Compte rendu

Commission
des affaires sociales

 Audition en visioconférence,, en application de l’article L. 1451‑1 du code de la santé publique, de Mme Fabienne Bartoli, dont la nomination aux fonctions de directrice générale de la Haute Autorité de santé est envisagée              2

 Présences en réunion.................................12

 

 

 

 


Mercredi
30 mars 2022

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 55

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 30 mars 2022

La séance est ouverte à dix heures.

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En application de l’article L. 14511 du code de la santé publique, la commission auditionne, en visioconférence, Mme Fabienne Bartoli, dont la nomination aux fonctions de directrice générale de la Haute Autorité de santé est envisagée.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, par courrier en date du 18 mars, Mme la présidente de la Haute Autorité de santé (HAS) a informé M. le Président de l’Assemblée nationale qu’elle avait l’intention de nommer Mme Fabienne Bartoli aux fonctions de directrice générale de cette autorité.

En application des dispositions de l’article L. 1451‑1 du code de la santé publique, il revient à notre commission de l’entendre préalablement à sa nomination.

Notre réunion se déroule exclusivement en visioconférence. Si nous privilégions habituellement les réunions en présentiel, ce choix nous a paru plus opportun à dix jours de l’élection présidentielle.

Je rappelle l’importance du rôle de la HAS dans la politique sanitaire. Nous avons reçu à de nombreuses reprises Mme la professeure Dominique Le Guludec, dont je tiens à saluer la disponibilité sans faille, même au cours des derniers mois. La présidente de la HAS a apporté une contribution très précieuse à nos réflexions, que ce soit lors d’auditions sur l’activité de la HAS, la crise sanitaire, ou sur des sujets aussi divers que le rapport d’analyse prospective sur le système de santé, la prévention du cancer de la prostate et les traitements contre la covid. La présidente et ses équipes ont souvent enrichi le travail de nos rapporteurs, aussi bien sur des textes de loi que dans le cadre de missions d’information.

Madame, conformément à l’usage, votre curriculum vitae a été communiqué aux commissaires. Je vous invite à vous présenter et à nous indiquer dans quel état d’esprit vous abordez les fonctions qui vous sont proposées.

Mme Fabienne Bartoli. Je suis très honorée de me présenter devant vous avant ma nomination aux fonctions de directrice générale de la Haute Autorité de santé. Rejoindre une institution au cœur des enjeux de qualité, de pertinence et d’efficacité du système de santé constitue une perspective enthousiasmante et un très beau défi. Je m’attacherai à faire progresser sa notoriété et à l’accompagner sur la voie de l’excellence scientifique, qu’elle a toujours suivie.

Ma formation et mon début de carrière d’enseignant-chercheur en économie de la santé à l’université Paris IX Dauphine m’ont permis d’appréhender les exigences d’une démarche scientifique reposant sur des données, de travailler avec la communauté médicale, d’être à l’interface de personnes aux formations et aux parcours professionnels variés. Mes travaux de recherche portaient sur la régulation du médicament et ses conséquences, tant sur les incitations à l’innovation qu’en matière de santé publique et de régulation des dépenses de santé.

À la direction générale du Trésor, j’ai participé à la rédaction du premier rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie sur la régulation du médicament et le développement de médicaments génériques, puis, au sein de plusieurs cabinets ministériels, à sa mise en œuvre dans le cadre de la loi relative à l’assurance maladie de 2004. Cette réforme et celle de la rétrocession hospitalière m’ont initiée à la négociation avec les professionnels de santé, les industriels du secteur du médicament et des dispositifs médicaux et les acteurs hospitaliers.

À l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), j’ai traité de sujets liés à la régulation en santé, comme les dépassements d’honoraires médicaux, la tarification à l’activité et ses conséquences sur les finances des établissements de santé privés à but non lucratif, la régulation du secteur des cliniques privées ou encore l’évaluation du plan national contre les perturbateurs endocriniens.

