Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255) ; examen et vote sur les crédits des missions :
– Travail et emploi, et sur l’article 84, rattaché ; compte spécial Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (Mme Marie-Christine VERDIER-JOUCLAS, rapporteure spéciale)
– Régimes sociaux et de retraite ; compte spécial Pensions (M. Olivier DAMAISIN, rapporteur spécial)
– Présences en réunion
Mardi
30 octobre 2018
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 26
session ordinaire de 2018-2019
Présidence
de
M. Éric Woerth,
Président
— 1 —
La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255).
Elle examine tout d’abord les crédits de la mission Travail et emploi, ainsi que l’article 84 rattaché, et les crédits du compte spécial Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (Mme Marie‑Christine Verdier‑Jouclas, rapporteure spéciale).
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Le développement de l’activité et de l’emploi est au cœur des préoccupations du Gouvernement et de la majorité. Depuis un an, les résultats sont encourageants, avec une baisse de 1,2 % du nombre de chômeurs inscrits en catégorie A et une augmentation du taux d’activité, qui s’établit à 72 %.
Si les chiffres sont parfois capricieux, la tendance de fond est indéniable. Les embauches depuis deux mois, hors intérim, atteignent un nouveau pic au troisième trimestre 2018, avec une hausse globale de 2,7 % et le nombre de contrats à durée indéterminée connaît une augmentation de 2,6 %.
Dans cette volonté de développement de l’emploi, les crédits de la mission Travail et emploi sont un des éléments de la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement et notre majorité. Ils s’inscrivent dans une politique d’ensemble qui consiste à baisser le coût du travail avec la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations sociales, à développer un système de formation professionnelle plus innovant et plus efficace, conformément à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et à permettre aux entreprises davantage de flexibilité dans leur gestion quotidienne, conformément aux ordonnances de l’an passé sur le travail. Ce n’est que dans ce cadre d’ensemble que l’on peut appréhender les évolutions budgétaires sur la mission Travail et emploi, redimensionnée pour tenir compte à la fois de l’évolution de la conjoncture économique et des réformes déjà entreprises, notamment en ce qui concerne le coût du travail. C’est ce qui explique la baisse apparente de 3 milliards d’euros sur la mission entre la loi de finances initiale de 2018 et le projet de loi pour 2019 sur les crédits de paiement, soit 2 milliards d’euros à périmètre constant, tout en ayant des autorisations d’engagement stables.
S’agissant de la baisse des crédits de paiement, plusieurs éléments sont à souligner. En premier lieu, plus d’un tiers de la baisse relève d’effets de périmètre – à hauteur de 1,1 milliard d’euros pour être précis. Ces effets sont liés à la fin de la compensation des exonérations de cotisations sociales pour les apprentis du fait de la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations et du transfert à l’éducation nationale des contrats aidés pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap, ce qui représente environ 30 000 emplois aidés.
Nous constatons une diminution des prescriptions en matière de contrats aidés. Nous assumons pleinement cette politique de recentrage des aides vers le secteur non marchand, dans le prolongement des orientations retenues en 2018, et nous prévoyons le financement de 100 000 parcours emploi compétences (PEC) afin de continuer à aider les personnes sans qualification, les travailleurs handicapés et les personnes issues des quartiers prioritaires de la ville.
Par ailleurs, la subvention accordée à Pôle emploi baisse de 85 millions d’euros, mais cette baisse est largement compensée par l’évolution des ressources dynamiques versées par l’UNEDIC – entre 103 et 105 millions d’euros –, ce qui fait en fin de compte une augmentation d’environ 20 millions d’euros.
Enfin, c’est la fin de la reconduction de la prime à l’embauche pour les petites et moyennes entreprises qui, je le rappelle, avait été pensée comme un dispositif transitoire mis en œuvre un peu avant l’élection présidentielle, et qui n’avait donc pas vocation à être pérenne. Cela représentait une dépense de 1 milliard d’euros qui s’éteindra en 2019.
Vous l’aurez compris, notre volonté est de mieux dépenser l’argent public en étant plus efficace. C’est pourquoi nous investissons dans les dispositifs d’accompagnement qui fonctionnent et qui ont produit leurs effets. Ce sont ainsi 50 millions d’euros de plus qui serviront à financer 5 000 aides au poste supplémentaires dans le cadre de l’insertion par l’activité économique (IAE), soit au total 889 millions pour 76 000 aides au poste (exprimées sous forme d’équivalents temps plein) et 134 000 bénéficiaires, pour atteindre, avec le plan pauvreté, 1,2 milliard d’euros et 230 000 personnes bénéficiaires en 2022, investissement inédit dans ce secteur de service des plus précaires.
Notre volonté est également de tenir compte des spécificités territoriales. Ces fonds, ainsi que ceux destinés aux contrats aidés, sont fusionnés dans un fonds d’inclusion pour l’emploi qui permettra une fongibilité des crédits entre ces deux dispositifs. Ce sont ainsi 25 000 contrats en emplois francs qui seront signés entre le 1er avril 2018 et le 31 décembre 2019 pour aider les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Dernier argument de taille : le déploiement du plan d’investissement dans les compétences (PIC), dont je rappelle qu’il représente près de 15 milliards d’euros sur cinq ans. Il permettra de déployer 3 milliards d’euros sur la mission Travail et emploi dès 2019, avec 100 000 nouvelles entrées en garantie jeunes, des parcours de formation sur les secteurs en tension ou encore l’accompagnement des personnes éloignées de l’emploi, dont 1 300 000 jeunes sans diplôme ni qualification.
