Compte rendu

Commission
des affaires européenne
s

I. Interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie : examen de la proposition de résolution européenne de M. Richard RAMOS (n° 381) (M. Richard RAMOS, rapporteur)

II. Faire respecter le droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée : examen de la proposition de résolution européenne de M. Olivier MARLEIX, M. PierreHenri DUMONT et plusieurs de leurs collègues (n° 508) (M. Pierre-Henri DUMONT, rapporteur)

III. Nomination d’un rapporteur d’information


 

Mercredi
12 avril 2023

13 h 30

Compte rendu n o 32

Présidence de
M. Charles
Sitzenstuhl,
Vice-Président
 


 

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 12 avril 2023

Présidence de M. Charles Sitzenstuhl, Vice-Président de la Commission,
 

 

La séance est ouverte à 13 heures 30.

 

I.            Interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie : examen de la proposition de résolution européenne de M. Richard RAMOS (n° 381) (M. Richard RAMOS, rapporteur)

 

M. Richard Ramos, rapporteur. Dans le prolongement du vote qui a eu lieu dans l’hémicycle il y a quelques jours, je salue les groupes Écologiste, La France insoumise, GDR, Rassemblement National et MoDem d’avoir entamé un chemin, que j’espère européen.

C’est avec plaisir que je vous propose aujourd’hui de porter, ensemble, le combat pour une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous au niveau européen. La proposition de résolution européenne (PPRE) qui a été déposée appelle à l’interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie par l’Union européenne.

Mes chers collègues, posons-nous cette simple question : pourquoi devrions-nous continuer à autoriser l’ajout des additifs nitrés E249, E250, E251 et E252 dans la charcuterie européenne ?

Nous savons aujourd’hui que ces substances sont dangereuses pour la santé des consommateurs : le consensus scientifique est clair. Je salue à cette occasion la mémoire du regretté professeur Axel Kahn, généticien et président de la Ligue contre le cancer. Quelques semaines avant sa mort, Axel Kahn m’envoyait un message afin de me dire qu’il fallait continuer ce juste combat. Il écrivait déjà dans son premier rapport de doctorat que « le nitrite dans la charcuterie, ça tue ».

Ce dernier a très tôt alerté sur le caractère cancérogène des additifs nitrés, en s’appuyant sur de multiples et solides preuves scientifiques. Je rappelle que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), rattaché à l’OMS, a classé en 2015 la charcuterie nitrée comme cancérogène pour l’homme. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié, en juillet 2022, un rapport très attendu qui confirme ces résultats : il existe bien une « association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal ». D’autres études démontrent l’augmentation des risques de cancer du pancréas et de l’intestin, mais aussi d’hypertension artérielle et de diabète de type 2. Il y a donc un consensus scientifique sur la mortalité, que cela soit au niveau national ou européen. Je rappelle également que M. Bernard Vallat, alors président de la Fédération des industriels charcutiers-traiteurs (FICT), a reconnu lors d’une audition à l’Assemblée nationale que le nitrite tuait. Il avait donné le chiffre de 1 200 morts, à l’inverse du professeur Axel Kahn qui parlait de 4 000 et 5 000 morts. Le nitrite tue, cela a été reconnu par les industriels eux-mêmes.

Tout se joue lors de la fabrication de cette charcuterie, de sa cuisson et de son ingestion. Les additifs nitrés se transforment en composés nitrosés, des substances toxiques à l’origine de nombreux cancers constatés. J’attire votre attention sur l’avis scientifique sur les nitrosamines publié fin mars par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur les dangers du nitrite dans la charcuterie. L’agence d’évaluation européenne conclut, sans ambages, que le niveau d’exposition aux nitrosamines dans les aliments constitue un problème de santé publique et un problème sanitaire pour tous les consommateurs européens. Nos concitoyens, surtout les plus fragiles tels que les enfants et les femmes enceintes, sont exposés à des doses supérieures aux valeurs recommandées ! Je vous rappelle que pour un produit cancérogène, il n’y a pas de doses journalières.

Vous reconnaîtrez, chers collègues, l’urgence à agir pour protéger la santé de nos concitoyens. Il n’y plus de place pour le doute ou l’attentisme. Le plan d’action du Gouvernement sur les nitrites nous propose à court de terme de réduire les teneurs maximales autorisées. J’y vois simplement un cap partagé, un horizon qui nous rassemble. Si la vitesse du chemin n’est pas la même, le plan d’action précise bien que l’objectif est d’aboutir à la suppression des additifs nitrés partout « où cela est possible » à moyen et long termes. Ce plan commence par reconnaître que les nitrites dans la charcuterie sont bien mortels, notamment par la formation de cancer colorectaux.

Brillat-Savarin écrivait « la destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent ». Nous avons de bonnes raisons d’espérer en la matière, puisque des milliers de tonnes de charcuterie « sans nitrite, ni nitrate ajoutés » sont d’ores et déjà vendues depuis 2017 dans les rayons de nos supermarchés ainsi que par des centaines d’artisans en Europe. Ne nous y trompons pas, des centaines de millions de tranches sans nitrite sont mangées chaque année sans que cela ne provoque un retour de botulisme et de salmonellose. Nous avons aujourd’hui la preuve que le « sans nitrite » est possible et non dangereux. Cette consommation massive de produits « sans nitrite » met fin aux allégations des lobbyistes sur l’éventuel risque sanitaire des additifs de substitutions.

