Compte rendu

Groupe de travail sur les moyens de contrôle et d’évaluation du Parlement

 

 

 Audition de représentants des groupes politiques : M. Marc Fesneau, président du groupe MODEM, Mme Valérie Rabault, présidente du groupe Nouvelle Gauche et M. Ugo Bernalicis, représentant du groupe La France Insoumise                             2

 

 


Jeudi  
19 avril 2018

Séance de 10 heures 45

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2017-2018

Présidence de
M. Jean-Noël Barrot, Président


—  1  —

La réunion débute à 10 heures 50.

Présidence de Jean-Noël Barrot, président.

Le groupe de travail procède à l’audition de représentants des groupes politiques.

 

 

M. le président Jean-Noël Barrot. Chers collègues, merci beaucoup à vous d’avoir répondu à l’invitation de notre groupe de travail consacré à l’évaluation et aux moyens de contrôle du Parlement. Il s’agit, comme les autres groupes de travail institués par François de Rugy et missionnés par le Bureau de l’Assemblée nationale, d’un groupe transpartisan qui, dans un premier temps, a travaillé à identifier les verrous constitutionnels s’opposant au renforcement des moyens d’évaluation et de contrôle du Parlement. Nos propositions ont été intégrées aux propositions globales faites par François de Rugy, transmises au Président de la République et au Premier ministre en vue de la révision constitutionnelle.

Ce printemps, notre mission est d’essayer de définir ce que pourraient être les outils et les moyens humains, financiers et techniques qui nous permettraient d’améliorer notre travail d’évaluation et de contrôle, à la fois en amont du vote des lois et en aval, une fois que les lois ont été mises en œuvre.

Nous avons, pour bâtir le rapport qui sera rédigé par Jean-François Eliaou, notre rapporteur, décidé d’interroger les parties prenantes de l’Assemblée, c’est-à-dire les responsables d’organes d’évaluation et de contrôle, les présidents de commissions et les responsables de groupes politiques. Nous avons également entendu diverses parties prenantes de la branche exécutive, comme le Secrétaire général du Gouvernement ou France Stratégie. Nous avons enfin prolongé nos travaux à l’étranger par différents voyages d’études, la semaine dernière aux États-Unis, où nous avons rencontré les responsables des organes d’évaluation et de contrôle dont dispose le Congrès, puis au Royaume-Uni, cette semaine, dans la même optique.

Nous aimerions connaître vos attentes en matière d’évaluation et de contrôle, que vous nous disiez notamment dans quels domaines particuliers vous ressentez le besoin de disposer d’une capacité d’expertise et quel serait, selon vous, la structure la mieux à même de vous apporter cette assistance. Quels devraient être, à vos yeux, les conditions de saisine de cet organe d’expertise et quels droits devraient être reconnus en la matière aux différents groupes politiques ?

M. Marc Fesneau, président du groupe Mouvement Démocrate et apparentés. C’est peu dire, me semble-t-il, que l’ensemble des groupes politiques seront d’accord sur l’absence criante de moyens d’expertise à notre disposition.

Cette expertise doit d’abord répondre à des besoins ex ante, c’est-à-dire qu’elle doit nous permettre de nous saisir des textes quand ils arrivent. Cela vaut en particulier pour les textes budgétaires, mais pas seulement. Nous devrions en effet pouvoir confronter au chiffrage qui nous est communiqué par le Gouvernement notre propre évaluation, ce qui inclut le coût des mesures proposées mais également leur portée et les économies qu’elles sont susceptibles de générer. Or ce sont aujourd’hui des calculs auxquels nous sommes dans l’incapacité de procéder.

Par ailleurs, notre nécessaire expertise ex ante ne se limite pas aux seules questions budgétaires, mais doit également porter sur les choix scientifiques ou techniques qui s’offrent à nous. Il est toujours possible, dans ces cas-là, de faire appel à une expertise extérieure, au gré des situations, mais sans que cela procède jamais d’une démarche véritablement structurée obéissant à des processus prédéfinis.

Pour ce qui concerne ensuite l’évaluation ex post, sans doute disposons-nous de davantage d’outils, mais il nous reste difficile d’évaluer en continu l’efficacité des lois adoptées.

Il me semble, cela étant posé, que cette question de l’expertise ne peut être déliée de celle du temps parlementaire. Quels que soient en effet les outils d’expertise dont nous disposons, ils ne seront d’aucune utilité si nous ne disposons que de vingt-quatre ou quarante-huit heures entre la transmission des textes par le Gouvernement et le moment où nous devons en débattre.

Je veux enfin insister sur le fait que, quelle que soit sa forme, nous devons disposer d’un outil qui nous soit propre, spécifiquement dédié, et que nous n’ayons pas à partager avec telle ou telle autre instance, notamment exécutive. Cela pourrait déboucher sur des antagonismes d’autant plus embarrassants que le Gouvernement et le Parlement n’exerçant pas les mêmes missions, ils ne cherchent pas, en tant que donneurs d’ordre, les mêmes réponses. Si l’on peut par ailleurs, dans un premier temps, envisager la création d’un tel office pour l’évaluation budgétaire, on ne saurait, comme je l’ai dit, s’en tenir à ce domaine particulier.