Avant de conclure, je voudrais également mentionner trois évolutions particulières remarquables dans le budget de la mission : premièrement, s’agissant de l’apprentissage, la nouvelle aide unique ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les apprentis, qui représente une dotation de 922 millions d’euros en autorisations d’engagement ; deuxièmement, le dispositif de soutien à la reprise ou à la création d’une entreprise dénommé aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) et autrefois réservé aux chômeurs est élargi à l’ensemble des créateurs ou repreneurs d’entreprise. Troisièmement, la progression remarquable des crédits en faveur des travailleurs handicapés. Afin de réduire l’écart de taux de chômage des personnes en situation de handicap, qui est le double de la population active, le Gouvernement a engagé une transformation profonde de la politique d’emploi des travailleurs handicapés, avec une simplification de l’obligation d’emploi et une refondation de la politique d’offre de services aux travailleurs handicapés et aux entreprises. Ce sont près de 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement qui sont inscrits dès 2019 pour accompagner cet engagement, afin de remplir l’objectif d’accompagner 40 000 personnes supplémentaires dans le secteur adapté à l’horizon 2022.
M. Jean-Louis Bricout. Nous venons d’examiner plusieurs missions, notamment la mission Cohésion des territoires. Au fil de l’examen de ces missions, je vois de nombreux dispositifs disparaître : ainsi le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce et des contrats de ruralité pourtant utiles aux commerces de proximité. Et lors de l’examen de la mission Économie, on a vu que les chambres de commerce, dont on connaît le rôle en termes de développement, dans nos territoires ruraux notamment, seront appelées à connaître des restructurations assez importantes et une baisse de 100 millions d’euros. Tout cela n’arrange pas nos territoires.
Pour ce qui est de la mission que nous examinons ce soir, on ne parle plus de plateformes territoriales telles que les maisons de l’emploi. Mais ce qui m’inquiète le plus, ce sont les missions locales. Vous parlez d’une expérimentation de mutualisation, peut-être d’absorption par Pôle emploi. Or les missions locales sont un outil indispensable de retour à l’emploi pour notre jeunesse. Elles apportent un accompagnement professionnel, mais aussi quelquefois personnel. Les entreprises que vous rencontrez doivent certainement vous dire que le comportement de certains jeunes pose problème ; or les missions locales mènent des actions très spécifiques liées au comportement de ces jeunes dans l’entreprise. Le travail effectué par les missions locales auprès des jeunes est souvent méconnu alors qu’elles ont une connaissance beaucoup plus précise de ce public, notamment dans les territoires les plus difficiles, que Pôle emploi où les jeunes ne se sentent pas toujours suffisamment accompagnés.
Mme la rapporteure spéciale. En ce qui concerne les maisons de l’emploi, nous avons fait le choix l’année dernière de leur consacrer 10 millions d’euros, et il était prévu de ne rien leur donner cette année. En effet, si ces maisons de l’emploi ont fait un travail nécessaire à une certaine époque, leur maintien n’est plus justifié dès lors que Pôle emploi a été créé. En revanche, comme ce dispositif fonctionnait bien dans certains territoires, les maisons locales sont restées, mais ce sont les collectivités locales qui en ont repris le financement.
En ce qui concerne les missions locales, je ne comprends pas très bien votre propos : il n’est pas question de les supprimer. Il s’agit seulement de fusionner leur budget au titre de l’accompagnement. Elles continuent à exister, à remplir leurs missions et à déployer la garantie jeunes.
M. Benjamin Dirx. Concernant l’apprentissage, les entreprises ont accès à une nouvelle aide unique à l’embauche. Si j’ai bien compris ce qui figure dans le rapport, on table sur une augmentation de 5 % du nombre de jeunes qui entreraient en apprentissage. Sur quoi se fonde-t-on ? Sur les places vides constatées dans les centres de formation d’apprentis, ou bien sur les données fournies par les branches ? Ma question est probablement compliquée. Peut‑être pourrez-vous y répondre ultérieurement.
Mme Véronique Louwagie. Je vous remercie, madame la rapporteure spéciale, pour ces éléments.
Vous avez cherché à nous rassurer en nous affirmant qu’il n’était pas question de supprimer les missions locales. Or je vous rappelle que dans un communiqué en date du 18 juillet, qui a fait suite aux ateliers « Action publique 2022 », le Gouvernement a proposé aux collectivités volontaires de fusionner les structures des missions locales au sein de Pôle emploi avec une gouvernance adaptée – autrement dit de mettre fin aux missions locales. Effectivement, c’est cette orientation qui inquiète les missions locales puisque le communiqué indique clairement une volonté de fusionner, autrement dit de mettre fin aux missions locales.
Ma question concerne l’apprentissage et les organismes de formation au regard de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il semble qu’un certain nombre de décrets soient en attente et que ces opérateurs soient aujourd’hui en difficulté pour mettre en œuvre certaines directives dès le mois de janvier 2019. En savez-vous plus quant à la date de parution des décrets ?
