Commission
des affaires européennes
mercredi
20 mars 2019
16 h 30
Compte rendu n° 85
Présidence de Mme Sabine Thillaye
Présidente
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 20 mars 2019
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 35.
Mme la présidente Sabine Thillaye. Monsieur le ministre, chers collègues, nous avons aujourd’hui l’occasion de faire le point sur les avancées européennes en matière économique et sociale. La campagne des élections européennes en 2014 avait largement été axée sur l’avenir de la zone euro, alors que l’Union sortait péniblement de la pire crise économique qu’elle ait dû affronter. Depuis, un long chemin a été parcouru. Le dernier Conseil « Ecofin » s’est penché sur plusieurs dossiers au sujet desquels les négociations sont près d’aboutir.
En premier lieu, il a validé la mise à jour d’une liste noire de quinze pays extérieurs à l’Union européenne aux juridictions non coopératives du point de vue fiscal. Cela reflète la dynamique enclenchée par la Commission européenne dans la lutte contre l’évasion fiscale, qui s’est déjà traduite par de nombreux instruments législatifs tels que la fameuse directive contre l’évasion fiscale – Anti Tax Avoidance Directive (ATAD). Quelles sont pour vous les prochaines étapes dans cette lutte ?
Ensuite, le Conseil « Ecofin » a également été l’occasion de faire le point sur la taxation du numérique. Si certains États membres résistent encore à la mise en place d’une solution européenne, force est de constater que de nombreux partenaires européens, dont la France, mettent en place une fiscalité nationale sur les services numériques. Les négociations auront désormais lieu à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Quelle sera la ligne suivie par l’Union européenne dans cette enceinte ? Quels résultats espérez-vous ?
Enfin, les discussions sur l’avenir de la zone euro continuent de progresser depuis le sommet de Meseberg de juin 2018. Un premier compromis a été trouvé lors du Conseil de décembre 2018 concernant le budget de la zone euro, sur la base d’une proposition franco‑allemande. Quelle forme cet instrument budgétaire prendra-t-il ? En particulier, pourrait-il exercer une fonction de stabilisation lors d’une prochaine crise économique ? Enfin, quelles sont les avancées en matière d’union bancaire ? Sur tous ces sujets, monsieur le ministre, vous avez la parole.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant votre commission. Vous savez en effet l’importance que j’attache à la construction européenne. J’ai toujours considéré que l’avenir de la France se jouait en grande partie en Europe et que le rôle de l’Europe était de renforcer la situation nationale, comme le rôle de la France était de renforcer la situation de l’Europe. Je suis donc très heureux de pouvoir vous présenter l’état d’avancement de nos travaux sur les sujets fiscaux et économiques.
Avant de répondre précisément à vos questions, permettez-moi de revenir sur les défis que l’Europe doit affronter, et que vous mesurez bien. Le continent européen est-il une zone de libre-échange ouverte aux deux principales puissances de la planète, les États‑Unis et la Chine, ou est-il une puissance économique souveraine ? Cette question résume le débat des vingt-cinq prochaines années.
La réponse dépend des décisions que nous prenons actuellement. Avec le Président de la République, nous sommes déterminés à faire du continent européen une puissance économique souveraine. Pour cela, il faut disposer d’une fiscalité propre, être capable de se protéger contre les investissements agressifs, de financer l’innovation avec des moyens décuplés par rapport aux capacités actuelles. Ce sont là des choix stratégiques. Comme je vous l’ai dit, l’autre option consiste à considérer que l’Europe est seulement un marché. Dans ce cas, on accueille les investissements et les entreprises, quels qu’ils soient, sans considération de notre souveraineté technologique, de notre souveraineté financière ou de notre souveraineté fiscale. Nous avons fait notre choix : nous voulons une Europe économiquement souveraine, indépendante et forte.
Construire cette Europe passe d’abord par le chantier fiscal sur lequel vous m’avez interrogé. L’Europe doit défendre avec beaucoup plus de force ses intérêts fiscaux. Elle doit avant tout lutter contre l’évasion fiscale, pratique qui révolte à juste titre nos compatriotes. Nous sommes, en France, à la pointe du combat contre toutes les formes de fraude et d’évasion fiscale, au niveau national comme au niveau international. Nous avons signé en juin 2018 la convention sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices – base erosion and profit shifting (BEPS) – de l’OCDE, qui met en place des outils pour lutter contre l’optimisation fiscale. Nous travaillons à renforcer la convergence fiscale au niveau européen grâce à une harmonisation de l’impôt sur les sociétés. En juin dernier, pour la première fois, nous sommes parvenus à un accord franco-allemand sur la convergence de l’impôt sur les sociétés, qui doit être la base d’une relance du projet européen. Si vous le souhaitez, je vous exposerai la base et les taux sur lesquels nous sommes tombés d’accord avec l’Allemagne. Nous avons également transposé l’intégralité de la directive ATAD dans le projet de loi de finances pour 2019. Enfin, nous avons soutenu la création d’une liste noire et d’une liste grise européennes assorties de véritables sanctions contre les territoires non coopératifs. Permettez‑moi de rappeler que nous sommes les premiers et les seuls en Europe à avoir accompagné ces critères de la liste noire européenne d’une loi nationale, la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, sans avoir pour autant renoncé à fixer nos propres critères.
Quelles sont les prochaines étapes de la définition de l’intérêt fiscal européen ? Il nous faut d’abord parvenir à un accord au sein de l’OCDE sur un niveau minimal d’impôt sur les sociétés. De nombreuses multinationales parviennent à échapper à l’impôt en France ou dans d’autres pays européens en plaçant leurs bénéfices dans des pays où l’impôt sur les sociétés est plus faible et en particulier dans des paradis fiscaux. Ils échappent ainsi à une imposition juste et raisonnable. C’est pourquoi je fais de l’imposition minimale à l’impôt sur les sociétés la priorité française du G7 Finances, pour laquelle nous avons déjà obtenu le soutien de l’Allemagne et des États‑Unis. Il est essentiel que les grandes multinationales comprennent qu’elles ne pourront pas échapper à cette imposition minimale.
Deuxièmement, nous progressons dans le domaine de la taxation des géants du numérique. Ce projet n’existait pas il y a deux ans. La France a été le premier pays à proposer une taxation des géants du numérique au niveau européen. Elle est partie du constat, confirmé par la Commission européenne, que le niveau moyen de taxation des géants du numérique est de 14 points inférieur à celui des entreprises en Europe. Ceux qui prétendent qu’il est faux que les géants du numérique payent moins d’impôt que les entreprises européennes ou que cet écart n’est pas documenté font preuve de beaucoup de mauvaise foi. Les analyses de la Commission comme celles des services fiscaux nationaux européens établissent toutes que les géants du numérique, c’est-à-dire ceux qui font les profits les plus élevés, sont aussi ceux qui payent le moins d’impôts. Cette injustice doit être corrigée et c’est ce que nous ferons.