J’ai eu la chance de compléter cette expérience en matière d’évaluation des politiques publiques et de gestion économique des produits de santé par la régulation sanitaire, en tant que directrice générale adjointe puis directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). J’y ai acquis une très bonne connaissance des acteurs et des réglementations française et européenne concernant l’accès au marché et les alertes sanitaires.

Les sujets communs avec la HAS étaient déjà nombreux, puisque j’ai participé à la rédaction de programmes de travail visant à optimiser la place de chaque agence dans la production de recommandations de bonnes pratiques. J’ai mesuré à quel point l’action d’une autorité scientifique indépendante permettait au système français de bénéficier d’un panier de soins optimisé. Ses avis sont en effet déterminants pour la prise en charge et la négociation des prix de remboursement par le Comité économique des produits de santé.

Directrice générale d’une structure comptant plus de mille agents, j’ai promu des sujets transversaux aux agences sanitaires, notamment la valorisation des compétences humaines et scientifiques d’excellence. J’ai lancé un groupe de travail sur le métier d’évaluateur au sein des agences afin de développer et de valoriser l’expertise publique d’excellence interne, complémentaire aux expertises externes.

La HAS a également une organisation rénovée, notamment grâce à l’inclusion du médico‑social : l’articulation entre les directions métier dans la gestion de dossiers transversaux est très importante au sein d’une autorité où, souvent, les mêmes données permettent l’évaluation de produits de santé en vue de leur remboursement, la diffusion de meilleures pratiques auprès des professionnels de santé et l’amélioration de la qualité des soins.

L’élaboration du premier plan de préparation aux pandémies, la gestion du retrait ou de la rupture d’approvisionnement de produits de santé à l’ANSM ou encore la crise Ebola, lorsque j’étais conseillère à la représentation permanente de la France à l’Organisation des Nations Unies (ONU), m’ont préparée à la gestion de la crise sanitaire à laquelle la HAS demeure confrontée.

Les équipes de la HAS ont fait preuve durant la pandémie d’une adaptabilité exemplaire, au service des patients et des usagers du système de soins. Elle a été confrontée à un choc inouï de notoriété et a dû relever des défis en termes de réactivité et de production. La crise a rendu plus prégnants les enjeux auxquels elle sera confrontée. Les axes stratégiques définis par la présidente et les précédents directeurs généraux constituent une feuille de route, que je me propose d’appliquer en tenant compte de l’emploi de nouvelles méthodes en réponse à la crise, comme le télétravail, qui modifieront son organisation.

L’innovation est le premier axe. Si le développement de la médecine personnalisée se poursuit grâce à la combinaison de dispositifs médicaux, de médicaments, de biothérapies et de thérapies géniques, d’autres innovations ont émergé à l’occasion de la crise, comme le développement de nouveaux vaccins, l’émergence de la télémédecine et la présence croissante de l’intelligence artificielle. La HAS devra relever ce défi organisationnel et méthodologique.

Malgré la crise sanitaire, la HAS a travaillé en 2020 à l’élaboration d’une stratégie pluriannuelle sur les données, qui a donné de premiers résultats. Ainsi, la valorisation des données internes a rendu leur circulation beaucoup plus fluide entre les différents services. Le temps de consultation des bases de données de gestion de conflits d’intérêts a été divisé par dix. Il faut développer cet axe de travail transversal.

Le nouveau règlement européen sur l’évaluation des technologies de santé (ETS), adopté en décembre, offrira un accès plus rapide et de meilleure qualité aux produits de santé. Le rôle majeur joué par la HAS depuis plus de dix ans a été salué par l’élection de Dominique Le Guludec à la vice‑présidence du groupe européen des chefs d’agence.

La réforme récente de l’accès précoce se situe à l’interface entre l’axe de l’innovation et l’intégration des usagers, qui est l’ADN de la HAS. Les autorisations temporaires d’utilisation, de cohorte ou nominatives, ont été étendues à l’ensemble des produits de santé grâce à un dispositif original qui aligne les délais d’enregistrement, d’évaluation et de remboursement. La mise à disposition des produits de santé s’en trouve accélérée.

