Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 

 

– Audition, conjointe avec la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe la Poste              2

 


Mercredi
23 mai 2018

Séance de 9 heures 45

Compte rendu n° 86

session ordinaire de 2017-2018

 

 

Coprésidence

 

de M. Roland Lescure,

Président

et

de M. Éric Woerth,
Président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
 


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La commission entend, en audition conjointe avec la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le président-directeur général, cette audition, à laquelle, désireux de vous interroger sur l’avenir de ce groupe si emblématique qu’est La Poste, nous tenions évidemment beaucoup, s’inscrit dans un cycle d’auditions de tous les présidents de grandes entreprises dans lesquelles l’État détient des participations
– nous avons déjà auditionné M. Carlos Ghosn au mois de janvier dernier et M. Jean-Bernard Lévy le mois dernier. Les enjeux de transformation de ce groupe, entièrement détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sont nombreux, et vous vous exprimez souvent à ce propos. Le rapprochement avec CNP Assurances n’est pas le moindre d’entre eux.

M. le président Roland Lescure. Monsieur le président-directeur général, La Poste est, après l’État, le premier employeur en France, avec 245 000 collaborateurs, dont 92 000 fonctionnaires. Il était donc important, sinon urgent, de procéder à votre audition. Par ailleurs, votre groupe est concerné par trois projets de loi importants examinés ou sur le point d’être examinés par l’Assemblée nationale. Je souhaiterais pour ma part savoir quel rôle peut et va jouer La Poste dans ce cadre.

Le premier est le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« ELAN »). Il traite notamment des questions liées à la revitalisation des centres‑villes et à la présence des commerces. Malheureusement, La Poste est parfois le seul service qui reste ; votre groupe a donc un rôle très important à jouer.

Le deuxième, dont la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis et qu’elle examinera sitôt terminée votre audition, est le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui comprend un volet sur la formation professionnelle. J’aimerais que vous nous livriez la teneur du programme de formation intitulé Un avenir pour chaque postier, mis en place par La Poste pour accompagner les facteurs vers les nouveaux métiers du groupe. C’est évidemment l’un des défis du XXIe siècle.

Le troisième projet de loi est le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dit « PACTE ». Il comportera de nombreuses dispositions qui devraient faire écho à des problématiques auxquelles La Poste a fait ou fera face, comme la transformation numérique, la conquête à l’international ou encore, sujet très important pour nous, l’engagement sociétal des entreprises.

M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste. Messieurs les présidents, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, c’est d’abord un très grand honneur pour moi de me retrouver devant vous. Cela me permet de vous rendre compte de l’évolution de notre entreprise et de la transformation qu’elle a engagée depuis plusieurs années, avant même mon mandat – depuis, en fait, une quinzaine d’années –, une transformation profonde qui touche sa raison d’être d’entreprise et qui concerne les quatre missions de service public que vous nous avez confiées par la loi.

Tout le monde connaît cette entreprise mais je voudrais donner quelques éléments de sa fiche d’identité. Le groupe réalise un chiffre d’affaires de 24 milliards d’euros, en progression de 3,5 %, et il compte 254 000 salariés, ce qui est une très bonne nouvelle car, pour la première fois depuis quinze ans, le nombre de salariés de l’ensemble du groupe – je ne parle pas simplement de La Poste –, est en croissance. Après avoir atteint un plus bas historique avec 251 000 salariés en 2016, nos effectifs croissent à nouveau en 2017, grâce à notre développement et nos acquisitions – pour un patron d’entreprise, la croissance des emplois est un très bon indicateur du développement et du succès de l’entreprise. Le groupe s’organise autour de cinq branches d’activité : la branche Services-Courrier-Colis, la plus connue de vous tous, celle qui opère le métier historique qui est le nôtre depuis plus de cinq siècles ; la branche GeoPost, dédiée à l’express et à l’international, et qui participe au développement de l’e-commerce sur la planète tout entière ; La Banque Postale, créée par une loi de 2005 ; le Réseau La Poste, avec ses 17 200 points de contact, ce qui montre que nous respectons l’obligation que vous nous avez faite de 17 000 points de contact ; la branche Numérique, qui développe les nouveaux métiers de La Poste.

La situation économique du groupe est bonne et les résultats de 2017 révèlent une croissance de 3,5 % du chiffre d’affaires. C’est remarquable, étant donné que chaque année qui commence voit La Poste elle-même perdre 560 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous allons retrouver ces chiffres, qui pèsent très lourdement, d’une autre manière. D’ici à la fin de l’année 2020, La Poste, les postières et les postiers, moi-même, nous devons trouver plus de 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires, soit trois fois les 560 millions d’euros que nous perdons chaque année, pour les compenser. La croissance de notre chiffre d’affaires en 2017 prouve que nous avons été capables, par le développement de la banque, du colis, de l’international, des services numériques et des nouveaux services de compenser cette attrition qui menace le développement de notre entreprise. Le résultat d’exploitation lui-même croît de 3,5 % pour s’établir à 1 milliard d’euros. Cela s’est traduit d’ailleurs, ce n’est pas un détail, par une augmentation de l’intéressement versé à nos postiers, passé l’année dernière de 432 à 488 euros. Pour ces centaines de milliers de postiers, la progression de développement de notre groupe a donc eu une traduction pécuniaire.

La situation a l’air excellente, elle est bonne, elle est solide, mais... il y a des « mais », et ils sont très simples à comprendre. L’attrition du courrier se poursuit. Elle menace stratégiquement notre groupe et nous devons donc trouver dans nos activités actuelles et dans les activités de demain le relais de ces activités en attrition. C’est tout le cœur de notre problème stratégique, que vous voyez émerger dès le début de cette introduction : comment trouver dans nos activités actuelles et dans les activités que nous développons les relais de croissance qui viendront compenser l’attrition inéluctable, générale, mondiale, des volumes du courrier ? Quittons un instant le territoire français, où les volumes du courrier ont diminué de 6,7 % l’année dernière, entraînant cette perte de 560 millions d’euros de chiffre d’affaires : ils ont diminué de 3 %, un peu moins, donc, en Suisse, et de 15 %, beaucoup plus, au Danemark. Tandis que La Poste aura perdu en dix ans 46 % de ses volumes de courrier transporté, passant de 18 milliards à 10 milliards d’objets, au Danemark, ce sont trois quarts des volumes qui ont été perdus. Toute l’industrie postale est donc confrontée à ce questionnement stratégique.

Ce sera le deuxième point de cette introduction : que se passe-t-il ailleurs dans l’industrie postale ? Il est toujours très intéressant de regarder ce que les autres postes ont fait pour s’adapter à cet impact de la révolution numérique, d’autant que, dans tous les pays, les postes sont sinon le premier employeur du moins l’un des premiers employeurs. Parmi les postes européennes, nous distinguons trois situations et trois modèles industriels : des postes ont un modèle stabilisé et sont tirées d’affaire ; d’autres sont en déclin, et très menacées ; d’autres encore sont au milieu du gué, dont La Poste en France.

Trois modèles stratégiques se sont développés depuis vingt-huit ans que les postes se transforment.

L’un est purement logistique. C’est le modèle de la poste allemande. Il n’y a plus de banque postale en Allemagne, la banque postale appartient désormais à Deutsche Bank, et il n’y a plus de bureau de poste, puisqu’il n’y a plus de banque. Ce modèle purement logistique est stabilisé et fonctionne bien. La poste allemande est ainsi plus puissante que nous, réalisant un chiffre d’affaires de 60 milliards d’euros quand le nôtre est de 24 milliards d’euros.

Un deuxième modèle stratégique industriel est celui de la poste italienne, stabilisé également. C’est essentiellement une poste de services financiers, une grosse compagnie d’assurance vie, une moyenne banque, un peu de courrier et très peu de colis. Ce modèle très stabilisé gagne beaucoup d’argent, essentiellement grâce aux services financiers.

Et puis il y a un modèle mixte, multi-activités, qui est le nôtre, et celui des postes suisse, belge et japonaise, mais notre modèle n’est pas encore stabilisé.

Ce qui fait la différence entre les postes, la question stratégique essentielle, c’est le poids du courrier traditionnel dans le chiffre d’affaires, et c’est finalement assez logique. Combien pèse l’activité historique, en attrition, dans le chiffre d’affaires global des groupes ? Plus elle pèse, plus elle menace l’avenir du groupe ; moins elle pèse, plus on peut dire que la situation est stabilisée. Ce qui permet aux Allemands et aux Italiens, avec deux modèles industriels très différents, d’être plus sûrs de leur avenir que nous-mêmes, c’est que le courrier traditionnel ne pèse que 11 % du chiffre d’affaires de la poste italienne, c’est-à-dire très peu, et 14 % du chiffre d’affaires de la poste allemande. Chez nous, il pèse plus de 30 %. C’est la raison pour laquelle l’objectif stratégique n° 1 du plan « La Poste 2020 : Conquérir l’avenir » n’est pas un objectif de profit. Le profit est essentiel, mais l’objectif n° 1 est un objectif de diversification : amener le courrier traditionnel à un poids inférieur à 20 % du chiffre d’affaires, pour qu’il ne pèse pas sur l’avenir de notre groupe. Vous le voyez, cette conclusion stratégique, absolument essentielle pour notre avenir, est fondée sur notre histoire, notre développement, les choix que nous avons faits, les choix qu’ont permis l’État et le législateur mais également l’observation des autres postes en Europe.

Je vous ai parlé des postes stabilisées. Je veux vous parler de celles qui rencontrent de véritables difficultés. Un exemple, que je ne prends pas au hasard, en est la poste néerlandaise, première à se libéraliser dans les années 1990. Elle a vendu sa banque, elle n’a donc plus de banque, et elle vient de vendre à FedEx son activité de colis à l’international, TNT, cette marque orange – ce n’est pas un hasard aux Pays-Bas – que vous connaissez tous, et n’a donc plus d’espoir de croissance liée à l’international. Elle réalise donc 75 % de son chiffre d’affaires avec le courrier traditionnel... qui diminue de 11 % par an.

Cette diversité des situations est un formidable encouragement à l’esprit d’entreprise. Car si l’on prend son destin en main et c’est ce que les postiers et les postières ont décidé de faire, si l’on bénéficie du soutien de ses actionnaires et si l’on a des projets de développement, on peut transformer le modèle stratégique de La Poste, et c’est ce qui est au cœur de notre démarche collective. Nous l’avons fait avec une démarche participative. Celle-ci s’est traduite, à mon arrivée, par la participation de 150 000 des 220 000 postiers qui travaillaient en France à des groupes de travail de dix personnes sur l’avenir du groupe. La plupart de vos facteurs – j’emploie à dessein cette expression – ont été réunis par groupes de dix pour répondre aux mêmes questions : que sait faire le groupe ? Quel peut être son avenir ? En quoi avez-vous confiance ? Quelles vous paraissent être les menaces et les opportunités ?

