Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sur les crédits de la mission Travail et emploi du projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272) 2
– Projet de loi de finances pour 2020 (seconde partie) (n° 2272) : examen pour avis et vote des crédits de la mission Travail et emploi ainsi que des articles 79 et 80, rattachés (M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis) du projet de loi de finances pour 2020 (seconde partie) (n° 2272) 36
– Présences en réunion.................................45
Mardi
29 octobre 2019
Séance de 18 heures
Compte rendu n° 11
session ordinaire de 2019-2020
Présidence de
Mme Brigitte Bourguignon,
présidente
— 1 —
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 29 octobre 2019
La séance est ouverte à dix-huit heures.
————
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)
La commission auditionne Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, sur les crédits la mission Travail et emploi du projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272) (M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis).
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je vous remercie de me recevoir pour vous présenter le budget 2020 de la mission Travail et emploi. Les deux dernières années ont constitué un temps fort de conception et de mise en œuvre des orientations structurelles de notre politique dans le champ de l’emploi et des compétences. Nous avons posé les fondations d’une nouvelle politique du marché du travail et de l’emploi, fondée sur la compétence et la liberté donnée aux acteurs : ordonnances issues de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dites « ordonnances travail » ; apprentissage ; formation ; inclusion ; plan d’investissement dans les compétences (PIC) ; assurance chômage.
Notre conviction est claire : la clef de voûte de la politique de l’emploi, c’est l’émancipation, la recherche constante des conditions collectives qui permettent à chacun d’être plus libre de choisir sa voie professionnelle. Cela implique des choix, y compris budgétaires, que nous assumons. La baisse des contrats aidés a permis de financer l’effort sans précédent de formation des demandeurs d’emploi et d’inclusion des plus vulnérables.
L’année 2020 sera celle de la consolidation et de l’approfondissement de cette transformation, et de la montée en charge des dispositifs issus de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. C’est dans cet esprit, en multipliant les déplacements sur le terrain et en développant le dialogue avec les acteurs, que j’ai construit le présent budget de l’emploi et de la formation professionnelle.
En 2020, le budget global de la mission Travail et emploi s’élèvera à 13,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), en hausse de 0,80 %, et à 12,8 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), en hausse de 2,58 %. Ces montants marquent la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts de transformation, et surtout le souci de leur inscription concrète dans la vie de nos concitoyens.
L’une de nos priorités est que les personnes les plus vulnérables soient replacées au cœur des politiques d’inclusion, en cohérence avec l’objectif porté par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Au moment où le taux de chômage baisse – il est passé de 9,6 % à 8,5 % – chacun de nos concitoyens doit pouvoir se dire qu’il a sa chance. À cette fin, le financement des aides au poste dans les structures de l’insertion par l’activité économique (IAE) va connaître une augmentation historique en 2020 : 83 000 équivalents temps plein (ETP) seront financés par le fonds d’inclusion dans l’emploi, soit une hausse de 7 000 ETP par rapport à la loi de finances pour 2019. Au service de cet objectif, le budget est en hausse de 120 millions d’euros, dépassant pour la première fois de notre histoire la barre symbolique du milliard d’euros. Il résulte d’un travail en profondeur avec tous les réseaux de l’insertion par l’économie. À l’horizon 2022, 100 000 personnes supplémentaires devraient avoir bénéficié de ce dispositif.
Dans le même esprit d’inclusion, le budget pour 2020 réaffirme l’engagement du Gouvernement en faveur des entreprises adaptées, tremplins essentiels vers l’insertion et l’emploi des personnes handicapées les plus éloignées de l’emploi. L’appui financier de l’État se poursuit, avec un budget de 403 millions d’euros, en augmentation de 7 millions d’euros par rapport à 2019, afin que 6 000 à 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées dès 2020.
En parallèle, pour soutenir le développement des compétences et les parcours qualifiants, le PIC crée un système d’incitation à la formation des travailleurs handicapés pendant la durée de leur contrat à durée déterminée (CDD) tremplin ou de leur contrat de mission. Son budget est de 12 millions d’euros pour 2020. Ces efforts sont complétés par 100 000 nouveaux parcours emploi compétences (PEC) – nouvelle formule d’emploi aidé comprenant un accompagnement et une formation.
L’expérimentation des emplois francs, lancée le 1er avril 2018 puis étendue en avril dernier, se poursuit et sera généralisée, début 2020, à l’ensemble des quartiers de la politique de la ville (QPV) du territoire. Une enveloppe de 233,6 millions d’euros en AE et 80 millions d’euros en CP permettra d’offrir un contrat à 40 000 personnes fin 2020.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 soutient également l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » à hauteur de 28,5 millions d’euros, soit 6 millions d’euros de plus par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2019. Ces crédits permettront la poursuite de la montée en charge dans les territoires participant à l’expérimentation, avec 1 750 ETP financés. À ce sujet, j’ai rencontré récemment M. Laurent Grandguillaume et M. Michel de Virville. Deux rapports d’évaluation, l’un, conjoint, de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, l’autre, du comité scientifique indépendant, seront présentés d’ici au 15 novembre. Sur la base de ces résultats intermédiaires – puisque l’expérimentation n’est pas terminée –, nous engagerons une discussion avec les acteurs pour améliorer l’expérimentation, la prolonger et la développer.
Opérateurs essentiels de l’accompagnement et de l’insertion des jeunes, les missions locales bénéficieront de 371,94 millions d’euros de crédits en 2020, soit une hausse de 21 millions d’euros par rapport à la LFI 2019. Ces crédits sont désormais globalisés en gestion et couvrent à la fois la convention pluriannuelle d’objectifs et l’accompagnement des jeunes qui bénéficient de la garantie jeunes. Le montant prévu en 2020 intègre le financement de la mise en œuvre de l’obligation de formation pour les 16-18 ans, instaurée par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
À 1 235,9 millions d’euros, la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi sera en baisse de 136,8 millions par rapport à la LFI 2019. Cependant, cette baisse est plus que compensée par la contribution de l’UNEDIC, qui progresse sous l’effet conjugué du dynamisme de la masse salariale – nous créons beaucoup d’emplois – et du passage de 10 % à 11 % des contributions salariales. Pôle emploi disposera donc de 622 millions d’euros de ressources supplémentaires en 2020, qui lui permettront de mettre en œuvre les évolutions issues de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ces crédits accompagneront aussi la transformation de l’accompagnement par Pôle emploi dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage, fruit d’une large concertation avec les partenaires sociaux et concrétisée dans la convention tripartite État‑UNEDIC-Pôle emploi.
La montée en puissance du PIC se poursuit, avec un nouvel engagement de 3 milliards d’euros, financé pour moitié par des crédits budgétaires et pour moitié par la contribution des entreprises collectée par France compétences.
Sur la période 2019-2022, ces crédits permettront de mettre en œuvre les parcours de formation déployés dans le cadre des pactes régionaux pluriannuels d’investissement dans les compétences négociés entre l’État et les régions, ou les collectivités compétentes s’agissant de l’outre-mer – 1,7 milliard d’euros ont été provisionnés pour la seule année 2020.
Un montant de 575 millions d’euros sera également consacré à consolider les mesures d’accompagnement des jeunes du parcours contractualisé vers l’autonomie et l’emploi (PACEA) et de la garantie jeunes, et de renforcer les capacités d’accueil dans les écoles de la deuxième chance et les établissements pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE).
Des programmes innovants seront développés pour repérer les « invisibles », ces jeunes sans emploi ni formation qui ne sont pas suivis par Pôle emploi ou les missions locales car ils ne s’y rendent pas : 60 millions d’euros seront investis dans un appel à projets destiné à identifier ces jeunes décrocheurs grâce à des activités sportives ou de proximité.
Enfin, le PIC promouvra des expérimentations sur des problématiques ciblées telles que la remobilisation et le retour à l’emploi dans les QPV, grâce à l’appel à projet « 100 % inclusion » ou la préparation à l’apprentissage. Il poursuivra l’expérimentation du parcours intégré d’insertion « hébergement, orientation et parcours vers l’emploi » (HOPE) au profit de 1 500 nouveaux bénéficiaires parmi les réfugiés.
S’agissant de la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, l’année 2019 a été une année de profonde transition. Elle a notamment vu la mise en place de France compétences, nouvel opérateur en charge des missions financières, de régulation et de recommandation en faveur du développement et d’une plus forte efficacité des politiques de formation et d’alternance. France compétences est également en charge de la certification et de la qualité des formations.
Onze nouveaux opérateurs de compétences (OPCO) viennent prendre la place des vingt organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et voient leurs missions recentrées sur le développement de l’apprentissage et de l’alternance, et l’appui aux très petites et petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de formation.
Le déploiement du nouveau compte personnel de formation (CPF) « Mon Compte Formation » trouvera son aboutissement le 21 novembre prochain avec le lancement d’une application mobile dédiée recensant toute l’offre de formation qualifiante disponible, ainsi que les crédits de chacun. Elle donnera un accès direct à la formation à 26 millions d’actifs.
L’année 2020 sera une année importante avec l’organisation des élections professionnelles des salariés des TPE, qui permettront de déterminer l’audience syndicale dans les petites entreprises, puis de réaliser en 2021 la troisième mesure de l’audience syndicale et patronale. Dans le budget 2020, cela se traduit par une augmentation sensible des crédits du programme 111.
Mon ministère participe à l’effort gouvernemental de réduction des effectifs. En 2020, la baisse sera de 226 emplois, soit 2,6 %, identique à celle de 2019. Cet effort s’inscrit plus largement dans le cadre de la réorganisation des services territoriaux de l’État. Nous souhaitons regrouper toutes les compétences contribuant à l’accompagnement, sans discontinuité : de l’hébergement d’urgence à l’insertion vers l’activité économique, jusqu’à l’emploi. C’est l’ambition du nouveau service public de l’insertion, placé auprès des préfets de département.
Enfin, le code du travail numérique verra le jour le 1er janvier 2020.
Un mot, pour conclure, sur deux sources d’économies possibles. L’une se trouve dans la réforme de l’aide au créateur ou repreneur d’entreprise (ACRE), qui s’inscrit dans notre volonté de recentrer les crédits budgétaires sur les personnes les plus éloignées de l’emploi. Nous avons constaté des effets d’aubaine et un détournement du dispositif en faveur de publics qui n’étaient initialement pas ciblés. La réforme prévoit l’alignement du niveau d’exonération applicable pour les micro-entrepreneurs sur celui des autres travailleurs indépendants. L’exonération sera également limitée à un an pour tous. En outre, le PLF 2020 réserve l’exonération aux chômeurs créateurs d’entreprises, afin de la cibler sur les publics les plus éloignés de l’emploi. Les crédits connaissent néanmoins une progression conséquente de 216 millions d’euros par rapport à la LFI 2019.
L’autre voie d’économies est liée aux exonérations de charges pour les services à la personne, que nous avons décidé de stabiliser pour les personnes de 70 ans et plus. Pour financer cette stabilisation, nous devons rechercher des économies de l’ordre de 120 millions d’euros. La suppression de ces exonérations initialement envisagée entraînait un coût pour la sécurité sociale à hauteur du report sur les allégements généraux de charges sociales, estimé à 125 millions d’euros en 2020, ramenant l’économie à 198 millions d’euros. Après prise en compte du crédit d’impôt – qui aurait été plus élevé du fait du renchérissement de la prestation –, l’économie pour l’ensemble des administrations publiques était estimée à 101 millions d’euros en 2020.
À compter de 2021, pour ces deux dispositifs, l’économie nette totale demandée par le Premier ministre est d’environ 120 millions d’euros pour le budget de la mission Travail et emploi. Cela fera l’objet d’un amendement gouvernemental. Nous affecterons cette économie au PIC : en raison de son caractère pluriannuel, le léger retard pris sur certains projets nous autorise à décaler le lancement de certaines formations du dernier trimestre 2020 au premier trimestre 2021. Cela nous permettra de réaliser les économies demandées sans pénaliser les formations ou les demandeurs d’emploi.
Ce budget porte deux grandes ambitions : intensifier l’effort d’inclusion, de formation et d’émancipation dans l’emploi, et stimuler la création d’emplois par la libération de l’alternance et de la formation professionnelle.
M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. L’examen des crédits de la mission Travail et emploi du projet de loi de finances pour 2020 nous donne l’occasion de dresser un portrait à mi-législature du marché du travail et des réformes adoptées en matière de formation professionnelle et d’apprentissage. Ce portrait est tout à la fois singulier et inédit, tel un clair-obscur associant de nombreuses zones d’ombre aux quelques embellies de l’emploi.
Le taux de chômage baisse de manière régulière et continue depuis 2015, à hauteur de 0,5 point par an. Inutile d’attribuer à tel ou tel gouvernement l’origine de cette amélioration : elle est avant tout le fruit de dix années de réformes du marché du travail et d’un contexte international favorable. Mais cette lente amélioration masque plusieurs facteurs d’inquiétude. La situation des moins qualifiés se dégrade. Le taux d’emploi des non-qualifiés, qui suit chez nos voisins la trajectoire du taux d’emploi global, décroche depuis deux ans en France. Ce décrochage est particulièrement marqué pour les titulaires du seul brevet. En outre, notre taux de chômage, plus élevé qu’ailleurs dans la zone euro, diminue aussi moins rapidement. Surtout, il poursuit sa baisse alors que la croissance ralentit, loin des enseignements traditionnels de la théorie économique. Toutes les personnes auditionnées partagent mon interrogation : cela peut soit annoncer un enrichissement de la croissance en emplois, soit correspondre à des créations d’emplois peu pérennes et peu créateurs de richesses. Soyons donc très vigilants. Enfin, le nombre d’emplois vacants a littéralement explosé ces deux dernières années, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) faisant état d’un doublement en deux ans.
Ces constats posent la question de l’adéquation entre l’offre et la demande de travail, et du rôle de la formation professionnelle pour y répondre. Vous connaissez mon engagement concernant la formation professionnelle et l’apprentissage. Il ne s’agit pas, pour paraphraser le général de Gaulle, de sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « formation, formation, formation ! » Il s’agit de lever un par un les freins à la formation professionnelle et à l’apprentissage, pour tourner la page de ce qui a parfois été appelé la préférence française pour le chômage.
Quel bilan tirer de deux années de montée en puissance du PIC et d’une année d’application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ? Conjuguée à l’examen des crédits contenus sur la mission Travail et emploi, l’analyse soulève plusieurs motifs d’inquiétude.
Madame la ministre, l’État poursuit son désengagement du service public de l’emploi – notamment concernant les crédits versés à Pôle emploi – à hauteur de 136 millions d’euros par an, contre l’avis des partenaires sociaux. En contrepartie, vous avez augmenté la part des ressources de l’UNEDIC affectée à Pôle emploi. Ne pensez-vous pas qu’il est risqué de rendre Pôle emploi encore plus dépendant des ressources de l’assurance chômage et que cela le fragilise ? En cas de retournement de conjoncture, Pôle emploi devra accompagner plus de demandeurs d’emploi, et ses moyens diminueront du fait de la chute des ressources de l’UNEDIC. Vous créez un effet ciseaux dangereux !
La création d’emplois au sein de l’organisme intervient après deux années consécutives de réduction, alors que nous vous avions systématiquement alertée, notamment dans le cadre de la mission « flash » de notre collègue Stéphane Viry. De plus, ces effectifs supplémentaires ne seront pas financés par l’État, mais par les ressources issues de l’assurance chômage, et donc par les partenaires sociaux, pour près de 380 millions d’euros.
La mise en application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est menée tambour battant – je salue ici la forte mobilisation de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et de la direction générale du travail. Elle s’effectue au détriment de la période de transition et s’accompagne de plusieurs ruptures. Ainsi, le transfert du recouvrement de la contribution unique à la formation des OPCA vers les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) devait intervenir au plus tard le 1er janvier 2021, soit deux ans et demi après la promulgation de la loi. Pourtant, dans l’article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui vient d’être voté, le Gouvernement revient de manière peu lisible sur cette échéance, en prévoyant la possibilité de la repousser par décret. Comment justifier cette mesure, tant sur la forme que sur le fond ? Sur la forme, vous modifiez par décret une date fixée dans une loi ; la constitutionnalité d’une telle mesure interroge. Sur le fond, ce report de dernière minute souligne l’absence de préparation de ce transfert et légitime les OPCA – devenus OPCO – dans leur mission de recouvrement.
La transition est tout aussi délicate s’agissant du nouveau dispositif de reconversion ou de promotion par l’alternance, dit Pro-A. L’ordonnance du 21 août 2019 visant à assurer la cohérence de diverses dispositions législatives avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite ordonnance « coquilles », renvoie désormais à un accord de branche étendu l’identification des certifications éligibles – condition qui, par nature, met du temps à être remplie. Aucune phase de transition n’ayant été prévue, ce dispositif est désormais au point mort et les entreprises le déplorent.
La transition n’est pas non plus assurée s’agissant du financement de l’apprentissage dans les collectivités territoriales. Grands oubliés de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les apprentis du secteur public local seront directement pénalisés par le cadre issu de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Désormais, les contrats d’apprentissage seront financés par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), sur une enveloppe qui devrait être fléchée vers les agents publics locaux, et par les collectivités, alors que de nombreuses communes ne sont pas en situation d’assurer ce rôle. Les inquiétudes remontent du terrain ; je me devais de vous alerter sur cette impossible équation.
S’agissant du CPF 2.0, qui verra le jour en décembre prochain – vous nous annoncez sa présentation le 21 novembre –, le Gouvernement et sa majorité font le pari d’une désintermédiation et d’une autonomie totales. Je ne doute pas que les publics les plus à l’aise avec les outils numériques pourront s’en saisir sans difficulté. Je suis, en revanche, plus réservé sur le sort des publics les plus éloignés de ces outils, qui sont aussi souvent les moins qualifiés, les plus isolés ou ont le plus besoin d’un accompagnement.
