Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 Examen, ouvert à la presse, et vote sur la proposition de résolution européenne relative à la promotion du multilinguisme et à l’usage de la langue française au sein des institutions européennes, en particulier durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne (n° 4520)              2

 Communication, ouverte à la presse, de MM. Éric Girardin et Meyer Habib, co-rapporteurs de la mission d’information sur la problématique des pôles, sur le déplacement qu’ils ont effectué au Svalbard (Norvège)              18

 Information relative à la Commission.................18


Mercredi  
3 novembre 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 011

session ordinaire de 2021-2022

Présidence
de M. Jean-Louis Bourlanges,
Président

 


  1 

La séance est ouverte à 9h30

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président

Examen, ouvert à la presse, et vote sur la proposition de résolution européenne
relative à la promotion du multilinguisme et à l’usage de la langue française
au sein des institutions européennes, en particulier durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne (n° 4520) 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La proposition de résolution européenne relative à la promotion du multilinguisme et à l’usage de la langue française au sein des institutions européennes, en particulier durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, a été adoptée le 6 octobre par la commission des affaires européennes, sur le rapport de Mme Aude Bono-Vandorme. Il m’a paru cohérent de permettre à notre collègue d’en être aussi la rapporteure devant notre commission, saisie au fond.

En vertu de l’article 151-6 du règlement de l’Assemblée, nous disposons d’un délai d’un mois à compter du dépôt du rapport de la commission des affaires européennes – le 7 octobre –, pour déposer notre propre rapport. À défaut, le texte issu de la commission des affaires européennes serait considéré comme adopté par la commission saisie au fond.

En accord avec notamment Jean François Mbaye, j’ai considéré que la défense de la francophonie et du multilinguisme au sein de l’Union européenne nous tenait à cœur et que nous devions saisir cette occasion pour prendre concrètement position sur le sujet. C’est pourquoi l’examen de cette proposition de résolution est inscrit à notre ordre du jour.

Nous suivrons la même procédure que pour l’examen des propositions de loi. N’étant saisie d’aucun amendement, la commission s’exprimera par un vote unique sur l’ensemble de la proposition de résolution.

Dans l’hypothèse de son adoption, le Gouvernement, les présidents de groupe, les présidents de commission permanente et la présidente de la commission des affaires européennes disposeront d’un délai de quinze jours suivant la publication du texte pour demander à la conférence des présidents d’en inscrire l’examen à l’ordre du jour de la séance publique. En l’absence d’une telle demande, il sera considéré comme définitivement adopté par l’Assemblée nationale. La réunion de ce jour constitue donc un maillon essentiel de la procédure.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. La présente proposition de résolution, fruit d’un travail collectif mené en commission des affaires européennes, est la synthèse de deux textes ayant pour ambition commune d’apporter une réponse au recul de l’usage du français dans les institutions européennes : la proposition de résolution de Julien Aubert, déposée en avril et proposant de faire du français la langue unique de travail des institutions européennes ; et celle de Fabrice Brun, datant de juin et visant à favoriser l’usage du français dans le cadre de la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne.

La place du français et du multilinguisme au sein de l’Union européenne, et tout particulièrement dans la pratique institutionnelle, est un sujet essentiel, et la perspective de la présidence française du Conseil au cours du prochain semestre nous invite à nous en saisir pleinement. Le multilinguisme est une valeur fondamentale de l’Union européenne, inscrite dans les traités et dans la Charte des droits fondamentaux. C’est le premier règlement européen jamais adopté, le règlement n° 1/1958, qui a fixé le régime linguistique européen : il définit les langues officielles de l’Union, dont le nombre s’est mécaniquement accru au fil des élargissements successifs. On compte désormais vingt-quatre langues officielles, qui constituent les langues de travail des institutions européennes : c’est dans ces langues que les institutions doivent s’adresser aux citoyens européens et que les textes doivent être rédigés ou traduits. Il s’agit d’un principe fondamental.

Toutefois, ce que l’on observe dans la réalité contraste avec cette consécration juridique du multilinguisme.

D’une part, les institutions ont défini des langues dites procédurales, afin de répondre aux nécessités de la communication au quotidien. Ainsi, la Commission européenne, selon une règle non écrite, travaille en trois langues : l’anglais, le français et l’allemand. Au sein du Conseil, les réunions ministérielles se font dans toutes les langues officielles et le Comité des représentants permanents (COREPER) se déroule dans un régime trilingue, en français, anglais et allemand. La Cour de justice de l’Union européenne rend ses délibérés en français uniquement, selon une pratique qui n’est pas gravée dans les textes. C’est au Parlement européen que le multilinguisme est le plus respecté et le plus vivant, afin de garantir la transparence des travaux et d’assurer leur accessibilité à tous les citoyens européens.

D’autre part, force est de constater que le multilinguisme connaît depuis plusieurs années un important recul. Si la langue française est relativement mieux lotie que la plupart des autres langues officielles de l’Union européenne, elle n’échappe pas à cette tendance, qui s’accompagne d’une nette progression de la langue anglaise.

Ainsi, pour ce qui concerne la Commission européenne, en 2019, seulement 3,7 % des documents envoyés pour traduction avaient le français comme langue source, et 85,5 % l’anglais ; en 1999, la proportion de documents initialement rédigés en français était de 34 %. On observe le même phénomène au sein du Conseil. Seul le Parlement européen se distingue : 11 % des documents y sont encore produits en français, mais la tendance est là aussi à la baisse.

Des exemples récents confirment le recul du français et du multilinguisme. Ainsi, les réunions en visioconférence organisées dans le contexte de la crise du covid-19 se sont déroulées sans traduction, jusqu’à ce que la France exige qu’une solution soit trouvée. Quant au parquet européen, en place depuis juin 2021, il a décidé que l’anglais serait sa seule langue de travail.

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs. On ne peut que constater la baisse continue, qui s’est accentuée depuis la crise économique de 2008, du budget annuel consacré à la traduction et à l’interprétation : il représente aujourd’hui moins de 1 % du budget de l’Union, soit à peine 2 euros par personne.

En outre, les élargissements successifs à l’est et au nord ont favorisé l’anglais, souvent mieux maîtrisé que le français ou l’allemand par les ressortissants des nouveaux États membres. De façon générale, l’apprentissage du français et de l’allemand comme première langue vivante n’a cessé de reculer au sein de l’Union. Aujourd’hui, l’anglais est appris par 17 millions d’élèves dans le secondaire, contre moins de 5 millions pour le français et à peine 3 millions pour l’allemand.

S’y ajoutent un effet générationnel défavorable au français, ainsi qu’une tendance à promouvoir l’anglais en faisant valoir un certain pragmatisme dans la communication quotidienne, au risque d’ailleurs de répandre une forme dégradée de l’anglais.