C’est comme cela que nous avons construit notre plan stratégique de développement. Ensuite, nous l’avons partagé avec les managers, en réalisant un tour de France. Nous avons déjà réuni à deux reprises les 7 000 cadres supérieurs de notre groupe, dans le cadre d’un tour de France en neuf étapes. Chaque fois, nous avons réuni entre 300 et 1 000 personnes pour expliquer ce que nous étions en train de faire. Enfin, nous avons signé des accords sociaux absolument majeurs qui permettent cette transformation.

Je veux mettre en exergue devant vous l’accord sur les conditions de travail et les métiers des facteurs et de leurs encadrants. Signé en 2017 avec nos organisations syndicales et applicable puisque le syndicat qui a tenté de s’y opposer n’était pas majoritaire, cet accord est absolument historique : il est stipulé dans un contrat écrit que le métier de la lettre, métier traditionnel des facteurs, les salariés au cœur de notre groupe, qui sont 85 000 de nos 253 000 postiers, ne constituerait plus que moins de la moitié de leur activité en 2020. Or la plupart des facteurs ont été embauchés non pas simplement comme facteurs mais comme « facteurs lettres ». C’était le nom de leur métier et nous avons écrit, dans un contrat signé avec les organisations syndicales, qu’en 2020 plus de la moitié de leur temps de travail serait consacré à autre chose que la lettre : au colis, aux services à domicile. J’insiste sur ce point parce que c’est fondamental : les forces syndicales de l’entreprise et, au-delà, les postières et les postiers ont pris conscience de la nécessité de faire évoluer leur emploi et de passer du facteur lettres au facteur services, l’avenir de La Poste résidant dans les services – ce sera mon troisième et dernier point.

En fait, pour assurer, dans le cadre que j’ai décrit, l’avenir d’une très grande entreprise, il faut une vision partagée. Notre vision, pas simplement celle du président‑directeur général de l’entreprise qui s’exprime devant vous aujourd’hui mais celle de La Poste, des postières et des postiers, c’est que nous sommes en train de construire, au‑delà de la lettre qui était notre mission historique mais qui est en attrition, la première entreprise française, et sans doute européenne, de services de proximité humaine.

Considérant les besoins de la société, les besoins économiques, les besoins solvables, nous pensons profondément que le vieillissement de la population et la numérisation de la société engendrent des besoins de proximité humaine auxquels nos postières et nos postiers sont particulièrement bien armés pour répondre parce qu’ils ont la confiance de millions de personnes tous les jours, parce qu’ils ont une connaissance exceptionnelle du territoire et parce qu’ils ont un vrai lien de proximité, sur la totalité du territoire. Nous pensons donc réellement que ces services de proximité qui s’appellent lettres, colis et visites à domicile, mais également les services numériques de La Poste, peuvent faire l’avenir de notre grande entreprise, même si le courrier, déjà entré en attrition, va doucement disparaître – le plus doucement possible, je l’espère.

Voilà le pari que nous faisons. Comment construire cet avenir ? À partir de cinq vagues de croissance. Puisque nous faisons face à la vague de l’attrition du courrier, avec bientôt 50 % de volume en moins, de 18 milliards d’objets en 2008 à 10 milliards cette année et à 9 milliards l’année prochaine, il nous faut construire notre avenir sur des vagues de croissance. Il en est qui soutiennent les revenus futurs et actuels de La Poste.

La première est évidemment l’e-commerce, dont vous êtes tous, mesdames et messieurs les députés, comme moi-même, clients. L’e-commerce implique, après l’acte d’achat et le paiement, une livraison. Cette livraison, nous en sommes le leader en France et nous en sommes devenus le leader en Europe. C’est un fait peu connu : aujourd’hui, en Europe, la première entreprise de livraison de colis aux particuliers n’est pas notre rivale, que nous venons de détrôner, Deutsche Post DHL, c’est la poste française, à travers La Poste en France et sa filiale GeoPost partout en Europe. Si vous vous promenez dans les rues de Londres, vous y verrez nos véhicules rouges et blancs, ornés du sigle DPD : nous y sommes le numéro deux, derrière Royal Mail, de la livraison de colis. Nous sommes le numéro deux en Espagne – à Barcelone, vous verrez notre filiale SEUR. En Russie, avec notre filiale DPD Russia, nous sommes numéro deux. En Pologne, avec DPD Poland, nous sommes également numéro deux. Nous avons donc une force de distribution du colis partout en Europe et notre chiffre d’affaires en la matière dépassera 7 milliards d’euros, alors qu’il était de 1 milliard d’euros il y a quinze ans. Nous nous préparons à cette attrition du courrier, d’une part avec le colis depuis quinze ans, d’autre part avec la banque depuis presque quinze ans. L’attrition est plus rapide que nous le prévoyions, mais cette vague de croissance de l’e-commerce est fondamentale.

La deuxième vague de croissance est la logistique urbaine, et cela concernera les élus des grandes villes. Le développement de l’e-commerce asphyxie doucement les métropoles : les volumes de colis se multiplient, donc les livraisons se multiplient, donc il y a, au cœur des métropoles, de plus en plus de véhicules de livraison. De même que le transport public de personnes a été régulé et organisé, il faudra réguler la livraison des marchandises. Nous sommes un acteur majeur de ce nouveau marché.

La troisième vague de croissance, le troisième marché de croissance, est la bancassurance. Notre banque s’est développée à partir de la loi de 2005. Ce n’est pas encore une banque complète, et elle a besoin de compléter son offre. Nous y travaillons.

La quatrième vague de croissance tient au vieillissement de la population. La phrase, que je répète souvent, peut faire sourire : le vieillissement de la population est une chance pour La Poste. Il engendre des besoins de service et de proximité auxquels les femmes et les hommes de La Poste et nos réseaux sont capables de répondre.

La dernière vague de croissance tient aux besoins numériques. Je bénéficie au moment où je vous en parle de la campagne de pré-marketing faite pour nous par l’entreprise Cambridge Analytica. Elle a montré qu’avec Facebook la protection des données était un sujet pour tout le monde. Lorsque j’évoquais cette question il y a trois ans, on se demandait de quoi je parlais. La protection des données privées, des données intimes – la vie familiale, les données de santé –, est un enjeu majeur de notre société. Nous pensons, nous, postiers, que La Poste, qui a été un acteur de confiance, un tiers de confiance majeur dans la société physique, peut devenir un acteur, un tiers de confiance de la société numérique – nous faisons tout pour cela. Nous avons ainsi développé un produit : le coffre-fort digital, qui permet de conserver vos données au secret postal. Cela veut dire que nous ne les utiliserons pas comme Cambridge Analytica. Nous ne les vendrons pas si vous ne nous autorisez pas explicitement à les vendre ou à les partager et, dans quatre-vingts ans, lorsque les GAFA auront été démantelés par les régulateurs et que vous courrez le cas échéant après les informations que vous leur aviez laissées, La Poste sera toujours là pour livrer à vos enfants et à vos petits-enfants les données qu’elles auront maintenues. Je le dis avec le sourire, mais l’enjeu de la sécurité numérique est un enjeu majeur pour nos sociétés. Le scandale Cambridge Analytica me permet d’être plus convaincant en vous montrant que c’est un enjeu économique et un enjeu de souveraineté nationale majeure. Vous avez l’outil pour y répondre et nous avons des propositions pour y répondre.

e-commerce, bancassurance, logistique urbaine, vieillissement de la population, services numériques : La Poste est une entreprise-solutions, non seulement pour les Français, mais pour les territoires et pour l’État.

Vous connaissez notre investissement dans les territoires. En 2011, lors de la crise financière des banques, nous avons créé une banque des collectivités locales. Je vous donnerai deux chiffres qui s’imposent par leur clarté, leur puissance : zéro euro de crédit aux collectivités locales en 2011, 6,5 milliards en 2016, avec une part de marché de 25 %. Lorsque les collectivités locales ont eu besoin de leur banque publique, nous l’avons fabriquée à partir de rien, puisque nous n’avions pas ce savoir-faire, et nous avons construit une banque qui est devenue leader du financement des collectivités locales.

Nous avons également créé, notamment en nous fondant sur un rapport de votre commission des finances et dans le délai qui nous était imparti par l’accord que nous avions passé avec le Gouvernement, 500 maisons de services au public (MSAP) sur la totalité du territoire, et nous travaillons, à la fois avec l’Association des maires de France (AMF) et l’État, pour préparer un nouveau mouvement de création de ces maisons de services au public, qui tienne compte à la fois des habitudes des citoyens et des clients, lesquelles passent moins dans les lieux physiques, et des besoins de proximité et de lutte contre l’exclusion numérique.

Voilà donc le projet de notre entreprise. Les postiers et les postières font les efforts nécessaires pour développer leur groupe, ils font les efforts nécessaires, par pression sur les effectifs, pour contrôler ses coûts. Ils ont besoin, mesdames et messieurs les députés, du soutien de toutes les institutions de la République et du soutien leurs actionnaires, car nous ne pourrons pas continuer ce développement sans un apport de fonds propres : nous sommes une entreprise, nous sommes une société anonyme, nous avons un capital et lorsqu’une entreprise a un capital, elle a besoin d’augmentations de capital. L’avenir du développement suppose donc que nos actionnaires nous fassent confiance et nous apportent les moyens de poursuivre cette transformation du modèle stratégique de La Poste.

Bien sûr, la situation en 2017 est bonne et solide, mais nous n’avons pas encore transformé le modèle stratégique de La Poste. N’y voyez pas une fausse modestie – nous sommes très fiers de ce que nous avons fait –, mais, tant que le courrier traditionnel représentera plus de 20 % de notre chiffre d’affaires, ce sera une épée de Damoclès stratégique au-dessus de nous-mêmes et des services que vous nous avez confiés.

M. le président Éric Woerth. Merci beaucoup, monsieur le président-directeur général, pour ce descriptif très complet des activités de La Poste et des enjeux.

Que pouvez-vous nous dire des idées de rapprochement entre La Banque Postale et CNP Assurances ? C’est un jeu à plusieurs qui se joue, entre l’État actionnaire, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), CNP Assurances elle-même et La Banque Postale. L’actionnariat peut-il être modifié ? Quels scénarios envisagez-vous ? Y a-t-il un calendrier ? Vous avez évoqué tout à l’heure, à demi-mot, la perspective de la création d’un groupe de bancassurance.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Merci, monsieur le président-directeur général, pour votre enthousiasme toujours intact au service de La Poste.

Vous démontrez qu’une grande entreprise publique est aujourd’hui capable de s’adapter à des évolutions parfois extrêmement rapides du monde dans lequel elle évolue. Je pense que la vision partagée dont vous avez parlé tout à l’heure est sans doute l’une des clefs fondamentales de la réussite. Cela me fait me replonger en un certain passé où je signais un bilan d’ouverture de La Poste et où je peinais à créer un établissement public industriel et commercial avec des capitaux propres qui soient positifs, ce qui fait que certains députés ici présents, comme Jacques Savatier, me reprochent toujours d’avoir valorisé des actifs à l’époque – mais c’est de l’histoire ancienne. Simplement, nous voyons quelle fut l’évolution du groupe La Poste.

