Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics, sur les résultats de lexercice 2018 2

–  Présences en réunion...........................22

 


Mercredi
20 février 2019

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 55

session ordinaire de 2018-2019

 

Présidence

 

de

 

M. Éric Woerth,

Président

 

 


  1 

La commission entend M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics, sur les résultats de lexercice 2018.

 

M. le président Éric Woerth. En recevant cet après-midi le ministre de l’action et des comptes publics, nous entamons nos travaux budgétaires de 2019.

Nous examinerons le programme de stabilité mi-avril, un collectif budgétaire a été annoncé pour ce printemps et nous consacrerons les mois d’automne au projet de loi de finances pour 2020. Nous commencerons par nous intéresser à l’exécution de l’exercice 2018, une séquence qui nous conduira jusqu’en mai et juin, après les élections européennes, avec le printemps de l’évaluation, consacré à l’évaluation des politiques publiques sur la base des travaux des rapporteurs spéciaux. Nous terminerons cette saison par la loi de règlement et le débat d’orientation des finances publiques.

Nous disposons des premières données sur le seul périmètre du budget de l’État, car les éléments relatifs à la sécurité sociale et aux collectivités locales viendront plus tard. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être parmi nous cet après-midi pour présenter les résultats de l’exercice 2018.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. J’ai le plaisir de vous retrouver pour l’exécution des comptes de l’État de 2018, et commencer ainsi un marathon budgétaire dont j’ai l’impression qu’il débute chaque année plus tôt ! J’en profite pour saluer les travaux que vous avez lancés en ce début d’année, la mission flash sur les aviseurs fiscaux ainsi que les missions d’information sur l’impôt universel et la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). C’est bien volontiers que je répondrai à votre invitation, monsieur le président, pour exposer le point de vue du ministère sur la LOLF et sa modernisation éventuelle, et c’est avec grand plaisir que je me plierai au deuxième exercice du printemps de l’évaluation.

À ce stade de l’année, les résultats ne sont ni définitifs ni exhaustifs. Les comptes ne sont pas totalement arrêtés – ils feront l’objet d’une analyse plus détaillée dans la loi de règlement. Par ailleurs, nous ne disposons ni des comptes de la sécurité sociale ni des comptes des collectivités territoriales – même si la réussite de la contractualisation laisse penser, ainsi que vient de l’expliquer Agnès Pannier-Runacher dans l’hémicycle, que les comptes seront tenus. Si les dépenses de l’État ne représentent que 30 % du solde public, nos données suffisent à montrer que le Gouvernement a tenu ses promesses et ses engagements vis-à-vis du Parlement.

Si le déficit public pour 2018, tenant compte de l’ensemble des sphères de la dépense publique, ne sera connu qu’à la fin du mois de mars, nous tenons déjà pour certain que le Gouvernement a réussi à le maintenir, pour la deuxième année consécutive, au-dessous des 3 %. Ce résultat est l’aboutissement de la démarche de sincérisation de nos comptes publics, engagée voilà bientôt deux ans, reconnue par la Cour des comptes, et que nous avons entreprise ensemble, monsieur le président, avec les rapporteurs de la commission et bien évidemment la majorité parlementaire. Les comptes de 2018 se caractérisent donc par deux mots, « respect » et « sincérité » : nous avons respecté nos prévisions en matière de dépenses et de déficits et la méthode que nous avons employée pour y parvenir est celle de la sincérité.

En dépit d’aléas indépendants de sa volonté – une révision à la hausse en cours d’année de la charge de la dette et de la contribution au budget européen – le Gouvernement a tenu strictement l’objectif de dépenses qu’il s’était fixé en loi de finances initiale, se montrant très respectueux de l’autorisation parlementaire sur les dépenses totales de l’État, soit 425,4 milliards d’euros. Ces évolutions sont en rupture avec le passé, dans la mesure où la charge de la dette et la contribution au budget européen étaient révisées systématiquement à la baisse en cours d’année, ce qui permettait aux ministres du budget de clore leur exercice budgétaire conformément aux autorisations parlementaires. Nous y sommes parvenus cette année en déployant nos efforts sur la dépense « pilotable », celle que le Gouvernement peut ou non enclencher. De ce point de vue, nous avons fait mieux que les prévisions formulées lors de la discussion de la loi de finances, puisque la dépense est inférieure, non pas de 600 millions d’euros – ce que vous avez voté – mais bien de 1,4 milliard d’euros. Je tiens à votre disposition les montants, programme par programme.

Les recettes sont légèrement supérieures à ce que nous escomptions en novembre, puisqu’elles dépassent de 2,1 milliards d’euros la loi de finances rectificative : cela témoigne de la solidité et du dynamisme de notre économie. Cette plus-value est essentiellement l’effet du dynamisme des encaissements constatés en toute fin d’année, à l’instar de l’impôt sur les sociétés, en amélioration de 1,7 milliard, après l’encaissement du cinquième acompte versé par les entreprises le 15 décembre. Je dois dire que nous avons été étonnés de ne pas constater de chute du produit de la TVA en fin d’année, dans un contexte de ralentissement économique européen et de crise des « gilets jaunes ». Même si ces événements ont eu un retentissement très important sur certains secteurs, comme le commerce ou le tourisme, notre économie a tenu. Les résultats sont moins pires que si c’était pire, pour reprendre une expression populaire.

Enfin, le déficit budgétaire de l’État est en amélioration, si vous me permettez l’expression, de 3,8 milliards d’euros – 0,2 point de produit intérieur brut (PIB) – et s’établit à 76 milliards d’euros. Même si les efforts doivent être plus structurels et plus importants, ces résultats sont positifs : on doit 1 milliard d’euros à la bonne tenue de la dépense, 2 milliards d’euros au dynamisme des recettes fiscales et 800 millions d’euros aux évolutions à la hausse sur d’autres lignes, comme les recettes non fiscales et les comptes spéciaux.

Indépendamment de nos divergences politiques, nous avons réussi à respecter nos engagements sur la méthode. Pour la première fois depuis trente ans, le ministre en charge des comptes n’a soumis aucun décret d’avance au Parlement, tenant ainsi la promesse faite devant votre commission. Par ailleurs, aucune discussion fiscale n’a eu lieu dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances rectificative, une marque de respect du Gouvernement à l’égard du Parlement.

Comme vous l’avez dit en introduction, monsieur le président, nous présenterons un projet de loi de finances rectificative au Parlement qui tiendra compte de ce que nous avons évoqué lors des discussions du mois de décembre. Pour répondre à votre interpellation, à celles de M. Coquerel et de M. de Courson, j’ai obtenu du Premier ministre de ne pas passer par une mesure réglementaire. Il est en effet de bonne politique d’obtenir l’autorisation parlementaire, et de discuter par amendements.

Enfin, je me tiens à la disposition des rapporteurs spéciaux et de l’ensemble des membres de cette commission pour fournir tous les documents nécessaires à l’évaluation et au contrôle des politiques publiques et confirme souhaiter partager à cette fin les données les plus utiles du système d’information d’État, Chorus.

M. le président Éric Woerth. Sans intention polémique, je dirai que j’ai le sentiment que l’assainissement des finances publiques n’est plus une priorité du Gouvernement. Ce que nous avons senti lors du très long débat sur le projet de loi de finances pour 2019, nous le retrouvons dans ces résultats, certes incomplets : les dépenses augmentent de 3 milliards d’euros, en ralentissement par rapport à ce que l’on connaissait auparavant, mais tout de même en croissance ; le déficit stagne, en s’établissant autour de 2,7 %, mais il s’alourdit de 8 milliards d’euros supplémentaires, avec une charge de la dette toujours en augmentation : pour la première fois depuis longtemps, on ne réduit pas un déficit élevé.

Ces résultats sont d’autant plus préoccupants que le déficit structurel, dont se soucie beaucoup la Commission – nous assistions hier à Bruxelles avec le rapporteur général à la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance économique dans l’Union européenne – persiste. Les rapports de la Cour des comptes sont constants sur ce point et cette persistance pose évidemment beaucoup de questions. Je souhaiterais avoir votre opinion… sur ma propre opinion.

Enfin, comment faites-vous – effet de magie, technique particulière ? – pour à la fois augmenter les recettes de 9 milliards par rapport au prévisionnel et abaisser la prévision de croissance de 1,7 à 1,5 % ? Faut-il y voir des problèmes d’élasticité, de calcul, ou une grande prudence de votre part ?