Qu’il s’agisse du règlement ETS ou du référentiel national d’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico‑sociaux (ESSMS), l’avis du patient participe à l’évolution de la qualité des soins. Ce positionnement de la HAS, dans le contexte de la crise, a considérablement renforcé la notoriété de l’établissement. La HAS a été citée à 33 000 reprises dans la presse écrite et à 37 000 reprises dans la presse audiovisuelle en 2021, soit trois fois plus qu’en 2020. Le site internet a reçu plus de 11 millions de visiteurs en 2021, contre 6,6 millions en 2020 et 4,8 millions les années précédentes. Par ailleurs, le nombre de sollicitations directes est passé de 1 000 à 5 000 courriers annuels, auxquels la HAS répond en un peu plus de six jours. Enfin, près de 66 % des médecins généralistes et plus de 82 % des usagers membres des instances et des groupes de travail ont une très bonne perception de l’institution.

La qualité et la pertinence des soins constituent le troisième axe de travail. Il faut continuer à améliorer, en le facilitant, le recueil des données dans le processus de certification des établissements de santé. Si les professionnels plébiscitent ce processus et l’utilisation de ces indicateurs, le poids pesant sur les personnels de santé est devenu difficile à supporter. Le nouveau référentiel national et son manuel associé permettent de proposer un cadre national commun aux 40 000 ESSMS. Là encore, l’usager est au cœur des travaux puisque l’évaluation est centrée sur les besoins et le projet des personnes accompagnées.

Mesdames, messieurs les députés, vous avez confié à la HAS de nouvelles missions au fil de différentes lois. Elle a su les remplir à crédits presque constants. Elle continuera à emprunter la route de l’excellence, avec, je l’espère, des moyens en augmentation. La HAS est une autorité indépendante de référence dans le champ de la santé. Je serai honorée de m’atteler au défi de l’excellence que ses experts et ses collaborateurs relèvent au quotidien.

Mme Caroline Fiat, référente de la commission pour la Haute Autorité de santé. La HAS est chargée, entre autres, d’améliorer la qualité et l’organisation des soins. À ce titre, le scandale Orpea a dû retenir votre attention. J’ai rédigé trois rapports sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) : le premier, en 2018, dressait un état des lieux accablant ; le deuxième, en pleine épidémie, soulignait le retard pris à l’allumage par les autorités publiques ; le troisième, rendu le mois dernier, suggère des évolutions. Tous trois, coécrits avec des députés d’autres bords politiques, dressent un constat sans appel : le secteur manque cruellement de personnel, ce qui conduit à des actes de maltraitance institutionnelle. Il devrait exister un ratio minimal de 1 personnel – soit 0,6 soignant – par résident. Seuls une loi et des financements à la hauteur permettront d’atteindre ces niveaux. En tant qu’autorité sanitaire, la HAS établit‑elle des recommandations à destination des EHPAD indiquant des ratios à respecter ? Si tel n’est pas le cas, est-ce une problématique sur laquelle vous entendez vous pencher ?

Le business du médicament engendre des drames humains. En septembre, l’émission « Complément d’enquête » a révélé que les laboratoires, en organisant la pénurie, peuvent faire monter le prix des molécules. Le secteur pharmaceutique impose des prix délirants au système de santé et réalise des bénéfices records, bien qu’il se désinvestisse de la recherche – le sofosbuvir, produit pour une centaine d’euros, est vendu 40 000 euros. Par ailleurs, le business pousse à la surconsommation alors que la France se distingue déjà par une consommation parmi les plus élevées au monde.

Vous n’aurez pas le pouvoir de créer un pôle public du médicament, que le groupe La France insoumise appelle de ses vœux pour jeter les bases d’une production publique, mais quelles sont vos marges de manœuvre ? Comptez‑vous lutter contre la surconsommation d’anxiolytiques et d’antibiotiques, tout en assurant l’accès de ces médicaments au plus grand nombre, lorsqu’ils sont nécessaires, en recommandant leur remboursement à 100 % ?