Reste enfin la question de la gouvernance d’un tel office, car il ne saurait en effet être question de donner à chaque député un droit de tirage. L’assignation de ses missions devrait donc, plus vraisemblablement, relever d’un arbitrage entre les saisines des commissions et celles des groupes, selon des mécanismes et des critères à définir. Cette question du pilotage exige d’autant plus d’être clarifiée qu’il y aura toujours des parlementaires ayant besoin d’une expertise ponctuelle concernant tel ou tel sujet sur lequel ils se sont spécialisés – il n’y a qu’à voir les textes actuellement à l’ordre du jour pour s’en persuader. Et, si l’on veut être efficace, il est tout à fait essentiel d’éviter tout engorgement du système au stade de l’expertise.

Cela m’amène à la question des moyens. Cette expertise renforcée doit de facto être envisagée comme une nouvelle mission de l’Assemblée nationale, susceptible donc de générer de nouvelles dépenses. Nous devons assumer le fait qu’elle ne pourra se faire à moyens constants, en se gardant d’imaginer qu’à la faveur de la révision constitutionnelle et de la réduction du nombre de parlementaires, il suffira d’y affecter les économies réalisées. Non, car ce que nous voulons, c’est que les moyens dégagés par la réduction du nombre des parlementaires servent à doter les parlementaires de moyens supplémentaires et non à financer un nouvel office.

M. Ugo Bernalicis, représentant du groupe La France insoumise. En matière d’expertise, d’évaluation et de contrôle du Parlement, la problématique centrale est clairement celle du temps. Quel que soit le nombre de parlementaires, ils ne peuvent émettre un avis éclairé dans des délais contraints et restreints. C’est toute la question de l’organisation du temps parlementaire qui est posée ici, sachant que, pour ce qui me concerne, mercredi dernier, à dix heures trente du matin, il aurait fallu que je puisse me trouver à cinq endroits simultanément, pour assister à des réunions ou à des auditions auxquelles je souhaitais assister. Comment puis-je fournir une évaluation de qualité dans ces conditions ?

Sanctuariser du temps d’évaluation et d’expertise me semble donc primordial. Certes, il existe des semaines dévolues au contrôle, mais que penser de ces séances de questions auxquelles les ministres apportent les réponses qu’ils veulent bien nous donner, de manière aléatoire et sans être toujours de bonne foi ? Je n’appelle pas cela du contrôle, et nous ferions mieux d’utiliser ce temps-là pour se déplacer dans les administrations, voir comment elles fonctionnent et faire du contrôle sur place et sur pièces.

Pour remédier au fait qu’un député ne puisse assister simultanément à quatre auditions, on pourrait imaginer qu’il soit suppléé par son équipe ou par son groupe : mais encore faut-il que le groupe soit assez nombreux, et encore faudrait-il aussi que les auditions puissent être ouvertes aux collaborateurs des parlementaires. J’entends bien que, si l’on n’accepte pas qu’un assistant parlementaire assiste seul à une audition, c’est pour éviter que les parlementaires n’y assistent plus eux-mêmes, sauf que, dans 90 % des cas, ce sont principalement les députés en charge du projet de loi ou de la commission ad hoc qui conduisent ces auditions, et il est donc hypocrite d’empêcher les autres parlementaires de se faire représenter par leurs collaborateurs. L’une des solutions consisterait donc à filmer l’intégralité des auditions pour les mettre à disposition non seulement des parlementaires mais également du grand public.

Lors de la discussion budgétaire, nous auditionnons les directeurs d’administration centrale, qui conduisent, sous le contrôle du ministre, la mise en œuvre du budget que vote l’Assemblée. Particulièrement intéressé pour ma part par le budget de la mission « Sécurité », je n’ai pourtant pu assister qu’à deux auditions, et j’ignore tout de ce qui s’est dit lors des autres, puisque rien n’a été filmé et qu’il n’existe pas de compte rendu. Et pourtant, je vote ensuite le budget.

On me rétorque que le propos est plus libre lorsque l’audition se déroule sans caméra ni compte rendu, ce qui, du coup, soulève à mes yeux d’autres questions : que se dit-il, lors de ces auditions, que n’auraient pas le droit d’entendre nos concitoyennes et nos concitoyens, dont nous sommes les représentants ?

Je pense donc que l’amélioration du contrôle et de l’évaluation auxquels nous procédons passe avant tout par le fait que tout le monde puisse avoir accès à toutes les auditions, sachant que, dans le cas d’informations trop sensibles pour être divulguées au grand public, ces auditions peuvent toujours se dérouler à huis clos, lequel doit demeurer l’exception, et l’ouverture au public la règle.