M. Joël Giraud, rapporteur général. Permettez-moi de revenir sur la fin de votre intervention, à savoir le discours de la méthode. On peut se réjouir que les engagements du Gouvernement aient été tenus concernant la gestion budgétaire de l’État. Il est vrai que l’absence de décret d’avance remonte au siècle dernier, en 1985 pour être précis. C’est donc un progrès significatif et une très bonne chose que l’autorisation de dépenser, qui passe par le Parlement, n’ait pas été remise en cause par le Gouvernement. Vous avez aussi rappelé que la loi de finances rectificative (LFR) était exclusivement budgétaire, ce qui marque, là encore, une avancée, tant nous étions habitués à des débats manquant de clarté, les dispositifs fiscaux n’étant ni examinés ni discutés réellement.

Je me permets d’ajouter un point qui me semble important sur la réserve de précaution, qui a été ramenée à un niveau plus raisonnable puisqu’elle a baissé de 8 à 3 %. Malgré cela, l’objectif de dépenses a été tenu, ce qui montre le sérieux de la gestion budgétaire.

Comme l’a dit le président dans son introduction, nous avons créé une mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF. Je pense que l’encadrement des décrets d’avance, la restriction du champ de la LFR de fin d’année et le faible niveau de mise en réserve de crédits constituent trois piliers qui peuvent nous inspirer pour la révision de la loi.

J’en viens à des questions extrêmement précises. Les résultats provisoires d’exécution sont meilleurs que les prévisions contenues en loi de finances initiale et en LFR, à hauteur de 4 milliards d’euros par rapport à ce dernier texte. Cela résulte de dépenses maîtrisées, de recettes plus dynamiques que ce qui était anticipé. Le rendement de la catégorie des autres recettes fiscales est supérieur de 4,5 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale : pourriez-vous nous donner des précisions sur cette ligne de recettes ?

S’agissant des dépenses, il apparaît que la mission Écologie, développement et mobilité durables est en sur-exécution de 800 millions d’euros par rapport aux prévisions. Pourriez-vous fournir quelques éléments d’explication ?

Concernant l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et le prélèvement forfaitaire unique (PFU), deux sujets qui ont animé nos discussions, j’aimerais savoir si vous disposez de chiffres d’exécution pour l’exercice 2018. Il semblerait en effet que le rendement de l’IFI a été très supérieur aux prévisions.

Compte tenu des mesures prises à la fin de l’année 2018, la trajectoire des finances publiques semble pour partie obsolète. Confirmez-vous que le Gouvernement présentera une nouvelle trajectoire à l’occasion du programme de stabilité ?

Enfin, je mènerai, au titre de mon rapport sur l’application des mesures fiscales, un travail d’évaluation des niches fiscales. J’aimerais savoir quelles sont les mesures de suivi et de contrôle que le Gouvernement souhaite renforcer en vue d’un ajustement des dispositifs fiscaux concernés lors du prochain projet de loi de finances.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, je ferai en sorte de ne pas vous conforter dans votre opinion, que vous avez exposée sans animosité ni esprit de polémique, et qui peut se lire communément dans la presse. Vous avez d’abord pointé le fait que nous ne faisions pas suffisamment d’efforts pour réduire les dépenses, le déficit et les prélèvements obligatoires. Cela n’est pas le cas et je l’ai démontré dans les exercices 2017 et 2018 – je vous renvoie au discours de Mme Louwagie à la tribune, qui expliquait que le budget 2018 était insincère et que nous ne tiendrions jamais les 3 %. Dans un deuxième temps, vous nous avez accusés de ne pas écouter la colère des Français, d’être sourds à leurs demandes, et de ne pas consentir à certaines dépenses – je ne me livrerai pas au jeu des petites phrases, mais je me souviens très bien des refus qui nous ont été opposés. Et maintenant que ces fameux 10 milliards ont été annoncés par le Président de la République – lesquels sont essentiellement constitués de baisses de prélèvements obligatoires ou de refus d’impôts, la dépense correspondant à la prime d’activité, liée au travail, n’entraînant pas une augmentation des dépenses publiques à proprement parler –, vous nous reprochez de ne plus nous situer dans l’objectif des comptes publics.

Je ne partage pas cette opinion, et pour plusieurs raisons. D’abord, la dépense publique est tenue, je peux le démontrer assez facilement. Le sera-t-elle tout au long du quinquennat ? Je ne puis vous le garantir. Vous avez été ministre du budget avant moi ; par votre expérience, plus grande que la mienne en la matière, vous savez que l’on se trouve souvent seul à prêcher dans le désert et que l’on doit toujours sur le métier remettre l’ouvrage ! Je rappelle qu’en 2018, la dépense a augmenté de 2,8 milliards d’euros par rapport à 2017, soit la hausse la plus faible ces trente dernières années. La Cour des comptes, comme votre commission, a relevé que 4 milliards d’euros étaient dus à la sincérisation. Cela signifie que si nous n’avions pas eu à sincériser le budget de nos prédécesseurs, la dépense publique aurait baissé en volume, ce qui est tout à fait remarquable. Cela nous a d’ailleurs valu beaucoup de critiques – je vous rappelle, entre autres, les contrats aidés et les aides personnalisées au logement –, alors que nous avons augmenté significativement d’autres budgets, notamment ceux des ministères régaliens – la dernière loi de programmation militaire étant la plus ambitieuse jamais adoptée.

J’entends que vous ne souhaitiez pas vous attarder sur 2018, ce qui est pourtant le principe de l’exercice à l’ordre du jour. Pour ce qui est de l’autorisation parlementaire, on ne peut pas dire que le bilan soit négatif. Quant aux 2,8 milliards de dépenses supplémentaires, ils sont dus à la mesure relative à la prime d’activité, que votre groupe politique a par ailleurs votée. Certes, le déficit public reste élevé, la dette continue d’augmenter, la dépense publique et les prélèvements obligatoires demeurent trop importants. Mais ce gouvernement consent de grands efforts et les promesses du Président de la République seront tenues. La baisse des prélèvements obligatoires sera même supérieure à ce qui était annoncé durant la campagne. Nous verrons ce qui adviendra en 2019 ; vous dites fort justement qu’il y a beaucoup de prévisions, mais lorsque nous n’en faisons pas, le Parlement réclame que nous mettions à jour nos données et lorsque nous en faisons, on nous rétorque que cela change tout le temps ! C’est sans doute un jeu, que je prends comme tel.

La question la plus lancinante, et sans doute la plus compliquée, concerne la dette. Il faut dire que ce gouvernement n’a pas la chance de bénéficier d’un loyer de l’argent aussi avantageux. Je voudrais que l’ensemble de la représentation nationale, et mes collègues au Gouvernement, aient tous la même opinion que vous : une dette, un déficit ou une dépense publique trop importants demain, ce sont, à la faveur d’un retournement de conjoncture, les impôts d’après-demain ! Si nous ne poursuivons pas les efforts que nous avons entrepris, qui sont parfois difficiles politiquement, ce gouvernement, ou son successeur en 2022, devra combler les trous par une hausse des impôts, dont nous savons que ce sont toujours les classes moyennes qui la paient. Voilà pourquoi c’est une impérieuse nécessité que de maîtriser la dépense.

Je le dis sans esprit polémique, à l’ensemble des groupes parlementaires : je suis ouvert à toutes les propositions dans ce domaine. Chacune mérite d’être étudiée, à la lumière de l’intérêt national, avant que ne s’effectuent les choix de nature politique.

Nous présenterons bien un projet de loi de finances rectificative aux alentours du mois de mai, avec une nouvelle trajectoire budgétaire, dont nous discutons en ce moment même avec la Commission européenne et un programme de stabilité révisé. En tant que ministre des comptes publics, j’estime que le Parlement devrait débattre de ce programme de stabilité : c’est une bonne chose que de consulter, de connaître les avis et de partager la contrainte. Tout cela interviendra évidemment avant l’été.

Monsieur le rapporteur général évoque plusieurs questions précises. Les écarts qu’il a constatés sur la catégorie « Autres recettes fiscales » sont essentiellement dus aux donations et successions : la différence est de 3,3 milliards d’euros. Le rendement du PFU est de 3,45 milliards d’euros sur 73 milliards d’euros d’impôt sur le revenu. Sur la mission Écologie, développement et mobilité durables, l’écart observé s’explique essentiellement par la prévision de fonds de concours sur le programme 203 : les estimations du montant des fonds de concours dans les projets annuels de performances sont purement indicatives. Sur l’IFI, la recette est de 1,250 milliard contre 850 millions prévus en loi de finances. Il faut ajouter à cela 220 millions d’euros du service de traitement des déclarations rectificatives, en « queue de comète », et 430 millions d’euros de reliquat de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), s’expliquant ainsi par notamment à des contrôles.