Mme Monique Limon (LaREM). Vous l’avez souligné, notre commission est intimement liée à la HAS. Nous avons reçu de nombreuses personnes qui lui sont rattachées tout au long de notre mandat, particulièrement pendant la crise sanitaire, et nombre de ses missions concernent directement notre travail législatif : l’évaluation des produits de santé en vue de leur remboursement, la recommandation de bonnes pratiques auprès des professionnels de la santé, du social et du médico‑social, les politiques de santé publique, la mesure et l’amélioration de la qualité des soins dans les hôpitaux, les cliniques, en ville et au sein des structures sociales et médico‑sociales.

Quel rôle la HAS a-t-elle à jouer concernant la situation des EHPAD ? Bien des années avant la parution des Fossoyeurs de Victor Castanet, des rumeurs circulaient déjà au sujet des conditions de vie des résidents de certains établissements – il ne s’agit pas de jeter le moins du monde l’opprobre sur les professionnels. La HAS a rendu public le 10 mars le premier référentiel national d’évaluation de la qualité dans le secteur social et médico‑social, afin de proposer un cadre national unique pour l’ensemble des établissements et services du territoire. « Centrée sur la personne accompagnée, ses souhaits, ses besoins et son projet, cette évaluation est conçue pour promouvoir une démarche d’amélioration continue de la qualité qui favorise un meilleur accompagnement délivré aux personnes accueillies », lit‑on sur son site. Comment comptez‑vous vous assurer de sa bonne application au sein des EHPAD ? Comment la HAS entend‑elle se saisir des nombreux problèmes qui y apparaissent depuis que le scandale a éclaté ?

Je vous assure de ma confiance pour exercer les responsabilités auxquelles vous prétendez : je ne doute pas que vos précédentes fonctions vous permettront de le faire au mieux dans ce contexte particulier.

M. Bernard Perrut (LR). On l’a vu pendant la crise du covid, le rôle de la HAS est essentiel à notre organisation sanitaire et suscite de fortes attentes. L’un de ses chantiers est la mesure de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins, notamment par la création de référentiels et de recommandations dans le secteur médico‑social.

Je ne peux donc pas ne pas vous interroger sur l’affaire Orpea. La HAS a été chargée en 2019 d’instaurer un dispositif impliquant d’établir un référentiel, des méthodes, un format de rapport et un cahier des charges destinés aux organismes extérieurs chargés des évaluations réalisées tous les cinq ans. Que pensez-vous du référentiel national d’évaluation des établissements sociaux et médico‑sociaux qu’elle a récemment présenté dans ce cadre ? Quelles améliorations apporte‑t‑il ? Comment le déployer plus vite ? Êtes‑vous personnellement favorable à la publication des données de qualité des établissements ?

Le Gouvernement a annoncé que les EHPAD seraient contrôlés au cours des deux ans à venir. Vu leur nombre – 7 500 –, cela implique que dix établissements soient contrôlés chaque jour ; cela vous paraît-il possible ?

Par ailleurs, la HAS sera confrontée dans les années qui viennent à deux enjeux transversaux. Le premier est l’accélération de l’innovation, qui affecte les produits de santé, et le développement du numérique, avec la télémédecine, l’utilisation de l’intelligence artificielle, l’innovation organisationnelle et l’exploitation du big data. Or, dans ce domaine, il faut concilier équité dans l’accès et soutenabilité de notre système. Le second enjeu est l’implication accrue des patients dans des décisions qui le concernent. Que pouvez‑vous nous en dire ? Quels aspects souhaiteriez‑vous développer ?

Mme Gisèle Biémouret (SOC). Le premier axe du projet stratégique de la HAS est de faire de l’innovation un moteur de l’action de la HAS et de favoriser l’accès sécurisé à cette innovation. Or cette mission semble encore insuffisamment prévue par la loi, notamment à l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale. Êtes‑vous favorable à ce que le législateur confie à la HAS une mission de veille et de prospective concernant le développement de produits de santé innovants, et d’anticipation de leur arrivée sur le marché ? Dans l’affirmative, comment souhaitez‑vous adapter la HAS à l’exigence de réactivité face à des changements toujours plus rapides sans mettre en péril la sécurité des utilisateurs ?

