Compte rendu
Mission d’information de la
Conférence des présidents
sur la révision de la
loi relative à la bioéthique
– Audition du Pr Jean-François Delfraissy, président du comité consultatif national d’éthique, Mme Marie-Christine Simon, directrice de l’information, de la communication et conseil en stratégie 2
– Présences en réunion..............................18
Mardi
25 septembre 2018
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 18
session extraordinaire de 2017-2018
Présidence de
M. Xavier BRETON,
président ,
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MISSION D’INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉVISION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE
Mardi 25 septembre 2018
(Présidence de M. Xavier Breton, président de la Mission)
La Mission d’information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique procède à l’audition du Pr Jean-François Delfraissy, président du comité consultatif national d’éthique, Mme Marie-Christine Simon, directrice de l’information, de la communication et conseil en stratégie
La séance débute à seize heures trente.
M. Xavier Breton, président. Mes chers collègues, dans le cadre de notre mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, nous poursuivons notre cycle d’auditions en accueillant cet après-midi le professeur Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), et Mme Marie-Christine Simon, directrice de l’information, de la communication et conseil en stratégie, que je remercie d’avoir accepté notre invitation.
Monsieur le professeur, vous avez déjà été auditionné en juillet dernier par la commission des affaires sociales sur la tenue des États généraux de la bioéthique, que vous aviez organisés au printemps. Le CCNE a rendu aujourd’hui même son avis 129, relatif à la révision de la loi de bioéthique, qui justifie que vous soyez à nouveau entendu aujourd’hui par notre mission d’information.
Je vous donne maintenant la parole pour un exposé liminaire, avant que nous ne passions à un échange de questions et de réponses. Je précise que la présente audition est filmée et enregistrée.
M. Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je commencerai par rappeler quel a été le processus de ces derniers mois, enclenché en vue de la révision de la loi de bioéthique de 2011.
Ce processus a commencé avec l’organisation des États généraux de la bioéthique (EGB), confiée pour la première fois au CCNE. Cet événement, qui a eu lieu de janvier à juin 2018, s’est appuyé sur quatre outils : un site web, des débats en région organisés en partenariat avec les espaces de réflexion éthique régionaux (ERER) en France métropolitaine et en outre-mer – plus de 270 débats ont eu lieu –, des auditions de sociétés savantes, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’associations et de grandes institutions françaises dans le domaine de la santé – le CCNE a procédé à plus de 150 auditions – et un comité citoyen destiné à accompagner, critiquer et émettre des réserves sur le processus des États généraux, mais aussi à émettre une opinion sur deux sujets spécifiques. Un médiateur pouvait être saisi dans le cadre de ces États généraux, en la personne de M. Louis Schweitzer, ancien président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).
Durant cette période, le CCNE a eu une position extrêmement neutre, s’efforçant de prêter la plus grande attention possible à toutes les contributions au débat. Il a ensuite produit un rapport de synthèse, mis à votre disposition en juin 2018. Nous nous sommes demandé si nous nous devions également émettre une opinion sur la révision de la loi de bioéthique, et sommes finalement parvenus à la conclusion qu’il était préférable de le faire, en dépit du peu de temps dont nous disposions – si nous n’avons subi aucune pression sur le périmètre de l’avis à rendre, ni sur les outils à utiliser, nous étions cependant soumis à un impératif, celui de la date limite qui nous était fixée, à savoir la fin de l’été 2018.
De la mi-juin jusqu’à la mi-septembre 2018, le CCNE s’est employé à formuler une opinion destinée à répondre à la fois aux questions du grand public, notamment les citoyens que nous avions mobilisés – c’était la moindre des choses à leur égard – et à celles des décideurs que vous êtes, afin de vous aider à réfléchir sur ces sujets complexes en vous fournissant un certain éclairage.
Nous avons complété la réflexion interne au CCNE par la mise en place de trois grands ateliers ayant pour thème la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, la médecine génomique et les neurosciences, ainsi que d’un groupe de travail sur le numérique et la santé – un enjeu majeur, sans doute insuffisamment pris en compte dans un contexte où tout le monde a les yeux rivés sur l’assistance médicale à la procréation (AMP) et la fin de vie, alors que le numérique représente une véritable révolution à nos portes. Enfin, il nous a semblé important d’auditionner un certain nombre de présidents de comités d’éthique étrangers : nous en avons entendu dix, européens et extra-européens, parmi lesquels le président du comité d’éthique du Japon, un pays très en avance sur le thème « Numérique et santé ».
La construction de l’avis 129, à laquelle le CCNE plénier a travaillé à un rythme d’enfer de la mi-juin à maintenant – onze demi-journées y ont été consacrées – a abouti à un résultat qui n’est pas un consensus, mais un assentiment majoritaire, grâce à un processus d’élaboration d’une pensée collective.
Notre avis est divisé en quatre chapitres, dont le premier est consacré au contexte, c’est-à-dire à ce qui a changé depuis la loi de 2011 et qui tend à montrer que la loi de bioéthique doit être modifiée sur un certain nombre de points, à la fois sur les plans scientifique, médical, sociétal et juridique ; il peut vous être utile dans la mesure où il offre un panorama assez complet des évolutions qui se sont produites au cours des dernières années.
Le deuxième chapitre traite des grands enjeux de la bioéthique, qui demeurent mais sont renouvelés. Il semble évident que le corpus de la bioéthique est amené à évoluer pour s’adapter aux nouvelles conceptions que l’on peut avoir du corps : si on peut le considérer dans son entièreté, mais aussi comme un ensemble d’organes, que faut-il penser d’un fragment d’ADN humain stocké dans une banque de données génomique ?
Le troisième chapitre aborde les neuf grands thèmes qui ont été définis dans le cadre des États généraux, en leur apportant un certain éclairage.
Enfin, le quatrième chapitre évoque la vision qu’a le CCNE de ce qui s’est passé dans le cadre des États généraux, mais aussi de ce que pourrait être le futur, au-delà même de la loi qui va être élaborée en 2018-2019. Comme vous le savez, le modèle français est très particulier, puisqu’il consiste à adopter des lois de bioéthique regroupant l’ensemble des sujets qui s’y rapportent. Il est permis de se demander si c’est là le meilleur modèle qu’on puisse imaginer, et c’est ce qui a justifié que nous souhaitions recueillir sur ce point l’éclairage de collègues étrangers.
Pour sa part, le CCNE souhaite conforter ce modèle selon lequel, tous les cinq à sept ans, les différents acteurs de la bioéthique, qui ne sont pas tous des experts, ni même des médecins – parmi eux, on compte également des politiques et des citoyens – prennent le temps de se rassembler afin de se poser des questions sur l’ensemble des sujets, plutôt que d’évoquer les sujets un par un, en consacrant une loi à chacun d’entre eux – ce qui constituerait un autre modèle. Si nous sommes favorables à ce modèle, c’est parce que tous les thèmes qu’il permet d’aborder simultanément sont interconnectés – et qu’ils le sont de plus en plus. Ainsi, la réflexion sur certains aspects de la procréation tient compte des dernières innovations technologiques dans le domaine du big data ou dans celui du séquençage de haut débit en génomique. De même, certaines questions sociétales ne se posent plus tout à fait dans les mêmes termes depuis l’arrivée de technologies permettant des avancées dans le domaine de la procréation. Dans ces conditions, il est intéressant de pouvoir assembler en un temps donné l’ensemble des sujets ayant trait à la bioéthique, comme on le ferait des pièces d’un Meccano.
