre blanc de la FOF publié par l’Ifremer en 2025 ([9]) a actualisé la date de remplacement de l’Antea par le Michel Rocard prévue initialement dans le plan de renouvellement de la flotte publié en 2020. L’Antea restera finalement en service jusqu’en 2028, au lieu de 2025, et son remplacement est prévu pour 2029, au lieu de 2026.

2.   Le remplacement de l’Atalante est une priorité absolue

Navire phare de la flotte, l’Atalante arrivera à échéance en 2031, date d’entrée en service théorique de son successeur. Son remplacement est une priorité absolue pour la FOF : « le perdre sans le renouveler fera perdre le seul navire qu’il est possible de déployer mondialement » ([10]) et indépendamment de tout partenariat contraignant sa programmation.

Le Michel Rocard ne sera en effet pas doté des capacités hauturières pour mener des campagnes pluridisciplinaires nécessitant le déploiement de moyens lourds : il ne remplacera donc pas un navire océanographique hauturier comme l’Atalante.

Votre rapporteur pour avis tient à relayer trois attentes fortes quant au remplacement de l’Atalante :

 Le maintien des capacités de mise à l’eau d’engins lourds, en particulier du Nautile ;

 Le maintien des capacités de carottage long, au-delà de 40 mètres comme l’actuel navire est en mesure de faire ;

 L’adaptation à l’époque en matière technologique en introduisant de la propulsion vélique et de la connectique.

3.   Le remplacement du Marion Dufresne doit être programmé

Le Marion Dufresne devra être remplacé en 2032. Son remplacement pourrait être l’occasion d’évaluer le fonctionnement en partenariat avec les TAAF ainsi que les capacités technologiques déployées à bord du navire.

Le partenariat historique de l’Ifremer avec les TAAF pour les missions de ravitaillement pâtit de deux faiblesses selon l’Ifremer et l’IPEV :

– D’une part, le fait de ne disposer que de créneaux d’usage fixes, dont une faible partie en été austral –  soit de janvier à mi-mars –  ne permet plus de répondre à la demande scientifique croissante pour cette zone géographique et induit le déplacement d’autres navires ;

– D’autre part, le choix de fusionner les deux rotations logistiques en 2026 et 2027 ([11]) risquerait de contraindre fortement les missions logistiques pour le compte de l’IPEV dans les TAAF. Selon l’IPEV, cette fusion aura des conséquences directes sur les fonctionnements des bases dans les Terres australes en réduisant le nombre d’expéditionnaires qui pourront y être acheminés ainsi que les capacités d’emport pour assurer le ravitaillement des refuges.

Par ailleurs, selon la préfète, administratrice supérieure des TAAF, le coût d’exploitation du Marion Dufresne est élevé et croissant en raison de l’inflation et de son inéluctable vieillissement. Les coûts globaux d’affrètement ont ainsi augmenté de 35 % entre 2018 et 2024, notamment du fait du coût des arrêts techniques plus nombreux.

Sur le volet des campagnes scientifiques menées à bord du navire, le maintien des capacités de carottages très longs, de 60 à 70 mètres, de type Calypso propre aujourd’hui au Marion Dufresne est une priorité absolue pour la FOF.

Selon le rapporteur pour avis, le futur cahier des charges du remplaçant du Marion Dufresne doit permettre de revoir l’équilibre entre les missions de logistique et les missions d’océanographie afin d’optimiser l’utilisation du navire.

C.   Le dÉfi de la DÉcarbonation de la flotte

Conformément à la stratégie de l’Union européenne en faveur des technologies « zéro émission nette », le renouvellement de la flotte invite à innover dans le domaine de la décarbonation afin de réduire le coût environnemental de la recherche océanographique.

La première version du plan de renouvellement de la flotte, publiée en 2020, ne prenait pas en compte la problématique de la décarbonation de la flotte, le livre blanc publié en 2025 sur l’avenir de la FOF y remédie. Il évalue les émissions annuelles de la FOF à 43 000 tonnes équivalent CO2, ce qui représente 0,5 % des émissions du secteur maritime français. Ces émissions sont issues à 71 % du carburant.

L’Ifremer a identifié plusieurs leviers pour diminuer l’empreinte carbone de la flotte :

– L’alimentation électrique à quai ;

– L’introduction de biocarburant ;

– La diminution de la vitesse ;

– L’optimisation du déploiement géographique des navires.

L’entrée en flotte des nouveaux navires hauturiers et semi-hauturiers devrait intensifier l’effort de décarbonation de la flotte. Dans cette perspective, le concept‑design pour le navire remplaçant de l’Atalante propose un navire hauturier hybride à propulsion vélique de 110 à 120 mètres de long pouvant embarquer un équipage de 40 personnes.