À la suite du président Woerth, je pense important que vous nous disiez où nous en sommes du rapprochement avec CNP Assurances, évoqué un peu partout, et que vous nous livriez votre vision, mais j’ai une question plus « sociale », qui concerne l’accessibilité bancaire. La procédure du droit au compte devait permettre à un certain nombre de personnes en difficulté sociale – SDF, migrants, demandeurs d’asile – d’avoir un accès à un compte. Au total, on s’aperçoit que ce droit est exercé, le cas échéant, via le livret A, c’est-à-dire que c’est La Banque Postale qui remplit cette mission d’accessibilité bancaire en lieu et place des banques, tout simplement parce que la procédure du droit au compte est extrêmement complexe, beaucoup plus complexe que l’ouverture d’un livret. Avez-vous le sentiment que le secteur bancaire se défausse d’une partie de ses obligations en reportant sur La Poste la charge de cette mission de service public ? C’est un peu mon impression. Et la compensation versée par l’État, 210 millions d’euros en 2017, couvre-t-elle les coûts de ces missions de service public ? Et, finalement, le livret A est-il le bon véhicule pour combler les lacunes d’un droit au compte qui ne fonctionne pas bien ?

Plus anecdotiquement, puisque M. Carlos Ghosn nous a dépeint un avenir radieux avec la perspective de l’arrivée de véhicules autonomes sur le marché, La Poste se prépare‑t‑elle, comme beaucoup d’acteurs de la distribution de colis, à cette intéressante mutation ? Avec 80 000 véhicules, son parc est considérable.

M. le président-directeur général du groupe La Poste. Monsieur le président de la commission des finances, c’est vous qui avez parlé de CNP Assurances – pour ma part, j’ai prononcé le mot de bancassurance –, mais je vais répondre à votre question. Nous avons entamé avec l’État, la Caisse des dépôts et consignations, qui est l’actionnaire de référence, CNP Assurances une discussion sur l’articulation possible entre La Banque Postale et CNP Assurances. Aucun scénario n’est définitif, la question est complètement ouverte, nous sommes au travail et – je sens que je vais vous décevoir mais j’espère que ce sera la seule fois – je ne peux pas en dire plus puisqu’aucune décision n’est prise ni aucune orientation arrêtée. En revanche, le dossier est ouvert et le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations avait dit qu’il était favorable à ce qu’il le soit. Je vous confirme que nous travaillons, mais il est trop tôt pour conclure quoi que ce soit sur ce sujet. Du point de vue de La Poste et des modèles stratégiques, le modèle de bancassurance est en France un très grand succès, comme le montre le succès des cinq autres groupes bancaires qui l’ont adopté. Voilà tout ce que je peux dire à ce stade.

Quant à l’accessibilité bancaire, en fait, monsieur le rapporteur général, vous avez raison, la procédure de droit au compte est très compliquée, mais ce n’est pas dû aux banques, C’est une question de sociologie et de comportement : pour un certain nombre de clients, il est difficile d’aller dans les banques traditionnelles, notamment parce qu’il y a un sas et parce que les gens ne se reconnaissent pas dans la marque. Cela peut paraître surprenant, mais c’est le comportement humain. Alors des centaines de milliers de personnes vont à la banque qui n’a pas de sas, la banque dont les portes sont ouvertes en permanence : La Banque Postale. Je ne pense pas que les banques se défaussent. D’ailleurs, lorsqu’au mois de juin 2017, l’État a demandé, dans le cadre du Conseil supérieur des services financiers, si une autre banque était disposée à assurer le service public d’accessibilité bancaire, aucun bras ne s’est levé et personne n’a reproché ou contesté à La Banque Postale la revendication de ce service public. Nous en sommes donc fiers et nous remplissons cette mission.

La compensation qui nous est versée est-elle suffisante ? Je me réfère à la décision de la Commission européenne : elle a reconnu la validité de cette mission de service public, elle a reconnu la validité de la procédure qui nous l’attribue et elle a estimé que ce qui nous était versé ne surcompensait pas les coûts. Vous voilà rassuré, monsieur le rapporteur général.

Il faut bien comprendre que La Banque Postale est très accueillante, en particulier pour les plus fragiles de nos concitoyens. C’est la fierté des postières et les postiers. Évidemment, ouvrir un livret A est la chose la plus simple du monde, d’autant que la loi nous impose la gratuité, même pour un dépôt de 10 euros. Pour les personnes précaires, en transition, ou dans une situation de marginalisation sociale et financière, il s’agit aujourd’hui de l’outil bancaire le plus simple. Il sert d’ailleurs de base au calcul de la dotation d’accessibilité bancaire.

Si vous vouliez me demander si, d’ici à dix ans, le livret A sera encore le meilleur vecteur, je peux vous répondre que je ne le pense pas. Le développement de la banque numérique, y compris pour les fragiles et les exclus, nous obligera à trouver de nouveaux supports, mais, en tout état de cause, le besoin d’accessibilité bancaire n’aura pas disparu parce qu’il y a une demande sociale, et La Banque Postale sera sans doute la mieux armée pour continuer à y répondre.

Carlos Ghosn le sait : La Poste est le premier client des véhicules électriques de Renault, à tel point d’ailleurs que nous avons un tout petit peu ralenti notre rythme d’équipement, afin de ne pas épuiser la première génération de véhicules et de ne pas laisser la deuxième à nos concurrents. Nous avons demandé à n’acheter que 7 000 voitures de la première génération, et nous avons souhaité que la part complémentaire – nous nous sommes engagés à l’égard de Renault et de l’opinion publique pour 10 000 véhicules – se compose de véhicules de deuxième génération. Nous discutons sur ce sujet avec Renault et l’affaire est en train de se régler.

Nous sommes au travail sur la question du véhicule autonome. Il constitue très clairement l’une des solutions. Lorsque l’on parle de livraison de colis, il ne faut pas s’arrêter au dernier kilomètre, monsieur le rapporteur général : pour atteindre le domicile, il faut parcourir le dernier mètre. Ce dernier mètre, ce n’est ni un véhicule autonome ni un robot qui le parcourra. Ce sera une femme ou un homme : la factrice ou le facteur.

Nous avons investi beaucoup d’argent dans le véhicule autonome. Vous avez peut‑être vu, dans un reportage diffusé récemment à la télévision, un facteur se promener, à Nantes, puisque c’est là qu’une expérimentation est menée, suivi par un chariot mobile. Ce robot identifie sa factrice ou son facteur et peut transporter jusqu’à 250 kilos de colis, ce qu’un être humain ne pourrait faire. Nous sommes déjà dans cette révolution des nouveaux moyens de transport. J’en profite pour rappeler que nous disposons de la première et de la seule ligne commerciale de drones autorisée par la direction générale de l’aviation civile. Dans les Alpes-Maritimes et dans le Var, notre drone emprunte quotidiennement une liaison aérienne pour déposer une trentaine de kilos de colis.

Nous investissons dans le domaine de la voiture autonome, parce qu’il est essentiel et qu’il fait partie de l’avenir de nos métiers.

M. Jean-Bernard Sempastous. Monsieur le président-directeur général, depuis votre arrivée à la tête du groupe en 2013, vous êtes parvenu à mener une véritable transformation d’un groupe dont le modèle économique et stratégique n’était plus viable. En effet, vous l’avez dit, ce qui fait l’essence même de votre métier, le courrier physique disparaît progressivement. Il fallait donc engager une mutation cruciale pour l’avenir de La Poste. Vous avez su le faire en transformant vos outils, vos technologies et en changeant la culture même de votre groupe. Nous constatons que La Poste d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a cinquante ans ; cependant, certains positionnements ont pu surprendre et donner le sentiment d’un égarement aux Français attachés à la figure du postier. En outre la crainte de l’abandon des territoires les plus reculés persiste chez nos concitoyens.

Vous tenez à sillonner la France, car vous savez combien il est important de maintenir un accueil et un service de proximité en tout point du territoire. Certes avec l’évolution de l’activité historique, les bureaux de poste d’hier ne pourront pas être ceux de demain, mais il reste indispensable qu’ils se maintiennent, car ils sont un lieu de vie, en particulier dans les centres-villes et les territoires ruraux. Vous assurez ainsi votre mission de service public, qui est chère aux Français.

J’en profite pour revenir sur les quatre missions de service public que la loi vous a confiées depuis 2011 : le service universel avec la distribution du courrier six jours sur sept, l’accessibilité bancaire, le transport et la distribution de la presse, la contribution à l’aménagement du territoire avec un maillage de 17 000 points de contact. Quelle est la pertinence de ces quatre missions en termes de service public face, par exemple, à la disparition progressive de l’activité historique du courrier et à la mutation du groupe ?

En tant que législateurs, nous devrons sans aucun doute nous saisir de ce dossier dans un futur proche.

La mission de l’aménagement du territoire, de proximité et de création de lien social, d’un territoire me semble aujourd’hui cruciale, je crois que La Poste doit devenir un acteur incontournable de nos politiques de cohésion des territoires. Elle tiendra naturellement une place de choix dans la redynamisation de nos centres-villes. Plus largement, je pense que vous êtes en mesure de jouer un rôle dans la dynamique économique des territoires, en particulier en matière de transition énergétique.

M. Julien Aubert. Monsieur Wahl, vous devez résoudre le problème que pose, dans le monde numérique, la disparition d’une ancienne relation au temps et à l’espace, à une entreprise dont le savoir-faire consistait à gérer un espace dans un temps contraint, et vous transformez ce qui constituait une faiblesse, c’est-à-dire votre présence dans 36 000 communes, soit la moitié des communes européennes, en une force.

Vous nous expliquez que La Poste est comme un pont qui assure une proximité entre une société numérique et des individus de part et d’autre d’une fracture numérique et territoriale, et qu’elle propose une autre vision du service public. Dans ces conditions, quelle formation vos agents recevront-ils ? Les transformerez-vous afin qu’ils accomplissent cette mission ?

Le besoin d’une banque différente concerne aussi le financement des entreprises, car on sait que les banques sont très frileuses. Vous demandez une augmentation des moyens, mais des engagements ne pourraient-ils pas être pris en la matière ?

Quid de la concurrence de la banque en ligne en matière de coûts pour ce qui concerne les publics fragiles ?

Vous mettez en avant la concurrence avec les plateformes – vous avez d’ailleurs parlé de Facebook. S’agissant des colis, êtes-vous en mesure de capter la valeur ajoutée, par exemple, d’Amazon, ou d’améliorer votre part dans la chaîne logistique ?

Concernant le carnet de santé numérique, une question se pose : qui paie ? Quel est le modèle économique ? Ferez-vous payer les professionnels ou les patients ? Pouvez-vous nous donner des chiffres ?