Je suis tout aussi réservé concernant la coconstruction du CPF, qui relève de la fiction. Pourquoi ne pas prévoir dans la loi les modalités de cette coconstruction, soit par accord direct entre l’employeur et le salarié, soit par accord de branche ou d’entreprise ? J’avais proposé cette solution par amendement, mais vous aviez rejeté celui-ci sans explication. En réalité, un CPF qui ne sera pas coconstruit ne permettra ni d’alimenter le compte avec suffisamment de droits pour des formations longues et qualifiantes, ni d’en faire un véritable outil de dialogue social dans l’entreprise.
J’aimerais également attirer votre attention sur les moyens de France compétences. Le travail accompli a été remarquable, dans des délais aussi serrés qu’ambitieux. Néanmoins, France compétences doit à la fois gérer les missions des structures précédentes – ainsi, elle doit poursuivre le suivi des appels à projet lancés par l’ancien fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels – et mettre en place les nouveaux outils, comme la définition des coûts au contrat. L’ampleur des missions assignées à France compétences est incompatible avec ses moyens, puisqu’elle n’emploie que soixante-dix agents. Je le dis d’autant plus facilement que j’estimais initialement que soixante-dix personnels, c’était beaucoup ! Le déploiement du nouveau conseil en évolution professionnelle en est une bonne illustration : le marché public de plus de 450 millions d’euros a été lancé par trois agents, et son suivi sera confié à un prestataire extérieur, faute de moyens en interne, je suppose. Je n’évoquerai pas la qualité des actions de formation, que vous avez érigée, à juste titre, en priorité et qui sera probablement sacrifiée sur l’autel de la restriction des moyens. Madame la ministre, la contrainte sur les moyens de France compétences va-t-elle enfin être desserrée ? Si oui, à quel niveau et quand ?
Enfin, s’agissant du PIC, je salue le travail du haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi, et l’engagement indispensable des régions dans son déploiement. L’attention portée aux innovations et aux expérimentations territoriales, dans le cadre de modules additionnels et de parcours sur mesure, et la logique de pluriannualité permettront de remédier aux limites des précédents grands plans de formation.
Le PIC a toutefois fait apparaître, tel un miroir grossissant, les nombreux freins de notre système actuel, parmi lesquels la persistance d’une approche par certification plutôt que par filière ou par débouché, ou les lourdeurs et longueurs des procédures d’achats de formations. Madame la ministre, à quelle échéance aurons-nous l’occasion de débattre de ces difficultés, rapport d’évaluation du PIC à l’appui ? Le projet de loi que vous présenterez le 13 novembre prochain, qui permettra de ratifier l’ordonnance dite « coquilles », sera-t-il l’occasion d’en discuter ?
Le chemin restant à parcourir pour construire une véritable société de compétences est encore long. Je suis toutefois convaincu qu’il pourra s’appuyer sur l’engagement conjoint des entreprises, des associations et des territoires. Les mentalités évoluent, à l’image du regard porté sur l’apprentissage qui apparaît plus que jamais comme une filière d’avenir et d’excellence. La semaine dernière encore, j’ai pu constater l’engagement de nombreux responsables de centres de formation d’apprentis (CFA), de jeunes apprentis et de chefs d’entreprise dans la formation et la lutte contre le fléau du chômage.
Je suis élu d’un département où le taux de chômage continue, hélas ! d’augmenter – plus 0,4 % au dernier trimestre – et dans un bassin d’emploi où, s’élevant à 11,5 %, il reste supérieur de 3 points à la moyenne nationale. Je formule donc le vœu que 2020 amorce le redressement des crédits de la mission Travail et emploi, contrairement aux deux années passées, et que nous puissions enfin donner à chaque jeune l’entière liberté de choisir son avenir professionnel.
M. Jean-Hugues Ratenon. Madame la ministre, le groupe La France insoumise n’a pas la même analyse que vous du budget de la mission Travail et emploi. Au niveau national, il n’augmente pas. Pire, corrigé en tenant compte de l’inflation et de l’augmentation de la population, il perd plus de 100 millions d’euros.
Les quatre programmes de la mission ont tous leur utilité, en finançant des mesures en faveur des jeunes, de l’accompagnement vers l’emploi des personnes en situation de handicap ou de l’inspection du travail. Ces mesures sont cruciales pour aider ceux qui n’ont pas d’emploi à en trouver un, pour protéger les salariés de conditions de travail souvent difficiles et d’employeurs parfois malhonnêtes. Elles doivent être massivement financées, ce que vous refusez.
Après analyse, le compte n’y est pas ! Nous avons plus particulièrement examiné les autorisations d’engagement outre-mer. Alors que le président Emmanuel Macron et le Gouvernement ont effectué un grand tour des outre-mer pour y faire campagne à coup de nouvelles promesses – en fait, annoncer des mesures déjà prévues –, le budget de votre ministère concernant nos territoires est en recul de 1,25 % en 2020, soit presque 7 millions d’euros de moins. Pensez-vous que la situation du chômage en France justifie des coupes budgétaires aussi claires ?
Comme les autres missions du PLF 2020, la mission Travail et emploi ne répond pas à l’impératif de justice sociale. Elle est à l’image de votre politique de régression sociale et de remise en cause des droits acquis. Vous avez peu d’ambition pour les gens, peu d’ambition dans la lutte contre l’exclusion et contre la pauvreté. Vous en créez davantage chaque jour et êtes au service des riches. Le bien-être des Françaises et des Français est très loin de vos priorités !
M. Dominique Da Silva. Le dernier chiffre du chômage en France, au troisième trimestre 2019, est de 8,3 %. C’est le taux le plus bas depuis 2009 ; sur un an, le recul est de 2,4 %. Malgré la dégradation de l’environnement économique européen et international, le marché de l’emploi reste dynamique en France, avec plus de 700 000 offres d’emploi disponibles. Notre croissance économique résiste un peu mieux que celle de nos voisins, avec un taux de 1,3 %.
Ces indicateurs, dont nous ne pouvons que nous réjouir, sont le fruit d’une profonde transformation que le Gouvernement et notre majorité ont portée dans le domaine de l’emploi. Ces grandes réformes structurelles et organisationnelles doivent maintenant être consolidées pour produire tous leurs effets, mais sans peser de manière déraisonnable sur les dépenses publiques. C’est tout l’enjeu du budget consacré à la mission Travail et emploi, que nous examinons aujourd’hui et dont les crédits, stables, s’élèvent à 12,3 milliards d’euros.
Ce budget concentre des efforts sans précédent sur deux dispositifs phares. Sur le PIC, 3,1 milliards sont investis, destinés à former 2 millions de demandeurs d’emploi, pour moitié des personnes pas ou peu qualifiées, pour moitié des jeunes éloignés de l’emploi. On comptait déjà 200 000 bénéficiaires en 2018, et l’objectif de doubler ce chiffre en 2019 est quasiment atteint.
L’IAE n’est pas en reste. On dénombrait en 2017 quelque 3 860 structures d’accueil pour 136 000 salariés : avec un soutien de 1 milliard d’euros en 2020, soit une augmentation de 120 millions d’euros, ce sont 100 000 personnes supplémentaires qui bénéficieront du dispositif à l’horizon 2022.
À travers l’IAE et le PIC, nous répondons plus particulièrement aux besoins des métiers en tension. Notre majorité a fait le choix de faire coïncider formation et emploi disponible. Il est aujourd’hui inconcevable d’entendre que, d’un côté, des entreprises peinent à recruter, et de constater, de l’autre côté, que les demandeurs d’emploi sont las d’un système complexe qui ne les conduit pas vers un emploi durable.
Une insertion durable dans l’emploi passe par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences, notamment grâce à l’apprentissage, dont les crédits sont en forte hausse, à hauteur de 1,4 milliard d’euros. La réforme de l’apprentissage permet aujourd’hui à 460 000 jeunes d’être en contrat d’alternance. Le nombre d’apprentis est en hausse de 8 % au 1er semestre 2019 – la hausse la plus importante depuis vingt ans –, et la tendance s’accélère.
Cette réforme de l’apprentissage, nous l’avons fièrement portée avec vous, madame la ministre. Elle a permis d’ouvrir l’accès aux formations jusqu’à 30 ans, contre 26 ans auparavant ; les démarches permettant d’obtenir des aides à l’embauche ont été simplifiées pour les entreprises ; les prépas apprentissage permettent à 28 000 jeunes en décrochage scolaire d’accéder à des parcours d’apprentissage, tout en consolidant leurs compétences ; l’aide au permis de conduire permet d’améliorer la mobilité des apprentis qui évoluent entre l’école et l’entreprise.
L’année prochaine, la garantie jeunes verra 100 000 nouvelles entrées dans le dispositif, pour un coût de 500 millions d’euros, à quoi il faut ajouter la hausse de 65 millions d’euros des fonds destinés à l’allocation PACEA, ainsi que les 2 000 nouvelles places conventionnées d’ici à 2022 dans les écoles de la deuxième chance, et la consolidation de l’activité de l’EPIDE, qui doit inaugurer un vingtième centre en 2021.
Pour favoriser le retour à l’emploi, il est nécessaire d’améliorer l’efficacité du service rendu par Pôle emploi. Malgré la baisse du nombre de demandeurs d’emploi, les contributions État-UNEDIC allouées à Pôle emploi sont stables, voire en légère hausse.
Nous devons continuer à lutter contre le chômage de masse, qui reste et demeure un fléau pour notre société, facteur d’exclusion et de désagrégation sociale. Je rappelle, à ce propos, que bon nombre de mesures de la réforme de l’assurance chômage entreront en vigueur ce vendredi 1er novembre. Elles doivent ouvrir de nouveaux droits, en prenant en compte les parcours à carrières multiples et en permettant de bénéficier du droit au chômage en cas de démission sous certaines conditions.
Dans la même optique, le service public de l’insertion va désormais réunir tous les acteurs autour d’un guichet unique, pour une simplification des démarches mais aussi et surtout pour un meilleur accompagnement personnalisé.
Notre majorité a à cœur que les publics les plus éloignés de l’emploi en retrouvent le chemin. Pour y parvenir, le projet présenté aujourd’hui se veut à la fois innovant et en adéquation avec les réformes précédemment entreprises.
M. Bernard Perrut. Ce budget pour 2020 se caractérise par une stabilité relative de la mission Travail et emploi. Avec une légère augmentation et 12,8 milliards d’euros de crédits, le budget retenu reste néanmoins inférieur de 2,6 milliards d’euros aux crédits de 2018, et il ne fait pas oublier la baisse drastique subie l’année dernière, de manière tout à fait paradoxale, alors que le Gouvernement affichait l’ambition de soutenir le travail et d’investir pour l’avenir.
Comme l’a rappelé Gérard Cherpion, c’est aussi l’occasion de dresser un bilan à mi-mandat des réformes successives intervenues sur le terrain de l’emploi et de la formation professionnelle – je pense ici à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et au PIC, qui s’inscrivent dans un contexte aujourd’hui favorable, marqué certes par une réduction du chômage mais également par une augmentation du nombre d’emplois vacants. Cette inadéquation pour le moins singulière met en exergue les difficultés de recrutement que connaissent certains employeurs, principalement par manque de main-d’œuvre compétente, mais aussi du fait de l’accélération de la transformation des métiers ou de la révolution numérique. Que pouvez-vous faire, madame la ministre, pour remédier à ce paradoxe ?
Dans ce budget, notre satisfaction porte sur l’IAE, dont les crédits augmentent de 8 %, soit 908,7 millions d’euros qui doivent permettre de financer 5 000 aides au poste supplémentaires par rapport à 2018, en portant le nombre à 76 000. Chacun mesure l’utilité de l’IAE, qui permet un retour vers l’emploi de personnes dans des situations de difficultés sociales et professionnelles particulières.
Je souhaite, par ailleurs, revenir sur le rôle essentiel de Pôle emploi qui, après une baisse de 50 millions d’euros en 2018 et de 85 millions en 2019, voit, pour la troisième année consécutive, diminuer sa subvention pour charges de service public de 136,6 millions d’euros, ce qui confirme le désengagement de l’État.
Pourtant, dans le même temps, 900 ETP supplémentaires sont affectés à l’opérateur. Cette augmentation est nécessaire, et nous réclamions depuis longtemps que soient renforcés les moyens humains de Pôle emploi, mais elle sera financée au détriment des cotisations des salariés, des employeurs et des droits des demandeurs d’emploi. Jusqu’à présent, 10 % des recettes de l’UNEDIC étaient dédiées au financement de Pôle emploi. Or le Gouvernement a profité de sa réforme de l’assurance chômage pour augmenter cette part, alors que l’UNEDIC n’avait pas et ne devrait toujours pas avoir vocation à financer l’opérateur, mais seulement les droits au chômage des assurés. La contribution de l’UNEDIC à Pôle emploi s’élève dorénavant à 4,1 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 380 millions d’euros.
Les premières mesures de la réforme de l’assurance chômage entrent justement en vigueur le 1er novembre, et vont en modifier les conditions d’accès. Faute de temps donné aux partenaires sociaux à l’hiver dernier, le Gouvernement a repris la main sur cette réforme, avec deux décrets publiés cet été. Les syndicats ne décolèrent pas, et l’UNEDIC estime que cette réforme aura un impact négatif sur la moitié des entrants dans le dispositif, les premières victimes en étant les jeunes, les précaires et les cadres. Que leur répondez-vous, madame la ministre, vous qui déclariez à juste raison que ce n’était un but pour personne de dépendre de l’assurance chômage, et que ce n’était pas un métier ? Certes, mais la précarité ne peut nous laisser indifférents.
Par ailleurs, si l’enveloppe pour les allocations de solidarité est en hausse, je souhaite appeler votre attention sur le sort réservé aux maisons de l’emploi qui, conformément à votre logique de désengagement, ne figurent pas dans le projet annuel de performances.
On note également une légère baisse des moyens des missions locales en faveur des jeunes. Vont-elles bénéficier des 20 millions d’euros prévus dans le cadre du plan pauvreté pour la formation des 16-18 ans sortis du système scolaire ? Elles sont des acteurs majeurs, dont la priorité doit bien évidemment être l’insertion des jeunes dans le monde du travail, mais qui ont aussi vocation à prodiguer un accompagnement plus global, dans les domaines de la formation, de la santé, du logement ou encore de la mobilité, autant d’aspects qu’il faut prendre en compte lorsque l’on veut faire de l’apprentissage une voie d’accès des jeunes à l’emploi.
Un autre point essentiel est l’expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », qui redéploie vers le financement d’emplois les dépenses sociales économisées par l’embauche d’un chômeur de longue durée et permet donc aux collectivités de ne pas engager de dépenses supplémentaires. Pouvez-vous nous dire si le taux de prise en charge continuera à baisser en 2020, comme en 2018 et 2019 ?
Enfin, il m’apparaît essentiel d’aborder l’article 79, qui exclut les personnes âgées non dépendantes du bénéfice des exonérations en faveur de l’aide à domicile, et qui porte une nouvelle fois atteinte à leur pouvoir d’achat. Vous aviez annoncé vouloir revenir sur cette mesure et deviez revoir votre copie : au sein du budget de la mission Travail et emploi, où allez-vous trouver les fonds pour rétablir le régime en vigueur ? Nous attendons votre réponse, qui conditionnera notre avis sur les crédits de cette mission.
Mme Michèle de Vaucouleurs. L’analyse des crédits de la mission Travail et emploi se fait dans un contexte globalement positif. Le pays connaît un recul du taux de chômage continu ces dernières années : en 2019, on note ainsi une baisse de près de 2 % du nombre de demandeurs d’emploi. Cela doit nous satisfaire, mais aussi nous engager à poursuivre le travail engagé à vos côtés, madame la ministre, depuis le début de cette législature.
Notre groupe se satisfait de l’augmentation de 2,5 % des crédits de cette mission pour l’année à venir. Cela est indispensable pour mener à bien le déploiement des réformes votées au début du quinquennat, qui visent à réduire les inégalités d’accès à l’emploi et à développer les compétences professionnelles de l’ensemble de nos concitoyens.
L’examen du bleu budgétaire met en lumière que, pour certaines catégories de la population, les taux de retour à l’emploi sont en recul par rapport aux années précédentes. Aussi les moyens affectés à l’accès au retour à l’emploi, à travers le programme 102, se concentrent-ils sur les publics les plus en difficulté : personnes en situation de handicap, demandeurs d’emploi de longue durée, jeunes sans qualification, mais également résidents des QPV. Notre groupe salue cette attention particulière, qui est nécessaire pour que chacun puisse être inséré dans notre société et s’y épanouisse. Nous restons convaincus que le travail est un levier d’insertion déterminant et primordial.
Tout d’abord, les mesures prises en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap sont nombreuses. Elles visent, d’une part, à créer davantage d’emplois dans les entreprises adaptées – avec une trajectoire de 40 000 nouveaux postes à l’horizon 2022 –, d’autre part, à développer plusieurs dispositifs favorisant l’accompagnement et l’intégration en milieu ordinaire.
Dans le même esprit, nous nous réjouissons du soutien appuyé à l’action des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) grâce au renforcement des crédits qui leur sont alloués, en adéquation avec le pacte ambition IAE.
Notre groupe soutient également l’objectif de lutte contre le chômage des jeunes, appuyé sur le renforcement des crédits déployés par les missions locales, à qui est désormais confiée la charge d’assurer le respect de l’obligation de formation pour les jeunes.
Par ailleurs, l’extension des emplois francs à l’ensemble du territoire nous semble être une décision de bon sens, bien qu’il convienne, dans les mois à venir, d’évaluer l’impact de cette mesure.