La France avance et l’Europe s’interroge pour réduire les dangers des additifs nitrés. Ces efforts sont malheureusement insuffisants, alors que l’interdiction de ces substances est inéluctable. C’est le sens du chemin européen que je vous soumets aujourd’hui, qui repose sur trois axes.

D’abord, nous pouvons conforter les connaissances scientifiques actuelles, afin notamment de mieux mesurer l’exposition de l’ensemble des composés nitrosés et leur dangerosité.

Ensuite, nous devons interdire, au niveau européen, l’emploi des additifs nitrés dans la charcuterie. La Commission européenne propose aujourd’hui une trajectoire de réduction des doses qui est moins-disante que le France. Ces disparités réglementaires créent des distorsions de concurrence. L’interdiction européenne est donc une mesure qui nous permettra d’assurer, par le haut, un terrain à jeu égal avec l’ensemble des producteurs européens.

Enfin, il s’agit d’accompagner juridiquement, techniquement et financièrement les fabricants de charcuteries dans leur transition. L’interdiction doit être progressive, je propose un délai de quatre ans, adapté à chaque catégorie de charcuteries.

Pour conclure, je rappellerai que, la France, c’est notamment l’art de bien vivre et de bien manger. Il ne tient qu’à vous de faire valoir ce patrimoine en Europe. Chers collègues, la santé des consommateurs doit être l’un de ces sujets de convergence ! Je vous propose de débuter ce travail ambitieux aujourd’hui, ensemble, au sein de la commission des affaires européennes.

M. Denis Masséglia (RE). Les nitrites et nitrates représentent bien entendu un sujet sanitaire pour la collectivité, vous l’avez d’ailleurs fort bien présenté. Leur nocivité a été clairement réaffirmée par un rapport de l’ANSES en juillet 2022 et il est recommandé de réduire leur utilisation. Cependant, si cette proposition de résolution européenne a le mérite de traiter d’un sujet qui doit tous nous concerner, elle le fait en proposant des solutions déséquilibrées. Elle prévoit notamment un calendrier d’interdiction trop rapide pour permettre à nos petites et moyennes entreprises (PME) de s’adapter efficacement. Par ailleurs, le recours unilatéral par la France à la clause de sauvegarde, qui permet de suspendre l’utilisation des nitrites dans les productions françaises, reviendrait à exposer le marché français à une concurrence accrue de la part des produits venant des pays de l’Union européenne, mais également hors de l’Union européenne. Les solutions de cette proposition de résolution européenne sont déséquilibrées, ensuite, car l’interdiction des additifs nitrés à échéance courte reviendrait soit à supprimer certains produits de charcuterie, soit à faire courir des risques sanitaires aux consommateurs dans la mesure où les substituts aux nitrites sont insuffisamment vérifiés.

Par ailleurs, certains de ces substituts produisent eux-mêmes des composés nitrosés. Bien que le rapporteur ne voie qu’une seule solution vertueuse, celle de l’interdiction, il faut souligner que le plan d’action du Gouvernement, présenté le 28 mars dernier, prévoit la réduction significative des additifs nitrés dans la charcuterie. Il s’agit d’une démarche volontariste.

Ainsi, dès les prochaines semaines, devront être constatées une baisse de 20 % des additifs nitrés introduits dans les charcuteries les plus consommées, ainsi qu’une baisse de 25 % des additifs pour les saucisses, les saucissons, les rillettes, les andouilles et les andouillettes.

En l’état, ce plan accompagne efficacement le secteur vers une sortie des additifs nitrés sans mettre en danger l’activité des petites et moyennes entreprises. Dans ce même élan, l’avis publié au printemps 2023 et remis à la Commission européenne par l’EFSA témoigne de la volonté des autorités européennes de se saisir de cette problématique. La France a d’ailleurs annoncé qu’elle allait se mobiliser pour mettre en œuvre un alignement de la norme communautaire sur la nouvelle norme française.

Parce qu’il nous apparaît que la voie d’une réduction progressive, mais claire et volontariste, est la plus susceptible d’assurer l’impératif de sauvegarde de la santé des consommateurs, sans risquer de déstabiliser une filière alimentaire importante pour notre pays, le groupe Renaissance s’opposera à cette PPRE.


M. Thomas Ménagé (RN). Je me réjouis tout d’abord que ce sujet soit proposé à l’examen de notre commission. En effet, tout le monde ici pourra reconnaître le travail abattu depuis des années par notre collègue et rapporteur Richard Ramos dans la lutte contre ces additifs et pour une amélioration de nos standards alimentaires.

Cette question, qu’il a contribué à amener dans le débat public par une proposition de loi votée sous la précédente législature, est importante à plusieurs titres. Cela relève d’un débat de santé public majeur. La charcuterie est un produit populaire que l’on retrouve dans quasiment toutes les assiettes et qui contribue à l’équilibre alimentaire. En 2021, plus de 212 000 de jambon, pour ne citer que ce produit, ont été achetées par nos concitoyens. Cependant, les plus gros consommateurs de charcuterie sont, sociologiquement, les foyers dits « modestes ». Ils en consomment près de 26 kilogrammes par an. Bien souvent, car ils y sont contraints, ils se tournent vers des produits peu chers, traités aux conservateurs et peu qualitatifs d’un point de vue nutritionnel. Ils sont les plus exposés aux additifs nitrés ainsi qu’aux problèmes de santé qui peuvent en découler, notamment les cancers, comme l’a démontré l’ANSES.

