Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Examen du rapport de la mission d’information sur l’avenir du secteur aéronautique en France (M. Jean-Luc Lagleize et Mme Sylvia Pinel, co-rapporteurs)              2

– Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Benoît Cœuré, que le Président de la République envisage de nommer dans les fonctions de président de l’Autorité de la concurrence (Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure)              2

 

 

 


Mercredi
11 janvier 2022

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 29

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
M. Roland Lescure,
Président


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La commission a examiné le rapport de la mission d’information sur l’avenir du secteur aéronautique en France (M. Jean-Luc Lagleize et Mme Sylvia Pinel, co-rapporteurs)

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/8ipWHC

La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

 

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La commission a ensuite auditionné, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Benoît Cœuré, que le Président de la République envisage de nommer dans les fonctions de président de l’Autorité de la concurrence (Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure), puis a procédé au vote sur cette nomination.

M. le président Roland Lescure. En application de l’article 13 de la Constitution, la commission des affaires économiques doit rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. C’est la dixième fois – et probablement pas la dernière, le futur administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives étant susceptible d’être nommé bientôt, – que nous nous réunissons dans le cadre de cette procédure.

Par un courrier en date du 22 décembre 2021, le Premier ministre a informé le président de l’Assemblée nationale que le Président de la République envisageait de nommer M. Benoît Cœuré dans les fonctions de président de l’Autorité de la concurrence. Madame Isabelle de Silva, que nous avions auditionnée dans le cadre de la même procédure, le 12 octobre 2016, était la précédente titulaire de ces fonctions. Nous la remercions pour l’important travail qu’elle a accompli.

La récente réforme de notre règlement a adapté la procédure suivie en commission pour les nominations effectuées en application de l’article 13 de la Constitution. Il est désormais prévu que la commission compétente nomme parmi ses membres un rapporteur appartenant à un groupe d’opposition ou à un groupe minoritaire. Pour la présente audition, c’est Mme Virginie Duby-Muller, membre du groupe Les Républicains, qui a été désignée. Je souhaite la bienvenue à notre collègue, qui siège habituellement à la commission des affaires culturelles et de l’éducation. La rapporteure a adressé un questionnaire à M. Cœuré, qui y a apporté des réponses détaillées. Ce document, accompagné du curriculum vitae de M. Cœuré, a été transmis aux membres de la commission vendredi dernier et sera mis en ligne à l’issue de la proclamation des résultats du scrutin.

Je vous rappelle les principales règles qui encadrent cette procédure. L’audition est publique. Le scrutin, qui doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée, est secret. Il ne peut donner lieu à aucune délégation de vote et sera effectué par appel public ; des bulletins seront distribués à cet effet. Le dépouillement aura lieu simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat – vous y avez été auditionné ce matin, monsieur Cœuré. Il pourra être procédé au dépouillement dès la fin du scrutin, en présence de deux scrutateurs choisis parmi les plus jeunes députés du groupe La République en marche et du groupe Les Républicains. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Je remercie la commission des affaires économiques de m’accueillir.

Suivant un usage désormais établi, j’ai abordé avec M. Cœuré l’ensemble des enjeux relatifs à l’exercice des fonctions de président de l’Autorité de la concurrence dans le cadre d’un entretien préalable, organisé à ma demande. En outre, j’ai établi un questionnaire en vue d’éclairer l’avis que la commission doit rendre ce matin.

Monsieur Cœuré, chacun pourra convenir que vos qualifications académiques et votre parcours professionnel tranchent avec ceux des personnes précédemment nommées à la tête de l’Autorité de la concurrence. En tant qu’ancien élève de l’École polytechnique et de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique…

M. le président Roland Lescure. Excellent parcours !

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. …vous avez une formation d’économiste. En cette qualité, vous avez d’abord exercé des fonctions de direction au sein du ministère de l’économie et des finances, puis vous avez été désigné membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE). Aujourd’hui, vous êtes directeur du pôle d’innovation de la Banque des règlements internationaux (BRI) et vous coprésidez, au sein de cette institution, un groupe de travail sur les monnaies numériques de banque centrale. Pourriez‑vous préciser en quoi vos qualifications académiques et votre expérience professionnelle vous prédisposent à exercer les fonctions de président de l’Autorité de la concurrence ? Quelle valeur ajoutée pensez-vous pouvoir apporter ?

L’Autorité de la concurrence possède le statut d’autorité administrative indépendante. À cet égard, les motifs pour lesquels Mme de Silva n’a pas été reconduite dans ses fonctions suscitent encore des interrogations. Pouvez-vous nous indiquer quels droits et obligations le statut d’autorité administrative indépendante implique du point de vue de la communication avec le pouvoir exécutif ? Comment entendez-vous rendre compte de l’action de l’Autorité de la concurrence au Parlement ? Comment concevez-vous le rôle du président de cette autorité et les rapports avec son collège ?