Nous avons rassemblé sur cette base l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et la Grande‑Bretagne. Sous l’impulsion de la France, à l’été 2017, ces cinq États ont adressé un courrier à l’ensemble des États européens pour les inviter à se joindre à nous. Au conseil informel des ministres des Finances européens qui s’est tenu à Tallinn à la rentrée 2017, nous avons obtenu, sur la base de cette lettre, le soutien de 19 États européens. À leur demande, la Commission européenne a travaillé sur un projet de directive qui nous a été fourni dès la fin de l’année 2017 et qui vise à instaurer une taxation du numérique sur la base du chiffre d’affaires.
Là encore, j’ai entendu des critiques de très mauvaise foi prétendre qu’il aurait fallu retenir une autre base fiscale. Tous les services fiscaux des plus grands pays de la planète, de l’OCDE et de la Commission européenne confirment que la seule base fiscale possible actuellement est le chiffre d’affaires. Ceux qui sont honnêtes – je sais que c’est rare dans notre métier – peuvent dire qu’ils ne veulent pas de taxation du numérique et donc qu’ils refusent de taxer le chiffre d’affaires, mais ceux qui affirment qu’une autre base est possible ne connaissent pas le dossier ou mentent à nos concitoyens. Peut-être une autre base existera-t-elle un jour. Pour aujourd’hui, nous avons retenu – faute de mieux, je le reconnais bien volontiers – la seule base possible, à savoir le chiffre d’affaires, car il est connu, transparent et peut être taxé facilement. Nous avons ensuite défini un certain nombre d’activités. Sur cette base, nous avons soumis la directive à l’analyse et à l’accord des pays européens.
Sur 27 pays européens, 23 ont donné leur accord. Je me suis ensuite déplacé dans tous les pays qui étaient hostiles à cette taxation du numérique. J’ai obtenu de leur part, notamment de la part de l’Irlande, qu’ils s’engagent à obtenir une taxation du numérique au niveau de l’OCDE, mais je n’ai pas réussi à obtenir le soutien de ces quatre derniers pays. Certains y voient un échec, tandis que j’y vois un point de départ solide : rassembler 23 États sur 27, c’est tout autre chose que d’en réunir dix ou quinze.
J’en tire une première conclusion : au niveau européen, il est temps de passer de la règle de l’unanimité à la règle de la majorité qualifiée dans le domaine fiscal. Si la règle de la majorité qualifiée était établie, nous disposerions aujourd’hui d’une taxation des géants du numérique au niveau européen.
Notre stratégie est donc simple. Nous sommes déterminés à mettre en place cette fiscalité du numérique. Nous le ferons au niveau national puisque quatre États se sont opposés à cette adoption au niveau européen. D’autres pays européens se sont engagés dans cette voie : la Grande‑Bretagne, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, et sans doute demain la Belgique. Avec nos partenaires européens, nous consacrerons désormais toute notre énergie à obtenir, au niveau de l’OCDE, une taxation du numérique, pour laquelle nous avons le soutien des États‑Unis. Avec le secrétaire au Trésor des États-Unis, nous avons soutenu un raisonnement très simple, qui consiste à dire à ceux qui rejettent les taxations nationales du numérique qu’il faut trouver une solution au niveau de l’OCDE : le jour où cette solution existera, nous retirerons la taxation nationale. Je préfère établir ce rapport de forces que d’arriver, la bouche en cœur, à l’OCDE, en suppliant pour créer une taxation du numérique, car il faut savoir créer un rapport de forces pour défendre nos intérêts nationaux et européens. Enfin, à tous ceux qui affirment que nous serions isolés, je rappelle que l’Inde, l’Australie, ainsi que six États européens ont instauré une taxation nationale du numérique.
Troisièmement, en ce qui concerne le renforcement de la zone euro, ma conviction est très simple. Soit la zone euro se réforme, se renforce, et l’euro deviendra demain une monnaie de référence au même niveau que la monnaie chinoise ou que le dollar ; soit l’euro sera affaibli et la première conquête politique européenne, à savoir la monnaie commune, sera menacée. Que chacun fasse ses choix avec cohérence. Tous ceux qui veulent rester au milieu du gué se mettent en situation de danger. Certains souhaitent rester sur la rive des monnaies nationales — je pense que ce n’est ni notre intérêt économique ni notre intérêt financier, néanmoins cette position a le mérite de la cohérence. Ceux qui souhaitent véritablement que l’euro devienne une monnaie de référence doivent désormais s’engager avec détermination pour le renforcement de cette zone euro qui est encore trop faible.
Il faut d’abord mettre en place une union bancaire afin de faire face à n’importe quelle crise financière sans que l’épargnant ou les États payent et sans que renaisse une boucle entre risque souverain et risque bancaire qui pourrait déstabiliser la zone euro. Il faut également mettre en place un budget d’investissement et de stabilisation de la zone euro. L’investissement doit favoriser la convergence entre les économies. Je souhaite également que soit institué un budget de stabilisation, même si, comme vous le savez, ce deuxième aspect rencontre aujourd’hui une opposition très forte au sein de la zone euro.
Là encore, je voudrais que nous revenions deux ans en arrière. Quand j’ai pris mes fonctions de ministre de l’économie et des finances, et quand j’ai rencontré mon homologue allemand, M. Schäuble, à l’époque, on parlait d’« instruments de convergence » ou d’« instruments communs », mais je ne pouvais pas utiliser en public les termes de « budget de la zone euro ». Un an et demi plus tard, l’accord de Meseberg entre la Chancelière Angela Merkel et le Président de la République, Emmanuel Macron, après des mois de négociations avec mon nouvel homologue, M. Scholz, nous a permis de graver dans le marbre le principe d’un budget de la zone euro, ce qui constitue un progrès considérable. Ce budget doit prendre la forme d’instruments de convergence qui devront être mis en place lors du prochain Conseil européen. Ces instruments ont pour seul objectif de réduire les écarts de compétitivité et de dynamisme économique entre les États membres de la zone euro. En effet, les divergences actuelles entre les résultats économiques des membres de la zone euro ne peuvent être supportées. Dans une zone monétaire commune, il est impossible de conduire dix-neuf politiques économiques différentes, qui entraînent dix-neuf résultats économiques différents. Cela ne peut pas durer, comme chacun doit le reconnaître.
Entre 2000 et 2007, le PIB par habitant de la zone euro a crû de 13 % en moyenne, tandis qu’il a baissé de 2 % en Italie. La situation politique italienne actuelle est pour partie le résultat de l’instauration de la zone euro sans qu’aient été assurées une convergence et une stabilisation suffisantes. Je suis convaincu que la zone euro ne résistera pas à un nouveau choc économique ou financier de grande ampleur, si nous ne sommes pas capables d’adopter les mesures qui permettraient de la renforcer. La convergence permettra d’aider les pays qui présentent un retard de compétitivité à rattraper ce retard afin de se porter au niveau des États les plus performants.