Sur les niches fiscales, j’ai porté un débat devant l’opinion publique dans le cadre du Grand débat. Ce débat est d’ailleurs porté par des gens de diverses opinions politiques. La question des niches fiscales, c’est au fond celle de la manière dont la France a constitué son impôt. Collectivement, nous avons créé beaucoup d’impôts, notamment un impôt sur le revenu très concentré sur les 10 % les plus riches. La réalité statistique est en effet qu’un foyer fiscal au-dessus de 4 400 euros par mois fait partie des 10 % les plus riches qui payent l’impôt sur le revenu, même s’il existe des écarts très importants au sein de ces 10 %. Ces 10 % les plus riches payent 70 % de l’impôt sur le revenu. Pour rendre cet impôt supportable, au lieu de le baisser nous avons créé des niches. C’est un système un peu « shadok », un peu absurde, avec la création d’un gros impôt, par hypocrisie, et, comme on n’a pas voulu revenir sur cette hypocrisie, la création de niches fiscales qui profitent aux plus riches.

Les niches fiscales recouvrent de nombreuses réalités puisqu’il en existe 474. Je ne compte pas les 100 milliards en général, les abattements, le quotient familial qui est une niche stricto sensu, mais seulement les 14 milliards de réductions et crédits d’impôt. Sur ces 14 milliards, 7 milliards bénéficient aux 10 % les plus riches, et singulièrement pour les plus riches d’entre eux.

Dans les réunions publiques, il revient régulièrement, et à juste titre, que ce système profite aux personnes qui payent le plus d’impôt sur le revenu. On dit que, si nous supprimons ces niches, nous augmenterons les impôts. Une suppression de niche est certes une augmentation d’impôt mais personne ne voit la seconde partie de ma proposition. La question qui se pose dans notre pays étant, me semble-t-il, le consentement à l’impôt, et pour cela sa progressivité, et vu que la niche casse la progressivité de l’impôt, il s’agirait, si nous l’acceptions collectivement, d’utiliser l’argent récolté par les suppressions de niches pour baisser l’impôt, notamment l’impôt sur le revenu des deux premiers déciles, c’est-à-dire de la classe moyenne basse. C’est sur la table.

En tout cas, il me semble que la question des niches fiscales ne doit pas être taboue. Niche par niche, il faut se demander si c’est efficace ou non, car 14 milliards d’euros, c’est beaucoup d’argent – trois ou quatre fois l’impôt sur la fortune. Le Gouvernement a commandé des missions d’inspection et communiquera les documents à l’Assemblée, si vous le souhaitez, car c’est aussi le travail du Parlement de procéder à cette évaluation.

Je continue de porter ce débat, en excluant des dispositions qui me paraissent très utiles et efficaces : les services à la personne, la défiscalisation outre-mer… Si nous sommes d’accord sur le fait qu’un mécanisme est très efficace, nous n’y toucherons pas. Il appartient au Parlement, sur la base des documents transmis, de discuter de l’ensemble de ces niches dans le débat fiscal. Je constate d’ailleurs, sur le site internet du Grand débat, que ces documents sont régulièrement repris dans les contributions.

M. le président Éric Woerth. Vous n’avez pas abordé le sujet du déficit structurel.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je suis à la disposition du Parlement et je peux donc aussi parler du budget 2019 ou du budget 2020 si vous le souhaitez. Sur le budget 2018, nous verrons bien le déficit public à la fin du mois de mars. Nous constatons que c’est dans les clous que nous avons présentés à la Commission européenne ; au moment où je vous parle, je n’ai aucun doute que la France soit en dessous des 3 % et qu’elle ait respecté ce qu’elle a transmis. Nous n’avons pas les résultats de la sécurité sociale. En revanche, nous avons de très bons chiffres concernant les collectivités locales, qui sont manifestement même en dessous des 1,2 %, malgré ce que j’ai pu entendre ici ou là. J’ai désormais beaucoup de demandes de contractualisation de la part de personnes qui n’avaient pas souhaité signer jusque-là, y compris beaucoup de départements. Je n’ai pas encore tous les chiffres ; je peux revenir au mois de mars ou d’avril, si vous m’invitez, pour discuter de l’ajustement structurel.

Mme Bénédicte Peyrol. La présentation des résultats du premier budget en année pleine du Gouvernement montre le double souci, que l’ensemble des parlementaires de cette commission partagent, je pense, de la transparence et de la sincérité budgétaires. L’absence de décrets d’ouverture de crédits l’an passé et la présentation d’un projet de loi de finances rectificative apuré des dispositions fiscales, comme vous vous y étiez engagé, démontre votre respect à l’égard du Parlement.

Dans ces résultats, le déficit public pour 2018 a notamment été marqué par le remboursement de la taxe à 3 % sur les dividendes et une amélioration, malgré cela, par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale et de la loi de finances rectificative de novembre 2018. Nous faisons néanmoins partie des pays européens les plus endettés, aux côtés de la Grèce, de l’Italie, du Portugal, où les prélèvements obligatoires restent les plus élevés, et il faut poursuivre l’effort de maîtrise de la dépense publique. C’est indispensable pour réduire notre dette, respecter nos engagements européens et continuer de conduire des politiques publiques saines.

Nous ne ferons pas l’économie – je sais que le Gouvernement et en particulier votre ministère commencent à y travailler – d’un travail de réexamen des missions et périmètres du service public, et de ce que les Français en attendent, des attentes très différentes de celles d’hier. Il est important de redéfinir ces contours pour décider les points où il faut déployer encore plus d’efforts.

Ma question porte sur les mesures d’amélioration du pilotage budgétaire engagées depuis 2017 par Bercy. Je pense notamment au décret du 24 septembre dernier de réforme de la gestion budgétaire et comptable publique qui vise à davantage responsabiliser les gestionnaires budgétaires, à simplifier le suivi dans un objectif pluriannuel et à donner plus de flexibilité au processus de contrôle de la dépense. Pouvez-vous nous donner davantage de détails sur l’avancement de ces travaux ?

Mme Véronique Louwagie. Un point sur lequel nous pouvons vous rejoindre, monsieur le ministre, c’est la sincérité et l’absence de décrets d’avance. Nous nous réjouissons de cette méthode.

Vous évoquez des dépenses strictement tenues et je voudrais justement faire le lien avec la sincérité. En 2017, il y a eu, dans un souci de sincérité également, une remise à niveau avec un rebasage à la hausse qui a contribué à l’inscription d’une augmentation de 4 % des dépenses pour 2017. Nous faisons aujourd’hui une comparaison entre l’évolution des dépenses 2018 et 2017 mais il serait intéressant de procéder à la comparaison en retraitant le rebasage de 2017 qui a contribué à augmenter le volume. Pouvez-vous nous donner des éléments sur la variation ainsi comprise ?

Vous avez ensuite évoqué des recettes évoluant de 2,1 milliards d’euros et indiqué que la TVA de novembre et décembre était restée identique, en précisant que le mouvement des « gilets jaunes » n’avait pas eu d’impact à cet égard. Je trouve que c’est un peu contradictoire avec ce qu’a dit le ministre Bruno Le Maire il y a quelques semaines, quand il justifiait la contraction de la hausse du PIB, hausse prévue à 1,7 % après l’avoir été à 2 % et finalement annoncée à 1,5 %, par les événements du quatrième trimestre 2018. Vous nous dites le contraire en nous donnant les chiffres de TVA. Pouvez-vous préciser ce point ?

La charge de la dette a augmenté et il existe là un véritable risque. Nous ne pouvons donc que nous réjouir des comptes 2018 tels que vous nous les présentez parce que la dette a continué à augmenter.

Je terminerai en citant la Cour des comptes, dont la description n’est pas identique à la vôtre, et qui dénonce notamment « lessoufflement des efforts de redressement consentis par la France ». Son rapport public annuel 2019 fait état d’un renoncement à l’assainissement des finances publiques ainsi que d’un décalage avec les pays européens, et cela montre qu’un grand nombre de clignotants sont au rouge.

Mme Sarah El Haïry. Il est bon de rappeler, comme l’ont fait Bénédicte Peyrol et Véronique Louwagie, qu’il n’y a pas eu de décrets d’avance. C’est une bonne chose.

Mon intervention portera sur trois points. Tout d’abord, comment pouvons-nous imaginer une correction de la loi de programmation des finances publiques à la suite des déviations ? Des mesures concrètes sont-elles prévues ?

La Cour des comptes estime que le coût du renforcement de la prime d’activité pourrait grossir. Dispose-t-on des premiers retours sur l’évolution du taux de recours de la prime ?