Se poser la question de la présence et de la quantité de nitrites dans les produits alimentaires, c’est donc contribuer à la santé publique et au bien-être de l’ensemble des consommateurs – et  notamment des plus fragiles en cette période d’inflation alimentaire.

En revanche, cette proposition de résolution doit également permettre de parer d’éventuelles distorsions de concurrence. La France s’est engagée dans une trajectoire de réduction de l’utilisation des additifs, comme l’avait initié précédemment le Danemark. Il est capital que l’ensemble des pays européens s’accorde sur la réduction de ces additifs et que notre pays ne soit pas à nouveau lésé, en prenant des mesures plus restrictives qu’exigées. Il faut veiller à ce qu’une éventuelle suppression, si elle devait être actée à terme, soit progressive et concertée avec l’industrie, notamment avec les plus petites PME, afin de prendre en compte les intérêts de notre industrie agroalimentaire française.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments doit s’emparer de la question et émettre des recommandations uniformes. Elles devront être strictement suivies par les vingt‑sept États membres afin de préserver la compétitivité de notre production agroalimentaire et le savoir-faire français. Il serait inadmissible que notre pays soit à nouveau victime d’une distorsion de concurrence, comme cela a été le cas pour notre industrie agroalimentaire.

Nous attendons de la Commission européenne qu’elle veille au respect des règles dans l’intérêt des consommateurs, des producteurs et de la France. Le Gouvernement doit tenir fermement cette ligne et se battre pour notre production nationale, en veillant à ne pas sur-transposer les règles européennes. Les produits extra-européens doivent également être contrôlés à leur arrivée sur notre sol, pour garantir leur conformité aux standards imposés à notre industrie.

Cette proposition de résolution va globalement dans le sens de la préservation de la santé publique même si elle ne doit pas faire oublier la sauvegarde des intérêts de la France. Nous voterons en faveur de cette proposition de résolution.


M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Cette proposition de résolution va dans le bon sens et confirme le travail engagé par notre collègue Loïc Prud’homme dans une mission d’information passée. Il en va de l’intérêt général de fixer le cap en matière de nitrites et de prendre en compte les réalités des différentes filières concernées par cette bifurcation au niveau sanitaire. Nous voterons en faveur de cette proposition de résolution, tout en étant sensible aux arguments pour accompagner les commerces et nos concitoyens dans leurs choix alimentaires. Nous avons identifié la férocité avec lequel le lobby de la charcuterie a porté des coups aux organisations non gouvernementales (ONG) s’intéressant à ces questions sanitaires. Par ailleurs, il est temps de compléter cette urgence sanitaire d’une urgence climatique, notamment afin de limiter notre alimentation carnée.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Le projet de rapport se fonde sur les risques sanitaires associés à l’ingestion d’additifs nitrés dans la charcuterie : nous partageons la préoccupation du rapporteur concernant l’interdiction des nitrites. Il faut rappeler que les autorités de santé confirment un lien entre ces additifs et les risques de cancer. Or l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne l’oblige à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine. L’Union dispose en outre de nouveaux leviers pour assurer la sécurité sanitaire, avec les traités internationaux et les règles coutumières de droit international. Il existe donc une obligation de diligence aux termes de laquelle les États doivent prévenir tout dommage d’une activité économique placée sous leur contrôle. L’identification des dangers doit également conduire à soutenir l’effort de recherche. Notre groupe soutiendra donc cette proposition de résolution européenne.

Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). Je regrette que cette interdiction des nitrites n’ait pas pu aboutir dans le cadre de la niche du groupe Écologiste, le 6 avril dernier. Nous avons un enjeu alimentaire, climatique et sanitaire majeur. Il y a une urgence particulière à agir, au moins par respect du principe de précaution. Il faut donc porter ce texte à l’échelle nationale et européenne.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). J’étais dans un premier temps dubitatif, au regard notamment de l’étude de l’ANSES et du plan d’action du gouvernement, qui relativisent les risques relatifs aux nitrites.

J’ai ensuite eu une étape consultative : j’ai appelé des artisans de ma circonscription qui m’ont fait savoir qu’ils n’avaient pas de réticences, dans la mesure où un délai suffisant de mise en œuvre des nouvelles normes était prévu.

Dans la dernière étape, décisionnelle, j’ai remarqué que la proposition de résolution se fondait sur une démarche scientifique, avec l’invitation à saisir de nouveau l’EFSA d’une demande d’avis scientifique. La deuxième partie de la proposition de résolution appelle tous les États membres à initier d’urgence une démarche mais prévoit une période d’adaptation de 48 mois, qui paraît suffisante. Je suis plus réticent sur la clause de sauvegarde, qui pourrait induire une distorsion de concurrence.