C’est à ces constats préoccupants que la présente proposition de résolution européenne souhaite répondre. Elle vise à formuler des recommandations opérationnelles, définies selon les cinq axes qui nous ont guidés durant nos travaux préparatoires. J’ajoute qu’elle s’inscrit en complémentarité avec les recommandations formulées par le groupe de travail sur la diversité linguistique et la langue française en Europe, groupe d’experts indépendants présidé par le professeur Christian Lequesne et formé à la demande des secrétaires d’État Clément Beaune et Jean-Baptiste Lemoyne en vue de la présidence française du Conseil de l’Union européenne : ses travaux ont abouti à la remise le 20 octobre d’un rapport dont je vous invite à prendre connaissance.

Le premier axe de la proposition de résolution porte sur la revalorisation des concours européens, afin de permettre à un plus grand nombre de ressortissants francophones d’intégrer les institutions européennes. Ces concours, méconnus, nécessitent la maîtrise parfaite – niveau C1 – de l’une des vingt-quatre langues de l’Union, ainsi que la connaissance d’une autre langue, au niveau B2 ou C1 selon les concours. Il paraît nécessaire de diversifier le recrutement des fonctionnaires européens en prêtant une attention particulière aux candidats maîtrisant au moins deux langues à l’exception de l’anglais. Cela permettrait de valoriser les candidats parlant des langues moins pratiquées dans les institutions européennes et obligerait les différents services administratifs à ne pas utiliser automatiquement l’anglais.

Il convient en outre de promouvoir beaucoup plus fortement ces concours auprès des ressortissants français et de favoriser les stages au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français. En 2020, sur 27 000 candidats aux concours européens, à peine 2 000 étaient français !

Le deuxième axe de travail porte sur l’apprentissage du français et de toutes les langues européennes. Il faut remédier à la domination sans partage de l’anglais, sous peine de voir la situation empirer. Pour cela, il serait bon de renforcer les programmes de formation au français destinés aux fonctionnaires européens – d’ailleurs, certains l’ont déjà été, dans la perspective de la présidence française. La formation la plus importante, « Millefeuille », a ainsi été dotée d’un budget de plus de 550 000 euros pour 2021 et 2022, contre une moyenne de 30 000 à 50 000 euros annuels auparavant. Ce programme s’inscrit dans le volet « Communiquer » du plan pour la langue française et le plurilinguisme – les deux autres étant « Apprendre » et « Créer ».

Un plan de diversification de l’apprentissage des langues doit en outre être demandé à la Commission européenne. Il ne s’agit certes pas d’une compétence de l’Union européenne, mais la Commission pourrait avec profit dresser régulièrement un état des lieux des langues apprises par les jeunes européens – le dernier a été réalisé à partir de données datant de 2014. La Commission pourrait aussi formuler des recommandations aux États dans ce domaine.

Troisième axe de travail : la présidence française doit être l’occasion de faire du retour du français une exigence absolue. Durant cette période, il faudra d’abord, pour des raisons symboliques et pratiques, favoriser la rédaction de documents préparatoires en français – tout en proposant, bien entendu, des traductions. Les réunions informelles, moments importants qui ont trop souvent tendance à se dérouler en anglais, devront avoir lieu en français, avec un service de traduction. Le site internet de la présidence française devra favoriser la lecture initiale des documents en français, là encore avec des traductions ; il ne faut pas que le français soit plus difficile d’accès que l’anglais. Enfin, il pourrait être proposé aux commissaires européens francophones de s’exprimer en français durant les réunions du Conseil.

Le quatrième axe de travail porte sur les services de traduction. Sans un budget important dédié à la traduction et à l’interprétation, les règles européennes en matière de multilinguisme resteront lettre morte. Il importe donc de garantir à ces services un budget constant et d’investir dans les innovations technologiques en la matière, afin d’être le plus efficace possible. Un meilleur partage des coûts entre les institutions européennes et les États membres devrait aussi être envisagé.

Dernier axe de travail : combler le fossé entre le droit et la pratique. Il faudrait que les commissaires européens montrent l’exemple, par exemple en s’adressant au public, lors des conférences de presse, dans leur langue d’origine et non pas systématiquement en anglais. On pourrait créer un observatoire européen du multilinguisme, chargé de s’assurer du respect du règlement n°1/1958. Il manque en effet une « tour de contrôle » du multilinguisme, qui soit un organe interne au système européen tout en disposant d’une certaine indépendance. Si le Médiateur européen joue en partie ce rôle, il ne peut se consacrer entièrement à cette question.

La promotion du français dans un cadre plurilingue est l’une des priorités assignées à notre action extérieure par le Président de la République. La présente proposition de résolution traite d’un aspect particulier de cette ambition globale, qui, je le crois, importe à tous les membres de cette commission. Elle vise, dans un même mouvement, à assurer la promotion du français et celle du plurilinguisme : pour faire face à la domination de l’anglais dans les institutions européennes, il ne serait pas réaliste de promouvoir un autre monolinguisme, fondé sur l’usage du seul français.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, madame la rapporteure, pour cet exposé extrêmement stimulant sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Ce déclin que vous décrivez, je l’ai personnellement vécu puisque, lorsque j’ai été élu pour la première fois député européen en 1989, on parlait presque exclusivement français dans les instances européennes.

M. Jean-François Mbaye (LaREM). Je me réjouis que l’on aborde la question de l’usage du français et du multilinguisme au sein de la commission des affaires étrangères.

La France prendra à partir du 1er janvier 2022 la présidence du Conseil de l’Union européenne. À l’ordre du jour seront inscrites des questions comme l’autonomie stratégique de l’Europe, sa mobilisation en faveur de la protection de l’environnement ou l’accompagnement de la sortie de la crise sanitaire. À l’occasion de cette présidence, la France sera placée au centre des institutions européennes et exercera une influence accrue en leur sein.

C’est dans cette perspective que nous sommes appelés à examiner la proposition de résolution issue des différents travaux de nos collègues Bono-Vandorme, Brun et Aubert. Le multilinguisme, érigé en principe fondamental par les traités, appelle les institutions de l’Union à s’exprimer dans les vingt-quatre langues officielles pratiquées par ses citoyennes et ses citoyens. Or, à la suite des élargissements successifs de l’Union, seuls le français, l’allemand et l’anglais sont parvenus à s’imposer en pratique, provoquant un net recul de l’usage des autres langues et mettant en péril le multilinguisme. Parmi ces trois idiomes, la langue de Shakespeare se taille la part du lion : 95 % des documents édités par le Conseil en 2018 étaient rédigés en anglais, et 2 % seulement en français. Cette marge de 5 % n’existera même pas au sein du parquet européen, puisque l’anglais y a été décrété seule langue officielle. Si cet appauvrissement de la diversité linguistique est regrettable en soi, elle l’est d’autant plus que le Royaume-Uni ayant quitté l’Union, aucun des États membres n’a l’anglais pour langue officielle. Cela nous invite à porter un regard neuf sur le mode d’expression au sein des institutions européennes, a fortiori dans la perspective de la présidence française.

