Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

  Examen, conjoint avec les commissions des affaires économiques, des affaires sociales, des finances, des lois et du développement durable, du rapport de la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis (M. Jean‑Baptiste Moreau, rapporteur général)              2

 

 

 


Lundi
28 juin 2021

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 64

session ordinaire de 2020-2021

Co-Présidence de :

M. Bruno Studer,
Président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Roland Lescure,

Président de la commission des affaires économiques

Mme Fadila Khattabi,

Présidente de la commission des affaires sociales

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie,

Présidente de la commission du développement durable

Mme Yaël Braun-Pivet,

Présidente de la commission des lois

et de Mme Cendra Motin,

Vice-présidente de la commission des finances

 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Lundi 28 juin 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Co-Présidence de MM. Bruno Studer,  Roland Lescure, Mmes Fadila Khattabi,
Laurence Maillart-Méhaignerie, Yaël Braun-Pivet, et Cendra Motin)

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La Commission examine, conjointement avec les commissions des affaires économiques, des affaires sociales, des finances, des lois et du développement durable, le rapport de la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis (M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur général).

 

M. le président Roland Lescure. Qu’ils aient été élus ou non, je tiens à féliciter, en préambule, toutes celles et tous ceux qui se sont investis dans la campagne pour les élections régionales, lesquelles ont été marquées par une abstention historique. Ce fait très important doit tous nous interpeller.

Nous sommes réunis pour dresser le bilan d’un travail parlementaire que l’on peut qualifier de hors normes. Le projet de créer une mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis a été lancé au printemps 2019 par Jean-Baptiste Moreau et moi-même, mais plusieurs mois se sont écoulés avant sa mise en œuvre, notamment parce que six des huit commissions permanentes ont souhaité s’associer à ses travaux, et ce pour des raisons légitimes : la commission des affaires économiques, la commission des affaires culturelles, en raison des enjeux éducatifs très importants liés à cette question, la commission des affaires sociales, l’usage du cannabis ayant des implications en matière de santé et de prévention, la commission des lois, en raison de la dimension régalienne du problème, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et la commission des finances.

Ainsi cette mission d’information compte-t-elle 33 membres, dont moi-même. Créée en janvier 2020, elle est présidée par Robin Reda. Jean-Baptiste Moreau, son rapporteur général, est également chargé de la thématique cannabis thérapeutique tandis que Caroline Janvier et Ludovic Mendes se sont plus particulièrement intéressés, en tant que rapporteurs thématiques, l’une au cannabis récréatif, l’autre au cannabis bien-être.

Les travaux de la mission ont duré dix-huit mois, soit six mois de plus que prévu, du fait de la crise de la covid-19. Si nous avons pu organiser des auditions à distance, nous avons été empêchés de nous rendre sur le terrain, notamment dans ma circonscription, où des expériences en tous genres se multiplient, que ce soit au Canada ou aux États-Unis. La durée de cette mission se justifie, par ailleurs, par l’importance du travail accompli, qui est, je le dis au nom des autres présidents de commission permanente, phénoménal.

Trois rapports d’étape ont été publiés et nous sommes réunis pour examiner le rapport final, qui en est la compilation : le premier, de Jean-Baptiste Moreau, porte sur l’usage thérapeutique du cannabis ; le deuxième, de Ludovic Mendes, a trait au chanvre dit bien-être ou CBD et le troisième, de Caroline Janvier, est consacré au cannabis récréatif. Je suis très fier du travail accompli : ces trois rapports fouillés permettent de poser les questions en termes argumentés, précis, et d’engager le débat sur des bases solides, sachant que le sujet est clivant et qu’il suscite des réactions passionnées, voire passionnelles. Je me réjouis que nous ayons pu dépasser la simplification à outrance qui consiste à résumer ce débat à la question : pour ou contre la légalisation ? En effet, madame, messieurs les rapporteurs, vous avez fait œuvre de pédagogie, qu’il s’agisse des différents usages du cannabis ou de ses enjeux sanitaires, sécuritaires, économiques et fiscaux.

Cette mission est également hors normes en ce qu’elle s’est accompagnée d’une consultation citoyenne qui a battu tous les records puisque, organisée en début d’année, elle a suscité plus de 250 000 contributions en ligne – vous en évoquerez sans doute les résultats.

En regardant ce rapport, je pense à Astérix et Cléopâtre, cette bande dessinée fantastique dont la première page détaille notamment le nombre de litres d’encre de Chine, de pinceaux, de feuilles de papier et de litres de bière que les deux auteurs, Uderzo et Goscinny, ont dû consommer pour mener à bien leur entreprise ! Je ne veux pas savoir, madame, messieurs les rapporteurs, ce que vous avez consommé pour produire ce travail, mais je vous dis bravo pour sa qualité !

M. Robin Reda, président de la mission d’information. Je m’en tiendrai à un propos général, non seulement parce que je laisserai les rapporteurs exposer la substantifique moelle de leurs travaux respectifs, mais aussi parce que chaque rapport d’étape a été présenté à la presse et a donné lieu à un débat, voire, parfois, à des polémiques.

Je salue à mon tour le caractère exceptionnel de cette mission d’information commune. Exceptionnelle, elle l’est d’abord par sa forme, puisqu’elle réunit six commissions permanentes dont certaines n’étaient peut-être pas naturellement enclines à se pencher sur la question du cannabis. Lorsque j’étais membre de la commission des lois, j’avais moi-même souhaité, avec Éric Poulliat, dans le cadre de notre rapport sur la création de l’amende forfaitaire délictuelle en matière d’usage de stupéfiants, que cette question fasse l’objet d’une réflexion approfondie ; d’autres l’avaient évoqué sous l’angle sanitaire et économique. Au demeurant, il n’était pas naturel de parler du cannabis à l’Assemblée nationale, mais nous avons imposé ce débat inédit sans préjugés, en l’abordant avec méthode et distance.

En dix-huit mois, notre mission d’information a organisé 75 auditions qui lui ont permis d’entendre 226 personnes sur trois thématiques : le cannabis thérapeutique, l’Assemblée ayant adopté de manière assez œcuménique, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, le principe d’une expérimentation de son utilisation pour le traitement de douleurs liées à des pathologies graves ; le cannabis dit bien‑être ou CBD, qui soulève le problème juridique de la mise en vente de produits composés de cannabidiol, une substance non psychotrope de la plante de chanvre ; enfin, le cannabis dit récréatif, qui suscite évidemment davantage de débats et de polémiques que les thématiques précédentes.

Du reste, je le dis avec quelques regrets, les travaux de notre mission se sont achevés avec la publication, fin avril, du troisième rapport d’étape, qui a suscité, comme nous le redoutions, simplifications et caricatures. Ce disant, je ne vise aucun groupe en particulier car le débat traverse toutes les familles politiques, au-delà des clivages traditionnels. Si personne n’a d’avis arrêté sur la question, certains ont néanmoins des idées préconçues. Le rapport atteste en tout cas que nous avons travaillé avec méthode et froideur.