En outre, l’augmentation des crédits du programme 103, dédié à l’accompagnement des mutations économiques et au développement de l’emploi, était essentielle. À cet égard, force est de constater que le PIC continue sa montée en puissance, puisqu’il concourt à l’abondement de ce programme pour près de 865 millions d’euros en AE et 496 millions en CP, à quoi s’ajoutent les 589 millions d’euros qui lui sont affectés dans le programme 102. Il s’agit là d’une bonne nouvelle, et nous espérons que l’objectif de former un million de jeunes et un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés sera atteint grâce à cet effort budgétaire.
Enfin, l’année 2020 sera celle de la mise en œuvre concrète de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, puisque le CPF en euros deviendra pleinement opérationnel, le système d’information afférent permettant de mobiliser ses droits à la formation sans intermédiation. Il sera désormais porté par France compétences à travers des taxes affectées.
Cette loi a profondément remanié l’écosystème de l’apprentissage, qui ne cesse de progresser, avec une augmentation de 4 % d’apprentis au premier semestre 2019. À cet égard, je me permets de vous demander où en sont les discussions avec les régions récalcitrantes face au nouveau mode de financement de l’apprentissage.
Enfin, je formulerai deux questions plus précises. Pourriez-vous développer vos attentes vis-à-vis des emplois tremplins dédiés aux travailleurs handicapés, par rapport aux autres dispositifs d’accompagnement vers l’entreprise, moins coûteux ?
Par ailleurs, le rapport de Gérard Cherpion met en évidence une diminution de 14,8 % des crédits destinés aux associations intermédiaires, alors même que ces associations sont les SIAE les moins bien dotées. Comment justifiez-vous cette baisse de moyens, et ce, alors même que certaines structures se trouvent pénalisées par la suppression des exonérations spécifiques et de l’application de la baisse générale des charges ?
À ces remarques près, notre groupe salue ce budget sérieux et ambitieux pour l’emploi des personnes qui en sont aujourd’hui les plus éloignées. Nous voterons donc les crédits de la mission Travail et emploi.
M. Boris Vallaud. Commençons par nous réjouir de la baisse du chômage, continue depuis 2015, même si, on ne peut que regretter que le rythme de cette baisse soit deux fois moindre qu’en 2017, tout comme nous nous désolons que le chômage des jeunes continue d’augmenter, ce qui montre que deux des dispositifs au moins, susceptibles de leur être dédiés, les PEC et les emplois francs, sont des échecs patents.
J’entends certains orateurs se répandre en dithyrambes sur les réformes engagées depuis le début du quinquennat. Je me souviens, quant à moi, de la première, et des ordonnances prétendument destinées à renforcer le dialogue social. Vous nous aviez demandé, madame la ministre, de parier sur les droits des salariés – n’est-il pas un peu facile de parier ainsi sur les droits des autres ? Il se trouve qu’avec Laurent Pietraszewski, je suis co‑rapporteur sur l’application de ces ordonnances et que je peux rendre compte ici de ce que nous avons entendu aux cours de nos auditions.
Il en ressort le constat d’une déstabilisation grave et profonde du dialogue social, d’une réduction des moyens des partenaires sociaux, d’accords qui, lorsqu’ils sont conclus, sont de mauvaise qualité et se limitent au supplétif. À cela s’ajoutent encore un retard considérable dans la mise en place des comités sociaux et économiques, une moins bonne prise en compte de la sécurité et de la santé au travail du fait de la disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un dialogue de proximité affaibli et défaillant, des conseils d’entreprise qui n’ont pas suscité le moindre intérêt, des observatoires d’analyse et d’appui au dialogue social réduits à être des coquilles vides, bref un dialogue social qui ne décolle pas dans les petites entreprises et un risque avéré de détournement des accords de performance collective comme des ruptures conventionnelles collectives, qui se substituent ici ou là aux plans de sauvegarde de l’emploi...
Il me semble donc qu’on ne peut prétendre aujourd’hui que la loi a renforcé le dialogue social, pas davantage d’ailleurs qu’il n’aura été conforté par la manière dont vous avez conduit la réforme de l’assurance chômage, munie d’une lettre de cadrage qui portait en elle-même l’échec de la négociation tant ce qui était demandé était inacceptable de la part des partenaires sociaux.
Je ne peux que déplorer et m’inquiéter de l’entrée en vigueur des mesures que vous avez décidées au cœur de l’été. Ce sont 4,5 milliards d’euros d’économies en trois ans, qui seront réalisées au détriment de la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés, soit près de 1,3 million de personnes qui vont être touchées, parfois durement. À partir du 1er novembre, celles et ceux qui ont le plus de mal à retrouver un emploi seront soit exclus du dispositif, soit empêchés d’y entrer, à moins que leurs droits s’ouvrent mais avec retard. Les effets les plus dévastateurs de cette réforme se feront sentir en avril 2020, soit juste après les élections municipales... Seront affectés 850 000 demandeurs d’emploi indemnisés qui travaillent en cumulant des contrats courts, et au moins 37 % des nouveaux allocataires verront leur allocation mensuelle baisser, pour certains de 50 %. C’est un carnage que paieront cher les jeunes et les précaires et que condamnent les représentants des salariés – Laurent Berger l’a dit avec force, parlant d’une punition et d’une trappe à pauvreté. Tel est le dernier acte de votre plan pauvreté.
À vous entendre, ces mesures immédiates de baisse de droits auront pour vertu d’inciter les chômeurs à changer de comportement : cela traduit bien le fait que vous prétendez vouloir offrir du travail aux chômeurs, mais qu’en réalité vous leur retirez des droits.
Ce qui, en revanche, ne risque pas de susciter un changement de comportement, c’est l’indigence de votre dispositif de bonus-malus, si dérisoire qu’en réalité il ne changera rien au fait que la France détient de manière consternante un tiers des CDD de moins d’un mois de l’Europe à vingt-huit.
Vous parlez de renforcer l’accompagnement des chômeurs ; force est de constater que ce sont les chômeurs eux-mêmes, à travers une nouvelle ponction de l’UNEDIC, qui se paieront leur accompagnement et que les emplois créés ne viendront pas compenser les suppressions de postes de ces deux dernières années. Depuis 2018, le désengagement de l’État est patent, avec un recul de 18 % des financements du service public de Pôle emploi. Voilà, madame la ministre, des motifs d’inquiétude et de préoccupation qui nous poussent à ne pas soutenir ce budget.
M. Francis Vercamer. Ce budget consacré au travail et à l’emploi, examiné dans un contexte de baisse du chômage et de créations d’emplois, pourrait paraître une promenade de santé. Chacun peut avoir son analyse sur les raisons de cette amélioration générale ou sur l’évolution de tel ou tel indicateur. En tout état de cause, nous devons apprécier cette baisse tout en restant lucides sur sa portée. Elle n’est en effet pas uniforme, et le chômage structurel de longue, voire de très longue durée, reste massif et continue malheureusement de progresser : 48 % des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi le sont depuis un an ou plus, et ce n’est pas la légère baisse de 0,4 % au troisième trimestre de cette année, par rapport à la même période en 2018, qui permet d’inverser la tendance. Le nombre de demandeurs d’emploi au chômage depuis plus de deux ans a augmenté de 13,6 % au premier trimestre, de 11,6 % au deuxième trimestre et de 6,4 % au troisième trimestre. Quant au nombre de demandeurs d’emploi au chômage depuis plus de trois ans, il a augmenté de 2,8 % au premier trimestre, de 3,1 % au deuxième trimestre et de 3,8 % au troisième trimestre.
Cette persistance d’un chômage structurel prend tout son relief à l’approche de la réforme des retraites. Même si le chômage de longue durée ne se résume pas à celui des seniors, tant s’en faut, ce dernier en fait partie, et la question de l’emploi des seniors reste un défi à relever, auquel le budget de cette mission ne semble répondre que très partiellement. Je remarque d’ailleurs que ceux qui souhaitent retarder l’âge de départ en retraite sont souvent ceux qui se séparent de plus en plus tôt des jeunes seniors qu’ils emploient. On peut d’autant plus le regretter que la Cour des comptes a récemment insisté sur le triplement du nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans depuis 2008 et sur le risque de paupérisation de cette population.
De même, on a tout lieu de s’inquiéter du chômage de longue durée, qui se concentre particulièrement dans les QPV, exposés au risque de voir le fossé se creuser chaque jour un peu plus entre ceux qui bénéficient de l’amélioration de l’emploi et ceux qui restent relégués, avec les effets délétères sur la cohésion sociale, voire les dangers d’explosion sociale que cela induit, ainsi que le souligne l’institut Odoxa.
Ce budget doit donc traduire une mobilisation de tous les acteurs de l’emploi contre le chômage de longue durée. Sur ce point, fidèles à notre conception décentralisatrice, nous estimons que le rôle joué par les territoires est essentiel. Les collectivités et les élus locaux peuvent être les courroies d’entraînement et assurer l’animation de cette mobilisation. À ce stade, nous saluons la généralisation des emplois francs à l’ensemble des QPV, en ajoutant que c’est la mobilisation des communes et des intercommunalités, aux côtés du service public de l’emploi, qui doit permettre d’atteindre les objectifs – j’en veux pour preuve la métropole de Lille qui, à elle seule, a créé la moitié des emplois francs qui ont vu le jour dans le cadre national de l’expérimentation. Les initiatives territoriales, parce qu’elles répondent précisément aux besoins détectés sur le territoire, doivent être épaulées, et nous présenterons des amendements en ce sens.
Enfin l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2016, doit pouvoir être étendue dès 2020, au regard de ses résultats d’ores et déjà encourageants sur les dix territoires retenus. Cette extension avait été annoncée dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, et notre groupe attend de cette discussion budgétaire des engagements et un calendrier précis concernant 2020. C’est pourquoi nous réservons notre vote en fonction du sort que connaîtront nos amendements et de la manière dont il sera répondu en séance à ce défi du chômage de longue durée, en pleine expansion dans une période où la croissance crée pourtant de l’emploi.
M. Philippe Vigier. Les premières interrogations de notre groupe concernent l’apprentissage et la formation professionnelle, érigés en priorité par le Gouvernement. À partir de 2020, le financement de l’apprentissage sera désormais confié aux branches professionnelles, avec les doutes et les inquiétudes que cette réforme a pu soulever dans les régions. J’aimerais que vous nous disiez ce qui est prévu dans ce budget pour accompagner le nouveau dispositif et ce qu’il en est de sa montée en puissance. Vous prévoyez 325 000 contrats d’apprentissage contre 315 000 en 2018, ce qui ne constitue pas une progression gigantesque. Où sont donc les 500 000 contrats dont tout le monde parle et qui constitueraient en effet une voie royale pour nos jeunes ?
En ce qui concerne ensuite l’accompagnement du retour à l’emploi, l’État poursuit la réduction des subventions pour charges de service public à Pôle emploi, et c’est donc la contribution de l’UNEDIC qui augmentera. Or, en fonction de la conjoncture économique, cette contribution peut être sujette à des variations, ce qui engendre des incertitudes. Comment entendez-vous faire face à ces incertitudes et à l’arrivée d’un cycle moins vertueux qui compromettrait le financement de l’UNEDIC, puisque l’État a choisi de se désengager ?
Pour ce qui est de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, 1 000 ETP vont être créés à Pôle emploi, mais l’opérateur avait perdu 850 postes, ce qui fait un gain net de 150 ETP. Cela étant, vous avez expliqué que ces postes étaient destinés à soutenir le nouveau dispositif d’accompagnement des entreprises qui voient leurs offres d’emploi non pourvues au bout de trente jours. Je m’en félicite, mais que va-t-il advenir de l’accompagnement des chômeurs, avec ce système qui consiste à déshabiller les uns pour rhabiller les autres ?
Enfin, je constate que les crédits affectés à l’anticipation et à l’accompagnement des mutations économiques sont en baisse de 25 % par rapport à l’an dernier, alors que certains territoires ont encore besoin de contrats de revitalisation. Je serais ravi que ces crédits ne soient pas tous dépensés mais les faits sont là, et si nous n’accentuons pas nos efforts d’anticipation, la chute sera rude.
Dans le même esprit, on sait que 4 074 communes sur 14 000 vont sortir du dispositif des zones de revitalisation rurale en 2020. Je sais que le Gouvernement travaille sur un nouveau dispositif mais, d’ici là, que va-t-il se passer pour les communes concernées ? Il me semble qu’il y a là dans votre projet de loi une lacune qu’il faut absolument combler.
J’en termine par un mot sur la santé au travail. Le rapport Lecocq recommande la mise en œuvre d’un plan de santé au travail, notamment dans la fonction publique, plan qui serait porté par une délégation interministérielle. Qu’en pensez-vous et comment le mettre en place lorsque l’on a affaire à des déserts médicaux, particulièrement importants dans le champ de la médecine du travail ?
M. Pierre Dharréville. Ce budget relatif à la politique du travail et de l’emploi s’inscrit dans la continuité de votre politique austéritaire. Après deux années de réduction massive des crédits affectés à la mission Travail et emploi – une baisse de 1,5 milliard d’euros en 2018, puis de 2 milliards en 2019 – le PLF 2020 se caractérise par des financements stables, hors effets de périmètre. Sans moyens nouveaux, ce budget se résume donc à un jeu de bonneteau, dans lequel les hausses de crédits dont bénéficient certaines politiques permettent de dissimuler des coupes budgétaires ailleurs.
S’agissant du service public de l’emploi, nous notons que l’État poursuit son désengagement dans le financement de Pôle emploi, avec une baisse de subvention de 137 millions d’euros en 2020, qui s’ajoute aux 85 millions d’euros d’économies réalisées en 2019 et 50 millions d’euros en 2018. Si Pôle emploi voit son budget stabilisé, cela est uniquement dû à l’augmentation de la ponction qu’opère le Gouvernement sur les recettes de l’UNEDIC, dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage.
Les maisons de l’emploi payent également le prix fort, puisqu’elles ne recevront plus aucune subvention de la puissance publique à compter de 2020.
Dans le même temps, l’enveloppe dédiée à l’indemnisation des chômeurs en fin de droits, au travers de l’allocation de solidarité spécifique, progresse de plus de 200 millions d’euros. On pourrait, à première vue, s’en réjouir, mais il s’agit en réalité de l’anticipation des effets néfastes de la réforme de l’assurance chômage, qui va pousser dans la précarité un nombre croissant de demandeurs d’emploi. Ces derniers n’auront d’autre choix que de demander une allocation de solidarité, faute de pouvoir prétendre à une indemnisation dans le cadre du régime de l’assurance chômage.
Sur le volet de l’accompagnement, on ne peut s’empêcher de déplorer la réduction drastique des emplois aidés, qui continue d’avoir des effets budgétaires cette année. Malgré une stabilisation des PEC à 100 000 contrats, les crédits affectés baissent de 200 millions d’euros, en raison de l’extinction progressive des contrats aidés commencée avant la mise en œuvre du coup de rabot. Cette mesure est terrible pour les associations qui maillent nos territoires – les centres sociaux, par exemple – et, pour la première fois depuis des années, l’emploi associatif s’est rétracté dans notre pays en 2018, subissant une perte d’effectifs de 1 %, qui touche aussi les associations sportives ou culturelles.
On peut certes souligner la progression des financements dédiés à d’autres dispositifs d’accompagnement. L’effort est notable concernant l’IAE, dont les crédits progressent de 84 millions d’euros ; de même, les emplois francs, qui permettent des embauches aidées dans les QPV, voient leur enveloppe augmenter de 28 millions d’euros, mais ces hausses ne viennent jamais compenser la division par deux des contrats aidés intervenue depuis le début du quinquennat.
Enfin, nous regrettons fortement les baisses de dotation des moyens de fonctionnement de l’administration du travail. Cet effort se traduit, comme les deux années précédentes, par la suppression de 256 postes dans le ministère et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), portant le nombre de postes supprimés à 734 en trois ans. Ces coupes dans les effectifs fragilisent la mission assurée par le ministère du travail et les services déconcentrés, notamment l’inspection du travail, qui traverse aujourd’hui une crise, en partie liée à la réorganisation engagée sous le précédent quinquennat et qui se traduit par un malaise important chez les personnels.
Je veux également souligner les difficultés rencontrées par la médecine du travail, et notamment par les médecins inspecteurs du travail. Je vous avais d’ailleurs adressé, à ce sujet, une question écrite, madame la ministre, sur la situation en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Pour conclure, notre appréciation sur l’ensemble de la mission est, comme les années précédentes, très négative. Sur fond de réforme de l’assurance chômage, qui prévoit 4,5 milliards d’euros d’économies sur le dos des chômeurs, ce budget traduit le désengagement de l’État dans le financement du service civique de l’emploi et la réduction de son périmètre d’intervention en matière d’accompagnement des chômeurs et des publics en difficulté.
Par ailleurs, madame la ministre, comptez‑vous prolonger l’expérimentation des « territoires zéro chômeur de longue durée », dont les résultats semblent probants ?
Enfin, quelles mesures envisagez‑vous pour répondre au malaise des agents de l’inspection du travail et permettre à celle‑ci de jouer pleinement son rôle dans les entreprises ?
Mme la ministre. Merci de vos questions, qui témoignent de votre intérêt pour la mission Travail et emploi.