M. Richard Ramos (Dem). On ne peut pas avoir deux alimentations en France, une pour les pauvres et une pour les riches. Aujourd’hui, des millions de tranches se vendent sans nitrites. Les pauvres ont aussi le droit de manger de la nourriture qui ne tue pas : le vote porte sur la question de savoir si l’on continue à tuer les pauvres ou non. Tous les industriels ont aujourd’hui une gamme sans nitrite. Le rapport de l’ANSES rappelle qu’il y a des risques d’infertilité chez les garçons si leur mère a consommé des additifs nitrés durant la grossesse. Aujourd’hui, notre devoir est donc de protéger : nous appelons à une nouvelle étude de l’EFSA, mais nous prévoyons également un délai de quatre ans. Aujourd’hui, les plus pauvres ne doivent pas avoir de la mauvaise protéine.

M. Guillaume Garot (SOC). Je soutiens la démarche de M. Richard Ramos. C’est la seule façon d’avancer vraiment. Comme ministre de l’Agroalimentaire, j’avais essayé d’avancer sur ce dossier et fait face à de fortes résistances. Beaucoup d’acteurs économiques se sont également battus pour la production de charcuterie sans nitrite. Maintenant, nous n’avons pas observé d’impact négatif sanitaire de la charcuterie sans nitrite.

Aujourd’hui, pour être cohérent, il faut agir à l’échelle européenne puisque c’est une étude européenne qui a caractérisé le caractère cancérogène des nitrites.

M. Denis Masséglia (RE). Je m’aperçois, une fois arrivé en commission, qu’un amendement réécrit l’intégralité de la proposition de résolution. Aussi, la précédente proposition comportait 12 alinéas, il y en a là 48. Je partage votre avis sur l’importance d’un tel sujet, toutefois, il me paraît dommageable que nous ne puissions prendre une décision en toute connaissance de cause.

Sur le fond, j’ai comme vous tous eu l’occasion de rencontrer de nombreux industriels qui partagent la vraie volonté de réduire les produits à base de nitrates et de nitrites. Vous l’avez dit, ils ont aussi beaucoup œuvré en faveur de produits sans ces types de composants, mais cela a entraîné des complications pour maintenir leur clientèle, notamment eu égard au changement de couleur du jambon. Je ne remets pas en cause la qualité gustative du produit, je vous fais toutefois part de mon inquiétude en ce qui concerne les caractéristiques des produits que nous importons en Europe. D’autre part, pourquoi imposer une telle règle alors que les futurs consommateurs se tourneront naturellement vers ces produits-là ?

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). La clause de sauvegarde est l’élément nouveau par rapport à la dernière rédaction, mais ne me paraît pas nécessaire. Ensuite, la proposition de résolution prévoit une période de transition de 48 mois à partir de l’entrée en vigueur du règlement d’exécution, lequel fixe l’interdiction des additifs. Ce règlement d’exécution fait-il uniquement allusion à l’éventuel règlement européen ou concerne-t-il également la clause de sauvegarde, qui serait d’effet immédiat ?

M. Richard Ramos, rapporteur. La clause de sauvegarde ne sera pas d’effet immédiat. Le principal apport de cette proposition de résolution repose sur l’ajout d’une période de transition de quatre ans. Entretemps, l’EFSA s’est prononcée sur les dangers des nitrosamines. Il m’a ainsi semblé important de prendre cette information en compte. Aussi, l’allongement de la période de transition a été évoqué au cours de certaines auditions réalisées dans le cadre de ce travail, de même que l’importance d’introduire des mesures visant à adoucir le texte, à l’instar d’un fonds de transition. Il n’y a aujourd’hui plus de débat entre les industriels et les petits charcutiers. En France, une centaine d’entre eux travaille aujourd’hui avec des produits sans nitrite, comme l’école de charcuterie d’Aurillac.


Amendement de rédaction globale du rapporteur

M. Richard Ramos, rapporteur. Cet amendement est un amendement de nouvelle rédaction de la proposition de résolution visant à trouver un chemin européen sur une interdiction . Nous ne pouvons pas, lorsqu’il est question d’un produit cancérogène avéré, laisser le choix à la discrétion du consommateur. J’estime que notre rôle d’élus, français ou européens, est de protéger les consommateurs. Alors qu’il n’y a plus de débat sur la mortalité liée aux additifs nitrés, la loi doit s’inscrire en ce sens, en France et en Europe.

L’amendement est rejeté.

La proposition de résolution européenne est rejetée.

M. Richard Ramos, rapporteur. Je remercie le groupe Socialistes, le groupe Écologistes, le groupe Rassemblement national et le groupe La France Insoumise. Ce texte a été rejeté par le groupe Renaissance. On ne protège pas les pauvres en France en faisant cela,  vous continuerez à ce que les pauvres puissent mourir.

M. le Président Charles Sitzenstuhl. Le texte ayant été rejeté, la commission des affaires économiques sera saisie du texte de de la proposition de résolution dans sa version initiale.

 


II.            Faire respecter le droit international dans le secours des migrants en mer Méditerranée : examen de la proposition de résolution européenne de M. Olivier MARLEIX, M. Pierre‑Henri DUMONT et plusieurs de leurs collègues (n° 508) (M. Pierre-Henri DUMONT, rapporteur)

 

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Ce week-end encore une embarcation a fait naufrage au large de l’île de Lampedusa faisant au moins deux morts et une vingtaine de disparus. Depuis des années, il ne se passe plus un mois, voire même une semaine, sans qu’un naufrage similaire ait lieu, cette situation n’est pas tolérable. Elle appelle à une réaction forte de l’Union européenne, c’est le sens de la proposition de résolution européenne déposée par le groupe Les Républicains que je vous présente aujourd’hui.