Le groupe La République en marche soutient bien évidemment les recommandations de la rapporteure relatives à la revalorisation de l’accès aux concours européen pour les francophones et à la diversification du recrutement des fonctionnaires européens, auxquels la maîtrise de l’anglais est actuellement imposée. Nous considérons que cette volonté politique doit s’accompagner de l’attribution d’un budget cohérent aux services de traduction et d’interprétariat et d’un investissement ambitieux en faveur du développement d’outils recourant à l’intelligence artificielle, de manière à garantir une conversion fluide de l’information dans toutes les langues de l’Union. Il ne s’agit pas pour autant de remplacer une hégémonie linguistique par une autre : parmi les valeurs que nous défendons, et qui se retrouvent dans notre langue, la diversité occupe une place de choix. C’est pourquoi, à travers l’adoption de cette proposition de résolution, notre assemblée appellera l’exécutif à promouvoir, à côté de celui du français, l’usage de l’espagnol, de l’italien, du portugais et de toutes les autres langues employées au sein de l’Union européenne.

Notre groupe votera en faveur de la proposition de résolution.

M. Michel Herbillon (LR). Si je vous remercie pour votre présentation, madame la rapporteure, ce que vous avez dit ne me rend pas très optimiste, car on ne peut que constater le déclin inexorable de l’usage du français au sein des institutions européennes, déclin qui n’est pas récent. Pardon de me citer, mais j’en veux pour exemple un rapport sur la diversité linguistique dans l’Union européenne, intitulé Les langues dans l’Union élargie : pour une Europe en VO, que j’avais rédigé juste avant l’élargissement de 2005 ; depuis lors, les choses n’ont pas vraiment changé, elles se sont même aggravées. À cet égard, le chiffre que vous avez cité – 95 % des documents rédigés par le Conseil en 2018 sont en anglais – est éloquent.

Est-ce une fatalité ? Je ne le crois pas, mais pour aller à l’encontre de cette tendance, il faut une volonté politique, et que celle-ci perdure au-delà d’une présidence française quelque peu tronquée par le calendrier électoral. Je crains que ce ne soit pas le cas, puisque, dans le cadre européen, les représentants de notre pays, à commencer par le Président de la République, s’expriment généralement en anglais. Non que j’appelle à un choc frontal avec l’anglais – nous n’allons pas lutter contre sa prédominance dans le monde, cela n’aurait aucun sens –, mais c’est en Europe et au sein des institutions européennes que se joue l’avenir du français. La dernière fois que nous l’avons auditionné, Alain Juppé avait exprimé son effarement que les publicités télévisées pour les marques françaises d’automobiles soient en anglais – on dit « Renew » pour Renault, par exemple. Où en est-on de la mise en œuvre de l’ambitieuse stratégie de promotion de la francophonie présentée par le Président de la République au début de son mandat ?

Le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de résolution mais je souhaiterais, mes chers collègues, que nous puissions assurer le suivi de ces recommandations afin qu’elles ne restent pas des vœux pieux.

M. Bruno Fuchs (Dem). Je félicite à mon tour la rapporteure, ainsi que le président pour avoir mis à notre ordre du jour un sujet à propos duquel je suis engagé comme vice-président de l’Assemblée parlementaire de la francophonie. Ce sujet, c’est l’hégémonie de l’anglais, que nous abordons au moment même du Brexit – paradoxe cynique.

En 1960, au sein de la Commission européenne, 60 % des textes étaient initialement écrits en français, 40 % en allemand. En 1978, 46 % l’étaient en anglais, contre 34 % en français et seulement 2,80 % en allemand. En 2019, la proportion était de 86 % pour l’anglais, 2,51 % pour le français et 2,01 % pour l’allemand.

On parle de dérive, de déclin, mais il s’agit à certains égards d’un abandon de la part de générations de politiques. Pour les uns, c’est l’empathie qui les a poussés à utiliser une langue compréhensible par tous au fil des élargissements successifs ; d’autres voulaient manifester leur appartenance à une élite mondialisée anglophone.

Cela pose la question de la nature du projet européen : peut-on construire un tel projet, singulier, original, dans une langue qui n’est pas celle des peuples d’Europe ? C’est impossible ! C’est aussi la démocratie qui est en jeu : comment impliquer les citoyens dans une communauté où la langue n’est pas partagée ? On voit le résultat : les citoyens européens se sentent très éloignés de l’Europe. Les traductions arrivent avec cinq à sept jours de décalage, de sorte que les députés votent sur des textes en anglais, qu’ils ne comprennent pas très bien.

Merci, madame la rapporteure, de vos propositions, qui rejoignent celles de mon rapport de 2019 au nom de l’Assemblée parlementaire de la francophonie. Michel Herbillon en avait également formulé ; nous le faisons tous chaque année. Mais, au-delà des propositions, l’enjeu est la volonté politique. En l’occurrence, elle n’est présente ni chez les Allemands, ni chez les Italiens. Qui sont nos alliés à l’échelle européenne pour défendre le multilatéralisme et le plurilinguisme ? Les Européens ne sont pas à nos côtés dans cette démarche ; comment les rallier ? Les textes des députés Brun et Aubert se focalisent uniquement sur le français, alors que remplacer une hégémonie par une autre n’aurait pas de sens et ne nous gagnera pas d’alliés.

M. Alain David (SOC). Merci de cette synthèse, madame la rapporteure.

Nous serons sans doute unanimes à admettre que la promotion du français comme langue de travail en Europe et au sein des institutions internationales en général constitue un outil de notre diplomatie d’influence. Pour cette raison, mon groupe soutiendra évidemment toute initiative visant à promouvoir la francophonie et la diversité linguistique au sein des institutions européennes.

Vous recommandez de mettre pleinement à profit la présidence française du Conseil de l’Union européenne en favorisant la rédaction en français de documents préparatoires, en demandant que les réunions informelles se déroulent en français avec une traduction au moins en anglais, en faisant en sorte que le site internet de la présidence française favorise une lecture initiale des articles en français et en proposant aux commissaires européens francophones de s’exprimer dans notre langue pendant les réunions du Conseil. Ne faudrait-il pas adresser la même recommandation au président Macron, surtout quand il s’agit de parler de la pêche après sa rencontre avec le Premier ministre du Royaume-Uni ? C’est bien qu’il montre sa maîtrise de l’anglais, mais ce serait mieux s’il s’exprimait en français…

Par ailleurs, cette réflexion ne peut être dissociée des travaux de l’Organisation internationale de la francophonie, dont la France reste évidemment le premier financeur. Vous y faites brièvement référence dans votre rapport. Avez-vous rencontré ses représentants ? Quelle est l’actualité de l’organisation, dont on a peu entendu parler pendant la crise sanitaire, alors que la situation aurait permis d’engager des actions ?