Contrairement à ce que certains ont pu dire, le nombre de chômeurs baisse, à chaque trimestre, puisque le taux de chômage est passé de 9,6 % à 8,5 % – un chiffre encore trop élevé, mais le plus bas depuis dix ans. Nous devons continuer notre action dans le sens instauré par les réformes et ne rien lâcher, si je puis dire. Il est d’ailleurs intéressant de constater que la création d’emploi n’est plus forcément corrélée à la croissance. Quand il fallait auparavant un taux de 2 % pour parvenir à créer des emplois, aujourd’hui, avec une croissance de 1,3 %, des emplois sont créés et le taux de chômage baisse. Le taux de transformation, qui dépend beaucoup des politiques publiques, est donc en progression. Depuis 2017, 500 000 emplois ont été créés en France. En 2019, plus de 200 000 emplois auront été créés. Qui plus est, à la différence de l’Allemagne, de l’Espagne ou de l’Italie, nous avons la chance d’avoir une démographie dynamique, ce qui représente aussi un défi chaque année, dans la mesure où la population active augmente continuellement.
En ce qui concerne le chômage des jeunes, je m’inscris en faux contre les propos tenus par plusieurs d’entre vous : il baisse. Au deuxième trimestre 2017, son taux était de 23,4 % ; au deuxième trimestre 2019, de 19,4 % – depuis mai 2017, 300 000 personnes sont retournées vers l’emploi. Même s’il reste extraordinairement élevé, nous avons fait baisser ce chômage de 4 points en deux ans, grâce à la réforme de l’apprentissage notamment et au PIC.
Après un long moment de stagnation et de baisse, la trajectoire de l’apprentissage est historique, puisque nous avons passé le cap des 458 000 apprentis au mois de juin, soit une augmentation de 8,4 % par rapport à 2018. Dans certains territoires, la hausse est véritablement spectaculaire. En Haute‑Savoie, où je me suis rendue, l’augmentation est de 25 % ! La disparition de tous les freins réglementaires, financiers et administratifs a permis de répondre aux besoins des acteurs.
En revanche, le financement n’a pas été transféré des régions aux branches. Il a été libéré grâce à un principe simple : dès lors qu’un jeune et une entreprise signent un contrat d’apprentissage, le CFA est assuré d’avoir le financement de la formation, grâce au dispositif du coût contrat établi par les branches professionnelles sur la base d’une analyse objective. C’est cela qui change tout et qui explique pourquoi 550 projets de création de CFA sont en cours. Nous ouvrons un CFA quasiment chaque semaine ! Les compagnons du devoir ont annoncé une augmentation à venir du nombre d’apprentis de 27 % ; les maisons familiales rurales de 20 % ; le président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) confirmait publiquement, ce matin encore, que leur nombre allait augmenter de 40 000 ; l’industrie, de 20 000. Bien sûr, cela ne se fera pas dans les six mois, mais la dynamique est lancée. Certaines progressions sont extraordinaires : une augmentation de 74 % en Dordogne en un semestre ; de 60 % en Eure‑et‑Loir ; de 59 % dans le Rhône. Le Gouvernement et le Parlement ont bien fait de lever tous les freins. La mentalité des jeunes et des entreprises est en train d’évoluer. Nous devons accompagner ce mouvement dans l’ensemble du territoire.
Plusieurs d’entre vous ont souligné le contraste frappant entre cette dynamique et le nombre constant d’emplois non pourvus – entre 300 000 et 400 000 l’année dernière. Toutes les enquêtes montrent qu’une entreprise sur deux a du mal à recruter, à cause, bien souvent, du déficit de formation et de compétences inadaptées. Cependant, après trente ans de chômage de masse, beaucoup de demandeurs d’emploi sont très éloignés de l’emploi. Aujourd’hui, il y a plusieurs centaines de milliers de jeunes dont aucun des deux parents n’a jamais travaillé. Il faut prendre en compte cette réalité. Cela ne veut pas dire que les personnes sont inemployables, mais qu’il faut des tremplins. C’est pour cela que nous investissons massivement dans l’insertion par l’activité économique, les entreprises adaptées et les « territoires zéro chômeur de longue durée », sous réserve du bilan de l’expérimentation. Nous investissons tout particulièrement outre‑mer, dans les quartiers prioritaires de la ville et dans toutes les zones les plus difficiles, pour impliquer tout le monde dans l’élan de l’emploi.
S’agissant de Pôle emploi, qui a fait l’objet de nombreuses questions, ses ressources augmentent. Les cotisations étant assises sur la masse salariale, lorsque l’emploi va mieux, ses recettes augmentent et ses dépenses diminuent. L’année prochaine, malgré la baisse partielle de la subvention de l’État, les ressources de Pôle emploi augmenteront de 487 millions d’euros, pour un montant total de 5,9 milliards d’euros. Nous avons les moyens de mener une politique de l’emploi et un accompagnement de qualité. Vous m’avez demandé ce qui se passerait dans le cas d’un retournement de la conjoncture. Les politiques publiques budgétaires, mais aussi la gestion paritaire de l’UNEDIC, évoluent en fonction des contextes. Aujourd’hui, les moyens sont là. Qui plus est, 1 000 postes ont été créés, alors que la trajectoire prévoyait 4 000 postes en moins, à la suite de la numérisation de certains services. En réalité, il y aura donc plus de 1 000 personnes supplémentaires en face des entreprises et des demandeurs d’emploi.
Dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage, se déploiera, à partir du 1er janvier, la nouvelle formule de Pôle emploi, dotée de trois nouvelles offres : une offre pour les entreprises – si, après trente jours, l’entreprise n’a pas trouvé preneur, Pôle emploi la contactera pour voir si c’est l’offre qui ne correspond pas au marché ou qui est mal rédigée et si l’entreprise peut être conseillée ou si c’est Pôle emploi qui a besoin de se mobiliser plus ; une offre pour tous les nouveaux demandeurs d’emploi, qui, au lieu d’avoir 45 minutes d’entretien dans les deux premiers mois, passeront deux demi‑journées de coaching individuel et collectif – je suis allée voir cette expérimentation à Nice, qui a des effets remarquables ; enfin, un accompagnement particulier pour ceux qui ont des contrats très courts et irréguliers.
Pour ce qui est du transfert des OPCO vers les URSSAF, nous avons prévu de le repousser d’un an, à la demande des URSSAF. Cela ne pose aucun problème opérationnel de transition, dans la mesure où les OPCO savent gérer. En effet, beaucoup de missions nouvelles ayant été confiées aux URSSAF, notamment le calcul du taux de séparation pour le bonus‑malus, nous avons voulu être sûrs de ne poser aucun problème aux entreprises. Mieux vaut opérer le transfert à partir du 1er janvier 2021 et que cela fonctionne bien, plutôt que le 1er janvier 2020 et que cela soit compliqué.
Concernant l’apprentissage dans le secteur public, la loi de transformation de la fonction publique a prévu d’impliquer le CNFPT. Il n’était pas logique de financer l’apprentissage dans le secteur public sur la taxe d’apprentissage payée par les entreprises du secteur privé. Il convient que le secteur public se dote de moyens propres, l’apprentissage étant également un atout pour lui. Le CNFPT devra ainsi prendre en charge au moins la moitié des formations. Je tiens à souligner que l’apprentissage est plus ouvert aux jeunes en situation de handicap dans le secteur public que privé. Nous pouvons saluer les collectivités pour leurs efforts. L’État prend également ses responsabilités. Le Premier ministre a envoyé une circulaire à tous les ministères pour leur dire que les apprentis ne seraient pas comptés dans les plafonds d’emplois des ministères, ce qui représentait un vrai frein.
Pour ce qui est du CPF et du risque de désintermédiation, le 21 novembre, dès que l’application relative à la formation sera disponible, chacun pourra avoir accès à un conseiller en évolution professionnelle gratuit. Les agréments seront tous prêts le 1er janvier. Pour les quelques semaines de transition, ce sont les fonds de gestion des congés individuels de formation qui assureront la continuité. L’expérience a montré, dans les missions locales, que cela était efficace pour les demandeurs d’emploi. Créer un droit pour 25 millions de personnes représente une révolution dans la formation et constitue un élément de justice sociale.
Après trente ans de politiques de la formation professionnelle, seul un salarié des petites entreprises sur trois et un ouvrier ou un employé sur trois accédaient à la formation. Ils n’étaient jamais prioritaires, contrairement aux cadres et aux salariés des grandes entreprises, lesquelles recevaient d’ailleurs plus que ce qu’elles versaient, la mutualisation se faisant des petites vers les grandes entreprises. Créer un droit personnel à la formation, une sorte de « livret A de la formation », financé par la collectivité et en plus de ce que font les entreprises, permettra à beaucoup de personnes de suivre une formation pour bénéficier d’une promotion, changer d’entreprise ou de métier, de façon bien plus aisée.
Les abondements et les accords de branches et d’entreprises seront possibles. Dans certains cas, il existe en effet un intérêt commun. Prenons l’exemple des transports : alors qu’il manque en France 23 000 chauffeurs routiers, la branche ou l’entreprise pourrait tout à fait abonder en faveur de quelqu’un qui préparerait le permis poids lourd puis lui offrir un emploi. Le CPF est un socle pour ce type d’approche et de dynamique.
Grâce au PIC, le nombre de demandeurs d’emploi et de jeunes formés est en augmentation. En 2018, 150 000 personnes supplémentaires avaient été formées par rapport à 2017. En 2019, ce sera plus de 250 000, sans compter tout ce que nous faisons pour développer l’EPIDE et les écoles de la deuxième chance. La dynamique est forte.
Les procédures d’achat public, qui sont lourdes et longues à sécuriser, ne sont pas toujours très adaptées à la réalité de l’emploi. Pour cette raison, une partie du financement du PIC ira aux préparations à l’emploi de Pôle emploi. Dans le cas d’une offre d’emploi ferme, ce financement permettra à un demandeur d’emploi qui n’a pas la formation nécessaire de voir sa formation financée. Une telle souplesse est nécessaire. Quant à l’évaluation intermédiaire du PIC, nous ferons un premier point en fin d’année, dont nous vous rendrons compte au début de l’année prochaine.
Monsieur Ratenon, l’outre‑mer est l’une de nos priorités. C’est pourquoi, sur les PEC, 15 % de l’enveloppe lui sont affectés, ce qui représente un effort deux fois plus important. À La Réunion, où j’ai accompagné le Président de la République, nous avons lancé le « plan pétrel » : doublement des capacités de l’insertion par l’activité économique ; 12 000 PEC annuels ; augmentation de 30 % des demandeurs d’emploi formés par an ; zéro charge jusqu’à deux SMIC pour tous les employeurs ; s’agissant des emplois francs, une expérimentation fera en sorte qu’ils puissent être ouverts aux personnes sortant de l’insertion. Il s’agit d’un effort massif. Nous accompagnons également les créateurs d’entreprises, afin de soutenir globalement la dynamique de l’emploi.
Pour revenir sur la réforme de l’assurance chômage, évoquée par plusieurs d’entre vous mais qui n’est pas vraiment un sujet budgétaire, nous ne voulons évidemment pas favoriser la précarité et le chômage ; nous voulons augmenter l’emploi ! Les analyses peuvent différer sur la manière d’y parvenir, mais le Gouvernement et le Parlement partagent exactement la même intention : faire diminuer le chômage. La réforme est équilibrée. Nous demandons aux employeurs de faire plus d’efforts pour offrir un emploi moins précaire. De fait, nous ne pouvons pas nous résigner à la dérive à laquelle nous assistons depuis dix ans : 87 % des embauches aujourd’hui sont en CDD et en intérim ; 70 % des CDD sont signés pour un mois ou moins, dont un tiers pour un jour ou moins. On marche sur la tête ! Il n’est pas vrai que l’économie a besoin d’une telle flexibilité externe. Avec les ordonnances, il est possible d’avoir recours à une flexibilité interne négociée. Il y a également des solutions de groupements d’employeurs ou de CDI intérimaire consacrés dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le bonus‑malus sur les contrats courts et la taxation des CDD d’usage visent à responsabiliser les employeurs.
En face, il faut que les règles correspondent à l’état du marché du travail et incitent au retour à l’emploi. Comme j’ai eu l’occasion de le dire tout à l’heure, lors de la séance de questions au Gouvernement, ce n’est pas du tout la faute des demandeurs d’emploi qui ne sont pas responsables des règles. Ce sont les partenaires sociaux et, quand ils n’arrivent pas à négocier, l’État qui en sont responsables. Néanmoins, il n’est pas normal qu’un demandeur d’emploi sur cinq, du fait des contrats permittents, touche les premiers mois après son entrée au chômage une indemnisation supérieure à la moyenne de ce qu’il gagnait en travaillant. On ne peut pas demander à nos concitoyens d’aller travailler pour gagner moins. Ils ne perdront rien dans leur capital de droits et seront indemnisés entre 65 et 96 % de leur ancien salaire, avec une indemnisation plus longue, si nécessaire. Cette réforme et l’accompagnement inédit de Pôle emploi permettront à beaucoup plus de nos concitoyens d’accéder à la dignité du travail et à l’autonomie financière qu’il représente.
S’agissant des maisons de l’emploi, je suis ouverte à une discussion. Il faut continuer les transformations pour éviter les doublons, de sorte qu’elles effectuent une mission réellement complémentaire et non seulement de coordination. Je sais qu’un amendement a été adopté en commission des finances sur la question.
Quant aux économies à faire pour compenser notre décision de stabiliser les exonérations de charges pour les services à la personne pour les personnes de 70 ans et plus, quel que soit leur niveau de revenu et que ces personnes soient dépendantes ou non, nous cherchons 120 millions d’euros. Nous déposerons prochainement un amendement pour prendre cet argent essentiellement sur le PIC, qui représente 3 milliards d’euros. De fait, certains opérateurs et certaines régions ayant des difficultés à mettre en œuvre rapidement un plan aussi massif, un retard de quelques mois ne nuira pas à nos ambitions.
Plusieurs d’entre vous ont mentionné l’expérimentation des « territoires zéro chômeur de longue durée ». Dans le budget 2020, nous avons prévu un supplément de 6 millions d’euros pour créer 750 ETP de plus. Aujourd’hui, il y en a 811 et leur nombre devrait s’élever à 1 000 à la fin de l’année. Il était prévu que l’expérimentation atteigne 1 750 ETP en 2021. Elle est plus qualitative que quantitative, comme l’avait souhaité le législateur en 2016. D’ici à quelques jours, nous allons recevoir les trois rapports d’évaluation, qui seront bien évidemment transmis au Parlement. Nous sommes convenus avec l’association qui a développé tous les projets de défendre une logique de coconstruction. Il semble y avoir des points à améliorer, ce qui est tout à fait logique pour une expérience aussi innovante. Nous verrons, une fois le diagnostic établi, ce qu’il conviendra de retoucher. Le taux de la prise en charge ne change pas en 2020, puisqu’il est prévu à 95 % du SMIC, entièrement financé par le ministère du travail.
Monsieur Da Silva, vous avez insisté sur l’écart existant entre l’offre et la demande. Je ne reviendrai pas sur tous les efforts de formation qui vont être faits. Dans la rénovation de l’offre de Pôle emploi, il y a des initiatives très intéressantes, comme l’opération #VersUnMétier, qui concerne spécifiquement les métiers en tension. Elle donne de très bons résultats. Par exemple, alors que nous avons besoin, en ce moment même, de 80 000 personnes dans le numérique, pour des CDI bien payés, avec une perspective d’avenir et de carrière, beaucoup de personnes s’interdisent une telle reconversion. À Montreuil, dans la grande école du numérique, j’ai rencontré une boulangère qui avait développé une allergie à la farine. Elle a été embauchée pour faire du codage et du développement web, alors qu’elle n’aurait jamais imaginé pouvoir se reconvertir dans le numérique, pendant qu’il fallait être un geek matheux. Cet exemple, pris parmi des milliers, montre qu’il faut développer la culture du changement de métier pour répondre à l’évolution des besoins. La reconversion ne doit plus être un drame qui se joue au pied du mur, mais une pratique tout au long de la vie. Le CPF sera un outil stratégique dans ce cadre.
Les écoles de la deuxième chance verront une augmentation de 2 000 postes. Un vingtième EPIDE a ouvert. Nous y croyons beaucoup.
Madame de Vaucouleurs, nous allons généraliser les emplois francs à tous les QPV. Si le nom du dispositif, qui vient de prendre son envol, est le même que sous le précédent quinquennat, le principe diffère, puisque le précédent n’avait concerné que 300 personnes, quand le nôtre touchera environ 17 000 personnes en fin d’année. Pour l’année prochaine, avec la généralisation des sites, ce seront 40 000 personnes qui seront concernées.
Les CDD dits « tremplin » sont une innovation pour les personnes en situation de handicap. Nous attendons environ 4 000 postes pour l’année prochaine. Ce dispositif encore expérimental vise à encourager les entreprises adaptées à embaucher des personnes, en sachant d’emblée qu’elles iront vers l’emploi ordinaire. J’ai ainsi vu une entreprise adaptée travailler avec le futur employeur, Airbus en l’occurrence, qui s’était impliqué dans la démarche de recrutement.
J’ai répondu à M. Vallaud à propos du chômage des jeunes, qui diminue. S’agissant des ordonnances, je vous propose de répondre plus tard, ne disposant pas encore du rapport que vous avez écrit avec M. Pietraszewski.
M. Boris Vallaud. Si vous l’avez !
Mme la ministre. De surcroît, cette question ne relève pas du budget. Nous en discuterons de manière très approfondie ensuite, dès que nous en disposerons, de même que de l’évaluation d’étape complémentaire par les évaluateurs externes. C’est un beau sujet sur lequel je ne souhaite donc pas répondre aujourd’hui.
En ce qui concerne l’emploi des seniors, M. Vercamer a raison. Historiquement la France souffre d’une spécificité très dommageable : le taux de chômage des jeunes et l’éviction du marché du travail des seniors, d’où des vies professionnelles écourtées. Si on ne peut commencer à travailler qu’à 30 ans et que l’on est évincé à 50, les choses sont un peu compliquées, mais il n’y a là aucune fatalité, nous allons tenter de le démontrer.