Nous avons ainsi laissé passer un peu de temps entre la publication de ce troisième rapport d’étape et l’examen du rapport final, qui mérite d’être étudié à tête reposée. A ce propos, je veux rendre hommage au rapporteur général, Jean-Baptiste Moreau, avec qui nous avons travaillé de manière très étroite et en confiance, ainsi qu’aux rapporteurs thématiques, Ludovic Mendes et Caroline Janvier, sans oublier notre ancienne collègue Emmanuelle Fontaine-Domeizel, qui suivait de près la question du cannabis thérapeutique, et ceux des membres de la mission qui ont été particulièrement actifs : Michèle Victory, Michèle de Vaucouleurs, Moetai Brotherson et Éric Pauget.

À titre personnel, j’ai été très heureux de présider cette mission d’information et de participer à un débat qui doit désormais se poursuivre hors des murs de l’Assemblée nationale et qui, grâce à ce rapport, pourra se dérouler de manière sereine, apaisée et méthodique. Sur le terrain, les Français attendent que nous proposions des solutions concrètes non seulement, bien entendu, au problème de la consommation de cannabis – puisque la France est, dans ce domaine, au premier rang des pays européens et que les trafics y sont, hélas, très prospères – mais aussi à la question, plus rassembleuse, du cannabis thérapeutique, qui offre des perspectives intéressantes pour améliorer la prise en charge des douleurs de certains patients.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur général de la mission d’information. Je suis très heureux de vous présenter le rapport final de notre mission d’information commune, qui marque l’aboutissement d’un travail très étroit mené avec l’ensemble des membres de la mission ainsi qu’avec son président et ses rapporteurs thématiques, Caroline Janvier et Ludovic Mendes. Je tiens à saluer à mon tour Emmanuelle Fontaine-Domeizel, qui a beaucoup travaillé sur le volet consacré au cannabis thérapeutique, que je vais vous présenter dans un instant, et François-Michel Lambert, qui a également été très assidu à nos auditions.

Au cours des dix-huit mois qu’ont duré nos travaux, nous avons mené, cela a été dit, 75 auditions qui nous ont permis d’entendre plus de 226 personnes. Les membres de la mission, issus de tous les groupes politiques, ont travaillé collectivement à appréhender le cannabis de la manière la plus pragmatique et la plus dépassionnée possible, loin des postures idéologiques et dogmatiques, afin de réfléchir à une évolution réglementaire qui tienne compte des enjeux sociaux et économiques, de santé et de sécurité publique liés à l’usage de cette substance.

Notre constat global est que la France est à la traîne dans ce domaine et qu’elle s’en tient même, s’agissant de certains usages, à des positions totalement anachroniques.

L’expérimentation du cannabis thérapeutique a été lancée pendant les travaux de notre mission d’information. Elle a en effet débuté le 26 mars, avec l’admission du premier patient au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, sous la responsabilité du professeur Authier, qui a été pour beaucoup dans l’élaboration du protocole d’expérimentation. Actuellement, les patients sont répartis, en fonction de leur pathologie, en cinq groupes : le premier compte 750 patients souffrant de douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies ; le deuxième regroupe 500 patients atteints de certaines formes d’épilepsie pharmaco-résistantes ; le troisième compte 500 patients présentant certains symptômes rebelles liés à des cancers ou à des traitements anticancéreux ; le quatrième regroupe 500 patients en soins palliatifs ; enfin, le cinquième rassemble 750 patients suivant des traitements contre la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques et souffrant d’autres pathologies du système nerveux central. Le ministre de la santé, avec qui nous avons pu en discuter, envisage, compte tenu de la demande des patients et de médecins, d’étendre très rapidement l’expérimentation à d’autres pathologies et d’augmenter sensiblement le nombre des patients concernés, avant une éventuelle généralisation si le cannabis s’avère utile dans le traitement de ces pathologies.

Dans un deuxième temps, nous nous sommes efforcés d’appréhender de manière pragmatique, scientifique et médicale, grâce à de multiples auditions, la question du cannabidiol (CBD) – l’un des cannabinoïdes extraits du chanvre. Celui-ci n’a pas forcément un effet thérapeutique avéré, mais il peut soulager les patients souffrant de certaines pathologies : c’est ce que l’on appelle le chanvre bien-être. En la matière, les derniers rebondissements jurisprudentiels nous obligent à avancer sur le volet de la réglementation. Cependant, la question est particulièrement ardue, tant le CBD est perçu par une grande partie de notre classe politique et dirigeante comme une drogue. Cette posture, à défaut d’être politique, est erronée et infondée.

En effet, dans un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu en novembre 2020, la jurisprudence européenne estime que le CBD est dénué de caractère psychotrope. Du reste, il n’est plus considéré comme une drogue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De fait, il ne présente aucun risque pour la santé publique ; il a pour seul effet une relaxation musculaire. Combien de temps allons-nous donc continuer à en faire la victime collatérale du cannabis récréatif ? Nombreux sont les consommateurs qui vantent les bienfaits de cette molécule qui contribue à apaiser leur stress et leur anxiété ou à soulager leurs douleurs articulaires. Pourtant, la France s’oppose toujours à la production et à la fabrication sur son territoire de produits à base de CBD, ce qui semble pour le moins anachronique. Du reste, il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation rendu la semaine dernière que la France devrait autoriser la fabrication et la commercialisation de tels produits, y compris des fleurs de chanvre – Ludovic Mendes y reviendra plus en détail.

Nos voisins européens produisent déjà du CBD, que la France importe de manière légale en grande quantité. Mais nos producteurs ne peuvent pas en produire et nos industriels ne peuvent pas l’extraire de la fleur de chanvre. La situation est totalement ubuesque ! L’arrêté de 1990 qui classe cette molécule en tant que stupéfiant doit donc être modifié ; nous espérons qu’il le sera le plus rapidement possible.

Enfin, Caroline Janvier était chargée du volet consacré au cannabis récréatif, que nous avons voulu traiter en dernier car nous nous doutions que son retentissement médiatique phagocyterait les autres thématiques – ce qui n’a pas manqué de se produire, qui plus est à un moment où l’actualité n’était pas favorable. Au début de nos travaux, nous n’avions pas d’idée préconçue ; désormais, beaucoup d’entre nous sont convaincus qu’il faut évoluer également dans ce domaine.

Quoi qu’il en soit, nous sommes actuellement dans une impasse : la France est à la fois le pays d’Europe le plus répressif en la matière et le plus gros consommateur de cannabis. On peut toujours persévérer dans cette voie et affecter toujours davantage de policiers à la lutte contre la consommation et le trafic de cannabis. Certes, il s’agit d’une drogue, dangereuse pour la santé publique, notamment pour les plus jeunes, mais force est de constater que nous sommes en situation d’échec puisque 1 million de Français reconnaissent fumer quotidiennement du cannabis ! Soit on continue à fermer les yeux, à se boucher les oreilles et à faire semblant de lutter contre le trafic, soit on essaie d’adopter une réglementation enfin efficace. La plupart des pays évoluent dans ce domaine. Aux États-Unis, par exemple, une loi fédérale visant à légaliser le cannabis est sur le point d’être adoptée.