M. le président Éric Woerth. Comme toujours, la politique de l’État est faite d’allers-retours. Les maisons de l’emploi ont été créées pour essayer de fédérer l’ensemble des acteurs autour de l’emploi ; c’était une belle idée qui a dû être efficace dans certains territoires et inefficace dans d’autres – cela dépend surtout des gens qui les animent. Je peux comprendre que dans une période de croissance et de création d’emplois, on puisse considérer qu’il y a moins de tension entre Pôle emploi et les maisons de l’emploi et que l’opérateur public Pôle emploi peut jouer seul ce rôle.
Le problème est assez différent en ce qui concerne les missions locales. Je rejoins mes collègues pour dire que la garantie jeunes passe beaucoup par elles. Les collectivités locales sont très impliquées dans leur fonctionnement, là aussi avec les caractéristiques de nos différents territoires. Je pense que beaucoup de missions locales ne se ressemblent pas. Il faut prendre garde à ne pas les casser, même si l’on peut sans doute les moderniser, les rationaliser.
Mme la rapporteure spéciale. Le rapport CAP 2022 contient une série de préconisations issues d’un groupe de travail transpartisan. La fusion des structures des missions locales peut effectivement être une option dans certains territoires où elles sont moins efficaces. En tout état de cause, le budget ne remet à aucun moment en cause l’utilité de la mission locale : j’en veux pour preuve que les crédits sont maintenus.
En ce qui concerne l’apprentissage, je sais que davantage de taxes ont été collectées. La réforme devrait se traduire par une hausse significative du nombre d’entrées en apprentissage l’année prochaine, avec un objectif de 22 000 entrées supplémentaires. L’adaptation de l’offre de formations en apprentissage et le renforcement de l’attractivité de cette formation pour les jeunes nous permettent de tabler sur une augmentation des demandes. France compétences est l’instance unique qui versera l’aide à l’employeur dès lors qu’un contrat sera signé entre l’apprenti, l’entreprise et le centre de formation.
M. le président Éric Woerth. L’année dernière, nous avons eu un débat sur les aides à l’insertion des personnes en situation de handicap, notamment sur les aides au poste. On s’était aperçu que le montant de ces aides diminuait quand on le rapportait au nombre de bénéficiaires. Considérez-vous que les choses sont rentrées dans l’ordre aujourd’hui ?
Mme la rapporteure spéciale. L’aide au poste en entreprise adaptée fait partie des dispositifs qui ont prouvé leur efficacité. Le but du Gouvernement est effectivement de mettre de l’argent dans les dispositifs qui fonctionnent et qui sont efficaces, et d’en mettre moins là où l’efficacité n’est pas démontrée.
Le montant des aides au poste dans les entreprises adaptées connaît une augmentation significative de 400 millions d’euros. D’ici à 2022, 40 000 aides au poste supplémentaires en entreprises adaptées seront créées.
M. le président Éric Woerth. Autrement dit, le Gouvernement répond à la demande.
Mme la rapporteure spéciale. Tout à fait.
Madame Louwagie, vous m’avez interrogée sur la parution des décrets d’application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. C’est vrai, ces décrets se font attendre un peu, mais je n’en sais pas davantage. C’est une question que nous pourrons poser à Mme la ministre ou à son cabinet.
M. Jean-Louis Bricout. S’agissant des personnes handicapées, vous nous avez rappelé les différents dispositifs. Le Fonds de gestion des congés individuels de formation prend-il en charge le reste à charge de l’employeur en ce qui concerne les contrats d’apprentissage ?
Mme la rapporteure spéciale. Je n’ai pas connaissance de ce point.
M. le président Éric Woerth. Une réponse vous sera apportée en séance publique.
La commission en vient à l’examen des amendements.
Article 39 et état B
La commission examine l’amendement II-CF806 de Mme Christine Pires Beaune.
M. Jean-Louis Bricout. Le budget prévoit de diminuer de 84,3 millions d’euros la subvention pour charges de service public attribuée à Pôle emploi. Le Gouvernement impose d’ailleurs à Pôle emploi une diminution de 800 postes en 2019. Nous contestons cette baisse, surtout dans le contexte actuel de chômage en France. Cela nous paraît plutôt contradictoire avec l’ampleur des besoins d’accompagnement et d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Six cents postes ont déjà été supprimés en 2018.
De plus, une telle baisse est un mauvais signal envoyé au personnel de Pôle emploi, dont je salue le travail et l’engagement au quotidien.
Mme la rapporteure spéciale. Peut-être vais-je être un peu longue dans ma réponse, mais je crois que le sujet le mérite. On peut penser que, facialement, les crédits alloués à Pôle emploi baissent, mais je vais essayer de vous démontrer qu’il s’agit au contraire d’une augmentation et d’une restructuration.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, les ressources de Pôle emploi sont constituées d’une subvention pour charges de service public (SCSP) versée par de l’État et d’une contribution de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage, à savoir l’UNEDIC. Effectivement, pour 2019 le montant de la SCSP prévu dans le projet de loi de finances s’élève à 1,372 milliard d’euros, soit, vous l’avez dit, une baisse de 84 millions d’euros. Compte tenu de la reprise de l’emploi actuellement observée, avec près de 300 000 créations nettes d’emplois sur douze mois, les ressources dynamiques de Pôle emploi devraient augmenter de 103 millions d’euros, pour atteindre 3,52 milliards d’euros, ce qui compenserait plus que largement la baisse de la dotation. En fin de compte, Pôle emploi bénéficierait en 2019 de 20 millions d’euros supplémentaires en raison justement de ces ressources dynamiques.