Le deuxième axe consiste à faire de l’engagement des usagers une priorité. C’est essentiel dans notre société, où croît la méfiance envers la science et les institutions. Avez‑vous réfléchi à des actions concrètes que la HAS pourrait entreprendre pour lutter contre ce phénomène ?

Le troisième axe vise à promouvoir des parcours de santé et de vie efficients. Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif. Toutefois, la notion de santé environnementale n’apparaît pas dans le projet stratégique. Avez‑vous réfléchi à la place que pourrait prendre la HAS dans la construction d’une politique publique ambitieuse en la matière ?

Au sein de l’axe 4, l’objectif 4.3 est de permettre une meilleure appropriation de l’évaluation externe des ESSMS par les professionnels et par les usagers. Or l’article 52 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, qui chargeait la HAS de rédiger un cahier des charges applicable aux organismes réalisant des évaluations externes, a été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier. Avez‑vous pensé à la philosophie qui devrait sous‑tendre ce cahier des charges, notamment au vu des récentes révélations de Victor Castanet ?

Le cinquième axe vise à accroître l’efficience de la HAS. Dans cette partie du projet est évoquée la nécessité de « renforcer la transversalité des travaux entre sanitaire, social et médicosocial » au sein des équipes. Cela semble une traduction nécessaire de l’axe 3 au niveau interne. Quelles actions déployer en ce sens ?

Enfin, l’axe 6 est consacré à l’international. Comment souhaitez‑vous renforcer la place de la HAS dans le réseau européen d’évaluation des technologies de santé ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Les travaux organisés par notre commission en réaction à l’affaire Orpea ont souligné la nécessité d’appliquer rapidement le référentiel national récemment publié par la HAS. La disposition du PLFSS 2022 qui prévoyait l’évaluation des établissements par des organismes indépendants sur le fondement de ces critères a malheureusement été censurée par le Conseil constitutionnel. Le référentiel n’en est pas moins décisif pour mieux prévenir et repérer les dysfonctionnements qui peuvent conduire à la maltraitance. Comment inciter les établissements à s’en saisir pour s’autoévaluer et corriger leurs mauvaises pratiques ?

Que penseriez‑vous d’une certification obligatoire des établissements sociaux et médico‑sociaux par la HAS, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les établissements de santé ?

Serait‑il pertinent de doter la HAS d’un outil de pilotage des événements indésirables au niveau national, comme le propose le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées ?

Enfin, comment mieux associer les proches des résidents et les aidants aux réflexions de la HAS ?

Concernant la prévention, objet de beaucoup de travaux et d’interventions au sein de notre commission pendant la législature, le constat est unanime : en France, on soigne bien mais on prévient mal. La prévention ne fait pas partie de notre culture. Le mot n’apparaît d’ailleurs que cinq fois dans les trente‑deux pages du programme de travail de la HAS pour 2022. Quelle est votre ambition en la matière ? Comment comptez‑vous orienter les travaux des commissions de la HAS pour faire de la prévention une véritable priorité de nos politiques de santé ?

Vous avez dit avoir participé au développement des génériques ; c’est une très bonne chose. Quelle place la HAS compte‑t‑elle prendre dans le développement des biosimilaires, qui, en France, est au point mort ou presque ?

Comme l’a demandé Gisèle Biémouret, comment, tout en préservant la sécurité, remédier à la lenteur administrative, mal vécue par les laboratoires, dans le déploiement des médicaments innovants ?

Mme Valérie Six (UDI-I). Je salue la publication du référentiel de qualité destiné aux organismes extérieurs chargés d’évaluer les EHPAD, qui était très attendu ; mais il faut encore le mettre en application. Quel est votre point de vue sur l’efficacité des évaluations ? Dans les travaux que nous avons entrepris à la suite du scandale Orpea, nous avons insisté sur le besoin de mieux tenir compte du degré d’autonomie des résidents. En quoi le nouveau référentiel permettrait‑il d’y répondre ? Par ailleurs, l’évaluation externe des EHPAD est vouée à rester le fait de sociétés d’audit privées, la HAS n’intervenant que dans le cahier des charges. Ce travail ne devrait‑il pas être effectué par une autorité indépendante ?