Vous souhaitez incarner le tiers de confiance, mais nous voyons bien que les plateformes, les fameux GAFA, sont elles-mêmes menacées par la révolution des technologies de chaînes de blocs qui permettent de certifier sans passer par elles. Comment appréhendez-vous cette révolution numérique ?

S’agissant de la transformation sociale et de la négociation sociale, avez-vous des conseils à donner à certaines entreprises publiques qui devront, demain, peut-être, gérer une coexistence entre des fonctionnaires et des agents privés ? Est-ce une force, ou est-ce une faiblesse ?

M. Mohamed Laqhila. La Poste est un exemple parlant des enjeux économiques de notre pays et des mutations de notre société. Le 1er mars 2010 a marqué un tournant, car elle est passée du statut d’établissement public à celui de société anonyme. À l’époque déjà, des voix s’élevaient contre ce projet de réforme. Ses détracteurs parlaient de privatisation de La Poste, de la fin des services de proximité, ou de la suppression du service public. Pourtant, il y avait urgence. La Poste, endettée à hauteur de 5,7 milliards d’euros, et victime de l’expansion extrêmement rapide du numérique, devait affronter de nombreux services concurrentiels ; depuis, elle a su repenser en profondeur son modèle économique. Permettez‑moi de faire le parallèle avec le service ferroviaire, car s’il paraît simpliste, la comparaison n’en est pas moins criante de similitudes.

L’accélération de la chute du volume des courriers et la perte de chiffre d’affaires qu’elle a entraîné ont obligé La Poste à mieux optimiser l’organisation de l’activité distribution pour maîtriser davantage les charges du réseau. Au-delà, La Poste a su diversifier ses offres et multiplier les partenariats tout en maintenant un service de qualité. Je tiens à insister tout particulièrement sur ce dernier point.

En début d’année, La Poste a signé avec l’État un contrat d’entreprise pour la période 2018-2022, détaillant l’engagement pris par ce dernier de soutenir les quatre missions de service public, énoncées dans la loi. Ce contrat, qui s’inscrit pleinement dans le prolongement de celui signé pour la période 2013-2017 a su aller plus loin.

J’en donne deux exemples. En matière d’aménagement du territoire, La Poste a su favoriser le maintien de la présence postale dans les territoires ruraux, mais aussi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Sur le terrain, à Marseille, ville que je connais très bien, un nouveau point de service, La Poste Relais Monoprix, a été inauguré la semaine dernière. Les habitants de l’arrondissement et ceux des alentours peuvent ainsi bénéficier de l’essentiel des services de La Poste lors de plages horaires élargies.

Cependant, dans un rapport datant de 2016, la Cour des comptes a émis un certain nombre de réserves et pointé du doigt les fragilités des objectifs du plan stratégique de La Poste qui, selon elle, ne pourront être atteints qu’avec une augmentation des prix et une réduction de coûts. S’agissant des prix, de fortes augmentations successives du prix des timbres sont-elles à craindre ? Cela conduirait les usagers et les entreprises à privilégier les échanges dématérialisés.

M. Charles de Courson. Amazon, société avec laquelle La Poste a signé un accord, représente 10 % du trafic des colis que vous assurez. N’y a-t-il pas un niveau au-delà duquel il y a un risque de dépendance de la branche colis de La Poste par rapport à Amazon ?

Quelle est la rentabilité de La Banque Postale alors que la situation du marché n’est pas très favorable ? Une diversification vers l’assurance ne nécessite-t-elle pas une forte augmentation du capital, quel que soit le partenaire avec lequel vous passerez un accord ?

Afin d’assurer la prospérité et l’internationalisation déjà largement amorcée de La Banque Postale et de l’activité colis, ne faudrait-il pas ouvrir le capital de cette branche à des intérêts privés pour trouver des accords ?

Pouvez-vous nous faire un point en matière de compensation par l’État du trafic de la presse ?

M. Jean-Louis Bricout. Vous ne pouvez pas nous dire grand-chose sur le rapprochement éventuel avec CNP Assurances, mais quels pourraient être ses impacts concernant la présence sur les territoires ? Quelle est la position de la Caisse des dépôts et consignations, qui détient 27 % du capital, sur cette affaire ? N’y a-t-il pas un mélange de genres, et cette évolution entraînera-t-elle des modifications législatives ?

Pour la première fois depuis 2009, le chiffre d’affaires de la branche Services‑Courrier-Colis a progressé, malgré une nouvelle baisse en volume du courrier envoyé. Cette progression est-elle durable, alors que la chute du courrier est inéluctable pour les années à venir ?

Où en êtes-vous des réorganisations des services de tri sur les territoires ? Des plateformes de tri ont été créées dans les territoires ruraux, qui ont vocation à préparer le courrier des facteurs. La réorganisation a pour conséquence la fermeture de locaux dans des petites villes où les facteurs préparaient leur tournée et commençaient la distribution. Elle se traduit par une baisse du nombre de facteurs et des tournées plus longues. C’est une fragilité supplémentaire pour nos territoires auxquels La Poste apportait une bouffée d’oxygène. Quelles conséquences ces réorganisations ont-elles sur le climat social – elles ne sont pas sans effets sur la vie des facteurs ? Trouvez-vous des relais de croissance sur ces territoires ruraux pour compenser la diminution du courrier et maintenir l’activité nécessaire ?

Où en êtes-vous s’agissant du permis de conduire, élément essentiel d’insertion sociale et professionnelle, en particulier pour les jeunes ? Depuis 2015, il est possible de passer le code de la route avec La Poste. Quel bilan tirez-vous en la matière ? Certains départements se distinguent-il plus que d’autres ? Combien coûte effectivement cette initiative à l’entreprise ? Comptez-vous, si nécessaire, augmenter l’effort de communication pour permettre une montée en charge ?

Pouvez-vous nous rappeler les critères d’installation des distributeurs automatiques de billets ? Il s’agit d’un service essentiel pour le monde rural, où les bureaux de poste ont disparu. Mettez-vous en place une stratégie d’accord avec d’autres réseaux bancaires en la matière ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Les MSAP sont des réponses partielles – mais personne ne propose autre chose – à la disparition de nombreux services, notamment dans les secteurs ruraux. Vous faites référence à une nouvelle vague d’ouvertures : quel bilan tirez-vous de la première vague ?

Les nouveaux services confiés aux facteurs se développent-il comme prévu ? Quel chiffre d’affaires en tirez-vous aujourd’hui ?

Quel est le taux de pénétration de La Banque Postale dans les collectivités locales ?

M. le président-directeur général du groupe La Poste. S’agissant de l’aménagement du territoire, je rappelle que nous continuons à transformer notre réseau de points de contact. Cela s’est traduit par la diminution du nombre de bureaux de poste, mais nous avons développé d’autres points de contact, soit des agences postales communales (APC), que vous connaissez très bien, soit des relais poste commerçants. Ce mouvement a lieu dans le cadre des commissions départementales de présence postale territoriale, ce qui signifie qu’il doit – et j’insiste sur le verbe « devoir » – être partagé avec les élus et les collectivités locales au sein de ces commissions. Lorsque ce n’est pas le cas, nous entendons vos réactions, et nous corrigeons le tir.

Nous adaptons le réseau de points de contact parce que sa fréquentation est passée, entre 2010 et aujourd’hui, de 2 millions à 1,4 million de personnes. Comme tous les autres lieux physiques de commerce, les bureaux de poste voient leur fréquentation diminuer dans une société numérique. Je sais qu’il peut exister des difficultés dans certaines villes ou dans certains départements, mais, systématiquement, la démarche doit être partagée avec les élus, d’autant que ces derniers disposent, selon le contrat que nous venons de signer avec l’AMF, d’un droit de veto dans certaines zones du territoire. Sur une grande partie de notre territoire, le maire peut s’opposer à la transformation d’un bureau de poste en APC ou en relais poste.

Nous devons poursuivre ce mouvement en coopération avec vous. En cas de problème, nous sommes à votre disposition pour ajuster le dispositif. Évidemment, avec 17 200 points de contact, il peut y avoir des cas dans lesquels les choses ne se passent pas bien.

Notre mission essentielle de service public de distribution de la presse nous coûte 400 millions d’euros, et la compensation s’élève à 109 millions d’euros. Comme la Commission européenne, vous constaterez que nous ne sommes pas « surcompensés ». La compensation de l’État est budgétaire. Elle est en diminution constante depuis cinq ans. À l’époque, l’État avait promis une compensation de 180 millions d’euros : le compte n’y est pas. Je ne ferai pas de commentaires, mais c’est évidemment un sujet.

J’ai été interrogé sur la réorganisation de l’appareil de production du courrier. Les choses sont assez simples : en quinze ans, nous sommes passés de cent à vingt-huit plateformes de tri alors que les volumes sont passés de 18 à 10 milliards d’objets acheminés. Nous avons donc adapté notre dispositif, et nous continuons cette réorganisation. Je m’apprête à le dire aux postiers de Charleville-Mézières auxquels je rends visite vendredi prochain : nous continuerons cette réorganisation tant que les volumes – c’est-à-dire la charge de travail qui nous est demandée, – diminueront. L’un est la conséquence logique de l’autre.

Je vous rassure, monsieur Bricout, nous essayons d’agir dans le cadre d’un processus de discussion sociale très intense : lorsque nous fermons une plateforme de tri, nous l’annonçons aux agents, aux syndicats et aux élus dix-huit mois à l’avance. Nous venons, par exemple, d’annoncer aux maires et aux responsables locaux que nous fermions l’une de nos cinq plateformes de tri en région parisienne, car les volumes sont aussi en forte diminution à Paris.

Que donnent les nouveaux services du facteur ? Les résultats ne sont jamais assez élevés, compte tenu de nos ambitions, mais nous sommes partis de zéro euro, en 2012, pour atteindre 7 millions d’euros, en 2013, et plus de 120 millions cette année. Pour 2020, nous pensons nous approcher des 700 millions d’euros, si l’on ajoute à ces nouveaux services, nos acquisitions dans la silver economy.

Nous avons pris le contrôle d’une entreprise qui livre et installe des matériels médicaux à domicile, secteur en plein développement. Je réponds par avance à ceux qui s’interrogeraient sur le rapport entre La Poste et l’installation d’équipements médicaux à domicile. Que fait l’installateur ? Il livre une boîte à domicile, tâche qu’il nous arrive d’accomplir. Il ouvre ensuite cette boîte, et il explique au destinataire comment on se sert de l’équipement. Ce secteur de l’équipement à domicile est en incroyable croissance, car il accompagne le vieillissement de la population et la volonté des pouvoirs publics de maintenir le plus possible les malades et les personnes âgées à domicile. Nous serons un acteur leader de ce marché, et, pour y parvenir, nous allons former nos factrices et nos facteurs les plus qualifiés.