Légaliser, ce n’est pas autoriser tout et n’importe quoi ; c’est encadrer, permettre à l’État de jouer son rôle de régulateur, interdire la consommation aux mineurs et traquer les trafiquants. Ceux-ci ne disparaîtront évidemment pas, mais si on ne lutte plus que contre 40 % du trafic actuel, on peut être plus efficace.

En conclusion, je remercie l’ensemble des membres de la mission d’information commune, son président, Robin Reda, ainsi que les présidents des commissions permanentes, qui ont permis sa création. Nous avons bien bossé, en mettant de côté les idées reçues, pour réaliser une étude objective et ainsi permettre une discussion rationnelle. C’est pourquoi nous sommes un peu agacés lorsqu’on nous oppose une prétendue sagesse populaire qui ne repose sur aucun argument scientifique ni aucune réflexion et qui ne correspond pas à la réalité.

M. Ludovic Mendes, rapporteur thématique. Le chanvre, plante aux multiples facettes, est étonnamment peu connu. En dépit d’une histoire multiséculaire, il conserve une image attachée à celle, controversée, de son principe stupéfiant, le tétrahydrocannabinol (THC), qui focalise le débat public sur son utilisation à des fins thérapeutiques ou récréatives. Dès lors, il n’est guère étonnant que l’usage des composantes non stupéfiantes du chanvre, parmi lesquelles on dénombre une bonne centaine de cannabinoïdes, soit difficile à appréhender de manière sereine et objective.

Présenté parfois comme du cannabis légal ou light, le cannabidiol est victime de son succès foudroyant auprès de consommateurs à la recherche de produits de bien-être naturel. Cette molécule, qui est tout aussi soutenue qu’elle est décriée par ceux qui n’y voient qu’un marché lucratif incontrôlé, fait l’objet de commentaires approximatifs et souvent erronés quant à ses effets et au régime juridique qui lui est applicable. Aussi la mission d’information a-t-elle souhaité faire œuvre de pédagogie dans son rapport d’étape sur le chanvre bien-être, publié en février dernier. Ses travaux ont permis de rappeler que s’il est impossible d’extraire du CBD de manière naturelle sans observer des traces de THC, les principes actifs de la molécule, essentiellement relaxants, n’ont aucun effet stupéfiant.

S’agissant du cadre réglementaire, nous avons souligné l’extrême fragilité des interdictions énoncées dans l’arrêté ministériel du 22 août 1990, toujours applicable à l’heure actuelle, et appelé le Gouvernement à faire preuve d’audace en allant au-delà de ce qu’impose la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Kanavape du 19 novembre 2020.

Nous estimons en effet qu’il est temps d’impulser la création d’une filière française de production du chanvre bien-être en autorisant la culture et l’exploitation de la fleur de chanvre en deçà de teneurs en THC situées entre 0,6 % et 1 %, en fixant pour chaque catégorie de produit fini un seuil de THC intégrant le niveau de toxicité lié à son ingestion et en renforçant les garanties offertes au consommateur en matière de contrôle des produits et de transparence des informations fournies.

Au regard de ces préconisations, les annonces effectuées par le cabinet du Premier ministre le 25 mai dernier sont décevantes. La France serait disposée à autoriser la culture et l’exploitation de la fleur de chanvre ainsi que la commercialisation de produits finis contenant du CBD, mais aucun relèvement du taux de THC autorisé en culture, actuellement de 0,2 %, ne serait envisagé. Par ailleurs, selon les informations disponibles, une teneur unique en THC de 0,2 % serait appliquée aux produits finis sans qu’une distinction soit opérée selon le mode d’ingestion du produit. Enfin, la vente des fleurs séchées resterait interdite.

Ces orientations, si elles étaient confirmées, traduiraient à la fois un manque d’ambition de la part du Gouvernement et, surtout, son absence de considération pour les travaux effectués par les parlementaires de façon transpartisane.

Je rappelle à cet égard qu’en maintenant un taux très bas, notre pays donne indirectement un avantage à ses concurrents, qui pourront désormais introduire sur le marché français des produits finis contenant du CBD issu de variétés de chanvre plus riches en THC, alors qu’autoriser un taux de THC en culture supérieur à 0,6 % permettrait à la France de se positionner parmi les pays les plus avancés au niveau européen en matière de diversité variétale.

Je rappelle également que le taux retenu, 0,2 %, constitue un handicap pour les outre-mer, les contraintes climatiques de ces territoires n’étant guère compatibles avec une teneur en THC aussi faible.

Par ailleurs, un tel taux rendra d’autant plus difficile la mise en œuvre de contrôles performants des fleurs en circulation, les tests de détection instantanée actuellement disponibles étant peu fiables en présence de faibles teneurs de THC, ce qui est paradoxal au regard de l’objectif de sécurité publique affiché par le Gouvernement.

J’ajoute que le choix d’une teneur maximale unique dans les produits finis, qui ne tient pas compte du degré de risque toxicologique propre à chaque catégorie, expose la France à de nouveaux risques contentieux au niveau de l’Union européenne, dans la mesure où la Cour de justice de l’Union européenne impose aux États membres, dans son arrêt Kanavape, de légitimer par de seules considérations de santé publique les éventuelles restrictions à l’importation de produits finis contenant du CBD.

En outre, la réglementation française comporte de multiples facilités, en particulier celle liée au statut de produit à fumer à base de plantes autres que le tabac, qui permettent de rassurer le consommateur quant à l’innocuité des produits au CBD, fleurs comprises.

Enfin, le choix opéré ne règle pas certaines questions connexes mais essentielles, notamment celle de la sécurité routière, dès lors qu’il sera possible pour un consommateur de CBD d’être sanctionné au même titre qu’un fumeur de cannabis récréatif.

Le récent arrêt, en date du 23 juin dernier, de la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l’extrême fragilité juridique de la position du Gouvernement sur la fleur de cannabis au regard des principes posés par la jurisprudence européenne. En appliquant aux sommités florales le raisonnement tenu par la Cour de justice de l’Union européenne sur les produits transformés, le juge national invite les autorités françaises à prendre en considération les législations en vigueur dans les autres États membres de l’Union européenne et exclut désormais toute restriction de commercialisation qui ne serait pas fondée sur un risque de santé publique préalablement documenté.

D’un point de vue plus général, nous appelons le Gouvernement à profiter des opportunités offertes par le droit de l’Union européenne pour progresser dans la voie d’une harmonisation des réglementations applicables au CBD et à essayer d’obtenir, au travers de la procédure dite des nouveaux aliments – ou « novel food » –, un avantage comparatif pour les produits français sur le marché européen.

Mme Caroline Janvier, rapporteure thématique. Je remercie M. le président de la mission d’information, ainsi que M. le rapporteur général, des conditions dans lesquelles nous avons travaillé. Le sujet est sensible et complexe. Nous n’avons pas ménagé notre peine, chacun dans son rôle, pour l’aborder avec rationalité, comme il convient de le faire.