Ces nouvelles ressources s’additionnent au budget prévu par le projet de loi de finances, notamment celles issues du plan d’investissement dans les compétences, pour un montant de 365 millions d’euros sur ces deux années. Ces crédits permettront de financer notamment les organismes paritaires collecteurs agréés, le plan d’amorçage pour la formation professionnelle, la prestation « valoriser son image pro » destinée à appréhender les différentes dimensions du savoir-être professionnel, ou encore la formation au numérique via l’aide au projet d’inclusion des compétences numériques, et enfin la préparation opérationnelle à l’emploi collective dans les métiers du numérique.
Mais il faut savoir aussi qu’il sera acteur dans l’application des réformes en cours sur l’assurance chômage, la mise en œuvre des modalités pour la recherche d’emploi ainsi que sur le champ de la formation professionnelle et l’alternance. Pôle emploi, dont j’ai auditionné le directeur général, M. Jean Bassères, n’est pas inquiet de l’évolution de sa dotation. La baisse de la SCSP tient compte notamment des efforts de productivité engagés par l’opérateur dans l’exercice de ses attributions, notamment l’optimisation des traitements des plateformes de back-office et des fonctions support ainsi que la digitalisation accrue de l’accompagnement des demandeurs d’emploi les plus autonomes.
Je me suis rendue personnellement dans une agence Pôle emploi de ma circonscription et j’ai pu échanger avec tous les acteurs, qui m’ont confirmé la modernisation de leur emploi et leur optimisation possible. Il y a des expérimentations qui fonctionnent, et qui sont généralisées, par exemple l’entretien sans curriculum vitae, fondé uniquement sur les compétences et qui est utile surtout en cas de reconversion. Les entreprises adhèrent de plus en plus et les résultats sont là. On est bien sur de nouveaux schémas et déploiements dont il faut tenir compte.
Sur les quatorze indicateurs de performance de la convention tripartite, tous les objectifs fixés ont été atteints – le fait est assez rare pour être signalé. Le plus connu est le suivi moyen de demandeurs d’emploi par conseiller, dont la moyenne est aujourd’hui de quarante-six demandeurs d’emploi accompagnés par conseiller. Certes, il y a des disparités territoriales, mais nous pouvons largement optimiser cette moyenne au vu de tout ce que j’ai énoncé plus haut.
Avis défavorable sur l’amendement.
M. Jean-Louis Bricout. Je vous remercie pour vos explications.
Pour fréquenter quelquefois Pôle emploi avec des demandeurs d’emploi, notamment des jeunes, je peux vous dire que le parcours peut être assez compliqué. J’ai suivi plus particulièrement une personne qui était en situation de handicap, et j’ai pu constater que Cap Emploi, les missions locales et Pôle emploi se renvoient parfois un peu la balle. Et le tout numérique pose quelques problèmes pour des jeunes qui n’ont pas nécessairement un ordinateur chez eux. J’ai eu aussi connaissance de quelques bugs, notamment de rendez-vous reportés d’un mois, tout simplement faute de réponse retour.
En tout cas, Pôle emploi fait des efforts pour que le suivi des demandeurs d’emploi soit plus individualisé, mieux adapté, plus numérisé et c’est tant mieux. Mais la baisse des moyens ne se justifie pas, surtout lorsque l’on s’adresse à des populations qui ont besoin d’une attention plus particulière, plus dynamique et plus proactive dans leur relation avec l’entreprise.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements II-CF822 et II-CF808 de Mme Christine Pires Beaune.
M. Jean-Louis Bricout. En 2016, le nombre d’emplois aidés s’élevait à 460 000, contre 350 000 en 2017 et 200 000 en 2018. Et aujourd’hui, vous proposez encore une baisse de 100 000. Pour notre part, nous proposons de rétablir ces contrats aidés : la baisse de leur nombre a des conséquences dans les territoires qui sont loin d’être négligeables. Bon nombre de personnes parfois proches de la retraite, et qui ne sont pas forcément en situation de handicap, ont des difficultés pour aller travailler dans le secteur marchand ; elles se voient tout simplement renvoyées à la case départ, à la case revenu de solidarité active.
La baisse du nombre de contrats aidés affecte les départements, comme on l’a vu lors de l’examen de la mission Relations avec les collectivités territoriales, avec les droits de mutation à titre onéreux, et a parfois des impacts sur l’acceptabilité des mesures écologiques. On a imposé aux petits villages, et c’est normal, le désherbage manuel ; encore faut-il qu’ils aient des ressources pour le financer : il arrive un moment où les communes ne parviennent plus à faire face à leurs charges et les contrats aidés leur permettaient d’avoir une main‑d’œuvre moins chère. C’est pourquoi nous demandons leur rétablissement. L’amendement II‑CF822 propose la création de 100 000 contrats aidés supplémentaires en 2019 et l’amendement II-CF808 la création de 100 000 PEC, avec un taux de prise en charge par l’État à hauteur de 70 % du SMIC.
Mme la rapporteure spéciale. Je l’ai dit, et je le répète, nous assumons cette politique de recentrage des contrats aidés vers le secteur non marchand, dans le prolongement des orientations retenues en 2018.
Il faut savoir que le Gouvernement transfère 30 000 contrats aidés sur le budget de l’éducation nationale, destinés aux auxiliaires de vie scolaire (AVS) qui s’occupent des enfants en situation de handicap. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de ce transfert, le but étant que ces AVS deviennent des emplois pérennes, et non plus des contrats aidés, ce qui permettrait que les enfants en situation de handicap aient le même interlocuteur sur une longue durée.