J’en viens précisément à vos questions sur la formation de notre personnel. Dans le cadre de l’accord social majoritaire signé en 2015, « Un avenir pour chaque postier », nous avons pris l’engagement de former chaque année au moins 80 % de nos postiers. L’année dernière, nous en avons formé 84 %. Cet enjeu de formation est d’une certaine façon, notre enjeu numéro un.

Puisque les métiers sont en train de changer – je vous ai parlé de l’accord social « Facteurs 2017 » –, la formation et l’engagement des salariés constituent les seules solutions pour passer d’un système d’emplois à un autre. Ces solutions sont mises en œuvre, et elles fonctionnent parce que les postières et les postiers ont compris tout l’enjeu pour leur profession, et pour la vision qu’ils ont de leur rôle dans la société de faire évoluer leur métier. À titre professionnel, je n’ai aucun doute sur le fait que la transition professionnelle des factrices et des facteurs qui deviendront, pour certains d’entre eux responsables de services à domicile, ou responsables d’installation d’équipements médicaux, sera un très grand succès. Ils sauront se transformer parce que nous sommes à leurs côtés pour les former. Cela fonctionne extrêmement bien, et cela contribue au climat social parce que les salariés comme les syndicats voient les efforts que nous faisons en matière de formation – tout cela coûte extrêmement cher et c’est normal.

J’en profite pour vous dire que c’est dans ce domaine que nous avons investi l’argent perçu grâce au fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) pendant ces quatre années de transition stratégique. Les 300 millions d’euros de CICE que nous recevions ont été consacrés à l’investissement en capital et à la formation. Aujourd’hui, nous continuons à former évidemment, ce qui du point de vue des postières et des postiers est très positif. Ils peuvent se dire : « La boîte s’occupe de nous, elle cherche à nous former, nous avons surmonté les choses. »

Monsieur Aubert, nous commençons à financer les très petites entreprises (TPE). Nous avons aujourd’hui 1 % de part de marché. Je vous rappelle qu’en 2011, nous n’avions pas le droit de financer les entreprises et nous ne disposions pas des compétences nécessaires. Aujourd’hui, sous la conduite de Rémy Weber, le patron de La Banque Postale, nous avons développé les systèmes d’information, construit des systèmes de contrôle de risques, et formé notre personnel. Nous sommes en train de former 1 000 conseillers bancaires pour les TPE et les professionnels. Lorsque Rémy Weber et ses équipes ont commencé, nous n’avions pas un seul conseiller de ce type.

Cette transformation est en cours. En réponse à une orientation souhaitée par M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, nous avons décidé d’entrer dans le financement des TPE. Cela prendra plus de temps que pour les collectivités locales parce qu’elles sont beaucoup plus nombreuses.

Au passage, j’indique que nous détenons 25 % de part de marché auprès des collectivités locales, ce qui fait de nous le numéro un de ce secteur. La Caisse d’épargne est numéro deux, et le Crédit agricole numéro trois. Cette part de marché nous convient ; nous ne souhaitons pas reproduire l’équilibre antérieur du marché avec un acteur trop dominant, car ce n’est bon ni pour les collectivités locales, ni pour la banque en question.

La banque en ligne est évidemment un enjeu absolument majeur, très menaçant pour les banques traditionnelles, qui distille l’idée fausse d’une potentielle gratuité des services. Il n’y a jamais de gratuité, et cela vaut aussi pour la livraison ou les cartes bancaires. Ce que vous faites payer par Amazon, pour la livraison, ou par certaines banques en ligne, pour les cartes bancaires, quelqu’un d’autre, c’est-à-dire vous-même, le paie d’une autre manière.

Les postiers ne sont jamais dans la plainte, ils sont dans le développement. Rémy Weber a décidé de lancer la nouvelle banque digitale de La Banque Postale. Elle s’appellera « Ma French Bank »...

M. le président Roland Lescure. Oh ! (Protestations sur plusieurs bancs)

M. le président-directeur général du groupe La Poste. Des études ont été faites sur les noms. C’était celui qui plaisait le plus à nos clients. Nous leur avions proposé « La Banque cocoon », « La Banque cocon »... Ils ont préféré le nom que nous avons retenu. Nous faisons une banque pour nos clients.

Monsieur de Courson, La Banque Postale dégage un retour sur fonds propres de 9 %, ce qui n’est pas mal, ce qui n’est objectivement pas mal. Comme vous l’avez très justement souligné, la situation est aujourd’hui extrêmement défavorable à La Banque Postale, qui est confrontée à des taux d’intérêt négatifs alors qu’elle est la seule banque « surliquide » en France. La vision des postiers, qui consistait à créer une banque comme un relais de l’activité traditionnelle de courrier, était excellente, et elle le reste. Les taux d’intérêt s’étant effondrés, nous tirons de cette activité moins de profits que ce qui était prévu, mais La Banque Postale est très solide. Elle a maintenu son profit avant impôt à 1 milliard d’euros, et elle bénéficiera de la remontée progressive des taux. Elle aura besoin de plus de capital, comme La Poste. Toute entreprise a besoin de capital pour se développer – c’est vrai pour La Banque Postale comme pour La Poste ou pour GeoPost.

Sur l’ouverture du capital de GeoPost et de La Banque Postale, je vous répondrai en deux temps : la première chose, c’est que je n’ai pas beaucoup de sympathie à l’égard de l’idée d’ouvrir le capital de ce qui marche bien, et de garder à 100 % ce qui doit gérer la pression. Cela revient à distribuer les profits et à ne plus conserver que ce qui demande un effort de restructuration. A priori, nous sommes assez fermés à l’idée d’ouvrir le capital de GeoPost, mais, parce que nous sommes dans l’entreprise et que nous sommes pragmatiques, s’il s’agissait du moyen, non d’aller sur le marché, mais de passer un accord industriel à dimension européenne ou planétaire pour nous développer, il faudrait savoir s’adapter. Cela supposerait que l’on n’ouvre pas simplement pour partager le profit, mais que l’on reçoive un apport en industrie et que l’on crée une force stratégique supplémentaire. Dans ces conditions, l’ouverture du capital peut avoir du sens, mais seulement dans ces conditions.

Depuis 2015, la loi donne la possibilité de faire passer l’examen du code de la route dans des locaux de La Poste. C’est un très grand succès. Depuis le lancement effectif de cette opération, en septembre 2016, 1,7 million de jeunes sont passés par des bureaux de poste ou des locaux postaux. Nous atteignons presque 60 % de part de marché, mais nous avons des concurrents – c’est bien, cela nous stimule. Cette activité représente un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros, ce qui pas du tout négligeable. De plus, cela améliore encore l’image des postières et des postiers, et renforce leur statut de personnes de confiance, tout en faisant venir en bureau de poste des jeunes qui ne savaient même plus où il se trouvait.

S’agissant de la répartition géographique, objectivement, comme nous sommes partout sur le territoire, nous constatons que notre part de marché a plutôt tendance à être supérieure à la moyenne dans les territoires ruraux, et un peu plus faible dans les grandes villes où la concurrence est plus facile.

Notre relation avec Amazon est un cas assez unique dans l’histoire économique. Amazon, notre premier client, nous livre plus de cent millions de colis, ce qui représente un nombre d’emplois considérable et des profits corrects – les négociations avec Amazon sont extrêmement dures parce que leur pouvoir de négociation est immense. Dans le marché du colis, nous sommes passés d’une situation dans laquelle nous avions des milliers de clients, à une autre dans laquelle dix très grands clients concentrent 80 % des flux.

Nous remercions Amazon, notre client, de nous accorder sa confiance et de nous confier des volumes, mais un élément rend la situation plus complexe : notre premier client est en train de devenir notre premier concurrent en proposant également des services de livraison. La concurrence n’a jamais fait peur aux postières et aux postiers, mais ce qui nous préoccupe ce sont les conditions de la concurrence. Vous le savez : La Poste verse au Trésor public français plus d’impôts que ce qu’Amazon paie dans toute l’Europe. Cet impôt non versé par Amazon est investi et fait tourner l’accumulation du capital productif. La concurrence est donc faussée.

Un problème d’équité de la concurrence se pose non seulement en matière fiscale mais également s’agissant des conditions sociales. Il suffit de parler à nos syndicats pour qu’ils nous rapportent les conditions sociales appliquées par Amazon, y compris dans les plateformes françaises, et de les comparer aux conditions moyennes d’emploi des salariés – je ne parle même pas de ce qui se pratique à La Poste. Nous disons « oui » à la concurrence, mais à une concurrence loyale, régulière, et à armes égales.

Dans la mesure où l’avenir de La Poste passe par la relation qu’elle entretient non seulement avec Amazon, mais avec quelques-uns des très grands e-commerçants mondiaux – notamment les Chinois Tencent et Alibaba –, les conditions de la concurrence et, plus largement, du rapport économique que nous avons avec ces distributeurs sont fondamentales. Si le régulateur ne garantit pas la compétition loyale, les choses ne pourront être que plus difficiles pour nous... Donc, merci à Amazon d’être notre premier client, mais merci aussi au régulateur de faire en sorte que la concurrence – dont l’existence est indispensable – s’exerce de manière aussi loyale que possible !

Pour ce qui est des distributeurs automatiques de billets, le réseau français est l’un des plus développés. La Poste s’efforce d’en implanter autant que possible, étant précisé que pour qu’un distributeur soit rentable, il faut qu’il serve à un nombre minimum d’opérations par mois : à défaut, cela occasionne des pertes d’exploitation qui peuvent représenter un véritable puits sans fond. Pour cette raison, il nous est impossible d’installer des distributeurs dans la totalité des communes françaises – je pense en particulier aux plus petits villages – mais l’ensemble des appareils installés par le Crédit agricole, les Caisses d’épargne, le Crédit mutuel et La Banque Postale permet d’assurer un maillage territorial assez satisfaisant.

Enfin, je vais être très clair ; les prix du courrier vont augmenter continûment au cours des cinq ans qui viennent. À l’issue de discussions, nous avons pris auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) des engagements pour les années à venir, en contrepartie d’une augmentation des prix du courrier pendant cinq ans. Je vous précise qu’un tel accord, nécessaire pour compenser la chute des volumes, a été passé par les services postaux de la totalité des pays européens. Comme je vous le disais tout à l’heure, en France, la diminution des volumes va se traduire par une perte de chiffre d’affaires de 560 millions d’euros en 2018. La hausse des prix va nous permettre de compenser cette perte à hauteur de 260 millions d’euros, mais il nous restera 300 millions d’euros à trouver chaque année.

M. Saïd Ahamada. Nous avons bien compris les enjeux économiques de La Poste, auxquels nous souscrivons en partie. Cela dit, La Poste est aussi un service public et, dans votre rapport financier semestriel de juin 2017, vous disiez vouloir développer de nouvelles formes de mutualisation, assurer la rénovation de plus de 4 000 bureaux de poste, et favoriser le maintien d’une présence postale, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville, les départements d’outre-mer et les territoires ruraux.