S’agissant de la méthode, il nous a semblé que l’approche idéologique du cannabis pénalise le débat. Depuis 50 ans, elle est privilégiée, au détriment d’une autre, fondée sur les faits, les données et les expertises. Nous avons essayé, au cours de ces longs mois de travaux, d’adopter la seconde, dans un esprit transpartisan.

S’agissant du contenu, l’élaboration du rapport sur le cannabis récréatif s’est déroulée trois étapes. D’abord, nous avons dressé le bilan de la politique publique en la matière menée en France depuis la promulgation de la loi du 31 décembre 1970. Ensuite, nous l’avons comparé à celui obtenu dans d’autres pays, au sein de l’Union européenne (UE) et en Amérique du Nord, notamment au Canada, ainsi que dans certains États américains. Enfin, nous avons formulé plusieurs propositions et exploré plusieurs pistes pour construire un modèle français, car il faut tenir compte des données et des objectifs spécifiques à chaque pays.

Constatons d’abord qu’en France, depuis cinquante ans, la puissance publique ne ménage pas sa peine pour lutter contre la drogue, notamment le cannabis. Chaque année, plus d’un milliard d’euros sont consacrés à la répression du trafic de drogue et surtout de son usage. La répression de l’usage de drogue s’accentue et concentre les efforts des forces de l’ordre. Elle représente 80 % des interpellations. La lutte contre le trafic, plus complexe et plus longue, ne donne pas toujours les résultats escomptés. Souvent, un trafic démantelé se reconstitue rapidement, parfois en quelques heures. Chaque année, près d’un million d’heures de travail sont consacrées à la lutte contre le trafic et surtout l’usage du cannabis ; pourtant, les Français en sont les plus gros consommateurs en Europe, et leur consommation augmente. Nous occupons aussi, malheureusement, la première place s’agissant de la consommation des jeunes, notamment parmi les jeunes de seize ans, qui présentent une consommation deux fois supérieure à la moyenne de l’UE.

Ainsi, la politique suivie en France ne fonctionne pas sur le plan sanitaire. Nous ne parvenons pas à faire baisser la consommation de cannabis, ni à protéger les jeunes. Or les moins de vingt-cinq ans sont particulièrement vulnérables face à la consommation de cannabis, qui induit chez eux des risques certains de développement de troubles psychiatriques et cognitifs, ainsi que des difficultés de concentration et de mémorisation, favorisant le décrochage scolaire, car leur cerveau n’est pas complètement formé. Ces usagers doivent être protégés en priorité. Le cadre prohibitif ne le permet pas. Si vous savez que consommer du cannabis vous rend passible d’une peine d’emprisonnement d’un an, il vous est difficile de vous adresser à des associations et à des professionnels susceptibles d’aider à diminuer votre consommation et de vous accompagner.

Forts de ce constat, nous sommes allés voir ce qui se passe dans d’autres pays. Je citerai trois exemples. Au Portugal, les autorités ont considéré, il y a plus de vingt ans, qu’il valait mieux mettre l’accent sur la santé davantage que sur la répression. En dépénalisant la consommation de toutes les drogues, elles ont réussi à diviser par deux la consommation d’héroïne. La consommation de cannabis, au Portugal, est trois fois inférieure à ce qu’elle est en France. Certains États américains ont opté pour une légalisation du cannabis faiblement régulée, la puissance publique confiant à des opérateurs privés le soin d’organiser sa production, sa transformation et sa distribution. Ce modèle, malheureusement, n’obtient pas toujours de bons résultats en matière de santé publique, s’agissant notamment de la diminution de la consommation parmi les jeunes. Le Canada, au contraire, a la santé publique pour objectif premier. Les autorités ont réussi à faire baisser la consommation parmi les jeunes âgés de quinze à dix-sept ans, en adoptant une légalisation du cannabis encadrée par des contrôles, de sa production à sa distribution.

Ces travaux nous ont permis d’aborder plusieurs sujets et de réfléchir à la façon dont nous pourrions, en France, si nous faisons le choix de la légalisation encadrée, définir un cahier des charges très précis de la production de cannabis, notamment en réglementant et en contrôlant sa teneur en THC, en contrôlant les points de vente grâce à la distribution de licences à des opérateurs privés, en repérant les consommations qui posent problème en raison de leur régularité et de la concentration élevée des produits en THC et surtout en contrôlant
– aucun dealer ne le fait – l’âge du consommateur.

Tout cela nous permet de proposer une légalisation encadrée et régulée du cannabis, pour que nous passions d’une situation dans laquelle le marché est contrôlé par des réseaux criminels, qui s’adonnent aussi au trafic d’armes et parfois au proxénétisme, à une situation dans laquelle l’État établit un contrôle des substances consommées pour diminuer les risques associés, contrôle l’âge des consommateurs et fait respecter l’interdiction de vente aux mineurs. L’exemple du Canada, où vendre du cannabis à un mineur est passible d’une peine d’emprisonnement de quatorze ans, démontre que la légalisation du cannabis n’exclut pas la répression renforcée des actes particulièrement risqués.

Je ne développe pas davantage ce sujet complexe et invite chacun à lire le rapport d’information que j’ai rédigé. Nous avons constaté que le débat sur le cannabis est émaillé d’idées reçues et souffre de la confusion entre sa légalisation et sa banalisation, voire sa promotion, qui ne sont ni l’une ni l’autre l’objet de nos travaux. J’invite chacun à se pencher de près sur ce sujet, qui mérite que l’on s’y intéresse.

Mme Cendra Motin, présidente. Merci mes chers collègues. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes.

Mme Huguette Tiegna (LaREM). Je félicite nos collègues rapporteurs de ces rapports d’information, portant sur des sujets qui intéressent nos concitoyens.

La réglementation des usages du cannabis a largement évolué au cours des dix dernières années, en France comme ailleurs. L’Assemblée nationale s’est saisie du sujet en constituant en son sein, au début de l’année 2020, une mission d’information sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis. Composée de membres de la majorité et de l’opposition, elle vise un double objectif : proposer un état des lieux et analyser les enjeux des divers usages du cannabis – thérapeutique, bien-être et récréatif – et de la filière chanvre. Les travaux de cette mission d’information méritent d’être unanimement salués. Ils apportent une contribution précieuse à un sujet trop peu étudié. Je remercie particulièrement M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur général, ainsi que Mme Caroline Janvier et M. Ludovic Mendes, rapporteurs thématiques, de leur implication.

La France a du retard sur ses voisins européens en matière de cannabis thérapeutique. L’expérimentation prévue en janvier 2020 a pris du retard en raison de la crise sanitaire. Très attendue par les patients, les professionnels de santé et les acteurs agricoles, elle est nécessaire pour permettre à terme un encadrement de cet usage. Nous dressons le même constat s’agissant du cannabis bien-être, au sujet duquel la législation française entretient un flou. La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 juin 2021, a conclu que la commercialisation de produits comportant certaines molécules de cannabis, dont la libre circulation est autorisée au sein de l’UE, n’est pas illicite.