Je suis tout à fait consciente des difficultés que peuvent rencontrer des associations. Ce fut surtout le cas en 2018 avec l’arrêt des contrats aidés. Mais il ne faut pas oublier qu’à partir du 1er janvier, le CICE sera transformé en allégement de charges pérennes. Avec cette nouvelle mesure, les associations pourront prétendre à bénéficier d’allégements de cotisations pérennes lorsqu’elles embauchent.
Il est écrit, dans l’exposé sommaire de votre amendement, que 2 % des associations sportives vont disparaître en 2018. J’ai un peu de mal à le croire, notre rôle de député étant d’alerter le préfet sur les situations un peu délicates de certaines associations, en attendant la transformation, en 2019, du CICE en allégement de charges.
La création du fonds d’inclusion pour l’emploi permet d’avoir une enveloppe commune entre les contrats d’insertion par l’activité économique, les contrats aidés, et les PEC. Ainsi, on pourra tenir compte des spécificités territoriales et utiliser à un endroit davantage d’IAE et moins de PEC et à un autre endroit moins d’IAE et plus de PEC, etc. Mais il faut en finir avec les contrats aidés qui ont démontré par a + b qu’ils n’étaient pas efficaces.
Jusqu’à présent, on a moins eu recours au PEC parce que l’obligation de qualification et d’accompagnement est beaucoup plus exigeante qu’avec le contrat aidé. Avec le contrat aidé, on a oublié complètement la personne qui l’a utilisé, pour qui cela devait déboucher sur un travail pérenne, tandis qu’avec le PEC, on revient à une démarche sensée qui remet la personne au centre du dispositif. Ce faisant, on dépense mieux l’argent public, de façon plus efficace, là où ça fonctionne. Je ne peux donc que donner un avis défavorable sur vos amendements.
M. le président Éric Woerth. Les contrats aidés, c’est une longue histoire avec la République française ; ils ont eu des tas de noms différents... Les gouvernements qui se sont succédé avaient tous la même volonté : mieux insérer les gens. Il s’agit là d’une nouvelle tentative.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle en vient à l’amendement II-CF807 de Mme Christine Pires Beaune.
M. Jean-Louis Bricout. Si l’enveloppe destinée aux missions locales au titre de l’accompagnement et du suivi de la garantie jeunes est en hausse, celle du budget global est en baisse de 8,12 millions d’euros.
Lors de la présentation du plan pauvreté, le Président de la République a affirmé vouloir quintupler le nombre de garanties jeunes. Pourtant votre budget ne se fixe comme objectif que 100 000 nouveaux jeunes entrants pour 2019, ce qui correspond à peine aux ambitions portées depuis sa création.
Le Président de la République affirme vouloir être attentif à la situation des jeunes, qui ne sont pas épargnés par la pauvreté, et votre budget diminue les crédits des opérateurs censés la combattre. Nous pensons que c’est incohérent, et c’est pourquoi nous proposons de rétablir les crédits alloués aux missions locales à hauteur de ce qu’ils étaient en 2018, sachant que la garantie jeunes est un très bon dispositif financé en partie par l’Europe.
Mme la rapporteure spéciale. Je voudrais d’abord souligner que le taux de sorties positives vers l’emploi des jeunes ayant bénéficié de la garantie jeunes n’a cessé de progresser, passant de 55 % en 2016 à 64 % en 2017 et à 69 % en 2018. Le choix du Gouvernement et du Président de la République de conforter ce dispositif est donc légitime.
À cet égard, le coût total du dispositif, c’est-à-dire la part accompagnement et la part allocation, a progressé de plus de 20 millions d’euros, encore augmentés de 35 millions d’euros, comme en 2018, issus du Fonds social européen.
Cela permettra 100 000 nouvelles entrées en garantie jeunes en 2019. Comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a par ailleurs annoncé un quintuplement du nombre de garantie jeunes dans le cadre du plan pauvreté. Une partie importante des crédits du PIC doit servir à financer cette montée en puissance qui interviendra dès 2020.
Enfin, sur le volet accompagnement, les crédits destinés au fonctionnement des missions locales au titre des conventions pluriannuelles d’objectifs sont ajoutés au montant prévu dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 au titre de l’accompagnement de la garantie jeunes.
Les deux lignes seront ainsi globalisées et les missions locales recevront donc au total des crédits de 357,88 millions d’euros en autorisations d’engagement et 350,96 millions d’euros en crédits de paiement en 2019 pour assurer leurs missions.
Cette fusion des lignes est une bonne chose : si l’individualisation de l’accompagnement trouvait sa raison d’être lors du démarrage du dispositif, celui-ci est désormais devenu une grande part de l’activité des missions locales, qui le maîtrisent mieux qu’à ses débuts. Il est donc pertinent de leur permettre de mobiliser indistinctement leurs crédits en fonction de la totalité de leurs missions, dont la garantie jeunes. Une fois de plus, on trouve une certaine cohérence pour répondre à la spécificité de chaque territoire en fonction du public qui passe le pas de la mission locale.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président Éric Woerth. La garantie jeunes est un dispositif assez coûteux, qui doit être bien suivi par les responsables des différentes missions locales.
M. Jean-Louis Bricout. En zone rurale, les missions locales se retrouvent à devoir supporter des charges supplémentaires : il faut parfois organiser les garanties jeunes au plus proche, et cela induit des frais de déplacement qui ne sont pas les mêmes qu’en ville, alors que l’accompagnement est le même.