Mme Frédérique Dumas (LT). Au sein des institutions européennes, la langue française connaît une perte de vitesse impressionnante. En témoigne le rapport « Diversité linguistique et langue française en Europe » remis le 20 octobre aux secrétaires d’État compétents. En 2018, seuls 2 % des 69 000 documents publiés par le Conseil de l’Union européenne ont été d’abord rédigés en français, contre 95 % en anglais. Quant à la Commission européenne, 7 % des documents envoyés en traduction avaient le français pour langue source, contre 85,5 % pour l’anglais. Au sein du Parquet européen, lancé en juin 2021, l’anglais est la seule langue utilisée. Une autre institution européenne, la Cour des comptes européenne, est passée fin octobre à l’anglais unique, supprimant l’interprétation.

Dans une récente tribune publiée par Le Monde, le philosophe Michel Guérin souligne qu’« une langue n’est jamais seulement une langue, qu’elle enveloppe une vision du monde, qu’elle est porteuse d’habitus et de modes de sentir ». Winston Churchill l’avait bien compris, pour qui « contrôler la langue offre bien plus d’avantages que prendre des provinces ou des pays pour les exploiter ».

Face à ce constat accablant, la présidence du Conseil de l’Union européenne devrait être l’occasion d’amorcer un changement de direction. Il est encore possible de remettre le plurilinguisme et la traduction au premier plan.

Toutefois, la France serait bien plus crédible pour défendre le multilinguisme au niveau européen si elle le faisait véritablement au niveau interne. Nous demeurons l’un des rares pays de l’Union européenne à ne pas avoir ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, alors que sa ratification est désormais un préalable à l’adhésion de tout nouvel État. La République ne reconnaît qu’une langue officielle, ce qui a pour conséquence la lente disparition de la diversité linguistique interne de la France. La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi de Paul Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion en est l’illustration la plus récente.

En revanche, l’anglais est de plus en plus utilisé par nos propres institutions et dans l’espace public français. C’est encore davantage le cas depuis le début de la présidence d’Emmanuel Macron, qui dit vouloir faire de la France une start-up nation ; en usant de ce genre de vocables, le Président de la République et les décideurs publics font peu à peu de l’anglais la langue de la réussite sociale.

Certaines décisions prises ces dernières années et allant dans le sens de la promotion de l’anglais sont particulièrement inquiétantes. Le 16 mars 2021 a été présentée la nouvelle carte nationale d’identité : pour la première fois, alors que la France interdit un simple tilde sur un prénom breton, tous les intitulés sont traduits en anglais et exclusivement dans cette langue. Pourtant, la directive bruxelloise proposait l’utilisation de la traduction dans deux langues de l’Union européenne – en Allemagne, la carte d’identité nationale est rédigée dans les trois langues officielles de la Commission : l’anglais, l’allemand et le français.

Le 4 février 2020 paraissait un arrêté énonçant les règles à respecter pour participer à l’enseignement français à l’étranger, parmi lesquelles « faire valoir un niveau au moins B2 du cadre européen commun de référence pour les langues en anglais », y compris dans les pays francophones.

Le 3 avril 2020, un décret et un arrêté ont subordonné l’obtention du brevet de technicien supérieur (BTS) et de la licence à une certification du niveau en anglais. En 2013, la loi Fioraso avait déjà modifié la loi Toubon relative à l’emploi de la langue française pour favoriser l’anglais dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Mon groupe soutiendra la proposition de résolution, mais regrette qu’elle fasse trop facilement abstraction des devoirs de la France quant à la défense de son multilinguisme interne, constitué des langues régionales, et qu’elle passe sous silence la responsabilité de nos propres institutions publiques dans la diffusion et la promotion de l’anglais.

M. Jean-Luc Mélenchon (FI). Merci pour ce rapport utile.

Je pense voter la proposition de résolution, tout en en mesurant d’avance la limite : le pouvoir, dans notre pays comme dans les autres, ne fera strictement rien pour changer une situation qui s’est dégradée, et ce malgré nos protestations. On a rappelé notre triste sort de députés européens. Je l’ai été deux fois ; nous n’obtenions pas les textes en français, pas même s’agissant des modifications opérées dans le cours de la nuit et sur lesquels nous devions nous prononcer le lendemain matin.

Cela montre qu’au niveau européen, l’usage abusif de l’anglais aboutit à un déni de démocratie. En effet, tout le monde ne parle pas la langue anglaise ni n’a envie de la parler      – c’est mon cas : je refuse systématiquement de m’exprimer en anglais, parce que c’est quelque chose que l’on m’impose ; en revanche, j’accepte d’employer une autre langue, l’espagnol, que j’ai appris à parler couramment. Cela vient d’être dit, l’usage d’une langue est porteur d’un modèle de civilisation, de société, d’un certain type de préoccupations. Pourquoi nous, Français, n’en tirons-nous pas toutes les leçons ?

L’organisation de l’Union européenne, c’est la langue anglaise, plus les directeurs de service allemands. Au Parlement européen, il n’y a plus un seul Français directeur de service. Cela a un sens politique. Faire parler tout le monde anglais, c’est visser toutes les nations d’Europe au corps des États-Unis d’Amérique. C’est d’autant plus stupide que l’anglais n’est pas la langue officielle des États-Unis d’Amérique : ces derniers n’ont jamais pu avoir une langue officielle, puisqu’il s’en parlait beaucoup sur leur sol, et il est à peu près certain que, dans les cinquante ou soixante années qui viennent, la langue la plus parlée y sera l’espagnol, bien qu’aujourd’hui, 96 % des Nord-Américains parlent l’anglais. Tout cela est mouvant et épouse les changements du monde. Y voir une fatalité n’est rien d’autre qu’un choix politique.

L’un des arguments à faire valoir dans le rapport pourrait être que nous ne cherchons pas, nous, Français, à nous enfermer dans notre bien-aimée langue maternelle, mais que nous voulons que l’Europe parle au monde – si jamais cela l’intéresse – et peut-être pour parler d’autre chose que de business. Or, pour parler au monde, il faut parler les langues qui se parlent dans le monde, pas nécessairement les langues que parlent certains seulement. Et les langues qui se parlent dans le monde, ce sont notamment le français – langue officielle de vingt-neuf nations, elle n’est pas seulement la langue des Français, mais une langue commune –, l’espagnol – si la francophonie concerne environ 300 millions de locuteurs, l’hispanophonie en touche 500 millions –, le chinois, première langue qui se parle dans le monde, et le russe, première qui se parle en Europe, depuis bien longtemps.