En effet, depuis le pic de la crise migratoire de 2015, la Méditerranée n’a pas cessé de constituer la principale route migratoire vers l’Europe. En 2022, ce sont 180 000 personnes qui ont transité irrégulièrement par cette route pour rejoindre le sol européen alors même que le nombre total de franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union s’élevait à 330 000, un chiffre jamais atteint depuis 2016. La Méditerranée centrale concentre tout particulièrement l’augmentation des flux migratoires. 90 000 personnes sont arrivées irrégulièrement en Europe par cette route en 2022, tandis que les chiffres fournis par l’Agence Frontex lors des auditions menées dans le cadre de ce rapport, indiquaient une hausse des traversées de 158 % au mois de mars 2023 par rapport à mars 2022.

Derrière l’augmentation de ces traversées se cache le développement des réseaux de passeurs qui prospèrent sans scrupule en exploitant la misère humaine et la vulnérabilité des personnes qui souhaitent se rendre en Europe. En plaçant les migrants dans des embarcations de fortune, parfois femmes enceintes et enfants, souvent sans même gilets de sauvetage, les passeurs portent la responsabilité de la mort de milliers de personnes. La Méditerranée, aux portes de l’Europe, est la route migratoire la plus meurtrière au monde, au moins 26 000 personnes y ont perdu la vie depuis 2014 selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations.

Les réseaux de passeurs sont également un terreau fertile pour le développement de la criminalité organisée alimentant notamment la traite des êtres humains. En effet, la migration irrégulière constitue une source de profits potentiels pour les filières de trafiquants et expose de surcroît les migrants à diverses formes d’exploitation dans les pays de destination, mais aussi dans les points de transit et les camps de migrants.

Face à cette situation, nous devons collectivement faire preuve de responsabilité. La crise engendrée par l’accueil du bateau « Océan Viking » en novembre dernier est révélatrice du manque de coopération des États membres et de la manière dont chacun des acteurs refuse d’assumer ses responsabilités. Il faut rappeler que l’Océan Viking dispose d’un pavillon norvégien, tout en étant opéré par l’ONG française SOS Méditerranée et que les 234 migrants à son bord ont été secourus en Méditerranée centrale dans différentes zones de responsabilités des États libyens, maltais et italiens avant d’avoir finalement accosté en France après avoir sollicité les autorités italiennes sans succès.


Le droit international, et notamment le droit de la mer applicable aux opérations de sauvetage, ne permet pas aujourd’hui, ou que de manière imparfaite, de déterminer clairement les responsabilités de chacun dans cette situation. Le droit de la mer repose sur la Convention de Montego Bay ainsi que sur la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime (SAR) et la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS).

Toutefois, ce cadre juridique n’a pas été conçu pour régir le contexte spécifique de prise en charge des migrants ainsi que d’encadrement de bateaux d’ONG se donnant exclusivement pour mission le sauvetage en mer.

Par conséquent, de nombreuses difficultés s’élèvent lorsqu’il faut faire application de ces dispositions. Ainsi, l’obligation de débarquement en lieu sûr mentionnée par le droit international fait l’objet d’interprétation divergentes.

D’une part, il n’existe pas de liste de ports considérés comme sûrs définis au niveau de l’Union européenne.

D’autre part, le droit international ne mentionne pas explicitement une obligation de débarquement vers le port sûr le plus proche. Les dispositions internationales prévoient seulement un débarquement vers un lieu sûr dans le « meilleur délai possible » et permettant au capitaine du navire de s’écarter « le moins possible de la route » du navire. Le choix du lieu de débarquement demeure dans ce cadre largement de l’appréciation du capitaine du navire.

Enfin, la délimitation des zones de responsabilités des États pour la recherche et le sauvetage en mer, dites zone SAR, est souvent conflictuelle tout particulièrement en Méditerranée centrale, entre l’État italien et maltais, libyens. Ces difficultés sont accentuées par le fonctionnement du régime européen d’asile commun. Celui-ci repose sur le système issu du règlement dit « Dublin III » lequel définit l’État membre de première entrée comme responsable du traitement des demandes d’asile et conduit mécaniquement à ce que les pays dans lequel les migrants sont débarqués se voient responsables de la prise en charge des demandeurs d’asile.

Ces incertitudes du droit de la mer créent un vide de régulation que les ONG exploitent. Que cela soit clair, personne ne conteste la nécessité de sauver les bateaux en détresse. En revanche, il n’est pas normal de laisser cette mission à des entités privées qui poursuivent leur propre agenda plutôt que consacrer des moyens publics en luttant contre l’origine des naufrages en démantelant les réseaux de passeurs.

C’est pourquoi, la proposition de résolution européenne que je vous présente aujourd’hui appelle l’Union européenne et les États membres à reprendre la main sur la situation en mer Méditerranée, en faisant preuve d’une extrême fermeté envers les passeurs d’une part, et en instaurant un véritable encadrement des opérations de sauvetage en mer, d’autre part.