Cela dit, rien n’empêche de modifier, de simplifier et de fluidifier ce modèle. Si le fait d’organiser des États généraux quelques mois avant une révision de la loi de bioéthique est une bonne chose en termes de démocratie participative dans le domaine de la santé, cela n’est pas suffisant. La mobilisation du grand public sur des sujets aussi complexes et clivants montre que les questions qu’ils soulèvent ne peuvent trouver une réponse définitive en quelques mois, ce qui nécessite d’avoir une connaissance plus approfondie et continue. On a constaté, par exemple, que nos concitoyens exprimaient un considérable besoin d’information, et qu’il convenait donc de leur permettre de se renseigner davantage, et de manière continue.
Ce que nous proposons, c’est de maintenir le principe d’une loi globale donnant les grandes orientations, révisée tous les cinq à sept ans en fonction des besoins, mais aussi de poursuivre l’animation d’États généraux dans l’intervalle entre deux lois, grâce à la dynamique imprimée dans ce domaine par les espaces de réflexion éthique régionaux. Pour cela, nul n’est besoin de se doter de nouveaux outils : il suffit de s’appuyer sur les équipes très mobilisées qui existent déjà, en leur adjoignant éventuellement d’autres acteurs tels que les grandes mutuelles de santé.
Le CCNE suggère également de se tenir davantage dans une position d’alerte sur des sujets de bioéthique sensibles qui viendraient à soulever des questions particulières durant l’intervalle entre deux lois – c’est déjà le cas, mais il semble qu’un effort puisse encore être fait en la matière. Les signaux d’alerte, pouvant provenir des scientifiques eux-mêmes, mais aussi de comités créés autour des espaces de réflexion éthique régionaux, remonteraient jusqu’au CCNE, qui serait chargé de revenir vers l’autorité politique afin de lui faire part de l’urgence à modifier la loi.
Nous avons été frappés de constater que, sur des sujets sociétaux tels que la fin de vie et les enfants issus des nouvelles techniques de procréation, la recherche n’est pas au rendez-vous : les grands organismes de recherche ont financé très peu d’évaluations programmatiques, ce qui fait qu’il n’y a pas, dans ce domaine, de données de santé publique ou de sciences humaines et sociales qui soient disponibles, contrairement à ce qui peut se faire dans d’autres pays. Si vous interrogez, par exemple, la présidente de l’institut d’éthique suisse sur la décision qui a été prise dans ce pays au sujet de la fin de vie, elle sera en mesure de vous indiquer quels ont été les données en la matière, année par année. En France, alors que nous pourrions avoir accès aux données de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), nous n’avons pas construit la réflexion qui permettrait de disposer des réponses que la recherche peut apporter à certaines des grandes questions sociétales.
Enfin, même si les nouvelles dispositions de la réforme du système de santé prévue pour 2022 vont certainement changer les choses, notamment dans le domaine des plateformes communes regroupant plusieurs professions de santé, force est de constater que, jusqu’à présent, si l’enseignement de la bioéthique est assuré de manière satisfaisante dans les écoles d’infirmier, il est très insuffisant dans les facultés de médecine – de ce point de vue, je dois reconnaître qu’en tant que professeur de médecine, j’ai ma part de responsabilité dans cet état de fait : comme l’immense majorité de mes confrères, j’ai toujours eu tendance à favoriser ma spécialité. De ce point de vue, il est grand temps de s’interroger sur les objectifs et les grands enjeux qu’il convient d’assigner à nos jeunes médecins. J’ajoute que nous sommes favorables à un CCNE plus tourné vers l’international, et représentant à l’étranger la vision française sur les grandes questions de bioéthique.
Vous aurez noté que je n’ai pas évoqué ce que sont les positions du CCNE sur les différentes thématiques définies dans le cadre des États généraux. Je vous renvoie pour cela à notre rapport, en vous conjurant de ne pas tomber dans le piège de la presse, qui ne parle que de ces deux sujets que sont, d’une part, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux femmes seules et aux couples de femmes, d’autre part, la fin de vie – sans doute parce qu’elle estime les comprendre mieux que les autres sujets car ils sont à la fois sociétaux et politiques. Certes, ces deux sujets sont très importants, et nous y avons passé beaucoup de temps, mais d’autres ne le sont pas moins pour nos enfants et nos petits-enfants : je pense notamment à ce qui a trait à la relation entre numérique et santé, à l’accès au génome, ou à la recherche sur l’embryon.
Quand on évoque l’AMP, sait-on que le taux de succès de la procréation médicalement assistée n’est que de l’ordre de 50 % ? Que penseraient nos concitoyens d’un médicament qui ne serait efficace que dans 50 % des cas, ou d’un vaccin qui présenterait un taux d’échec de 50 % ? Certes, l’AMP est un merveilleux succès, mais ce n’est pas un succès total… De même, sur le thème « santé et numérique », on peut se demander comment va se positionner notre pays, notamment pour éviter que la population de la France que je qualifierai de « non numérique » – dont on évite généralement de parler, alors qu’elle représente environ 20 % de la population, qui se trouve être la plus fragile, celle qui a le plus besoin d’avoir accès à la santé – se trouve mise à l’écart. Si je comprends l’enjeu politique que représentent l’AMP et de la fin de vie, et l’impatience que peuvent susciter ces deux thèmes, dont le devenir est désormais entre vos mains, vous ne devez cependant surtout pas négliger les autres sujets, dont l’importance n’est pas moindre.
M. le président Xavier Breton. Nous vous remercions pour votre intervention et pour le conseil par lequel vous l’avez conclue. Nous en tiendrons compte, car nous sommes bien conscients que les questions relatives à la bioéthique ne se limitent pas à un ou deux sujets, mais vont bien au-delà, comme le montre votre rapport.
J’aimerais vous poser trois questions.
Premièrement, alors que le CCNE nous avait habitués à rendre des décisions faisant l’objet d’un consensus, nous constatons désormais – cela avait déjà été le cas pour l’avis 126, portant sur l’assistance médicale à la procréation – que des positions minoritaires peuvent s’exprimer, et que vous évoquez un « assentiment majoritaire ». Cela correspond à l’évolution à laquelle on a assisté au Parlement, où l’unanimité qui prévalait autrefois lors du vote sur les textes relatifs à l’éthique – je pense notamment à la fin de vie – a fait place à des positions un peu divergentes. Comment interprétez-vous cette évolution ? Selon vous, faut-il y voir le signe d’un mûrissement de ces sujets, qui fait que le consensus est aujourd’hui plus difficile à atteindre ?
Deuxièmement, au sujet de la nécessité, que vous avez évoquée, de faire vivre le débat de façon continue, notamment au moyen des États généraux de la bioéthique, j’aimerais connaître votre position au sujet de la participation des citoyens. De premières expériences, faisant appel à des panels de citoyens préalablement formés, avaient eu lieu à l’occasion de la précédente loi de bioéthique. Dans le cadre de la consultation ayant précédé la rédaction de votre avis, il a à nouveau été fait appel à la participation de citoyens, notamment par le biais de réunions publiques. Je vois dans cette participation directe des citoyens un bon signe en termes de démocratie, mais j’aimerais savoir si vous avez des préconisations à formuler afin que nos concitoyens s’emparent de ces débats encore plus qu’ils ne le font aujourd’hui ?