Je continue à penser que la stabilisation est nécessaire, comme l’affirment le Fonds monétaire international (FMI), l’OCDE, et quasiment tous les économistes spécialistes de la zone euro. Elle doit permettre d’aider un État confronté à un choc économique asymétrique à financer ses dépenses sociales, par exemple l’assurance chômage, comme l’a justement proposé l’Allemagne, de manière à éviter que l’État, en période de crise, renonce aux dépenses d’investissement et de compétitivité qui sont nécessaires. Certes, ce projet rencontre des réticences fortes actuellement, mais il ne faut pas l’abandonner pour autant.
Un accord devrait être atteint en juin prochain pour définir ce budget de la zone euro, lequel sera effectivement créé en 2021 au plus tard. Là encore, il s’agit d’un progrès important par rapport à ce qui était envisagé il y a moins de deux ans.
Enfin, je voudrais aborder la question de la politique industrielle, qui est une question politique avant d’être une question économique, car notre souveraineté politique dépend de notre souveraineté technologique. On peut toujours crier sur les toits que l’on veut la souveraineté politique, que l’on veut être indépendant et souverain, mais si demain nos moteurs de recherche sont américains, nos systèmes de guidage chinois et nos batteries sud-coréennes, nous ne serons pas indépendants. L’indépendance politique n’est rien sans l’indépendance technologique. Nous nous battons donc pour mettre en place une politique industrielle différente qui garantisse notre souveraineté politique. Ce n’est pas uniquement une question d’emploi, d’usines, de compétitivité ou de prospérité, même si ce sont là des sujets majeurs. Nous ne serons pas indépendants ni souverains, si nous n’avons pas une politique industrielle ambitieuse et volontariste.
Une telle politique repose, à mes yeux, sur trois piliers essentiels. Le premier pilier est le financement, car sans lui, il n’y a pas d’industrie. Or l’industrie « 4.0 » requiert des financements qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros. Cela explique les choix que nous avons faits au niveau national. En ce qui concerne la fiscalité ou la cession d’actifs, nous ne sommes guidés que par un objectif : trouver les financements adéquats pour avoir une industrie innovante. Nous avons également besoin d’un fonds souverain européen pour l’innovation, sur la base de ce qui existe désormais en France, qui s’est dotée d’un fonds pour l’innovation de 10 milliards d’euros. Je souhaite que ce fonds devienne demain un fonds européen. Il permettra de financer des innovations de rupture et nous évitera de prendre du retard dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la recherche, du stockage des données ou de l’énergie renouvelable, par rapport à nos concurrents chinois ou américains. Ces investissements ne seront pas pris en charge par les entreprises privées, car ils ne sont pas immédiatement rentables. Nous avons donc besoin d’investissements publics.
Le deuxième volet de cette politique industrielle consiste à constituer des champions européens. Nous devons rassembler nos forces au niveau européen et pour cela modifier le droit de la concurrence. J’ai fait un certain nombre de propositions en ce sens et nous avons obtenu un accord franco-allemand historique. L’Allemagne, qui avait toujours refusé de modifier le droit de la concurrence, a signé un manifeste pour une politique industrielle. À Berlin, le 19 février dernier, j’ai en effet signé avec mon homologue actuel, Peter Altmaier, un accord par lequel l’Allemagne et la France s’engagent fortement pour la modification du droit de la concurrence européen. Il faut constituer des champions européens dans tous les domaines, tels que les transports ferroviaires, la recherche spatiale, la construction navale ou les technologies nouvelles. En particulier, nous développons des projets concrets dans trois secteurs : les batteries électriques, les nanotechnologies et l’intelligence artificielle.
Nous avons récemment lancé un projet franco-allemand de batteries électriques qui doit nous permettre de créer nous-mêmes des batteries pour nos voitures électriques en 2021 ou en 2022 et de ne plus dépendre de l’approvisionnement chinois ou sud-coréen. La Pologne a déjà accepté de se joindre à cette initiative, l’Espagne et la Suède pourraient le faire aussi. Pour la première fois depuis Airbus, nous avons donc un nouveau grand projet industriel européen.
Dans le secteur des nanotechnologies, nous développons un projet franco-italien au cœur duquel se trouve l’entreprise STMicroelectronics, près de Grenoble. J’ai annoncé le déblocage de 800 millions d’euros pour financer ce projet, car les nanotechnologies sont critiques pour les systèmes d’intelligence artificielle. Nous développons également la coopération entre les laboratoires et les centres de recherche européens qui travaillent sur l’intelligence artificielle en tant que telle.
Enfin, le troisième volet de la politique industrielle est la protection. L’Europe doit apprendre à se défendre. Elle doit apprendre à refuser des investissements qui sont des investissements de prédation et non de construction. Les investissements de long terme qui aident au développement des entreprises sont les bienvenus en Europe. En revanche, les investissements qui visent uniquement à récupérer des technologies et des savoir-faire dans lesquels nous avons investi des milliards d’euros et des compétences ne sont pas les bienvenus. Il faut savoir dire « non » quand un investissement touche des technologies critiques. Cela suppose bien sûr d’avoir les moyens de financer nous-mêmes ces investissements, ce que doit permettre le fonds souverain pour l’innovation, plutôt que de les confier à des puissances étrangères qui ne sont pas nécessairement bienveillantes en la matière.
Pour conclure, permettez-moi de rappeler que nous sommes à un moment critique de l’histoire européenne. L’histoire s’accélère et je souhaiterais que les procédures et les décisions européennes s’accélèrent au même rythme.
Mme la présidente Sabine Thillaye. Merci, monsieur le ministre, de vous investir dans la politique industrielle européenne. Je pense en effet qu’aujourd’hui, il est nécessaire de prendre des risques, au lieu de chercher à tout prix la précaution. Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent vous interroger, en commençant par les représentants des groupes.
M. Christophe Jerretie. Monsieur le ministre, vous avez conclu votre intervention très constructive en affirmant que nous sommes à un moment critique. Nous sommes effectivement à un carrefour : irons-nous dans le bon sens ? Permettez-moi de vous poser des questions d’ordre général.
La situation des trois puissances mondiales principales sur la base du PIB, à savoir la Chine, les États‑Unis et la zone euro, est marquée par plusieurs incertitudes, qui concernent notamment les négociations américaines avec la Chine et avec l’Union européenne, le Brexit, le budget italien ainsi que l’évolution des entreprises allemandes. Pensez-vous que ces incertitudes puissent être défavorables aux progrès que vous évoquez ? Les changements politiques au niveau européen, qui concernent aussi bien le Parlement que les commissaires et le président de la Banque Centrale européenne, risquent-ils de ralentir ces progrès ? Alors que la croissance mondiale ralentit, l’Union européenne ne devrait-elle pas développer une croissance inclusive ? Enfin, pourriez-vous évoquer la question de l’énergie, qui est l’un des facteurs essentiels du développement économique de la zone euro ?