Pouvez-vous nous dire où vous en êtes dans votre démarche de maillage territorial, notamment dans les quartiers les plus difficiles de nos territoires, mais pas seulement – je suis pour un équilibre territorial qui ne fasse pas de distinction entre les quartiers en difficulté et le monde rural ? Par ailleurs, j’aimerais savoir si vous avez pris l’engagement de développer les emplois francs.

M. Vincent Rolland. N’y a-t-il pas une contradiction entre la livraison de colis par drones, que vous évoquiez tout à l’heure, et la présence de postiers en milieu rural – des personnels dont on sait que leurs missions ont beaucoup évolué, et continueront à évoluer dans les prochaines années ?

Mme Marie Lebec. Vous avez parlé de votre développement à l’international et de la nouvelle stratégie de La Poste, et je tenais à vous féliciter pour les nombreuses initiatives prises en ce sens.

Cela dit, je voudrais évoquer le cas du territoire où j’ai été élue, la quatrième circonscription des Yvelines, où il est fréquent que le courrier n’arrive pas à destination, notamment parce qu’il est distribué à la mauvaise adresse. J’en ai moi-même fait l’amère expérience lorsque j’ai envoyé en début d’année une carte de vœux à Mme la maire du Port‑Marly, en l’adressant à la mairie. Trois mois plus tard, ma carte m’est revenue avec une mention m’indiquant que la personne n’habite plus à l’adresse indiquée – ce qui me paraît étrange, car il n’y a pas eu d’élections municipales au cours des derniers mois...

Je sais, monsieur le président-directeur général, que vous n’allez pas pouvoir me répondre sur le cas spécifique de la quatrième circonscription des Yvelines, mais faute d’avoir obtenu une réponse satisfaisante de vos services, je me suis permis de vous interpeller sur ce sujet plus important qu’il n’y paraît car, d’une manière générale, la non-distribution du courrier peut avoir de graves conséquences, notamment lorsqu’elle touche des associations, dont le fonctionnement peut se trouver mis à mal par ces anomalies.

M. Michel Lauzzana. Vous nous avez parlé de votre stratégie de diversification, en particulier dans le secteur des services. En tant que commissaire aux finances, je souhaite vous interroger au sujet de votre intention de proposer une aide à la télédéclaration de revenus. Premièrement, quelle serait la responsabilité de vos agents en cas de grève ou en cas d’erreur ? Deuxièmement, fournir une telle prestation suppose une qualification particulière des agents impliqués. Il me semble que vous avez prévu pour eux environ six heures de formation : cela vous paraît-il vraiment suffisant ?

M. Dominique Potier. Monsieur le président-directeur général, j’ai trois remarques sur votre contribution à la cohésion sociale.

Premièrement, en ce qui concerne le déploiement des 500 MSAP, il me semble que vous avez un peu oublié l’échelon intercommunal comme futur prescripteur des schémas incitatifs de services publics et privés pour privilégier la commune et le département. Cet oubli peut être corrigé dans la durée et j’espère que vous vous y emploierez.

Deuxièmement, ne pensez-vous pas que votre contribution au déploiement des services liés au vieillissement de la population et à la perte d’autonomie, aux côtés des autres acteurs déjà engagés au service de cette cause depuis des décennies – je pense notamment à ces mouvements créés dans l’après-guerre, tels que Familles rurales ou l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR) –, risque de déstabiliser ces services de l’économie sociale et solidaire, qui jouent un rôle important en termes de présence sur le territoire ? Avez-vous l’intention d’entamer un dialogue et éventuellement de conclure des alliances avec ces services ?

Troisièmement, enfin, l’association Envie Autonomie – basée à Trélazé, en Maine‑et‑Loire – a développé l’idée d’une seconde vie des produits et matériels d’accompagnement sanitaire et social, ce qui représente une démarche vertueuse sur le plan environnemental et social. Envisagez-vous une alliance avec cette association ?

M. Éric Pauget. Monsieur le président-directeur général, je veux tout d’abord saluer votre enthousiasme et la capacité d’un groupe 100 % public à se restructurer pour accompagner non pas la transition numérique, mais une véritable révolution numérique.

Je suis particulièrement sensible au service de proximité humaine que vous avez évoqué, qui va permettre d’aider nos concitoyens dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse des services à la personne, du passage du permis de conduire, des formations en entreprise à l’éco-conduite et à la prévention des risques routiers, ou encore de la fameuse application d’e‑santé qui préfigure l’avenir. Ces voies de diversification ont-elles vocation à se développer selon un modèle économique équilibré ? Par ailleurs, selon vous, le cadre législatif actuel est-il suffisant, ou risque-t-il de vous freiner dans votre démarche, ce qui nécessiterait de le faire évoluer afin qu’il vous accompagne plus efficacement ?

M. Hervé Pellois. Votre groupe a conclu des partenariats avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et participe à la détection des logements constituant des passoires thermiques. Quel bilan tirez-vous de cette action en matière de transition énergétique ?

Par ailleurs, l’adaptation du rythme de travail des facteurs afin d’effectuer des livraisons en soirée et le dimanche en Chronopost fait partie des transformations déjà opérées par La Poste afin de rendre les mêmes services que les géants de l’e-commerce : comment ces adaptations sont-elles perçues au sein de votre groupe, et d’autres transformations sont-elles envisagées ?

M. Olivier Gaillard. On fait aujourd’hui le constat amer d’une désertification des distributeurs automatiques de billets en zone rurale, en dépit de la création du Fonds postal national de péréquation territoriale (FPNPT), censé contribuer au financement du maillage que La Poste doit maintenir. Aujourd’hui, les résultats sont encore décevants, les opérateurs bancaires, y compris La Poste, prenant l’alibi du critère de l’intérêt économique insuffisant pour éviter d’installer des distributeurs. Bon nombre de collectivités territoriales ont donc dû se substituer techniquement et financièrement à ces opérateurs, avec des résultats qui remettent en question les études de faisabilité. Quelle est votre position sur cette rupture d’égalité face au service ?

M. Michel Castellani. Nous avons pris note de votre plan de redéploiement, qui constitue une évolution devant naturellement s’opérer en collaboration étroite avec le personnel, auquel je rends hommage pour son travail quotidien effectué dans les plus grandes villes comme dans les campagnes les plus reculées.

En octobre 2016, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a alerté la direction de La Poste sur la dégradation des conditions de travail des postiers. Pouvez-vous nous indiquer quelles ont été les suites données à ce rapport ?

Par ailleurs, si La Poste joue un rôle crucial de lien social en zone rurale, il faut équilibrer ce modèle économique en arbitrant entre rentabilité et mission de service public. Je précise que les relations entre La Poste et les institutions publiques sont excellentes en Corse, en dépit de quelques problèmes isolés.

Enfin, sur les contrats de présence postale territoriale, dont on connaît l’importance, pensez-vous que les contrats conclus par La Poste avec l’État et l’AMF seront renouvelés en 2020 ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Au sujet des MSAP, que Dominique Potier a déjà évoquées, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les perspectives pour 2018 ?

Par ailleurs, je voudrais revenir sur un certain nombre de difficultés suscitées par la réorganisation des tournées de facteurs, liées à la fois à la nouvelle pause obligatoire et à la suppression de tournées, qui se traduit par un allongement de la journée du facteur. Pour y remédier, vous avez mis en place des renforts destinés à faciliter la transition. À ce sujet, je souhaite une nouvelle fois attirer votre attention sur l’équilibre à trouver entre la réduction du volume de courrier, dont nous sommes tous conscients, et le maintien d’un service de qualité à la population, correspondant à l’image historique de l’entreprise La Poste, notamment en milieu rural ou montagnard, où, indépendamment de la diminution du volume de courrier, la dispersion de l’habitat et les distances à parcourir restent inchangées.

Mme Dominique David. Vous avez évoqué à plusieurs reprises un grand plan de soutien aux exclus du numérique, lancé il y a un an. Pourriez-vous nous décrire ce plan d’action, ses premiers résultats, ainsi que les données vous permettant de quantifier l’impact social du projet ?

Par ailleurs, si l’inclusion numérique consiste à doter nos concitoyens d’un socle minimum de compétences permettant d’accéder à la plupart des usages de base, on sait qu’une partie de cette population aura besoin d’être accompagnée. Quelle sera la responsabilité du tiers de confiance qui aura accès aux comptes des personnes bénéficiant de son assistance ?

M. Jean-René Cazeneuve. Monsieur le président-directeur général, vous nous avez fait une présentation très rapide des MSAP. Pouvez-vous nous préciser le bilan que vous en faites ? S’il y a aujourd’hui un consensus pour augmenter leur nombre, il semble qu’il existe des freins à leur développement : s’agit-il d’une réticence des collectivités territoriales, d’un problème de financement, ou d’une raison concernant La Poste elle-même ?

M. Patrick Hetzel. Au sujet de la question essentielle du maillage territorial de La Poste, que vous avez évoquée, les commerçants de mon territoire m’ont indiqué que leurs candidatures en vue d’ouvrir un point-poste se heurtent souvent à un refus. Pourriez-vous nous préciser quelle est votre politique en la matière ? Si l’on peut comprendre que La Poste soit amenée à fermer certains de ses bureaux, il est important qu’elle fasse en sorte de maintenir – et si possible d’améliorer – le maillage territorial, ce qu’elle peut faire en concluant des accords où chacun trouve son compte : dans certaines petites communes, le fait pour un commerçant de proposer le service d’un point-poste contribue à son attractivité tout en confortant la présence de votre entreprise.

M. Didier Martin. Dans sa récente étude intitulée Tendances 2018, La Banque Postale dresse un état des lieux rassurant de la situation financière des collectivités locales pour 2018. La hausse des dépenses de fonctionnement serait de 0,9 % pour 2018, bien en deçà de l’objectif de 1,2 % fixé par le Gouvernement. Quant aux dépenses d’investissement, elles seraient relancées, en augmentation de 6,1 %.

Bien sûr, il faut tracer des perspectives pour les années à venir. Néanmoins, pouvez‑vous nous indiquer quel est, selon vous, le rôle que La Poste peut jouer demain comme financeur de l’investissement des collectivités locales ?

M. Olivier Serva. Monsieur le président-directeur général, vous n’êtes pas sans savoir que nos territoires ultramarins connaissent des dynamiques démographiques différentes de celles de la métropole. Si mon département, la Guadeloupe, constitue un territoire vieillissant, où les services de proximité proposés par La Poste aux personnes âgées peuvent être aussi bien source d’emplois que vecteur de lien social pour nos aînés, dans d’autres territoires, comme la Guyane ou Mayotte, où les jeunes sont plus nombreux, le défi pour votre entreprise consiste plutôt à inclure ceux-ci dans l’enjeu de digitalisation d’un univers globalisé et connecté. Pouvez-vous nous préciser quelle est la politique ultramarine de votre groupe dans le cadre du plan de transformation que vous êtes en train de mener ?