Dans ce contexte, ces considérations méritent d’être approfondies. Quel rôle le Parlement peut-il jouer pour accompagner le plus efficacement possible la réflexion sur la réglementation des usages du cannabis tout en répondant aux attentes de nos concitoyens ?

M. Jean-Pierre Door (LR). Je remercie M. le président de la mission d’information ainsi que Mme et MM. les rapporteurs. Les rapports, qui portent sur un sujet important, sont vastes et riches. Membre de la mission d’information, je dois admettre que je n’ai guère participé à ses travaux.

S’agissant du cannabis thérapeutique, nous sommes passés des paroles aux actes en adoptant, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, un amendement prévoyant son expérimentation. Le groupe Les Républicains l’a voté à l’unanimité. Sur le plan médical, l’utilisation du cannabis thérapeutique est nécessaire. Nous avons pris beaucoup de retard. Il faut l’autoriser de façon encadrée. L’expérimentation est menée dans plusieurs centres hospitaliers universitaires (CHU), notamment Clermont‑Ferrand, pour certaines pathologies hyperalgiques relevant de la fin de vie et de la carcinologie, ainsi que pour la sclérose en plaques, parmi d’autres. Sans attendre ses résultats, je crois pouvoir dire que le cannabis thérapeutique, dont M. le rapporteur général a eu raison de rappeler que son usage est bénéfique, sera utilisé à l’avenir.

S’agissant du cannabis récréatif, j’ai peut-être des idées préconçues, mais je ne ferme ni les yeux ni les oreilles, pas davantage que notre collègue Caroline Janvier, et il m’est difficile d’en approuver l’usage. Même s’ils ne sont sans doute pas majoritaires, certains membres du groupe Les Républicains s’inquiètent de ce qu’ils considèrent comme une tentative de légalisation d’une drogue très consommée par la jeunesse française, qui est à la première place en Europe sur ce point. L’organisation de la distribution du cannabis et la création de recettes fiscales évoquées par notre collègue Janvier rappellent un peu la proposition de loi relative à la légalisation contrôlée de la production, de la vente et de la consommation de cannabis, présentée par M. François-Michel Lambert il y a quelques semaines.

Or nul n’ignore que, si nous autorisons la consommation, même à faible dose, de cannabis ou même de CBD, les jeunes franchiront très vite la ligne rouge et passeront à autre chose. Derrière la jeunesse, il y a des trafiquants, qui l’amèneront très vite à la consommation de drogues bien plus dures que le cannabis. Je rappelle la mise en garde formulée par l’Académie nationale de médecine à ce sujet : l’usage du cannabis est associé à des troubles psychiques tels que la schizophrénie, dont le taux d’incidence est plus élevé parmi les consommateurs de cannabis que dans la population générale. L’Académie nationale de médecine a le devoir de rappeler que la consommation de cannabis ne doit pas être banalisée.

J’ai bien compris que Mme Janvier évoque une légalisation contrôlée, mais comment peut-on contrôler et réguler la consommation de la jeunesse, dont chacun sait qu’elle est malheureusement la cible de trafiquants qui l’amèneront très vite à la consommation de drogues dures ? Tel sera également le cas dans les quartiers difficiles, ainsi que parmi les gens plus âgés et plus responsables. Une part importante, quoique non majoritaire, du groupe Les Républicains est opposée à la légalisation du cannabis, fût-elle régulée et contrôlée.

M. Philippe Latombe (Dem). Je remercie sincèrement Mme et MM. les rapporteurs de la qualité des rapports d’étape sur le cannabis thérapeutique, le CBD et le cannabis récréatif. Elle donne une image fidèle de la bonne tenue des travaux que nous avons menés au sein de la mission d’information sur la réglementation et sur les impacts des différents usages de cannabis. Commune à six des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale, ce qui constitue un record, elle illustre l’importance prise par l’enjeu du cannabis. Ces trois rapports démontrent que nous commençons à disposer d’un état des lieux très précis de la consommation des cannabinoïdes en France, qui en couvre tout le spectre.

Je m’interroge sur le lien entre CBD et cannabis récréatif. D’après la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MIDELCA), plus de 25 % des 18-25 ans déclarent avoir eu recours à du cannabis au cours de la dernière année. Le cannabis est la première substance illicite consommée par les adolescents. Toutefois, si quatre adolescents de dix-sept ans sur dix ont déjà fumé un joint, cette proportion est en légère baisse depuis 2014. À cette date, la France figurait au premier rang européen en matière de consommation de cannabis des adolescents de quinze ans ; elle figure désormais au dixième rang. Nous connaissons tous les effets du cannabis sur le développement cérébral. L’ampleur de cette consommation adolescente, indépendamment du débat sur la légalisation de l’usage récréatif du cannabis, doit nous inquiéter.

Depuis plusieurs mois, nous observons un essor du CBD. Contrairement au cannabis traditionnel, qui reste illicite, il est dépourvu d’effets psychotropes. Le rapport de la mission d’information à ce sujet préconise de lever encore davantage les freins à ce commerce, ce qui soulève deux questions. À quel point la consommation de CBD se substitue-t-elle à la consommation de cannabis ? Autrement dit, une canette de CBD remplace-t-elle un joint ? Par ailleurs, le CBD peut-il amener à la consommation de cannabis des gens qui n’en aurait pas consommé spontanément – de telles craintes ont été suscitées par la cigarette électronique en matière de tabagisme ?

Mme Michèle Victory (SOC). Avec 1,5 million de consommateurs réguliers de cannabis, la France figure sur le podium des pays les plus touchés par le cannabis en Europe. Parmi les jeunes, la tendance est identique : quasiment un jeune de dix-sept ans sur deux a déjà expérimenté le cannabis. Ce phénomène cristallise les contradictions de notre société, où de nombreux interdits coexistent avec de nombreuses attitudes de transgression.

Les travaux de la mission d’information, dont je suis vice-présidente, ont duré plusieurs mois. Ils ont confirmé le constat d’un manque de réalisme de l’État à ce sujet. Les forces de l’ordre et les pouvoirs publics en général ne cessent de dire la frustration provoquée par les résultats si peu satisfaisants d’une politique de prohibition très répressive et incapable d’approcher les objectifs affichés par les gouvernements successifs.

Aucune politique de prévention de santé publique de grande ampleur ne pourra voir le jour tant que nous n’accepterons pas de regarder la réalité en face. Le narco-banditisme et la souffrance sociale, dans les quartiers, se sont aggravés, sans qu’aucune des dispositions répressives en vigueur n’aide leurs habitants, qui peinent parfois à se réapproprier leur espace public, dont on peut dire qu’il est occupé. En tout état de cause, nous ne pouvons que déplorer l’attitude de M. le ministre de l’intérieur consistant à marteler, à l’approche des échéances électorales, des discours sécuritaires faisant fi de nos travaux et du constat d’échec que nous avions partagé.