Les missions de l’Autorité de la concurrence consistent à veiller à la préservation de l’équilibre concurrentiel des marchés de biens et de services. À ce titre, il lui incombe principalement de lutter contre les ententes et les abus de position dominante et de se prononcer sur la validité et les conditions des opérations de fusion-acquisition.

Notre époque se caractérise par l’accélération du temps économique, par le renouvellement des modes de production et de consommation, ainsi que par l’ouverture des frontières. Selon vous, quels enjeux la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles soulève-t-elle aujourd’hui ? Qu’en est-il en particulier dans le domaine de l’économie numérique et de la régulation de ses géants, les GAFAM ? Quelles exigences s’imposent à l’Autorité de la concurrence dans l’exercice de ses missions ?

Je préside la mission d’information sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse, qui présentera son rapport cet après-midi. Le 13 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence a condamné Google à payer une amende historique de 500 millions d’euros et, lundi dernier, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, considérant le non-respect des injonctions qui ont été prononcées, a exercé une nouvelle saisine. Comment comptez-vous faire respecter les décisions de l’Autorité de la concurrence ?

La directive européenne du 11 décembre 2018, dite « ECN+ », a formalisé ou consacré des droits et des compétences que l’Autorité de la concurrence pouvait déjà exercer sur d’autres fondements et par d’autres biais. Pourriez-vous expliciter les critères qui doivent guider l’Autorité de la concurrence dans l’application du principe d’opportunité des poursuites ? Quelles situations pourraient motiver une autosaisine et la mise en œuvre de mesures conservatoires ? Et quel intérêt la définition et la mise en œuvre de mesures correctives, de nature structurelle ou comportementale, présentent-elles ?

À n’en pas douter, la procédure de clémence et d’avis est l’une des innovations les plus significatives de la directive ECN+. Elle confère aux autorités nationales de la concurrence la faculté d’accorder à une entreprise ou à une association d’entreprises une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires encourues en cas de pratique anticoncurrentielle. Le bénéfice de cette exonération suppose que l’entreprise ou l’association d’entreprises contribuent à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information que l’autorité compétente ou l’administration ne possédaient pas antérieurement. Dans quelles circonstances le recours à une telle procédure peut-il se justifier ?

L’Autorité de la concurrence jouit d’un large champ d’intervention. L’étendue de son office résulte non seulement des compétences qui lui ont été expressément attribuées par la loi, mais aussi du caractère extensif de l’ordre économique dont elle est la gardienne. En effet, le droit de la concurrence a vocation à régir beaucoup d’activités dès lors qu’elles possèdent une dimension économique. Les décisions de l’Autorité de la concurrence ont ainsi des implications qui vont au-delà du seul fonctionnement des marchés ; elles intéressent notre vie commune.

D’où ma dernière série de questions : l’application du droit de la concurrence à des secteurs d’activité susceptibles d’affecter l’exercice des libertés publiques et individuelles, tels que l’audiovisuel et la presse, n’appelle-t-elle pas une approche particulière ? Qu’en est-il, en particulier, des opérations de concentration ? L’actualité me pousse à poser la question…

Enfin, quelle place accordez-vous à l’aménagement du territoire, à l’accessibilité des professionnels et à la pérennité du modèle français dans l’appréciation des conditions d’installation des membres des professions juridiques réglementées et de l’évolution de leurs tarifs ?

Sous réserve des éléments de réponse que vous apporterez, j’émettrai un avis favorable à votre nomination.

M. Benoît Cœuré. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner la possibilité d’exposer devant vous ma conception du rôle de l’Autorité de la concurrence, en particulier de son président, au service de l’économie française et de répondre à vos questions.

L’Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante. J’entends défendre son indépendance face aux intérêts particuliers, qui s’affirment de manière puissante dans ses secteurs d’intervention, et vis-à-vis des autorités politiques. Toutefois, cela n’exclut pas le dialogue. Du moment que chacun reste dans son rôle, et compte tenu de la diversité des domaines d’intervention de l’Autorité de la concurrence, qui a compétence dans tous les domaines d’activité, il est évident qu’un dialogue très étroit, ouvert et franc, avec le Parlement est nécessaire – soyez assurés que je dirai toujours ce que je pense. Ce dialogue doit être dynamique, de sorte à anticiper les sujets nouveaux, car l’Autorité de la concurrence a une fonction d’animation et d’éclairage du débat public, notamment par ses avis. Le dialogue avec le Parlement est, à mes yeux, la composante la plus importante de la responsabilité d’une autorité indépendante, aux côtés du devoir de transparence vis-à-vis des citoyens et de la déontologie stricte.