Les propositions présentées par la Commission européenne après la crise de l’Océan Viking vont dans le bon sens. La réactivation du groupe de contact entre États membres en matière de recherche et de sauvetage doit en particulier permettre de définir des lignes directrices communes entre États membres de l’Union pour établir une liste de ports sûrs et clarifier la désignation d’un port le plus proche. Les pays du sud de l’Europe appellent également à porter au niveau de l’Organisation maritime internationale des évolutions en matière des obligations qui incombent aux États du pavillon.

Je crois qu’il faut toutefois aller encore plus loin, en faisant évoluer le mandat de l’agence Frontex afin de lui confier une véritable mission de sauvetage en mer en plus de sa mission de contrôle des frontières extérieures. Le renforcement des missions de Frontex en Méditerranée constituerait un moyen adéquat de promouvoir une meilleure coopération entre États de l’Union européenne dans la région.

L’action contre les passeurs doit en second lieu être intensifiée. Les réseaux criminels opèrent souvent depuis des pays tiers à l’Union européenne, c’est pourquoi, il convient de renforcer les partenariats entre les agences spécialisées de l’Union, notamment Frontex et Europol, et ces pays tiers.

La répression juridique des actes des passeurs doit également être accrue. Le lien des activités des passeurs avec les réseaux de traite des êtres humains est incontestable. L’article 7 du Statut de Rome mentionne l’esclavage « y compris dans le cadre de la traite des êtres humains » comme un crime pouvant être constitutif d’un crime contre l’humanité. Les conditions dans lesquels sont traités les migrants par les réseaux de passeurs, notamment en Lybie, apparaissent largement qualifiables comme tels. Il est nécessaire que ces agissements soient poursuivis devant la Cour pénale internationale avec le soutien de l’Union européenne et des États membres.

Enfin, la coopération avec les pays de la rive sud de la Méditerranée doit être intensifiée en matière migratoire en mobilisant l’ensemble des moyens incitatifs dont dispose l’Union européenne y compris le conditionnement des financements de l’aide au développement.

Chers collègues, la mer Méditerranée constitue un espace stratégique pour l’Europe. La situation humanitaire et sécuritaire appelle des réponses urgentes et fortes de l’Union européenne. Il en va de ses valeurs et de sa souveraineté. Pour cela, je vous invite à voter en faveur de cette proposition de résolution.

M. Benjamin Haddad (RE). Je tiens à remercier le député Dumont d’avoir pris l’initiative de cette proposition de résolution européenne qui pointe un sujet capital qui touche l’Europe depuis plusieurs années. La lutte contre l’immigration clandestine en Méditerranée est une priorité européenne qui exige de nous un équilibre entre la nécessité de contrôler les frontières, le devoir de répondre aux exigences du secours humanitaire en mer et la coopération avec les pays de départ.

La pression migratoire en Méditerranée est forte : on dénombre en 2022 328 000 franchissements irréguliers de la frontière extérieure de l’Union européenne, avec une hausse de 51 % des flux en Méditerranée centrale.

Beaucoup de bateaux comme l’Ocean Viking ou le Sea Watch III sont venus au secours de migrants qui se trouvaient dans des embarcations de fortune et beaucoup d’images nous rappellent que nous sommes confrontés à un véritable business de la misère. Une douzaine de navires se répartissent le secours en mer et épousent le rythme effréné imposé par les réseaux du crime organisé qui s’enrichissent sur la détresse humaine en mettant à la mer des embarcations surchargées d’exilés.

Les premiers responsables sont les passeurs, des criminels qui font embarquer des femmes et des enfants dans des navires hors d’état et les poussent trop souvent vers la mort.

Il incombe à l’Europe et aux États de jouer leur rôle, dans le respect du droit et de la nécessité pour chacun de protéger ses frontières, avec la conviction que seule la coopération entre les États permet de réguler efficacement les migrations. C’est un point majeur de cette résolution.

C’est pourquoi nous devons articuler les outils de politique étrangère dont nous disposons et améliorer l’efficacité des politiques en matière de retour, mais nous ne pourrons pas lutter seuls contre ces groupes de passeurs organisés. Nous devons dès aujourd’hui travailler avec les pays de départ et mieux prévenir ces départs irréguliers, par exemple en créant les conditions pour que les pays d’Afrique du Nord désignent des ports sûrs.

Il faut aussi mieux encadrer l’action des ONG en précisant les droits et obligations qui s’appliquent à leurs navires effectuant des opérations de sauvetage et en mettant en place un cadre de coopération entre États et ONG qui permettra davantage de coordination et d’anticipation.

Dans un esprit constructif, nous vous proposerons donc des amendements visant à faire évoluer certaines parties du texte tout en gardant son objectif et sa substance intacts.

Mme Yaël Menache (RN). Depuis des dizaines d’années, le Rassemblement national est le parti politique lanceur d’alerte sur l’immigration qui submerge la France, légale ou illégale.

Cette proposition de résolution, initiative de nos collègues républicains, coresponsables de l’invasion migratoire depuis si longtemps, est un peu leur chemin de Damas. Posture ou prise de conscience, l’avenir le dira.

À la suite des gouvernements italien, grec, chypriote et maltais, le constat de ce que nous dénonçons depuis longtemps de la part des ONG, dont SOS-Méditerranée, leur collusion avec les passeurs et donc avec de véritables organisations criminelles internationales, est un préalable indispensable.