Le taux de chômage des seniors, qui s’élève à 6,5 %, est faible mais nous pouvons tous témoigner à travers nos entourages politiques et personnels qu’il est très difficile de retrouver un emploi passé ce cap. Avec Jean-Paul Delevoye, nous allons ouvrir à ce sujet une concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre de la préparation de la réforme des retraites. Comme vous l’avez dit, il n’est pas possible de demander que l’on travaille plus –condition d’un équilibre durable de notre système de retraite pour tous – et de ne pas donner aux jeunes et aux seniors la chance de pouvoir travailler. Nous aurons évidemment l’occasion de revenir sur cette question.
M. Vigier a raison, il faut anticiper. Les mutations économiques seront considérables. Transition écologique et transformation numérique, il faut bien se le dire, entraîneront un bouleversement des emplois. À peu près toutes les études macroéconomiques confirment que probablement 10 % des emplois seront détruits et que les créations d’emploi s’élèveront à 15 %, le bilan net étant donc plutôt positif. Quoi qu’il en soit, 50 % des emplois seront profondément transformés ces dix prochaines années.
La transition écologique change les métiers dans l’agriculture, l’énergie, les transports, la construction, la gestion de l’eau et celle des déchets. La transformation numérique touche, quant à elle, tous les secteurs, toutes les entreprises quelle que soit leur taille, tous les pays, tous les territoires. Une telle révolution technologique, qui concerne donc tout le monde, n’est jamais survenue dans l’histoire de l’humanité avec une telle ampleur et une telle rapidité. Il convient donc de l’anticiper.
J’ai lancé un volet « compétences » au sein du pacte productif présenté par Bruno Le Maire, grâce à quoi nous accompagnons vingt-sept secteurs professionnels dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Nous ne savons certes pas ce que seront les emplois dans vingt ans mais ce n’est pas utile sur un plan opérationnel. En revanche, nous avons besoin d’une visibilité à cinq ans pour anticiper et conduire les mutations afin que tous les salariés, mais aussi les jeunes et les demandeurs d’emploi, disposent des qualifications leur permettant d’avoir, demain, une carrière professionnelle de qualité. Cette démarche est engagée.
Branche par branche, les besoins sont immenses. Avec Agnès Buzyn, nous avons reçu ce matin Myriam El Khomri pour la remise de son rapport sur les métiers dans le domaine de l’accompagnement du grand âge et de l’autonomie. Dans ce seul secteur, nous créerons dans les trois ans à venir 120 000 postes et nous cherchons 260 000 personnes compte tenu des départs à la retraite et des postes vacants. Dans le secteur du bâtiment, nous aurons besoin, de mémoire, de 100 000 maçons dans les cinq ans à venir. Tous les secteurs sont à la recherche de compétences. Le carnet de commandes est plein dans le secteur du bâtiment et des travaux publics mais, faute de compétences, des marchés sont refusés. C’est également vrai dans l’artisanat et dans l’industrie.
C’est aussi pourquoi tout le monde travaille en faveur de l’apprentissage et au PIC. Aucune opportunité ne doit être négligée en la matière.
S’agissant du service public de l’insertion, une concertation a commencé et il est donc un peu tôt pour en parler.
En ce qui concerne l’inspection du travail, nous avons quasiment stabilisé les effectifs puisque nous disposions de 1 898 inspecteurs sur le terrain et que nous en aurons 1 848. Nous nous situons ainsi bien au-dessus du seuil limite fixé par l’Organisation internationale du travail (OIT) – un inspecteur pour 10 000 salariés, quand nous en avons un pour 9 000. L’un des problèmes auxquels ils sont confrontés est l’éparpillement des tâches, de sorte qu’ils sont un peu au four et au moulin. Avec la direction générale du travail, nous avons défini, l’année dernière et cette année encore, des priorités qui leur permettent d’être beaucoup plus efficaces et de travailler plus collectivement : la lutte contre la fraude au travail détaché, la lutte contre le travail illégal, l’égalité hommes-femmes et, évidemment, priorité absolue, la santé et la sécurité au travail.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale de la commission des finances. J’ai plutôt tendance à voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide, et je suis fière d’être rapporteure de cette mission.
Il est vrai qu’entre le lancement du PIC, la transformation des contrats aidés en PEC, l’installation de la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage ainsi que des ordonnances du travail, et j’en passe, nous avons connu deux années compliquées. Il n’en reste pas moins que le budget est aujourd’hui stabilisé, ce dont on peut se réjouir. Je me permets, d’ailleurs, de vous féliciter pour le travail accompli, madame la ministre, même s’il reste encore beaucoup à faire.
Les différentes interventions montrent que plusieurs lectures sont possibles. J’entends M. le rapporteur pour avis dire que le chômage ne baisse pas. Je suis désolée, mais il diminue fortement et cela n’avait été le cas depuis dix ans !
De la même manière, je considère que Pôle emploi est en bonne voie et, non, les moyens qui lui sont affectés ne baissent pas ! N’oublions pas les 1 000 ETP visant à mieux accompagner les chômeurs durant des demi-journées et non pendant une heure, comme tel est le cas aujourd’hui. C’est là la conséquence directe de la réforme de l’assurance chômage que l’opposition ne cesse de décrier depuis le début de notre réunion alors que nous, députés de la majorité, la jugeons bonne.
Ce budget répond aux attentes sur plusieurs points : l’insertion par l’activité économique, le parcours emploi compétences, la garantie jeunes, les postes adaptés et, bien sûr, le PIC, mon fil rouge dans le cadre du printemps de l’évaluation des politiques publiques. Ce sont là autant de mesures qui permettent de valoriser le retour à l’emploi.
Oui, je suis fière d’être rapporteure spéciale de la mission Travail et emploi, de la formation professionnelle et de l’apprentissage !
Vous connaissez mon attachement, madame la ministre, à certaines maisons de l’emploi, sujet sur lequel vous vous êtes déjà exprimée en partie. C’est parce qu’elles doivent se transformer que j’ai déposé un amendement en faveur du maintien de leur budget, ce qui permettra de les aider et de les accompagner afin qu’elles mènent un travail complémentaire avec Pôle emploi sans faire double emploi. Je sais que vous êtes attentive à ce dossier. J’ai confiance en vos décisions mais je tenais à faire ce rappel.
Mme Fadila Khattabi. Le dispositif des emplois francs qui a été instauré voilà dix-huit mois illustre parfaitement l’action politique du Gouvernement en faveur des publics les plus éloignés de l’emploi. Sa généralisation à compter du 1er janvier 2020 à l’ensemble des QPV renforcera notre lutte contre les discriminations et contribuera à étendre notre action en faveur de l’égalité des chances afin que toutes et tous puissent accéder au monde professionnel, quels que soient leurs lieux de vie ou leurs origines.
Les crédits qui figurent dans le budget pour 2020 permettront de couvrir 40 000 contrats d’ici à 2020. Compte tenu de cet objectif fort ambitieux et dans un souci de visibilité et d’efficacité, de quels vecteurs d’information et de communication disposons-nous pour inciter notamment les entreprises à se saisir de ce dispositif ?
M. Gilles Lurton. Je souhaite vous interroger sur les intentions du Gouvernement vis-à-vis des quatre-vingt-dix-huit Cap emploi, organismes chargé de la préparation, de l’accompagnement, du suivi durable et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Plus de 1 000 personnes sont ainsi accompagnées chaque année.
Pour exercer leur mission, les personnels de Cap emploi disposent d’une forte expertise pour s’adapter aux situations complexes que peuvent connaître ces personnes : formation psychologique à leur accueil alors qu’elles sont souvent fragilisées par la vie, traitement très personnalisé de leurs situations, temps de rendez-vous prolongés. Le rôle des Cap emploi est donc essentiel dans ce domaine si difficile qu’est l’insertion ou la réinsertion des personnes en situation de handicap, dont nous savons qu’elles connaissent un taux de chômage très élevé.
Un travail important de rapprochement avec Pôle emploi a été inauguré. Quelles sont donc les intentions du Gouvernement vis-à-vis des Cap emploi ? Seront-ils maintenus dans leur forme actuelle ? Quelle sera l’articulation avec les missions de maintien dans l’emploi dévolues aux Cap emploi ?
M. Belkhir Belhaddad. Les « territoires zéro chômeur de longue durée » sont un outil complémentaire de ceux qui existent ; d’un financement agile, ils s’appuient sur les allocations chômage pour verser un vrai salaire. Dans le contexte de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, la mission Travail et emploi poursuit l’accompagnement de cette expérimentation par le biais de sa contribution au Fonds national d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée et au fonctionnement de l’association gestionnaire. Ce sont 6 millions d’euros supplémentaires qui seront affectés. Comment cette contribution sera-t-elle concrètement utilisée et quel en sera le fléchage ?
Autre bonne nouvelle : la généralisation des emplois francs. Ne pourrait-on pas accélérer cette expérimentation et, ainsi, envoyer des signaux aux demandeurs d’emploi et aux acteurs des différents territoires qui se mobilisent fortement en faveur d’un dispositif qui a beaucoup de sens ?
M. Marc Delatte. Je salue l’augmentation de 13 % des crédits du programme Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations au travail. En effet, la première injustice sociale, c’est celle du chômage. La baisse régulière de son taux, l’augmentation significative du nombre de CDI, l’affluence des jeunes en apprentissage, le retour à l’emploi pour tous participent de la réduction des inégalités.
L’entreprise est un lieu d’émancipation et d’épanouissement et c’est en cela qu’elle fait sens. Le climat social en son sein repose sur la reconnaissance. La codétermination prévue dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») mais, aussi, soutenue par l’OIT dès 2016, en est l’un des piliers.
Quelles mesures envisagez-vous de proposer, à travers le programme 111, pour renforcer cette codétermination à travers le seuil de représentation des employés dans l’entreprise, en particulier, dans les TPE et PME, et afin de favoriser le dialogue social ?
M. Pierre Cordier. Je souhaite, à mon tour, évoquer l’expérimentation en cours « territoires zéro chômeur de longue durée ». Je suis élu des Ardennes, département qui compte encore des bassins dont le taux de chômage oscille entre 20 % et 22 %. Que comptez‑vous faire, au-delà du rapport que nous attendons également avec impatience, alors que le Gouvernement précédent n’a pas retenu ce département pour conduire cette expérimentation avec une dizaine d’autres territoires ?
N’oubliez pas non plus d’évoquer les différents partenaires de cette expérimentation, car l’État n’est pas le seul à payer : les collectivités territoriales mettent aussi la main à la poche – je tenais à insister sur ce point. Comme mes collègues, je souhaite que vous nous éclairiez sur vos intentions en la matière.
Mme Martine Wonner. Je souhaite vous interroger sur les premiers effets de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel concernant les personnes en situation de handicap.
Bien des mesures prévues entreront en vigueur seulement le 1er janvier 2020, comme l’obligation de déclaration pour les entreprises de leurs salariés bénéficiaires de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés ou la modulation pluriannuelle de cette dernière, qui est en l’état de 6 %. Certaines expérimentations sont-elles déjà en cours ?
La loi a créé un nouveau cas de recours à l’intérim spécifiquement consacré à l’emploi de travailleurs handicapés. Du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, la mise à disposition d’un salarié temporaire auprès d’une entreprise utilisatrice peut intervenir lorsque ce salarié bénéficie de l’obligation d’emploi.
Avez-vous déjà des premiers retours en la matière ? Quel est l’impact de cette mesure sur l’emploi des personnes handicapées ?
M. Adrien Quatennens. Vous avez dit, madame la ministre, que le Gouvernement s’inscrit dans une trajectoire de lutte contre la pauvreté. Chacun jugera des faits. L’action du Gouvernement, c’est l’enrichissement des 0,1 % des plus riches à hauteur de 23 000 euros par an pendant que le taux de pauvreté a explosé et battu un record puisqu’il est de 14,7 %. Nous pouvons craindre que cette situation s’aggrave dès ce vendredi avec le durcissement des règles d’accession à l’indemnisation du chômage.
On ne peut se satisfaire de quelques soubresauts statistiques en matière de chômage. Oui, on embauche beaucoup mais, vous le savez, en contrats précaires, très courts. Avez-vous la volonté de réaffirmer que le CDI est la règle ? Si oui, que pensez‑vous de l’instauration de quotas modulables selon la taille des entreprises en ce qui concerne le recours aux contrats courts ? Au-delà de tous les sujets que nous avons abordés ce soir, c’est un enjeu important pour la situation de l’emploi dans le pays.
Mme Delphine Bagarry. En vue de l’examen de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, j’ai interrogé des représentants de Cap emploi pour savoir s’ils ont été associés aux concertations concernant le service public de l’insertion. Ils m’ont répondu négativement alors que, selon le rapport Bierry, nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) éloignés de l’emploi sont des personnes handicapées.
Que deviendront les crédits fléchés sur l’insertion des travailleurs en situation de handicap ? Quelles sont les articulations entre le service public de l’insertion et les dispositifs en faveur de l’employabilité ou du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ?
Mme Jeanine Dubié. L’arrêté du 21 octobre 2019 et l’article 24 du PLF 2020 prévoient que les régions et la collectivité de Corse percevront 138 millions d’euros pour financer les dépenses de fonctionnement des CFA au titre de l’aménagement et du développement du territoire. Ce montant, affecté par France compétences, doit leur permettre de financer leur fonctionnement alors qu’ils sont fragilisés par cette même loi en raison d’un financement au contrat – je pense notamment aux CFA des zones rurales et à ceux qui dispensent des formations peu demandées. Selon Régions de France, cela représente environ 700 CFA. Initialement, le Gouvernement avait envisagé d’abonder cette enveloppe de 250 millions. Pourquoi un tel retournement ? Quelle sera la répartition entre les régions et quel sera le périmètre de ce Fonds ? Enfin, les chambres de métiers et de l’artisanat souhaitent bénéficier des coûts contrat en 2020 pour financer les 74 000 contrats signés à compter du 1er septembre 2019, somme estimée à 200 millions. Où en est-on ?
Mme Catherine Fabre. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel porte la promesse d’un fort développement de l’apprentissage en France à travers une réforme structurelle grâce à laquelle l’apprentissage d’un jeune au sein d’une entreprise est financièrement garanti, ce qui est une révolution.
Preuve de son succès, cette réforme a déjà failli générer des frustrations de la part des acteurs historiques, au premier rang desquels les chambres de métiers et de l’artisanat. D’abord frileuses s’agissant des coûts contrats, elles ont finalement insisté pour être associées plus rapidement que prévu au nouveau montant de prise en charge, plébiscitant ainsi la façon dont la réforme est appliquée sur le terrain. Cette attente forte a été largement relayée par les parlementaires, qui se montrent très attentifs à la concrétisation de cette réforme.
Vous avez annoncé aujourd’hui que ces CFA, s’ils le souhaitent, pourraient dépendre du même régime que les nouveaux entrants dès septembre 2019, réflexion qui nourrira l’élan constaté depuis plusieurs mois. Avec toutes les autres mesures et réformes pour l’emploi, l’enjeu est rien moins que la baisse du chômage et l’insertion professionnelle de notre jeunesse.
Nous sommes, je crois, en train de gagner la bataille culturelle pour l’apprentissage ! Pouvez-vous détailler ce qui accompagne cette ambition, que nous partageons, dans le PLF 2020 ?
M. Stéphane Viry. Je constate le virage du Gouvernement s’agissant des autorisations d’engagement depuis trois ans. Deux réserves, toutefois, ou deux questions.
L’aide au poste pour les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), me semble-t-il, diminue. Ne pensez-vous pas que cela puisse fragiliser un certain nombre de parcours ? En outre, compte tenu d’une augmentation du volume de la prise en charge à travers l’IAE, pensez-vous que les crédits d’accompagnement sont suffisants ?
Je ne reviens pas sur les « territoires zéro chômeur de longue durée », qui ont fait beaucoup parler d’eux, sauf pour dire qu’un volet me semble faire défaut dans la maquette budgétaire que vous proposez : le droit à l’initiative territoriale. Je considère, en effet, que les territoires ont des potentiels et qu’il faut savoir les mobiliser. Les crédits sont, en l’occurrence, un peu maigres et sans doute devriez-vous faire un effort.
Pôle emploi doit être l’opérateur de référence, notamment dans les territoires. Or je crains que votre décision de financement ne lui permette pas d’être ce pivot des politiques publiques de l’emploi.
M. Jean-Philippe Nilor. La situation de l’emploi dans les territoires dits d’outre‑mer relève du surréalisme. Dans nos territoires, parler d’emploi c’est d’abord parler d’inactivité. En effet, le taux élevé et quasi incompressible du chômage ronge le cœur d’un tissu économique composé à près de 90 % de petites entreprises. Confrontées à la raréfaction de l’emploi salarié depuis toujours, de nombreuses personnes sont contraintes soit de se résigner à l’exil, soit, en désespoir de cause, de créer leur entreprise. C’est donc un choix subi que celui du ralliement à un modèle à front renversé. Si l’emploi salarié est la règle en France hexagonale, aux Antilles, par exemple, c’est l’exception, une aubaine, presqu’autant qu’un gain au loto. Quand le taux de chômage dans l’Hexagone est de 8,4 %, je comprends que vous vous en félicitiez ; en Martinique, il culmine à 27 % et à 100 % pour les 15-25 ans, malgré la saignée démographique – moins 10 % de la population – affectant principalement les jeunes diplômés. Contrairement à ce qui se passe en métropole, ce sont eux, en effet, qui ont le plus de mal à trouver un emploi.