J’en viens à mon parcours. J’ai exercé des responsabilités dans le domaine économique et financier à l’échelon français puis européen et, plus récemment, au niveau international. Ces responsabilités m’ont amené à intervenir non seulement dans le domaine financier et monétaire, en particulier lorsque je travaillais à la BCE, mais aussi plus généralement dans le domaine économique. Lorsque j’étais chef économiste à la direction générale du Trésor, je suis intervenu sur toute une série de sujets structurels, y compris les questions de concurrence – une réflexion sur l’ouverture de certains secteurs, finalement rendue effective par la loi « Macron », commençait alors. Je me suis également occupé du soutien au commerce extérieur. À ce titre, j’ai entretenu un dialogue étroit avec nos entreprises exportatrices, tant les grandes entreprises que les PME.

En 2020, le Premier ministre m’a demandé de présider le comité de suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19. J’ai eu l’occasion de travailler étroitement avec la commission des finances de l’Assemblée nationale, notamment avec le président Éric Woerth et le rapporteur général Laurent Saint-Martin, qui étaient membres de ce comité. Le comité a émis, l’an dernier, deux avis unanimes : le premier, rendu en juillet, concernait les aides d’urgence ; le second, publié en octobre, avait trait à certains dispositifs du plan de relance.

J’estime avoir une approche large de l’économie, ouverte sur l’Europe et sur l’international. Je pense aussi être capable de présider une institution indépendante : mes huit années à la BCE ont été assez formatrices, compte tenu des griefs qui lui sont adressés… Il faut y répondre tout en faisant ce qu’on pense qu’il faut faire dans le cadre des traités.

J’en viens aux priorités qui seront les miennes si vous me faites confiance et que je suis confirmé dans les fonctions de président de l’Autorité de la concurrence.

Ma première priorité sera de consolider l’indépendance, l’expertise et la capacité de réaction de l’Autorité de la concurrence, en capitalisant sur le travail accompli par M. Bruno Lasserre, qui a créé l’institution en 2008, et par Mme Isabelle de Silva, qui en a véritablement assis la crédibilité et la réputation et qui a su prendre des décisions courageuses, notamment dans le domaine du numérique – je veux ici lui rendre hommage.

L’Autorité de la concurrence doit utiliser au mieux ses nouveaux instruments. Elle a trois grandes missions : sanctionner les comportements anticoncurrentiels, contrôler les concentrations et émettre des avis qui alimentent le débat public. Ces avis peuvent non seulement être rendus sur saisine du Parlement ou du Gouvernement, mais aussi après autosaisine, sur des sujets que l’Autorité de la concurrence juge importants pour l’économie française. L’Autorité de la concurrence est donc, de plein droit, une force de proposition et un acteur du débat public sur la politique économique.

L’Autorité de la concurrence doit être indépendante et je compte utiliser au mieux la pluralité de son collège. Les décisions sont prises non par une seule personne, mais par un collège de dix-sept membres, qui reflètent la diversité de l’économie. Par ailleurs, il doit y avoir un débat contradictoire. Je l’ai appris à la BCE : la meilleure façon de garantir la robustesse d’une décision, c’est d’éviter ce qu’on appelle en anglais le groupthink.

M. le président Roland Lescure. L’effet « Panurge », autrement dit…

M. Benoît Cœuré. Exactement ! Il ne faut pas céder à la pensée unique collective. On doit s’assurer que tous les points de vue sont pris en compte. Le collège permet de le faire, de même que l’engagement public de l’Autorité de la concurrence avec les acteurs économiques et institutionnels.

J’entends également mobiliser les nouveaux outils définis par la directive ECN+ – transposée en droit interne par voie d’ordonnance, cette directive renforce et harmonise les instruments des autorités de la concurrence en Europe –, ainsi que par la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi « PACTE », et par la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

La directive ECN+ prévoit des choses que l’Autorité de la concurrence faisait déjà et, à cet égard, elle consiste plutôt à « exporter » certaines bonnes pratiques françaises, telles que la clémence. En la matière, la directive n’innove qu’à la marge, en permettant aux personnes physiques de solliciter la clémence dans le cadre pénal. La pratique de la clémence par l’Autorité de la concurrence a permis, avant l’adoption de la directive, l’identification de nombreux cartels secrets.

Par ailleurs, la saisine d’office permet à l’Autorité de la concurrence d’imposer, très rapidement, des mesures conservatoires. C’est un facteur d’agilité essentiel dans des domaines qui évoluent très vite, comme le numérique. Ce dernier ayant la particularité d’irriguer tous les secteurs d’activité, bien d’autres domaines se trouvent en réalité concernés.

L’Autorité de la concurrence peut également prononcer des injonctions structurelles ou comportementales dans le cadre de procédures contentieuses. Ces deux types de mesures doivent pouvoir être utilisés. Néanmoins, à titre personnel, je crois davantage aux injonctions structurelles, l’exécution des injonctions comportementales étant difficile à contrôler au cours du temps. L’injonction structurelle implique une simple cession d’actifs. Dans le cadre d’une injonction comportementale, une entreprise peut, par exemple, s’engager à ériger une « muraille de Chine » entre certaines de ses activités : ce genre d’engagement est facile à prendre, mais il faut ensuite vérifier qu’il est bien respecté… Les injonctions comportementales sont donc assez coûteuses et plus difficiles à contrôler et elles ne peuvent pas se substituer à des mesures plus structurelles.