Troisièmement, enfin, je souhaite vous demander une précision au sujet de l’AMP. Le CCNE indique dans son avis être favorable à ce que cette technique médicale soit accessible aux femmes seules et aux couples de femmes, ce qui semble vouloir dire que le critère de l’infertilité pathologique, qui conditionne aujourd’hui l’accès à l’AMP, serait levé. Pouvez-vous nous préciser si, selon vous, les couples de personnes de sexes différents doivent bénéficier du même assouplissement ? Si cela peut sembler logique, on ne peut faire abstraction des implications éthiques qui en résultent, c’est pourquoi j’aimerais vous entendre sur ce point.
M. Jean-François Delfraissy. Pour ce qui est de votre première question, portant sur le fonctionnement du CCNE, je rappellerai que notre comité est composé de quarante membres. Chacun conviendra qu’il n’est pas aisé de parvenir à une position consensuelle dans ces conditions, d’autant que le comité comprend des personnalités aux opinions très variées. Je me félicite plutôt que, dans le temps limité dont nous disposions, nous soyons parvenus à travailler dans l’objectif d’aboutir à une construction commune sur tous ces sujets de bioéthique – il serait même plutôt étrange que nous parvenions toujours à définir une position de consensus, compte tenu de la complexité du sujet et de la variété des profils de nos membres. Très proche du consensus, l’assentiment majoritaire auquel nous sommes parvenus sur l’ensemble des thèmes débattus dans le cadre de l’avis 129 me paraît finalement très satisfaisant.
Au sujet de l’assistance médicale à la procréation, nous avions souhaité émettre un avis en juin 2017, avant la tenue des États généraux mais à l’issue d’un très long travail – plus de trois ans et demi – de notre comité. En prenant la présidence du CCNE, j’avais souhaité qu’on libère ce travail avant les États généraux, afin d’éviter toute confusion pouvant porter sur la position du CCNE. L’absence de consensus parmi les Français sur la procréation médicalement assistée – un état de fait que nous devons admettre et respecter – s’est retrouvée au niveau du CCNE lorsqu’il a rendu son avis 126, qui comportait l’expression, à côté de l’avis majoritaire, d’une position minoritaire de certains membres. C’est à nouveau le cas avec l’avis 129, publié ce matin, où deux membres du CCNE ont souhaité exprimer une position minoritaire – une volonté que nous avons évidemment respectée.
Si l’évolution à laquelle vous faites référence existe, il ne faut pas perdre de vue que notre comité présente la particularité d’être une structure située à l’abri des enjeux habituels de pouvoir. Nous ne sommes pas une agence, mais bien un comité de réflexion composé d’intellectuels et chargé d’établir des propositions, et disposons donc en quelque sorte d’une autonomie de pensée qui nous conduit à construire très progressivement, sur la majorité des sujets que nous abordons, une pensée commune – c’est ce que j’ai décrit tout à l’heure comme un « processus de pensée collective » et que j’appelais une « dynamique de groupe » lorsque j’étais chargé d’animer un service ou un pôle dans mes anciennes fonctions de chef de service.
Vous m’avez également demandé comment nous pourrions optimiser la participation citoyenne. Pour ma part, je suis persuadé que, sur les questions de bioéthique et de santé, les interrogations et la réflexion ne doivent rester l’apanage ni des spécialistes que sont les médecins et les administratifs de la santé, ni des politiques : dans ce domaine, les citoyens ont eux aussi leur mot à dire. Comme vous le savez, je suis issu de la recherche contre le VIH-sida, et j’ai construit une partie de ma carrière sur la place à réserver au patient au cœur du système de soins, ainsi que sur la voix qu’il doit être en mesure de faire entendre. Cette façon de voir les choses me semble toujours d’actualité, dans ce domaine comme dans bien d’autres, notamment en matière de fin de vie, d’organisation des soins et de gouvernance à l’hôpital, qui représentent autant d’enjeux de démocratie sanitaire.
Comment pouvons-nous progresser sur ces enjeux, si ce n’est en commençant par ouvrir la discussion à leur sujet ? Cela n’empêche pas ensuite les spécialistes, les médecins et les politiques de prendre des décisions – mais au moins le font-ils en ayant entendu ce qui a été dit au cours des débats qui se sont tenus. Si, en tant qu’élus de la Nation, vous êtes les mieux placés pour entendre la voix de nos concitoyens, les questions très spécifiques portant sur la bioéthique et la santé méritent sans doute un débat citoyen spécifique. C’est ce que nous nous sommes efforcés de mettre en place avec les États généraux de la bioéthique, qui ont comporté des points forts et des points faibles, et dont nous avons tiré un certain nombre de leçons. Pour ma part, ils m’ont conforté dans l’idée qu’il est nécessaire d’inscrire cette réflexion dans la durée, et que la bioéthique mérite mieux que des États généraux de quelques mois précédant une révision de la loi. Nous devons engager une discussion citoyenne sur le long terme – ce qui peut être fait facilement, dans la mesure où nous venons de réactiver les espaces de réflexion éthique régionaux, qui ont vocation à jouer un rôle très important.
Certains des acteurs que nous avons auditionnés pourraient également être mis à contribution. Je pense notamment aux grandes mutuelles de santé, pour lesquelles les questions de bioéthique représentent des enjeux considérables, ou à certains comités d’entreprise – celui de La Poste, notamment. D’autres réflexions sont engagées en France sur la meilleure façon d’organiser un débat citoyen, et il a même été créé une agence ad hoc à cet effet – ayant plutôt vocation à s’intéresser aux grandes questions environnementales telles que l’enfouissement des déchets nucléaires –, qui est d’ailleurs venue nous rencontrer afin de savoir comment nous avions organisé le débat citoyen sur la bioéthique.
En la matière, nous apprenons en marchant et devons rester à la fois humbles et déterminés. Je suis moi-même très déterminé, car je suis fondamentalement persuadé que ces débats portant sur la bioéthique, sur la santé et les enjeux que constituent son accès et son coût, n’en sont qu’à leurs débuts, et vont soulever des questions extrêmement importantes dans les années à venir – je pense notamment à celles que risquent de poser les tentatives, de plus en plus fréquentes, de marchandisation de la santé, qui dépassent très largement celle du coût du médicament et des tests médicaux. Quand je considère les relations difficiles que nous devons nous attendre à avoir dans les années à venir avec les producteurs autour du thème de la santé, je me dis que nous n’en sommes qu’au tout début d’une longue aventure.
Enfin, vous avez souhaité savoir comment nous avions construit notre avis sur l’AMP, et si la levée du critère d’infertilité ne concernait que les femmes seules et les couples de femmes, ou devait s’envisager de manière plus globale. Notre démarche a consisté à nous demander s’il y avait quelque chose à modifier dans la loi, et c’est ce qui nous a conduits à émettre un avis favorable à l’extension de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes. Pour ce qui est des couples hétérosexuels, dans la mesure où c’est une nécessité médicale qui les pousse à souhaiter recourir à l’AMP, la réponse qu’ils attendent peut déjà leur être fournie par la loi et par le système de soins existant.