M. le président Éric Woerth. Il doit y avoir des possibilités d’adaptation locale par le préfet ou la direction du travail.
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement II-CF811 de Mme Christine Pires Beaune.
M. Jean-Louis Bricout. Votre budget pour 2019 prévoit 3 millions d’euros pour la mise en œuvre du compte personnel d’activité (CPA) et du compte personnel de formation (CPF), contre 8 millions l’année dernière. La baisse de ces crédits nous inquiète pour la mise en œuvre de la réforme de la formation professionnelle et de l’application CPA‑CPF dont vous vous êtes largement fait le porte-parole pendant l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il y a une incohérence entre vos annonces et les moyens alloués pour développer ces dispositifs.
Mme la rapporteure spéciale. À fin août 2018, 1,6 million de dossiers CPF ont été validés, dont 940 000 au profit des demandeurs d’emploi. La généralisation suit donc son cours à un bon rythme. Il ne faut pas vous inquiéter à propos de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dans la mesure où l’instauration de France compétences devra faciliter l’utilisation du CPF.
Il est vrai que, pour le déploiement du système d’information associé au CPA comme au CPF, une dotation de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est prévue en PLF 2019 ; cette dotation sera complétée d’un financement du grand plan d’investissement. Cette dotation complémentaire s’effectuera notamment à travers l’opérateur France compétences dont la mise en place sera effective à partir du 1er janvier 2019.
À ce titre, je vous rappelle que près de 1,5 milliard d’euros seront reversés en 2019 sur la mission Travail et emploi par le biais d’un versement de fonds de concours de la part de France compétences. Il s’agit ainsi de donner les moyens au nouvel opérateur de conduire les actions pour lesquelles il est compétent et qui sont définies par la loi que nous venons de voter sur la liberté de choisir son avenir professionnel.
Il ne s’agit donc en aucun cas d’un recul de l’engagement du Gouvernement pour transformer l’accès à la formation professionnelle, mais bien au contraire d’un effort de cohérence dans le travail de réforme et de transformation que nous menons depuis plus de quinze mois. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement II-CF810 de Mme Christine Pires Beaune.
M. Jean-Louis Bricout. Le fonds de cohésion sociale a été créé par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Il a pour objet de garantir à des fins sociales des prêts à des personnes physiques ou morales et des prêts à des demandeurs d’emploi ou titulaires de minima sociaux créant leur entreprise.
Les crédits passent certes de 14 millions d’euros en 2018 à 17 millions d’euros en 2019, mais ils étaient de 22 millions en 2017. La justification qui avait été avancée l’an dernier était une sous-exécution chronique. Pourtant la sous-consommation n’est pas, en l’espèce, une justification suffisante dans la mesure où les crédits sont une garantie qui permet la levée de fonds. Il est nécessaire d’encourager la création d’entreprises par des demandeurs d’emploi et donc d’augmenter les crédits du fonds pour les maintenir à 22 millions d’euros, comme en 2017. C’est un dispositif important pour les gens qui ont des difficultés financières pour lancer leur entreprise.
Mme la rapporteure spéciale. Je ne reviendrai pas sur la définition du fonds de cohésion sociale ni sur la baisse de crédits cette année, vous avez bien expliqué tout cela. Mais vous oubliez de mentionner que la loi de financement de la sécurité sociale a élargi l’ACCRE à tous les créateurs ou repreneurs, alors qu’elle était jusque-là réservée aux chômeurs. C’est un changement d’échelle majeur et un accompagnement sans précédent, notamment pour les personnes titulaires de minima sociaux.
Ce sont ainsi 527 millions d’euros qui sont inscrits dans le PLF 2019 à ce titre, alors qu’en 2018, l’ACCRE ne représentait que 217 millions d’euros. Pour l’accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise, le PLF 2019 consacre ainsi près de 300 millions d’euros supplémentaires sur ce dispositif. Compte tenu de cet effort, je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement.
M. Jean-Louis Bricout. Si la baisse de crédits est largement compensée par l’élargissement du dispositif ACCRE, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement II-CF809 de Mme Christine Pires Beaune.
M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons d’attribuer 2 millions d’euros supplémentaires pour les dispositifs locaux d’accompagnement (DLA) des milieux associatifs et d’économie sociale et solidaire.
Mme la rapporteure spéciale. Pour abonder les crédits des DLA, il faudrait le faire dans le cadre de la mission budgétaire Écologie. Je me bornerai donc à indiquer que ces crédits ont été reconduits dans le PLF 2019 au même niveau qu’en loi de finances initiale pour 2018.
M. le président Éric Woerth. Il faut réorienter !
M. Jean-Louis Bricout. Je le retire... pour le réorienter.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement II-CF813 de Mme Christine Pires Beaune.
M. Jean-Louis Bricout. Notre groupe regrette que les crédits alloués au défenseur syndical baissent de 900 000 euros pour 2019. Ce dernier intervient au nom d’une organisation syndicale pour assister ou représenter les parties devant les conseils de prud’hommes. Réduire les crédits alloués à une telle mission est un très mauvais signal envoyé à ces défenseurs dont les attentes et les besoins sont pourtant nombreux, notamment en termes de formations. Rappelons que le nombre d’heures pour exercer, dix heures, reste faible et que le temps de formation est lui aussi faible, deux semaines par mandat.