Je voudrais m’arrêter un instant sur la loi de finances, qui est évidemment déterminante pour les politiques publiques. À cet égard, renforcer l’évaluation du Parlement au moment de la loi de règlement, ainsi que l’a proposé le président de la commission des finances – avec lequel je n’ai aucune espèce d’accointances politiques –, me paraît une excellente idée. Ce qui me pose problème en revanche, c’est qu’il envisage le renforcement de cette évaluation au détriment du temps consacré au débat sur la loi de finances initiale. Selon moi, au contraire, ce second moment d’examen de la loi de finances doit s’ajouter au premier et permettre d’observer l’exécution du budget de l’État dans le temps. En tant qu’ancien fonctionnaire d’administration centrale ayant occupé des fonctions financières, j’estime en effet que chaque étape du cycle budgétaire a son importance et que l’enjeu des discussions n’est pas le même au printemps et à l’automne. Vouloir faire porter tout l’effort sur les discussions de printemps et opposer la loi de finances initiale à la loi de règlement est donc une erreur.

Cela étant, je suis favorable au fait d’élargir le temps parlementaire consacré à la loi de règlement. Je pense également qu’il faut ouvrir le droit à amendement pour les indicateurs de performance. On explique toujours aux fonctionnaires de l’administration centrale qu’on ne peut faire de bonne évaluation sans critères d’évaluation, et que c’est à partir de ces critères que l’on évalue les performances. Or le Parlement, qui pourtant, par son vote, détermine les politiques publiques de la nation, n’a pas son mot à dire sur ces critères d’évaluation qui sont du seul ressort de l’exécutif. Pouvoir amender ces critères dans les projets annuels de performance me semble donc un exercice plutôt sain, qui participe de cette culture du contrôle de l’action gouvernementale que nous devons nous approprier.

En matière d’expertise, nous devons également apprendre à mobiliser les citoyens. Nous procédons déjà ainsi au sein de la France insoumise, en organisant pour chaque texte de loi dont nous allons débattre nos propres auditions ainsi que des débats contradictoires réunissant des associations, des syndicats ou des personnalités impliquées ; tous ces échanges sont systématiquement filmés et mis en ligne.

Dans cette même optique, le groupe de travail sur la démocratie numérique dont je fais partie a établi des propositions visant à améliorer la participation citoyenne, comme la création d’un droit d’amendement citoyen ou encore l’idée d’un quota de questions citoyennes au Gouvernement. Ce sont autant d’innovations qui donneraient une autre dimension à l’évaluation et au contrôle tels que nous aimerions qu’ils soient désormais pratiqués au sein de cette assemblée et à laquelle nous aimerions davantage associer les citoyennes et les citoyens, y compris au stade de l’élaboration de la loi.

La France insoumise organise souvent des « ateliers des lois », dont elle tire notamment les propositions de loi présentées dans ses niches parlementaires. Pourquoi ne pas envisager, dans le même esprit, que, dans la phase d’élaboration de la loi, l’Assemblée puisse réunir des personnalités capables de nous apporter leurs compétences et leur expertise technique, concrète et précise, sur certains sujets ? Sur le projet de loi asile et immigration, dont nous débattons actuellement, nous avons, sur nos réseaux, de nombreux retours de personnes qui travaillent à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et qui contestent, à partir de leur expérience, ce qui s’est dit dans les débats et ce qui est proposé par la loi, au motif que cela ne correspond pas, selon eux, à la réalité du terrain. Or, c’est au moment où nous fabriquons la loi que nous aurions besoin de ces avis et, si je conviens que des personnalités extérieures n’ont pas leur place dans l’hémicycle, le travail effectué en commission se prête parfaitement à ce que l’on y associe des citoyens.

J’en terminerai par la question du nombre de parlementaires. Vous aurez beau avoir les équipes les plus fournies, les plus spécialisées, les plus expertes et les plus loyales, elles ne remplaceront jamais la présence du parlementaire pour s’approprier le sujet et émettre ensuite un vote éclairé. Je ne vois pas comment on entend améliorer l’expertise et l’évaluation, accroître les missions du Parlement, tout en diminuant le nombre de ses membres. Au sein d’un petit groupe comme celui de La France insoumise, nous savons ce que se partager le travail veut dire, et c’est ce qui nous permet de défendre le nombre d’amendements que nous défendons. Mais ce partage a des limites physiques, car nous ne sommes que des êtres humains, et il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée. Pour moi, diminuer le nombre de parlementaires va donc à l’encontre de l’objectif poursuivi, sachant a fortiori qu’avec quatre cents députés nous serions l’une des démocraties représentatives du monde disposant du pire ratio de parlementaires par habitant.

Nous pensons que, plus globalement, au-delà de l’Assemblée nationale, c’est toute la République qu’il faut refonder pour améliorer l’évaluation et l’expertise, notamment l’expertise citoyenne. C’est pour cela que nous appelons à la constitution d’une VIe République, qui serait mise en place par une assemblée constituante, laquelle aurait pour seule mission de débattre d’une nouvelle Constitution replaçant les citoyennes et les citoyens au cœur de la prise de décision, selon un principe primordial qui ne serait plus celui du contrôle de l’exécutif par le Parlement mais celui du contrôle des élus par le peuple. C’est dans cette perspective que nous soutenons une idée-phare : la possible révocation des élus par le peuple en cours de mandat. C’est là, nous semble-t-il, un bel outil de contrôle.