Le concept-design de l’Atalante II

Source : Ifremer

Au-delà de la décarbonation des grands navires hauturiers, les plus petits navires de la flotte doivent aussi réduire leur empreinte environnementale. La solution la plus éprouvée aujourd’hui est celle du système de propulsion hybride diesel-électrique qui repose sur un moteur diesel alimentant un moteur à batterie électrique. Le Anita Conti, dernier navire semi-hauturier ayant rejoint la flotte en 2025 en remplacement du Thalia, est ainsi doté de ce système de propulsion hybride diesel-électrique.

III.   imaginer la flotte ocÉanographique de Demain au service de l’avenir DE la recherche et de la souverainetÉ maritime française

L’Ifremer a lancé en mars 2023 une démarche prospective intitulée « Imaginons la Flotte océanographique à l’horizon 2035 ». Ce nouvel exercice prospectif s’articule autour de trois axes :

– Le premier est consacré à la science : quelles seront les principales questions en océanologie dans les prochaines décennies ? De quelles observations et données les scientifiques auront-ils besoin ? Selon les réponses à ces questions, le dimensionnement des futurs navires océanographiques pourrait être modifié ;

– Le deuxième axe est technologique : la montée en puissance de l’observation autonome, drones de surface et sous-marins, va-t-elle induire un nouvel équilibre entre ces nouveaux engins et les moyens lourds que sont les navires ?

– Le troisième axe est partenarial : la FOF peut-elle aller plus loin en matière de partenariat notamment autour des moyens plus lourds que sont les brise-glace et les navires hauturiers ?

La troisième conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC) qui s’est tenue à Nice en juin 2025 a mis en avant la nécessité de rapprocher science et politique pour améliorer la gouvernance de l’Océan selon le principe de « décision fondée sur la science ». Ce principe va de pair avec une meilleure connaissance de l’Océan : seul un océan bien connu peut-être véritablement protégé.

Selon le président de l’Ifremer, de grands programmes doivent être lancés pour approfondir les connaissances sur les grandes profondeurs ; ce sera une autre façon pour les scientifiques de renseigner les politiques. Pour cela, les moyens financiers pour renouveler et entretenir la flotte océanographique française devront être sécurisés sur le moyen et long terme.

A.   Contribuer À une meilleure connaissance des grands fonds marins

Selon l’Ifremer, seul 26 % du plancher sous-marin a été cartographié avec une résolution hectométrique, soit 100 mètres de résolution, et seul 0,0001 % des fonds marins a été vu par un robot ou un sous-marin habité. Or, les campagnes océanographiques pour aller sur les grands fonds sont coûteuses, entre 1 et 5 millions d’euros, et sont longues, entre dix et trente jours.

Avec la ratification et l’entrée en vigueur en janvier 2026 de l’accord des Nations unies sur la haute mer (BBNJ), une mission intitulée « Neptune », qui accompagnera sur dix à quinze ans la mise en œuvre de l’accord, est portée en France par le CNRS et l’Ifremer, soutenue par la Commission européenne ainsi que par des acteurs publics et privés. Cette mission a pour objectif d’apporter des connaissances robustes afin d’éclairer la mise en place d’un moratoire raisonné sur l’exploitation des grands fonds marins.

Selon le président de l’Ifremer, M. François Houllier à propos de la mobilisation des moyens de la FOF dans le cadre du suivi du traité BBNJ : « Si les financements suivent, nous devrons assurer la bonne utilisation des bateaux pour faire le volume de campagnes attendu par la communauté scientifique : l’Ifremer, les universités, l’IRD, les CNRS, le Shom, le Muséum d’histoire naturelle, etc. On peut s’attendre à plus de demandes, mais aussi à des demandes de nature différente. Nous avons beaucoup de campagnes de géosciences, d’étude du volcanisme ou des grands courants dans l’Atlantique nord, mais celles pour la biodiversité et son rôle dans la pompe à carbone de l’océan gagneront certainement en proportion. Ce sera notamment le cas si on arrive à mettre en place le programme Neptune. Il faut maintenant transformer la promesse en réalité et en chiffres, en engagements financiers ».

B.   De l’opportunitÉ de doter la recherche française de moyens maritimes dans les zones polaires

Hormis quelques campagnes d’été vers le Groenland et le Spitzberg en eaux libres, la flotte océanographique française ne dispose pas en propre de moyens pour des missions en milieu polaire. Selon l’Ifremer : « jusqu’à présent, faute peut-être de moyens accessibles, la demande scientifique française est restée limitée et ne nécessitait pas un grand nombre de jours de travail sur zone ». La FOF s’appuie ainsi depuis 2021 sur un partenariat avec l’Amundsen Science de l’Université Laval au Canada pour accéder à l’océan Arctique.