Mme la rapporteure spéciale. C’est une dépense obligatoire, qui ne saurait prêter à polémique dans le budget : si les crédits baissent, c’est au vu de ce qui a été consommé l’année dernière. Il y aura bien deux semaines de formation et dix heures par mois de représentation, conformément aux équilibres arrêtés lorsque vous avez voté la loi. Cela permettra aussi de financer le maintien de salaire pendant les heures de délégation pour l’exercice de leur fonction, ou encore des autorisations d’absence pour les besoins de formation. Ces modalités sont définies par un décret, mais, je le redis, il s’agit d’une dépense obligatoire. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Enfin, elle examine l’amendement II-CF812 de Mme Christine Pires Beaune.
Mme la rapporteure spéciale. Avis défavorable. Nous avons voté une loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le droit du travail ; laissons à chaque entreprise, chaque syndicat, chaque collège de salariés le soin de s’organiser en conséquence. Cette réforme progresse vite, le nombre de branches se réduit, pour un dialogue social plus efficace.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte les crédits de la mission Travail et emploi, sans modification.
Article 84 : Modification du dispositif d’allocation d’activité partielle relatif au délai de réclamation et au régime de recouvrement
La commission adopte l’article 84, sans modification.
Article 41 et état D
La commission adopte les crédits du compte spécial Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, sans modification.
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La commission examine ensuite les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte spécial Pensions (M. Olivier Damaisin, rapporteur spécial).
M. Olivier Damaisin, rapporteur spécial. Je vous remercie, chers collègues, d’être venus si nombreux pour parler des retraites... Nous reviendrons sur le sujet au printemps.
Pour 2019, les crédits dédiés à la mission Régimes sociaux et de retraite, d’un montant de 6,28 milliards d’euros, évoluent à la baisse par rapport aux crédits votés en loi de finances l’année dernière : 6,33 milliards.
Mais ne vous méprenez pas. Non, les régimes spéciaux ne reviennent pas à l’équilibre. Cette tendance correspond en fait à une forte baisse des dépenses de pensions versées aux bénéficiaires des régimes fermés, l’ORTF et la Seita. Cette baisse est presque mécanique puisque ces régimes n’accueillent plus de nouveaux cotisants et ont vocation à s’éteindre. Elle correspond aussi au recul du montant versé à l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM), j’y reviendrai.
Mais, en parallèle, les subventions d’équilibre versées aux régimes de la SNCF et de la RATP continuent d’augmenter fortement, de près de 50 millions d’euros par rapport à 2018. La baisse affichée sur la mission est donc trompeuse, car le déséquilibre de ces régimes s’aggrave.
Ces régimes spéciaux de retraite, vous le savez, peinent à s’autofinancer, car ils comptent un nombre de pensionnés plus élevé que le nombre de cotisants. Cette situation ne s’améliore pas, malgré les réformes paramétriques de ces dernières années.
Pour 2019, 47 millions d’euros supplémentaires sont demandés pour équilibrer ces régimes par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2018.
Le montant prévu en 2019 pour équilibrer la caisse gestionnaire du régime de la SNCF atteint 3,3 milliards, soit 20 millions d’euros de plus qu’en 2018. C’est une augmentation modérée par rapport à celle de 2018 – 30 millions – et à celle de 2017 – 38 millions –, mais qui montre que le déséquilibre du régime s’aggrave inexorablement. Sans compter que le nombre de cotisants devrait encore baisser suite à la réforme ferroviaire, avec une fermeture du statut prévue à compter du 1er janvier 2020.
Côté RATP, le montant prévu pour équilibrer la caisse atteint 736 millions d’euros, soit 27 millions d’euros de plus qu’en 2018. Là encore, l’augmentation est moindre que les prévisions de la direction du budget l’année dernière, qui l’estimaient à 742 millions d’euros en 2019. Néanmoins, comme pour le régime de la SNCF, le nombre des cotisants ne cesse de diminuer en raison de la réduction des embauches sous statut. Sans compter que le régime compte un « stock » de plus de 4 500 personnes qui, bien qu’elles aient atteint l’âge d’ouverture des droits et la durée d’assurance requise pour le taux plein, certaines depuis 2008, préfèrent rester en activité en espérant bénéficier d’une surcote. C’est autant de personnes qui pourraient faire rapidement croître les effectifs de pensionnés. Pour vous donner une petite anecdote, nous avons appris lors des auditions que la plus vieille demande de retraite à la RATP date de 1947, et la personne qui en bénéficie est toujours en vie...
Cette hausse est modérée par les mesures prises pour limiter la revalorisation des retraites en dessous de l’inflation, à 0,3 %. Comme les pensions servies dans le régime général et dans le régime de la fonction publique d’État, les pensions de la SNCF et de la RATP sont revalorisées en fonction de la hausse des prix. Or les retraites n’ont pas été revalorisées en 2018, et pour 2019, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit une revalorisation limitée à 0,3 %, alors que l’inflation est estimée à 1,5 %.
Si tel n’avait pas été le cas, les dépenses auraient été plus importantes encore : sur le périmètre de la mission, on estime à 110 millions d’euros les économies réalisées grâce à cette mesure en 2019.