M. le président Jean-Noël Barrot. Je rappelle que les ambitions de notre groupe de travail ne sont pas démesurées. Nous nous donnons pour objectif de définir un cahier des charges indiquant le nombre de personnes nécessaires et leur profil, ainsi que ce que pourrait être la gouvernance d’une structure d’évaluation à la disposition des parlementaires. Nous accueillons donc toutes les idées, sans vous assurer néanmoins qu’elles trouveront un écho dans le rapport final.

Mme Valérie Rabault, présidente du groupe Nouvelle Gauche. L’un des points faibles du Parlement est le manque d’autonomie dont il dispose pour mener ses évaluations, sachant qu’il faut parvenir à un partage équilibré des tâches et que l’indépendance dont nous disposons ne se traduise pas par des travaux redondants par rapport à ce qui se fait déjà ailleurs. C’est le tracé de cette ligne de crête qu’il nous appartient d’ébaucher, en définissant des moyens que chacun aura à cœur de rendre les plus efficaces possible.

En ce qui concerne l’évaluation dans le domaine financier et budgétaire, l’Assemblée nationale est aujourd’hui le seul Parlement, si on le compare aux parlements britannique, allemand ou italien, à ne pas produire d’évaluation indépendante des mesures proposées par le Gouvernement, ce qui crée de nombreuses difficultés. Ainsi, lorsque le Gouvernement dépose à la dernière minute – pratique dont il est assez coutumier –, la nuit en nouvelle lecture, des amendements techniques de six pages, par exemple sur des concessions autoroutières, qui peuvent faire bouger le curseur de la dépense de plusieurs centaines de millions d’euros, il est impossible pour les parlementaires de se faire une idée précise de ce différentiel.

Une manière de remédier à ce type de difficulté serait de créer un office d’évaluation parlementaire, qu’il ne serait pas incongru de partager avec le Sénat. À titre d’exemple, lors de la dernière législature, les deux commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat avaient constitué un groupe de travail commun, transpartisan, et recouru à un cabinet de conseil extérieur pour réfléchir à la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Pour cette initiative inédite sous la Ve République, nos deux commissions avaient mobilisé un budget de 25 000 euros destiné à financer des études que nous pourrions opposer à Bercy.

Ce dispositif, dédié uniquement à la fiscalité locale avait très bien fonctionné et pourrait constituer une préfiguration de ce que devrait être un groupe d’évaluation permanent, composé d’administrateurs de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en détachement. J’ignore si, du fait de la séparation des pouvoirs, il est possible aujourd’hui d’avoir recours à de tels profils, mais je plaide en tout cas pour que les personnes recrutées le soient sur leurs compétences en calcul macroéconomique, ce qui n’est pas le cas de nos administrateurs, qu’on ne recrute pas pour faire du chiffrage.

J’en viens à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et au petit bijou que constitue à mes yeux son article 57, qui permet à deux députés et deux sénateurs d’aller chercher à Bercy toutes les données qu’ils souhaitent, sans autorisation et sans qu’aucun secret fiscal leur soit opposable. Nous aurions intérêt à ce que cette possibilité soit davantage connue des parlementaires, et que le président de la commission des finances comme le rapporteur général n’hésitent pas à aller « faire leurs courses » à Bercy. Il faudrait ensuite que – dans le respect, évidemment, du secret fiscal – ces données puissent être mises à disposition de l’ensemble des commissions. Aujourd’hui, le président et le rapporteur général ont tendance à user de ce pouvoir intuitu personæ, du fait notamment des relations qu’entretient le rapporteur général, issu de la majorité, avec le Gouvernement. Or le Gouvernement doit cesser de prendre ombrage de ces demandes légitimes d’information et considérer qu’elles ressortissent du fonctionnement normal des institutions.

S’agissant enfin du fond même de l’évaluation, les données fournies à l’occasion des lois de règlement ne sont jamais très explicites. Ainsi, au moment du débat sur les créations de postes dans la police et la gendarmerie, il a fallu que le ministre de l’époque, Bernard Cazeneuve, mandate une mission d’inspection générale pour établir le nombre précis de fonctionnaires, et je trouve hallucinant qu’on ne puisse disposer pour chaque administration des équivalents temps plein travaillé (ETPT) –, au motif que ce sont des données que la loi de règlement ne fournit pas.

Il faut savoir que, quelle que soit sa couleur politique, le Gouvernement n’a jamais aucune intention de fournir ces données au Parlement. Il nous faut donc faire pression sur lui. Dans cette optique, il me paraîtrait opportun qu’en préparation des débats sur la loi de règlement, l’ensemble des rapporteurs spéciaux fassent parvenir à Bercy leur liste de courses, c’est-à-dire les données précises qu’ils veulent se voir communiquer. Pour ma part, lorsque j’étais rapporteure générale, j’envoyais à Bercy des fichiers Excel dont j’exigeais qu’ils soient dument complétés.