La principale préconisation de nos travaux est de faire évoluer notre législation. Le projet de décret présenté par le Gouvernement visant à mettre notre droit en conformité avec l’arrêt du 19 novembre 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est encore un raté : il ne permettra pas de développer une filière de chanvre de qualité, qui constituerait pourtant un bénéfice certain pour nos agriculteurs et nos entrepreneurs. Dans ma circonscription de l’Ardèche, plusieurs agriculteurs et entreprises travaillent à la structuration d’une filière respectueuse du travail agricole et de l’environnement ; ils ne demandent qu’à être accompagnés.

Qu’il s’agisse du cannabis thérapeutique, du CBD – dont la réglementation est appelée à évoluer – ou du cannabis récréatif, la France reste à la traîne. Nous le déplorons. J’aimerais interroger Mme et MM. les rapporteurs sur l’avenir de la filière à la lumière des décisions de justice précitées, d’une part, et, d’autre part, sur les préconisations de notre mission d’information en matière de prévention en santé à l’école. Les dégâts provoqués par la consommation de cannabis sur les adolescents nous inquiètent. Rappelons que l’objectif de nos propositions est de reprendre la main sur les problèmes soulevés par la consommation de cannabis, pas de l’encourager.

Notre groupe est très favorable à la publication de ce rapport d’information et à des avancées de la législation. Je me joins aux remerciements adressés par notre président à ceux ayant contribué à ce travail, qui nous a vivement intéressés. Il propose des pistes nouvelles, qu’il faudra saisir au bond pour avancer sur cette question importante.

M. Benoit Potterie (Agir ensemble). Je remercie Mme et MM. les rapporteurs de leurs présentations très claires de ces rapports d’information, qui sont très intéressants. Je salue la grande qualité des débats que nous avons eus lors des auditions auxquelles nous avons procédé.

Madame Janvier, j’aimerais vous interroger sur la légalisation du cannabis récréatif, que vous proposez dans votre rapport. Cette proposition découle du constat d’échec de la politique répressive. La France est l’un des pays sanctionnant le plus durement les consommateurs de cannabis ; pourtant, sa consommation y est répandue. En 2017, un adulte sur deux déclarait en avoir déjà fumé. Ce phénomène est encore plus prononcé parmi les jeunes : environ 5 % des 15-25 ans ont une consommation régulière de cannabis, contre 1 % des plus de 25 ans.

Dans ce contexte, vous proposez de mettre un terme à la politique répressive et de légaliser le cannabis récréatif de façon pragmatique, en menant une vraie politique de prévention, et en inscrivant sa vente dans un cadre réglementaire strict. S’agissant de sa distribution, vous proposez plusieurs scénarios – vente en pharmacie, dans les bureaux de tabac ou dans des magasins spécialisés –, en présentant les avantages de chaque modèle.

Vous êtes moins diserte sur la vente de cannabis sur internet. J’aimerais avoir votre avis sur la façon dont nous pourrions l’encadrer. Contrôler les pratiques d’une boutique est facile, contrôler celles d’une plateforme, surtout si elle est enregistrée à l’étranger, l’est beaucoup moins. Dans l’hypothèse où le cannabis récréatif serait légalisé, comment pourrait‑on s’assurer que le e-commerce respecte les régulations imposées aux magasins, au premier rang desquelles les règles de contrôle et de prévention auprès des consommateurs ? La question se pose avec une acuité particulière pour les personnes à risques, notamment celles qui souffrent de problèmes psychologiques. Avez-vous envisagé des solutions pour assurer un contrôle des entreprises et surtout une protection des consommateurs dans ce cadre ?

M. Éric Coquerel (FI). À mon tour, j’applaudis la publication de ce rapport d’information. J’y retrouve de nombreux éléments sur lesquels j’ai travaillé, avec plusieurs membres de la commission des affaires sociales, lors de l’élaboration de la proposition de loi relative à la lutte contre le commerce illégal de drogues. J’en conclus que la question, s’agissant de la légalisation du cannabis, n’est plus de savoir si, mais quand elle aura lieu. Je salue le travail des membres de la mission d’information. Tous n’avaient pas la même position initiale, mais tous ont constaté, après avoir réellement étudié la question, sans préjugés, et interrogé les spécialistes de la sécurité comme des addictions, la même nécessité.

Contrairement à ce que craint notre collègue du groupe Les Républicains, il ne s’agit pas de favoriser la consommation de cannabis, mais de mettre un terme, à tout le moins de juguler, la situation absolument insupportable dans laquelle nous sommes depuis plus de trente ans : plus la répression s’intensifie, plus la consommation de cannabis augmente, plus le cannabis lui-même est dangereux, avec un taux de THC toujours croissant, et plus les conséquences de sa consommation sont néfastes pour la société. Sur ce point, il n’y a pas débat entre nous : le cannabis peut tuer. Il peut tuer des consommateurs, en raison de sa dangerosité ; il tue socialement les habitants des quartiers qui subissent le trafic ; il tue des policiers, comme nous l’avons constaté récemment ; il tue aussi, ne l’oublions pas, des petites mains de la drogue, qui cumulent des conditions de travail dantesques avec les dangers de ce trafic, pour la plus grande sécurité des gros trafiquants. Voilà ce à quoi il faut mettre un terme.

On peut faire un parallèle avec la prohibition de l’alcool aux États-Unis, dans les années 1920 et 1930. L’alcool en circulation était de plus en plus frelaté, développé par une mafia de plus en plus puissante, et sa consommation ne diminuait pas, loin s’en faut. Nous en sommes là. De nombreuses expériences de légalisation du cannabis ont été menées dans le monde. S’il n’y a pas davantage débat entre nous sur la nécessité d’un strict contrôle de l’État, je constate que pas un seul des pays concernés ne revient en arrière. Nous devrions en tirer les conclusions qui s’imposent sur la nécessité de légaliser le cannabis, notamment sous l’angle de la santé publique.

Une légalisation encadrée doit permettre, comme celle de l’alcool et des cigarettes, de mener une politique de prévention systématique à l’école, ainsi qu’une politique de réduction des risques et de contrôle des usages, qu’il faut accompagner en consacrant des moyens à la prévention. Par ailleurs, il ne faut pas se désintéresser – je me félicite que le rapport aborde la question – de la manne économique que représente le trafic de cannabis pour les quartiers, notamment pour les jeunes. Il faut déterminer comment les petites mains du cannabis – j’exclus bien entendu les délinquants et criminels de haut vol – pourraient être intégrées dans son commerce, une fois celui-ci placé sous le contrôle de l’État.

Enfin, une telle politique permettrait de libérer le million d’heures de travail consacrées par la police à la répression du trafic et de l’usage de cannabis. J’ai interrogé un syndicaliste policier qui, sans être favorable à sa légalisation, avouait avoir l’impression de vider l’océan à la cuiller. Ce million d’heures travaillées pourrait être consacré à la lutte contre d’autres trafics, avec des moyens accrus, et au rétablissement de la police de proximité.