Enfin, comment faire pour continuer à réduire le déficit structurel ? Vous nous trouverez en tout cas à vos côtés dans la poursuite de cet objectif.

Mme Christine Pires Beaune. Je reconnais moi aussi volontiers deux améliorations : le fait qu’il n’y ait pas eu de décrets d’avance durant l’année 2018 et le fait que nous soyons destinataires d’informations plus fournies et plus détaillées, comme le rapport qui nous est parvenu hier sur les compensations d’exonérations fiscales.

Cela dit, en tant que conseillère municipale, je compare toujours, quand j’examine les comptes de ma commune, de compte administratif à compte administratif, et c’est donc l’exécution 2018 que je comparerai à l’exécution 2017. On passe alors d’un solde budgétaire négatif d’un peu plus de 67 milliards à 76 milliards. Mais j’attendrai les chiffres par politique publique avant de me prononcer et je vous donne donc rendez-vous quand nous les connaîtrons.

J’ai plusieurs questions. À quoi est due la baisse importante de l’excédent des comptes sociaux ?

Est-il possible de nous transmettre dans les semaines à venir deux éléments : d’une part, la prime à la conversion et la prime à la casse versées en 2018, par décile de ménages, et, d’autre part, le nombre d’équivalents temps plein qui ont effectivement été supprimés par ministère en 2018, avec si possible la répartition géographique par département ?

Enfin, nous sommes interrogés dans nos territoires sur la réforme de la taxe d’habitation (TH). Y aura-t-il bien une suppression totale ? Ne concernera-t-elle que la TH principale ? Vers quoi s’achemine-t-on et, notamment, quels éléments du rapport de MM. Richard et Bur pensez-vous retenir ?

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous nous présentez les résultats du budget de l’État. L’intéressant, c’est le résultat de l’ensemble des finances publiques, État, sécurité sociale, collectivités territoriales.

On ne constate pas de baisse du solde structurel en 2018 par rapport à 2017 : nous restons à 2,3 %. Entre parenthèses, c’est la même chose pour le solde effectif, qui reste à 2,7 %. Cela vient d’une contribution des dépenses à la réduction du solde structurel en 2018 qui n’est que de 0,2 point de PIB, c’est-à-dire 4,4 milliards. Je rappelle que vous aviez annoncé dans les lois de programmation, en juillet, que ce serait 20 milliards, puis, au moment de présenter le budget, 15 milliards. Nous ne sommes pas à 15 milliards mais à 4 milliards, quatre fois moins. L’effort de réduction de la dépense est donc devant nous. Le solde structurel n’a pas été baissé de 0,2 point parce qu’on a pratiqué des baisses d’impôt à hauteur de 0,2 point. Pourriez-vous nous expliquer cet énorme écart entre ce que vous aviez annoncé et ce que nous constatons ? A-t-on les moyens de baisser les prélèvements obligatoires quand on se trouve dans cette situation ? C’est la question centrale.

Le rapport de la Cour des comptes rappelle que nous ne respectons pas nos engagements européens, qui étaient de 0,5 point par an, avec une dérogation possible à 0,35 sur deux ans. Notre situation est extrêmement grave car, au regard de nos homologues européens, nous sommes de mauvais élèves ; nous continuons à l’être alors que vous aviez promis qu’avec le « nouveau monde » nos engagements européens seraient respectés.

Mme Amélie de Montchalin. Je tiens tout d’abord à souligner qu’à part en 1960, sous Valéry Giscard d’Estaing et Antoine Pinay, et en 2011, jamais, dans la chronique budgétaire, les dépenses publiques n’auront aussi peu augmenté au total, à savoir de 0 % en volume, si nous avons bien compris vos chiffres, monsieur le ministre. Cela montre le volontarisme de ce premier budget complet de notre législature.

Ma première question porte sur les choix budgétaires, opérés dans cette loi de finances, sur deux politiques publiques où nous savions que la dépense française était très élevée sans que les résultats soient au rendez-vous : d’une part, la politique du logement social, et notamment des APL, non les 5 euros, dont on a beaucoup parlé, mais la baisse des loyers qui va avec celle des APL dans le logement social, et, d’autre part, la politique des contrats aidés, où depuis des années la Commission européenne et de nombreux observateurs ont montré que la France dépensait beaucoup sans que les Français aient une meilleure insertion dans l’emploi qu’ailleurs.

Ma seconde question porte sur l’évasion fiscale. Nous avons vu ce matin qu’UBS a été condamnée à une peine exemplaire de 3,7 milliards d’euros – un record ! Avez-vous déjà une idée des recettes dégagées pour l’État par les différents contentieux en 2018 ? Nous avons voté l’an dernier la loi « fraude » et des évolutions du « verrou de Bercy ». Ce sont des éléments importants pour nos concitoyens.

M. Patrick Hetzel. Le rapport de la Cour des comptes insiste sur la fragilité globale de nos finances publiques et on la comprend. Elle considère que le déficit public pour 2019 sera supérieur aux 3 %. Elle anticipe une croissance inexorable de la dette publique, qui se rapprochera de plus en plus des 100 % du PIB. Elle souligne également une absence de réformes structurelles ambitieuses et affirme, ce qui est très frappant, que la France n’a pas réussi à mettre à profit la conjoncture économique jusqu’ici plutôt favorable pour assainir ses finances publiques ; c’est ce que dit le président de la commission des finances depuis douze mois. Si l’effort structurel demandé par Bruxelles avait été respecté, la France aurait disposé des marges nécessaires pour gager les nouvelles mesures de fin d’année et nous serions restés en-deçà des 3 %. Ce ne sera hélas ! pas le cas.

Plus grave encore, à différents endroits de son rapport, la Cour fait état de problèmes de sincérité, en indiquant notamment, contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, que certaines dépenses nouvelles ont de toute évidence été très mal calibrées. Quel est votre point de vue sur ces appréciations de la Cour ?

M. Jean-Louis Bricout. Vous avez beaucoup parlé de pilotage budgétaire. De nombreux collègues ont évoqué les problèmes de consentement à l’impôt et d’acceptabilité, problèmes d’actualité, on l’a vu avec la taxe écologique. Pour améliorer le consentement à l’impôt, il faut faire la différence entre un impôt progressif et des taxes sans lien avec le revenu des ménages. Dans les nouvelles trajectoires que vous pourriez proposer, ne faudrait-il pas établir cette distinction ? C’est certainement la clef du « reconsentement » à l’impôt de la part de nos concitoyens.

M. François André. Ma question portera également sur l’exécution des dépenses d’APL au titre de l’exercice 2018. Chacun a en mémoire la réduction des APL inscrite dans le projet de loi de finances, réduction corrélative à la mise en place du dispositif de réduction du loyer de solidarité applicable aux organismes d’HLM. C’était l’une des principales mesures d’économies, des économies attendues à hauteur de 800 millions d’euros, avec un objectif de 1,5 milliard d’ici à deux ans, après sortie du dispositif temporaire arrêté avec les acteurs concernés en marge du débat budgétaire de l’époque. Cet objectif sera-t-il tenu ? Par ailleurs, les politiques de loyer pratiquées par le mouvement HLM pour faire face à la baisse des recettes d’exploitation a-t-elle pu venir incidemment augmenter le volume d’APL, ce qui serait, vous en conviendrez, assez baroque ?

Mme Émilie Bonnivard. La France, à la différence d’autres pays européens, voit cette année encore exploser sa dette publique rapportée au PIB, contrairement aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques. Depuis 2012, la dette publique allemande ne cesse quant à elle de baisser : elle devrait être revue à 60 % de PIB en 2019. En France, elle atteint près de 100 % du PIB.

Comment le Gouvernement va-t-il compenser précisément les mesures contenues dans la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales votée en décembre dernier, qui accroissent le déficit public de l’ordre de 0,4 point de PIB, le faisant passer de 2,8 à 3,2 points, au moment même où la croissance mondiale ralentit ?

Enfin, quelles mesures d’économies concrètes comptez-vous prendre rapidement pour remettre les comptes publics à l’équilibre, ou limiter le dérapage, et cesser la hausse continue des impôts et prélèvements qui a poussé les « gilets jaunes » dans la rue ?

M. Daniel Labaronne. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous l’évolution du montant de la dette, d’une part, et de la contribution française au budget européen, d’autre part ?

Par ailleurs, si les recettes fiscales sont meilleures que prévu, quid de la croissance du PIB ? Serait-elle finalement supérieure à la prévision de 1,5 % ? Dans le même ordre d’idées, qu’en est-il de l’impact sur la croissance et les rentrées fiscales de la hausse du pouvoir d’achat induite par les mesures prises par le Gouvernement et la réduction du chômage ?