La création d’un office animé par des administrateurs de l’INSEE ou des profils équivalents, la systématisation de l’usage de l’article 57 de la LOLF, pas uniquement à Bercy mais dans l’ensemble des administrations, et enfin un travail, là encore systématique, de collecte d’informations en amont de la loi de règlement, voire, comme le suggérait Ugo Bernalicis, un droit de regard du Parlement sur les indicateurs de performances, permettraient déjà, selon moi, à notre Parlement de se prévaloir d’un poids équivalent à celui qu’ont les parlements dans d’autres démocraties.

M. le président Jean-Noël Barrot. Je me souviens du débat que nous avons eu avec M. Bernalicis lors de l’examen du budget relatif à l’asile et à l’immigration : sans doute est-ce sur les rapporteurs spéciaux qu’il faut exercer une pression pour qu’ils rendent compte des indicateurs auprès des députés selon la démarche adoptée par Mme Rabault.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. J’apprécie votre présence en tant que représentants de groupes et je déplore l’absence du groupe majoritaire, auquel j’appartiens, M. Giraud s’étant excusé.

Faut-il se persuader de la crédibilité des études d’impact émanant de l’exécutif ? Sinon, pourquoi ne croit-on que partiellement à ces études d’impact – de véritables pavés – qui nous sont présentées lors de l’examen des projets de loi ? De cette question découle toute la réflexion sur la création et les missions d’un office parlementaire : si l’on croit aux études d’impact, cet office pourrait ne produire que des évaluations ex post, mais, dans le cas contraire, il produirait des évaluations ex ante et ex post. Lors de son audition, le secrétaire général du Gouvernement nous a assuré que les études d’impact sont conduites avec sérieux, que leurs résultats ne doivent souffrir aucune contradiction et qu’elles constituent un substrat solide sur lequel fonder les décisions politiques. A contrario, si l’on ne croit pas aux conclusions des études d’impact, alors le Parlement doit se doter d’une structure interne d’évaluation au même niveau qui dispose, comme l’a indiqué M. Bernalicis, du temps nécessaire – et donc d’un agenda –, ceci entraînant un certain nombre de conséquences pratiques et logistiques. Encore une fois, tout part de cette question initiale : croit-on aux études d’impact et, si l’on n’y croit pas, pourquoi ? Certains d’entre nous sommes fonctionnaires ou anciens fonctionnaires : nous respectons l’intérêt général et nous sommes là pour servir. Lorsqu’un haut fonctionnaire, lui aussi là pour servir, produit des études crédibles, il faut pouvoir expliquer pourquoi on ne le croit pas.

Deuxième point : les conséquences des travaux d’évaluation ex post. Dans les avant-projets de loi que nous adresse le Gouvernement sous forme de documents martyrs – ce qu’ils sont en effet : des documents martyrs –, il est bien précisé que les conséquences des travaux d’évaluation ex post pourraient susciter la présentation de projets de loi visant à rectifier la loi initiale. Combien de temps faut-il consacrer à cette évaluation ? Selon quels critères doit-elle être conduite ? Ces critères doivent-ils être fixés dans la loi ou simplement mentionnés dans l’exposé des motifs ? Conformément à notre feuille de route, ce sont des éléments aussi pratiques que ceux-là qu’il nous appartient de préciser.

Enfin, l’attribution de moyens supplémentaires à l’Assemblée nationale ne se traduira pas forcément par une hausse de la dépense publique. Le changement de tutelle de structures et de moyens existants, qui seraient placés sous l’autorité de l’Assemblée nationale, serait neutre pour les finances publiques, même si le budget de l’Assemblée, lui, augmenterait visiblement.

M. Régis Juanico. L’idée relative à la procédure budgétaire qu’a évoquée M. Bernalicis n’est pas neuve puisque nous l’avions formulée, avec François Cornut-Gentille, lorsque le président Claude Bartolone nous avait missionné sur le sujet : comment faire de l’examen du projet de loi de règlement une étape majeure d’évaluation et de contrôle des politiques publiques ? L’examen du projet de loi de finances – une loi d’intention – dure trois mois tandis que celui du projet de loi de règlement – c’est-à-dire la loi de vérité budgétaire – dure trois heures. Nous avions, grosso modo, proposé d’inverser ce rapport en réduisant de quelques semaines la procédure budgétaire automnale et en tenant de véritables séances de contrôle lors de la présentation du projet de loi de règlement, consistant à passer au gril des responsables de programmes et d’administrations, sans se contenter de séances « en coton » comme c’est parfois le cas pendant les semaines dites de contrôle. Nous avions expérimenté cette idée sur deux sujets, mais elle n’avait pas fait florès – car les idées mettent parfois du temps avant de prendre corps. Je me réjouis donc qu’un processus soit entamé dès cette année pour que nous passions à l’étape des travaux pratiques.