Je tiens à poursuivre l’effort accompli par Mme de Silva pour réduire les délais d’instruction. Ils sont longs, mais il faut que les décisions rendues par l’Autorité de la concurrence soient fondées en droit, qu’elles soient juridiquement robustes. Le contentieux est de plus en plus important et les dossiers sont de plus en plus complexes, si bien que les décisions dépassent allègrement la centaine de pages. Dans le même temps, l’économie va vite et il faut suivre le rythme. Il faut également assurer le suivi du respect des engagements pris, ce qui implique de s’organiser en conséquence.

L’Autorité de la concurrence doit continuer à s’engager dans le Réseau européen de la concurrence (REC) et à peser sur la doctrine européenne. C’est évident dans le domaine du numérique : s’agissant du Digital Markets Act (DMA), c'est-à-dire la législation sur les marchés numériques, l’Autorité de la concurrence soutient les autorités françaises dans le cadre du trilogue qui vient de commencer.

D’autres sujets émergent au niveau européen, tels que l’interaction entre politique industrielle et politique de la concurrence. Bien que l’Autorité de la concurrence n’ait pas vocation à s’immiscer dans la compétence de la Commission européenne concernant les aides d’État, elle peut contribuer à la réflexion et montrer que politique de la concurrence et politique industrielle peuvent se soutenir mutuellement.

Quant à la transition climatique, elle deviendra un sujet essentiel dans les prochaines années. Il n’est pas acceptable que des entreprises puissent s’entendre pour retarder la mise en œuvre de standards environnementaux, comme cela a déjà été le cas. Il y a quelques années, l’Autorité de la concurrence a dû sanctionner des fabricants de revêtements de sol qui s’étaient entendus pour ne pas communiquer sur la manière dont ils respectaient leurs obligations environnementales et ainsi éviter que ce soit un facteur de concurrence. Il faut permettre aux entreprises de travailler ensemble à la mise en œuvre des standards environnementaux, en traçant la ligne qui distingue une entente, qui pénaliserait le consommateur, d’un travail pour le bien commun et le bien du consommateur. Tout cela n’est pas simple. Des discussions ont lieu à l’échelle européenne et l’Autorité de la concurrence continuera d’être très active dans ce domaine.

Le fonctionnement de l’Autorité de la concurrence au sein de son écosystème doit être fluide. Je pense notamment aux relations qu’elle entretient avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), à qui je veux rendre hommage. L’Autorité de la concurrence est établie à Paris, et elle ne dispose pas d’un maillage territorial. C’est notamment grâce à la vigilance et à l’action de la DGCCRF qu’on peut s’assurer que la politique de la concurrence est conduite au plus près des territoires, des PME et des acteurs économiques, y compris outre-mer. Le dialogue avec les autorités sectorielles est également important. Pour certaines décisions, l’Autorité de la concurrence a sollicité l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). En plus du dialogue institutionnalisé, un dialogue informel est nécessaire pour se préparer aux nouveaux enjeux.

Ma deuxième priorité sera le numérique. Au-delà des négociations sur le DMA, le suivi d’un certain nombre de décisions est en cours, notamment celle relative aux droits voisins : un calendrier de mise en œuvre a été établi et une première échéance fixée au 31 janvier permettra de faire le point. Le suivi de la mise en œuvre a été confié à un mandataire indépendant et l’Autorité de la concurrence sera très vigilante.

Toute une série d’évolutions affectent l’ensemble des secteurs d’activité – non seulement les GAFAM, mais aussi des phénomènes de concentration et l’émergence de nouvelles infrastructures essentielles, comme le cloud. Il serait d’ailleurs justifié que l’Autorité de la concurrence engage rapidement un travail de fond sur les conséquences du cloud dans l’ensemble des secteurs, en lien avec les autorités sectorielles compétentes.

Il faut anticiper en temps réel la façon dont l’innovation technologique affecte les usages et les équilibres industriels dans les différents secteurs et examiner si, dans certains cas, on doit adapter des concepts du droit de la concurrence. Je pense à la définition des marchés pertinents, essentielle en matière audiovisuelle, au concept de position dominante, directe ou indirecte – le cloud serait à cet égard un point d’application intéressant – et à la définition des infrastructures essentielles.

Un investissement analytique et humain reste nécessaire. L’Autorité de la concurrence dispose d’un service de l’économie numérique, créé par la présidente de Silva. Cependant, seules cinq personnes y travaillent, contre deux cents dans le service correspondant de l’autorité britannique de la concurrence.

M. le président Roland Lescure. Il faudrait saisir le président de la commission des finances de cette question !

M. Benoît Cœuré. Bien entendu, je ne suis pas venu demander au Parlement la création de 195 emplois, d’autant que l’autorité britannique de la concurrence a des compétences plus larges, mais l’ordre de grandeur est tout de même frappant. L’investissement analytique doit être collectif et doit concerner non pas seulement l’Autorité de la concurrence, mais aussi les autorités sectorielles, le ministère de l’économie et des finances ou encore le monde universitaire.