Les politiques publiques menées jusqu’ici sont donc inadaptées. Il serait temps, vraiment, de changer de braquet et de proposer des solutions adaptées à la réalité de nos territoires.
Mme Christine Cloarec. Ma question est assez proche de celle de M. Viry. L’objectif des dispositifs d’IAE constitue un véritable défi puisque les effectifs augmenteront de 20 000 par an pour atteindre 100 000 personnes d’ici à 2022. Pourriez-vous préciser les mesures et les moyens d’accompagnement déployés en faveur de cette grande transformation ?
Mme Isabelle Valentin. Nous sommes interpellés dans nos circonscriptions par des maîtres d’apprentissage s’agissant de la forte augmentation du coût des apprentis en brevet de technicien supérieur (BTS), notamment, dans le secteur agricole, alors qu’on le sait, l’apprentissage, du niveau IV au niveau I, est la meilleure façon, pour les jeunes, de retrouver rapidement un emploi.
Toujours en matière d’apprentissage, le rôle péréquateur des régions est bien maintenu mais dépend de budgets qui s’annoncent insuffisants : 180 millions pour l’investissement, 135 millions pour la péréquation, alors que, l’année dernière, 350 millions ont été dépensés sur les 250 millions prévus. Comment les plus petits CFA seront-ils accompagnés ? Qui prendra en charge le transport des apprentis, mais aussi l’achat du premier matériel ?
Qu’avez-vous prévu, dans le PLF 2020 pour améliorer l’efficacité du service public de l’emploi, mais aussi les dispositifs d’insertion professionnelle qui doivent être déployés pour les demandeurs d’emploi ?
Mme Charlotte Lecocq. Le budget consacré au programme Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations au travail augmente, de même que les fonds consacrés à l’action Santé et sécurité au travail – en l’occurrence de 460 000 euros –, mais le budget de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) diminue de 70 000 euros, ce qui représente deux ETP.
Je m’interroge donc sur les moyens dont elle disposera en 2020 et sur ses marges de manœuvre pour pouvoir poursuivre les accompagnements qu’elle mène en matière de prévention et de qualité de vie au travail. Comme je l’ai observé dans le cadre de ma mission sur la santé au travail dans la fonction publique, l’ANACT est de plus en plus sollicitée, notamment par les EHPAD et la fonction publique hospitalière, pour développer des méthodologies de qualité de vie au travail essentielles voire cruciales dans ce secteur. Quels seront ses moyens afin de pouvoir continuer à mobiliser ces compétences ?
M. Fabien Di Filippo. Au cours des deux dernières années, le taux de chômage dans tous les États membres de l’Union européenne a baissé. Malgré votre auto-satisfecit, la France est le quatrième pays le plus touché par le chômage en Europe alors que le taux de chômage en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni se situe à 3-4 %.
Comme M. Cherpion l’a très bien expliqué – mais la rapporteure spéciale de la commission des finances, dont l’ouïe est très sélective, n’a pas voulu l’entendre –, c’est le taux d’emploi des personnes les moins qualifiées qui se dégrade. Dans un tel contexte, vous avez supprimé peu à peu tous les crédits de soutien aux maisons de l’emploi : ils s’élevaient à 21 millions en 2017 et à 10 millions en 2018 ; ils sont, cette année, de 5 millions et, l’année prochaine, plus rien !
Ce désengagement de l’État est très préoccupant alors que les maisons de l’emploi conduisent des actions ciblées sur ces publics les plus éloignés de l’emploi et qu’elles jouent un rôle très important localement. Nous avons besoin de politiques adaptées et d’accompagnements individualisés pour les jeunes en échec auxquels le système classique ne propose aucune voie. Ces maisons participent également à la mise en œuvre des clauses sociales des grands chantiers publics. Comptez-vous signer très prochainement leur arrêt de mort ou comprenez-nous le rôle qu’elles jouent au sein de nos territoires ?
Mme Claire Pitollat. Jusqu’en 2018, l’ACRE permettait aux autoentrepreneurs, lors de la création de leur entreprise, d’être exonérés pendant trois ans des charges sociales et était réservée aux personnes éloignées de l’emploi. Depuis 2019, elle a été étendue à l’ensemble des créateurs d’entreprises, et l’article 80 du PLF 2020 prévoit une limitation de l’aide à une seule année, mettant ainsi un terme au dispositif spécifique pour les personnes les plus éloignées de l’emploi. Ne craignez-vous pas de réduire l’efficacité des politiques publiques consacrées à leur insertion, l’insertion par le travail ?
M. Sylvain Maillard. Le taux de chômage global diminue en France mais la situation de l’emploi ne s’améliore pas pour les personnes les moins qualifiées, le déficit de compétences étant le principal obstacle à l’embauche pour 37 % des entreprises. En toute logique, la compétence est le premier objectif des politiques de formation professionnelle et de l’apprentissage, comme nous l’avions anticipé dans la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel. Le rapport de notre collègue Cherpion fait état de difficultés dans l’aménagement du nouveau paysage de la formation, comme dans l’application en tout‑numérique du CPF. Quelle est la situation exacte et le calendrier définitif de mise en œuvre ?
Mme Corinne Vignon. L’article 25 de la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel reconnaît aux écoles de production des pratiques pédagogiques adaptées à l’obtention d’un diplôme ou d’une certification facilitant l’insertion et la qualification professionnelles. Je sais, madame la ministre, que nous avons un intérêt commun pour ces écoles, et je connais votre souhait d’en doubler le nombre, ainsi que celui des jeunes accueillis en leur sein d’ici à 2022. Or, suite à l’adoption de cette loi, les écoles de production doivent, pour plusieurs raisons, faire face à une diminution globale de 50 % des financements, soit un manque de 4 750 euros par élève. Les écoles de production pourraient-elles être financées par France compétences ? Les écoles et les entreprises y sont favorables, et j’aimerais avoir votre point de vue à ce propos.
M. le rapporteur pour avis. S’agissant du désengagement de l’État vis-à-vis de Pôle emploi, est-il correct de déduire de vos propos qu’en cas de retournement de conjoncture, le premier abondera le manque à gagner du second ?
La création d’emploi malgré la faible croissance du produit intérieur brut (+ 1,3 %), a soulevé des interrogations parmi toutes les personnes auditionnées, y compris les représentants de la DARES. Moi-même, j’appelle à la vigilance sur la qualité et sur la pérennité des emplois créés. Vous n’avez pas évoqué le taux d’emploi des moins qualifiés, qui continue de baisser depuis 2017, en particulier s’agissant des très faiblement qualifiés.
Pour ce qui est du transfert des OPCO vers les URSSAF, la difficulté que j’ai soulevée n’était pas de nature opérationnelle mais juridique, puisqu’est modifiée par décret une disposition inscrite dans la loi, en l’occurrence la date.
Mme la ministre. Ce qui est à l’origine des emplois francs, c’est le taux de chômage très élevé au sein des QPV – à 23 %, il est 2,5 fois plus élevé que celui de toutes les catégories. Plus grave encore, à curriculum vitae, diplôme et compétences égaux, un habitant de QPV a deux fois moins de chances de trouver un emploi.
Plusieurs raisons expliquent cette situation. D’abord, les QPV comprennent généralement moins de réseaux d’entreprises. Or l’emploi se trouve beaucoup par réseau, comme on le voit en matière d’apprentissage. Ensuite, leurs habitants pâtissent d’une discrimination fondée sur l’adresse, parfois sur le nom, et parfois encore sur la couleur de la peau. Cette situation aujourd’hui, en France, est inadmissible, car elle ne correspond en rien aux valeurs de la République.
La précédente expérimentation visant à développer les emplois francs, entre 2013 et 2015, s’était soldée par un échec, notamment en raison de la très grande complexité du dispositif et de critères d’éligibilité trop restrictifs : en dix-huit mois, 300 emplois francs seulement avaient pu être créés sur l’ensemble du territoire national.
Ayant tiré les leçons de cet échec, nous avons lancé, au mois d’avril 2018, une première expérimentation d’un dispositif simplifié, avec assouplissement des conditions d’éligibilité, qui a été élargie un an plus tard de façon à toucher 27 % des demandeurs d’emploi dans 200 quartiers. J’ai assisté hier, à Douai, à la signature d’emplois francs, et j’ai ainsi pu vérifier sur le terrain que nous disposions désormais d’un dispositif qui marche bien.
En 2020, une nouvelle phase de l’expérimentation permettra à tous les QPV de bénéficier de ce dispositif. Ce que celui-ci a d’intéressant, c’est l’effet que la majoration de l’aide en cas d’embauche en CDI produit au regard de l’emploi durable – notre fil rouge en matière de réformes.
Le CDI représente le point de repère du marché de travail. Si l’accès à celui-ci doit être flexible et progressif – avec 100 % des salariés en CDI, le marché du travail connaîtrait une rigidité –, aujourd’hui cependant beaucoup trop d’embauches correspondent à des emplois précaires, sans qu’aucun élément de bonne gestion économique ni, encore moins, social ne le justifie. Je parle là du flux des embauches, pas du stock, puisque 85 % des emplois sont aujourd’hui sous CDI. C’est la raison pour laquelle nos dispositifs veillent toujours à encourager l’embauche en CDI.
Il est intéressant de noter que, sur les quelque 12 000 emplois francs qui ont été créés, plus de 80 % ont fait l’objet de CDI. Autrement dit, une fois franchie la barrière du stéréotype ou de la prévention contre les publics en question, le dispositif marche très bien, ce qui prouve l’intérêt de la démarche. Le PLF 2020 prévoit donc une dotation de 233 millions d’euros en autorisations d’engagement, le but étant d’arriver à 40 000 contrats signés à la fin de 2020.
Les emplois francs font l’objet d’une communication. Depuis quelques mois, les entreprises sont destinataires d’une information automatique. L’Agence centrale des organismes de sécurité social, c’est-à-dire les URSSAF, a envoyé un mail à toutes les entreprises de France afin de porter le dispositif à leur connaissance. Des événements, tels des job datings ou des forums, sont organisés. Les jeunes et les habitants des QPV sont spécifiquement visés, à travers des vidéos sur YouTube ou des campagnes d’affichage dans les gares. Tout le monde doit connaître le dispositif le plus tôt possible.
Ainsi que je l’ai dit, les crédits consacrés à l’IAE dépasseront, pour la première fois dans l’histoire du budget du ministère du travail, 1 milliard d’euros. L’objectif est d’élargir, dès l’année prochaine, le bénéfice du dispositif à 15 000 ou 20 000 personnes supplémentaires. Conformément à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous voulons passer de 140 000 à 240 000 bénéficiaires d’ici à 2022 – c’est dire si l’ambition est forte.
Nous avons discuté avec tous les partenaires concernés pour voir comment faire évoluer le modèle. Je salue le travail accompli par Thibaut Guilluy, président du Conseil d’inclusion dans l’emploi, qui a réuni les nombreux acteurs du secteur – entreprises et chantiers d’insertion, associations intermédiaires, fédérations – afin qu’ils formulent trente propositions. Le Président de la République les a reçues il y a quelques semaines à Bonneuil‑sur‑Marne, et nous allons nous en inspirer.
L’une d’entre elles reprend l’idée, sur laquelle un accord a été signé avec les entreprises adaptées, qu’il convient de tenir compte des parcours de vie des demandeurs d’emploi, et de laisser plus de temps à ceux qui auront connu plus de difficultés que d’autres. C’est la raison pour laquelle nous avons estimé ensemble que nous pouvions prévoir une moyenne de financement par poste moins importante, et ainsi de financer beaucoup plus de postes. Cela permet d’avoir des effets d’échelle, de déterminer des seuils critiques et de prendre en compte cette différenciation des parcours. Pour les ETTI, qui représentent une nouveauté intéressante, nous prévoyons 2 400 ETP.
J’ai également été interrogée sur la représentativité dans le secteur de l’IAE, mais elle doit être traitée par la loi : on ne peut pas la décréter comme cela. Par ailleurs, en ce qui concerne l’accompagnement de cette transition de l’IAE, nous avons prévu 23 millions d’euros de crédits sous la forme d’un fonds. Il permettra des initiatives ainsi que du coaching destiné à toutes les structures concernées.
J’ai déjà beaucoup traité des « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette expérimentation était prévue dans la loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée de 2016 pour être menée sur dix territoires et jusqu’en 2021. Pour l’étendre, il faudrait changer la loi, mais rien n’interdit au Parlement et au Gouvernement d’anticiper cette échéance. Je rappelle simplement le cadre juridique à l’intérieur duquel nous évoluons aujourd’hui.
Après que nous aurons reçu les trois rapports qui doivent arriver bientôt, nous avons procéderons avec méthode. D’abord, nous établirons avec les opérateurs et les acteurs intéressés par le sujet, notamment les parlementaires et collectivités territoriales, un diagnostic partagé. Ensuite, nous lancerons un travail de coconstruction sur les modifications à apporter pour changer d’échelle et améliorer qualitativement le dispositif. Enfin, nous choisirons un véhicule législatif.
Une question m’a été posée sur l’ampleur de l’investissement du ministère du travail dans cette expérimentation « territoires zéro chômeur » : il en demeure aujourd’hui le principal financeur, avec 17 500 euros par poste et 5 000 euros pour l’aide à la création d’entreprise. Des collectivités y participent également par des apports en nature, sous forme de mise à disposition de locaux ou de passation de marchés avec les entreprises concernées, qui sont tout aussi importants.
J’en viens aux questions relatives au handicap et particulièrement à Cap emploi. À l’été 2018, ont été engagés, sous l’égide de mon ministère, des travaux de rapprochement entre Pôle emploi et le réseau des Cap emploi, réunis dans le Conseil national handicap & emploi des organismes de placement spécialisés. Il se trouve que 500 000 demandeurs d’emploi en situation de handicap sont inscrits à Pôle emploi ; c’est là véritablement un échec collectif. Alors que la loi a fixé, il y a plus de trente ans, un seuil obligatoire d’emploi de travailleurs en situation de handicap dans le secteur privé à 6 %, ce taux n’atteint que 3,5 %. Notre insuffisance collective en la matière est notoire.
Outre les difficultés, nombreuses, liées à leur handicap, les demandeurs d’emploi en situation de handicap sont confrontés dans leur recherche d’emploi à un parcours du combattant plus compliqué : des locaux de Cap emploi, ils doivent se rendre à ceux du service d’aide au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés puis de Pôle emploi pour consulter les offres d’emploi. D’ores et déjà, nous avons fusionné ces deux derniers organismes, en convenant qu’un rapprochement de tous était nécessaire. Depuis un an, un partenariat beaucoup plus approfondi lie Pôle emploi et Cap emploi, et j’ai pu constater, en allant rencontrer sur le terrain à la fois les personnels concernés et les demandeurs d’emploi en situation de handicap, que ce rapprochement fonctionne à la satisfaction de tous.
Restent néanmoins deux éléments que nous devons améliorer. D’une part, les demandeurs d’emploi en question doivent être accueillis en un lieu unique. De fait, si les deux structures travaillent désormais bien ensemble, les personnes doivent toujours se rendre physiquement dans deux endroits différents, ce qui leur complique la vie. L’idée est donc que des conseillers de Cap emploi assurent des permanences plusieurs jours par semaine dans les agences de Pôle emploi.
D’autre part, un interlocuteur référent unique doit être proposé aux employeurs, qui sont sans cesse renvoyés de l’un à l’autre, ce qui ne leur simplifie pas la tâche à eux non plus. Or, après les aspects psychologiques, cette complication fait partie des freins à l’embauche chez les employeurs, beaucoup s’imaginant que toute la démarche est aussi compliquée. Ils ignorent notamment que 80 % des handicaps sont très bien compensés et que tous les moyens existent pour adapter les postes de travail en cas de nécessité, ce qui, au demeurant, n’est pas si fréquent.
Pour lever les freins institutionnels consistant, pour les employeurs, à devoir dialoguer avec deux interlocuteurs différents, nous avons mis en place, il y a quelques semaines, des expérimentations sur dix-sept territoires pilotes. La généralisation se fera progressivement en 2021 si elles s’avèrent concluantes. Nous appliquons toujours la même méthode : expérimentation dans la réalité, amélioration puis généralisation.
Parallèlement, nous travaillons avec la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, ainsi qu’avec l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et Pôle emploi à la définition de nouvelles modalités de financement des réseaux de Cap emploi afin d’accompagner une telle évolution. Sur le plan financier, celle-ci n’aurait pas d’impact sur les crédits de la mission que nous examinons, puisque l’État ne finance pas les Cap emploi – ils sont financés par Pôle emploi, l’AGEFIPH et le FIPHFP –, mais cela n’empêche pas de chercher à apporter des améliorations.
S’agissant des modalités spécifiques de recours à l’intérim pour les personnes en situation de handicap, le cahier des charges ne datant que du mois de juillet 2019, il est un peu tôt pour avoir du recul sur ce sujet.
Les maisons de l’emploi, je l’ai évoqué, ont fait l’objet d’une réunion entre mon cabinet et Alliance Villes Emploi pour faire le point. Comme cela a été relevé par l’enthousiaste rapporteure spéciale Marie-Christine Verdier-Jouclas, nous sommes tout à fait ouverts, pourvu que les transformations en cours continuent, ce dont le réseau Alliance Villes Emploi est d’accord, au maintien d’un accompagnement tel que prévu par l’amendement adopté par la commission des finances, à savoir 5 millions d’euros, comme en 2019. Il s’agira de voir comment approfondir cette transformation, toujours avec l’idée de la complémentarité des réseaux et de la mobilisation locale.
