Compte rendu
Délégation aux Outre-Mer
– Audition de Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ;
– Nomination de rapporteurs ;
– Questions diverses. ............................... 3
Jeudi
25 Mars 2021
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 10
session ordinaire de 2020-2021
Présidence de
M. Olivier
SERVA,
Président
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La réunion, en visioconférence, débute à 15 heures (heure de Paris)
Présidence de M. Olivier Serva, président
Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
La Délégation aux Outre-Mer procède à l’audition de Mme Nadia HAI, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville.
M. le président Olivier Serva. Chers collègues, je suis heureux de vous retrouver pour une nouvelle audition de la délégation aux outre-mer. Nous sommes réunis pour entendre Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Cette audition, qui se déroule une fois encore en visioconférence, est diffusée en direct sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale, où l’enregistrement sera ensuite disponible à la demande.
Plus de 80 % de la population française vit dans une ville, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Autant dire que votre mission est fondamentale, madame la ministre déléguée, tout particulièrement dans les collectivités ultramarines, où certains centres-villes, trop longtemps négligés, se sont fortement dégradés, entraînant paupérisation, mal-être et délinquance. La puissance publique doit œuvrer pour rendre ces centres-villes plus accueillants, plus vivants et plus sûrs. Votre action en la matière est attendue avec impatience.
Je souhaiterais, pour commencer, vous interroger sur la mise en œuvre dans les outre-mer du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) à travers les crédits versés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, dits crédits ANRU. Sont-ils correctement calibrés pour nos territoires, eu égard aux spécificités de ces derniers ? Répondent-ils aux besoins et, surtout, sont-ils consommés par les acteurs locaux ? Pour prendre l’exemple de mon département d’origine, la Guadeloupe, je crois savoir que les crédits du premier programme (ANRU 1) n’ont été que partiellement consommés, notamment dans le cadre de l’opération de Cap Excellence concernant les communes de Pointe-à-Pitre, Les Abymes et éventuellement Baie-Mahault. Qu’en est-il exactement ? Qu’en est-il de l’avancée du nouveau programme, ANRU 2 ? Quel est le calendrier ? Quels sont les principaux dossiers ? Les crédits ont-ils été abondés, comme cela avait été annoncé ?
Je crois savoir que le plan national « Action cœur de ville » dépend plus particulièrement de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault. Peut-être pourriez-vous toutefois nous en dresser un premier bilan à mi-parcours, trois ans après son lancement, notamment pour ce qui concerne les treize agglomérations d’outre-mer qui avaient été retenues ? Les moyens financiers mis en œuvre sont-ils à la hauteur des ambitions et des besoins spécifiques des outre-mer ?
Enfin, vous êtes chargée du projet « Portraits de France » : à la demande du Président de la République, vous avez établi, à l’aide d’un conseil d’experts, une liste de 318 personnalités issues des outre-mer, des anciennes colonies ou de l’immigration. Cette liste s’inscrit dans la volonté de faire vivre l’unité et la cohésion de notre communauté nationale, dans sa richesse et sa diversité. Elle a vocation à aider les élus locaux dans leur choix au moment de nommer des rues. Pouvez-vous nous en dire plus sur le sujet ? Votre travail est-il utilisé par les collectivités territoriales ? Comment a-t-il été accueilli, notamment dans les outre-mer ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. C’est la première fois que nous nous rencontrons dans ce format, et je suis ravie d’avoir l’occasion de m’exprimer devant votre délégation. Je n’ai qu’un regret : que cette audition ait lieu par visioconférence en raison des mesures sanitaires, et non sous forme physique à l’Assemblée nationale. Cela nous rappelle à quel point le coronavirus est dangereux, et l’épidémie difficile à vivre au quotidien.
Je crois, comme vous toutes et tous, que les territoires doivent revenir au centre de l’action politique. C’est indispensable pour assurer leur cohésion dans la durée. C’est dans cet objectif que le ministère chargé de la ville construit ses actions. La particularité de la politique de la ville réside dans son approche éminemment différenciée, qui permet de prendre en considération les particularités de chaque territoire et d’apporter de la souplesse dans la mise en œuvre au niveau local. À titre d’exemple, la principale adaptation dont bénéficient les territoires ultramarins consiste dans la possibilité de retenir l’échelon communal plutôt que l’échelon intercommunal comme niveau de pilotage et de signature des contrats de ville 2015-2022. Cette approche a permis notamment de tenir compte du degré de maturité contrasté des intercommunalités et de favoriser une démarche plus stratégique. Il convient toutefois de relever deux exceptions à cette règle : la Guadeloupe et la Polynésie française ont fait le choix d’un pilotage à l’échelle intercommunale.
La différenciation au niveau local n’induit pas une implication moindre de l’État au niveau national. D’ailleurs, l’action du ministère, que je vais vous présenter, s’intègre pleinement dans la feuille de route visant à engager une dynamique de relance, dans le contexte très difficile que nous connaissons, marqué par une crise sanitaire, économique et sociale. Pour ce faire, nous utilisons deux leviers : l’émancipation de chacun et l’attractivité des territoires prioritaires.
Pour favoriser l’émancipation, il faut agir dans les domaines de l’éducation et de l’emploi.
Notre ambition en matière de réussite éducative reste très forte malgré le contexte de crise, qui nous a obligés à nous adapter pour organiser au mieux la continuité éducative et pédagogique et lutter contre le décrochage scolaire. Cette ambition repose plus particulièrement sur le dispositif des cités éducatives, développé en partenariat avec Jean‑Michel Blanquer. Dans chaque cité éducative, la communauté scolaire, les familles, les services de l’État, les collectivités et les associations travaillent ensemble à la réussite de chaque jeune.
Quatre sites ultramarins ont été labellisés en 2019, pour une période de trois ans : à la Martinique, dans les quartiers ouest de Fort-de-France, avec un budget de 250 000 euros par an ; à La Réunion, dans la commune du Port, à hauteur de 400 000 euros par an ; à la Guadeloupe, aux Abymes et à Pointe-à-Pitre, à hauteur de 300 000 euros par an ; à Mayotte, dans la commune de Mamoudzou, pour un budget de 250 000 euros par an.