Pendant la crise sanitaire, le travail de la HAS a pris de l’importance dans le débat public et dans les médias ; son évaluation des tests de dépistage et ses nombreuses recommandations pour définir la politique vaccinale ont été scrutées de près. Actuellement, elle éclaire les décisions publiques et les pratiques professionnelles. Devrait‑elle s’orienter davantage vers les citoyens et mieux accompagner les débats publics sur les questions de santé ?

Quel rôle, selon vous, votre parcours international pourrait‑il jouer dans les orientations que vous donneriez à la HAS ? En particulier, quelle serait votre approche en matière de souveraineté sanitaire, sujet essentiel mis en avant par la crise de la covid ?

Enfin, quelles orientations souhaiteriez‑vous définir concernant la transparence et l’indépendance dans les nominations d’experts ?

Mme Mireille Robert. La médecine de ville est le parent pauvre de l’organisation de notre système de santé ; le monde rural est confronté à une inquiétante désertification médicale et peine à faire venir des médecins. Comment voyez‑vous le rôle de la HAS dans la nécessaire redéfinition de l’articulation entre hôpital et médecine de ville ?

Vous avez été directrice de cabinet d’une ministre des sports. Le sport a‑t‑il dans notre système de santé la place qu’il mérite ? La HAS peut‑elle jouer un rôle moteur à cet égard ? Je pense par exemple au suivi du traitement de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent, un sujet auquel la HAS a consacré plusieurs rapports.

M. Jean-Pierre Door. Madame Bartoli, nos chemins se sont croisés à plusieurs reprises depuis la création de la HAS en 2004, à l’initiative de Jean‑Michel Dubernard : lors de l’affaire du Mediator, mais aussi au moment du plan « pandémie » et de la vaccination contre le virus H1N1. Ce sont de bons souvenirs et je soutiens votre nomination, qui vous placera à juste titre au niveau de personnalités importantes ayant précédemment siégé au sein de la HAS.

Ma seule question portera sur le rôle médico‑économique de la HAS, dont j’ai défendu l’importance avec le professeur Harousseau, qui présidait l’institution : cette dimension est essentielle pour suivre la mise en œuvre des indications figurant dans les PLFSS.

M. Marc Delatte. Ces cinq dernières années, nous avons accompagné la nécessaire transformation de notre système de santé pour tenir compte des progrès de nos connaissances et du développement de l’intelligence artificielle, mais la pandémie a aussi révélé que l’humain devait retrouver la première place dans les établissements de santé. D’où la suppression du numerus clausus pour augmenter le nombre de médecins, le processus de recrutement rapide de nombreuses aides‑soignantes et infirmières, le renforcement de la formation ainsi que de la reconnaissance et de l’attractivité des métiers.

Le scandale Orpea montre la caricature d’un monde de la finance, d’un système managérial où le cynisme atteint des sommets. Il est grand temps de remédier à la souffrance éthique des soignants, des patients et de leurs familles et de prendre le temps de l’écoute dans l’acte de soin, au‑delà du geste technique. C’est tout aussi essentiel à la transformation du système de santé.

Comment la HAS, qui a fait des thèmes de la bientraitance et de l’éthique l’objet du premier des neuf chapitres de son référentiel d’évaluation, peut‑elle relever en ce sens le défi de la proximité et d’une approche populationnelle ? Comment évaluer cette démarche et quels moyens lui donner ?

Mme Annie Vidal. L’établissement d’un référentiel de qualité pour les ESSMS faisait partie des propositions phares du rapport que j’ai rédigé en 2018 pour la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Il a été confié à la HAS par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. C’est une vraie avancée pour accroître la transparence, restaurer la confiance et valoriser les bonnes pratiques professionnelles, donc un atout majeur dans la situation actuelle.