Cela renvoie à une remarque que j’ai trouvée intéressante sur la différenciation territoriale et le droit à l’initiative territoriale. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, je fais actuellement, avec Agnès Pannier-Runacher et Emmanuelle Wargon, un tour de France des solutions. Nous voyons, ce que nous font remonter tous les jours Pôle emploi et les missions locales, combien la garde d’enfants, le logement et les transports constituent des freins périphériques à l’emploi. Un Français sur cinq renonce à un emploi ou à une formation en raison d’un problème de transport. Nous devons donc beaucoup travailler sur ces sujets pour gagner la bataille de l’emploi, et les solutions se trouvent autant auprès des collectivités territoriales que de l’État et des entreprises.
Un seul exemple suffira à montrer que des tas de solutions existent sur le plan local. La loi et le niveau national ne sont pas pertinents partout, et il faut laisser aux territoires de l’espace pour inventer et innover. Ainsi, nous avons vu comment, en Vendée, au mois de juillet, avait été résolu le problème d’un camping qui peinait à recruter des saisonniers du fait de la cherté du logement en saison. L’agglomération concernée a eu l’idée de mettre place une sorte d’Airbnb de tous les espaces vacants chez les personnes âgées, de prendre en charge techniquement leur location aux travailleurs saisonniers et d’apporter également sa garantie. Cela a permis de lever les appréhensions des propriétaires, qui ont ainsi perçu un revenu d’appoint et bénéficié d’une présence dans leur maison. Et l’emploi saisonnier a donc pu se développer. Nous sommes en train de collationner les exemples de ce type, qui se comptent par dizaines et peut-être même par centaines. En dupliquant les initiatives innovantes qui naissent sur le terrain, nous ferons reculer le chômage, centimètre par centimètre.
S’agissant de l’apprentissage, j’indique que, comme le Premier ministre l’a confirmé à l’Assemblée des régions de France, nous agissons sur trois aspects. D’abord, le coût au contrat va régler le problème de la proximité assez massivement, dans la mesure où celui-ci est dans l’ensemble bien plus favorable que ce que pratiquaient la plupart des régions. Beaucoup de réseaux nous indiquent qu’avec le coût contrat, ils ne rencontrent pas de problème de développement. Ainsi, les maisons familiales rurales, qui sont essentielles dans la proximité de terrain, vont pouvoir augmenter le nombre de leurs contrats de 20 % grâce à la réforme.
Il faut cependant se montrer précautionneux. Notre but est de multiplier les CFA sur le territoire, et donc pas d’en fermer, mais d’en ouvrir. La prudence commandait de laisser aux régions la possibilité de disposer d’une enveloppe au cas où elles voudraient maintenir de toutes petites sections en milieu rural. Nous avons confié une mission au cabinet Roland Berger, qui a travaillé avec toutes les régions sur le compte d’exploitation de tous les CFA : le chiffre que nous avançons ne tombe donc pas du ciel, il a été confronté avec les besoins des régions. Ceux-ci sont évalués à 138 millions d’euros, pour lesquels les régions vont nous proposer une clef de répartition.
Nous avons également conforté les régions dans leur compétence d’investissement, qu’elles conserveront en matière d’apprentissage et dont elles disposent également s’agissant des lycées. Celle-ci donnera lieu à un transfert annuel de 180 millions d’euros. Le Premier ministre s’est, en outre, engagé à ce qu’on leur transfère 200 millions d’euros au titre de la compensation pour la compétence qui a été retirée. Les régions n’utilisaient pas ces 200 millions pour l’apprentissage, mais à d’autres fins ; ils seront donc compensés.
Il est rare de voir, s’agissant d’une réforme bouleversant fondamentalement, comme le fait la réforme de l’apprentissage, le financement et le rôle des acteurs d’un secteur, que l’on demande d’en accélérer la mise en musique. Il faut dire qu’elle donne des résultats et qu’elle en donnera davantage à l’avenir. Dans un premier temps, les chambres de métiers et d’autres acteurs avaient demandé à pouvoir rester un an de plus dans le cadre du coût préfecture, c’est‑à-dire de conserver le mode de calcul initial et de ne pas appliquer tout de suite la réforme. En fait, ce sont les branches qui ont, de façon paritaire, établi les coûts au contrat, sur la base du réel, en intégrant de surcroît le coût de l’innovation pédagogique et du développement de l’apprentissage. Résultat, dans 80 % des cas, le coût au contrat est plus favorable, de 7 % en moyenne, que le coût préfecture. C’est ainsi que les acteurs qui nous avaient demandé un délai de transition assez long, que nous avions prévu dans le décret, nous ont demandé d’accélérer la mise en œuvre de la réforme, considérant qu’elle leur permettait de se développer massivement.
Après examen, car tout ceci a un coût, le Président de la République a confirmé hier au président de l’APCMA, et nous l’avons annoncé officiellement ensemble ce matin, qu’un décret serait pris à titre rétroactif, qui ouvrirait un droit d’option pour le financement des jeunes entrés en apprentissage depuis le 1er septembre 2019, soit au coût contrat, soit au coût préfecture, selon le système le plus favorable. Il me semble que cette accélération de la réforme doit être saluée, car elle est de nature à amplifier la très forte dynamique que nous voyons partout à l’œuvre.
Les crédits de la mission Travail et emploi traduisent de trois manières différentes le soutien au développement de l’apprentissage. D’abord, dans le cadre du PIC, un appel à projets portant sur les prépas apprentissage a été lancé. Ces prépas s’adressent à des jeunes qui souhaitent entrer en apprentissage mais qui connaissent des difficultés liées soit à des savoirs de base, soit, souvent, à des savoirs être. Se lever tous les matins, travailler en équipe sur un objectif, rechercher la performance ne sont pas des forcément des comportements spontanés ; ils nécessitent un temps d’appropriation. Elles s’adressent également à des jeunes intéressés par un secteur, mais qui n’en connaissent pas les différents métiers. La meilleure manière de les découvrir est, en définitive, de suivre différents stages d’immersion. Cet appel à projets a trouvé beaucoup d’échos : plus de 200 sites vont démarrer, qui accueilleront 57 000 apprentis. Cette innovation me semble avoir vocation à se développer.
Le soutien à l’apprentissage passe ensuite par l’aide unique aux entreprises : 105 000 dossiers ont déjà été acceptés, ce qui correspond à 912 millions d’euros d’AE inscrits dans la mission Travail et emploi.
Enfin, plus de 12 000 aides au permis de conduire ont été accordées à des jeunes.
Pour ce qui est du coût des apprentis préparant un BTS, nous avons fait le choix, avec les partenaires sociaux, de ne pas augmenter les cotisations des entreprises et, dans ce contexte, de ne plus poser de limites d’âge et, surtout, de soutenir les niveaux V et IV. L’apprentissage est en train de véritablement décoller dans l’enseignement supérieur et de s’effondrer dans le même temps au niveau des certificats d’aptitude professionnelle et des bacs professionnels. Si une enveloppe nous avait permis, à cotisations égales, de financer également les BTS, j’aurais volontiers opté pour cette solution, mais ce n’est pas le cas. Il a fallu faire un choix, que nous assumons collectivement avec les partenaires sociaux : désormais, toutes les entreprises de moins de 150 salariés pourront embaucher en apprentissage, presque sans limites d’âge puisqu’elles sont maintenant établies entre 16 et 30 ans contre 16 et 18 ans auparavant, des salariés de niveaux V et IV.
Je crois avoir largement répondu concernant les outre-mer. Je rappelle que nous y menons des actions déterminées, par exemple à travers le « plan pétrel » pour La Réunion. Les outre-mer sont, par ailleurs, sur-représentés dans quasiment tous nos dispositifs ; ils constituent une priorité.
J’en viens au chômage, dont le premier marqueur est effectivement le manque de qualification. Le taux de chômage des personnes qualifiées est de 6 %, et celui des cadres de 2,8 %, ce qui correspond à une situation de plein emploi, et même de tension. Cette situation représente autant une bonne nouvelle pour la lutte contre le chômage qu’un véritable défi pour les employeurs. En revanche, le taux de chômage des personnes dépourvues de qualification s’élève à 18 %. L’absence de qualification comme premier marqueur du chômage va s’amplifier avec l’évolution des métiers. C’est pourquoi nous investissons massivement dans le PIC, dans le compte personnel de formation et dans l’apprentissage.
Quelques mots rapides à propos de l’ACRE, car j’en ai déjà parlé. Nous mettons clairement un coup d’arrêt aux effets d’aubaine et de déport d’un système à l’autre en posant les mêmes règles pour les indépendants et les micro-entrepreneurs. Nous ciblons particulièrement, bien entendu, les demandeurs d’emploi, pour lesquels un tel dispositif est essentiel.
L’avenir des écoles de production a été sécurisé juridiquement dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Elles font face à un désengagement complet des régions, que je trouve inadmissible, irresponsable et incompréhensible, tant ces écoles sauvent – je pèse mes mots – des jeunes entre 14 et 16 ans. Nous leur avons réservé, en urgence, 4 millions d’euros de crédits au sein de la mission Travail et emploi. Des discussions sont en cours avec le ministère de l’éducation nationale et les entreprises afin de trouver des financements complémentaires. Ces écoles font naturellement partie des outils à effet très positif.
Dans le contexte de baisse des moyens des opérateurs publics, nous avons plutôt protégé les moyens de l’ANACT : 2 ETP seulement sont supprimés, tous les autres ont été sanctuarisés. Par ailleurs, les moyens alloués au Fonds d’action pour l’amélioration des conditions de travail, qui permet à l’ANACT d’accompagner les très petites et moyennes entreprises, sont maintenus à 2 millions d’euros. Cet accompagnement est essentiel.
La commission passe ensuite à l’examen des amendements portant sur les crédits de la mission Travail et emploi.
Article 38 et état B
La commission est saisie de l’amendement II-AS43 de M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud. Le décret du 26 juillet 2019 relatif à l’assurance chômage va, selon les estimations de l’UNEDIC, affecter les allocations chômage de plus d’un million de demandeurs d’emploi ainsi que les conditions d’entrée dans le régime d’assurance chômage de plus de 200 000 personnes. Or la sous-action 01-01 visant l’allocation de solidarité spécifique (ASS) du programme 102 Accès et retour à l’emploi ne prévoit qu’une augmentation de crédits de 300 millions d’euros, correspondant à un accroissement de 50 000 bénéficiaires seulement. À moins que le Gouvernement, non content de priver 200 000 personnes de leurs droits à l’assurance chômage, n’escompte que 75 % d’entre elles ne feront pas valoir leur droit à l’ASS, cette augmentation du budget de l’ASS devrait être quatre fois supérieure, et donc s’élever à 1,2 milliard d’euros.
Aussi cet amendement vise-t-il à combler le manque de 900 millions d’euros. Pour des raisons tenant à l’article 40, nous avons dû compenser cette augmentation par une baisse d’autres crédits. En tout cas, s’agissant de l’ASS, le compte n’y est pas, et la sous‑budgétisation manifeste de ses crédits pose un problème de sincérité budgétaire.
M. le rapporteur pour avis. La réforme de l’assurance chômage, qui a été menée par voie réglementaire, risque effectivement de faire basculer nombre de demandeurs d’emploi vers l’ASS, voire des minima sociaux tels que le RSA ou la prime d’activité. Je partage votre préoccupation à cet égard.
Cependant, je ne suis pas favorable à cet amendement tel qu’il est rédigé. Le transfert qu’il tend à opérer priverait, en effet, de près de 1 milliard d’euros de crédits la création d’emplois au sein du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi. Or nous avons besoin de ce programme.
Je vous propose de retirer l’amendement et de le redéposer lors de l’examen en séance publique, afin de pouvoir trouver avec la ministre une autre solution que la baisse des crédits du programme 103.
M. Boris Vallaud. Je partage, évidemment, l’appréciation que le rapporteur pour avis vient de porter. Je me suis expliqué sur les raisons qui nous ont conduits à rédiger cet amendement en de tels termes, et je le maintiens. Je ne nourris aucune espèce d’espérance quant à la possibilité que la ministre accepte de le considérer favorablement et de discuter de son financement. Au moins me permettra-t-il, en séance publique, de l’interpeller sur le sujet.
M. Dominique Da Silva. Notre collègue Boris Vallaud ne voit que le verre à moitié vide. Compte tenu du marché de l’emploi, les dispositifs dont les crédits se trouvent en augmentation visent précisément à ce que les chômeurs en fin de droits ne soient pas contraints de recourir à l’ASS. Il paraît donc juste de ne prévoir que 50 000 bénéficiaires.
Je voterai, évidemment, contre cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Elle discute ensuite de l’amendement II-AS42 de M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud. Après deux années de coupes drastiques dans les contrats aidés, les dégâts sur les publics visés sont considérables de même que sur le tissu associatif, comme l’a rappelé Pierre Dharréville. Les piètres résultats des PEC, dont les crédits sont largement sous-consommés, signent l’inadaptation de ce dispositif pour une large part des publics précédemment concernés par les contrats aidés ainsi que pour de très nombreuses associations employeurs qui s’en plaignent. Ce constat n’est pas le nôtre : c’est celui que nous rapporte le mouvement associatif, qui a inspiré le présent amendement.
Les acteurs de terrain nous ont proposé d’envisager la création d’un nouveau dispositif pour des emplois d’utilité citoyenne. Celui-ci viendrait essentiellement en appui de projets associatifs dans les champs éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel, par référence à l’article 200 du code général des impôts. Il pallierait l’absence d’un dispositif global et ambitieux pour l’ensemble des associations, et permettrait ainsi de pérenniser un projet associatif et les services de proximité qui en dépendent, à travers un emploi.
Tirant les leçons de plusieurs expérimentations conduites au cours des dernières décennies, ce dispositif consisterait à doter ces emplois d’utilité citoyenne d’une aide sur trois ans maximum, dont l’attribution sur la base de critères d’intérêt général, représenterait 80 % du SMIC la première année, 60 % la deuxième année et 40 % la troisième année. L’association employeur devrait démontrer sa capacité à présenter et gérer un projet d’activité, à analyser et répondre à des besoins insuffisamment ou non satisfaits ayant un impact social sur la population de son territoire, à mobiliser les acteurs et développer les partenariats financiers, à présenter un plan de développement pluriannuel incluant la ou les formations éventuellement nécessaires à la qualification des emplois créés.
Cette aide serait versée par l’intermédiaire d’un fonds au sein de la mission Travail et emploi. Il est proposé de financer ces emplois par les enveloppes non consommées des PEC au titre de la LFI 2019, soit 200 millions d’euros, qui seraient prélevés sur les crédits de l’action 02 Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail du programme 102 Accès et retour à l’emploi, et d’abonder d’autant l’action 01 nouvelle Emplois d’utilité citoyenne du programme 05 nouveau Soutien à l’emploi associatif.
M. le rapporteur pour avis. Nous étions nombreux à nous interroger sur la conception des PEC, qui ont pris le relais des contrats aidés dans le secteur associatif. Notre collègue Stéphane Viry y avait d’ailleurs consacré son avis l’an dernier. Je considère, pour ma part, que nous devons désormais stabiliser le paysage et ne pas tomber dans les travers d’un empilement de dispositifs. Depuis que je siège dans cette maison, j’en ai connu de toutes sortes – l’imagination est sans faille en la matière. Même si les PEC montent effectivement en charge trop lentement, laissons-leur une chance et tirons-en les conséquences l’an prochain, après deux années d’application du dispositif.
Avis défavorable.
M. Stéphane Viry. Cet amendement m’interpelle. Il faut certes probablement laisser le temps aux PEC de monter en charge et de trouver leur rythme de croisière. Toutefois, depuis deux ans l’expérience montre qu’ils ne répondent pas aux structures porteuses d’emploi que sont les associations. C’est un préjudice pour des jeunes ou des demandeurs d’emploi qu’elles pourraient embaucher si elles bénéficiaient de facilités pour le faire. Il y a là un trou dans la raquette que la proposition de M. Vallaud pourrait combler en même temps que les attentes du milieu associatif. Je voterai donc cet amendement.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Des représentants de l’économie sociale et solidaire m’avaient présenté ce projet d’emplois d’utilité citoyenne, que j’avais trouvé plutôt intéressant pour répondre à une demande des associations pas pleinement satisfaite. Mais, à bien y regarder, j’ai retrouvé les inconvénients des anciens emplois aidés, à savoir leur coût très élevé et une difficulté à faire vivre pleinement la formation. Effectivement, les emplois associatifs appellent une réflexion, mais, à titre personnel, je ne voterai pas cet amendement.
M. Francis Vercamer. Et moi, je le soutiens, car les emplois aidés sont très importants dans les quartiers en difficulté, où le taux de chômage ne baisse pas et les chômeurs de longue durée ont de plus en plus de difficultés à retrouver un emploi. Les emplois aidés sont un moyen de remettre le pied à l’étrier pour les publics très éloignés de l’emploi. Aussi cet amendement va-t-il dans le bon sens pour traiter ces situations dramatiques.
Mme Jeanine Dubié. Le groupe Libertés et Territoires soutient aussi cet amendement. Le dispositif proposé présente un grand intérêt, notamment pour le tissu éducatif, environnemental et social, qui a beaucoup souffert de la réforme des contrats aidés. De nombreuses associations n’ont pas pu reconduire leurs contrats aidés en raison d’enveloppes insuffisantes, ce qui a eu pour conséquence de mettre des personnes sur la touche.
M. Boris Vallaud. Le milieu associatif a formulé cette demande en réaction aux grandes difficultés qu’il rencontre pour satisfaire aux exigences du PEC. Il s’agit de répondre à des besoins sociaux avérés dans des territoires qui sont souvent en grande souffrance. Le tissu associatif a durement souffert de la disparition des emplois aidés. La proposition qu’il formule prend en compte la question de la formation et, surtout, prévoit une dégressivité du soutien à ces emplois aidés, à charge pour les associations de trouver les ressources supplémentaires dans leur développement.