Lors de la réunion du comité interministériel des villes (CIV) du 29 janvier, présidée par le Premier ministre, a été acté le budget supplémentaire de 17 millions d’euros voté dans le cadre de la loi de finances pour 2021, qui permet de labelliser quarante‑six nouvelles cités éducatives, dont quatre concerneront les départements ultramarins : elles seront situées dans les communes de Bandraboua à Mayotte, de Basse‑Terre en Guadeloupe, de Saint-Benoît à La Réunion et de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane – cette dernière sera d’ailleurs la première cité éducative labellisée dans ce territoire. La période qui s’ouvre doit permettre de définir précisément le périmètre des projets. Les acteurs des territoires ont jusqu’au 31 mars pour élaborer une stratégie ambitieuse, qui sera mise en œuvre au cours des trois prochaines années.
À titre d’exemple, parmi les projets labellisés en 2019, dix actions menées par la cité éducative de la ville du Port, à La Réunion, ont émargé au fonds d’amorçage, et vingt‑deux sont programmées pour l’année 2020-2021. Lors du confinement du printemps 2020, l’achat de 350 tablettes mises à disposition des élèves et de leurs familles a permis d’assurer la continuité éducative. Un dispositif d’école ouverte a été déployé à l’été 2020, dans le cadre des vacances apprenantes, et un référent de parcours supplémentaire a été recruté pour appuyer la lutte contre le décrochage scolaire, dans le cadre du programme de réussite éducative. Nous multiplions les cités éducatives pour reproduire de tels effets partout où cela est nécessaire.
Nous agissons également pour l’éducation et l’égalité des chances à travers les cordées de la réussite. Ce programme profite déjà à plus de 100 000 jeunes, vivant pour une grande partie d’entre eux dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le Président de la République souhaite que nous doublions ce nombre. En outre, lors d’un déplacement commun à Cergy-Pontoise, Amélie de Montchalin et moi-même avons présenté un nouveau volet du dispositif, visant à faire en sorte que les jeunes puissent intégrer le service public. Nous partons du principe que les jeunes des quartiers prioritaires ont le droit d’avoir une ambition scolaire, de viser l’excellence, de faire des études supérieures, d’intégrer des classes préparatoires aux grandes écoles, de viser la réussite à n’importe quel concours de la fonction publique, voire de la haute fonction publique. Tel est l’objet des cordées de la réussite, qui doivent être développées partout, y compris dans les territoires ultramarins.
Pour favoriser la réussite éducative des élèves de troisième, nous avons créé la plateforme www.monstagedetroisieme.fr. Elle vise à leur permettre d’accéder à des stages de qualité au lieu de les cantonner, comme ils en ont l’habitude, au commerce du coin. La moitié des offres de stage déposées sur la plateforme proviennent d’opérateurs privés, l’autre moitié des services de l’État. Elles sont d’ores et déjà disponibles dans les collectivités d’outre-mer, mais la plateforme n’est pas encore suffisamment connue des jeunes : je vous invite à en faire la promotion pour que toutes les offres trouvent preneur.
Le contexte sanitaire a conduit la plateforme à proposer également, depuis le mois de janvier, des offres de stage à distance. En outre, conformément aux engagements pris par le ministère, j’ai souhaité ouvrir le dispositif à la voie professionnelle des collèges et des lycées qui relèvent des cités éducatives. Une instruction en ce sens a été rédigée à la fin de l’année 2020.
Le second vecteur d’émancipation sur lequel se concentre notre action est l’emploi.
Dans les QPV, le taux de chômage est 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale, et les jeunes sont particulièrement touchés. Nous avons fait de l’accompagnement vers l’emploi l’une des priorités de la relance. Il est inconcevable que son lieu de résidence empêche une personne de trouver un emploi.
Parmi les moyens d’action mis en place, figure le plan « Un jeune, une solution », qui relève de la responsabilité de ma collègue Élisabeth Borne ; il constitue une réponse inédite à ce problème. Une enveloppe de 6,7 milliards d’euros lui a été attribuée. Lors du CIV du 29 janvier, nous avons fléché 700 millions directement vers les jeunes des quartiers prioritaires – y compris, bien entendu, ceux qui sont situés dans les territoires ultramarins. Dans le cadre de ce plan, a également été mis en place le dispositif emploi franc +, qui propose une aide à l’embauche à hauteur de 7 000 euros la première année pour un contrat à durée indéterminée (CDI) et de 5 500 euros pour un contrat à durée déterminée (CDD), pour les contrats signés avant le 31 mai. Nous pensons que cela donnera un coup de pouce à la candidature des jeunes issus des quartiers prioritaires.
Lutter contre le chômage des jeunes et, plus globalement, contre celui des habitants des territoires fragiles, suppose aussi de permettre à ces personnes d’accéder à l’information ainsi que de proposer un accompagnement individualisé à celles qui sont les plus éloignées de l’emploi. Tel est l’objet des cités de l’emploi, lancées par le ministère de la ville. Plus que d’un nouveau dispositif venant s’ajouter aux mesures de retour à l’emploi existantes, il s’agit d’une méthode innovante fondée sur une logique de parcours. L’enjeu est d’aller vers les personnes les plus éloignées de l’emploi, ou tout simplement de l’information – il y a un véritable déficit en la matière dans les territoires fragiles –, et de créer pour elles un parcours adapté. Nous avons labellisé vingt cités de l’emploi dans le courant de l’année 2020 ; soixante autres suivront cette année. C’était, là encore, l’une des mesures annoncées lors du comité interministériel des villes.
À Mayotte, il est particulièrement important de soutenir l’économie sociale et solidaire (ESS), ce que nous faisons avec l’appui de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, laquelle monte en compétence. Le secteur représente 14 % des entreprises mahoraises, soit 2 613 emplois. En Guyane, le soutien à l’ESS est l’un des axes du contrat de convergence et de transformation. Un appel à projets conjoint entre l’État et la collectivité territoriale de Guyane a été lancé.
Vous l’avez souligné, monsieur le président : la puissance publique doit rendre les territoires plus attractifs ; c’est le second levier sur lequel nous travaillons.