L’Autorité de la concurrence doit pouvoir utiliser elle-même des outils technologiques pour ses activités. Des innovations sont possibles en matière d’identification des cartels : le big data et un algorithme permettraient de vérifier que les différents acteurs ne font pas bouger leurs prix ensemble au même moment. Ce n’est pas très compliqué à vérifier, même si certains patterns de prix peuvent être plus difficiles à identifier. Des progrès sont aussi envisageables dans le domaine des marchés publics : en exploitant au mieux les données disponibles, on devrait pouvoir identifier des anomalies. Je souhaite renforcer l’investissement en la matière.

J’en viens à la compétitivité et au pouvoir d’achat. Dans le débat public, la concurrence est souvent perçue, pour simplifier, comme privilégiant le consommateur au détriment de l’entreprise et comme mettant des bâtons dans les roues de la politique industrielle et de la politique sectorielle. Je considère que l’on peut aller au-delà de cette opposition, qui me semble un peu artificielle, notamment parce que le consommateur est souvent une entreprise. L’Autorité de la concurrence a ainsi rendu un certain nombre de décisions au bénéfice d’entreprises consommatrices de produits intermédiaires : je pense à la décision évoquée précédemment sur les revêtements de sol, à la décision relative à certaines pratiques dans le secteur du porc charcutier – les producteurs de porc étaient autant affectés que les acheteurs de sandwichs – ou encore à la décision relative aux droits voisins. Les premières victimes des cartels, ce sont les entreprises, notamment les PME ; lutter contre les cartels et les abus de position dominante, c’est défendre la compétitivité des entreprises.

Je voudrais dire quelques mots de la politique industrielle. Bien qu’elle ne relève pas des compétences de l’Autorité de la concurrence, elle constitue une priorité importante de la politique économique. La politique industrielle ne peut pas se contenter de protéger les acteurs en place, elle doit également encourager l’innovation, l’apparition de nouveaux acteurs, la création d’entreprises. Mais pour ce faire, il faut un terrain de jeux concurrentiel. Dans cette perspective, je conçois la politique de la concurrence comme venant au soutien de la politique industrielle ; tel un aiguillon, elle aide à la mise en place de politiques sectorielles volontaristes et efficaces.

Ces questions seront essentielles dans les prochaines années, alors que l’économie française doit panser les plaies de la crise du covid dans des secteurs d’activité importants, comme les transports, l’hôtellerie et la restauration, et reconstruire ses avantages comparatifs, très dégradés, sur les marchés européens et mondiaux. Il suffit d’observer notre balance commerciale et notre balance des paiements pour s’en convaincre. La concurrence peut aider à soutenir l’innovation et à faire émerger des acteurs nouveaux.

Les entreprises françaises devront aussi verdir leurs produits et leurs processus de production. C’est pourquoi la réflexion sur l’articulation entre politique de la concurrence et politique climatique me semble essentielle. L’Autorité de la concurrence peut, par ses avis, continuer à éclairer le débat public sur ces questions. J’invite le Parlement et les autres acteurs à l’en saisir dans le cadre d’échanges formels ou informels.

Je suis convaincu que l’Autorité de la concurrence est un moteur pour le soutien au pouvoir d’achat qui, aujourd’hui, inquiète les Français. L’Autorité de la concurrence intervient traditionnellement dans des secteurs fabriquant des produits qui touchent de très près la vie quotidienne des Français : les lessives, les produits d’hygiène et d’entretien, les compotes, les produits laitiers ou encore l’électroménager. Alors que l’inflation remonte, l’action en faveur du pouvoir d’achat et de la diversité de l’offre est plus importante que jamais.

Dans un contexte de dette publique historiquement élevée, l’Autorité de la concurrence doit rester mobilisée face aux pratiques qui pénalisent directement le contribuable. Des laboratoires pharmaceutiques ont été sanctionnés pour avoir entravé l’introduction de certains médicaments génériques, pratique qui avait coûté des dizaines de millions d’euros au contribuable. Concernant les marchés publics, l’Autorité de la concurrence doit faire preuve d’une vigilance constante et peut-être renouvelée.

On pourrait aussi parler du domaine de la distribution et du secteur agricole, mais vos questions en seront sans doute l’occasion.

M. Damien Adam (LaREM). Monsieur Cœuré, je suis ravi que le Président de la République envisage de vous nommer dans les fonctions de président de l’Autorité de la concurrence. Économiste de formation, vous avez suivi un parcours exemplaire. Diplômé de l’École polytechnique et de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique, vous avez rejoint la direction générale du Trésor, où vous avez passé plus de quinze ans. Durant cette période, vous avez notamment participé à la préparation de plusieurs sommets internationaux, dont le G20. En 2012, vous avez intégré la direction de la BCE, où vous avez été responsable des relations internationales et européennes, des opérations de marché et de la surveillance des infrastructures de marché ainsi que des systèmes de paiement. Vous avez depuis rejoint le pôle d’innovation de la BRI.