Il s’agit donc d’une politique globale, dont le premier objet est de réduire le trafic de drogue. Je ne doute pas que le travail mené par la mission d’information, si ce n’est sous cette législature mais au moins dans la suivante, arrivera à bon port pour lutter contre le trafic de drogue et la dangerosité de la consommation de cannabis illégal.

M. François-Michel Lambert (LT). Je tiens tout d’abord à rappeler que le groupe Libertés et Territoires n’a pas défini de position commune sur ces questions.

Sans qu’il ait été nécessaire d’organiser une convention citoyenne, le travail effectué, dense, remarquable, présente la ligne politique qui doit être tenue sur un sujet sociétal complexe. Les trois rapports ont d’ailleurs été adoptés à l’unanimité des membres de la mission, ce qui leur confère une valeur considérable.

Faut-il le rappeler ? Ils vont à l’encontre de la posture gouvernementale. En matière de cannabis thérapeutique, nous avançons comme des escargots alors que bien des pays – notamment, Israël – ont démontré que les traitements sont efficaces. Combien de patients pourraient-ils ainsi être mieux soignés ? En matière de CBD, les décisions de justice européennes ou nationales – c’est inédit – contredisent le Gouvernement. Enfin, l’opinion publique est prête à la légalisation du cannabis récréatif, sous le contrôle et le monopole de l’État, comme je l’avais envisagée dans ma proposition de loi de juillet 2019, cosignée par nombre de parlementaires de différents groupes et débattue le 31 mars dernier. Je rappelle qu’elle avait été rejetée non sur le fond mais sur la forme, en raison des délais d’application qu’elle prévoyait.

La France présidera l’Union européenne le 1er janvier 2022. Vingt pays sur vingt‑six sont favorables à la dépénalisation du cannabis ; outre les Pays-Bas, tous nos voisins immédiats – Portugal, Espagne, Italie, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Suisse – sont, si j’ose dire, sur la même ligne. Comment imaginer que la France puisse défendre les postures de son ministre de l’intérieur ? Comment notre pays pourrait-il être au rendez-vous de sa mission ?

La lutte contre la drogue coûte un milliard chaque année et représente un million d’heures de travail pour les forces de l’ordre alors que les résultats sont nuls, sauf pour les trafiquants puisqu’ils continuent de s’enrichir, le « chiffre d’affaires » lié au trafic de cannabis ayant augmenté en 2020 par rapport à 2019. Comment s’adresser aux cinq millions de Français consommateurs réguliers – un adulte sur trois assure avoir déjà consommé du cannabis – et les traiter comme des délinquants susceptibles d’avoir des liens avec des réseaux terroristes ? Ne convient-il pas plutôt de promouvoir une approche responsable en autorisant la consommation, voire, l’autoproduction, tout en promouvant une politique de prévention digne de ce nom, en particulier en direction de notre jeunesse ?

Enfin, entre THC, CBD, consommation, répression des mineurs, nos bases juridiques sont fragiles. On a même l’impression que la législation sur le cannabis concentre toutes les imperfections de notre système par rapport à la réalité sociale. Dans les derniers mois de cette législature, n’est-il donc pas urgent de stabiliser le cadre juridique des différents usages – thérapeutique, bien-être, récréatif –, de réfléchir à la pertinence de l’amende forfaitaire et à l’organisation obligatoire de campagnes de prévention ?

Le cannabis prendra inéluctablement une place importante dans notre société, tant en ce qui concerne l’utilisation thérapeutique, récréative que de bien-être. La légalisation de son usage est tout aussi inéluctable. Comme Eliot Ness, nous célèbrerons bientôt la fin de la prohibition ! Je rappelle qu’à la fin des Incorruptibles, ce dernier va boire un verre.

Mme Émilie Cariou. Je salue le travail qui a été accompli et, en particulier, la constance de Jean-Baptiste Moreau, qui réfléchit depuis des années sur la question du cannabis thérapeutique. Avec ses corapporteurs, il propose des solutions concrètes et équilibrées.

Le taux de THC du cannabis récréatif qui est commercialisé a considérablement augmenté pendant ces vingt dernières années, ce qui ne manque pas de soulever des problèmes en termes d’addiction et, même, de maladies mentales. Députée d’une terre irriguée par le trafic de drogue en provenance des Pays-Bas, je sais combien de plus en plus de produits circulent, où le chanvre est mélangé avec, notamment, des dérivés de l’héroïne.

Que préconisez-vous pour que leur contrôle soit effectif ? Vous évoquez un système piloté par l’État, des productions locales, mais comment lutter contre des produits jugés plus euphorisants, peut-être moins chers et qui seraient éventuellement moins fiscalisés ? Le même problème se pose d’ailleurs avec le trafic de tabac, également très prégnant dans mon département, notamment à partir du Luxembourg, où il est vendu moins cher. Pensez-vous qu’une autoproduction encadrée suffira à réguler le marché ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Les travaux de notre mission ont permis de poser des diagnostics sur les différents usages du cannabis dans notre pays. Quels que soient ces derniers, la France est prudente, ou conservatrice, selon le regard que l’on porte sur les politiques menées.

Si l’expérimentation du cannabis thérapeutique à destination de patients souffrant de douleurs importantes et réfractaires est enfin en cours et si la vente légale de produits non stupéfiants à base de cannabidiol est autorisée suite à un arrêt de la Cour de justice européenne, notre pays peine à sortir d’une réglementation très stricte – qui date de 1990 – fixant des dérogations très limitées à l’interdiction générale de l’usage de produits issus du cannabis.

Alors que la France est le premier producteur de chanvre en Europe, avec 15 000 producteurs et 17 000 hectares cultivés, nos agriculteurs n’ont pas le droit d’exploiter la fleur de la plante nécessaire au cannabis thérapeutique ou à la production de certains produits à base de cannabidiol, avec des teneurs de THC réduites. Un premier consensus devrait pouvoir se faire quant à la nécessité d’engager un dialogue interministériel à ce propos. Êtes-vous informés d’une amorce de discussion ?

Par ailleurs, notre pays semble vouloir compter sur une politique répressive en matière de cannabis récréatif alors qu’elle n’a pas fait ses preuves, ni pour lutter contre les trafics, ni sur le plan de la santé publique. D’autres modèles législatifs existent pourtant – le rapport en a dressé l’inventaire – et nos concitoyens sont ouverts à une évolution du droit. N’est-il pas tant de creuser cette question et de proposer à ces derniers une approche nouvelle et sécurisée de cet usage, sans rien concéder aux trafics qui empoisonnent notre jeunesse et nourrissent les réseaux criminels ? Madame Janvier, pensez-vous pouvoir obtenir une oreille attentive de la part du Gouvernement en ce sens ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur général. Les produits consommés sont en effet de plus en plus dangereux et mélangés avec tout et n’importe quoi : le dealer ayant intérêt à ce que le consommateur revienne plus souvent, ces produits sont de plus en plus riches en THC de manière à accroître l’addiction. Nous avons donc envisagé la création d’un organisme d’État comparable à la SEITA afin de contrôler la production française et l’ensemble des produits mis à disposition. La diminution du trafic, grâce à la légalisation, permettra de consacrer plus de moyens à ce type de contrôles même si certains pays qui ont légalisé la consommation de cannabis connaissent un trafic parallèle de produits plus euphorisants.