Les Français sont fort mal placés pour défendre leur langue si eux-mêmes cèdent. Le Président de la République ne doit pas s’exprimer en anglais. Ce n’est pas la langue des Français ; or tous les Français doivent pouvoir comprendre continuellement ce que dit la personne qui les représente, quelle qu’elle soit. J’espère que, pendant toute la durée de la présidence française, le Président de la République ne parlera rien d’autre que le français : c’est la condition pour que l’on comprenne ce qu’il dit.

Je dénonce également la manière dont la francophonie a évolué. Seul à l’Élysée, nommer secrétaire générale de la francophonie une Rwandaise qui parle anglais, et tenir au Rwanda le sommet des villes francophones dont un seul article, en anglais, a rendu compte, c’est annoncer soi-même que l’on a capitulé ; je le déplore.

M. Nicolas Dupont-Aignan. La situation dont nous parlons est le fruit d’une démission politique. Comment se fait-il que Bercy réponde en anglais à la Commission européenne, qui lui écrit en anglais ? Comment se fait-il que le Président de la République s’exprime en anglais, et pas qu’une fois ? Comment se fait-il que les titres de programmes publics internationaux de la France soient en anglais ? Comment se fait-il que des Français, parlementaires, ministres, hauts fonctionnaires, s’expriment en anglais dans les instances européennes ?

On peut multiplier les rapports – le vôtre, ma chère collègue, est excellent, et je voterai avec joie votre proposition de résolution –, mais soit nous quittons la salle quand aucun texte n’est disponible en français et nous refusons de nous exprimer quand on ne peut le faire qu’en anglais, soit nous ne serons jamais respectés. Voilà vingt ans que la France n’est plus respectée. Je me souviens du président Chirac quittant immédiatement la salle parce que le président du MEDEF s’exprimait en anglais devant les chefs d’État de l’Union européenne. Personne n’utilisera le français si les Français eux-mêmes ne l’utilisent pas ! Nous n’obtiendrons de résultats que si la France fait la politique de la chaise vide, par exemple s’agissant du Parquet européen et de la Cour des comptes européenne, laquelle vient de choisir l’anglais pour seule langue de travail.

Que proposer d’autre ? Je me méfie du multilinguisme, un prétexte à l’inaction. Ne devrions-nous pas, pour reprendre du terrain, nous arcbouter sur les langues de travail et exiger qu’elles soient utilisées toutes les trois ? Sinon, je crains que nous n’en restions aux vœux pieux.

Je suis très inquiet de ce qui se passe concernant les Jeux olympiques : lors de leur dernière édition, l’obligation d’utiliser le français, langue officielle des JO à l’égal de l’anglais, n’a pas été respectée ; j’espère qu’elle le sera en 2024 en France. À l’ONU, le fait que le français soit la deuxième langue de travail, là aussi à l’égal de l’anglais, n’est plus respecté non plus.

Enfin, quand notre propre ministère de l’intérieur traduit en anglais la carte nationale d’identité, on peut dire adieu à la langue française. C’est uniquement un problème de volonté et de détermination. Si nous cherchons des alliés, cher collègue du MODEM, nous n’y arriverons jamais, car cela voudra dire que nous avons déjà démissionné. Il faut que l’Europe sache que la France ne renoncera pas à sa langue ; c’est une question de principe.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je me permettrai quelques commentaires sur une affaire qui a dominé ma vie politique et l’a colorée de mélancolie.

À titre tout à fait personnel, je ne crois pas du tout à vos hymnes à la volonté. Professeur de français à l’origine, je me souviens de ce que disait mon ami Antoine Rufenacht à l’époque où j’ai rejoint l’Union européenne : quand il était fonctionnaire au temps de Pompidou, on n’y parlait qu’une seule langue, le français. Ensuite, les Anglais sont arrivés et ont négocié : ils ont accepté que le français reste la langue unique, mais, comme on l’a vu à diverses reprises, ils ont pour habitude d’interpréter les accords qu’ils passent, et, par la suite, ils ont fait valoir que cela posait problème non à eux, mais à leurs amis danois, qui voulaient absolument parler anglais. On s’est donc mis à l’anglais. L’étape suivante fut l’ouverture, après le Danemark, à la Suède et à la Finlande. Lorsque j’étais arrivé au Parlement européen, M. Pannella, par exemple, s’exprimait toujours en français, plutôt qu’en italien, parce que, disait-il, c’est une langue que tout le monde comprend. Mais cet élargissement, qui concernait également l’Autriche, a entraîné un basculement. C’est un phénomène mondial : les gens veulent s’exprimer directement dans une langue que le plus grand nombre comprend. Or, quand on demande quelle est la langue que chacun comprend, la réponse est en général l’anglais. C’est ainsi !

Certains ont lutté courageusement. Une anecdote : M. Roland Dumas, ministre français des affaires étrangères, s’exprime en français au Conseil des ministres de l’UE. Le représentant du Royaume-Uni demande, avec une rare insolence, que « M. Dumas parle dans une langue que le plus grand nombre d’entre nous connaissent ». Dumas s’arrête et enchaîne très brillamment, puisqu’il connaissait cette langue, en allemand. Il obtint un vrai succès diplomatique en montrant ainsi combien l’attitude britannique était incroyable.

Mais c’est un rouleau compresseur dont nous parlons, et je ne crois ni à la possibilité de rétablir notre hégémonie, ni, cher Nicolas Dupont-Aignan, au fait qu’il suffise de parler français pour mettre fin au processus : nous ne ferions que nous ridiculiser en étant les seuls à refuser de parler anglais. Il n’y a donc pas d’autre stratégie que la défense du multilinguisme. Il y a de plus en plus de langues au sein de l’Union européenne, où la règle est l’égalité entre les États, qu’ils soient petits, moyens ou grands : le maintien de trois langues de travail n’est donc pas possible. Les Allemands eux-mêmes n’y tiennent pas.

La situation est donc très difficile et très pénible, alors même que, désormais, seuls deux États membres, qui ne sont pas parmi les plus importants – l’Irlande et Malte –, ont l’anglais pour langue.

Vous pouvez toujours dire que c’est une question de volonté, mais ce n’est pas vrai. Même M. Chirac, quand il était en visite en Israël et a menacé de partir, l’a fait en anglais – à sa manière…

Deux stratégies sont possibles : outre le multilinguisme, il faut veiller, comme le dit le rapport, à empêcher l’inégalité linguistique, exiger des documents, des interprètes, etc. Notre rapporteure a rappelé que 1 % du budget de l’Union est consacré à l’interprétation : c’est déjà énorme ! Nous ne devons pas lésiner sur ce point. Et nous devons nous battre, car dans une négociation – vous avez tous raison de le dire –, celui qui ne parle pas sa langue est en position d’infériorité.