Votre expérience financière, marquée par une profonde dimension européenne et internationale, sera un atout pour l’Autorité de la concurrence, qui travaille en étroite coopération avec la Commission européenne et les vingt-sept autres autorités nationales de la concurrence afin d’assurer une régulation cohérente et unifiée au sein de l’espace européen. L’Autorité de la concurrence doit par ailleurs faire face à de nouveaux défis, comme la création de champions français et européens, et lutter contre les monopoles dans les secteurs du numérique et de l’audiovisuel. Compte tenu de votre expérience à la BCE et à la BRI, nous ne doutons pas que vous disposez des compétences nécessaires pour affronter ces défis. Le groupe La République en marche sera favorable à votre nomination.

Il est difficile de procéder à votre audition sans évoquer quelques sujets de l’actualité concurrentielle. Dans le secteur des télécommunications, on évoque régulièrement la volonté des uns ou des autres de fusionner pour revenir à trois opérateurs, au lieu de quatre. L’arrivée de Free, il y a tout juste dix ans, a pourtant montré tout l’intérêt de la présence de quatre opérateurs pour assurer un triptyque constitué d’un haut niveau d’investissement et d’innovation, d’une saine concurrence et de prix compétitifs, que nous n’avions pas auparavant et que nous ne retrouvons pas sur les marchés étrangers à trois opérateurs. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Du côté de l’audiovisuel, comment percevez-vous la fusion en cours entre TF1 et M6 ? Quelles mesures de compensation mettre en œuvre pour rendre cette fusion opérationnelle et permettre la concurrence ? Quel marché publicitaire pertinent doit être pris en compte pour analyser cette fusion ?

Mme Michèle Crouzet (MoDem). Votre parcours est brillant, monsieur Cœuré. Nous ne doutons pas que vous serez à la hauteur de la tâche que le Président de la République entend vous confier. Je me réjouis que vous souhaitiez défendre l’indépendance de l’Autorité de la concurrence – vous en faites une mission phare – et assurer sa capacité de réaction rapide face aux dysfonctionnements de certains acteurs. Je salue également votre volonté de dialogue avec le Parlement. Quant aux délais d’instruction, que vous voulez réduire, ils posent un problème majeur ; nous y serons très attentifs.

Nous le serons également en ce qui concerne l’agriculture et l’alimentation. Certaines pratiques doivent être contrôlées dans ces secteurs. En particulier, il reste beaucoup à faire en matière de concentration et de distorsion de concurrence dans la grande distribution. J’aimerais donc avoir un éclairage de votre part sur ces questions.

Le groupe MoDem sera naturellement favorable à votre nomination.

M. Antoine Herth (Agir ens). Étant moi-même un Européen militant, je suis très favorablement impressionné par votre parcours européen, monsieur Cœuré, qui semble déterminant pour le travail auquel vous vous destinez. Pourriez-vous revenir sur l’articulation entre les autorités nationales de la concurrence et le niveau européen ?

La question de la concurrence est centrale depuis qu’existe le marché unique. Mais en matière agricole, entre autres, les priorités – accroître la productivité, assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer des prix raisonnables pour le consommateur – sont restées inchangées depuis le traité de Rome. Aujourd’hui, l’équilibre est vraiment bancal. Quelle contribution comptez-vous apporter à ce sujet ?

Quels sont vos besoins, en matière de ressources humaines, pour mettre en œuvre toutes les politiques que vous entendez conduire ?

Les négociations commerciales entre la grande distribution et le secteur agroalimentaire et agricole se déplacent dans des plateformes de discussion européennes. L’Autorité de la concurrence, qui est une autorité nationale, peut-elle garder un œil sur ces questions ?

Le commissaire européen Thierry Breton, que notre commission entendait hier, a estimé que l’actuelle crise de l’offre, accompagnée de son cortège d’inflation, pourrait être durable. Nous sommes donc en train de changer d’ère. Comment cela va-t-il affecter votre travail ? Enfin, pourriez-vous nous éclairer davantage sur la nécessité de réinventer nos avantages comparatifs ?

Bien entendu, mon groupe soutiendra votre nomination.

M. Thierry Benoît (UDI-I). Je m’associe à ce cortège de louanges. Il est important que nos concitoyens sachent combien nous sommes chanceux d’avoir encore des hauts fonctionnaires dans notre pays. Beaucoup de travail vous attend à la tête de cette autorité administrative indépendante, monsieur Cœuré.

Au cours de cette législature, je me suis intéressé aux négociations commerciales et au fonctionnement de certaines centrales d’achat ou de services hébergées en France, dans l’Union européenne et ailleurs – en Suisse, par exemple. J’ai ainsi compris qu’il était indispensable que l’Autorité de la concurrence sanctionne les mauvaises pratiques et organise le contrôle des concentrations.