M. Joaquim Pueyo. Je vous poserai pour ma part une question politique. Ceux qui croient à la construction européenne risquent de recevoir beaucoup de coups. En particulier, on accusera les accords signés en matière de politique commerciale de renforcer la concurrence déloyale, de détruire nos emplois et de ne pas protéger nos travailleurs. Or le rapport publié à la fin de l’année 2018 par la Commissaire européenne au commerce démontre que ces accords ont au contraire renforcé le développement économique européen, les droits des travailleurs et la protection de l’environnement. Partagez-vous cette analyse en ce qui concerne l’économie française ? Par ailleurs, le Fonds européen de la défense peut-il renforcer l’industrie d’armement française, en accroissant son développement économique et en créant des emplois ?
M. Éric Straumann. J’ai rédigé en 2013 un rapport sur l’avenir des concessions hydroélectriques. L’Union européenne a requis de dix pays qu’ils les mettent en concurrence. En 2013, les élus français de gauche et de droite étaient défavorables à l’idée de donner à des opérateurs étrangers accès à cette rente énergétique. Quelle est votre position sur ce sujet stratégique très délicat ?
M. Jean-Louis Bourlanges. On devrait ouvrir un marché de Noël, tant les dossiers que doit traiter M. le ministre sont nombreux ! Je pense que l’un des obstacles les plus importants à l’élaboration d’une politique commune est l’écart et même la fracture entre les pays européens du point de vue démographique. Les pays du Sud et l’Allemagne subissent ainsi une rupture démographique très impressionnante, alors que la Suède continue d’être assez valide. Je suis étonné que la question démographique ne soit jamais abordée que sous l’angle de l’immigration. Que pensez-vous, monsieur le ministre, « à titre personnel », des problèmes démographiques ? Nous commençons en effet à nous habituer à entendre l’opinion personnelle des ministres.
Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que tous ceux qui ne pensaient pas comme vous en ce qui concerne la taxation des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – étaient incohérents ou de mauvaise foi. Il me paraît curieux de penser détenir la vérité sur ce sujet, car la réalité est beaucoup plus complexe. Vous dites vous-même que l’Europe pèsera davantage s’il y a plus de convergence en son sein. Or je ne pense pas qu’une taxe nationale, qui nuirait à cette convergence, instaure un rapport de force au niveau de l’OCDE. Donald Trump, qui est loin d’être bête sur ces sujets-là, prend prétexte de cela pour promouvoir sa conception des critères qui définiront la base de cet impôt, qui reposent sur le lieu de consommation, ce que veut également la Chine. Or nous ne disposons d’aucune étude d’impact pour la France, qui permettrait de savoir si notre intérêt est de faire reposer l’impôt sur le lieu de consommation par les utilisateurs. Il me semble que oui, mais je n’en suis pas sûre. Avez-vous mesuré l’impact qu’auraient ces critères de définition de la base de l’impôt ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur Jerretie, vous nous avez demandé si les incertitudes sont défavorables au projet européen. J’ai la conviction que plus il y a d’incertitude, plus il faut prendre des risques et faire preuve de volonté. La montée des extrêmes en Europe s’explique largement par l’indécision européenne : les peuples ont besoin de décision, de politique, de volonté.
Madame Dumas, je n’ai jamais prétendu détenir la vérité, mais, parce que je crois à l’intérêt général, je tiens à dénoncer certains arguments d’une mauvaise foi totale, qui ne visent qu’à défendre des intérêts privés et financiers d’entreprises qui ont alimenté des campagnes pour dévaloriser les décisions françaises ou européennes de taxation du numérique. Il ne faut pas en être dupe.
Nous devons répondre par la volonté à l’augmentation des risques et de l’incertitude. La Grande‑Bretagne a décidé de sortir de l’Union européenne ; c’est son choix souverain. Cela nous offre une opportunité historique de redéfinir le capitalisme, pour promouvoir un capitalisme continental, responsable, durable, respectueux des personnes et de l’environnement, et non un capitalisme spéculatif, de court terme. Cette occasion ne se présentera pas deux fois.
Nous avons avancé avec l’Allemagne sur la question du budget de la zone euro, sur la politique industrielle et en particulier sur les batteries électriques. Il faut poursuivre dans cette voie, avec courage et volonté politiques. Les incertitudes sont autant d’opportunités si nous savons les saisir.
Les changements politiques sont déterminants. Les femmes et les hommes qui occuperont les postes principaux à la Banque centrale européenne (BCE) et à la Commission agiront en fonction de leurs convictions et de leurs idées sur l’avenir de l’Union européenne. Devant ces choix, le Président de la République défendra notre conception d’un continent européen qui s’affirme comme une puissance souveraine entre la Chine et les États-Unis. Disons-le honnêtement : tous les États et tous les gouvernements ne partagent pas cette vision. Un combat doit être mené au sein de l’Union européenne pour définir ce qu’elle doit être dans dix, quinze ou vingt-cinq ans. Ce combat doit être résolu par des compromis et des choix collectifs, mais nous ne devons pas renoncer à ce qui est notre projet politique pour l’Union européenne, celui d’un continent économiquement souverain, indépendant et innovant.
Les personnes qui occuperont les postes de responsabilité à la Commission et à la Banque centrale européenne joueront un rôle majeur. Ainsi, j’estime que Mario Draghi, à la tête de la BCE, a fait les bons choix. Il a eu le courage et la lucidité de défendre une politique monétaire plus accommodante. La situation économique de la zone euro ne serait pas la même s’il y avait eu une autre personne à la tête de la BCE. De même, j’estime que Jean-Claude Juncker, à la tête de la Commission européenne, a su prendre des décisions courageuses, notamment en matière d’innovation et d’investissement.
Monsieur Pueyo, je crois à l’ouverture commerciale sur la base de la réciprocité. Il faut nous protéger et défendre nos intérêts, en refusant les investissements qui ne sont pas souhaitables et en accueillant ceux qui nous sont profitables. Il faut donc être capable de détermination et ne pas avoir peur du conflit. L’Europe doit en effet sortir de la vision irénique d’après laquelle elle pourrait défendre ses intérêts sans conflit. Le monde actuel est fait de conflits. Qui y entre sans avoir la capacité de défendre ses intérêts, y compris par le conflit, s’expose à la mort.
Quand le président Trump a décidé d’imposer des droits de douane totalement injustifiés sur l’aluminium ou sur l’acier, faisant de nous les victimes collatérales de l’affrontement entre les États‑Unis et la Chine, nous avons eu le courage de nous rassembler pour dénoncer cette mesure inacceptable et d’imposer collectivement des contre-mesures, par le biais de la Commission européenne, qui ont fait reculer les États‑Unis. Arrêtons de considérer que nous sommes faibles : nous sommes la première puissance commerciale au monde. Les 450 millions de consommateurs européens sont vitaux pour les grandes entreprises américaines ou chinoises. Assumons donc notre force et montrons-la, car sinon nous ne serons pas respectés mais écrasés. Les Européens ont le choix entre l’affirmation de leur puissance ou la vassalisation. Hélas, dans notre monde, les puissances ne respectent que les autres puissances. Or l’Europe peut être une puissance ; cela ne dépend que de sa volonté.