À cet égard, la question du renouvellement urbain est centrale. La politique de la ville doit viser à remettre l’humain au cœur du projet urbain. On ne saurait la concevoir sans action destinée à améliorer le bâti ou à lutter contre le mal-logement. L’État, aux côtés des élus et des bailleurs, entend ainsi poursuivre en 2021 son engagement à travers le NPNRU afin d’améliorer les conditions de logement et le cadre de vie de nos concitoyens. La quasi-totalité des projets a été validée ou est en passe de l’être. Nous avons donc franchi une première étape dans la relance du NPNRU. En 2017, l’enveloppe allouée à ce programme était de 5 milliards d’euros ; nous l’avons doublée et avons décidé le 29 janvier, durant le comité interministériel des villes, de l’abonder à hauteur de 2 milliards supplémentaires, pour la porter à 12 milliards d’euros.
Cette nouvelle augmentation permettra d’accélérer les projets soutenus par les collectivités, notamment ceux qui sont destinés à améliorer non seulement les logements – ce qui constitue évidemment l’objectif premier – mais également l’ensemble du cadre de vie, et à rénover les équipements. En effet, la rénovation urbaine ne peut plus être pensée uniquement en se concentrant sur le bâti : il faut prendre en considération tout l’environnement, à travers notamment la végétalisation, mais aussi la rénovation des équipements. Des chantiers sont en cours dans 230 quartiers ; 10 000 logements ont déjà fait l’objet de travaux. Au total, 34 quartiers prioritaires de la politique de la ville, regroupés en 22 secteurs, ont été retenus au titre des projets d’intérêt national. Certains d’entre eux comptent parmi les plus importants de France, tel celui des Abymes et de Pointe-à-Pitre.
Pour répondre à votre question concernant la sous-consommation des crédits du PNRU en Guadeloupe, monsieur le président, on observe en réalité un décalage dans le temps de la réalisation des opérations – comme c’est le cas pour certains projets dans l’hexagone, notamment à Marseille et en Seine-Saint-Denis –, lié à l’étendue des projets et à la capacité financière et de maîtrise d’ouvrage des villes. S’agissant des opérations du premier programme toujours en cours et ne pouvant être soldées à l’échéance du PNRU, fixée au 30 juin 2021, le comité d’engagement a émis un avis favorable à leur transfert au NPNRU avec leur financement, de manière que Cap Excellence puisse les mener à leur terme sans que cela n’affecte le budget alloué aux nouvelles opérations et contractualisé au titre du nouveau programme. Les fonds ne sont donc pas perdus. Une réunion du comité d’engagement du NPNRU est prévue au deuxième trimestre 2021. L’abondement du budget annoncé lors du CIV du 29 janvier permettra d’assurer un financement du projet à bonne hauteur dans le temps prévu pour le NPNRU. Les nouvelles opérations pourront démarrer en parallèle de celles relevant du premier programme, ce qui représente un effort important en faveur de Cap Excellence et des deux villes concernées.
C’est effectivement Jacqueline Gourault qui pilote le programme « Action cœur de ville », mais je suis également son avancée en raison de son articulation avec certains projets du NPNRU et d’autres dispositifs relevant de la politique de la ville. Dix des quinze villes moyennes d’outre-mer bénéficiaires du programme sont concernées par des projets dans le cadre du NPNRU, dont certains sont de grande ampleur ; c’est le cas à Pointe-à-Pitre et aux Abymes, en Guadeloupe, où quatre projets ont été retenus, à Cayenne et à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, à Fort-de-France en Martinique ou encore à Saint-André à La Réunion. Plus encore, les quinze communes d’outre-mer bénéficiant du programme « Action cœur de ville » sont aussi dotées d’un contrat de ville.
Comme vous l’avez rappelé, ce programme n’a que trois ans puisque les conventions-cadres « Action cœur de ville » ont été signées entre septembre 2018 et janvier 2019. Certaines villes ultramarines sont entrées dans la phase opérationnelle de déploiement du programme, par exemple à Mayotte, en Martinique et en Guadeloupe. Au 1er janvier 2021, le total des engagements financiers cumulés outre-mer était d’environ 139 millions d’euros. L’accompagnement en ingénierie a également été mobilisé par les partenaires financiers que sont l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Action logement ou encore l’Agence nationale de l’habitat, au profit de l’élaboration de projets de territoire. Un certain nombre d’actions sont ainsi prêtes à démarrer. Au total, 129 actions matures sont inscrites dans la convention-cadre. Certaines ont déjà été réalisées. Des études ponctuelles complémentaires ont aussi été conduites ou sont envisagées, par exemple en ce qui concerne la stratégie commerciale ou l’animation culturelle du centre-ville, en lien avec les enjeux patrimoniaux des territoires.
D’autres engagements financiers traduisent l’exigence d’une plus grande équité territoriale. Les territoires ultramarins bénéficient ainsi, à l’instar de l’ensemble des territoires en politique de la ville, de l’augmentation importante des crédits du programme 147 découlant de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers décrétée en juillet 2018 : 80 millions d’euros supplémentaires, ce qui représente une hausse inédite. Ces crédits ont été sanctuarisés en 2020. Sur les crédits de ce programme, 16,8 millions d’euros ont bénéficié aux départements et régions d’outre-mer (DROM), à Saint-Martin et à la Polynésie.
Plusieurs enveloppes exceptionnelles ont également été allouées en 2020 pour faire face à la crise en finançant des actions de solidarité et de continuité éducative, notamment à travers l’achat de matériel informatique. Je pense aussi à l’opération quartiers d’été, ou encore à l’appel à projets quartiers solidaires, lancé à l’automne dernier, doté d’un fonds d’urgence exceptionnel de 20 millions d’euros, et dont l’objet est de venir en aide aux associations de grande proximité sur l’ensemble du territoire national – 2 millions ont bénéficié directement à l’outre-mer.