Il faut également assurer la coordination entre les autorités de la concurrence des États membres et les autorités européennes. Or les auditions que mon collègue Grégory Besson-Moreau et moi-même avons conduites m’ont laissé penser qu’au niveau européen, s’agissant des négociations commerciales et des pratiques de certaines centrales de services, on n’avait pas grand-chose à redire. Pour ma part, je considère au contraire qu’il y a beaucoup à faire ! Comment amplifier le travail à l’échelle de l’Union européenne ?

Voilà une quinzaine d’années qu’on a annoncé la fin des quotas laitiers. Les agriculteurs, à l’époque, avaient dû se regrouper en organisations de producteurs. Alors qu’on est peu tatillon en ce qui concerne le regroupement à l’achat des grandes enseignes qui, d’une année sur l’autre, changent d’associations, je trouve qu’on l’est beaucoup au sujet du regroupement à la fourniture, pour le lait, les fruits ou les légumes. Je souhaiterais à la fois de la transparence dans les décisions et une équité de traitement entre le regroupement à l’achat et le regroupement à la vente.

M. Grégory Besson-Moreau. L’Autorité de la concurrence va quelquefois plus loin que la réglementation européenne, comme ce fut le cas dans l’affaire des endives : elle est encore plus restrictive quant aux possibilités de discussion entre les membres d’une même filière alors qu’il peut exister des déséquilibres significatifs au sein des rapports de force, qui profitent aux acteurs opérant en aval. Ainsi, l’Autorité de la concurrence surinterprète parfois le droit européen pour sanctionner plus durement des agriculteurs en position de faiblesse que les industriels ou la grande distribution, avec qui on est souvent bien moins exigeant en matière de concurrence.

M. Benoît Cœuré. La fusion entre TF1 et M6 fait actuellement l’objet d’une instruction ; en réalité, l’opération n’a pas encore été notifiée formellement. En l’état, je ne peux tirer aucune conclusion. Simplement, j’observe que cette opération a lieu dans un secteur en évolution rapide, marqué par l’ombre projetée des grandes plateformes américaines sur le marché de la publicité et, dans une certaine mesure, sur le marché de la production et de la diffusion. D’ailleurs, d’autres recompositions ont déjà eu lieu récemment – je pense à l’opération Salto.

La discussion se concentre désormais sur l’impact concurrentiel du rapprochement sur le marché de la publicité et les marchés de production, ainsi que sur la définition du marché pertinent. Une des questions est de savoir si la publicité à la télévision en clair est substituable à la publicité en ligne et à la publicité sur la télévision payante. Il n’y a pas de réponse binaire : on peut imaginer toutes les combinaisons possibles pour définir le marché et tracer la ligne.

Du point de vue de la méthode, ce débat doit être mené sur la base des faits, des données. C’est l’objet des tests de marché qui ont été réalisés par les services d’instruction de l’Autorité de la concurrence. Récemment, un questionnaire concernant le marché publicitaire a été envoyé à mille entreprises ; les réponses ne sont pas encore connues. Il est non seulement nécessaire de mener un travail de consultation du secteur, mais aussi d’analyser les pratiques sur les différents marchés. Il n’y a que comme cela que nous pourrons tirer des conclusions.

Je ne vous le cache pas, la fusion entre TF1 et M6 ne va pas de soi quand on considère la part consolidée qu’aurait le nouvel acteur sur le marché de la publicité. La position dominante d’une entreprise est présumée lorsque celle-ci détient une part de marché supérieure à 50 %. Mais ce n’est qu’une présomption, qui peut être contrebalancée par d’autres considérations. Quoi qu’il en soit, il faudra en discuter. L’issue de l’opération est ouverte et dépendra du résultat des tests de marché. Par ailleurs, c’est un processus complexe, qui implique de coordonner une analyse en droit de la concurrence et une analyse de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), notamment au regard de la loi de 1986 en ce qui concerne le nombre de chaînes possédées.

Bref, il est trop tôt pour conclure. Je suis conscient des conséquences possibles de cette opération en matière de position dominante sur le marché, de diversité de l’offre et de pluralisme, qui est une considération fondamentale dans la discussion. Techniquement, l’Autorité de la concurrence n’a pas compétence concernant le pluralisme politique, mais elle tient compte de la diversité de l’offre de programmes pour le consommateur. C’est à l’aune de ces différentes considérations qu’il faudra instruire la question, laquelle sera ensuite tranchée par le collège de l’Autorité.

Monsieur Adam, je ne peux pas vous répondre à propos du nombre des opérateurs de télécommunications ; il y a des sujets sectoriels dont je m’empresserai de discuter avec la présidente de l’ARCEP. De même, s’agissant de l’arrivée de nouveaux acteurs dans le domaine de l’énergie et des tarifs de l’électricité, je ne peux pas m’exprimer avant d’avoir pu en parler avec le régulateur sectoriel compétent.