Pour ce qui est des arguments qui nous ont conduits à prendre la position que nous avons exprimée en la matière, je dirai qu’il est difficile d’avoir un avis tranché sur une question aussi délicate, et que nous avons pris en compte plusieurs éléments. Premièrement, nous avons fait le constat selon lequel la structure familiale a changé en France au cours des trente dernières années. Deuxièmement, le besoin de procréer et à la capacité à le faire ont toujours existé, y compris pour les femmes seules ou les couples de femmes, qui peuvent recourir à un ami ou se rendre à l’étranger – et nous estimons que le droit à la procréation est un droit essentiel.
Troisièmement, la place de l’enfant, argument souvent repris par ceux qui s’opposent à l’ouverture de l’AMP, en reprochant de ne pas penser à l’enfant, mais uniquement au désir d’enfant, a changé. Actuellement, l’enfant est au cœur du débat de la famille, qu’il s’agisse d’une famille standard ou recomposée. J’ai pu voir combien, entre ma génération et celle de mes enfants, la place de l’enfant s’était modifiée. Le respect de la dignité de l’enfant, pour le dire ainsi, s'est accru, sans que cela ne soit l’apanage de tel ou tel modèle familial, mais bien un droit partagé.
Enfin, les techniques médicales de procréation changent la donne depuis quelque temps.
Ainsi, au nom de quoi la médecine et la société créeraient-elles de la misère chez des femmes qui réclament d’avoir un enfant, grâce aux techniques de l’AMP, même si elles sont seules ou en couple avec une femme ? Au nom de quoi, créerions-nous, éthiquement parlant, des situations douloureuses et difficiles ?
M. le président Xavier Breton. Monsieur le professeur, confirmez-vous que, pour les couples de sexes différents, vous n’êtes pas favorable à la levée du critère pathologique et que vous continuerez de réserver l’assistance médicale à la procréation aux cas d’infertilité pathologique dûment constatés ?
M. Jean-François Delfraissy. Tout à fait.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Delfraissy, veuillez nous excuser de vous auditionner aussi souvent ! (Sourires.) Cette multiplication des auditions se justifie par l’importance de la révision des lois de bioéthique. Nous aurons également l’occasion de nous revoir pour aborder la question de la fin de vie, qui ne relève pas, stricto sensu, de la bioéthique et fera l’objet d’une législation ultérieure. Nous avons déjà auditionné le Conseil économique, social et environnemental (CESE) à ce sujet.
Je vous remercie vivement pour ce très bon rapport, qui vient s’ajouter à des informations de sources diverses et nous apporte un éclairage important, même s’il ne comporte pas d’immenses surprises. Mais s’il n’y a pas de révolution – en vérité, qui y appelle ? –, il comporte des précisions utiles en vue de légiférer.
Vous avez dit ne pas souhaiter d’affrontement entre les différents points de vue, afin que le débat demeure de l’ordre du rationnel. Par tradition, le CCNE tend vers une approche consensuelle, même si cela se vérifie désormais un peu moins qu’à l’origine. D’une façon différente, le CESE, sur le sujet de la fin de vie ou sur d’autres, exprime le point de vue largement majoritaire, dans la société et parmi ses membres, ainsi que les points de vue minoritaires. La recherche du consensus est parfois utopique voire empêche d’avancer, parce qu’on ne peut rester consensuels qu’au prix de l’immobilisme, et qu’il est toujours difficile de mettre d’accord des points de vue initialement très divers sur la recherche d’une solution unique. Aussi la recherche du consensus n’est-elle pas un miroir aux alouettes ?
Par ailleurs, nous sommes favorables à une révision des lois de bioéthique tous les cinq ans. Nous avons même formulé, avec Xavier Breton, l’idée de solliciter une délégation permanente du Parlement, qui n’aurait ainsi pas besoin de réveiller tous les cinq ans la réflexion en son sein, mais pourrait l’alimenter en permanence.
Concernant les dons d’organes, je vous félicite d’encourager la chaîne de donneurs vivants, ce système dans lequel des familles, qui, pour des raisons de compatibilité, ne peuvent pas faire bénéficier leur proche, donnent au malade d’une autre famille. Cette pratique, encore très limitée en France, entre deux couples donneur vivant-receveur, demande à être parfaitement encadrée. Elle a d’ailleurs commencé par susciter des réticences au sein du système de dons d’organes. Pour ce qui est des donneurs cadavériques, vous faites remarquer l’importance des inégalités régionales et suggérez différents efforts pour lutter contre ces inégalités de prélèvement qui se traduisent par une inégalité des chances d'être traités pour les malades sur liste d’attente, ce qui est tout à fait regrettable. Comment légiférer pour améliorer la situation ? Devons-nous travailler conjointement avec l’Agence de la biomédecine (ABM) ?
Vous proposez également de ne pas soumettre la recherche sur les cellules souches embryonnaires au même régime juridique que celle sur l’embryon. Cela permettra, en effet, de lever beaucoup des freins actuels et d’éviter des actions en justice inutiles, qui retardent la recherche, coûtent cher et sont la plupart du temps sans objet, puisqu’elles sont presque toujours déboutées. Travailler sur des lignées de cellules souches embryonnaires n’a rien à voir avec les autres activités de recherche. Un régime juridique clarifiant ce type de recherche serait opportun. Une fois encore, est-ce auprès de l’Agence de la biomédecine que vous pensez que nous devons agir ? Comment formuler au mieux les propositions ?
Même si le sujet ne fait pas consensus, je souhaiterais que le diagnostic préconceptionnel soit rendu plus accessible. Pourriez-vous développer ce sujet un peu plus qu’il ne l’est dans le rapport et présenter des arguments pour convaincre ceux qui y sont réticents ? Que ce soit pour le diagnostic préconceptionnel ou le diagnostic néonatal, nous sommes en retard sur la plupart des pays développés, ce qui est très dommage, car nous pourrions prévenir certaines maladies et en traiter d’autres, bien mieux que lorsque le diagnostic est tardif.
Concernant la filiation après une procréation médicalement assistée (PMA) ou une gestation pour autrui (GPA) effectuée à l’étranger, j’ai l’impression que le CCNE s’est arrêté au milieu du gué. Si je salue l’avancée réalisée, pourquoi n’allons-nous pas jusqu’au bout de la reconnaissance de filiation ? La même remarque a été faite aux représentants du Conseil d’État, qui distinguaient les enfants de couples homosexuels des enfants de couples hétérosexuels. Nous sommes ici très attachés à l’égalité des chances et des droits des enfants. Tout ce qui impose des distinctions dans les filiations pourrait être dommageable à leur avenir.
Par exemple, je ne comprends pas comment, dans le cas des GPA effectuées à l’étranger, le CCNE peut proposer une délégation d’autorité parentale pour la mère d’intention, assortie d’un test ADN pour le père. Cette délégation d’autorité parentale est méprisante, dans la mesure où cette femme est reconnue comme mère dans son pays. Cela revient à la dégrader. L’enfant, qui n’est pour rien dans ses conditions de procréation, risque d’en payer les conséquences.