Notre problème de stratégie nationale se pose au niveau mondial, et non pas seulement européen. À titre personnel, je préconise que l’on couple le français et l’anglais, par exemple dans les lycées français : il faut offrir à toutes les populations du monde un cocktail des deux langues, de sorte que, quand on adhère au français, on apprenne les deux. Les élites et les populations de tous les pays auront ainsi accès à l’anglais, ce qui est commode, et au français, langue de civilisation à laquelle elles sont attachées.

Le rapport est excellent, mais, hélas, la volonté ne suffit pas en la matière, car, je le répète, la situation est très difficile. L’Union européenne a beaucoup de mal à affirmer son identité en s’exprimant dans une langue parlée par des gens qui lui sont extérieurs.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Merci infiniment, monsieur le président : votre expérience, votre vécu, votre analyse donnent toujours lieu à des interventions mémorables.

Merci à tous de votre soutien.

Monsieur Mbaye, comme le président l’a rappelé, il reste tout de même deux pays membres, Malte et l’Irlande, qui ont l’anglais pour langue officielle.

Monsieur Herbillon, vous avez peut-être raison d’être pessimiste plus de quinze ans après votre rapport, mais tout combat mérite d’être mené. Nous tous ici, nous sommes déjà un bon nombre de représentants de notre beau Parlement à y croire : montrons notre volonté et faisons-en sorte que les choses avancent dans le sens que nous voulons.

Je ne suis pas du tout d’accord avec vous en ce qui concerne le plan présidentiel pour la francophonie : il est bel et bien mis en œuvre. Venez voir les travaux du château de Villers-Cotterêts, emblème de la francophonie !

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est un musée !

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Non, ce n’est pas un musée ! Demandez à Jacques Krabal, député de la circonscription, de vous y inviter. Bruno Fuchs peut en témoigner également.

M. Bruno Fuchs. Joker : le cœur de la francophonie est plutôt à Dakar ou à Brazzaville.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Son emblème en France, c’est quand même bien ! Je vous laisse en parler avec le président de l’Assemblée parlementaire de la francophonie.

Vous avez employé, monsieur Fuchs, les mots de déclin, de dérive, d’abandon du français. Battons-nous ! Lorsque j’interviens dans le cadre de la PESC (politique étrangère et de sécurité commune) de l’Union européenne, je le fais en français, et, le plus souvent, Federica Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, me répondait en français ; j’ai bien l’intention de continuer ainsi. Chacun de nous peut agir à son niveau.

Nombre d’entre vous ont été choqués par la proposition de résolution européenne de M. Julien Aubert visant à faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne. Permettez-moi de défendre mon collègue, qui n’a jamais envisagé sérieusement un monopole de la langue française au sein des institutions européennes : son but était de nous provoquer pour nous obliger à réagir. On peut dire qu’il a réussi son pari, puisque nous avons travaillé ensemble pour aboutir au texte dont nous discutons ce matin.

Monsieur David, je vous remercie de votre soutien. Nous avons auditionné des représentants de l’OIF, de même que les responsables de nombreux organismes. C’étaient d’ailleurs de vrais moments de bonheur : nous constations tous que l’objectif était ambitieux et difficile à atteindre, mais nous partagions la même envie de faire avancer les choses. Or, quand il y a une envie, il y a une possibilité de réussite. L’OIF nous y aidera assurément.

Madame Dumas, le rapport remis par M. Lequesne aux secrétaires d’État chargés des affaires européennes et de la francophonie préconise avec insistance de « surmonter les obstacles à la ratification en France de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires ». Je pense donc que ce dossier va avancer.

Monsieur Mélenchon, je vous remercie également de votre soutien. Je connais votre expérience des institutions européennes, et je ne peux qu’être d’accord avec vous lorsque vous dénoncez l’usage abusif de l’anglais et que vous dites que l’Europe doit parler au monde. Nous sommes nombreux à parler français et espagnol. Du reste, les pays du sud de l’Europe, notamment l’Espagne et l’Italie, sont de vrais alliés dans notre combat.

Non, monsieur Dupont-Aignan, on ne peut pas parler de « démission politique ». Je vous rejoins s’agissant des Jeux olympiques et de l’ONU, mais il n’est pas trop tard pour agir. Soyons tous déterminés à défendre notre belle langue au sein des institutions européennes !

Enfin, monsieur le président, je reconnais votre sagesse lorsque vous préconisez de coupler l’anglais et le français. C’est le modèle adopté par les lycées français, qui nous aident beaucoup à défendre l’usage du français dans les institutions européennes. Pour promouvoir efficacement le multilinguisme, je proposerais que les concours européens vérifient la maîtrise de deux langues vivantes autres que l’anglais. Je vous invite par ailleurs à parler de ces concours aux jeunes Français, qui ne sont que 2 000 à s’y inscrire chaque année ; ils doivent être beaucoup plus nombreux à s’y porter candidats, à la hauteur de ce que la France représente au sein de l’Union !

M. Michel Herbillon. Madame la rapporteure, nous sommes tous deux très attachés au château de Villers-Cotterêts, mais l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi d’un plan très ambitieux pour la francophonie vont bien au-delà.

Je souscris entièrement aux propos de M. le président : l’éducation est au cœur du problème. Quand l’Espagne a réintroduit une deuxième langue vivante obligatoire dans son système éducatif, le nombre d’élèves espagnols apprenant le français a été multiplié par six. Le recul de l’apprentissage de l’allemand en France et du français en Allemagne est aussi lié à des questions d’éducation.

Les Québécois, les Haïtiens et les Sénégalais nous montrent le chemin. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que deux écrivains haïtien et sénégalais figurent parmi les quatre finalistes du prix Goncourt qui sera remis aujourd’hui.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je me réjouis des travaux réalisés au château de Villers-Cotterêts, mais ce n’est pas d’un musée de la francophonie que nous avons besoin.

Vous dites, madame la rapporteure, que nous devons nous battre, et nous sommes tous d’accord avec vous. Que tous les Français parlent français au sein des institutions européennes ! Quelles décisions concrètes prenons-nous pour que la Cour des comptes européenne et le parquet européen rétablissent le français comme langue de travail, et que tous les textes de la Commission et du Parlement soient publiés dans notre langue ? Cela fait vingt ans que nous formulons cette demande, qui n’est pas suivie d’effet. Nous ne pouvons plus nous contenter de vœux pieux : je vous invite donc à passer à la vitesse supérieure, c’est-à-dire au bras de fer. Nous ne pouvons plus continuer à accepter cette dérive.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez raison, il est important de défendre le français à la Cour de justice de l’Union européenne. Il faut aussi le défendre au Vatican, car il y est menacé. Le pape actuel est certainement francophile, mais il ne fait pas partie des amoureux de la langue française.