Monsieur Straumann, comme vous l’avez écrit en 2013 dans votre rapport, j’estime que l’ouverture non maîtrisée des concessions hydroélectriques à la concurrence peut avoir des conséquences dommageables sur notre approvisionnement électrique. Nous sommes désormais sous le coup d’une mise en demeure de la Commission européenne pour que nous ouvrions davantage nos concessions à la concurrence. J’estime que nous devons continuer à négocier avec la Commission afin de la convaincre que ce n’est pas la meilleure solution. Je suis très sensible aux arguments que vous avancez.
Il m’est arrivé de m’opposer à la Commission européenne, comme il m’est arrivé de la soutenir. Quand Cecilia Malmström a décidé des contre‑mesures aux sanctions américaines, ou quand nous avons défini un projet pour nous opposer aux sanctions extraterritoriales américaines contre l’Iran, j’ai soutenu sans réserve la Commission. En revanche, quand elle a refusé la fusion entre Siemens et Alstom, nous avons clairement signifié notre désaccord.
Monsieur Bourlanges, j’ai toujours considéré qu’un ministre s’exprime à titre public et que sa position l’engage à la fois comme ministre et comme personne. La démographie fera de la France la première puissance économique en Europe dans dix ou quinze ans, si nous continuons de restaurer notre compétitivité, si nous poursuivons notre politique de l’offre, notre politique familiale et notre politique de soutien au travail des femmes. Les Français semblent penser qu’ils sont en situation d’infériorité économique par rapport à d’autres pays européens, ce qui est faux. Notre taux de croissance est supérieur à celui de l’Italie ou à celui de l’Allemagne, et nous pouvons faire mieux encore à condition de nous transformer. La démographie est l’un des atouts importants de la France : le taux de natalité est de 1,9 en France, tandis qu’il est de 1,5 en Allemagne, de 1,4 en Italie et de 1,3 en Pologne.
Ce facteur est important pour la conception que chaque pays se fait de l’avenir européen et de ce qu’est une puissance économique. Ainsi, l’Allemagne et la France conçoivent différemment cet avenir et nous devons œuvrer sans cesse pour faire converger ces conceptions. Ce dialogue permanent entre la France et l’Allemagne sur l’avenir de l’Europe est décisif, car il met en relation des positions qui ont toujours été très différentes. Il s’agit de différences structurelles.
La France met la politique au-dessus de tout, tandis que l’Allemagne met les considérations économiques au-dessus de tout. La France considère que ce que le droit a décidé, la politique peut le dépasser. L’Allemagne considère que ce qui a été décidé par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ne peut pas être dépassé par la politique. La France a une organisation politique pyramidale dans laquelle le Parlement occupe une place moins importante qu’en Allemagne. La France a accordé une importance essentielle au salaire minimum, ce que n’a pas fait l’Allemagne. L’Allemagne a accordé une importance essentielle à la politique industrielle et à la compétitivité, ce que n’a pas fait la France.
Or, depuis quelques années, on observe des rapprochements culturels sur ces points fondamentaux. La France accorde un rôle croissant à son Parlement, notamment en matière de contrôle de l’exécutif, comme en témoignent les auditions comme celle-ci. La France s’engage dans une politique industrielle très volontariste. L’Allemagne a introduit un salaire minimum, qu’elle a récemment augmenté. C’est donc de ce dialogue permanent entre la France et l’Allemagne que naîtra un juste compromis pour l’avenir européen. J’ai toujours considéré que le cœur battant de la construction européenne est la relation entre la France et l’Allemagne, parce que nous partons de positions, d’histoires, d’organisations politiques et de conceptions de l’économie radicalement différentes. Nos conceptions se nourrissent de celles de l’autre et cela permet à l’Europe de vivre et de grandir.
Cependant, soyons lucides : le compromis franco-allemand ne suffit plus. Il nous faut être capables d’expliquer nos positions à la Pologne, à l’Italie, ou à l’Espagne, à d’autres nations européennes qui ne suivent plus comme un seul homme un compromis franco-allemand. En matière de fiscalité, de compétitivité, de politique industrielle, d’innovation, il faut à chaque fois comprendre quelles sont les structures mentales et politiques de nos partenaires européens. C’est seulement en acceptant et en comprenant ces structures mentales et politiques que nous pouvons faire du continent européen la première puissance mondiale.
Madame Dumas, je n’ai jamais nié que la question de l’assiette taxable des GAFA soit un sujet éminemment complexe. Cependant, je ne suis pas dupe des campagnes de désinformation qui présentent comme illégitime la taxation des géants du numérique, laquelle est pourtant indispensable.
Le problème, extrêmement complexe, est de savoir comment taxer des biens intangibles. Nous menons une réflexion avec les États-Unis, la Grande‑Bretagne et l’Allemagne pour les définir. Aujourd’hui, la base et l’assiette taxable sont déterminées par le lieu de production. Faut-il déplacer la taxation vers le lieu de consommation ? Quel sera l’impact fiscal ? Nous y travaillons depuis des mois, avec le directeur de la législation fiscale ici présent, mais aujourd’hui, aucun pays n’est capable de dire quel sera l’impact fiscal de ce choix. Il s’agit d’un bouleversement stratégique dont les incidences en termes de recettes fiscales peuvent être considérables. Je visiterai demain l’un des sites de production d’Hermès près de Vesoul. Taxera-t-on le sac Hermès en France, là où il est produit, ou bien là où il est consommé, par exemple en Chine ? Les recettes sur l’énergie augmenteraient, mais les recettes sur les biens de luxe diminueraient. Tout cela est extraordinairement compliqué à évaluer, ce qui explique que les débats soient si longs, à l’OCDE comme au sein des différentes nations développées. Faute d’autre solution viable dans l’immédiat, nous avons retenu le chiffre d’affaires comme base de la taxation du digital.
Mme Typhanie Degois. Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur l’entrée en vigueur de l’augmentation du taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital de petites et moyennes entreprises, l’IR‑PME dite « réduction Madelin ». Dans la loi de finances pour 2018 comme pour 2019, nous avons décidé d’augmenter le taux de cette réduction d’impôt de 18 à 25 % en cas de souscription au capital d’une PME afin d’inciter à l’investissement dans les entreprises françaises. Dans la mesure où cette décision revêt le caractère d’une aide d’État en faveur des PME, l’entrée en vigueur de cette réduction est conditionnée à une décision de la Commission européenne. Or en raison de l’absence de décision à ce jour, l’augmentation du taux n’a toujours pas été réalisée.
Cette décision est très attendue par les milieux économiques, par les entreprises comme par les financeurs. Par exemple, en 2018, les montants investis en Auvergne — Rhône‑Alpes au sein de la coordination Business Angels ont diminué de 56 %, et de plus de 70 % dans les pays de Savoie, du fait de la suppression de l’Impôt sur la fortune, l’ISF-PME, qui n’a toujours pas été compensée par la remise en place d’un IR‑PME avec un taux plus important. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les avancées de la Commission européenne en la matière ainsi que les dates envisagées pour l’entrée en vigueur du dispositif IR‑PME ?