Enfin, une attention très forte est portée au programme adultes-relais dans les outre-mer : la dotation de ces territoires est bien supérieure en proportion à ce que laisserait attendre leur poids démographique. Le nombre d’adultes-relais dans les QPV des DROM, de Saint-Martin et de Polynésie, initialement de 597, a augmenté de 218 unités dans le cadre du plan quartiers d’été. Cet effort témoigne de l’importance que nous accordons aux démarches de médiation sociale, d’accompagnement dans l’accès aux droits ou encore de régulation des contingences de la vie quotidienne dans ces territoires.
Voilà le panorama – non exhaustif – que je souhaitais brosser des actions que nous conduisons. Pour finir, je voudrais vous assurer du plein engagement de mon ministère pour favoriser l’équité territoriale, la cohésion sociale, l’émancipation des jeunes et l’attractivité des quartiers, notamment dans les territoires d’outre-mer. Nous pouvons et nous devons, collectivement, faire plus et mieux. Je connais votre exigence sur ce sujet ; vous savez maintenant pouvoir compter sur ma détermination.
M. le président Olivier Serva. Merci beaucoup, madame la ministre déléguée, pour cette présentation synthétique mais très précise. Vos propos étaient très encourageants pour les outre-mer.
Mme Cécile Rilhac. Je voudrais, madame la ministre déléguée, vous interroger sur une actualité très récente de votre ministère : la publication du recueil « Portraits de France ». Jenny Alpha, Aimé Césaire, Pouvana’a Oopa, Félix Éboué, Henri Salvador et Manon Tardon font partie des trente-deux personnalités ultramarines qui y sont citées. Leur parcours est indissociable de notre pays : ce sont autant de récits qui contribuent à l’histoire culturelle, politique, artistique, sportive, militaire, musicale, syndicale ou scientifique de la France.
Certains de ces noms sont célèbres, d’autres nous sont familiers, mais beaucoup trop restent inconnus. Nous devons les faire connaître pour pouvoir les honorer. Je salue donc cette initiative qui s’inscrit pleinement dans la volonté de faire vivre l’unité et la cohésion de notre communauté nationale, dans toute sa richesse et sa diversité. Ce recueil a ainsi vocation à aider les élus locaux dans leur choix au moment de baptiser des rues, des places, des parcs, des écoles ou tout autre bâtiment public. Au sein de cette délégation, nous sommes très nombreux à être aussi élus locaux. C’est la raison pour laquelle ce recueil revêt à mes yeux beaucoup d’importance. Il s’agit non pas de réécrire l’histoire, mais de l’écrire avec une encre enfin lisible. Les Français doivent connaître leur histoire, particulièrement le parcours de celles et ceux qui ont participé au rayonnement de notre pays et qui ont contribué à faire de nous ce que nous sommes : une France construite grâce à la diversité de ses habitants et de ses territoires, une France fière de cette diversité et de la richesse qu’elle représente.
Je suis convaincue que ce recueil n’est qu’une première étape : il doit nous permettre d’aller plus loin encore. D’autres initiatives similaires sont-elles prévues pour continuer à faire connaître notre histoire, particulièrement celle des outre-mer, de nos cités ultramarines ? Comment comptez-vous diffuser ce recueil auprès des élus locaux et de nos concitoyens ?
M. le président Olivier Serva. Les 318 noms sélectionnés sont indiscutables, mais d’aucuns estiment que le jury manquait d’Ultramarins. Sans doute nous donnerez-vous un éclairage sur ce point, madame la ministre déléguée.
Mme Stéphanie Atger. Je salue à mon tour le recueil « Portraits de France », au sujet duquel je pourrais reprendre mot pour mot l’intervention de Cécile Rilhac.
Je sais, madame la ministre déléguée, que vous portez une attention toute particulière au tissu associatif au sein des quartiers de la politique de la ville. Comment cela se traduit-il dans les territoires ultramarins ?
Indépendamment des données chiffrées que vous avez citées, existe-t-il dans certains territoires, notamment du fait de leur statut spécifique, des freins au développement des politiques que vous conduisez ? En Polynésie française, qui n’a pas le statut de DROM, la situation sanitaire pourrait entraver le déploiement d’un projet de renouvellement urbain.
M. Jean-Hugues Ratenon. Outre-mer, la politique de la ville inclut plusieurs dispositifs, dont les contrats de convergence et de transformation, les programmes de revitalisation des centres-villes ou les contrats de ville, mais il manque des acteurs de terrain susceptibles d’intervenir au plus près de la population. Les mairies ont affaire à un public éloigné de l’emploi, éprouvant souvent le sentiment d’être abandonné au sein des quartiers prioritaires ; pour l’impliquer dans les projets, il faudrait plus de professionnels, d’éducateurs, d’animateurs. Il faudrait aussi créer des modules de formation de chefs de projet ; y êtes-vous favorable ? Comment pallier ce manque ? Bref, le cadre de la politique de la ville est-il adapté aux spécificités des outre-mer, est-il bien utilisé ? Dans le cas contraire, comment améliorer le dispositif ?
La politique de la ville a pour finalité d’améliorer le cadre de vie au nom du bien-être de la population ; cet objectif suppose une concertation avec les habitants par l’intermédiaire des conseils de quartier. Le Gouvernement entend-il soutenir financièrement l’installation de ces structures de proximité ? Cela impliquerait de renforcer notablement l’accompagnement qu’il offre, car beaucoup de nos cités sont déficitaires dans ce domaine.
D’autre part, dans les QPV, les bailleurs sociaux bénéficient d’un abattement fiscal de 30 % à condition de réinvestir l’économie réalisée dans l’amélioration de la qualité du parc, de la gestion et des services aux locataires. Cet argent pourrait contribuer à faciliter l’embauche de médiateurs de cités. Les bailleurs sociaux jouent-ils bien le jeu ? Si ce n’est pas le cas, comment comptez-vous remédier à la situation ?
Comment imposer la cohérence territoriale quand les acteurs travaillent chacun dans leur coin en ne se concertant guère ?