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre, vous avez fait une présentation élogieuse d’une année budgétaire qui aura pourtant été l’année fiscale la plus compliquée, la plus chaotique des trente dernières années. Il y a là un paradoxe.

Pour ma part, je poserai trois questions.

En ce qui concerne les recettes, vous dites qu’il n’y a pas eu de variation du produit de la TVA au mois de novembre et décembre, mais parlez-vous bien de la TVA nette ? Certains remboursements ou dégrèvements peuvent prendre du temps. Si vous évoquiez en fait le solde brut, ces remboursements et dégrèvements pourraient-ils faire que le produit net soit moins bon ?

Quant aux dépenses, vous dites que vous avez tenu l’objectif, mais comment les 10 milliards d’euros que coûtent les mesures décidées en fin d’année se répartissent-ils entre 2018 et 2019 ? J’ai cru comprendre que l’essentiel se rattacherait à l’exercice budgétaire 2019.

Ma dernière question porte un peu sur la méthode. Vous avez évoqué le débat sur les niches fiscales, mais le Président de la République m’avait semblé le clore définitivement, et, comme vous l’avez dit, quand on supprime des niches fiscales, on augmente l’impôt. Alors, après un débat au sein du Gouvernement, attendez-vous un débat au sein du Parlement ? Le cas échéant, le Président de la République est-il d’accord ?

M. le président Éric Woerth. Nous inviterons le Président de la République pour qu’il réponde à cette question...

M. Jean-René Cazeneuve. Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de la bonne exécution du budget 2018, mais nous ne pouvons pas l’être totalement avec un déficit de 76 milliards d’euros. J’espère que notre majorité continuera à prendre des mesures d’assainissement des finances publiques et que celles-ci reviendront à l’équilibre à la fin de cette législature.

Le meilleur rendement de l’impôt est-il dû aux mesures que vous avez prises contre la fraude fiscale ? Constatez-vous, au niveau de leurs dépenses ou des investissements, un écart entre les collectivités territoriales qui ont contractualisé et les autres ? Et êtes-vous prêt à envisager que des collectivités qui souhaitent contractualiser – alors que la loi les en empêche actuellement – puissent le faire ? En savez-vous un peu plus sur le calendrier de la réforme de la fiscalité des collectivités territoriales ?

M. Olivier Damaisin. Dans un référé du mois d’octobre 2018, la Cour des comptes mettait en exergue une anomalie budgétaire pour l’exercice 2017 : la minoration à hauteur de 1,5 milliard d’euros, dans la comptabilité budgétaire de l’État, des recettes liées aux droits de mutation perçus à l’occasion des opérations de cession, de donation ou de succession de biens mobiliers et immobiliers. Pouvez-vous nous éclairer sur la prise en compte de cette minoration au titre de l’exécution 2018 ? Les causes ayant conduit à cette sous-estimation comptable ont-elles été corrigées pour l’année 2018 ? Comment lire, pour l’exercice 2018, les recettes tirées des droits de mutation ?

M. Philippe Vigier. Si j’ai bien compris, le produit de l’impôt sur les sociétés a augmenté de 1,7 milliard d’euros en 2018, mais vous avez compté le cinquième acompte, le 15 décembre, d’un montant de 2,5 milliards d’euros. La différence fait 0,8 milliard d’euros. Pouvez-vous m’expliquer le mécanisme ?

M. Fabrice Le Vigoureux. La contribution vie étudiante et de campus (CVEC) est un progrès que nous devons à la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Elle permet à la fois un meilleur financement de certaines actions sur nos campus et, articulée avec la suppression de la cotisation de sécurité sociale des étudiants, une baisse globale d’environ 140 euros des contributions versées par les étudiants à chaque rentrée. C’est là une question assez sensible, nous avons pu le vérifier lors d’un débat étudiant organisé la semaine dernière, dans le cadre du Grand débat national, à l’université de Caen.

Qu’en est-il des recettes de CVEC ? Pourrions-nous être amenés à revoir le plafonnement de 95 millions d’euros ?

Mme Anne-Laure Cattelot. En loi de finances pour 2018, nous avons prévu 1 355 millions d’euros de fonds de concours sur le Programme 203 Infrastructures et services de transports. Une belle augmentation de 2,3 % est prévue entre 2018 et 2019, mais quelques dégradations sur la voie publique à la fin de l’année 2018 contrarient un peu la manière dont nous envisagions le début de l’année 2019. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur l’impact budgétaire à venir et sur la situation de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ?

M. Éric Alauzet. Selon la trajectoire initiale, la contribution des collectivités locales à la maîtrise de la dépense publique devait être de 13 milliards d’euros sur le mandat. Cela a notamment pris la forme de ce plafonnement à 1,2 % par an, inflation comprise, de la croissance annuelle des dépenses de fonctionnement retenu dans la contractualisation. Vous sous-entendez que les résultats sont meilleurs que prévu. Pouvez-vous préciser ? Nous avons entendu parler d’une croissance contenue dans la limite de 0,9 %. Et, en montant, la contribution des collectivités locales à la baisse de la dépense publique est-elle supérieure ou inférieure aux 2,6 milliards d’euros espérés ? Au-delà, cet objectif de 1,2 % vous paraît-il tenable dans le temps ?

Il y a peut-être six mois, vous visiez des progressions de 1,2 % pour les collectivités locales, de 2,3 % pour les dépenses d’assurance maladie – elles progresseront finalement de 2,5 % – et de 0,7 % pour l’État. Où en sommes-nous pour l’État, notamment à la suite des différentes mesures prises ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. Tout d’abord, merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés. C’est la première fois depuis deux ans que l’on ne me pose aucune question sur le prélèvement à la source ! J’en conclus donc qu’il n’y a pas eu de problème...

M. Julien Aubert. Attendez, nous ne parlons aujourd’hui que de l’exercice 2018... !

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je partage les constats de Mme Peyrol sur la nécessité de réduire les prélèvements obligatoires et de repenser missions et périmètres. Nous sommes tout à fait d’accord et je compte évidemment sur le Parlement pour continuer, notamment au lendemain du Grand débat national, à nous aider à repenser l’action publique. Vous me posez, madame la députée, une question de méthode sur la modification de règles budgétaires, notamment à la suite du décret du mois de septembre dernier. Dans les détails, c’est un peu technique, mais, pour résumer, disons que cela repose sur la confiance. Le décret supprime les sur-gels et, surtout, permet la contractualisation de la progression budgétaire en 2020, 2021 et 2022. Cela répond à une demande de nombreux ministères et opérateurs. Nous avons commencé à contractualiser avec quelques-uns d’entre eux, par exemple Météo France ou Business France. En contrepartie, les règles sont plus souples pour celui qui gère les crédits. Nous demandons par exemple moins de choses aux opérateurs dans les tableaux qu’ils renseignent. Si M. le président de la commission le souhaite, nous pourrons faire un point sur les méthodes et sur la pratique budgétaires : il s’agit d’essayer de responsabiliser le pilotage budgétaire, politique publique par politique publique.

Que se serait-il passé si nous n’avions pas sincérisé, madame Louwagie ? Nous aurions fait comme nos prédécesseurs : nous aurions sans doute rajouté l’argent qui manque. Lorsqu’il y a des discussions budgétaires, il est assez facile, pour les ministères thématiques, de sincériser leurs dépenses pilotables et de mettre un peu moins dans les dépenses obligatoires : à la fin, le ministre du budget, pris un peu comme un lapin dans les phares, est obligé de remettre de l’argent.

Aidés par le Parlement, nous arrivons à sincériser un certain nombre de dépenses pas toujours prévisibles mais souvent prévisibles quand même. Je pense que c’est la moindre des choses que nous devons au Parlement. En l’absence de sincérisation, nous aurions réduit la dépense publique d’à peu près 1 milliard d’euros en 2018 par rapport à l’année 2017, mais, moi-même, je trouve que cet argument n’est pas très bon. La sincérisation, ce sont des dépenses que nous aurions faites quoi qu’il arrive. C’est un peu dommage : en 2017 et 2018, on nous a reproché une augmentation des dépenses publiques, alors que nous avons fait un effort sans précédent de baisse ou de maîtrise de la dépense publique, parce qu’il fallait sincériser autour de 4 à 5 milliards d’euros.