M. Xavier Paluszkiewicz. Monsieur le ministre, dans son rapport de 2014 intitulé « Renforcer l’harmonisation fiscale en Europe » le Conseil d’analyse économique rappelait que, suite aux crises des dettes souveraines européennes, il devenait nécessaire de concourir à la modernisation fiscale sur le continent. Comme vous l’avez dit, votre projet de taxe sur les services numériques doit constituer l’une des bases de cette harmonisation fiscale. Je crois, au contraire de ma collègue et co‑rapporteure Frédérique Dumas, que prendre l’initiative au niveau national a le mérite de mettre le sujet sur la table, même si ce n’est pas la panacée. Il n’y a rien de pire que de ne pas essayer. Fût-elle isolée, la France ne doit pas renoncer à sa position sur l’axe numérique. Elle doit être force de proposition. Nous devons relever ce défi considérable. Prévoyez‑vous des avancées concrètes avec nos partenaires communautaires avant la fin du quinquennat ? Quelle méthode devons-nous suivre pour mettre fin à la règle de l’unanimité en matière fiscale, qui est devenue inadaptée ? Quelle serait la stratégie à mener pour conduire les États membres réfractaires à changer d’avis ?
M. Ludovic Mendes. Monsieur le ministre, ma question porte sur le budget du développement durable et de l’écologie. Je pense qu’il faut sortir l’investissement écologique des budgets nationaux. Le moment n’est‑il pas venu de reprendre le débat sur la taxe sur les transactions financières ? Le Président de la République envisage d’utiliser une telle taxe pour financer la solidarité entre les États européens. Ne pourrait‑on pas intégrer cette taxe sur les transactions financières dans un budget lié au développement durable et à l’écologie qui accompagnerait nos différents États et permettrait de mettre en œuvre correctement les accords signés lors de la COP21 et de la COP22 ?
Mme Christine Hennion. Nous souscrivons tous à votre affirmation selon laquelle une politique industrielle forte est la base et la condition de la souveraineté européenne. Vous savez que les lois d’extraterritorialité américaines permettent aux États‑Unis d’attaquer en justice nos entreprises quand elles font du commerce en dollars. On l’a constaté lors de la crise iranienne, mais cela peut se produire dans d’autres circonstances. Comment pensez-vous avancer dans cette direction pour que l’euro puisse être une monnaie souveraine aussi forte que le dollar ?
M. Alexandre Holroyd. Les membres de cette commission doivent se féliciter de ce que l’Assemblée nationale est le fer de lance de la proposition consistant à organiser l’assurance chômage à un niveau européen. Je suis ravi de voir que le ministre des Finances allemand la soutient. Auriez‑vous plus de détails sur l’agenda et la dimension de cette mesure ?
Assurer la stabilité bancaire me paraît être un objectif impératif, afin de ne pas revivre une crise telle que celle que nous avons connue à la fin des années 2000 et au début des années 2010. La presse se fait l’écho d’une volonté de fusion entre deux banques allemandes qui en ferait une banque présentant des risques systémiques mondiaux. Votre ministère surveille-t-il que cette fusion se fait dans le respect des règles ?
Une Assemblée parlementaire franco-allemande se réunira pour la première fois le 25 mars prochain. Lorsque je m’entretiens avec des parlementaires d’autres pays européens, les divergences de philosophie que vous avez évoquées, notamment en ce qui concerne nos relations à l’Europe, me paraissent évidentes. D’après vous, quel peut être le rôle de cette Assemblée, au‑delà de son rôle juridique de transposition, afin de faire converger nos approches des dossiers européens ?
M. Christophe Naegelen. La Commission européenne a présenté une proposition visant à permettre aux États membres de modifier avec plus de souplesse les taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu’ils appliquent à différents produits. Quand cette proposition sera-t-elle à l’ordre du jour du Conseil ? Entendez-vous la soutenir ?
Par ailleurs, la Commission européenne a ouvert un débat sur la réforme du processus décisionnel dans certains domaines qui requièrent actuellement l’unanimité des États membres, comme la fiscalité. L’unanimité est rarement atteinte, ce qui engendre des retards dommageables et coûteux. Pensez-vous que ces propositions aient des chances d’aboutir alors que certains États membres y sont profondément défavorables ?
M. Pieyre-Alexandre Anglade. Comme vous le savez, les États‑Unis ont adopté en 2018 le Cloud Act, qui autorise la justice américaine à saisir toutes les données hébergées par les services américains tels que Amazon, Google, Microsoft ou encore Oracle. Cette loi vient fragiliser les entreprises européennes qui stockent quotidiennement des données sensibles sur ces plateformes américaines. En outre, la portée extraterritoriale de cette loi porte atteinte à la souveraineté européenne, puisqu’il est admis aujourd’hui qu’il n’y a pas de souveraineté politique ou économique sans souveraineté numérique dans un monde où l’économie est largement globalisée. Vous avez récemment déclaré que vous vouliez donner mandat à la Commission européenne pour négocier avec les États‑Unis un accord bilatéral sur ce sujet et ainsi instaurer un nouvel équilibre et une réciprocité sur la gestion de ces données. Pouvez‑vous nous donner plus de détails sur ce projet ?
Mme Marguerite Deprez-Audebert. Nous voulons tous préserver les aides à l’industrie, or on déplore une surenchère en matière de subvention au sein de l’Union européenne. Une convergence des taux de subvention est‑elle envisageable ? Comment comptez-vous obtenir une stabilisation et une convergence dans ce domaine ? Par exemple, le groupe japonais Bridgestone semble faire le choix d’investir en Italie du Sud, après avoir investi en Pologne, où les aides sont beaucoup plus alléchantes, plutôt que dans l’usine‑mère de mon territoire, qui fait l’objet d’un sous-investissement patent et qui désespère les 1 100 salariés et leur direction.
M. Bruno Gollnisch, membre du Parlement européen. Monsieur le ministre, dans votre exposé volontariste, vous avez évoqué la souveraineté technologique. Vous êtes sans doute conscient que la garantir suppose une modification radicale des politiques suivies jusqu’ici. J’ai à l’esprit le véritable scandale d’État qu’a représenté l’absorption d’une partie stratégique d’Alstom par General Electric, mais aussi l’opposition de la Commission européenne à la constitution d’un groupe dominant dans le domaine des hélicoptères, lorsqu’elle a refusé la fusion entre De Havilland et Aérospatiale, ou son opposition à la fusion de Pechiney avec Alcan et Algroup, qui a causé la disparition de Pechiney.
En ce qui concerne la souveraineté économique, je ne puis qu’adhérer à ce que vous avez dit sur la nécessité de la réciprocité. Mais comment parviendrez-vous à imposer cette réciprocité dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui nous contraint et qui contraint l’Union européenne tout entière ?
Le silence assourdissant des autorités françaises lors du racket imposé à BNP‑Paribas laisse mal augurer de l’avenir. D’autres sociétés, telles que le Crédit Agricole, sont aujourd’hui menacées de sanctions sans que les autorités françaises ne réagissent fortement.