Les soi-disant secours apportés à ces malheureuses personnes relèvent en réalité d’une véritable complicité de trafic d’êtres humains qu’il faut dénoncer, mais surtout punir et réprimer. Il faut rétablir le respect du droit international, transgressé impunément depuis des années par ces ONG, qui ne sollicitent pas les États d’Afrique du Nord, conscientes qu’elles sont de la désorganisation et de la faiblesse des États européens en la matière.

Il est indispensable que les Etats qui accordent des pavillons de complaisance aux bateaux dits « humanitaires » affrétés par les ONG satisfassent toutes les exigences juridiques et de contrôle découlant du droit international en la matière.

Nous soutenons aussi l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, attaquée politiquement et médiatiquement pour avoir exercé ses missions, protégé nos frontières et empêché l’immigration illégale.

Sans favoriser les passeurs, Frontex doit venir au secours des personnes en détresse, tel est le sens de l’amendement que nous avons déposé. Mais cela va de pair avec le combat contre ceux qui, volontairement, font couler les embarcations dans la mer Méditerranée pour susciter une immigration illégale. Il est donc indispensable de renforcer la lutte contre les passeurs et les organisations criminelles dont ils sont membres.

Ce rôle de Frontex doit être encouragé mais nous soutenons aussi les solutions souveraines de protection de nos frontières.

Enfin, les efforts de coopération avec les pays d’origine doivent être menés afin d’aider leurs populations à rester dans leurs pays et contribuer ainsi à leur développement.

Nous voterons en faveur de la proposition de résolution européenne que vous nous proposez aujourd’hui car elle répond à ce que nous dénonçons depuis longtemps, mais l’expérience nous apprend qu’elle risque de demeurer une résolution de principe peu utile, un coup d’épée dans l’eau.

Je rappelle que le Rassemblement national souhaite que nous reprenions souverainement le contrôle de nos frontières. Lorsque nous serons au pouvoir, nous n’attendrons pas les résolutions européennes pour appliquer, dans le respect du droit, les solutions nécessaires.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Il aurait été souhaitable que nos collègues républicains se renseignent au préalable sur les fondements du droit maritime. Comment prendre au sérieux un texte dont la première phrase affirme que les 230 migrants secourus par SOS-Méditerranée l’ont été dans les eaux territoriales libyennes, où aucun bateau d’aucune ONG n’entre jamais ? Cela est propre au droit maritime.

Cette PPRE exige que les crimes des passeurs soient reconnus comme des crimes contre l’humanité. On ne peut qu’être d’accord, mais le faire serait hypocrite. Cette PPRE pourrait d’abord demander aux autorités françaises de faire la lumière sur les financements européens en Lybie, qui participent d’une manière ou d’une autre à alimenter un système dénoncé le 27 mars dernier par les enquêteurs des Nations unies, avec de l’esclavage dans les prisons secrètes, des sévices sexuels et des crimes contre l’humanité. Je vous invite à prendre connaissance du rapport de la Sénatrice Marie-Arlette Carlotti pour le compte de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, qui met en lumière ces situations dramatiques.

En tant que membre de cette même assemblée, j’affirme catégoriquement que vous déformez la réalité. L’opération Triton de Frontex ne visait qu’à surveiller les frontières, et pas à sauver les migrants. L’opération Thémis actuellement en cours n’a pas non plus pour mandat principal la recherche et le sauvetage. Aucun bâtiment de Frontex déployé sur zone n’aurait d’ailleurs la capacité de mener des sauvetages. Vous souhaitez donc confier à Frontex la mission d’organiser des sauvetages alors qu’elle n’a ni les mandats, ni les moyens requis.

Ensuite, votre PPRE est un danger quand elle prétend réformer le droit maritime. Chers collègues, ce sont les conventions internationales qui définissent les critères de désignation d’un lieu de débarquement sûr, et ce n’est ni à une ONG, ni à un chef de bord de le faire.

À ce jour, la Tunisie, mentionnée par la PPRE, ne peut pas être considérée comme un lieu sûr, d’autant moins depuis les déclarations de son président à l’encontre des populations originaires d’Afrique subsaharienne.


Vous mentionnez enfin une enquête menée par le juge italien Maurizio Agnello pour faire état de ce que vous appelez la complicité avérée entre ONG et réseaux de passeurs. Il vous appartient de commenter une affaire qui a été dénoncée comme dossier à charge par plusieurs rapporteurs des Nations unies. Cette affaire base ses éléments sur des fuites d’enquêtes de police, dans le cadre d’un procès en cours pour lequel aucun jugement n’est encore intervenu.

Cette PPRE intervient alors que chaque semaine, nos eaux internationales sont parsemées par ces tragédies alors que des vies se brisent en mer.

Nous allons une fois de plus devoir parler pendant des heures sur la base d’élucubrations de celles et ceux qui travestissent la vérité pour affoler les esprits. Nous ne participerons donc pas à cette mascarade qui vise à pointer du doigt les hommes et les femmes qui sauvent des vies en mer, et nous en appelons à l’honneur et au sérieux de la représentation nationale. Je vous demande de retirer cette proposition de résolution.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Le sujet est important et complexe. La proposition de résolution soulève deux questions.