M. Richard Lioger. Le président Lescure a évoqué tout à l’heure le projet de loi « ELAN », dont je suis le corapporteur, en insistant sur l’un de ses aspects essentiels, à savoir la rénovation des centres-bourgs. À mon sens, La Poste a un rôle essentiel à jouer dans le maillage du territoire, notamment pour ce qui est de la propriété du foncier, où je compte sur votre aide. La cession en cours de la magnifique poste de Metz implique une opération d’urbanisme de grande ampleur, à laquelle nous avons eu du mal à associer votre entreprise
– ce qui fait que le tri postal est toujours en reconversion au bout de huit ans... Je voudrais attirer votre attention sur le fait que le concours de La Poste, qui est un propriétaire foncier très important, est déterminant dans ces opérations de rénovation du plan « Action Cœur de Ville », qui concernent 222 centres‑bourgs.

M. Fabien Di Filippo. Monsieur le président-directeur général, vous nous dites que la dynamique de baisse de volume du courrier vous conduit à procéder à la diversification et à la rationalisation de vos implantations. Cela se traduit par une réduction des horaires d’ouverture et de la présence de La Poste dans les territoires ruraux périphériques, et par une augmentation des charges pour les collectivités qui reprennent les bureaux de poste. Parallèlement, on assiste à une privatisation d’une partie de vos missions pour les colis comme pour le courrier, qui peuvent même désormais être retirés dans les hypermarchés. Or, les territoires ruraux dont on ferme les bureaux de poste sont aussi ceux où il y a de moins en moins de commerces...

Face à ce constat, vous nous dites que le prix du courrier va augmenter continûment dans les prochaines années, ce qui va avoir pour effet de pénaliser surtout les territoires les plus éloignés des métropoles. En entendant un tel discours, il est difficile pour les Français de ne pas se sentir perdants sur tous les tableaux ! Avez-vous au moins une évolution positive à proposer pour nos territoires ?

Par ailleurs, le choix du nom « Ma French Bank » pour La Banque Postale me paraît assez désespérant : ce n’est plus de l’adaptation, mais une capitulation pure et simple ! Je ne pense pas, pour ma part, que le fait pour nos entreprises publiques d’avoir honte de leur identité puisse être un gage de compétitivité ou de séduction à l’international.

Mme Anne-France Brunet. Il y a eu 7 000 jeunes en alternance à La Poste en 2017, dont la moitié sont accueillis dans les trois centres Formaposte Méditerranée, Midi‑Atlantique et Île-de-France, qui travaillent avec les organismes de formation locale
– essentiellement les lycées et les instituts universitaires de technologie. Pensez-vous que certaines dispositions du projet de loi concernant les centres de formation d’apprentis (CFA) seraient de nature à vous encourager à développer de nouveaux CFA afin de continuer à agir au nom des valeurs de proximité et d’équité ?

M. Jean-Pierre Vigier. La présence de La Poste au sein des territoires ruraux joue un rôle en termes d’aménagement du territoire en apportant aux habitants concernés un service de qualité et de proximité, et surtout en assurant la permanence d’un lien social.

Aujourd’hui, les agences postales communales et intercommunales existent grâce à la collaboration entre les collectivités locales et La Poste, mais surtout grâce aux aides de l’État servant à payer les salaires des agents qui tiennent ces agences. Pouvez-vous nous dire ce qui va se passer le jour où ces aides disparaîtront ? Par ailleurs, comment envisagez-vous la présence de La Poste en milieu rural dans les quinze ans à venir ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le président-directeur général, je voudrais commencer par saluer votre travail et celui de votre prédécesseur : le groupe La Poste a su s’adapter, et doit continuer à le faire.

S’exprimant au nom du groupe La République en Marche, notre collègue Sempastous a exprimé le souhait de voir les quatre missions de service public confiées à La Poste faire l’objet d’une redéfinition à bref délai. Pour ma part, étant législateur depuis maintenant quinze ans, mon expérience me conduit à penser qu’il est toujours préférable de prendre le temps d’observer et de comprendre tous les contextes avant de légiférer. Comme toutes les entreprises françaises, La Poste a surtout besoin d’une certaine stabilité juridique et fiscale pour disposer d’une visibilité lui permettant d’élaborer une stratégie efficiente face à la concurrence.

M. Éric Straumann. De grandes banques de notre pays sont très populaires à l’étranger alors même qu’elles y sont connues sous leur nom français – je pense par exemple à la Société générale ou au Crédit agricole. Je ne peux donc que regretter que vous ayez fait le choix du nom « Ma French Bank » pour faire connaître La Banque Postale en dehors de nos frontières, ce qui ne peut que contribuer à l’affaiblissement de l’usage de la langue française – et c’est un Alsacien qui vous parle !

Par ailleurs, je rentre de Chine, où j’ai constaté une véritable explosion du paiement digital, une pratique qui fait progressivement disparaître la monnaie fiduciaire, y compris dans les plus petites boutiques. Pouvez-vous nous préciser quelle est votre stratégie en la matière ?

Mme Christine Hennion. Monsieur le président-directeur général, les nombreuses questions qui vous ont été posées montrent l’intérêt que suscite La Poste et son importance pour les Français et leurs territoires. Pouvez-vous nous indiquer si vous avez les moyens de mesurer l’évolution de l’image de votre entreprise auprès de nos concitoyens, et plus particulièrement de déterminer s’ils sont satisfaits ?

Par ailleurs, si on a beaucoup parlé de la présence de La Poste dans les territoires et les régions, je pense qu’il ne faut pas oublier les zones denses. Dans les Hauts-de-Seine, par exemple, on constate de vrais problèmes de courrier dans certaines villes, où la distribution ne se fait qu’une fois par semaine. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

M. le président Roland Lescure. La discipline individuelle des intervenants a conduit à l’efficacité collective, ce qui fait que vous disposez d’un peu de temps pour répondre aux questions qui vous ont été posées, monsieur le président-directeur général – bien entendu, vous pourrez nous adresser des éléments complémentaires par écrit si vous le souhaitez.

M. le président-directeur général du groupe La Poste. Je n’y manquerai pas, monsieur le président.

Vous avez été nombreux à évoquer la situation de La Poste dans les territoires. À ce sujet, je rappelle que nous sommes souvent la dernière entreprise présente dans les quartiers prioritaires de la ville. Nous n’avons pas l’intention de déserter, et nous sommes d’ailleurs en train de transformer le dispositif des bureaux de poste, soit pour nous rapprocher des points information médiation multiservices (PIMMS) lorsqu’ils sont présents, soit pour créer des MSAP. Je considère que nous devons continuer à nous développer dans ces zones, et nous essayons d’y attirer les postières et les postiers en différenciant la position salariale, c’est‑à‑dire en offrant des conditions salariales plus avantageuses aux salariés qui y travaillent.

Pour ce qui est des drones, j’ai dit tout à l’heure qu’il y avait une seule ligne commerciale sur la totalité du territoire. Ce dispositif ne me paraît pas applicable aux livraisons de colis dans les zones denses, qui constituent l’essentiel de cette activité. Il n’est pas impossible qu’on utilise un jour des drones pour livrer des colis sur certaines îles, comme l’île de Sein, mais, pour répondre précisément à la question qui m’a été posée, il n’y a pas de contradiction entre, d’une part, le fait de recourir à un drone pour un usage sophistiqué et correspondant à des situations très particulières et, d’autre part, le recrutement de facteurs en zone rurale, dont la présence est nécessaire pour continuer à rendre le service que nos clients attendent de nous.

J’ai bien noté qu’il y avait des problèmes de distribution dans les Yvelines, notamment à Marly-le-Roi, et nous allons nous efforcer de remédier à cette situation. Pour ce qui est des Hauts-de-Seine, la situation particulièrement difficile que l’on rencontre dans trois communes du département est connue, et très clairement liée à des conflits locaux que nous avons du mal à régler ; or, tant que le travail n’a pas repris de manière organisée et fluide à ces endroits-là, il subsiste des problèmes de distribution.

Pour ce qui est de la formation de nos agents à de nouveaux métiers, je précise que notre offre d’assistance pour l’établissement de la télédéclaration des impôts répond à une demande des clients, dont certains ont émis la crainte de ne pas être en mesure de faire seuls leur déclaration fiscale – il semble qu’ils soient plusieurs dizaines de milliers dans ce cas. Par ailleurs, ce dispositif s’applique avant tout aux territoires ruraux. Enfin, il ne concerne que les déclarations simples : si le postier tombe sur une question difficile lors de l’établissement de la déclaration, il invitera le contribuable à se rendre auprès des services des impôts – avec lesquels nous n’entendons évidemment pas entrer en concurrence. Pour ce qui est de la responsabilité, nous l’assumerons, comme nous en avons l’habitude dans le cadre de nos missions de service public, par exemple lorsque nous installons un équipement médical ou lorsque nous remettons une lettre recommandée. En revanche, j’insiste bien sur le fait que ce service simple ne saurait être assimilé à un conseil fiscal : pour obtenir la réponse à une question complexe, les personnes concernées seront, je le répète, invitées à se rendre dans les bureaux de l’administration fiscale. Notre intervention n’a pour objet que d’épargner autant que faire se peut cette démarche aux habitants des territoires ruraux, dont le domicile est parfois très éloigné des villes où sont situés les services fiscaux.

Plus globalement, bien sûr, la diversification des métiers nécessite une diversification de la formation. Évidemment, il n’est pas question que chacun des postières et des postiers fasse tous ces métiers : il y aura une spécialisation. Ainsi, certains postiers auront vocation à jouer le rôle d’écrivain public tandis que d’autres se verront confier la livraison et l’installation d’équipements médicaux, en bénéficiant dans les deux cas de la formation adaptée.

En ce qui concerne les MSAP, je peux vous en donner un premier bilan chiffré. Alors qu’aucune MSAP n’avait été créée sur le territoire entre 2010 et 2015, nous avons décidé, avec le Commissariat général à l’égalité des territoires, l’AMF et l’État, de la création de 500 MSAP, et nous l’avons fait !

Il m’a été demandé si nous étions satisfaits, et si certaines choses restaient à améliorer. Sur ce point, la première chose que nous disent les élus, mais aussi certains clients, c’est que la formation du personnel est encore insuffisante : nous allons donc devoir faire un effort en ce sens. Par ailleurs, il semble que les éléments qui nous sont fournis par nos partenaires – Pôle Emploi, la Mutualité sociale agricole, ou encore la Caisse nationale des allocations familiales – soient insuffisants pour bien informer les personnes : là aussi, il y a encore du travail. Ceci dit, nous sommes absolument persuadés que les MSAP constituent une forme d’organisation de la présence publique – pas simplement de La Poste, mais des collectivités locales et des autres institutions – qui a beaucoup d’avenir.