Toutefois, en attendant que le référentiel puisse être appliqué, un vide juridique affecte l’évaluation de quelque 1 600 établissements. Peut‑on imaginer un moratoire ? À la suite de la censure par le Conseil constitutionnel de l’article du PLFSS issu de notre amendement, quelles seront les modalités d’habilitation des évaluateurs pour assurer leur indépendance totale ? De quels moyens la HAS pourra‑t‑elle disposer pour garantir un nombre d’évaluateurs permettant de procéder à l’évaluation tous les cinq ans comme prévu, une périodicité qui permet de coordonner le calendrier avec celui des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ?

Mme Bénédicte Pételle. Depuis 2018, le périmètre de la HAS s’est ouvert au champ du social et du médico‑social, ses deux missions en la matière consistant à recommander les bonnes pratiques aux professionnels de santé et à mesurer et améliorer la qualité des soins.

En janvier 2021, la HAS a proposé un référentiel national d’évaluation globale de la situation des enfants en danger, ayant pour double objectif d’améliorer la qualité du traitement des informations préoccupantes et d’harmoniser les pratiques. Il figure dans la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dont j’ai eu la chance d’être la rapporteure.

Lors de mes déplacements, j’ai constaté des besoins criants dans le domaine de la santé mentale. Quelles seront vos propositions pour améliorer les soins en la matière chez les enfants de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ? J’ai également noté la longueur des délais séparant la transmission d’informations préoccupantes de la prise de décision. De quelle manière le référentiel national pourra‑t‑il faciliter la décision dans ces situations ?

Mme Fabienne Bartoli. Vous êtes nombreux à m’avoir interrogée sur le référentiel national d’évaluation de la qualité dans les ESSMS. Sa publication, avec celle du manuel associé, le 10 mars, constitue une avancée certaine. Les équipes ont beaucoup travaillé pour produire un dispositif complet qui permette de recueillir, outre l’expression des professionnels, celle des personnes accompagnées.

Le contrôle des ESSMS – il en existe plus de 40 000 ! – n’entre pas dans les missions de la HAS. Il a donc semblé préférable, dans un premier temps, d’opter pour un nouveau mécanisme de certification. Sa mise en œuvre, qui constituera un chantier important de la prochaine législature, se fera par la voie réglementaire et législative, l’article 52 du PLFSS 2022 ayant été censuré.

La HAS a pour mission d’évaluer les médicaments en vue de leur admission ou de leur maintien au remboursement, mais la gestion des pénuries de médicaments, elle, relève de l’ANSM. Dans mes fonctions précédentes, j’ai eu à traiter de ces pénuries, et toutes n’étaient pas artificielles : je pense aux médicaments dérivés du sang, dont la production était affectée par des contaminations.

Alors que les données utiles en santé déferlent en masse, le numérique est un sujet fondamental pour la HAS. Le service transversal de gestion des données, créé en 2020, permet de valoriser les données et d’organiser leur fluidité entre les services. Pendant la crise sanitaire, avec le recours renforcé à l’intelligence artificielle et à la télémédecine, l’utilisation des données a fortement crû ; sa soutenabilité est désormais un enjeu. Pour que la HAS soit au rendez-vous de cette révolution et que les données soient mises au service des traitements et des parcours de soins, je propose de poursuivre la voie tracée par Dominique Le Guludec et les directeurs généraux précédents.

Le renforcement du rôle des patients est au cœur des missions élargies confiées à la HAS et le fil rouge des réformes qu’elle a entreprises depuis sa création. C’est un point fondamental, qui continuera à marquer le développement de cette institution.

L’adoption, en décembre 2021, du règlement européen ETS est l’aboutissement de vingt ans de travaux sur le sujet. Elle permettra à la HAS de jouer pleinement son rôle dans ce domaine et de faire le lien entre l’arrivée précoce des traitements et leur évaluation, dans le cadre des modalités désormais communes à l’ensemble des États membres. Cela sera de nature à accélérer la mise à disposition de ces technologies innovantes, dans l’intérêt des patients.