Mme Nicole Le Peih. Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’usage de l’anglais a perdu sa raison d’être. Même si l’anglais reste la langue nationale de l’un des États membres, à savoir l’Irlande, le Brexit doit remettre en cause sa domination au sein des institutions européennes.

La tendance à l’utilisation croissante de cette langue n’est pas réjouissante. Vous avez noté, madame la rapporteure, que les premières versions des documents européens, les fameux « documents sources », étaient majoritairement rédigées en anglais – c’est le cas de 85 % des documents émanant de la Commission européenne, de 95 % des documents produits par le Conseil et de 98 % des documents issus du service européen d’action extérieure. Vous avez nommé le mal qui nous ronge : le pragmatisme, qui voit dans l’usage de l’anglais un moyen de faciliter nos communications, comme s’il s’agissait d’une langue universelle. C’est une habitude qu’il apparaît indispensable de remettre en cause, de manière transpartisane, car force est de constater que l’utilisation de l’anglais est un instrument et une conséquence du soft power américain, et non des moindres. Les outils de traduction sont à la portée de tous : il suffit de quelques clics sur le web pour traduire un texte. Plus que jamais, la langue doit être considérée comme un instrument de culture et d’ouverture.

Vous avez formulé plusieurs recommandations, auxquelles je ne peux que souscrire. Dans quelle mesure pensez-vous que la promotion du multilinguisme est un élément de l’autonomie stratégique européenne que nous sommes en train de construire ?

Mme Amélia Lakrafi. Les chiffres que vous avez présentés sont éloquents. Comment ne pas s’offusquer que seuls 3,7 % des documents produits par la Commission européenne sont rédigés dans notre langue ? C’est surtout cette évolution rapide, depuis une vingtaine d’années, au détriment du français qui est préoccupante.

Ainsi, l’anglais est devenu totalement dominant en tant que langue de travail interne des institutions européennes. Mais au-delà, qu’en est-il pour les entreprises françaises innovantes qui œuvrent dans le secteur de la recherche, où les enjeux sont énormes ? Le programme-cadre Horizon Europe pour la recherche et l’innovation, qui prend le relais du programme Horizon 2020, est doté d’un budget de 95,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Si les dossiers de candidature peuvent théoriquement être remplis dans une autre langue que l’anglais, les instructions officielles appellent expressément à utiliser l’anglais, pour plus de commodité. Dans les faits, tout se fait donc dans cette langue, ce qui éloigne un certain nombre d’acteurs français de la recherche, notamment des PME, des TPE et des start-up, du bénéfice de ces fonds colossaux. Quand elles le peuvent, nos entreprises ont recours à des cabinets spécialisés, qui traduisent ces dossiers scientifiques complexes – c’était mon premier métier – mais dont le tarif est assez élevé, de l’ordre de 20 000 à 30 000 euros par dossier. Au-delà de nos frontières, l’effet est aussi délétère pour la francophonie dans la communauté scientifique et universitaire de certains pays où demeure une tradition francophone. Vous semble-t-il opportun de mettre en avant ce phénomène dans la perspective de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ?

M. Jérôme Lambert. Comme certains d’entre vous, je représente notre assemblée dans certaines institutions internationales comme le Conseil de l’Europe ou l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Le français y est considéré comme une langue à part entière, à égalité avec l’anglais. Or je constate de plus en plus souvent que les documents distribués ne sont pas traduits dans notre langue. J’ai entendu récemment des hauts fonctionnaires français en poste dans ces institutions s’exprimer en anglais, même pour répondre à un Français ayant posé sa question en français. Lorsqu’on a fait remarquer à l’un de ces responsables qu’il aurait pu s’exprimer en français, il a récidivé, répondant une seconde fois en anglais ! Cela m’a donné envie de quitter la salle. Je n’en dirai pas plus, car notre commission n’est pas un tribunal populaire, mais je sais que la situation est la même à la Banque mondiale, par exemple.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Dans un établissement d’enseignement supérieur sis 27 rue Saint-Guillaume, à Paris, où j’ai été professeur associé pendant vingt ans, on demande désormais à des enseignants français d’assurer des cours en anglais, même lorsqu’ils parlent mal cette langue. Le comble de l’absurde a été atteint !

Mme Liliana Tanguy. Madame la rapporteure, je partage vos constats et souscris à la plupart de vos recommandations. La diversité linguistique est une valeur fondamentale de l’Union européenne, qu’il convient de respecter. Il est important de promouvoir la francophonie en Europe et ailleurs dans le monde. Lorsque je représente le Parlement français dans une instance européenne ou au Conseil de l’Europe, je mets un point d’honneur à m’exprimer en français, bien que parler anglais ne soit pas un problème pour moi ; je considère en effet qu’en tant que députée française, je dois montrer l’exemple et promouvoir la langue française.

M. le président l’a dit, nous devons exiger plus de moyens pour l’interprétariat. Le plus souvent, en effet, l’anglais s’impose de fait car il n’y a pas assez d’interprètes. Ce manque de moyens est d’ailleurs souvent la raison qu’on nous oppose pour nous dissuader de parler dans notre langue.

Dans ce combat en faveur du multilinguisme, vous préconisez notamment la mise en place d’une signalétique multilingue dans les bâtiments et les réunions afin que le paysage linguistique reflète la diversité européenne. Concrètement, la mise en œuvre de cette très bonne idée risque cependant de se heurter à de nombreux obstacles financiers et logistiques. Comment pourrions-nous les surmonter ?

Mme Sira Sylla. Le constat est sans appel. Avec Michel Herbillon, nous avons publié en 2018 un rapport d’information intitulé « La diplomatie culturelle et d’influence de la France : quelle stratégie à dix ans ? », qui contenait des propositions très concrètes. Mme la rapporteure vient de formuler de nouvelles préconisations. On peut toujours se féliciter de la qualité de ces propositions mais, à un moment, il faut avancer. La promotion de la langue française est une question de volonté politique.

Dans notre rapport, M. Herbillon et moi-même écrivions que la France vivait sur une « rente de situation ». Chacun doit assumer sa part de responsabilité. Certes, le français n’est pas que la langue des Français, mais nous devrions favoriser sa diffusion en Afrique plutôt que de nous contenter de répondre à la demande. Nous écrivions également que l’avenir du français passait par l’Europe et que nous devions profiter du Brexit pour renforcer l’axe franco-allemand. On peut déplorer la faible place de notre langue au sein des institutions européennes, mais c’est d’abord au niveau de la jeunesse et de l’enseignement supérieur qu’il faut agir : nous devons donc capitaliser sur l’Université franco-allemande et soutenir l’internationalisation de notre enseignement supérieur en Europe, notamment en créant une université européenne. Où en sommes-nous dans ce domaine ?