Enfin, outre-mer comme dans l’hexagone, à l’heure où toutes les démarches administratives se font en ligne, les services publics de proximité – caisse d’allocations familiales, Pôle emploi, caisses générales de sécurité sociale – désertent villes et quartiers. Les permanences n’existent pratiquement plus et ces services se recentrent sur leur siège. Dans ce contexte, vu les phénomènes d’illettrisme, d’analphabétisme et d’illectronisme que vous connaissez, certains, découragés, ne font pas valoir leurs droits, ce qui aggrave l’exclusion. Il faut mettre fin à la désertification et accompagner ce public défavorisé. Pour cela, il convient de donner plus de moyens à nos collectivités.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Merci, tout d’abord, de l’intérêt que plusieurs d’entre vous témoignent au recueil « Portraits de France ». Ce très beau projet a été lancé à la demande du Président de la République. Dès les commémorations de l’anniversaire du débarquement en Provence, en août 2019, celui-ci avait souhaité que l’on mette à l’honneur les combattants venus d’Afrique. Ce travail avait été confié à Geneviève Darrieussecq, qui a publié un premier livret en ce sens. Les « 109 Mariannes » promues par Marlène Schiappa s’inscrivent dans sa continuité. Le recueil « Portraits de France » est le troisième volet de la grande politique de la reconnaissance que nous voulons mener.
Il s’agissait, sans fixer à l’avance un nombre déterminé de portraits, d’honorer les visages de ceux qui, par leur engagement, leur art, leurs combats, ont servi la France. Souhaitant dégager l’entreprise de toute influence politique, nous n’avons pas voulu y travailler de manière interministérielle. Nous avons donc confié la tâche à un comité scientifique composé de dix-huit personnes, entièrement paritaire, qui a élaboré pendant plusieurs mois plus de 2 700 fiches avant de rendre publics ces 318 portraits. Nous avons publié tout récemment le recueil sur le site du ministère afin de le mettre à la disposition des collectivités territoriales susceptibles de chercher un nom à donner à une école, une rue, un lieu culturel. En communiquant ainsi à propos de nouveaux visages de France, nous promouvons la diversité, qu’elle soit d’origine ou territoriale – on trouve dans le recueil plusieurs personnes originaires d’outre-mer. Tout le monde peut se saisir du recueil, mis en ligne gratuitement sur notre site, y faire une recherche selon des critères géographiques et s’en inspirer.
Quant aux prochaines étapes, nous y travaillons. Nous nous interrogeons ainsi sur l’éventualité d’une liste de personnalités vivantes. En tout cas, le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité insuffler une dynamique de reconnaissance et de promotion de tous les visages qui constituent notre nation ; à chacun, désormais, de faire vivre ces travaux comme il l’entend.
En ce qui concerne le soutien aux associations outre-mer, je rappelle que le ministère chargé de la ville est le premier financeur des associations. Nous déléguons des crédits aux préfectures et, au total, nous consacrons 267 millions d’euros aux actions de cohésion sociale, principalement menées dans le cadre des contrats de ville. Je suis convaincue du travail qu’accomplissent les associations sur le terrain, et il faut les aider à réinvestir des zones privées de toute action sociale. De ce point de vue, si l’on peut toujours faire plus, je crois vraiment que nous sommes au rendez-vous – c’est ce que disent les acteurs associatifs.
En particulier, le ministère a fléché 45 millions d’euros sur trois ans vers le financement de quarante-quatre associations qui nous paraissent de taille suffisante pour agir dans les territoires. Dans ce cadre, nous avons sélectionné des projets finançant directement des actions menées outre-mer. Je pense notamment à celles conduites par l’association pour le droit à l’initiative économique en Guadeloupe, en Polynésie, en Guyane et en Martinique, et par la zone d’expression prioritaire à Mayotte et à La Réunion.
À ces moyens financiers s’ajoutent des moyens humains, sous la forme de postes supplémentaires : 1 350 au titre du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) et 2 500 postes d’adultes-relais.
Nous avons aussi tenu à accompagner les quartiers prioritaires et leurs associations, très fortement affectés par la crise sanitaire et économique, grâce au fonds d’urgence quartiers solidaires, doté de 20 millions d’euros, dont 2 millions, soit 10 %, pour l’outre-mer – je vous communiquerai ultérieurement, madame Atger, le montant de l’enveloppe totale consacrée au milieu associatif outre-mer. Nous allons reconduire en 2021 cette opération ainsi que l’opération quartiers d’été.
La Polynésie française compte soixante-seize QPV, qui abritent 26 % de la population. Son statut spécifique ne lui donne toutefois pas accès à tous les dispositifs de la politique de la ville, dont le NPNRU. Néanmoins, les crédits qui lui sont consacrés au sein du programme budgétaire 147, « Politique de la ville », s’élèvent à 1,747 million d’euros, et elle bénéficie de soixante-dix-huit postes d’adultes-relais et de dix postes FONJEP. En outre, parce que nous ne voulions pas la laisser de côté dans le contexte de la crise sanitaire, la Polynésie a reçu en 2020 une enveloppe complémentaire de 36 000 euros, destinée notamment à l’achat de matériel informatique afin d’assurer la continuité éducative.
Monsieur Ratenon, s’agissant de la nécessité de la présence d’adultes spécialisés dans les territoires, je ne peux qu’approuver votre constat, qui n’est toutefois pas propre à l’outre-mer. Voilà pourquoi le comité interministériel des villes a annoncé le 29 janvier dernier que 600 adultes spécialisés seraient envoyés sur le terrain, dont 300 médiateurs sociaux et 300 éducateurs spécialisés, afin de renforcer l’accompagnement, de prévenir la délinquance juvénile et d’aider la jeunesse à trouver des solutions à ses difficultés.
La politique de la ville est-elle adaptée aux outre-mer ? Par définition, je l’ai dit, la politique de la ville est une politique de différenciation : elle n’emploie pas les mêmes enveloppes ni les mêmes dispositifs d’un territoire à l’autre, afin de respecter les spécificités des territoires et de résoudre des problèmes précis. Ce n’est pas une politique de droit commun. Au-delà des dispositifs, ce sont des méthodes qu’elle apporte, afin que les acteurs se parlent et travaillent ensemble à des solutions fondées sur les ressources des territoires.
En ce qui concerne l’abattement applicable à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans les QPV, certains bailleurs sociaux jouent bien le jeu, d’autres non ; nous sommes en train de les identifier, car je tiens personnellement à ce que l’objectif justifiant cet avantage fiscal soit bien atteint.
S’agissant de l’ingénierie, les centres de ressources de la politique de la ville sont présents outre-mer, notamment à La Réunion où la compétence du centre couvre tout le territoire. Ils contribuent à l’animation technique des réseaux d’acteurs de proximité, facilitent la montée en compétence de certains acteurs, permettent de réunir et de diffuser les connaissances et les enseignements issus des différentes expérimentations. S’y ajoute l’accompagnement par l’ANCT, créée il y a plus d’un an à la suite du vote du Parlement, et pour laquelle les outre-mer sont une priorité en raison de leur besoin d’ingénierie et de structuration, au-delà même des besoins financiers.
Concernant l’illettrisme, je partage votre constat, qui vaut pour beaucoup de territoires relevant de la politique de la ville. Voilà pourquoi nous mettons le paquet sur l’éducation, par le moyen des cités éducatives et du soutien aux associations – il faut un véritable rattrapage dans les territoires où, soit dit sans jeter la pierre à quiconque, rien n’avait été fait auparavant – ainsi que grâce à des dispositifs de prévention destinés à lutter contre ce fléau en liaison avec l’éducation nationale. En outre, il est exact que l’illettrisme conduit bien souvent au non-recours et, par là, à une rupture de droits qui n’est plus tolérable. Voilà pourquoi nous avons développé les maisons France Services, qui sont deux à La Réunion ; elles fournissent un service de proximité pour toutes les démarches administratives et accompagnent les citoyens afin qu’ils fassent valoir leurs droits.
Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. En Martinique, quatre communes seulement relèvent des QPV. Serait-il possible de modifier les critères permettant de définir ces quartiers afin de tenir compte des problèmes que rencontre la jeunesse, notamment dans sa scolarité, particulièrement en cette période de crise sanitaire ? Quelles sont les perspectives s’agissant d’un dispositif qui fonctionne, présente des avantages, et dont il est dommage qu’il ne profite pas à des secteurs comme le Nord de la Martinique, où les jeunes ont pourtant besoin d’accéder à des formations et à des emplois ?
M. Guillaume Vuilletet. À l’occasion de la mission qui m’a été confiée sur la place des outre-mer dans leur environnement régional dans le contexte de la pandémie de covid-19, j’ai noté que la discontinuité des formations disponibles dans la sphère économique était un sujet prégnant. Il faudrait valoriser davantage la richesse et la jeunesse présentes dans les QPV. Vous avez insisté, madame la ministre déléguée, sur le volet éducatif de votre action, soulignant que ces jeunes devaient pouvoir suivre des formations de cadres intermédiaires – brevet de technicien supérieur (BTS), bachelor universitaire de technologie (BUT) – et avoir, tout comme les autres, le droit d’accéder aux classes préparatoires aux grandes écoles. Pourriez-vous revenir sur ce point ?
D’autre part, l’un des principaux obstacles à l’aménagement en outre-mer, donc dans ses QPV, tient à l’indisponibilité foncière, en raison notamment des indivisions successorales. Quels sont les outils à votre disposition ou que vous comptez développer ?
Mme Nathalie Bassire. Je souhaite revenir sur la liste des noms publiés dans le recueil « Portraits de France ». Nous avons appris par le journal télévisé qu’un seul Réunionnais avait été retenu : Roland Garros. Je suis en colère et très déçue : si nous sommes fiers de Roland Garros, d’autres Réunionnais sont célèbres, notamment Edmond Albius, qui a découvert à l’âge de 12 ans, alors qu’il était esclave, comment féconder la vanille – et cela bien avant les botanistes du muséum d’histoire naturelle et les scientifiques locaux de l’époque –, ou encore les pères de la départementalisation de La Réunion, Léon de Lepervanche et Raymond Vergès. J’ai interpellé par courrier la ministre de la culture et le ministre des outre-mer à ce sujet. Indignées, des associations sont montées au créneau et ont fait parvenir une liste au conseil scientifique. Il est d’ailleurs regrettable que ce dernier n’ait pas associé à ses travaux nos associations et nos historiens. L’un d’eux avait pourtant publié en 2010, aux éditions Delphine, un dictionnaire recensant les personnes célèbres de La Réunion. Serait-il envisageable d’intégrer un Réunionnais dans le conseil scientifique, afin de valider, en concertation avec les acteurs du territoire, les noms à retenir dans ce type de projet ?
M. le président Olivier Serva. Je m’associe à la question de Mme Bassire : les Ultramarins de qualité, et il en existe, doivent être invités à participer à ce jury.
M. Rodrigue Kokouendo. Le protocole signé le 19 mars dernier entre l’État, l’Union sociale pour l’habitat, la Banque des territoires et Action logement prévoit le financement de 250 000 logements locatifs sociaux entre 2020 et 2022, avec plus de 1 milliard d’euros de subventions et 500 millions d’euros du plan de relance affectés à la réhabilitation du parc existant. Pouvez-vous nous donner des indications sur la part réservée aux territoires ultramarins, particulièrement demandeurs de logements sociaux locatifs et très affectés par la crise économique ? Ils attendent beaucoup de ce programme de soutien à l’activité du bâtiment.
Je m’associe moi aussi aux remarques de notre collègue Nathalie Bassire. Le recueil « Portraits de France » pourrait contribuer à renforcer les liens entre nos différents territoires, par exemple en donnant des noms d’Ultramarins à des rues en métropole. Ce serait une très bonne chose.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Nous avons bien conscience des effets de bord des QPV, certains quartiers ne pouvant accéder à ce statut faute de répondre à l’ensemble des critères. C’est pourquoi nous avons prorogé de deux ans tous les dispositifs de zonage qui arrivaient à échéance fin 2020 – zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale – afin de les aligner sur les contrats de ville, qui arrivent eux-mêmes à échéance fin 2022. D’aucuns affirment que la politique de la ville est un échec, mais elle ne l’est que lorsqu’elle s’arrête. Quand chacun se mobilise, elle permet de réaliser de beaux projets et de venir en aide aux populations qui en ont le plus besoin. Nous lancerons après l’été une grande réflexion sur les limites du dispositif actuel et sur la façon dont les contrats de ville sont constitués. Nous nous donnons un an pour apporter des solutions aux problèmes de zonage et aux demandes de reclassement de certains quartiers en QPV.
Concernant les jeunes issus des filières technologiques qui souhaitent poursuivre des études longues, notamment en ingénierie, il est vrai que leurs diplômes ont longtemps été considérés comme une fin en soi. Ils sont formés en deux ans pour acquérir une technicité leur permettant d’entrer dans le monde du travail. Or certains élèves choisissent très tôt de suivre une voie technologique, ce qui les pénalise s’ils veulent ensuite entrer dans une école d’ingénieurs. Les cordées de la réussite ont justement pour but de leur proposer un tutorat assuré par des étudiants de ces écoles, qui les accompagneront durant leur scolarité. C’est un dispositif que nous souhaitons développer. Le ministère contribue en outre au financement d’associations de mentorat telles que le Collectif mentorat, l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), Article 1 ou Télémaque, afin que les jeunes des QPV soient maîtres de leur destin et qu’ils puissent choisir en toute liberté d’arrêter ou de poursuivre leurs études.
Concernant l’indisponibilité foncière, pourriez-vous préciser votre question, monsieur Vuilletet ?
M. Guillaume Vuilletet. Une loi a été votée à l’initiative de Serge Letchimy – dont il convient de saluer le travail sur le sujet. Elle visait à résoudre un problème très particulier : celui des indivisions successorales, qui gèlent des surfaces considérables dans les outre-mer – cela peut aller jusqu’à 35 % de la surface constructible – et bloquent l’aménagement des villes. Au-delà de cette loi, il serait probablement nécessaire de se doter d’outils pour traiter les problèmes non seulement administratifs mais aussi financiers liés au foncier libre non disponible. Ce sera compliqué à mettre en œuvre parce qu’il y a encore des réticences. Sans doute faudra-t-il accompagner les familles, et peut-être même les collectivités, ce qui implique de créer une ingénierie administrative. Vous avez évoqué l’ANCT : peut-être est-ce de ce côté qu’il faut chercher des pistes. Ma question a simplement pour but de soulever le problème ; je n’attends pas nécessairement une réponse détaillée de votre part.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Je ne m’occupe pas directement de ce dossier, qui relève plutôt du ministère des outre-mer et de celui chargé du logement. Le plan logement outre-mer mobilise tous les outils disponibles dans la ligne budgétaire unique (LBU). Le soutien de CDC Habitat et d’Action logement, avec son plan d’investissement volontaire, permet de majorer cette action en outre-mer. Nous pourrions également nous inspirer de l’exemple de Fort-de-France, dont l’établissement public foncier prend le problème à bras-le-corps. Mes collègues pourront sans doute vous apporter une réponse plus précise et plus exhaustive.
Madame Bassire, j’entends votre indignation concernant le manque de Réunionnais et, plus généralement, de personnes issues des territoires ultramarins parmi les 318 portraits de France. J’ai découvert les noms retenus presque en même temps que vous, parce que nous avons voulu laisser une indépendance totale au conseil scientifique dans la conduite de ses travaux. Il semblerait que les discussions en son sein aient été parfois houleuses ; les 318 portraits sélectionnés sont ceux qui, sur un total de 2 700, ont fait consensus. Ce n’est qu’un premier jet, et je ne pense pas que le critère géographique ait été primordial. Ainsi que le Président de la République l’a souligné lors d’une interview, nous amorçons une dynamique visant à faire connaître les différents visages qui composent notre nation, afin que chacun de nos concitoyens puisse se retrouver en elle. Cela étant, nous ressentirons toujours une petite frustration : il y aurait tant de parcours et de personnes à mettre en avant !
Je suis très heureuse que ce travail, qui a vocation à se poursuivre, soit présent dans le débat public. Cela montre que la France n’a pas qu’un seul visage, et au moins aurons-nous atteint cet objectif. Certaines des personnalités sélectionnées sont nées françaises, d’autres le sont devenues, d’autres encore ne l’ont jamais été et ont pourtant contribué à l’histoire de France, parfois en le payant de leur vie ; il était bon de le rappeler. Il y a parmi elles Camille Mortenol, qui fut à la manœuvre dans la défense antiaérienne de Paris pendant la Première Guerre mondiale, Aimé Césaire, Raphaël Élizé, et bien d’autres encore. Ce que nous souhaitons, c’est que tous nos concitoyens s’emparent de ces travaux, que l’éducation nationale s’en inspire pour élaborer des programmes éducatifs et que le monde de la culture mette en scène les parcours de ces personnes qui ont tant apporté à la France. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit, pour l’heure, que d’une ébauche. Le Gouvernement publiera peut-être d’autres recueils dans les prochains mois – ce qui, je l’espère, apaisera votre frustration.
À l’heure où nous vivons une crise historique, d’une violence inédite, tant sur le plan sanitaire, social qu’économique, la parution de ce recueil est un événement positif, parce qu’il démontre que la diversité est une richesse pour la France, et non une source de division. L’histoire continue. Je n’hésiterai pas à faire part de vos remarques au président du conseil scientifique, qui a lui-même choisi les membres de ce conseil, sans droit de regard de notre part.
Concernant les logements sociaux, leur production et leur réhabilitation bénéficient d’un traitement particulier dans les territoires ultramarins, car elles sont financées par la LBU, c’est-à-dire par le ministère des outre-mer. Les 45 millions d’euros supplémentaires accordés pour l’année 2021, portant l’enveloppe du plan logement à 250 millions d’euros, devraient permettre d’atteindre l’objectif de 10 000 logements par an, qu’il s’agisse de constructions neuves, d’accession sociale, de réhabilitation du parc privé et public ou de lutte contre l’habitat indigne, une question cruciale pour les outre-mer. Le ministère chargé du logement et celui des outre-mer mènent en la matière une action déterminée.
Mon ministère intervient au travers de l’ANRU qui, sur la question de l’habitat indigne, apporte un accompagnement, une ingénierie et des financements. Comme dans l’hexagone, l’objectif est de rendre les quartiers plus attractifs en améliorant le bâti, en repensant les espaces publics environnants, les équipements sportifs et les écoles, et en apportant plus de nature dans les zones très urbanisées – ce dernier aspect étant peut-être un peu moins sensible dans les territoires ultramarins. Cet enjeu national, qui touche tous les départements, fait l’objet d’une action conjointe du ministère des outre-mer, du ministère chargé du logement et de celui chargé de la ville.
Mme Justine Benin. Le dernier comité interministériel des villes, présidé par le Premier ministre, a été l’occasion d’annoncer des mesures supplémentaires pour les quartiers prioritaires, avec une augmentation importante des moyens budgétaires. Quelles sont les adaptations prévues pour leur déploiement en outre-mer ? Un volet spécifique sera-t-il consacré aux caractéristiques ultramarines, notamment dans le cadre de la rénovation urbaine, s’agissant tant de l’insertion des jeunes, dont beaucoup sont en difficulté, que de la sécurité ?
M. le président Olivier Serva. Madame la ministre déléguée, je suis saisi d’une question du député de La Réunion David Lorion, qui ne peut participer à cette audition. La voici :
« Lors du comité interministériel des villes du 29 janvier dernier, le Premier ministre a annoncé quinze mesures en faveur des quartiers populaires, dont une augmentation de 2 milliards d’euros pour le NPNRU mené par l’ANRU, portant le budget de celle-ci à 12 milliards d’euros. Cet accroissement des moyens est destiné à permettre la construction et la réhabilitation de logements supplémentaires. Les opérations ANRU 2 sont nombreuses en outre-mer et ciblent souvent l’amélioration des conditions de logement, dont le besoin demeure très important. C’est le cas à La Réunion, où les collectivités maîtres d’ouvrage devraient être les principales bénéficiaires de ces nouveaux moyens pour réaliser les aménagements urbains et équipements divers nécessaires. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous assurer que chacune des opérations NPNRU en outre-mer recevra au plus vite ces nouveaux crédits, notamment sous forme de subventions, et que leur utilisation sera facilitée et assouplie pour tenir compte du contexte actuel de crise ? »
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Le comité interministériel des villes a annoncé soixante-dix-huit mesures au total ; 3,3 milliards d’euros ont été fléchés vers les quartiers prioritaires de la ville, dont 2 milliards pour l’ANRU. Toutefois, ne souhaitant pas choisir au sein des quartiers prioritaires de la ville, nous avons demandé à chaque préfet de mettre en place des comités territoriaux de suivi du plan de relance et des mesures prévues par le CIV afin de communiquer sur les dispositifs existants, de proposer une aide et d’ajuster les différents outils d’accompagnement au portage des projets. Ces comités territoriaux devront se tenir avant le 15 avril, afin de permettre à tous les territoires de faire remonter les projets.
Nous n’avons pas voulu flécher une enveloppe directement vers les territoires ultramarins parce qu’elle pourrait être insuffisante ou, à l’inverse, trop importante par rapport à l’élaboration des projets. L’enveloppe sera déterminée selon les besoins et les projets qui nous seront transmis. Sachez cependant que je serai très attentive à ce que les QPV des territoires ultramarins ne soient pas les oubliés du plan de relance ni des mesures annoncées par le comité interministériel des villes. Nous avons labellisé des cités éducatives et nous labelliserons des cités de l’emploi. Nous avons également labellisé quatorze quartiers productifs, dont un territoire ultramarin, parce que nous souhaitons apporter du développement commercial dans les QPV. Je veille à ce que les territoires ultramarins bénéficient de chaque dispositif de la politique de la ville au même titre – voire, en proportion du nombre d’habitants, davantage – que les autres.
Concernant l’enveloppe supplémentaire du NPNRU, ces nouveaux moyens de financement permettront d’amplifier des projets existants et de fixer des clauses de revoyure pour certains projets déjà validés. Ils permettront à l’ANRU de financer des investissements supplémentaires ou des opérations qui auraient été précédemment écartées pour des raisons budgétaires. S’agissant des territoires ultramarins, nous suivons de très près quatre territoires : La Réunion, pour Le Port et Saint-Denis ; Mayotte, où les trois projets ANRU sont éligibles ; la Guyane, concernant le projet de rénovation urbaine de Saint-Laurent-du-Maroni ; enfin, la Martinique, pour celui de Fort-de-France. Des clauses de revoyure sont prévues pour ces quatre territoires. L’ANRU aura à cœur d’accompagner au mieux ces collectivités dans l’élévation de leurs ambitions et dans la réalisation de leurs investissements.
M. le président Olivier Serva. Je vous remercie infiniment, madame la ministre déléguée, pour vos réponses précises et pour tout ce que fait le Gouvernement en matière de politique de la ville, singulièrement en outre-mer. J’ai beaucoup appris lors de cette audition, et je souhaite que vous puissiez venir le plus vite possible – en tenant compte, bien entendu, des contraintes sanitaires – dans les territoires ultramarins afin de présenter aux acteurs l’ensemble des dispositifs émanant de votre ministère. Si les collectivités territoriales doivent se les réapproprier, puisqu’elles sont chargées les décliner, tout le monde gagnerait à ce que vous les exposiez de vive voix. Je suis tout disposé à vous accompagner là où vous souhaiteriez vous rendre.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Je vous remercie pour votre invitation, monsieur le président. Seul le contexte sanitaire a eu raison de ma volonté d’aller en outre-mer, dans les territoires les plus en difficulté. J’ai prévu de me rendre à Mayotte, en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique.
La réunion s’est achevée à 16 heures 45.
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Informations relatives à la Délégation
La Délégation a nommé Mme Stéphanie Atger et MM. Mansour Kamardine et Jean-Hugues Ratenon rapporteurs d’information sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Stéphanie Atger, Mme Nathalie Bassire, Mme Justine Benin, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Rodrigue Kokouendo, M. Mohamed Laqhila, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Cécile Rilhac, M. Olivier Serva, M. Gabriel Serville, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Laurence Vanceunebrock, M. Guillaume Vuilletet.
Excusés. – M. Stéphane Claireaux, Mme Karine Lebon.