Il faut sanctuariser le temps de contrôle et d’évaluation, qui devra constituer au moins un quart du temps de travail parlementaire, et ménager des temps de respiration dans la semaine – comme le sont les réunions du jeudi de notre groupe de travail. 

Puisque Mme Rabault et M. Bernalicis sont d’accord sur la nécessité de doter l’Assemblée nationale d’un organe spécifique disposant de préférence de moyens supplémentaires et composé de profils particuliers – statisticiens et économistes – capables d’évaluer en temps réel les amendements substantiels qui nous sont présentés par le Gouvernement et par les parlementaires, permettez-moi de vous poser la question suivante : cet office doit-il selon vous posséder des capacités d’évaluation et d’expertise ex ante afin de porter un jugement sur la qualité des études d’impact du Gouvernement ? Dans ce cas, faudrait-il recourir de manière plus systématique à des équipes scientifiques externes et à des universitaires pour nous aider dans ce travail ? Nous le faisons déjà dans une certaine mesure pour ce qui concerne l’évaluation ex post avec le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) moyennant un budget d’environ 150 000 euros par an, ce travail d’évaluation portant sur un quart des rapports du CEC. Faut-il mettre l’accent sur l’évaluation ex ante et l’amélioration des études d’impact, afin d’éclairer le regard du Parlement ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Il faut trancher la question du lien à établir entre la nécessité d’un outil spécifique et les moyens à y consacrer au regard de la diminution du nombre de parlementaires. Au fond, la demande de moyens supplémentaires dédiés à une expertise dont nous avons besoin pour mieux légiférer constitue un progrès démocratique, mais il ne faudrait pas qu’il soit contrebalancé par le recul démocratique que serait la baisse du nombre de parlementaires. Le lien entre l’augmentation des moyens pour mieux légiférer et la baisse du nombre de parlementaires crée une forte ambiguïté qu’il faut préalablement lever. 

M. le président Jean-Noël Barrot. J’ajoute une dernière question : faut-il selon vous donner des droits de tirage concernant cet office aux groupes, aux commissions ou aux députés ?

M. Marc Fesneau. On peut entendre l’argument, monsieur Dufrègne, selon lequel la baisse du nombre de parlementaires doit s’accompagner d’une hausse des moyens dont dispose chaque parlementaire à titre individuel. En l’occurrence, les moyens affectés à la capacité d’évaluation du Parlement le seraient à titre collectif.

S’agissant de la crédibilité des études d’impact, monsieur le rapporteur, elles semblent à nos collègues varier en volume et en qualité selon leur temporalité mais, en tout état de cause, je ne saurais imaginer d’étude d’impact qui ne souffre aucune contradiction. Sinon, nous obérerions notre capacité à nous confronter avec l’appréciation ex ante des effets d’un texte de loi qui figure dans une étude d’impact en ne disposant pas de nos propres capacités de contre-expertise. Je ne mets naturellement pas en cause les travaux conduits dans le cadre des études d’impact actuelles, mais tout dépend de ce que l’on y cherche et de ce qu’elles visent à démontrer, et les critères de présentation varient certainement suivant que l’étude émane du Gouvernement ou du  Parlement.

Nous avons beaucoup envisagé les questions d’évaluation et de contrôle des textes budgétaires, mais nous avons également besoin d’expertise sur des textes ordinaires – je pense aux états généraux de l’alimentation ou à l’asile et l’immigration, par exemple. De ce fait, madame Rabault, il ne faut pas seulement recruter des spécialistes du calcul, car nous réduirions alors nos capacités d’évaluation et de contrôle au temps budgétaire, alors même que d’autres types de texte présentent des difficultés.

Les documents martyrs sont faits pour être martyrisés, monsieur le rapporteur, mais les évaluations ex post ne nécessitent pas toujours une traduction législative dans des textes rectificatifs. Autre question : celle de la temporalité de l’évaluation ex post. Quel est le pas de temps au-delà duquel il devient possible de mesurer l’impact d’un texte ? J’ignore la réponse à cette question – qui dépend sans doute des textes concernés – mais elle n’est pas neutre pour notre réflexion. Quoi qu’il en soit, il me semble important que l’office se dote d’outils et de critères d’évaluation.

La création de cet office peut se faire à enveloppe budgétaire constante, sans impact sur les finances publiques, mais il ne faut pas non plus se contenter de rassembler des expertises qui existent déjà ailleurs. Évitons le risque de consanguinité : il faut des apports extérieurs et des regards nouveaux. Il ne suffira pas de reproduire des schémas d’évaluation pour garantir l’indépendance de jugement de cet office. La pluralité des acteurs – notamment universitaires – est utile à la confrontation des points de vue.

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Oui, mais pas forcément indispensable.