Vous m’avez interrogée sur la santé environnementale. La fameuse approche One Health, « Une seule santé », qui sous‑tendait les résolutions adoptées à l’ONU lorsque j’étais conseillère à la représentation permanente de la France, promeut l’intégration des critères de santé publique dans l’ensemble des politiques publiques, qu’il s’agisse des transports ou de la ville. C’est l’un des fils rouges de l’action de la HAS ; il continuera de l’être.

La loi « Ma santé 2022 » a placé la prévention au cœur des politiques de santé publique. C’est notamment par le prisme des patients, au fondement des évaluations et dont l’avis est toujours pris en compte, que la HAS entend donner une place prépondérante à la prévention.

La gestion des conflits d’intérêts, dans mes fonctions précédentes, m’a laissé un souvenir assez douloureux. La souveraineté et l’indépendance de l’expertise sont un axe directeur de la HAS ; ce qui ressort de ses travaux, ainsi que des premiers échanges que j’ai pu avoir, est très encourageant. Le service des données, mis en place durant la pandémie, a permis de diviser quasiment par dix le temps que passent les évaluateurs à la gestion des conflits d’intérêts dans le cadre du recours à l’expertise. Ainsi, la HAS fait désormais trois fois plus appel à l’évaluation externe. Je me propose de poursuivre dans cette direction.

J’ai en effet eu l’honneur d’être la directrice de cabinet de Chantal Jouanno, ministre des sports, et je tiens l’inclusion du sport dans la politique de santé comme très importante, particulièrement en matière de prévention. Plusieurs rapports ont été rédigés, notamment par mes collègues de l’IGAS, et l’activité sportive peut désormais faire l’objet d’une prescription médicale dans la prévention et le traitement de certaines pathologies. C’est un sujet fondamental, qui continuera d’être étudié et suivi au sein de la HAS.

M. Door, qui m’a fait l’honneur d’évoquer des souvenirs communs, a rappelé combien la création de la HAS, en tant qu’établissement scientifique indépendant, a été importante pour la gouvernance des sujets de santé. Les évaluations médico‑économiques ont été largement promues au sein de l’institution, notamment pour le remboursement. Je propose de poursuivre dans cette voie, que le règlement européen ETS tendra à renforcer. Là encore, l’existence du service de données permettra à la HAS de passer à la vitesse supérieure dans sa recherche d’une meilleure efficience des parcours et des soins.

En santé publique, l’approche populationnelle est très importante. J’espère que, grâce au nouveau référentiel, nous obtiendrons de nouvelles données pour mieux évaluer.

Les organismes certificateurs pourront s’appuyer sur le manuel d’évaluation de la qualité associé au référentiel national. De nouveaux éléments viendront bientôt préciser les modalités de leur propre évaluation.

La santé mentale est un des axes de travail de la HAS. Dans ce cadre, le sujet de la santé mentale des enfants confiés à l’ASE, mis en lumière par la loi relative à la protection des enfants, fera l’objet de développements importants.

Le nouveau référentiel concerne l’évaluation de la qualité des soins ; ce n’est qu’ex post qu’il pourrait permettre de vérifier que les informations préoccupantes ont été correctement remontées et qu’une solution a été mise en place. Cependant, concernant ces enjeux fondamentaux, d’autres acteurs sont à même d’intervenir.

J’espère avoir répondu à vos questions.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie pour votre présentation et les réponses que vous avez apportées – un exercice auquel vous vous soumettrez à nouveau cet après‑midi, devant le Sénat. Je vous souhaite, madame, de réussir dans votre projet.

 

La séance est levée à onze heures cinq.

 


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Présences en réunion

Réunion du mercredi 30 mars 2022 à 10 heures

 

Présents.  Mme Gisèle Biémouret, M. Marc Delatte, Mme Cécile Delpirou, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Mireille Robert, Mme Valérie Six, M. Jean-Louis Touraine, Mme Annie Vidal

Excusés.  Mme Stéphanie Atger, Mme Justine Benin, Mme Audrey Dufeu, Mme Claire Guion-Firmin, M. Thomas Mesnier, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. JeanHugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène VainqueurChristophe