Selon l’IPEV, la France occupe le sixième rang mondial en matière de production scientifique française menée dans les régions polaires. L’activité scientifique polaire repose sur 70 à 90 projets de recherche par an.

En 2022, la première stratégie polaire française avait été remise au Président de la République par M. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les océans. Les besoins d’investissement de la France aux pôles y étaient estimés à 1 milliard d’euros d’ici 2030. Dans ce budget, le soutien à la recherche comptait pour 100 millions d’euros en complément d’actions spécifiques à destination des infrastructures telles que la construction d’un nouveau navire français semi-hauturier Pacifique-Antarctique, le Michel Rocard (cf. supra).

En 2025, le CNRS a publié la « Prospective Polaire 2025-2023 » visant à traduire l’ambition de la stratégie polaire en orientations concrètes et à structurer la recherche polaire française autour d’un programme cohérent tourné vers la coopération internationale.

Selon le rapporteur pour avis, la priorité de l’investissement en Antarctique devrait être accordée à la reconstruction de la station Dumont d’Urville plutôt qu’à la construction du brise-glace Michel Rocard. La station scientifique Dumont d’Urville est en effet un élément essentiel de la présence française dans cette zone géographique mais dont les infrastructures sont aujourd’hui vieillissantes et nécessitent d’importants travaux de réhabilitation. En termes d’accès maritime, de la même manière qu’en Arctique, la FOF pourrait étendre ses collaborations scientifiques bilatérales ou multilatérales afin de faciliter l’accès à ces zones reculées et optimiser le partage des infrastructures internationales.

C.   De l’avenir Des partenariats de la FOF

1.   Vers une flotte européenne ou une coopération multinationale renforcée

À l’heure actuelle, la flotte océanographique française dépend essentiellement de moyens nationaux et de scientifiques salariés d’établissements publics français. Toutefois de nombreuses campagnes menées à bord de navires de la FOF embarquent également des scientifiques étrangers, en particulier dans le cas de campagnes côtières réalisées hors zone économique exclusive française. L’IRD construit ainsi toutes ses campagnes côtières en coopération avec le pays de destination en veillant à embarquer à bord des chercheurs de ce pays. Récemment, une campagne océanographique sur les côtes vietnamiennes à bord d’un navire de la FOF a permis une participation d’une équipe de scientifiques vietnamiens.

Au niveau de l’Union européenne, malgré de nombreuses initiatives, la mise en commun des moyens navals reste faible. En 2007, un projet intitulé Eurofleets porté par l’Ifremer n’a pas pu prospérer. Cette initiative, financée par l’Union européenne, visait à unifier au sein d’une même flotte les navires scientifiques de l’Europe. Or, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont considéré qu’il y avait un intérêt stratégique à garder leur flotte sous pavillon national.

Si l’existence de freins à l’intégration supranationale des flottes océanographiques persiste, une coopération européenne renforcée entre les opérateurs de flottes océanographiques est aujourd’hui souhaitable pour optimiser le déploiement de la FOF sur l’océan mondial et favoriser l’exploration des zones difficiles d’accès par de l’échange de temps-navire.

Dans cette perspective, l’Ifremer entend poursuivre l’engagement de la FOF dans le développement d’une structure de coordination européenne des flottes océanographiques avec la création de l’association internationale sans but lucratif Eurofleets. Créée en mars 2025 en partenariat avec les flottes océanographiques italienne, irlandaise et belge, l’association est le fruit de la continuité des projets européens antérieurs Eurofleets, Eurofleets 2 et Eurofleets +.

2.   De l’avenir de la coopération avec la recherche d’initiative privée

En matière de recherche en milieu polaire, le partenariat des pouvoirs publics avec des initiatives privées a été privilégié. Comme rappelé dans la première stratégie polaire française : « Un financement de la base polaire Tara en Arctique par les pouvoirs publics, aux côtés des régions Bretagne et Normandie et de nombreux partenaires privés, paraît stratégique. 13 millions d’euros seront attribués dans le cadre du plan France 2030. (…) L’État apporte par ailleurs son soutien au projet Polar Pod, navire vertical et plate-forme océanographique silencieuse et émission zéro dérivante de Jean-Louis Étienne. »