M. Marc Fesneau. Certes, mais elle me paraît souhaitable. J’ajoute que le fait que cet office soit commun au Sénat et à l’Assemblée ne me gênerait pas, même si la question du droit de tirage se posera. Il me semble que c’est aux commissions qu’il doit revenir en priorité, car c’est avant tout à elles qu’incombe la mission d’analyse et d’expertise ex ante et ex post d’une loi, étant entendu que le droit de tirage serait accordé aux commissions à titre collectif et à leurs présidents. Peut-être les groupes pourraient-ils également en bénéficier sur des questions dont ils souhaitent se saisir, à condition que cela n’encombre pas le travail d’accompagnement des commissions qu’aura à accomplir l’office.

Mme Valérie Rabault. Croyons-nous aux études d’impact du Gouvernement ? Je répondrai par un exemple concret. Lorsque le précédent gouvernement a décidé de majorer de 10 % le revenu fiscal de référence des retraités, nous avions demandé un bilan du nombre de personnes concernées et des montants qu’elles auraient à acquitter en sus, par décile – autrement dit, un calcul relativement simple – en incluant tous les éléments à un instant T, car les lois de finances comportent souvent des mesures qui produisent des conséquences plusieurs années plus tard. Or, Bercy n’a pas répondu à cette demande, m’incitant donc à m’y rendre à l’improviste pour une enquête sur pièces et sur place. Consultant le fichier concerné, je m’étonne qu’il n’y soit pas tenu compte des conséquences de l’inclusion de la demi-part fiscale votée sous le mandat de M. Sarkozy. La directrice générale du Trésor, présente, a relayé ma question, à laquelle le fonctionnaire concerné a apporté la réponse suivante : parce que cette disposition avait été votée sous le quinquennat précédent. C’est ainsi que cette mesure, que les contribuables commençaient de payer, ne figurait pas dans le calcul demandé.

En clair, il existe une forme d’autocensure dans les études d’impact, par peur de déplaire au Gouvernement notamment. C’est très concret !

M. Jean-François Eliaou, rapporteur. Et très français !

Mme Valérie Rabault. Tout à fait. Il faut donc que les études d’impact précisent les hypothèses sur lesquelles elles reposent par des phrases complètes, ce qui n’est jamais le cas : les termes employés sont souvent incompréhensibles. La réunion que la commission des finances a tenue hier sur la SNCF a été houleuse : nous connaissons les ingrédients de la recette, mais il ne nous est pas précisé si nous devons préparer une choucroute ou un gâteau au chocolat. Il est essentiel de questionner les études d’impact, car Bercy ne répond qu’aux questions précises qui lui sont adressées, ce qui suppose de bien connaître les mécanismes concernés, faute de quoi la réponse à une question mineure risque de masquer l’existence d’un problème majeur.

M. Ugo Bernalicis. Exactement.

Mme Valérie Rabault. Quoi qu’il en soit, cette forme d’autocensure, qu’elle soit ou non demandée par les ministres, existe. Questionner les études d’impact ne revient pas à les remettre en cause mais à se prémunir contre cette autocensure, qui biaise considérablement les études d’impact. Nous ne sommes pas tous des experts de l’élaboration des lois de finances et des éclairages sont indispensables.

Deuxième exemple : en 2012, alors que j’étais rapporteure du budget de la sécurité sociale pour la commission des finances, je m’étais étonnée auprès d’un ancien ministre de la santé – de droite – que le format budgétaire change chaque année, ce qui interdit toute comparaison d’une année sur l’autre. Il m’avait alors déclaré qu’il refaisait chaque année le tableur lui-même. Autrement dit, le petit jeu consistant à changer de format concerne toutes les missions budgétaires, mais l’impossibilité de comparer les données est désastreuse. Au moins faut-il établir une comparaison homogène pendant la durée d’un quinquennat pour permettre la comparaison de périmètres semblables. C’est aussi à s’assurer que l’on compare des données comparables que doit servir le questionnement des études d’impact.

Enfin, s’il est créé, l’office d’évaluation devra, sous réserve de la protection du secret fiscal et du secret des affaires, bénéficier du même droit qu’ont le président de la commission des finances et le rapporteur général d’aller chercher les données à Bercy et ailleurs, comme le prévoit l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances ; dans le cas contraire, il n’aura aucune utilité.

S’agissant du droit de tirage, la majorité finit toujours par y trouver son compte en raison des liens qu’elle entretient avec le Gouvernement, qui lui facilitent la tâche par rapport à l’opposition. À mon sens, il faut donc répartir le droit de tirage en deux moitiés : l’une pour la majorité et les commissions, l’autre pour l’opposition, qui souffre le plus lors des évaluations.

M. le président Jean-Noël Barrot. Toutes commissions comprises ?

Mme Valérie Rabault. Oui, car elles sont toutes dirigées par la majorité, à l’exception de la commission des finances.

M. le président Jean-Noël Barrot. Nous avons observé deux systèmes à l’étranger : soit les commissions sont présidées par un membre de la majorité, comme aux États-Unis, auquel cas  celui-ci partage le droit de tirage prioritaire avec le chef de l’opposition au sein de la commission, soit les présidences de commission sont partagées entre majorité et opposition, comme au Royaume-Uni, et les droits de tirage sont partagés en conséquence, reflétant le pluralisme de l’assemblée.