En ce qui concerne le régime spécial de retraite des marins du commerce et de la pêche, géré par l’ENIM, les crédits sont en légère diminution de 8 millions d’euros sous l’effet de trois facteurs. Tout d’abord, le montant de la subvention pour charges de service public versée à cet opérateur est en baisse de près de 1 million d’euros, car l’ENIM fait un effort de maîtrise de ses dépenses de gestion de la branche vieillesse. Et 7 millions d’euros de moins sont versés pour les dépenses de prestations vieillesse. Le ratio démographique du régime s’améliore légèrement et surtout, l’État a fait le choix de ne pas prendre intégralement en charge les dépenses non couvertes par des cotisations, considérant que l’ENIM peut puiser dans sa trésorerie.
Enfin, sur la mission Régimes sociaux et de retraite, il faut signaler que le programme 195 prévoit 55 millions d’euros pour équilibrer le régime de retraite complémentaire (RCO) des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. Ce régime est très déséquilibré puisque les recettes de cotisations ne couvrent que 57 % du total des charges. Il bénéficie donc, outre cette subvention, du produit de taxes affectées, dont la taxe farine, supprimée par l’article 9 du projet de loi de finances. Je tiens toutefois à vous rassurer, mes chers collègues : la disparition du produit de cette taxe est compensée par l’affectation au RCO d’une fraction plus importante du produit du droit de consommation sur les alcools, qui passe de 4,18 % à 6,87 %.
Quant aux dépenses de pensions retracées dans le compte d’affectation spéciale (CAS), elles sont en hausse elles aussi, pour tenir compte de la revalorisation prévue et de l’augmentation du nombre de pensionnés, sauf les pensions versées sur le programme 743, dont les bénéficiaires se raréfient d’année en année.
Pour financer ces dépenses de pensions, les recettes prévisionnelles restent supérieures aux dépenses.
Les recettes de la section I du CAS, qui financent les pensions des fonctionnaires civils et des militaires, continuent d’augmenter en 2019, bien qu’elles progressent moins vite qu’en moyenne entre 2013 et 2018.
Les recettes finançant les pensions des ouvriers d’État diminuent sous l’effet de la baisse des effectifs. En effet, depuis 2010, le nombre d’ouvriers d’État a été divisé par deux et il recule de 10 % chaque année.
Cependant, les recettes prévisionnelles du CAS restent supérieures aux dépenses : le solde prévisionnel du CAS en fin d’année 2019 reste excédentaire, à 1,5 milliard d’euros. C’est moins que l’année dernière – 2,5 milliards d’euros –, mais cela est loin d’être inquiétant compte tenu du montant du solde cumulé qui dépasse 8 milliards d’euros en 2019, permettant de respecter l’obligation d’équilibre fixée par la loi organique relative aux lois de finances.
En somme, mes chers collègues, ce budget est raisonnable. Il affiche des dépenses certes en hausse, mais maîtrisées, grâce notamment à la mesure de revalorisation à 0,3 % prévue par le PLFSS.
J’émettrai donc un avis favorable sur les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du CAS Pensions.
En tant que rapporteur spécial en charge du budget de l’État dédié aux régimes spéciaux de retraite, je suis par ailleurs avec attention les travaux relatifs à la réforme des retraites en cours. Vous le savez, les régimes spéciaux de retraite vivent leurs dernières heures. Une réforme systémique se prépare, sous l’égide du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye. Le projet de loi devrait nous être soumis entre le mois d’avril et le mois de juin 2019, pour une adoption avant l’été. Cette réforme aura, à terme, un effet sur les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite, puisque les régimes spéciaux de retraite ont vocation à disparaître au profit de ce nouveau régime universel. Cependant, à ce stade, il est difficile d’estimer l’impact sur ce budget.
Nous savons qu’il s’agira d’un système à points et non plus par annuités, mais toutes les hypothèses restent ouvertes, qu’il s’agisse de l’entrée en vigueur de la réforme, des modalités de la transition des régimes actuels vers le nouveau système universel et de sa gouvernance. C’est en tout cas un sujet que je suis avec attention.
M. le président Éric Woerth. C’est un sujet que nous suivons tous avec attention, mais je ne crois pas qu’il soit temps de lancer le débat...
Mme Véronique Louwagie. Vous avez indiqué que la suppression de la taxe sur les farines était compensée par l’attribution d’une quote-part de la taxe sur les alcools à la retraite complémentaire des exploitants agricoles. Mais d’où vient cette quote-part de la taxe sur les alcools ? Était-elle affectée auparavant au budget de la sécurité sociale ? Au budget de l’État ? Ou augmente-t-on tout simplement le taux de la taxe pour dégager ces ressources complémentaires ?
M. le rapporteur spécial. Elle provient du régime de base d’assurance vieillesse des exploitants agricoles.
Mme Véronique Louwagie. Est-ce à dire qu’on prend au régime général des agriculteurs, pour remettre de l’autre côté au régime de retraite complémentaire ?
M. Éric Alauzet. Je confirme que cette suppression est compensée par un relèvement de la taxe sur les alcools de 4,18 % à 6,87 %, décidé dans le cadre du PLFSS, pour un montant de 27 millions sur un total de 55 millions.
Article 39 et état B
La commission adopte les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite, sans modification.
Article 41 et état D
La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Pensions, sans modification.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 21 heures
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bricout, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Olivier Damaisin, M. Benjamin Dirx, M. Olivier Gaillard, Mme Perrine Goulet, M. Stanislas Guerini, Mme Véronique Louwagie, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Marie‑Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Joël Giraud, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, M. Philippe Vigier
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