Comme le souligne le livre blanc de l’Ifremer sur la FOF, « le paysage des moyens navals pour l’océanographie a vu apparaître ces dernières années plusieurs initiatives privées d’exploration qui conduisent des campagnes ou proposent d’accueillir à bord des instruments et du personnel scientifique. » Le directeur général de la Fondation Tara Océan, M. Romain Troublé, compare cela à la tendance de privatisation qui s’est opérée dans l’espace il y a vingt ans et qui est en train de s’opérer dans l’océanographie. Alors que les acteurs historiques et institutionnels, tel que l’Ifremer, disposent de navires vieillissants, les acteurs privés sont prêts à mettre leurs moyens au service de la recherche. C’est le cas de OceanX, une organisation sans but lucratif financée par un investisseur milliardaire américain, qui a construit l’OceanXplorer un navire d’exploration scientifique doté d’une technologie innovante et de pointe.

https://www.gngl.com/Content/img/Cms/FicheBateau/Bateau/205.jpgLa goélette d’expédition de l’explorateur Jean-Louis Étienne, le Persévérance, pourrait également servir de navire support pour les chercheurs. En effet, cette goélette a été conçue pour pouvoir naviguer jusque dans les océans polaires et peut accueillir à son bord douze passagers en plus de l’équipage.

 

Le Persévérance (crédits photos : https://www.gngl.com/tp-croisiere/tb-voilier-et-vieux-greement/perseverance)

Si la FOF est régulièrement sollicitée pour entrer dans des partenariats ou pour son expertise en matière de conception de navires, elle examine au cas par cas l’opportunité d’un partenariat en analysant la dimension éthique ainsi que la plus-value scientifique de ces projets.

 


   examen en commission

Après avoir auditionné Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche et M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique, le 24 octobre 2025, matin, et M. Philippe Tabarot, ministre des transports, le 24 octobre 2025, après-midi, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » le mardi 28 octobre 2025 et le mercredi 29 octobre 2025 matin et après-midi (voir le tome 10 de l’avis n° 2047 : https://assnat.fr/NPat8k).

À l’issue de cet examen, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits modifiés de la mission.

 

 


   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Ifremer

M. Olivier Lefort, directeur de la Flotte Océanographique Française (FOF)

Filiale Genavir

M. Gilles Ferrand, commandant

École nationale supérieure maritime (ENSM)

M. Hervé Baudu, professeur en chef de l’Enseignement maritime, enseignant en sciences nautiques

Fondation Tara Océan *

M. Romain Troublé, directeur général

Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV)

M. Rémi Traverse, secrétaire général

M. David Renault, directeur

Institut de recherche pour le développement (IRD)

M. Olivier Pringault, directeur du département scientifique "OCEANS Climat et Ressources"

Mme Sophie Lanco directrice adjointe du département OCEANS

Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (Dgampa)

M. Olivier Cunin, directeur général adjoint

M. Christophe Josseron, chef de mission budget et commande publique

M. Sébastien Piquot, chef du bureau pilotage et ressources budgétaires

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Le Seam est une mesure gouvernementale de compétitivité et de soutien à l’emploi, mise en place pour trois ans (2022 à 2024) au bénéfice du secteur maritime.

([2]) PAP 205 pour 2026.

([3]https://www.flotteoceanographique.fr/content/download/174506/file/Sur%20les%20sept%20mers%20du%20monde%20-%20Un%20si%C3%A8cle%20de%20campagnes%20oc%C3%A9anographiques.pdf

([4]) L’étoile signifie que cette infrastructure de recherche relève de la politique nationale et au service des organismes sous tutelle (unique ou partagée) du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR).

([5]) En 2019, le carottier Calypso a battu le record de longueur de carottage avec une carotte de 69, 73 mètres de long, le précédent record de 64 mètres était également détenu par le Marion Dufresne depuis 2002.

([6]) Un sondeur multifaisceaux permet d’obtenir de manière précise et rapide des relevés topographiques du relief sous-marin (bathymétrie) et des images sonar présentant la réflectivité locale du fond et donc sa nature.

([7]) Le Téthys II, l’Europe, le Thalia et le Côtes de la Manche.

([8]) L’Haliotis.

([9]) https://www.ifremer.fr/sites/default/files/2025-06/06-lvfof-rvb.pdf

([10]) Idem

([11]) 4 opérations logistiques annuelles (OP) réalisées pour les TAAF assurent l’acheminement de l’ensemble du personnel, du fret, des hydrocarbures et des vivres nécessaires au fonctionnement des bases ainsi que le rapatriement des déchets : OP1 entre mars et avril, OP2 entre août et septembre, OP3 en novembre et OP4 en décembre. Le choix d’expérimenter la fusion des OP3 et OP4 en 2026 est censé offrir à l’Ifremer davantage de jours de mer pendant l’été austral sans compromettre la continuité territoriale selon l’administration des TAAF.