M. Ugo Bernalicis. Faut-il croire aux études d’impact ? Il faut croire à leur part de vérité. Comment les parlementaires de mon groupe politique se font-ils un avis sur les textes qui leur sont présentés ? Nous lisons le texte lui-même ainsi que l’étude d’impact, puis nous interrogeons de très nombreuses personnes. Mon réflexe d’ancien fonctionnaire m’incite parfois à téléphoner à d’anciens collègues, y compris d’autres ministères, afin d’éclaircir certains points obscurs. Il m’est également arrivé de soulever des problèmes qu’il n’était pas prévu d’aborder, mais ce type de question ne remonte pas toujours au niveau approprié. Rien n’est d’ailleurs fait pour inciter les fonctionnaires à faire remonter tout ce qu’ils souhaitent.

Au fond, le problème des études d’impact tient au fait qu’elles obéissent à une culture de l’uniformité – comme si aucun débat, aucune divergence n’existait entre leurs auteurs. Je me réjouis des rapports parlementaires qui s’achèvent sur les conclusions divergentes des différents auteurs à partir de constats pourtant partagés : cela m’aide plus qu’un discours monochrome à me faire un avis. Il va de soi que les études d’impact ne sont pas faites pour déplaire au Gouvernement.

Ne croyons pas que l’instauration d’évaluations ex ante et ex post résoudra tous les problèmes de nature technocratique. Une information n’est pas une solution : le débat a lui aussi sa pertinence pour trancher entre telle et telle option. Certes, mieux vaut partager le plus grand nombre de constats communs pour éviter les erreurs ; je me réjouis par exemple que la majorité des membres de la commission des lois effectuent des visites dans les centres pénitentiaires, car cela rend la discussion plus efficace. En clair, la seule existence d’un office ne se traduira pas par l’adoption de lois parfaites. Assumons la contradiction entre les différentes options.

Faut-il créer un nouvel office ? Il me semble qu’il existe déjà sans être nommé : tous les administrateurs de l’Assemblée qui travaillent pour les commissions pourraient parfaitement constituer cet office parlementaire, forts de leurs réelles compétences budgétaires et qualitatives, et de leur mémoire institutionnelle. Malheureusement, il leur est demandé non pas de travailler sur des options contradictoires mais sur des avis monochromes – c’est la limite de l’exercice. Cela étant, la ressource existe. Qu’elle soit mutualisée entre l’Assemblée et le Sénat, pourquoi pas – je prône quant à moi la suppression du Sénat, qui permettrait d’accorder davantage de moyens à l’Assemblée pour créer un bel office parlementaire.

L’administration effectue ses propres contrôles internes en matière de budget, de comptabilité et de gestion, par exemple, et y consacre même un temps important, avec sa part d’autocensure. Tous les fonctionnaires se satisferaient de pouvoir être déchargés d’une partie de ce contrôle s’il est fait en toute honnêteté par une structure extérieure indépendante. De ce point de vue, un énorme office parlementaire d’évaluation et de contrôle qui contrôlerait l’action de l’État de manière régulière et systématique selon des indicateurs définis dans les projets annuels de performance (PAP) et les rapports annuels de performance (RAP) constituerait un gage de fiabilité des informations sur la base desquelles nous nous prononçons. Ce serait une révolution : le pouvoir législatif contrôlerait réellement le pouvoir exécutif – et nous respecterions du même coup la Constitution. Pour aller au bout de cette logique, il faudrait donc que les PAP et les RAP soient renseignés par cet office parlementaire de contrôle.

Je reviens sur la question des critères d’évaluation qui figurent dans les PAP et se retrouvent dans les RAP : ils ne font l’objet d’aucun débat. Il faut les ouvrir à la discussion ! Cela ne coûterait pas grand-chose et permettrait à certains parlementaires de découvrir ce qu’est un projet annuel de performance, ce qui présenterait un intérêt certain car, en réalité, c’est à la maille du programme budgétaire que sont conduites les politiques publiques. Les PAP, en effet, ne commencent pas par des chiffres mais par un texte expliquant la politique qui sera conduite. C’est donc un élément qualitatif, et non quantitatif. Pourtant, nous n’avons pas ces discussions, même si elles peuvent se tenir dans le cadre des commissions élargies lors d’auditions de responsables de programme ou de directeurs d’administrations centrales, mais ces auditions ne sont pas filmées.

Même sans créer un nouvel office, il existe déjà un certain nombre d’éléments susceptibles d’améliorer la capacité qu’ont les parlementaires à évaluer, expertiser et contrôler l’action du Gouvernement – et donc à voter la loi dans de meilleures conditions. 

M. le président Jean-Noël Barrot. Madame, messieurs, je vous remercie.

 

 

La réunion s’achève à 11 heures 55.

————

 


Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Jean-François Eliaou, M. Régis Juanico

Excusés. - Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Aurore Bergé, M. Paul Christophe

Assistaient également à la réunion. - Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Valérie Petit