M. Meyer Habib. Une fois n’est pas coutume, j’ai trouvé beaucoup d’interventions très pertinentes, y compris celles de M. Mélenchon, de M. Dupont-Aignan et la vôtre, monsieur le président. Vous avez rappelé avec beaucoup de justesse et d’humour le voyage de Jacques Chirac à Jérusalem, au cours duquel l’ancien président s’était exprimé en anglais. Il aurait parfaitement pu le faire en français, d’autant qu’Israël compte 180 000 Français, 800 000 francophones et au moins 1,5 million de francophiles. Malgré cela, ce pays n’est pas admis au sein de l’OIF. Au lendemain de mon élection à l’Assemblée nationale, en 2012, j’avais interpellé à ce sujet Mme Yamina Benguigui, alors ministre déléguée chargée des Français de l’étranger et de la francophonie. Pour une fois, laissons de côté nos divergences politiques et essayons de voir ce qui peut nous unir ! Pour ma part, partout où je vais, je ne m’exprime officiellement qu’en français, même si je comprends l’anglais. Alors que le Qatar, qui ne doit compter qu’une quinzaine de francophones, et le Vietnam sont membres de l’OIF, il est incompréhensible qu’un pays de 800 000 francophones en soit exclu. Cette situation est notamment le fait d’un veto opposé par le Liban, un pays défiguré par le Hezbollah, qui accepte l’aide du monde entier mais a refusé celle de son voisin qui proposait de donner du lait à des enfants crevant de faim. Il convient de faire entrer Israël à l’OIF : c’est moral, c’est facile, ce n’est pas politique et cela nous unirait tous.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous sommes sûrs que vous défendez la francophonie et que vous le faites, comme toutes choses, avec passion !

Mme Laurence Dumont. J’ai beaucoup entendu dire que l’Irlande et Malte, qui comptent 1 % de la population de l’Union européenne, étaient depuis le Brexit les seuls États membres officiellement anglophones. Permettez-moi de corriger vos propos, madame la rapporteure : la première langue officielle de l’Irlande n’est pas l’anglais, mais le gaélique, tandis que la première langue officielle de Malte est le maltais. Finalement, l’anglais n’est pas la langue parlée dans les pays européens ; c’est un comble qu’il reste aujourd’hui prédominant et fasse presque figure de langue officielle de l’Union européenne.

Effectivement, il faut faciliter l’accès des étudiants français aux concours européens. À Bruxelles, 80 % des 30 000 fonctionnaires parlent le français comme première, deuxième ou troisième langue : c’est un atout que nous devons absolument valoriser.

On a beaucoup dit que l’avenir de la francophonie ne se jouait pas uniquement en Europe, tant s’en faut. Notre langue est aujourd’hui parlée par près de 300 millions de locuteurs ; en 2050, ils seront environ 750 millions, dont 85 % en Afrique, ce qui pourrait faire du français la langue la plus parlée au monde.

Ne nous focalisons pas sur l’utilisation du français au sein des institutions européennes. Vous avez évoqué l’éducation et le fait que seuls 5 millions d’élèves apprenaient le français dans l’enseignement secondaire en Europe. Je ne connaissais pas le programme Millefeuille qui, si j’ai bien compris, est doté d’un budget de 500 000 euros ; en revanche, je connais le programme Erasmus. Dans ma circonscription, j’ai développé avec la Grèce, qui voit l’apprentissage de l’allemand progresser au détriment du français, un projet autour des valeurs de l’olympisme. Des classes françaises sont jumelées avec des classes grecques afin d’y encourager l’apprentissage de notre langue. Dans le cadre du programme Erasmus+, nous avons obtenu un financement de 1,7 million d’euros qui permettra la mobilité de 1 600 élèves, pour moitié français, pour moitié grecs. En promouvant la langue française, qui reste notre principal facteur d’influence, nous défendons aussi des valeurs et favorisons les échanges.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Monsieur Herbillon, j’ai bien noté la nécessité d’un véritable plan en faveur de la francophonie.

Monsieur Dupont-Aignan, vous nous avez appelés à « passer à la vitesse supérieure » et à engager un « bras de fer ». Je pense que cela résume assez bien votre positionnement.

Madame Le Peih, vous avez parlé d’autonomie stratégique européenne. Or l’autonomie stratégique et la défense du multilinguisme vont dans le même sens ; elles se nourrissent l’une l’autre. Nous devons les favoriser toutes les deux.

Vous avez raison, madame Lakrafi, la maîtrise de la langue anglaise est exigée dans nos entreprises et nos universités, qui en subissent le coût. Nous devons tout faire pour améliorer la situation de notre économie, de nos entreprises et de nos jeunes. À ce sujet, Mme Dumont a précisé que 80 % des fonctionnaires européens parlaient français. Hélas, compte tenu de la pyramide des âges, beaucoup partiront prochainement à la retraite : nous devons donc agir vite.

Monsieur Lambert, vous avez déploré que des hauts fonctionnaires français travaillant pour des organisations internationales répondent en anglais lorsqu’on les interroge en français. En effet, c’est inadmissible. Ne cédons rien, même à notre niveau : continuons à nous exprimer en français et à demander à nos hauts fonctionnaires de faire de même. Nous pouvons être fiers de ce que représente notre belle langue.

Madame Tanguy, je n’ai aucune idée du coût que représenterait la mise en place d’une signalétique multilingue, mais ce serait déjà un beau symbole.

Madame Sylla, vous m’avez interrogée sur la création d’universités européennes. Quarante et un projets sont en cours : c’est énorme, et ce n’est qu’une première étape. Trente-deux établissements français sont impliqués dans vingt-huit de ces alliances : notre pays se place donc au cœur de ces universités européennes.

Monsieur Habib, vous m’avez appris qu’il y avait 800 000 francophones en Israël. Pour le reste, votre demande excède le cadre de mon rapport.

Madame Dumont, l’anglais est bien l’une des langues officielles de l’Irlande et de Malte, même si ce n’est pas la première. J’ai rédigé un rapport d’information sur le bilan et les perspectives d’Erasmus+ : je regrette que ce programme très intéressant ne soit pas davantage mis en avant, car de tels échanges apporteraient beaucoup à la France et aux Français.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de résolution européenne sans modification.

 

Communication, ouverte à la presse, de MM. Éric Girardin et Meyer Habib, corapporteurs de la mission d’information sur la problématique des pôles, sur le déplacement qu’ils ont effectué au Svalbard (Norvège).

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/WYIKR0

 

La séance est levée à 12h15

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné :

 M. Frédéric Petit, membre du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

 

 

Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Aude Amadou, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, Mme Laurence Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Michel Fanget, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Amélia Lakrafi, M. Jérôme Lambert, Mme Fiona Lazaar, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Sébastien Nadot, M. Jean-François Portarrieu, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Sira Sylla, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy

 

Excusés. - M. Philippe Benassaya, Mme Sandra Boëlle, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Michel Clément, M. Guy Teissier, Mme Nicole Trisse