Je réponds en même temps à la question posée par M. Hetzel : c’est la première fois depuis plus de vingt ans à ma connaissance que le budget de l’agriculture n’est pas « en dérive ». Jusqu’à présent, tous les rapports du Parlement et de la Cour des comptes le montrent, il l’était structurellement. Et puisque vous évoquez, monsieur Hetzel, la Cour des comptes, celle-ci a relevé plusieurs fois la sincérité des budgets que j’ai pu lui présenter. D’ailleurs, dans le considérant 18 de la décision qu’il a rendue le 28 décembre dernier à propos de la loi de finances pour 2019, le Conseil constitutionnel a balayé d’un revers de main le reproche d’insincérité que vous formuliez à propos de la loi de finances. Les deux organes qui contrôlent la sincérité budgétaire nous ont donc décerné un satisfecit – bien sûr, cette sincérité est due au Parlement et aux Français.

Quant à la loi de programmation militaire, nous devons continuer à sincériser : 200 millions d’euros par an. Bien sûr, la question des opérations extérieures est toujours très compliquée, puisque beaucoup sont décidées en cours d’année, mais nous tenons cette sincérisation.

Et si, oui, la dette augmente, c’est parce que nous l’avons aussi sincérisée ! Nous avons effectivement repris la dette de la SNCF, qu’aucun gouvernement n’avait souhaité reprendre. Ainsi, nous augmentons quasiment de 40 milliards d’euros la dette. Tout le monde savait que c’étaient 40 milliards d’euros de dette publique, tout en faisant semblant de ne pas la voir. « Cachez cette dette que je ne saurais voir ! » Alors, oui, la dette augmente, mais, de même, si vous nous reprochiez l’an dernier une augmentation de la dépense publique, c’est parce que nous l’avions sincérisée. Nous sommes très heureux de ne pas continuer à dissimuler cette dette. Bien sûr, il faut continuer à la réduire. Elle augmente aussi pour des raisons indépendantes de notre volonté, que nous subissons et que nous devons combattre. Elle augmente avec le retour de l’inflation et la hausse, même légère, des taux d’intérêt.

Mme Amélie de Montchalin évoquait Antoine Pinay. Je ne l’ai pas connu personnellement, mais il ne me déplaît pas que mon action soit comparée à celle de son gouvernement. Peut-être, monsieur Carrez, le déficit n’était-il pas le même mais... la croissance non plus ! Et la dette n’était pas non plus du même montant.

Quant à la TVA, nous avons prévu en loi de finances pour l’année 2018 154,6 milliards de recettes de TVA. Finalement, nous avons constaté une recette de 156,7 milliards d’euros. Nous avons corrigé le chiffre donné, mais ce n’est pas du tout contradictoire avec ce qu’a dit M. Le Maire. Quand nous avons fait notre rectificatif au mois de novembre, nous avions prévu un peu moins de recettes de TVA et nous avons constaté que nous avions été légèrement trop négatifs. Nous pensions même, en toute objectivité, que nous aurions moins, en décembre, que le chiffre proposé en novembre. Cependant, la croissance à 1,5 %, qui a subi les événements du quatrième trimestre – je pense au tourisme et aux commerces de centre-ville de quelques grandes métropoles –, n’est pas totalement liée aux recettes de TVA. M. Le Maire et moi ne nous contredisons pas.

Par ailleurs, monsieur Aubert, il y aura sans doute des rectifications, mais c’est chaque année la même chose. Je ne crois pas que nous ayons connu plus d’événements au cours de l’année 2018.

Madame El Haïry, comme le groupe du Mouvement Démocrate, je suis très attaché à une trajectoire qui est sincère et correspond aux engagements européens.

Le débat sur la taxation carbone, qui traverse manifestement tous les courants politiques, est très intéressant, mais mon rôle est un peu de regarder cela d’un point de vue comptable, et c’est peut-être aussi un peu le vôtre : si nous devons renoncer à cette fiscalité carbone, ce seront des recettes en moins. Peut-être cela répond-il à une demande du peuple français. Il faudra alors assumer de dériver budgétairement ou prendre les mesures de réduction des dépenses. Vous comprenez bien en quoi la trajectoire budgétaire ne peut être présentée aujourd’hui. Je ne peux préjuger de la conclusion du Grand débat sur tous les sujets de dépense publique et de fiscalité. Ce qui est certain, c’est que nous aurons ce débat au mois d’avril ou mai, et il s’agira non pas seulement des mesures annoncées par le Président de la République au mois de décembre mais aussi des trois prochaines années.

Nous avons quand même prévu 1,5 milliard d’euros de dépenses en moins dans ce fameux projet de loi de finances rectificative, madame El Haïry. Bien sûr, le Parlement pourra l’amender. La baisse de 1,5 milliard d’euros représente moins que les 3 % de gels, donc ces crédits pilotables existent. Et je rappelle que l’année dernière nous n’avons pas dépensé 1,4 milliard d’euros – ce n’est donc pas demander un effort démesuré que de ne pas dépenser 1,5 milliard d’euros cette année. Bien sûr, tout le monde sera d’accord pour baisser la dépense publique en général et personne ne sera d’accord avec nos propositions de réduire certaines dépenses en particulier, mais ce n’est pas bien grave...

Selon les chiffres dont je dispose, nous comptons 3,4 millions de nouveaux bénéficiaires de la prime d’activité. D’après ce que j’ai compris, au mois de janvier, 33 % des personnes nouvellement éligibles l’ont demandée. Je ne peux cependant vous préciser le taux de recours. La prime d’activité est déclarative, elle n’est pas liée à la feuille de salaire ; il faut se rendre à la caisse d’allocations familiales (CAF). Malgré l’énorme travail d’Agnès Buzyn, la communication du Gouvernement et les efforts fournis par les agents des CAF – il n’y a pas eu de « bug » –, le taux de recours n’est pas de 100 %, mais Mme Buzyn pourra mieux que moi vous donner des chiffres.

Je remercie tous ceux qui ont bien voulu remercier le Gouvernement d’avoir donné à temps le plus possible de documents et d’éléments de sincérité. Je le dois évidemment aux services dont des membres m’accompagnent et à l’ensemble des collaborateurs de Bercy qu’il est parfois de bon ton de mépriser mais dont je constate qu’ils font bien fonctionner l’État et qu’ils donnent aux parlementaires les éléments souhaités, pour peu que le ministre veuille tenir les promesses qu’il a faites à ceux-ci.

En 2018, madame Pires Beaune, il y a eu 300 000 primes à la conversion ; 120 000 étaient prévues – 500 000 pour tout le quinquennat. C’est donc un franc succès, et 72 % des personnes qui l’ont perçue ne sont pas imposables.

Nous aurons bientôt tous les documents relatifs à l’excédent des comptes sociaux, sans doute au mois de mars ou d’avril. Quant aux suppressions de postes, elles figureront bien sûr dans les documents budgétaires que je vous fournirai. Je ne disposerai pas des chiffres des suppressions département par département, mais je veux bien relayer auprès de mes collègues la demande d’une déclinaison ministère par ministère.

Finalement, monsieur de Courson, vous m’avez demandé – je caricature un peu – si nous avions les moyens de baisser les impôts. Avec un déficit et une dette publique élevés, on peut se poser la question. Nous y avons répondu positivement parce que nous considérons, pour notre part, que ce plus fort taux de prélèvements obligatoires en Europe qui est le nôtre handicape la croissance et compromet donc finalement les recettes. Vous connaissez la formule, assez libérale : « Trop d’impôt tue l’impôt. » Nous sommes parvenus à un point de saturation avec beaucoup d’impôts mal calculés, vieillissants, peu justes, qui grèvent la compétitivité des entreprises et la consommation des ménages. Nous faisons donc le pari économique de la baisse des prélèvements obligatoires.

Je suis heureux, monsieur le député, que vous m’ayez interrogé à ce propos, parce que j’ai entendu beaucoup de bêtises. Le Gouvernement aurait augmenté les impôts... C’est ce gouvernement qui a le plus baissé les impôts en deux ans ! La baisse est même supérieure à celle qui résultait de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ». Mentionnons la fiscalité du capital, avec la transformation de l’ISF et du PFU, mais aussi ce que nous avons fait en matière de taxe d’habitation ou d’impôt sur les sociétés, et je ne reviens pas sur la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires. À la fin du quinquennat, nous aurons sans doute réduit de plus d’un point le taux de prélèvements obligatoires, ce qui n’a jamais été fait.

Votre question est cependant plus globale : vous nous invitez à considérer le déficit et la dette, qui pèsent sur l’avenir. Le choix de la baisse des impôts est un pari, et nous pensons que nous sommes peu à peu en train de le gagner. Même si le taux de croissance vous paraît peu élevé, c’est quand même l’un des plus forts de l’Union européenne. Cela tient sans doute aussi au message que nous avons collectivement fait passer.