L’État devra également contrôler les prix afin qu’ils ne soient ni trop incitatifs, pour ne pas favoriser la consommation, ni trop excessifs, pour ne pas conforter le marché noir.

On nous oppose souvent que les consommateurs, suite à la légalisation du cannabis, se tourneront vers d’autres drogues, or, selon les addictologues, ce ne sera pas le cas. Cela relève même, dirais-je, de la légende urbaine. En revanche, c’est ce qui se passe de plus en plus aujourd’hui. Le dealer n’a en effet aucun intérêt à vendre du cannabis « simple », qui est moins addictif et qui rapporte relativement peu par rapport à d’autres produits. Il est plus profitable, pour lui, de vendre du crack ou des amphétamines, qui sont beaucoup plus addictifs et vers lesquels les clients reviennent plus fréquemment.

Le cannabis est en effet dangereux, notamment pour les plus jeunes et jusqu’à l’âge de vingt-trois ou vingt-quatre ans, des pathologies pouvant se déclarer ultérieurement. C’est la situation actuelle qui est dramatique ! Or, dans tous les pays qui ont légalisé son usage – Caroline Janvier a évoqué le Canada – la consommation de ces produits par les mineurs a diminué. Depuis quarante ans, les effectifs de police qui se consacrent à la lutte contre la drogue sont de plus en plus nombreux et la consommation de masse de produits très dangereux par les mineurs ne cesse de croître. Je suis un scientifique de formation : les mêmes causes produisant les mêmes effets, il convient parfois d’utiliser d’autres moyens pour que la situation change.

Mme Caroline Janvier, rapporteure thématique. Une régulation étatique permettra précisément d’en finir avec la situation actuelle, où les dealers vendent du cannabis de synthèse, beaucoup plus dangereux, de la résine coupée avec un grand nombre d’autres substances, des produits avec des taux de THC de plus en plus élevés et, éventuellement, d’autres drogues afin de « fidéliser » leur clientèle, ce qui sera impensable de la part d’opérateurs sous licence délivrée par l’État.

Il faut en effet veiller à la manière dont l’offre légale pourra concurrencer celle du marché noir, notamment en construisant un modèle économique fondé sur une fiscalité qui ne sera pas dissuasive, en proposant des produits moins dangereux mais dont les consommateurs ont besoin.

Au Canada, ces derniers ont tout intérêt à se tourner vers le marché légal en raison de la traçabilité des produits, d’une éducation à leur usage et d’une réduction des risques qui lui est associé puisqu’ils peuvent être accompagnés lorsqu’ils jugent que leur consommation est excessive. Un modèle économique bien pensé, c’est un marché sécurisé où, de surcroît, le consommateur ne risque pas d’être poursuivi pour des liens éventuels avec des organisations criminelles.

La « théorie de l’escalade » évoquée par M. Door se vérifie actuellement : le risque de consommer d’autres drogues est plus grand que dans le cadre d’un marché régulé. Toutes les données scientifiques sont formelles : la « théorie de l’escalade » est réfutée par la légalisation, dont l’effet est même plutôt inverse puisque les comportements dangereux diminuent.

Suite à la consommation de cannabis, le risque de troubles psychiatriques est bien réel. C’est pourquoi un encadrement est nécessaire, comme pour l’alcool et le tabac, et qu’il faut déployer des politiques de prévention et d’accompagnement. Personne ne proposerait d’interdire la consommation d’alcool tant nous savons tous que le remède serait pire que le mal avec, par exemple, des alcools frelatés.

Je ne pense pas que nous pourrons discuter et voter une loi dans les derniers mois de cette législature. Nous devrons en revanche aborder cette question dans le cadre des élections présidentielles tant elle est vaste : elle concerne en effet autant l’aménagement du territoire que la justice sociale, l’économie, la sécurité ou la santé publique. J’espère que l’ensemble des formations politiques et des candidats en aura une approche raisonnable.

La vente de ces produits sur internet doit être évidemment interdite. Nous évoquons d’ailleurs une « loi Evin » du cannabis, ce qui supposera l’interdiction de la publicité, le contrôle des emballages et des points de vente, mais aussi la formation des vendeurs afin de promouvoir une véritable politique de réduction des risques à travers la diminution de la fréquence de consommation, le recul de l’âge des premiers usages, le contrôle de la nature des substances consommées, etc.

M. Ludovic Mendes, rapporteur thématique. Tous les produits actuellement vendus en France proviennent de l’étranger faute, hélas, que la production ou la transformation soient possibles sur le territoire national. Nous souhaiterions donc créer une filière française à part entière alors que nombre d’entrepreneurs nationaux sont installés à l’étranger – Barcelone, Royaume-Uni, Suisse – et, leur siège étant parfois en Aveyron ou dans la Creuse, sont contraints d’importer.

De plus, nos agriculteurs sont ainsi exclus du système. L’utilisation de la fleur de cannabis est en effet interdite depuis l’arrêté de 1990 tant en ce qui concerne l’usage de « bien-être » que récréatif ou thérapeutique – ce sont d’ailleurs les Canadiens qui ont remporté le marché pour l’expérimentation du cannabis thérapeutique.

En outre, la France n’a pas le droit d’importer des produits psychotropes. La situation est différente pour l’expérimentation du cannabis thérapeutique puisque les arrêtés ont été modifiés mais, en cas de légalisation du cannabis récréatif, au moins deux ans seraient nécessaires pour organiser le marché ; s’agissant du CBD, cela pourrait être plus rapide, étant toutefois entendu que notre production de chanvre – qui est industrielle – n’est pas adaptée à ce type de produits.

Mme Cendra Motin, présidente. En application de l’article 145 alinéa 7 du règlement, j’interroge les six commissions sur la publication de l’ensemble du rapport de la mission d’information commune.

Je constate qu’il n’y a pas d’opposition. Il en est ainsi décidé. Le rapport de la mission d’information commune sera donc publié.

M. Robin Reda, président de la mission d’information. Je remercie nos collègues d’avoir pris acte de la présentation de ce rapport, dont je tiens à nouveau à souligner l’importance en raison tant du travail qu’il a nécessité que de l’implication des personnes que nous avons auditionnées : malgré leurs agendas très contraints, elles ont pris beaucoup de temps pour exposer avec pédagogie des questions parfois très scientifiques, notamment s’agissant du cannabis thérapeutique ou de « bien-être ». J’appelle à la poursuite de ce débat d’une manière apaisée et transpartisane.

Mme Cendra Motin, présidente. Je vous remercie pour le travail important qui a été mené et pour vos interventions.

 

 

 

 

La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.

 

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