Il ne s’agit pas de disqualifier le PEC, mais de nourrir notre dispositif des crédits non consommés du PEC. Bref, c’est une mesure équilibrée qui mériterait d’être soutenue, au moins pour un an, à l’issue duquel un bilan en serait dressé, comme vous prévoyez de le faire pour vos mesures.
M. Dominique Da Silva. Comme l’a fort bien dit le rapporteur pour avis, il convient de stabiliser le paysage et de laisser le PEC monter en charge. Même si on constate, ici ou là, quelques faiblesses, on ne peut pas remettre en cause un engagement encore récent.
M. le rapporteur pour avis. J’entends bien le problème qui se pose au tissu associatif. Plutôt que d’essayer de créer un système parallèle, mieux vaudrait s’appuyer sur le PEC, qui n’est pas encore stabilisé, pour essayer de trouver des solutions dans le cadre existant.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle passe à l’amendement II-AS41 de M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud. Moins 70 %, c’est la punition infligée par le présent projet de budget au défenseur syndical. J’ai eu l’occasion de faire part à Mme la ministre des résultats peu probants des ordonnances qui étaient censées renforcer le dialogue social. C’est pourquoi nous proposons de restaurer les moyens du Haut Conseil du dialogue social.
M. le rapporteur pour avis. Je partage votre appréciation du rôle du défenseur syndical : il est central dans l’assistance aux parties devant les conseils de prud’hommes, au nom d’une organisation syndicale ou patronale.
Le PLF 2020 prévoit effectivement une réduction de crédits, qui passeraient de 6,9 à 2,1 millions d’euros. Pour autant, cela ne me semble pas être une punition. Il s’agit de tenir compte de la très lente montée en charge du dispositif et de la non-consommation de crédits. Sur les 5 149 défenseurs syndicaux inscrits, moins de la moitié justifie d’une activité effective, selon les remontées des DIRECCTE entre 2017 et 2018. L’enveloppe pour 2020 tient donc compte des besoins effectifs de financement, qui transitent par l’Agence de services et de paiement. Il nous appartiendra d’ajuster cette enveloppe si le dispositif décolle enfin, ce que nous ne pouvons que souhaiter.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle étudie l’amendement II-AS21 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Le chômage de longue durée est malheureusement une caractéristique française, Mme la ministre l’a confirmé, contre laquelle il importe de se mobiliser. Dans cette catégorie, 48 % des demandeurs d’emploi sont au chômage depuis un an et plus, et le nombre de chômeurs d’une durée supérieure à deux ans a fortement augmenté en 2019. Le Président de la République a annoncé que l’élargissement de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » s’inscrirait dans le cadre de la stratégie nationale contre la pauvreté. Voilà pourquoi je propose d’en doubler les crédits.
M. le rapporteur pour avis. Je vous rejoins sur le constat d’une expérimentation utile menée avec succès par les territoires. Mme la ministre y a consacré un long développement tout à l’heure. Toutefois, avant de lancer une nouvelle phase, il me semble préférable d’attendre le rapport d’évaluation, prévu dans la loi de 2016, que le Gouvernement devrait rendre disponible très prochainement. D’autant qu’une éventuelle généralisation devra faire l’objet d’une modification de la loi puisque le terme de l’expérimentation y est inscrit pour 2021.
Je propose donc le retrait de l’amendement.
M. Boris Vallaud. Nous sommes très attachés à ce dispositif, qui doit faire l’objet d’une évaluation. Néanmoins, voter les crédits ne signifie pas qu’ils seront engagés. Qui plus est, lorsque nous discuterons du texte visant à généraliser la mesure, nous serons bien heureux de disposer déjà des crédits, de sorte qu’on puisse lancer sans tarder les expérimentations supplémentaires. Je voterai cet amendement.
M. Francis Vercamer. L’année dernière déjà, on nous avait dit : « pas cette année mais l’année prochaine ». Nous sommes « l’année prochaine », et la réponse est la même. Donnez-nous plutôt une date ! Si l’on attend l’évaluation de l’expérimentation, au moment où il faudra relancer le dispositif, on aura perdu toute la dynamique et la puissance acquises aujourd’hui. Je souhaite donc que cet amendement soit adopté.
M. Dominique Da Silva. Comme nous attendons des évaluations, la décision ne pourra intervenir que l’année prochaine. De nombreux députés partagent la philosophie du dispositif, mais encore faut-il s’entendre sur cette deuxième loi. Nous ne pourrons la soutenir qu’après avoir évalué le dispositif et analysé les informations. La ministre ayant plus ou moins confirmé qu’il y aurait bien une autre loi d’expérimentation, attendons qu’elle arrive avant d’engager des crédits.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Je rejoins la position du rapporteur : il faut laisser l’expérimentation aller à son terme puis bien en analyser les bienfaits et les effets moins positifs, avant de l’étendre ou de la généraliser.
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement II-AS22 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. J’ai vécu tous les budgets depuis la création des maisons de l’emploi, des 100 millions d’euros qui leur étaient initialement affectés aux 5 millions de l’année dernière. Chaque année, le ministre nous disait réduire les crédits pour ne plus financer que les maisons de l’emploi qui font leur travail. Il faut croire que toutes les maisons de l’emploi ne font pas leur travail puisqu’elles n’auront plus du tout de crédits. Or elles sont quelques-unes à fonctionner correctement. Leur attribuer le même montant que l’année dernière, soit 5 millions d’euros, me paraît raisonnable et ne pèsera pas trop lourdement sur la mission.
M. le rapporteur pour avis. C’est en quelque sorte une involution à laquelle nous avons assisté au fil des années. Chaque année, le Gouvernement prévoit de supprimer les crédits, et chaque année on réinscrit 5 millions. Il faudrait remettre les choses à plat concernant ces maisons de l’emploi : celles qui réussissent méritent-elles d’être encore soutenues, sachant que plusieurs d’entre elles ont leur autonomie financière ?
Je ne suis pas hostile par principe à l’amendement, tout en appelant à une vraie discussion aboutissant à une décision ferme sur le budget des maisons de l’emploi : on continue ou on arrête, mais on ne peut pas réinscrire 5 millions d’euros chaque année.
Avis favorable néanmoins.
M. Stéphane Viry. On ne pourra pas laisser les maisons de l’emploi sans crédits budgétaires en 2020. Même si ce n’est pas grand-chose, ce sera la continuité pour celles qui fonctionnent bien et qui méritent d’être accompagnées par l’État.
Qu’il faille revoir le dispositif, refonder quelque chose d’initiative territoriale, j’en suis d’accord. Que le Gouvernement lance un groupe de travail, comme l’a indiqué tout à l’heure Mme la ministre, et nous y participerons. Mais de grâce, laissons aux maisons qui fonctionnent bien les moyens de le faire en 2020 !
M. Dominique Da Silva. On peut soutenir les maisons de l’emploi qui existent encore et les aider à améliorer leurs actions. Nous sommes favorables au maintien des crédits au même niveau que l’année dernière.
Mme Michèle de Vaucouleurs. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, bien que conscient de réalités territoriales bien diverses, est attaché au maintien des crédits alloués aux maisons de l’emploi. S’il peut être légitime de couper les crédits à certaines d’entre elles, il serait regrettable de casser les outils qui fonctionnent dans certains territoires. Aussi peut-on maintenir les crédits là où c’est nécessaire.
M. Bernard Perrut. Ce débat est récurrent pratiquement depuis la création des maisons de l’emploi, que l’on doit à Jean-Louis Borloo. Il s’agissait, à l’époque, d’instaurer de nouveaux dispositifs, plus souples, plus réactifs, plus proches des entreprises, pour conduire des actions qui ne pouvaient pas être assurées par Pôle emploi ou d’autres structures. Rapidement, on s’est aperçu que certaines maisons de l’emploi bien implantées étaient efficaces tandis que d’autres se substituaient en quelque sorte aux organismes existants. C’est une question de bon sens : il faut soutenir celles qui sont efficaces et fermer celles qui ne le sont plus ou qui se substituent à d’autres organismes.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement II-AS30 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Cet amendement va de pair avec l’amendement II-AS31 après l’article 80.
La métropole lilloise a mis autour de la table l’ensemble des acteurs touchant de près ou de loin à l’emploi dans les QPV : la région, le conseil départemental, Pôle emploi, la métropole lilloise, les villes, les bailleurs sociaux, les DIRECCTE, etc. Sur le constat que chacun avait un petit bout de réponse, un travail de collation et de mise en cohérence de soixante-dix-neuf actions a été effectué, en fonction de l’effet de levier des unes sur les autres. Tout le monde a trouvé cette idée intéressante parce que chaque structure ne connaît pas nécessairement ce que fait l’autre dans le même champ de compétence.
Je propose donc de lancer une expérimentation de ce type, à Lille ou ailleurs, car c’est un bon moyen de mettre en cohérence l’ensemble des acteurs de l’emploi et du développement économique.
M. le rapporteur pour avis. Vos deux amendements sont effectivement complémentaires, le premier concerne le volet financier tandis que le second traite le dispositif proprement dit.
Le dispositif témoin que vous proposez permettrait d’assurer une coordination parfaitement ciblée des démarches et des initiatives dans les quartiers les plus en difficulté, en particulier dans les QPV où le chômage de longue durée demeure plus important qu’ailleurs. Je suis favorable à ces deux amendements, tout en m’interrogeant sur le nombre d’expérimentations : cinq, cela concernerait Lille et trois villages autour. On pourrait peut-être faire des expérimentations sur un espace plus large, là où il y a des QPV.
La commission rejette l’amendement.
Puis, contre l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Travail et emploi, modifiés.
Enfin, la commission examine les articles 79 et 80, rattachés.
Article 79 : Recentrage des dispositifs d’exonération spécifique en faveur des aides à domicile intervenant auprès de publics fragiles
La commission examine les amendements de suppression II-AS75 du rapporteur pour avis, II-AS35 de Mme Jeanine Dubié, II-AS36 de M. Boris Vallaud et II-AS61 de M. Pierre Dharréville.
M. le rapporteur pour avis. L’amendement II-AS75 vise à supprimer l’article 79, qui concerne les exonérations pour l’aide à domicile des personnes âgées. Conformément à l’engagement pris par le Premier ministre il y a quelques jours, il tend à maintenir l’exonération ouverte aux personnes âgées en matière d’aide à domicile et à conditionner toute évolution du droit applicable à une concertation susceptible de mesurer précisément les pertes supportées par les retraités.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement II-AS35 tend également à supprimer l’article 79. Le Premier ministre a indiqué, le 24 septembre, que cette mesure serait retirée du projet de loi de finances lors de son examen par le Parlement. Nous y sommes, mais le Gouvernement n’a toujours pas présenté l’amendement de suppression annoncé. Il est regrettable que Mme la ministre soit partie ; elle aurait pu nous expliquer pourquoi ce sont les parlementaires qui doivent concrétiser l’annonce du Premier ministre. Je trouve cela très surprenant.
M. Boris Vallaud. Comme Mme Dubié, nous sommes surpris que ni le Gouvernement ni la majorité n’aient présenté un amendement de suppression de l’article 79. Est-ce à dire que l’engagement qu’avait pris le Premier ministre dans l’hémicycle ne compte pas ? La preuve de l’inverse serait donnée en votant à l’unanimité ces amendements de suppression de l’article.
M. Pierre Dharréville. La mesure prévue à l’article 79 est incompréhensible. Cette proposition de Mme la ministre du travail devait permettre au Gouvernement de réaliser, en 2020, 310 millions d’euros d’économies sur l’aide à domicile des personnes de plus de 70 ans. Celui-ci a finalement décidé de rétropédaler face au mécontentement des acteurs de l’aide à domicile. L’amendement II-AS61 tend à traduire cet engagement du Gouvernement en acte, perspective sur laquelle nous ne pourrons qu’être tous d’accord, je pense.
M. Dominique Da Silva. Nous soutenons ces amendements, puisqu’ils concrétisent la promesse du Premier ministre. Quant aux 115 millions d’euros restant à trouver, nous proposerons d’autres pistes.
M. Bernard Perrut. On peut certes être surpris que le Gouvernement n’ait pas réagi alors qu’il avait pris un engagement. Sans doute est-ce pour donner l’occasion aux parlementaires de prendre à l’unanimité une décision saine et utile, dans l’intérêt de nos concitoyens. De fait, la mesure initialement prévue n’avait pas de sens ; elle était préjudiciable au niveau et à la qualité de vie de nos aînés. Remercions donc le Gouvernement de nous permettre d’adopter tous ensemble ces amendements !
La commission adopte les amendements à l’unanimité, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 79.
Article 80 : Recentrage de l’aide aux créateurs et repreneurs d’entreprises sur son public cible
La commission examine l’amendement II-AS76 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a mis en place un dispositif d’année blanche de cotisations pour les créateurs d’entreprises. Dans le cas particulier des micro-entrepreneurs, elle a étendu cette possibilité d’exonération d’un an à trois ans, de manière dégressive. Dans la LFSS 2019, nous avons étendu le dispositif au régime agricole. Or, sans évaluation ni justification autre qu’un potentiel effet d’aubaine, que la ministre vient d’évoquer, le Gouvernement décide de supprimer cette mesure entrée en vigueur il y a seulement neuf mois.
Une telle suppression ne se justifie pas. D’abord, il s’agit d’une simple faculté, ouverte par voie réglementaire. Libre donc au Gouvernement de la supprimer ou de la modifier par décret si un effet d’aubaine est effectivement constaté. Ensuite, on connaît les difficultés à passer le cap de la première année pour les nouvelles entreprises. Enfin, un nouveau cadre, dont l’encre est à peine sèche, ne mérite pas d’être supprimé avant d’avoir été pleinement appliqué. Cet amendement propose donc de maintenir la disposition en vigueur.
M. Dominique Da Silva. Les micro-entreprises bénéficient déjà d’avantages par rapport à d’autres formes de sociétés. Il serait préférable d’appliquer le droit commun, afin que toutes les entreprises soient logées à la même enseigne. Je suis défavorable à l’amendement.
M. Stéphane Viry. J’attendais avec curiosité la réaction du groupe majoritaire ! On nous explique depuis deux ans que l’entreprenariat est la solution économique : nous avons voté la loi « PACTE », relative à la croissance et la transformation des entreprises, et tout est fait pour pousser l’entrepreneuriat. Pour certains, cela passe par le palier de la micro‑entreprise, qu’il faut accompagner par des dispositifs spécifiques de consolidation. Ceux-ci existent depuis des années ; ceux qui veulent s’engager les connaissent et ceux qui les conseillent également. La décision du Gouvernement est donc à contre-courant et infondée. Elle est même contraire à l’esprit économique de la majorité.
Je soutiens cet amendement et j’invite nos collègues de la majorité à le voter.
M. le rapporteur pour avis. J’ajoute que la majorité a soutenu deux fois le dispositif : elle a voté sa création, puis l’a étendu l’an passé au régime agricole...
La commission rejette l’amendement.
Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 80, sans modification.
Après l’article 80
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AS31 de M. Francis Vercamer.
Elle passe à l’amendement II-AS77 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit un rapport sur l’activité et les moyens du Haut Conseil du dialogue social. Sans explication, le Gouvernement mentionne la suppression de cette instance dans une annexe budgétaire au projet de loi de finances pour 2020, mais cette suppression n’est pas précisée dans le projet annuel de performances de la mission Travail et emploi. Il n’apparaît pas de bonne méthode de supprimer une instance sans concertation ni évaluation préalable, surtout à la veille d’un nouveau cycle de mesure de la représentativité syndicale et patronale. Si le Haut Conseil a peu siégé cette année, c’est qu’il n’y avait pas d’élections, ni syndicales ni patronales !
M. Dominique Da Silva. Nous sommes défavorables. Vous ne pouvez pas proposer un rapport d’évaluation à chaque fois que vous n’êtes pas d’accord avec la majorité. Ce n’est pas raisonnable.
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement II-AS78 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit à nouveau d’une demande de rapport. Monsieur Da Silva, nous ne pouvons pas faire autrement en raison des dispositions de l’article 40 de la Constitution. En l’espèce, ce rapport porterait sur le financement des contrats d’apprentissage dans les collectivités territoriales.
Grands oubliés de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les apprentis du secteur public local sont directement pénalisés par le cadre issu de la loi de transformation de la fonction publique. Désormais, ces contrats d’apprentissage seront financés par le CNFPT, sur une enveloppe fléchée vers les agents publics locaux, et par les collectivités territoriales. Or de nombreuses communes ne sont pas en situation d’assurer ce rôle. Le coût, de 7 000 à 8 000 euros, est exorbitant pour une petite commune, et j’ai reçu de nombreux courriers de communes qui ne vont plus pouvoir employer d’apprentis.
Cet amendement propose donc la transmission au Parlement d’une évaluation du coût de la réforme pour les collectivités territoriales et des conséquences pour le CNFPT, qui voit ses fonds consacrés aux agents locaux fondre comme neige au soleil.
M. Dominique Da Silva. Défavorable pour les raisons précédemment évoquées.
La commission rejette l’amendement.
M. Francis Vercamer. L’article 51 du PLF concerne le contrat à durée déterminée d’usage. J’avais déposé des amendements, mais nous ne nous sommes pas saisis de cet article. Il n’est pas rattaché à la mission Travail et emploi bien que le sujet soit de la compétence de notre commission.
La séance est levée à vingt-et-une heures cinq.
————
Réunion du mardi 29 octobre 2019 à 18 heures
Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Véronique Hammerer, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thierry Michels, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bernard Perrut, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Francis Vercamer, M. Philippe Vigier, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. – Mme Justine Benin, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal
Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas