Compte rendu

Commission d’enquête relative
à la mainmise sur la ressource en eau
par les intérêts privés
et ses conséquences

–  Audition de la Maison des eaux minérales naturelles (MEMN) et du Syndicat des eaux de sources (SES), composant la Fédération nationale des eaux conditionnées et embouteillées (FNECE), réunissant M. Denis Cans, président de la MEMN, accompagné de M. Sylvain Anus, hydrogéologue, directeur adjoint Eau chez Antea Group, M. Jacques Tréherne, président du SES, M. Samuel Vauthrin, référent Ressources en eau du SES, et Mme Marie-Ange Badin, déléguée générale de la MEMN et secrétaire générale de la FNECE.              2


Jeudi
22 avril 2021

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 30

session ordinaire de 2020-2021

 

Présidence de
Mme Mathilde Panot,
présidente de la commission
 


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COMMISSION D’ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privÉs et ses consÉquences

Jeudi 22 avril 2021

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

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La commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l’audition de la Maison des eaux minérales naturelles (MEMN) et du Syndicat des eaux de sources (SES), composant la Fédération nationale des eaux conditionnées et embouteillées (FNECE), réunissant M. Denis Cans, président de la MEMN, accompagné de M. Sylvain Anus, hydrogéologue, directeur adjoint Eau chez Antea Group, M. Jacques Tréherne, président du SES, M. Samuel Vauthrin, référent Ressources en eau du SES, et Mme Marie-Ange Badin, déléguée générale de la MEMN et secrétaire générale de la FNECE.

 

Mme la Présidente Mathilde Panot. Nous entendons à présent les représentants de la Maison des eaux minérales naturelles (MEMN), du Syndicat des eaux de sources (SES) qui forment ensemble la Fédération nationale des eaux conditionnées et embouteillées (FNECE).

Avant de débuter l’audition, je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle également que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Madame, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Mme Mme Marie-Ange Badin. MM. Denis Cans, Sylvain Anus, Jacques Tréherne, et Samuel Vauthrin prêtent serment.

M. Denis Cans, président de la MEMN. Je rappelle que la MEMN constitue le syndicat professionnel des eaux minérales naturelles, représentant pour plus de 80 % du chiffre d’affaires réalisé dans la filière. Nos adhérents sont multiples et variés, du statut de la très petite entreprise (TPE) au grand groupe, en passant par les petites et moyennes entreprises (PME).

Nos missions sont, d’une part, de défendre les intérêts collectifs du secteur qui œuvre dans le cadre d’une législation dense et évoluant rapidement. La MEMN sert d’interlocuteur aux minéraliers dans les rapports avec les acteurs publics. D’autre part, nous cherchons à initier des démarches de progrès, au sein de notre secteur.

D’abord, je vous propose de préciser ce qu’est une eau minérale naturelle. Cette dernière diffère de l’eau de source de par sa composition en minéraux, et de l’eau du robinet par le fait que celle-ci est traitée chimiquement afin d’être rendue potable. Par effet de raccourci, l’eau minérale est une eau bio par nature, étant totalement pure et non affectée par la pollution humaine. Sa protection s’effectue en amont, à l’échelle des nappes et leur préservation, au contraire de l’eau du robinet qui est traitée en aval. À ce titre, il est légitime de s’interroger sur l’intérêt de la potabilité de l’eau du robinet, sachant que seulement 1 % de ces volumes a vocation à être bu.

En complément, il convient de souligner l’important cadre réglementaire entourant les eaux minérales. Il comporte l’obligation d’embouteiller à la source, ainsi que de soumettre les captages à autorisation préfectorale ou ministérielle. De même, les quantités annuelles maximum des volumes prélevés sont fixées par arrêté préfectoral, conformément aux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE). Ces quantités font l’objet de déclarations aux autorités, à l’aide d’un compteur spécifique. Les données issues de ces contrôles sont accessibles au public. Par ailleurs, l’administration vérifie fréquemment la conformité des prélèvements aux autorisations accordées. Le dernier point réglementaire tient au fait que la gestion des impluviums se fait dans le respect d’une déclaration d’intérêt public, sous contrôle du ministère de la santé.

Ensuite, je vous informe que la filière inclut 89 sources sur l’ensemble du territoire national. Parmi elles, seules 15 sont sous la gestion de grands groupes. J’insiste donc sur le fait que la filière repose sur des PME et TPE, dans des zones rurales, et qu’elle dynamise ainsi la région. Notre filière totalise 8 000 emplois directs, pour un chiffre d’affaires de 2,5 milliards annuel, soit 5 % du chiffre d’affaires du secteur de la boisson en France, et 1,6 % du chiffre d’affaires de l’industrie agroalimentaire en France.

Les eaux minérales sont soumises à la surtaxe communale de 0,58 euros par hectolitre, et au droit d’accise de 0,54 euros par hectolitre. Cette dernière est destinée à financer la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. L’ensemble de ces chiffres est à lire à la lumière des 4,6 milliards de litres vendus en France en 2019.

Aussi, je vous faisais part du cadre réglementaire entourant les eaux minérales mais la filière fait également l’objet, par la suite, de contrôles en continu avec pas moins de 11 000 contrôles quotidiens, physico-chimiques et microbiologiques. De plus, les agences régionales de santé (ARS) opèrent un contrôle tous les deux mois. Dans le même ordre d’idée, nous portons à votre connaissance que les eaux minérales font l’objet d’études scientifiques poussées, dont la dernière remonte à 2016, menée par le laboratoire du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Bordeaux à l’échelle de la majorité des marques en France. Cette enquête témoignait de l’absence de molécules indésirables, comme les résidus des médicaments, ou les hormones. Il s’agit là de la résultante d’actions déterminantes de la part des minéraliers, en vue de protéger leurs aquifères des pollutions.

Enfin, je tiens à vous faire part d’un constat éclairant, à savoir que l’eau minérale ne représente que 0,3 % du total des prélèvements d’eau potable à usage domestique en France. À la lumière de ce pourcentage, il semblerait donc incohérent d’affirmer que les minéraliers s’accaparent la ressource en eau au détriment des populations locales, ou même qu’il existe un conflit d’usage entre l’eau minérale et l’eau du robinet. D’ailleurs, c’est bien la conclusion qui a été formulée dans le rapport n° 3061 de la mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau, présenté par les députés Loïc Prud’homme et Frédérique Tuffnell en juin 2020.

Mme Marie-Ange Badin, déléguée générale de la MEMN et secrétaire générale de la FNECE. À présent, je souhaite vous fournir quelques éléments sur le métier de minéralier, qui ne consiste pas seulement à embouteiller l’eau minérale naturelle mais bien à garantir la protection de la ressource, pour lui assurer la pérennité, et également à valoriser l’identité locale en créant de la valeur localement.

Concernant nos sources, elles sont implantées dans des zones humides et fragiles, dites d’impluvium, pouvant parfois couvrir des milliers d’hectares. En vue de les protéger, les minéraliers cherchent à préserver et développer la biodiversité, à éviter l’imperméabilisation des sols et entraver les entrants chimiques. Le rapport cité par monsieur Denis Cans confirme que ces actions participent au respect du cycle de l’eau et au renouvellement des nappes. Ces actions sont conduites en partenariat avec les collectivités, les agriculteurs, que nous accompagnons vers une agriculture plus bio, sans pesticide et avec des engrais naturels, et enfin avec les particuliers et les services municipaux, auprès desquels nous déployons des politiques de sensibilisation aux risques que présentent les pesticides et herbicides pour les sources.

Concernant la valorisation du terroir, il est bon de rappeler que nos emplois sont locaux et non délocalisables, du fait de l’obligation d’embouteiller à la source. Il n’est d’ailleurs pas rare que nos adhérents se trouvent être les premiers employeurs de leur bassin d’emploi. La fiscalité, sujet mentionné par monsieur Denis Cans, constitue également un levier dans le but de faire rayonner les territoires où nous œuvrons. Enfin, nonobstant le lien avéré entre les activités thermales ou touristiques avec notre filière, nous pouvons affirmer que l’eau minérale génère de la fierté chez les habitants du territoire, et qu’elle fait parfois la renommée de certaines de nos villes à l’international.

M. Jacques Tréherne, président du SES. Pour ce qui est des eaux de sources, la production en France en 2020 se situe à 4,4 milliards de litres, soit 57 litres par personne, par an. Le chiffre d’affaires de la filière s’élève à 665 millions d’euros et se base sur 31 exploitations à l’échelle de 43 départements, contribuant ainsi de manière importante à l’économie locale. À ce titre, la filière de l’eau de source emploie 3 000 salariés. Ils sont souvent techniciens avancés, possédant un brevet de technicien supérieur (BTS) ou un diplôme d’ingénieur. En effet, le matériel, comprenant par exemple des automates programmables pouvant produire jusqu’à 40 000 bouteilles par heure, nécessite une expertise certaine.

En vue de réduire l’empreinte environnementale, il est par exemple à noter que nos bouteilles, 100 % recyclables et pouvant relever d’un usage circulaire, ont vu leur poids être divisé par deux en 20 ans. La filière opère principalement en local, puisque la distance entre les lieux d’embouteillage et de consommation se trouve en dessous d’une moyenne de deux cents kilomètres. Une conséquence positive de cette donnée tient dans le fait d’afficher les mêmes niveaux de prix depuis dix ans, entre 11 et 18 centimes par litre.

À titre de précision, je rappelle à la commission d’enquête qu’en cas de pollution des eaux publiques, le préfet peut faire appel à la filière de l’eau de source pour pallier la catastrophe. Aussi, le ministère des armées classe l’eau de source, au même titre que le lait, au sein des denrées stratégiques.

M. Samuel Vauthrin, référent Ressources en eau du SES. Je poursuis la présentation de l’eau de source sous l’aspect de la protection de la ressource. Nos contraintes s’avèrent similaires à celles des minéraliers. Pour autant, l’eau de source ne dispose pas d’un périmètre physique de protection et pour cette raison, il nous faut maîtriser la dimension foncière environnant les captages, afin d’éviter les traitements chimiques, puisqu’une eau de source doit respecter des critères de qualité depuis le prélèvement jusqu’à l’embouteillage.

Dans ce même esprit de protection, nous nous coordonnons avec les collectivités et les agriculteurs, afin d’inciter à adopter des pratiques plus vertueuses. Les conventions que nous passons avec les agriculteurs visent par exemple à diminuer les taux d’azote dans le sol. En parallèle, nous invitons certains agriculteurs à obtenir des certifications, comme la certification de haute valeur environnementale 3 (HVE3). Par ailleurs, 20 millions d’euros ont été investis ces dernières années en vue de réduire les pertes en eaux. C’est-à-dire que la majorité des embouteilleurs s’équipe maintenant de soutireuses, amenant à ce qu’un litre d’eau prélevé dans la nappe corresponde à un litre d’eau embouteillé.

Sous l’angle du prélèvement, la multi-implantation des eaux de source favorise les prélèvements raisonnés. Ils s’effectuent dans des nappes captives, au plus profond de l’aquifère, sans connexion avec les nappes de surface. La filière surveille le niveau des nappes et la meilleure des surveillances est opérée par les industriels. Aussi, nous ne cherchons pas à prélever davantage que ce que la nature nous donne et chaque eau de source se trouve réglementée, suivant une procédure complexe, afin que la ressource soit exploitée manière durable.

Je peux formuler le même propos, pour l’eau de source, que monsieur Denis Cans présentait pour l’eau minérale, à savoir que les volumes totaux d’eau de source doivent être relativisés. J’opère une comparaison entre la métropole de Lille et les prélèvements d’eau de source au niveau national : la métropole de Lille prélève 45 millions de mètres cubes en nappes souterraines, soit 75 % de ses prélèvements, quand le total des volumes d’eau de source à l’échelle nationale ne représente que 6,7 millions de mètres cubes. Ces 6,7 millions de mètres cubes nationaux en eau de source correspondent à seulement 1/7ème des quantités prélevées par la quatrième plus grande agglomération française. Le président de la métropole européenne de Lille explique que son réseau d’eau enregistre 20 % de perte par an, soit 12 millions de mètres cubes en 2019. En résumé, l’eau de source prélevée chaque année en France représente 50 % des pertes d’eau d’une grande agglomération française.

Mme la présidente Mathilde Panot. Je lisais sur votre présentation que l’eau de source s’exportait à moins de 10 %. Le confirmez-vous ?

M. Samuel Vauthrin. Nous effectuerons une recherche et vous en communiquerons le résultat mais à mon sens, oui, l’export se situe bien en dessous.

Mme Marie-Ange Badin. Quant aux minéraliers, nous exportons pour 37 % de nos volumes, soit 2,7 milliards de litres.

Mme la présidente Mathilde Panot. Je m’adresse tant aux minéraliers qu’aux représentants des eaux de sources, pour vous demander les montants des surtaxes versés.

M. Samuel Vauthrin. Les surtaxes ne s’appliquent pas à l’eau de source.

Mme Marie-Ange Badin. Pour les minéraliers, le plafond se situe à 0,58 euros par hectolitre, comme explicité auparavant, mais varie selon les collectivités. Sur la base du rapport parlementaire d’information numéro 3868 sur la taxation des produits agroalimentaires de 2016, je peux vous donner le chiffre de 21 millions d’euros sur l’ensemble de la France.

Mme la présidente Mathilde Panot. Je constate, au fil des auditions, que les seules informations disponibles sur les données relatives à l’eau dépendent fréquemment des industriels. Considérez-vous que cette question de l’autocontrôle pose problème ? En parallèle, nous nous apercevons que la nappe des grès du Trias inférieur (GTI) de Vittel a été surexploitée, sans que Nestlé ne lance l’alerte. Quel devrait, selon vous, être le rôle de l’État dans ces prélèvements ?

Aussi, concernant le litre prélevé équivalant au litre embouteillé, je m’interroge car Danone comme Nestlé nous ont plutôt indiqué des chiffres de 1,46 et 1,5 litre d’eau consommé pour un litre embouteillé.

M. Samuel Vauthrin. En mentionnant ce « un litre prélevé équivalant à un litre embouteillé », je me référais à l’eau de production. En complément, nous allons aussi consommer de l’eau pour mener le processus industriel.

M. Denis Cans. Pour les minéraliers, nous ne disposons pas de moyenne mais le chiffre d’1,5 litre, pour l’eau plate, me semble cohérent avec ce que je constate chez nombre de nos adhérents.

Mme la présidente Mathilde Panot. Pouvez-vous maintenant apporter une réponse à la commission à propos des données et de l’autocontrôle ?

M. Samuel Vauthrin. Au moins une fois par an, les sites industriels doivent communiquer les données d’autocontrôle des nappes, les adressant alternativement à trois organismes différents : la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) s’il s’agit d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), la direction départementale des territoires (DDT) ou la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIE) à Paris, pour des nappes dites stratégiques.

M. Denis Cans. Je trouve le terme « autocontrôle » peu approprié car les minéraliers déclarent les volumes prélevés, qui font ensuite l’objet d’un contrôle par l’administration, à différentes étapes.

M. Sylvain Anus, hydrogéologue, directeur adjoint Eau chez Antea Group. Je confirme que les industriels surveillent les nappes et leurs aquifères, et disposent d’un réseau de surveillance piézométrique en vue d’en suivre les niveaux. Vient ensuite l’obligation de rendre compte de ces prélèvements à la DDT.

M. Olivier Serva, rapporteur. Est-il déjà arrivé, au cours des dernières décennies, que certains de vos adhérents abandonnent un captage ou un forage du fait de l’épuisement de la ressource en eau ?

M. Jacques Tréherne. Je ne connais aucune occurrence pour les eaux de sources.

M. Denis Cans. Pas davantage pour les eaux minérales naturelles.

M. Olivier Serva, rapporteur. Cette absence d’événement comprend-elle les eaux de surface et les eaux souterraines, ou seulement ces dernières ?

M. Denis Cans. Dans le cas des eaux minérales naturelles, nous ne traitons que d’eaux souterraines.

M. Jacques Tréherne. Il en va de même pour les eaux de sources.

M. Sylvain Anus. La seule possibilité pour qu’un forage soit abandonné serait le cas où un outil deviendrait trop vétuste. Mais il n’existe pas d’abandon pour épuisement de la ressource en eau.

M. Olivier Serva, rapporteur. Les eaux minérales naturelles, à Vittel ou Volvic, ne subissent-elles pas de traitements ?

M. Denis Cans. Lorsque j’évoquais une eau sans traitement, je faisais référence à l’absence de traitement chimique. Des traitements non chimiques peuvent être autorisés.

Mme Marie-Ange Badin. C’est en effet le cas pour certaines catégories d’eaux minérales naturelles du fait de la présence d’indésirables. Il est alors procédé à une filtration.

M. Sylvain Anus. La Commission européenne autorise en effet de tels traitements pour le fer, le manganèse ou le fluor mais il n’est pas question de désinfection bactériologique. L’autorisation de filtration ne porte que sur ces quelques éléments indésirables.

M. Olivier Serva, rapporteur. Les étiquettes des bouteilles mentionnent-elles ces éventuels traitements ?

Mme Marie-Ange Badin. Le code de la santé publique prévoit ces règles à l’article R. 1322-44-10. La déferrisation constitue une filtration. Le traitement de l’arsenic impose un affichage en France, mais la règle varie en fonction des pays de l’Union européenne (UE). Quant au traitement par oxydation et air enrichi à l’ozone, ainsi que le traitement du fluor, l’étiquetage est obligatoire en France comme en UE. Nous pourrons vous faire parvenir le détail de ces éléments par écrit.

M. Olivier Serva, rapporteur. Qu’en est-il pour l’exportation et à titre d’exemple, pour l’eau de Vittel ?

Mme Marie-Ange Badin. L’étiquetage variera en fonction du traitement. Cependant, je ne peux pas répondre spécifiquement à propos de Vittel.

M. Denis Cans. Il est en effet très probable qu’il y ait une variation des règles en vigueur d’un pays à un autre.

M. Olivier Serva, rapporteur. À Vittel et à Volvic, les industriels sont accusés d’être responsables de l’épuisement prématuré de la ressource. Les mesures vous apparaissent-elles suffisantes et avez-vous connaissance de situations comparables ? Si oui, lesquelles ?

M. Denis Cans. Je n’ai pas connaissance d’un cas similaire. Toutefois il n’est pas dans notre rôle de répondre au sujet de Vittel ou Volvic, d’autant que vous avez déjà auditionné ces industriels. Nos adhérents n’ont pas à nous rendre de comptes à ce sujet. Il faut tout de même rappeler que la réglementation est particulièrement stricte, empêchant la surexploitation sur le long terme. Les cas de tension que peuvent connaître certains territoires sont traités isolément et l’État agit alors au travers de schémas collectifs, comme pour les exemples que vous citez.

M. Olivier Serva, rapporteur. En cas de sécheresse localisée, quelles mesures restrictives peuvent être appliquées ?

M. Denis Cans. L’autorité compétente appréciera la situation localement, raison pour laquelle les arrêtés sécheresse varient d’un territoire à un autre, bien qu’ils doivent systématiquement être évalués de manière scientifique.

M. Jacques Tréherne. Dans la mesure où les eaux de sources que nous prélevons se situent de 200 à 500 mètres de profondeur, les épisodes de sécheresse ne peuvent pas les affecter.

M. Samuel Vauthrin. Monsieur Tréherne a raison quant à l’absence d’impact sur les aquifères profonds. Pour autant, il arrive que des préfectures instaurent des arrêtés complémentaires, comportant trois niveaux d’alerte. Le premier se nomme « vigilance renforcée sécheresse » et induit une baisse de 5 % de l’autorisation de prélèvement. Le deuxième niveau s’intitule « alerte sécheresse » et implique une baisse de 10 à 15 % des prélèvements. Le troisième niveau, dit « alerte renforcée sécheresse » a pour conséquence un abaissement de 20 à 25 % du prélèvement autorisé pour l’industriel, quand bien même l’épisode n’impacte pas la ressource qu’il utilise.

M. Olivier Serva, rapporteur. Pouvez-vous m’indiquer la durée de validité d’une eau de source ou d’une eau minérale, une fois embouteillée ?

M. Samuel Vauthrin. Je l’estime à deux ans, pour les eaux de sources.

M. Denis Cans. Les durées diffèrent selon qu’il s’agisse d’une eau gazeuse (un an) ou d’une eau plate (deux ans). Nous vous confirmerons ces durées par écrit.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Quels sont vos engagements, en termes d’économie circulaire, en vue de limiter l’impact de la filière, notamment au sujet des bouteilles en plastique, et vis-à-vis du vrac ? Pouvez-vous également nous fournir les ordres de grandeur entre les prélèvements d’eaux douces ou minérales, et l’eau rendue potable ?

M. Denis Cans. Concernant les eaux minérales, elles représentent comparativement 0,3 % de la consommation d’eau potable à usage domestique. Et quand on compare à l’ensemble des eaux utilisées par les agriculteurs, les centrales électriques ou les canaux, la proportion s’abaisse à 0,03 %.

Mme Marie-Ange Badin. Au sujet de l’économie circulaire, nous voulons faire application de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et pour ce faire, nous nous inscrivons dans la dynamique 3R, à savoir : réduction, réemploi, recyclage.

En matière de réduction, nous souhaitons développer les grands contenants, réduire le poids des bouteilles ou procéder à de la vente en vrac. À ce dernier sujet, des études de recherche et développement (R&D) sont en cours mais un flou juridique demeure, nous empêchant de développer le système de tri qui présenterait une importante innovation écologique. À titre d’historique, vous constaterez que le taux de recyclage de nos bouteilles est passé de 2 % en 1994 à 61 % en 2019.

En matière de recyclage et de collecte, nous encourageons les campagnes visant à améliorer le geste de tri du citoyen. Aussi, nous parvenons à incorporer 100 % de polyéthylène téréphtalate (PET) recyclé dans nos bouteilles. Ainsi, notre filière de recyclage se montre exemplaire, produisant une bouteille à partir d’une ancienne bouteille.

En matière de collecte, nous menons des études à propos de consignes pour recyclage, qui nous apparaîtraient comme un moyen pertinent afin d’atteindre l’objectif européen de 90 % de collecte en vue d’un recyclage. Nous espérons pouvoir collaborer à ce propos avec l’ensemble des parties prenantes.

M. Samuel Vauthrin. Actuellement, nous ne disposons pas d’alternative à la matière plastique. Toutefois, il apparaît que certains de nos adhérents mettent déjà des appareils en place dans le but de collecter les bouteilles, le PET et de recycler. Certains s’engagent même sur la voie d’investissements quasi-circulaires, en envisageant la construction d’usines de recyclage. 

M. Olivier Serva, rapporteur. Si les conditions de stockage des bouteilles incluent une exposition au soleil ou au froid, le plastique et les changements de température peuvent-ils altérer la qualité de l’eau ?

M. Samuel Vauthrin. Sans contamination au goulot, par la salive, je n’envisage pas qu’un problème survienne pour de l’eau plate.

M. Olivier Serva, rapporteur. En revanche des difficultés pourraient donc survenir pour de l’eau gazeuse ?

M. Samuel Vauthrin. Une obligation réglementaire impose de conserver les bouteilles d’eau gazeuse sous abri.

M. Denis Cans. Je partage cette position. Nous recommandons systématiquement à nos distributeurs de stocker les eaux gazeuses dans des endroits secs et à l’abri de températures excessives afin d’éviter que les bouteilles ne gonflent. Pour autant, la qualité de l’eau n’en serait pas détériorée.

M. Olivier Serva, rapporteur. Venant de la Guadeloupe, je sais que les eaux arrivent par conteneurs et peuvent être exposées à la chaleur. Portez-vous un regard particulier sur ces cas ?

M. Denis Cans. Malheureusement, je ne connais que très peu le cas de l’outre-mer puisque la MEMN n’y compte pas d’adhérent. Je maintiens qu’une eau gazeuse exposée au soleil peut voir son contenant se déformer et je suppose qu’une vigilance accrue doit être appliquée.

M. Olivier Serva, rapporteur. Badoit et Perrier ne font-ils pas partie de vos adhérents ?

M. Denis Cans. Ces marques adhèrent à la MEMN mais je n’ai pas de regard particulier sur les exportations auxquelles elles procèdent.

Mme la présidente Mathilde Panot. Pour finir, pouvez-vous nous préciser à quelles conditions les embouteilleurs procèdent à des études d’impact environnemental sur les sources exploitées ?

Je souhaite également que vous nous précisiez comment vos adhérents prennent en considération la rupture du cycle de l’eau, notamment au regard de l’exportation, sachant que Perrier exporte 60 % de ses eaux prélevées, Volvic 70 %, ou que 37 % des volumes des minéraliers sont exportés d’un point de vue général.

M. Sylvain Anus. À propos de l’étude d’impact et des études généralement menées par les minéraliers, il convient de se référer à l’arrêté ministériel du 5 mars 2007 relatif à la constitution du dossier de demande d’autorisation d’exploiter une source d’eau minérale naturelle pour le conditionnement, l’utilisation à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal ou la distribution en buvette publique’. Dans ce cas, il est procédé à un pompage de qualification sur une période de 12 mois, comportant des débits conséquents. Dès lors, le débit est suivi, tout comme l’évolution du niveau de l’aquifère, la température ou encore la minéralisation. De même, des analyses physico-chimiques et bactériologiques sont menées. Le pompage de qualification a pour objectif de démontrer qu’une exploitation n’impacterait pas le milieu aquatique.

Mme la présidente Mathilde Panot. Qu’en est-il de la situation avant cet arrêté de 2007 ?

M. Sylvain Anus. Pour vous répondre, je dois d’abord me renseigner. Je vous transmettrai les régimes d’autorisation et les études détaillées d’alors, par écrit.

M. Denis Cans. En réponse à votre question sur l’export, madame la présidente, le fait que la production soit destinée à la France ou à l’exportation n’impacte pas le cycle de l’eau. Le cadre réglementaire s’en trouve identique, impliquant les captages, le suivi des débits, les déclarations des industriels et une gestion raisonnée du cycle de l’eau.

Mme la présidente Mathilde Panot. En conclusion, je désire connaître le montant des redevances versées, pour l’eau minérale comme l’eau de source, aux agences de l’eau. Pourquoi le taux peut-il varier ?

M. Samuel Vauthrin. Je ne possède pas de chiffre mais la variation peut provenir des masses d’eau, ainsi que du coût parfois moindre, dans certaines régions, à acheminer l’eau. En France comme à l’échelle de la planète, la ressource en eau n’est pas équitablement répartie.

M. Jacques Tréherne. Ces éléments de réponse expliquent également les différences de redevance d’un bassin à l’autre.

Mme la présidente Mathilde Panot. Monsieur Vauthrin, pourrez-vous nous faire parvenir les chiffres ?

M. Samuel Vauthrin. Bien sûr. Je vous transmettrai plusieurs chiffres provenant de plusieurs agences, afin que vous puissiez réaliser des comparaisons.

Mme Marie-Ange Badin. De même, pour les redevances des minéraliers, je vous ferai parvenir ces éléments par écrit.

Mme la présidente Mathilde Panot. Très bien. Je vous remercie d’avoir pris le temps de répondre à notre invitation, et vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été adressé.

 

La réunion s’achève à quinze heures et trente-cinq minutes.