Nous verrons ce qu’il en sera en 2019 et en 2020 mais nous tenons à cette baisse d’impôt. L’objectif de maîtrise de la dépense n’en est que plus important, par définition. Sans doute est-ce là que réside le danger : continuer de baisser fortement les impôts – ce que nous faisons – sans maîtriser la dépense. En toute objectivité, le Gouvernement y est parvenu jusqu’à présent et devra faire preuve du plus grand sérieux pour poursuivre dans cette voie au cours des années qui viennent. Vous savez que cette trajectoire n’est pas toujours aisée à tenir mais, tant que je serai à mon poste, je m’y tiendrai et j’alerterai le Parlement – quitte à assumer au nom de tous l’impopularité de certaines baisses de dépenses.

Vous estimez qu’avec 4 milliards d’euros de baisse pour l’État, soit 0,2 % du PIB, nous ne pourrions pas tenir ces chiffres. Si l’on constate également une baisse de 0,2 % du budget de la sécurité sociale et de celui des collectivités locales, nous serons heureux à la fin mars et j’espère que vous nous féliciterez ! Nous verrons à ce moment-là.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je ne fais que reprendre le rapport de la Cour des comptes selon lequel la réduction structurelle de la dépense publique dans son ensemble – et non pas seulement celle de l’État – s’élève à 0,2 % du PIB. Or je vous rappelle que vous aviez annoncé une baisse de 0,4 % dans la loi de programmation ; les efforts constatés représentent donc la moitié des efforts annoncés. De surcroît, vous aviez annoncé une baisse de la dépense publique dans son ensemble de 15 milliards, alors qu’elle est de 4 milliards. Autrement dit, les résultats ne dépassent pas la moitié de ce qui était prévu dans la loi de programmation et le quart de ce que vous aviez annoncé. Je vous confirme donc que vous n’aviez pas les moyens des efforts insuffisants consentis pour baisser la dépense. C’est une vérité incontestable que je ne suis pas le seul à affirmer : le président de la commission des finances le fait aussi.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je vous encourage à attendre la fin mars, monsieur le député, puisque vous admettez vous-même que nous ne disposons pas encore des résultats de la sécurité sociale et des collectivités locales.

M. Charles de Courson. Mais nous avons le rapport de la Cour des comptes !

M. le ministre de laction et des comptes publics. La Cour des comptes ne possède pas davantage ces chiffres.

M. le président Éric Woerth. En effet, ce sont deux exercices différents.

M. le ministre de laction et des comptes publics. Mme de Montchalin m’interroge sur les contentieux fiscaux et la lutte contre la fraude fiscale. Le règlement du dossier UBS n’est pas définitif puisque le jugement prononcé l’a été en première instance. Les montants sont très importants. La justice et l’administration fiscale ont bien collaboré. À ceux qui pensent que nous ne faisons rien, je rappelle que l’administration fiscale s’est portée partie civile dans cette affaire. Si les montants sont confirmés, nous en serons satisfaits, car nous estimons que l’État – donc le contribuable – a été lésé.

Je saisis l’occasion pour dire toute la vigilance avec laquelle nous examinons – indépendamment de la taxe que M. Le Maire souhaite instaurer – la fiscalité des « GAFA », au sujet de laquelle le président de la commission des finances souhaitera peut-être organiser un débat ici même. Deux de ces quatre grandes entreprises ont-elles-mêmes rendu publique la transaction qu’elles ont conclue avec l’État sous mon autorité : Amazon et une autre entreprise qui a récemment fait parler d’elle. Les montants sont très significatifs et ne portent pas sur l’intégralité des annuités. Je suis donc le ministre des comptes publics qui, contrairement aux années précédentes, a accepté de discuter avec des interlocuteurs avec lesquels il est possible de transiger, mais pas à n’importe quelles conditions. Les rapporteurs généraux des commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale sont eux-mêmes venus contrôler les dossiers fiscaux sur place et sur pièces, comme ils en ont le droit – et il va de soi que nous n’avons rien à cacher. Lorsque j’ai considéré avec la direction générale des finances publiques que le montant prévu n’était pas au niveau où il devait être, j’ai continué à faire appel des décisions de justice dont je rappelle que nous les perdons ! Dans l’affaire Google, par exemple, le tribunal administratif de Paris nous a donné tort, et j’ai fait appel de cette décision – il s’agissait en l’occurrence de la fameuse question de l’établissement stable et de ce sur quoi porte le projet de loi de M. Le Maire.

De façon générale, la lutte contre la fraude fiscale est une priorité du Gouvernement. Ce serait aller trop vite que de prétendre que les résultats obtenus en 2018 sont le fruit de l’action du Gouvernement actuel ; ils sont plutôt ceux des gouvernements précédents car, comme chacun sait, les contentieux fiscaux mettent beaucoup de temps à aboutir. En revanche, j’ai récemment signé avec la garde des sceaux la circulaire promise au Parlement qui met fin au verrou de Bercy. Les chiffres dont nous disposerons l’année prochaine, madame de Montchalin, correspondront sans doute davantage à l’action du Gouvernement, même s’il faut souvent plusieurs années – le président de la commission le sait bien – pour que les résultats des contrôles fiscaux se répercutent sur les chiffres des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin. Qu’en est-il des APL et des contrats aidés ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. Je vais répondre aux nombreuses questions sur les APL dans un instant.

S’agissant des contrats aidés, le nombre de contrats signés – de l’ordre de 200 000 – est assez nettement en-deçà de ce qui a été budgétisé, comme l’a reconnu Mme Pénicaud elle-même dans l’hémicycle, sans doute parce que les collectivités se trouvent obligées d’assurer une formation. Je vous propose que nous revenions sur ce point avec la ministre du travail.

J’ai répondu à la question relative à la sincérité, monsieur Hetzel. Si vous avez des propositions de baisse de la dépense publique, je suis à votre disposition ; n’hésitez pas à m’en faire part et nous les adopterons sans doute.

La question de la lisibilité des taxes et de leur trajectoire mérite d’être posée, monsieur Bricout. Je suis prêt à vous fournir les éléments nécessaires afin que vous en disposiez lors du débat sur le projet de loi de règlement. J’établirai la distinction que vous souhaitez.

En ce qui concerne les APL, la stratégie du Gouvernement s’est déployée en trois volets : le décret d’avance de juillet 2017 qui a mis en œuvre la baisse de 5 euros décidée dans le projet de loi de finances pour 2017 par le gouvernement de M. Valls, pour un montant total d’environ 300 millions d’euros, la baisse concernant les bailleurs en 2018 et enfin, cette année, la contemporanéisation des APL, que rend possible le prélèvement à la source – comme pour les autres aides sociales. Voici la trajectoire, qui devrait être tenue. Il ne s’agit pas de réduire les APL mais de donner une APL juste à ceux qui le méritent. Il existe actuellement un décalage : certains ne perçoivent pas l’aide alors qu’ils sont déjà entrés dans le système et, inversement, d’autres la perçoivent encore alors qu’ils en sont sortis. M. Denormandie s’est saisi de ce dossier et sera à votre disposition ; sur le plan budgétaire, voici en tout état de cause comment les choses se sont passées depuis 2017.

Je constate que les impôts naugmentent pas, madame Bonnivard, mais quils diminuent. Vous me demandez comment faire pour sincériser le budget à la suite des annonces du Président de la République : je rappelle quun projet de loi de finances rectificative vous sera bientôt présenté, et que nous aurons à débattre de la taxe « GAFA » mais aussi de limpôt sur les sociétés dont le ministre de léconomie viendra vous parler lors dun projet de loi de finances spécifique pour les dispositions dont il est chargé et les mesures relatives aux comptes publics. Nous en revenons donc au montant de 10 milliards évoqué en décembre qui, je le rappelle, ne correspond pas à des dépenses supplémentaires puisque le président de la République nen a annoncé aucune hormis les dépenses liées à la prime dactivité.

M. Labaronne a soulevé la question très compliquée du budget européen. Outre la baisse des recettes douanières, il se pose le problème de la consommation des crédits, notamment ceux qui relèvent du pilier des aides régionales. Ces aides sont principalement destinées aux pays de l’Est, lesquels ne consomment pas toujours les crédits car il faut pour ce faire monter des projets et organiser des appels d’offres. L’an dernier, les crédits que nous avions budgétisés n’ont pas tous été consommés et, bonne nouvelle, nous avons pu en récupérer une partie ; cette année, ils ont été dépensés. Nous ne sommes donc pas aidés de ce point de vue, mais il est normal que nous nous acquittions de notre contribution au budget européen et c’est l’un des tours de force de ce budget que d’avoir réussi à s’en accommoder.