J’avoue avoir du mal à comprendre votre position en ce qui concerne l’assiette de la taxe sur les GAFA. Il est vrai qu’il est extrêmement difficile d’établir le montant du chiffre d’affaires et des bénéfices. Cependant, quand on est parvenu à connaître ces bénéfices, pourquoi adopter un taux minimal ? Pourquoi ne pas adopter le taux d’imposition normal ?
Pouvez-vous nous dire pourquoi le Brexit aurait des conséquences économiques catastrophiques ? Après tout, il n’est pas certain que la Grande‑Bretagne s’affranchira des accords signés avec l’Union européenne sur le plan tarifaire, ni qu’elle limitera très sérieusement la circulation des personnes, lesquelles circulaient déjà entre la Grande‑Bretagne et le continent du temps de ma jeunesse, bien avant que la Grande‑Bretagne n’adhère à l’Union européenne.
Mme la présidente Sabine Thillaye. En ce qui concerne la fusion Alstom‑Siemens, l’Allemagne dispose d’un instrument juridique, le Ministererlaubnis, qui constitue un recours contre une décision de l’autorité de la concurrence, en permettant à un ministre fédéral, sous des conditions très strictes, de passer outre le refus d’une fusion. Un tel droit de recours du Conseil par rapport à une décision de la Commission vous paraît-il envisageable et approprié au niveau européen ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame Degois, les délais s’expliquent par le fait que, pour sécuriser le dispositif spécifique d’IR‑PME, au lieu d’appliquer immédiatement le taux de 25 % sans notification auprès de la Commission européenne, au risque que l’IR‑PME soit requalifié en aide d’État nous avons décidé de le notifier, ce qui n’avait jamais été fait. Nous avons donc fait le choix de la transparence. Pour le moment, le taux de 18 % reste applicable. J’ai bon espoir d’obtenir dans les mois prochains une réponse de la Commission et alors le taux de 25 % s’appliquera.
Monsieur Paluszkiewicz, en ce qui concerne la taxation numérique, le calendrier est très simple : nous avons pour objectif de trouver l’instrument adéquat au niveau de l’OCDE pour 2020. Au niveau européen, 23 États sur 27 ont déjà donné leur accord. La Commission européenne a maintenu son projet de directive et elle a raison, car il ne faut pas abandonner l’objectif de trouver une solution européenne. Je crois très sincèrement que le fait que les taxes nationales se multiplient a un effet de levier sur les États‑Unis, qui souhaitent que l’on parvienne à un accord multilatéral.
Monsieur Mendes, je suis toujours assez défavorable à l’idée de retirer certains investissements de tel ou tel calcul. On nous explique qu’il faut retirer les investissements dans la défense du calcul des 3 %, puis qu’il faut retirer les investissements écologiques… À ce compte-là, tous les investissements pourraient être sortis des critères qui permettent d’établir les finances publiques. En revanche, nous sommes très favorables à une taxe sur les transactions financières. Une telle taxe existe en France et rapporte un peu plus d’un milliard d’euros chaque année. Nous voudrions que nos partenaires européens adoptent une taxe de ce type. Cela fait partie des ressources que nous pourrions affecter au budget de la zone euro.
Madame Hennion, si nous réussissons à affirmer la souveraineté technologique, économique et monétaire de l’Union européenne, nous serons une puissance équivalente aux États-Unis et à la Chine. En revanche, si chacun essaie de s’en sortir tout seul, nous serons vassalisés. En effet, la féodalisation est le premier risque qui pèse sur l’Europe. Celle‑ci peut devenir une somme de féodalités, dont chacune aurait son petit drapeau, son pré carré et sa place forte, mais sans qu’existe une puissance globale. Au contraire, le port de Trieste doit travailler avec d’autres ports voisins, qui ne sont pas plus éloignés que deux terminaux du port de Shenzhen.
La Chine a décidé d’investir plus de 1 000 milliards de dollars dans le domaine de l’intelligence artificielle, et la moitié des brevets déposés dans ce domaine sont chinois. Ce n’est qu’en rassemblant nos forces que nous serons capables de soutenir la compétition. Sinon, on peut se vendre au plus offrant, en acceptant la vassalisation, mais je crois que ce n’est ni notre intérêt ni notre volonté.
Pour affirmer l’euro comme monnaie de réserve, il est d’abord nécessaire d’achever la construction de la zone euro, en instaurant un budget d’investissement et – un jour, je l’espère – de stabilisation. Il faut ensuite mettre en place l’union bancaire afin de garantir la stabilité du système bancaire. L’union bancaire, qui est à portée de main, doit reposer sur quatre instruments décisifs.
Premièrement, il faut un Fonds de résolution unique (FRU) qui soit solide ; or la France est le premier État qui cotise au FRU. Nous disposons donc d’un fonds de réserve, financé par les banques : en cas de défaillance, ce sont les banques qui payent sur la base du FRU, qui est donc une forme d’assurance, et non les États. Ce dispositif consolide donc considérablement notre monnaie, car il évite l’augmentation de la dette publique ainsi que la boucle entre risque bancaire et risque souverain qui peut affaiblir les États membres de la zone euro.
Deuxièmement, le FRU comprend un backstop qui est une protection, un filet de sécurité supplémentaire : nous disposons donc d’un FRU de 60 milliards d’euros et d’un backstop de 60 milliards d’euros, qui seront utilisés en cas de crise financière grave.
Troisièmement, il faut mettre en place une autorité de résolution unique qui évite la faillite en faisant porter le poids des difficultés sur les actionnaires et non sur les épargnants.
Quatrièmement, la BCE exerce désormais une surveillance systémique des banques. L’ensemble de ces instruments peut constituer une union bancaire et ainsi faire de la zone euro le système bancaire le plus solide au monde, ce qui permettra d’affirmer l’euro comme monnaie souveraine.
Monsieur Holroyd, je suis très favorable à la mise en place d’une assurance chômage européenne. Toutefois cette proposition, qui a été saluée par des nombreux économistes, se heurte à l’hostilité quasiment unanime des pays du Nord, notamment des Pays-Bas, qui craignent que l’assurance chômage crée une union de transfert. Mes homologues, les ministres des finances, affirment qu’une telle mesure est impossible à mettre en œuvre car les parlementaires de leur pays y sont opposés. Il est donc nécessaire que les parlementaires français défendent nos positions auprès des parlementaires étrangers, au Bundestag mais aussi dans les autres assemblées de la zone euro. L’assurance chômage de la zone euro vise à aider un État qui rencontre des difficultés économiques à financer son assurance chômage, dont le coût augmente en période de crise économique, pour qu’il ne renonce pas à faire les investissements stratégiques qui lui permettront de restaurer sa compétitivité et de redresser son économie. Il s’agit donc d’un dispositif vertueux et non d’une union de transfert.
Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence européenne doit s’assurer que la fusion entre la Deutsche Bank et la CommerzBank ne pose pas de difficulté. Cette fusion pourrait servir indirectement nos intérêts.