Qui plus est, le test ADN contribue à une biologisation du père. La dernière fois que j’ai entendu parler de cette question, c’était dans un amendement de Thierry Mariani, qui voulait imposer les tests ADN dans la recherche de filiation des migrants, ce qui avait suscité un tollé. Depuis lors, plus personne n’a osé conditionner la filiation paternelle à la vérité biologique. Devons-nous nous embarquer, sur un sujet aussi sensible, en proposant une mesure qui va susciter une levée de boucliers ? Ne serait-il pas plus prudent d’avoir une définition de la paternité beaucoup plus habituelle : le père est celui qui s’occupe de l’enfant, l’élève et l’aime, non pas celui qui a donné son ADN. Même dans les familles traditionnelles, il existe un pourcentage non négligeable d’enfants pour lesquels il n’y a pas d’assimilation entre paternité biologique et paternité effective. Les médecins qui le savent ne vont pas le dire aux familles : ce n’est pas la peine de troubler des eaux calmes.
Enfin, votre rapport évoque l’absence d’études convaincantes et dotées d’un recul suffisant sur les femmes seules par choix et l’évolution de ces nouvelles structures familiales, afin de savoir s’il y a des conséquences pour l’enfant, quand il naît dans une famille monoparentale par choix ou de parents homosexuels. Étant donné que nous avons reçu, la semaine dernière, la plus grande experte au monde sur ces questions, Susan Golombok, j’ai relu toutes ses publications. Je ne connais pas d’étude plus scientifique, ni d’une plus grande rigueur. Sa conclusion est limpide : ces enfants, quelle que soit la diversité des familles, n’ont aucune conséquence psychologique, d’orientation sexuelle, d’épanouissement intellectuel ou de développement affectif d’aucune sorte, pour peu qu’ils fassent l’objet d’un investissement affectif et d’attention et d’une bonne éducation. Tout le reste est littérature.
Craindre des conséquences pour un enfant né d’une femme seule ou dans une famille homosexuelle est légitime. Mais nous sommes obligés de nous incliner devant les études qui ont été menées. Certes, il n’y pas d’études en français, mais il existe une pléthore d’études internationales – je ne parle pas seulement de celles qui sont conduites en Grande-Bretagne par l’école de Cambridge. Je n’y ai pas trouvé, malgré une analyse critique, de biais méthodologiques quelconques. Dans l’une des plus célèbres, le panel est composé d’une cinquantaine d’enfants nés par PMA d’une femme seule par choix et d’une cinquantaine d’enfants nés par PMA de couples hétérosexuels, suivis pendant plusieurs années. Il n’y a aucune différence entre les deux groupes. Pourquoi ces études ne sont-elles pas entendues ? Pourquoi ne sont-elles pas confirmées par des recherches françaises ?
M. Jean-François Delfraissy. Monsieur le rapporteur, je ne pense pas que la recherche du consensus pousse à l’immobilisme. Le CCNE ne recherche pas le consensus pour le consensus. Nous essayons d’avoir une construction commune et aussi humaine que possible. L’avis du CCNE ouvre sur des questions autour de la génomique, de la recherche sur l’embryon ou des neurosciences, de l’ouverture de l’AMP. Nous n’y faisons pas preuve d’immobilisme.
S’agissant des inégalités régionales dans le don d’organes, le texte n’est peut-être pas suffisamment clair. À voir la carte des inégalités régionales dans les délais de don d’organes, c’est à se demander dans quel pays nous vivons. En revanche, dès lors que l’on se penche sur le sujet, on se rend compte que la situation est extrêmement solide. L’algorithme de l’Agence de la biomédecine a été établi pour garantir le bien commun. Il nous est d’ailleurs envié. Les délais français sont bien moindres qu’en Allemagne, mais ils sont encore trop importants. En réalité, certaines équipes de transplanteurs interviennent très précocement sur la liste d’accès aux dons et d’autres beaucoup plus tardivement. Cela revient donc à comparer des choses qui ne sont pas comparables. En revanche, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il y a un vrai souci dans les départements et territoires d’outre-mer.
Par ailleurs, l’ABM fait un très bon travail d’explication. Certains considèrent qu’elle a une vision très administrative, mais elle est solide. L’organisation de la transplantation en France est solide – j’y insiste. C’est un bien précieux. En revanche, elle doit faire un effort dans sa relation avec le monde associatif, pour mettre tout le monde autour de la table et tenter d’expliquer ces disparités, afin de trouver des solutions communes.
Concernant les cellules souches, nous avons eu le souci de bien distinguer la recherche sur l'embryon de celle sur les cellules souches. L’enjeu n’est pas tant leur origine que leur destination, à propos de laquelle il n’existe aucune régulation. Nous appelons à cette régulation. Par exemple, si une recherche sur les cellules souches vise à leur donner un signal de différenciation pour remplacer une hanche pathologique, il n’y a pas de souci : cela relève de la médecine du futur, et il faut que la France soit au rendez-vous. En revanche, si c’est pour reconstruire des gamètes et un embryon, comme on peut imaginer le faire, cela demande une régulation. Ce sujet ne relève pas de la réglementation, mais bien du domaine de la loi.
Or la loi actuelle ne répond pas à cette question et prête à confusion. Le CCNE vous demande très clairement de la modifier, une fois que vous aurez entendu l’ensemble des experts et en pesant chacun des mots que vous écrirez. Il faut fluidifier la recherche sur les cellules souches et bien préciser ce qui est autorisé en matière de recherche sur les embryons surnuméraires, qui n’ont donc pas été conçus pour la recherche. Nous rappelons que nous sommes pour l’interdiction de la création d’embryons de recherche, créés de novo. Il convient également de préciser ce qu’il est possible de faire sur ces embryons surnuméraires, jusqu’à quelle date et si l’on peut utiliser les nouveaux outils génétiques pour les modifier.
La génétique préconceptionnelle est un vaste sujet. La France est en retard dans l’accès aux données génétiques et à la médecine de prévention. Nous ne sommes pas frileux et tentons d’ouvrir une partie de cette boîte. Nous avons beaucoup discuté du diagnostic préconceptionnel en population générale. La situation française est en effet pour le moins ubuesque, dans la mesure où la loi interdit sans réellement interdire, puisque des tests sont accessibles sur internet et qu’ils font l’objet de publicités à la télévision. Nous nous sommes demandé s’il fallait ouvrir ce champ, pour mieux encadrer les tests en population générale, étant donné que nous faisons face à une innovation technologique majeure et que les coûts sont en train de baisser.
À l’issue de la discussion, nous avons décidé de pousser la réflexion sur les tests en population générale. En revanche, quand se pose un problème de procréation, nous sommes favorables à laisser les couples ou les personnes qui ont un projet de conception entrer, sous contrôle médical coordonné, dans des bases de données françaises, et non pas américaines, pour y instiguer des recherches. Cela nous semble pouvoir être un premier cadre dans la mise en œuvre du diagnostic préconceptionnel. Nous y sommes donc favorables, mais continuons de réfléchir au sujet d’un tel accès pour la population générale, qui pose d’autres questions.
Sur la GPA, je demande un joker pour aller revoir le texte en détail. Notre position est néanmoins bien claire : aucune ouverture à la GPA. Je veux cependant relire le texte précisément, parce que, sur l’organisation relative à l’accueil des enfants nés de GPA à l’étranger, je partage complètement votre analyse, monsieur le rapporteur. Nous devons faire preuve des plus grandes capacités d’accueil et favoriser un mécanisme de filiation généraliste et non pas spécifique.