On m’a également questionné sur l’agriculture et l’alimentation. D’une manière générale, la politique de la concurrence consiste à défendre les petits contre les gros dans tous les domaines, y compris dans le domaine agricole. Je n’ai aucun problème avec l’idée qu’il existe des spécificités dans le secteur agricole ; elles sont inscrites dans les traités européens et dans la loi française. Il en est de même dans le secteur audiovisuel, auquel la loi de 1986 a imposé une structure particulière. La définition de l’intérêt public en matière agricole inclut la protection des petits producteurs.

Comment l’Autorité de la concurrence peut-elle intervenir dans ce domaine ? Je considère que l’Autorité, lorsqu’elle apprécie les conséquences économiques d’une entente, doit prendre en compte les rapports de force existants. Ainsi, s’entendre entre gros ou petits acteurs, ce n’est pas du tout la même chose ! Il s’agit d’un principe général ; je ne reviendrai pas sur la manière dont il a été appliqué dans le dossier des endives.

Permettez-moi de m’exprimer un instant en ma qualité d’économiste : au sein du marché agricole, les acheteurs sont très concentrés et les producteurs fortement dispersés, ce qui conduit à un certain rapport de force. Certes, il est nécessaire de faire respecter le cadre concurrentiel et d’appliquer le droit existant, mais ce n’est pas cela qui résoudra les problèmes. Il faut aussi permettre une meilleure organisation et une plus grande concentration du côté des producteurs ; le droit de la concurrence ne doit pas s’y opposer. Reste que certaines ententes sont flagrantes et qu’il faut les sanctionner. En fin de compte, il faut savoir où tracer la ligne.

Vis-à-vis du marché agricole, l’Autorité de la concurrence doit utiliser les instruments qui lui ont été donnés par les lois « ÉGALIM » et « EGALIM 2 ». Il y a maintenant des possibilités de saisine et de mesures structurelles en cas de rapprochement de centrales d’achat. Ces instruments peuvent contribuer à atteindre les objectifs que vous avez évoqués.

Je n’ai pas l’impression que la commissaire européenne Margrethe Vestager et ses services se désintéressent des questions de distribution, mais je me rendrai à Bruxelles pour en discuter. Nous verrons ce qu’il est possible de faire. Compte tenu de la taille des acteurs, la plupart, voire la quasi-totalité des dossiers, sont traités au niveau national. Néanmoins, la doctrine européenne doit être cohérente.

Il est important que l’Autorité de la concurrence ait une capacité d’influence à Bruxelles. Cela suppose non pas d’entrer en conflit avec la Commission européenne, mais d’entretenir une relation de confiance. Un très grand nombre de décisions font l’objet de contacts, institutionnalisés ou non. Dans le domaine du numérique, par exemple, le lien avec la Commission se trouvera renforcé par le DMA.

Il existe en effet une combinaison potentiellement très fertile, si elle est bien utilisée, entre l’article 12 de la proposition de DMA, qui impose aux grandes plateformes de notifier leurs acquisitions, et la nouvelle interprétation que fait la Commission européenne de l’article 22 du Règlement sur les concentrations, qui permet de saisir la Commission de petites acquisitions en dessous des seuils de transmission. Par ailleurs, les autorités nationales pourront s’en saisir elles-mêmes. Il conviendra d’utiliser cet instrument au mieux, ce qui implique un dialogue étroit avec la Commission.

J’ai passé huit ans à Francfort, où mes fonctions m’ont conduit à dialoguer presque quotidiennement avec la Commission sur la situation des banques dans les pays en crise, mais aussi sur le Brexit et d’autres sujets. Je crois avoir la capacité de créer une relation de confiance. Nous ne serons peut-être pas d’accord – même si je l’espère – mais, en tout cas, un dialogue aura lieu.

M. le président Roland Lescure. Je vous remercie, monsieur Cœuré, pour vos réponses extrêmement complètes et précises.

 

Après le départ de M. Benoît Cœuré, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets. Les résultats du vote sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9 h 30

Présents.  M. Damien Adam, Mme Edith Audibert, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry benoît, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Pascale Boyer, M. Jacques Cattin, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, Mme Christelle Dubos, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Célia de Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, M. Mounir Mahjoubi, Mme Jacqueline Maquet, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Sylvia Pinel, M. Loïc Prud'homme, M. Richard Ramos, M. Stéphane Travert, M. Pierre Venteau, M. Jean-Pierre Vigier, Mme Corinne Vignon, M. Cédric Villani, M. André Villiers

Excusés.  Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, Mme Anne-France Brunet, M. David Corceiro, Mme Typhanie Degois, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, Mme Lamia El Aaraje, M. Olivier Falorni, M. Yves Hemedinger, M. Christian Jacob, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Patrick Mignola, M. Philippe Naillet, M. Vincent Rolland, M. Fabien Roussel, M. Denis Sommer, M. Robert Therry