Je ne suis pas certain que M. Aubert soit le véritable porte-parole du Président de la République. Il feint dignorer la seconde partie de son argument sur les niches : en cas de suppression de niches, la réduction des impôts progresse à due concurrence – même si M. de Courson arguera alors du fait que nous navons pas les moyens de ces baisses dimpôt. Quoi quil en soit, cette discussion nest en rien contradictoire avec les propos qua tenus le Président de la République dans le débat ; jajoute que les ministres ont le droit davoir des idées.

M. Cazeneuve me fournit loccasion de répondre aux questions concernant les collectivités locales en vous communiquant des chiffres dont vous ne disposez peut-être pas au sujet de leur dépense de fonctionnement – à quoi il faudrait naturellement ajouter la dépense dinvestissement, dautant plus importante que nous entrons dans une année préélectorale. À ce stade, lévolution de la dépense de fonctionnement des collectivités locales est de 0,7 % en moyenne, et de 0,3 % pour celles dentre elles qui ont contractualisé. Cest donc un niveau nettement inférieur du taux de progression de 1,2 % fixé à Cahors. Ce ne sont là que des prévisions destinées à changer car nous ne disposons pas encore des chiffres définitifs. Surtout, je dis à ceux qui insistent sur les efforts consentis par les collectivités que ces résultats ont été largement aidés par les mesures du Gouvernement, en particulier la nonaugmentation du point dindice et le jour de carence, qui ont eu une forte incidence dans la mesure où les dépenses de fonctionnement des collectivités dépendent en grande partie des dépenses de personnel. Or les mesures que nous avons prises empêchent précisément linflation de la dépense de fonctionnement des collectivités, en particulier les intercommunalités.

Cela étant, nous ne connaissons pas encore leur budget d’investissement, qui sera sans doute supérieur à celui de l’année dernière puisque les élections municipales auront lieu l’an prochain. Quoi qu’il en soit, les contrats de Cahors ont porté leurs fruits puisqu’encore une fois, l’évolution de la dépense de fonctionnement s’établit à 0,7 % inflation comprise. En clair, les collectivités ont réduit leurs dépenses de fonctionnement. Attendons les résultats définitifs mais une chose est d’ores et déjà sûre : cette évolution de la dépense ne dépassera pas 1,2 %. Dans ces conditions, je dis à M. de Courson, qui m’avait prédit la censure du Conseil constitutionnel et l’échec de notre politique, qu’il faut faire confiance aux collectivités locales ! Elles savent tenir les comptes publics.

J’en viens à la taxe d’habitation. Le Gouvernement proposera de poursuivre sa trajectoire budgétaire de baisse d’un tiers supplémentaire de cette taxe dans le budget qui vous sera présenté cette année. Vous avez adopté la suppression de la taxe pour 80 % des foyers en dans la loi de programmation et la mesure proposée par le Gouvernement, qui devra revenir vers vous pour régler la question des 20 % restants. Il vous proposera pour ce faire un projet de loi de finances rectificative, sans doute à l’été, sur ce point comme sur d’autres qui ont trait à l’ensemble des finances des collectivités locales – je pense à la question importante des commerces, que plusieurs d’entre vous ont évoquée. Nous avons demandé l’avis du Conseil d’État sur la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de foyers restants et considérons que nous disposons de la sécurité juridique suffisante pour proposer très prochainement au Parlement un projet de loi de finances rectificative, dont je discute en ce moment avec Mme Gourault et MM. Lecornu et Dussopt. Je saisis cette occasion pour vous confirmer une nouvelle fois la suppression totale de la taxe d’habitation.

M. Damaisin m’a interrogé sur la poursuite du rattrapage. L’année 2018 a permis de rattraper ce qui n’avait pas été comptabilisé à la fin 2017 et aucun décalage supplémentaire n’a été constaté cette année. Le processus que nous avons mis en place a donc été utile et évitera toute dérive dans les années qui viennent.

S’agissant du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, monsieur Vigier, il me semble que vous avez eu ce débat avec M. Le Maire dans l’hémicycle. Il concerne au fond la contemporanéisation de cet impôt. En vigueur l’an dernier et cette année également – à la suite de l’adoption d’un amendement –, cette contemporanéisation peut donner l’impression qu’elle oblige à l’équilibre budgétaire mais elle a lieu chaque année. Or le Conseil constitutionnel et la Cour des comptes ont estimé qu’elle ne serait sincère que si elle était répétée chaque année au lieu d’être une simple mesure ponctuelle. M. Le Maire ayant répondu positivement au Parlement, vous devez être rassuré, monsieur le député.

M. Le Vigoureux a évoqué la question de la CVEC. Son montant s’élève à 95 millions d’euros en 2018 et je rappelle qu’en l’absence de plafonnement, l’intégralité de ce montant est consacrée à la vie étudiante. Ce sera de nouveau le cas en 2019, comme je m’y suis engagé auprès de Mme Vidal.

Mme Cattelot, enfin, m’a posé une question importante sur le budget des transports, en particulier celui de l’AFITF. Les radars ayant été largement vandalisés par le mouvement dit des « gilets jaunes », les recettes des amendes qui leur sont liées ont nettement diminué. L’AFITF, qui finance de nombreuses infrastructures de transport, a connu une baisse de recettes de 209 millions d’euros en 2018. Cette baisse devrait atteindre 400 millions en 2019 – le chiffre exact n’est pas encore connu –, ce qui posera de très graves problèmes pour le budget du ministère des transports. Nous examinons la situation avec la ministre des transports. Une partie du problème tient au principe de l’affectation budgétaire : un surcroît de recettes réjouit tout le monde mais c’est à l’État qu’il est demandé de compenser toute éventuelle diminution – ce qu’il fera sans doute en partie, en l’occurrence. Il n’en reste pas moins que l’affectation entraîne des effets négatifs. L’urgence consiste avant tout à réparer les radars, non seulement pour les recettes de l’État mais surtout pour les vies qu’ils sauvent. J’ajoute que la loi d’orientation des mobilités prévoit l’affectation de recettes liées à la vignette, peut-être dans un cadre plus européen. Quoi qu’il en soit, nous reviendrons vers vous pour étudier le budget de l’AFITF, qui n’a pas encore été adopté. Ce n’est pas encore très grave : l’an dernier, un décalage s’était également produit et le budget avait été voté en mars. Il faudra néanmoins prendre assez vite des décisions d’accompagnement.

Mme Christine Pires Beaune. Je précise, monsieur le ministre, que jamais la baisse des APL n’a été présentée aux députés sous la précédente législature. Je ne doute pas que M. Valls en ait eu l’idée, mais la mesure n’a jamais été soumise au Parlement.

Un mot sur le calendrier : si je vous ai bien compris, nous serons saisis d’un projet de loi de finances rectificative en mai, du projet de loi de règlement en juin et d’un nouveau « collectif » spécifique aux collectivités locales en juillet. Est-ce le cas ?

M. le ministre de laction et des comptes publics. La lettre de cadrage que le Premier ministre de l’époque avait transmise à M. Eckert et au ministre du logement prévoyait bien la baisse des APL.

Mme Christine Pires Beaune. C’est le Parlement qui vote la loi !

M. le ministre de laction et des comptes publics. Soit, mais c’est une mesure de votre gouvernement – qui peut avoir fait des bêtises – figurant dans le dernier budget qu’il vous a présenté.

S’agissant du calendrier, je peux vous confirmer les points suivants : M. Le Maire vous présentera très prochainement – avant les élections européennes – un projet de loi reprenant les mesures de décembre 2018 concernant les GAFA et l’impôt sur les sociétés. Un projet de loi de finances rectificative prévoira l’économie de 1,5 milliard que nous devons faire pour respecter les chiffres annoncés en décembre, et peut-être contiendra-t-il d’autres éléments budgétaires et fiscaux – nous en discuterons avec le président de la commission des finances et avec le rapporteur général. En complément ou alternativement, un projet de loi de finances rectificative sera présenté pendant l’été concernant la fiscalité locale. Enfin, un débat aura lieu sur la trajectoire actualisée des finances publiques. Je souhaite qu’il soit l’occasion d’aborder en même temps le programme de stabilité que nous transmettrons à la Commission européenne.

 

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

 

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 16 heures 30

 

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Julien Aubert, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Gilles Carrez, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. Daniel Labaronne, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Xavier Roseren, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bourlanges, M. M’jid El Guerrab, M. Alexandre Holroyd, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva

Assistait également à la réunion. - M. Francis Chouat

 

 

 

 

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