Enfin, nous n’allons pas entrer dans une bataille d’experts sur les études relatives aux enfants issus de l’AMP, puisque le CCNE souhaite une ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Je souhaiterais cependant nuancer vos propos. Nous n’avons pas d’études en France, ce que nous regrettons. Il faut que cela change. Le législateur pourrait envoyer un signal afin que la recherche française s'intéresse à de grands sujets sociétaux.
Par ailleurs, nous avons bien évidemment lu les études anglaises et américaines, qui sont de petite taille. Vous avez vous-même évoqué le cas d’une cinquantaine d’enfants issus de l’AMP. Il existe une série d’études de sciences humaines et sociales de ce type, mais leur panel n’excède jamais cinquante enfants et elles n’ont pas été poussées à moyen et long terme. Si les données sont plutôt rassurantes – à tel point que nous avons donné un avis favorable à l’ouverture de l’AMP –, l’ouverture de l’AMP en France aux couples de femmes et aux femmes seules nécessitera une évaluation programmatique pour savoir ce que deviennent les enfants issus de la PMA, en général. Voilà un beau sujet pour de grandes études de sciences humaines et sociales.
Mme Élise Fajgeles. Je vous remercie, monsieur le professeur, pour votre éclairage. Votre assentiment majoritaire nous fait rêver, puisque notre responsabilité de législateur est de permettre le débat le plus apaisé possible. Comme il n’est pas garanti, je vais vous demander quelques éclairages supplémentaires pour parvenir, à notre tour, à obtenir un tel assentiment majoritaire. Nous ne sommes pas un comité de réflexion intellectuel. Nous devons, au nom d’engagements politiques, produire du droit applicable. Pour ce qui est de la possibilité d’ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, vous avez parlé de misère humaine et de souffrance personnelle. Nous avons besoin de pouvoir étayer cette ouverture de manière plus juridique. À votre sens, le principe d’égalité des familles et de non-discrimination entre elles est-il un argument valable, qui nous permettrait d’avoir ce débat apaisé, étant donné que le refus de la PMA aux couples de femmes ne repose actuellement que sur leur orientation sexuelle ?
Par ailleurs, selon vous, le sujet de la filiation doit-il être inscrit dans la révision de la loi de bioéthique ? Ce sujet, qui se pose déjà puisqu’il y a des enfants nés de femmes seules ayant eu recours à la PMA à l’étranger, se posera d’autant plus si l’on ouvre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, sachant que la procédure actuelle de l’adoption crée des situations de non-droit pour la mère sociale ?
M. Guillaume Chiche. Je tiens à saluer le CCNE pour son avis, en particulier pour sa position favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Cela a vocation à mettre fin à une discrimination d’accès à une pratique médicale, fondée sur l’orientation sexuelle ou le statut matrimonial. Je m’interroge également sur une inégalité qui touche aux conditions sociales des femmes. Aujourd’hui, les femmes françaises qui vont à l’étranger pour recourir à des PMA ont les moyens de le faire ; d’autres, qui le voudraient, ne le peuvent pas.
Aussi, au-delà de l’extension à toutes les femmes de l’accès à la PMA, se pose la question de sa prise en charge par la sécurité sociale. Au nom de la lutte contre les inégalités, nous ne pouvons pas nous abstenir d’un remboursement par la sécurité sociale. A contrario, cela signifierait que l’accès à la PMA se ferait en fonction des moyens financiers. Je tiens à rappeler qu’en France, près d’une PMA sur quatre est prescrite sans infertilité biologique médicalement constatée. La PMA est donc déjà pratiquée en dehors du champ strictement médical. Il est temps que le législateur comble son retard pris sur la société.
Mme Agnès Thill. Monsieur Delfraissy, merci pour votre rapport.
Vous appelez notre attention sur le risque de marchandisation de la santé. Effectivement, cela pose la question de la société que nous voulons.
Vous dites que la structure familiale s’est modifiée ; c’est un bon constat. La société se laisse prendre par des promesses, peut-être parfois factices, de la science, à savoir que la technique promet le bonheur et ne le donne pas. Je considère que l’être humain est plus que ce que notre société dit de lui, à savoir qu’il a une exigence de réflexion. Vous savez mieux que personne que tout est possible aujourd’hui. Un désir a-t-il vocation à être assouvi, et est-ce à la médecine de le faire ?
M. Jean-François Delfraissy. Il est logique que les arguments que vous allez trouver pour étayer votre réflexion ne soient pas tout à fait identiques à ceux du CCNE et qu’ils la complètent.
Vous avez raison, une ouverture éventuelle de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules termine une certaine forme d’évolution de la filiation. Il conviendra donc de revoir la question de la filiation au plan juridique.
Certains vous répondront qu’il ne faut pas ouvrir l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules pour ne pas engager le débat sur la filiation. Mais la question de la filiation est déjà posée, en particulier par l’adoption. Je ne suis pas juriste, et je ne souhaite pas aller plus loin sur cette question. Toutefois, les discussions que nous avons eues au CCNE sur ce point montrent qu’il va falloir y réfléchir. Je pense que le Conseil d’État a suivi le même processus sur le sujet de la filiation.
Avant d’essayer de vous répondre sur la question du remboursement de l’AMP, je souhaite vous interpeller sur le coût des décisions qui peuvent être prises à l’occasion de la révision d’une loi, et notamment d’une loi de bioéthique. Les modifications que propose le CCNE ont un coût. Il y a quelques mois, le CCNE a accueilli un nouveau membre en la personne d’une professeure d’économie de la santé, car je considère que ce sont des enjeux qui posent des questions éthiques. L’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules et la possibilité d’accéder au diagnostic préconceptionnel entraînent des coûts supplémentaires. Peut-on assumer l’ensemble de ces coûts ? Cela doit-il se faire au détriment de choix qui pourraient être faits en matière de soins palliatifs, sachant que la prise en charge de la fin de vie n’est pas bonne en France ? Il faut reconnaître que notre pays a choisi de se tourner vers l’innovation, au détriment d’autres enjeux comme la prise en charge de nos anciens qui est pourtant un point essentiel. Cela dit, on n’évitera pas un débat sur les choix budgétaires qui peuvent être faits en matière d’éthique.
Vous avez noté que le CCNE n’avait pas tellement pris parti en ce qui concerne l’égalité en matière de remboursement, parce que son rôle est d’indiquer une grande direction. S’il le faisait, il se heurterait à des critiques. C’est au législateur de décider. Vous aurez l’occasion de discuter des choix financiers à faire autour de la santé qui vont devenir extrêmement prégnants – on n’est qu’au début du business en santé. C’est un médecin qui vient de passer trente-cinq années à débattre de ces questions, qui a vu arriver les nouvelles technologies et les nouveaux médicaments qui vous le dit. Nous ne sommes qu’au début de quelque chose d’extrêmement nouveau avec l’arrivée du numérique et surtout l’ensemble des objets qui vont gérer notre santé.