Enfin, l’Assemblée parlementaire franco‑allemande est une excellente initiative. Nous devons mieux nous connaître, argumenter et défendre nos positions. Certes, nous le faisons déjà au Parlement européen, néanmoins de nombreux préjugés et malentendus persistent entre les nations européennes. Les parlementaires ont un rôle majeur à jouer pour les dissiper.
Monsieur Naegelen, il faut définir une orientation stratégique sur la question de la TVA et s’y tenir. Cette orientation peut être contestée ; cela fait partie du débat démocratique et cette question a été posée dans le cadre du grand débat national. Cependant, on ne peut pas vouloir en même temps la convergence fiscale et la révision des directives sur la TVA afin d’autoriser un accroissement des écarts entre les États membres. Nous sommes l’un des pays européens où le taux moyen de TVA est le plus faible, de l’ordre de 17,6 %. On peut vouloir réduire ce taux à 0 % pour les produits de première nécessité, qui sont aujourd’hui imposés au taux de 5,5 %. Cela aurait un coût très élevé pour les finances publiques et il y a de fortes chances, même si l’on parvient à contrôler la marge du distributeur, que le bénéfice pour le consommateur soit très limité. Surtout, nous nous engagerions alors dans la voie du dumping fiscal que nous combattons par ailleurs. Or je crois que l’intérêt français est d’aller vers l’harmonisation fiscale la plus large possible, afin de rendre plus sincères les décisions d’installation et d’investissement des entreprises en Europe. Je ne pousse donc pas à ouvrir un grand débat sur les taux de TVA en Europe, car cela peut accroître les divergences et le dumping fiscal. Par ailleurs, je suis très favorable à ce que nous avancions vers la majorité qualifiée, ce qui nous aidera à atteindre la convergence des taux d’impôt sur les sociétés et à avancer sur la taxation du numérique. La prochaine Commission européenne devra prendre ces sujets à bras‑le‑corps.
Monsieur Anglade, depuis le Cloud Act, l’état du droit est tel que l’administration américaine — je ne parle pas de la justice, mais de n’importe quelle agence américaine — peut exiger la restitution de données stockées par une entreprise française ou européenne chez des opérateurs américains. Si une grande entreprise française a stocké ses données chez Microsoft et qu’une agence américaine, en alléguant une raison de sécurité nationale, décide d’obtenir ces données, Microsoft doit les lui transmettre, sans avoir l’obligation d’alerter l’entreprise concernée. Cette situation exorbitante du droit commun est inacceptable. Votre collègue Raphaël Gauvain m’a remis un très bon rapport afin de nous permettre de proposer des réponses à cette situation d’extraterritorialité produite par le Cloud Act, qui pose effectivement des problèmes de souveraineté majeurs. Il a notamment proposé de renforcer la loi de 1968, de conclure un accord bilatéral entre l’Europe et les États‑Unis, de judiciariser systématiquement et de rendre l’information obligatoire. Toutes ces voies me paraissent intéressantes ; nous avons donc des pistes de réponses, que nous devons mettre en œuvre avant la fin de l’année 2019.
Mme Marguerite Deprez-Audebert. Peut‑on envisager une convergence des subventions à l’industrie ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Nous devons progressivement parvenir à une convergence dans ce domaine. Ne soyons pas naïfs : certaines aides d’État sont nécessaires. Pour certains investissements, notamment des investissements stratégiques, ne pensons pas que l’on peut se passer de l’investissement de l’État. Tirons les leçons de la fabrication de panneaux solaires chinois et européens : on a dit aux industriels européens qu’il n’était pas permis de subventionner des panneaux solaires, mais on a laissé entrer sur le marché européen des panneaux totalement subventionnés par l’État chinois et on a tué une filière industrielle complète.
Je ne suis pas un idéologue ; ma fonction est de défendre les intérêts français et européens. Nous avons besoin d’aide publique pour un certain nombre de filières qui sans elle n’existeront pas, telles que l’intelligence artificielle, les algorithmes et le stockage des données, ou les batteries électriques. Les programmes européens d’intérêt collectif existent, mais les délais sont trop longs. Une entreprise automobile qui prévoit de sortir une gamme de voitures électriques en janvier 2020 ne peut pas attendre six mois ou un an pour savoir si elle peut ou non compter sur les batteries électriques. Le monde va vite et l’Europe va lentement. Je souhaite que l’Europe aille aussi vite que le reste du monde, qu’elle soit capable de changer son idéologie. J’ai pour seul objectif la défense de nos intérêts économiques. Voilà quel est l’enjeu des prochaines élections européennes et de la prochaine Commission européenne.
Monsieur Gollnisch, il faut réformer l’OMC, sans quoi il nous sera difficile de défendre notre souveraineté économique.
Notre objectif est de permettre à la France d’imposer les flux financiers à destination d’États dans lesquels ces flux ne sont pas, ou très peu, taxés. Si une multinationale fait des bénéfices en France et les rapatrie dans une succursale qui se trouve dans un paradis fiscal où le taux d’imposition sur les sociétés est de 3 %, la France perd la base fiscale des bénéfices réalisés en France. Nous voudrions instaurer une imposition minimale sur ces bénéfices. Je rappelle à ceux qui affirment que c’est trop interventionniste que des États ont mis en place un dispositif similaire pour dissuader de délocaliser ces profits dans des paradis fiscaux.
Je n’ai jamais considéré que le Brexit aurait des conséquences économiques catastrophiques. Avec le Premier ministre, nous avons pris dans le secteur financier un ensemble de dispositions qui limiteront ces conséquences. C’est pour les autres pays européens une opportunité de savoir quel système économique nous voulons. C’est le moment de rompre avec un capitalisme de court terme, exclusivement fondé sur des intérêts financiers, pour bâtir un capitalisme de long terme et d’innovation, qui garantisse notre indépendance et notre souveraineté technologique.
Enfin, madame la présidente, le ministre français de l’économie et des finances dispose d’un droit d’évocation. J’ai été le premier à en faire usage dans le cadre d’une fusion qui avait été refusée par l’Autorité de la concurrence française, car cette décision aurait entraîné la perte de centaines d’emplois. Mon homologue allemand et moi avons proposé d’instituer ce droit d’évocation au niveau européen.
Mme la présidente Sabine Thillaye. Monsieur le ministre, nous vous remercions d’avoir répondu à toutes nos questions, d’avoir présenté des solutions aux problèmes que nous avons évoqués et de nous avoir montré qu’existe une volonté politique d’affirmer notre puissance, la puissance de l’Europe.
La séance est levée à 18 h 05.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Éric Bothorel, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Yolaine de Courson, Mme Typhanie Degois, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Frédérique Dumas, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Nicole Le Peih, M. Ludovic Mendes, M. Christophe Naegelen, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-Pierre Pont, M. Joaquim Pueyo, M. Éric Straumann, Mme Sabine Thillaye
Excusée. – Mme Coralie Dubost
Assistait également à la réunion. – M. Bruno Gollnisch, membre du Parlement européen.