Il m’est difficile de vous dire combien de maisons de services au public vont être créées dans les années à venir, car cela va dépendre des engagements de l’AMF et de l’État. Des négociations sont en cours et, si chacun souhaite qu’il ait beaucoup de MSAP, nous rappelons tout de même que leur mise en place a un coût – ce point est au cœur de la discussion que nous avons aujourd’hui avec l’État et l’AMF. Si je n’ai pas d’idée arrêtée sur la question, j’estime qu’en tout état de cause, nous pouvons faire beaucoup mieux que les 500 premières maisons créées ; quant au président de l’AMF, François Baroin, il a souhaité qu’il en soit créé au moins 500 de plus.

Pour ce qui est de notre implication dans le domaine des services de proximité humaine et des rapports que nous avons avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire qui étaient présents avant nous – dont certains sont extrêmement puissants –, nous avons déjà conclu des contrats de partenariat, notamment avec l’ADMR et les unions départementales des associations familiales (UDAF). Les besoins en matière de services de proximité vont être considérables dans les années à venir et, dans la mesure où ni les associations ni La Poste ne pourront y faire face seuls, il est de l’intérêt de chacun que nous parvenions à nous mettre d’accord sur une forme d’organisation commune.

Dans certaines régions, l’ADMR fait distribuer par ses opérateurs la tablette Ardoiz, un outil numérique conçu spécialement par La Poste pour les personnes âgées ; beaucoup moins chère que les tablettes habituelles, elle est aussi beaucoup plus simple à utiliser, et son affichage en grands caractères est adapté aux difficultés de vision que peuvent connaître les seniors – malheureusement, il y a aussi d’autres régions marquées par une coopération moins satisfaisante, voire par quelques frictions.

Les besoins en matière de services, rendus nécessaires par le vieillissement de la population, sont tels que la perspective d’une concurrence éventuelle ne m’inquiète absolument pas. Il faut s’entendre et coopérer et nous savons le faire, même si quelques dysfonctionnements sont inévitables. Pour mettre en place cette coopération, nous avons besoin d’un cadre législatif particulier. Le fait que La Poste soit considérée comme un opérateur de services de proximité, avec toute la dimension fiscale que cela implique, est quelque chose de positif. De même, nous serions très favorables à ce que le Parlement vote une disposition permettant que nous soit confié un rôle dans la mission de recensement des communes.

Pour ce qui est de l’échelon intercommunal qui a été évoqué comme futur prescripteur des schémas incitatifs de services publics, nous nous adaptons à la situation de chacun des départements. Si les élus locaux tiennent à retenir l’échelon intercommunal, il suffit qu’ils nous le fassent savoir ! Nous nous adaptons à la commission départementale de présence postale territoriale de chaque département – chacune a sa logique et sa dynamique.

En ce qui concerne l’évaluation des passoires thermiques, nous tirons un bilan très positif de l’expérience faite en Vendée, qui consistait à effectuer, sur la base des constatations effectuées par un facteur au cours de deux visites, une première appréciation des travaux de rénovation thermique nécessaires dans une habitation. Il faut maintenant parvenir à généraliser ce dispositif très efficace en négociant pour cela avec les 100 autres départements, ainsi qu’avec l’ANAH et l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie.

Vous m’avez interrogé sur la journée des facteurs. Sur ce point, il faut savoir que le métier de facteur est en pleine évolution du fait qu’il y a moins de lettres et beaucoup plus de colis et de services. Or, par rapport aux lettres, les colis présentent deux spécificités : d’une part, ils sont plus lourds et plus encombrants, d’autre part ils arrivent plus tard, ce qui implique qu’un nombre croissant de facteurs embauchent non plus à 6 heures 45, mais plutôt à 8 heures ou 8 heures 15. De ce fait, alors que jusqu’à une époque récente, les facteurs commençaient leur journée très tôt pour la terminer vers 13 heures, ils ne peuvent plus le faire, ce qui fait qu’une pause-déjeuner devient obligatoire – ce qui décale d’autant la fin de la journée de travail. Il est évident que le modèle traditionnel de la journée de travail des facteurs est appelé à disparaître au profit d’une nouvelle organisation, qu’il reste à définir par le dialogue social, en essayant de partir sur la base du volontariat. En tout état de cause, du fait du nombre croissant de colis, les objets que nous distribuons arriveront sans doute plus tard demain.

Pour ce qui est de nos relations avec l’AMF, nous en sommes actuellement au quatrième contrat, que nous nous efforçons d’exécuter dans les meilleures conditions, et nous souhaitons conclure un cinquième contrat. Les négociations ont toujours été très positives, même s’il y a eu quelques moments de tension – que nous avons cependant toujours su surmonter –, et nous sommes convaincus que nous parviendrons à signer un nouvel accord avec l’État et l’AMF dans les années à venir.

Dans le cadre de cette relation avec l’ensemble des communes françaises, nous portons une attention toute particulière aux zones de montagne. Bien sûr, le kilomètre fait toujours mille mètres, et la dispersion de l’habitat rend les tournées de plus en plus longues, ce à quoi nous nous efforçons de remédier par la compensation horaire et l’organisation des tournées. Paradoxalement, alors qu’il y a moins d’objets, les tournées s’allongent – ce qui s’explique par le fait qu’il y a moins de personnel.

La question des zones ultramarines a également été évoquée. La Poste est l’une des toutes premières entreprises de chacun des départements d’outre-mer, et même la première dans certains d’entre eux. Vous avez raison de souligner, monsieur le député, que la logique de Mayotte et de la Guyane est très différente de celle des autres départements ultramarins et métropolitains, puisque ce sont les deux seuls départements dans lesquels les volumes du courrier s’accroissent. À Mayotte, il s’ajoute à cela un problème énorme, à savoir l’absence de véritable adressage. Nous travaillons sur cette question avec le préfet et les collectivités locales et, comme vous l’avez souligné, notre présence auprès des habitants, en particulier les personnes âgées, est un élément-clef pour l’avenir.

On nous a souvent interrogés au sujet de notre responsabilité : que se passerait-il si, juste après le départ du facteur, le client qu’il vient de voir était victime d’un accident cardiaque ? À chacune de nos interventions, nous prenons une responsabilité. Je rappelle que notre responsabilité est celle d’un lien social ; à aucun moment elle n’est de santé, et dans certains cas, pour fonctionner, les équipements médicaux requièrent l’intervention d’un médecin et d’une infirmière. Nous ne nous substituons pas aux professionnels de santé.

En ce qui concerne le refus d’ouverture de points-postes ou d’APC, nous choisissons plutôt, dans les villages ou les villes, des magasins affiliés à des chaînes, qui garantissent une viabilité économique supérieure. Dans les petits villages, nous prenons appui sur les petits commerces de proximité, auxquels ce dispositif permet d’avoir plus de clients. Je rappelle que chaque mois La Poste verse de l’argent à ces commerçants ; cela constitue donc une contribution en nature par le flux commercial, mais aussi une contribution en numéraire.

Nous réorientons effectivement l’usage des grandes postes historiques : vous avez pris, monsieur Lioger, l’exemple de Metz, qui représente un chantier immobilier considérable. Nous nous efforçons d’être le plus proactifs possible ; la réalité est qu’il faut trouver un accord avec les villes sur le prix, ce qui ralentit les choses. Nous sommes d’accord sur le projet, mais, s’il y a une cession, il faut un promoteur ou une ville, or nous devons rentrer dans nos frais ; et c’est souvent la négociation du prix qui se trouve à l’origine des retards. En revanche, nous avons vocation à être au cœur de la rénovation des centres-villes ; nous allons vous aider dans ce dispositif qui sera notamment soutenu par la loi « ELAN ».

À Mme Anne-France Brunet je répondrai qu’il nous est difficile de développer l’alternance tant que les services traditionnels régressent. Au demeurant, La Poste est une des principales entreprises d’accueil d’apprentis, et nous recourons également aux centres d’aide par le travail. La Poste est donc une entreprise leader en matière de CFA et, plus globalement, en termes de recours aux entreprises de l’économie sociale.

S’agissant des aides aux services publics, sur laquelle m’a interrogé M. Taugourdeau, je forme le vœu que l’État les maintienne dans les années à venir. Toutefois nous serons conduits à les revisiter d’ici 2022, car elles sont en permanence questionnées par la Commission européenne. Je pense que chacune d’entre elles répond à des besoins profonds, vos questions illustrent assez les besoins en aménagement du territoire : tant que la presse papier existe, elle a besoin d’un distributeur ; le service universel postal est nécessaire à la population ; quant à l’accessibilité bancaire, la question du rapporteur général a assez montré à quel point La Banque Postale est la seule à pouvoir accueillir physiquement tous ses clients.

Le numérique, monsieur Straumann, constitue pour nous un enjeu majeur, la décision a été prise par Rémy Weber de lancer cette aide digitale.

Nous pensons qu’il y aura demain la place pour deux banques, une banque de transaction, où l’on règle soi-même ses virements et opérations, c’est la banque digitale ; l’autre banque est de relation, où un conseil humain est présent pour répondre à des problèmes bancaires ou de patrimoine, et l’on y sera très content de garder La Banque Postale.

Je ne crois pas – mais c’est sans doute l’effet de l’âge et de l’expérience – qu’une famille puisse laisser un robot décider de l’acquisition d’une maison ou de la constitution d’un patrimoine en vue de la retraite ou du financement des études des enfants. Je crois que l’interaction, la capacité de l’être humain à s’adapter à toutes les situations, sont très précieuses. Si le robot est excellent pour délivrer une situation définie de A à Z, ce qui par définition n’est jamais le cas des contacts humains.

Le choix de La Banque Postale est donc d’offrir les deux possibilités : la banque digitale demain et la banque de proximité toujours.

À Mme Christine Hennion qui m’a demandé ce que les Français pensaient de notre entreprise, je ferai part de deux sondages récents commandés par le journal Le Figaro. Le premier, publié au mois de septembre 2017 demandait aux personnes interrogées quelle était leur entreprise préférée : La Poste est sortie première devant EDF, la SNCF et Décathlon. En février 2018, on a demandé aux Français quelle était l’entreprise la plus utile dans la vie quotidienne : La Poste est à nouveau sortie numéro un, et EDF numéro deux.

Nous sommes l’entreprise préférée des Français ce qui nous comble, nous remplit de fierté et nous assigne des devoirs pour continuer à développer notre groupe.

M. le président Roland Lescure. Merci, monsieur le président-directeur général. J’ignore si vous êtes l’orateur préféré des commissions des affaires économiques et des finances, mais vous avez eu du succès, comme le montrent le nombre et la qualité des questions ainsi que la capacité de synthèse dont vous avez fait preuve dans vos réponses.

M. le président-directeur général du groupe La Poste. Merci, monsieur le président, pour votre accueil. Mesdames et messieurs les députés, merci beaucoup de l’intérêt que vous portez au groupe La Poste.

 

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Membres présents ou excusés

 

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 9 h 45

 

Commission des affaires économiques

 

Présents. - M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Anne-France Brunet, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, Mme Emmanuelle Ménard, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoît Potterie, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers

 

Excusés. - Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. José Evrard, Mme Annaïg Le Meur, M. Serge Letchimy