Madame Thill, vous dites que toute la science n’est pas bonne à prendre : c’est une réalité. On parle de progrès scientifiques ou de progrès médicaux ; pour ma part, je n’en suis pas totalement sûr. Il y a des avancées scientifiques, des avancées médicales, mais pour parler de progrès encore faut-il qu’ils soient accessibles à l’ensemble des personnes et qu’ils conservent un caractère humain. Comment trouve-t-on un « compromis » ou une balance entre ces avancées scientifiques et technologiques et certaines avancées sociétales qui ne sont pas au même niveau ? Et où place-t-on le curseur de l’humain ? C’est toute la discussion sur la bioéthique que vous devez construire et que nous avons construite nous aussi.
Mme Caroline Janvier. Professeur Delfraissy, merci pour la clarté et le sérieux de votre travail qui sera d’une grande utilité aux législateurs que nous sommes dans le cadre de la révision des lois de bioéthique.
M. Touraine a parlé de la notion de consensus. Je ferai un parallèle avec les inquiétudes émises par votre prédécesseur, M. Didier Sicard, quant à l’évolution du positionnement du rôle du CCNE. Voici ce qu’il dit : « Je crains qu’au fond l’excès de visibilité du CCNE ne nuise à sa capacité, non pas d’indépendance mais de réflexion, que le CCNE perde sa liberté parce que, plus ou moins consciemment, il risque d’être jugé conservateur ou progressiste ou de se retrouver dans l’opposition s’il déplaît. » Je ne partage pas cette vision. Au contraire, comme vous l’avez dit ce matin lors de votre conférence de presse, il y a un réel enjeu à susciter l’intérêt des citoyens – et c’était bien l’objectif de ces États généraux que vous avez pilotés – sur des sujets tels que les neurosciences, la médecine génomique, la recherche sur l’embryon, etc. de façon que le débat ne soit pas phagocyté par les questions plus sociétales que sont la PMA ou la fin de vie. Pour résoudre cette question, quelle serait votre proposition ? Faudrait-il, par exemple, exclure de la bioéthique la question de la PMA et celle de la fin de vie ? Faudrait-il leur réserver un espace spécifique pour que le citoyen s’intéresse à des sujets plus techniques qui ont malheureusement, comme vous le disiez encore ce matin aux journalistes, trop peu de place dans le débat public ?
M. Jean-François Mbaye. Professeur Delfraissy, merci pour vos propos.
Je voudrais revenir sur la question du modèle français de révision des lois de bioéthique. J’ai bien compris toutes les propositions que vous avez pu faire. J’appelle de mes vœux ce que je nomme une démocratie bioéthique qui serait un concept voisin mais différent de la démocratie sanitaire pour permettre à tous les citoyens de s’emparer de cette question.
J’avais prévu de vous interroger sur la filiation après une PMA, mais je crois que mes collègues ont devancé mes propos.
Dans votre avis, vous proposez d’ouvrir la PMA à toutes les femmes. Vous savez que ce débat sera assez difficile dans l’hémicycle et en dehors de l’hémicycle, avec la presse, les associations, etc. Pensez-vous que l’extension de la PMA pourrait être assortie d’une clause de conscience chez les médecins et non dans les structures qui opéreront cette pratique-là ? Pensez-vous que la clause de conscience serait un moyen d’apaiser le débat ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo. Professeur, merci pour vos précisions.
Vous avez souhaité ouvrir l’éthique à la société civile, et les dernières assises de la bioéthique ont été un grand succès. Comment comptez-vous faire perdurer dans le temps la participation de la population, la bioéthique n’étant sans doute pas encore assez vulgarisée ? Eu égard aux évolutions que vous avez évoquées tout à l’heure, notamment du numérique, nous avons besoin de rendre accessible ce concept encore obscur pour beaucoup de gens.
M. Jean-François Delfraissy. Je ne sais pas s’il faut sortir du débat sur la loi de bioéthique les questions de l’ouverture de la PMA et de la fin de vie. Le CCNE a beaucoup hésité sur ce point lorsqu’il a défini le périmètre des États généraux. Vous souhaitions engager de véritables États généraux – nous y avons plus ou moins réussi – et un débat citoyen et une participation citoyenne. Mais ouvrir un débat citoyen en excluant deux sujets aurait envoyé un signal un peu curieux.
Au vu des États généraux et des avis du CCNE et du Conseil d’État, je considère qu’on a probablement bien fait d’aborder ces deux sujets dans le débat citoyen, même si c’est difficile, même si tout n’a pas été résolu, même s’il reste de la tension, en particulier sur le sujet de la procréation et moins d’ailleurs sur celui de la fin de vie.
Ensuite il y a un deuxième temps qui est plus politique : c’est le temps législatif. La fin de vie sera-t-elle traitée dans la loi de bioéthique ? Probablement, mais on peut imaginer qu’elle n’y soit pas. Ce sera à la fois au Gouvernement et au législateur d’en décider. Quant à l’AMP, il paraît logique qu’elle figure dans la loi de bioéthique, parce que tout le monde parle de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Deux autres sujets qui ne sont pas simples peuvent au moins peuvent créer débat : la cryoconservation des ovocytes, sujet beaucoup plus technique, et la levée de l’anonymat du don, deux questions qui relèvent pleinement d’une loi de bioéthique. Il ne faut donc pas commencer à « saucissonner » autour de la procréation.
Je pense qu’il y aura une discussion autour de tout ce qui touche à la procréation, quelles que soient les décisions qui sont prises. De nouveaux enjeux vont se poser qui sont très troublants, notamment s’agissant des utérus artificiels. La fin de vie est un autre problème, et on peut très bien imaginer qu’elle soit abordée dans un autre cadre.
On peut envisager l’introduction d’une clause de conscience chez les médecins, mais cela ne changera rien au fond du débat parce que le problème n’est pas celui des médecins. Bien qu’il y ait une « utilisation médicale » pour porter un acte, le problème se pose bien sur un plan plus global qui dépasse très largement les médecins.
Vous me demandez comment faire perdurer le débat citoyen et les États généraux. Je considère que les États généraux sont le temps zéro de la bioéthique, le premier étage qui doit nous conduire à une série de débats et à une participation citoyenne sur les sujets de bioéthique et de santé. Il convient donc de poursuivre le débat en région, avec les mutuelles et dans un certain nombre de grands comités d’entreprise, et d’avoir un comité citoyen associé au CCNE. Tout cela reste à faire, mais je vois bien dans quelle direction on souhaite aller.
C’est le législateur qui a inscrit dans la loi que le CCNE devait porter les États généraux. On est parvenu à un certain degré de réussite, même si on peut faire mieux et je comprends très bien que certains formulent des critiques. Les États généraux nous ont demandé du temps. Cela a-t-il été fait aux dépens de la réflexion ? Oui par certains côtés, non par d’autres. Moi qui suis arrivé en tant que « jeune vieux » président du CCNE, j’ai vu cette dynamique de groupe qui s’est créée avec une mobilisation très forte, et surtout une écoute importante de la société civile par le CCNE qui est sorti de son rôle uniquement d’expertise, qui écoute et qui écoutera dorénavant beaucoup plus les enjeux de la société civile.
M. Thomas Mesnier. Professeur, merci pour votre travail d’une immense qualité.
Le CCNE propose que soit inscrit dans la loi le principe fondamental d’une garantie humaine du numérique en santé. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Mme Annie Vidal. Professeur, merci pour la qualité de ce rapport que nous allons bien évidemment passer en revue.
Ma question concerne l’extension de la PMA aux femmes seules. Les familles monoparentales sont, nous le savons tous, celles qui sont les plus exposées à la précarité. Pensez-vous qu’il serait légitime de considérer la situation matérielle de la personne qui demande une PMA ? Dans ce cas, la question de l’égalité de l’ensemble des femmes seules se pose. Ne risque-t-on pas d’être à l’origine de nouveaux enfants pauvres alors que nous avons la très ferme volonté de lutter contre la pauvreté et son caractère transmissible ?
Mme Aurore Bergé. Je poserai trois questions.
La première concerne l’autoconservation ovocytaire. Comment garantir qu’il n’y aurait pas un risque de pression sociale qui ferait que cette nouvelle liberté octroyée aux femmes pourrait se retourner contre elles ? Dans votre avis, il est question d’une prise en charge par l’assurance maladie uniquement dans les situations pathologiques. Comment écarter par exemple une prise en charge par les entreprises, ce qui pourrait demain – et on en voit certains effets négatifs – être une pression importante sur les femmes ?
S’agissant de l’ouverture de l’AMP à toutes les femmes, si je partage l’objectif, je suis un peu circonspecte quant aux arguments utilisés. J’en veux pour preuve que, dans votre avis, vous parlez de pallier une souffrance induite par une infécondité et que vous avez dit tout à l’heure que l’accès à la procréation est un droit essentiel. Si nous retenons ces arguments, comment rejetez-vous clairement l’ouverture demain à la GPA, qui est un sujet de préoccupation majeure pour le législateur et à mon avis pour les Français ?
Enfin, je salue pleinement l’avis que vous formulez sur la fin de vie, notamment la valorisation des soins palliatifs. Vous avez dit à l’instant que la question de la fin de vie pouvait ou ne pouvait pas figurer dans le projet de loi. Le CCNE considère-t-il qu’il y a aujourd’hui un progrès médical et scientifique substantiel qui justifierait que le projet de loi prévoie un arbitrage sur cette question ? Si l’enjeu de la révision des lois de bioéthique est bien celui d’une avancée médicale et scientifique qui interroge notre conception de l’éthique et qui doit être encadrée par le législateur, considérez-vous que les progrès sont suffisants en la matière pour que cela soit inscrit dans le projet de loi ?
M. Jean-François Delfraissy. Merci pour la question sur le numérique et la santé, qui m’oxygène. C’est un enjeu majeur, et vous le savez parfaitement bien.
D’abord, c’est la première fois que ce sujet est sur la table dans le cadre de la révision d’une loi de bioéthique, même si les enjeux législatifs sont « ténus ». On a créé un groupe de travail ad hoc qui dépasse le CCNE, composé de gens du numérique et de personnalités extérieures. L’opinion du CCNE est « issue » de cette réflexion un peu globale.
L’idée est de considérer que le numérique en santé est un enjeu essentiel qui peut être source de progrès importants, et qu’il ne serait pas totalement éthique de fixer une série de règlements qui pourraient bloquer en permanence l’arrivée du numérique en santé. Dans l’autre sens, l’humain doit rester. Vous avez noté que nous souhaitions que le numérique ne pénalise pas les citoyens qui n’y ont pas accès, pour des raisons diverses et variées, et qui sont souvent les populations les plus fragiles. Comment les met-on dans cette structure du numérique et de la santé ? Nous ne sommes qu’au début d’une réflexion sur le numérique et la santé. La question d’une réflexion éthique plus globale sur le numérique qui dépasse la santé va se poser.
S’agissant de l’ouverture de l’AMP aux femmes seules, nous sommes sensibles au message que vous avez envoyé de ne pas créer de situations encore plus complexes et d’accompagner en tout cas la décision d’une femme seule au plan psychologique et médical pour l’aider à prendre conscience des problèmes et des enjeux qui peuvent se poser dans le futur. Mais il y a différents cas : certaines femmes vont rester seules, tandis que d’autres vont trouver ensuite un compagnon. Inversement, on sait très bien que certains couples standards se séparent, ce qui peut mettre la femme dans une situation de précarité avec son enfant. Il ne s’agit pas de stigmatiser, mais d’accompagner ces situations.
Vous avez noté que le CCNE a légèrement modifié sa position entre l’avis 126 et l’avis 129 en ce qui concerne l’autoconservation des ovocytes. Notre avis de juin 2017 était plutôt nuancé, tandis qu’aujourd’hui nous proposons d’ouvrir cette possibilité sans pousser à l’autoconservation. On pourrait se demander qui sont ces têtes de linotte du CCNE qui changent d’avis en un an et demi. Mais il ne faut pas oublier qu’entre-temps les États généraux ont eu lieu et que cet avis 129 a été construit à la fois sur ce que nous pensions et sur ce que nous avons entendu et écouté. Nous avons entendu et écouté les sociétés savantes, qui nous ont dit que les aspects médicaux n’étaient peut-être pas aussi lourds qu’on avait pu l’envisager, et des associations, des femmes qui ont mis en avant les arguments de l’autonomie et du choix. Finalement, il faut faire confiance. C’est pour cela que j’ai parlé de loi de confiance, alors que jusqu’à présent les lois de bioéthique ont souvent été des lois de fermeture, des lois d’interdits. Faisons confiance aux femmes pour savoir dire non à certains moments en ce qui concerne ces tentatives éventuelles de déstabilisation. L’enjeu, c’est d’expliquer aux jeunes femmes que l’âge sexuel, l’âge endocrinien et l’âge de procréation ne sont pas les mêmes. Mesdames les députées, votre gynécologue vous a-t-il expliqué cela ? Je ne pense pas. C’est pourtant une notion essentielle, mais elle n’est pas expliquée dans notre modèle d’enseignement et de prise en charge par les médecins. Sur cette question, faisons confiance aux femmes. Certaines jeunes femmes souhaiteront avoir accès, au nom de l’autonomie et de leur propre capacité, à l’autoconservation des ovocytes, tandis que d’autres ne le voudront pas.
Tout à l’heure, vous avez eu raison de me reprendre sur le droit à la procréation. En fait, j’ai voulu indiquer que la liberté de réfléchir pour une femme sur ce qu’elle avait envie de faire avec sa propre procréation a toujours été éternelle, et que puisqu’elle est maître du jeu, elle a toujours trouvé une « série de moyens » pour y parvenir. Les aspects techniques et les avancées technologiques sont en train de changer les moyens mais pas le fond qui est ce désir autour de la procréation.
M. le président Xavier Breton. Professeur, je vous remercie.
La séance s’achève à dix-huit heures cinq.
Mission d’information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique
Réunion du mardi 25 septembre 2018 à 16 h 30
Présents. – M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, M. Guillaume Chiche, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Élise Fajgeles, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Caroline Janvier, Mme Brigitte Liso, M. Jean François Mbaye, M. Thomas Mesnier, M. Alain Ramadier, Mme Agnès Thill, M. Jean-Louis Touraine, Mme Annie Vidal
Excusés. – M. Joël Aviragnet
Assistaient également à la réunion. - Mme Aurore Bergé, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Gilles Lurton