La première est celle du mandat de Frontex qui me paraît devoir être renforcé. Il existe une crise de Frontex qui s’identifie à une crise de confiance, l’agence étant soupçonnée d’avoir participé à un certain nombre de refoulements. Pour que Frontex fonctionne mieux et agisse au nom des États et de l’Union européenne, il convient de renforcer sa crédibilité et de garantir son respect des droits fondamentaux qu’elle est censée protéger. Chaque fois que l’agence intervient, elle le fait sous la responsabilité d’un État. Aujourd’hui, elle n’est pas chargée de la surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne mais assiste les États membres qui sont chacun responsables d’une partie de ces frontières. Pour que son rôle soit étendu, il faut donc qu’elle soit inattaquable.

L’autre question est celle de la situation migratoire en Europe qui est mauvaise pour au moins trois raisons. Il y a d’abord une crise dans la mise en œuvre du règlement de Dublin en raison de l’annonce par la présidence de la Commission de son remplacement par le pacte sur l’immigration et l’asile. Il y a ensuite la perspective de l’élargissement de l’Union et, enfin, la tendance des Etats à traiter séparément les questions migratoires.

Le gouvernement français a annoncé l’examen du projet de loi sur l’immigration, mais la date a été repoussée. Il y a l’annonce en Allemagne d’une loi assouplissant les conditions d’entrée sur le territoire allemand au terme de laquelle il ne sera plus nécessaire de parler la langue allemande ou de présenter un contrat de travail pour s’installer dans le pays. L’Espagne, l’Italie, la Roumanie et la Bulgarie ont quant à elles besoin du soutien du reste de l’Europe pour contenir des flux migratoires irréguliers alimentés par le trafic des êtres humains.

Dans d’autres États, des étrangers entrés irrégulièrement font vivre des secteurs économiques. La solidarité entre États est donc faible et l’accueil mal réparti. Faute d’orientations communes, les Européens laissent s’accumuler des situations problématiques et une majorité d’États s’accorde pour une solution visant au retour des migrants plutôt qu’une réorientation globale.


Je crois que l’on peut traiter ce sujet sans soutenir une réforme de Frontex déjà engagée, et il est souhaitable que l’Union engage un réel débat européen sur le sujet, qui est la seule échelle, à notre sens, permettant de traiter le sujet avec efficacité et ambition. Nous ne pourrons donc pas soutenir cette PPRE et nous souhaitons que ce débat soit porté au niveau européen.

Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). Nous nous retrouvons sur la nécessité de faire respecter le droit international et dans la volonté de lutter contre une situation qui fait de la Méditerranée un des plus grands cimetières marins qui soit. A ce propos, l’ONU vient de déclarer que le premier trimestre de cette année est dans la Méditerranée le plus meurtrier depuis 2017, c’est dire à quel point il y a urgence à agir. Mais là où je ne vous suis plus, c’est qu’il me semble que penser que le symptôme est la cause, conduit à passer à côté des moyens qui nous permettent de lutter contre ce qui arrive. Or, c’est le postulat que vous faites dans cette proposition de résolution. Les ONG ne sont pas fautives, ce n’est pas à elles de respecter le droit. Ce sont elles qui pallient le devoir non rempli par les États, les gouvernements dans le respect, l’accueil et le traitement des personnes.

En revanche, ce qui est problématique, c’est qu’il y a des milliards d’euros qui financent des pays où la démocratie n’est pas au cœur des gouvernements, puisque les traités permettent de sous-traiter l’accueil des personnes à certains pays comme la Turquie et la Lybie. Ces pays pratiquent cet accueil parce qu’elles reçoivent une compensation financière qui permet de cacher des économies qui s’écroulent, ou d’autres choses, et de bafouer les droits humains en écrasant littéralement les personnes qu’elles sont censées accueillir en notre nom. Ces actes sont perpétrés en notre nom et financés en notre nom. Cela est très documenté et criminel : c’est notre responsabilité.

On refuse d’agir, quand je dis « on », c’est la France et ses autorités, d’autres ont du courage : la Corse a proposé plusieurs fois de sauver la vie de ces personnes. Parce que c’est cela dont on parle : sauver la vie de personnes.

On peut également évoquer d’autres sujets : comme tous les moyens que l’on a pour agir en amont afin de faire en sorte qu’il n’y ait pas de plus en plus de migrants climatiques, en changeant notre façon de consommer et de produire pour éviter que demain il y ait encore plus de personnes qui fuient une immense misère et qui sont dans l’incapacité de survivre sur leurs terres. Mais il y a aussi un devoir diplomatique de ne pas financer l’extraction d’uranium quoi qu’il en coûte ou de ne pas permettre que des pays continuent à perpétrer des régimes totalitaires qui font fuir les gens ici parce qu’ils n’ont pas d’autres choix s’ils veulent rester en vie.

M. le Président Charles Sitzenstuhl. Il y a deux choses que je trouve importantes dans cette résolution et que je tiens à encourager. La première chose est de réaffirmer à travers cette proposition de résolution que le sujet migratoire se réglera au niveau européen. Il y a certains groupes au sein de cette Assemblée qui pensent que nous pourrons régler ce sujet uniquement d’un point de vue national mais la géographie de la France fait qu’on ne pourra régler ce sujet qu’au niveau européen. Je vois donc aussi dans ce texte-là la réaffirmation de la nécessité d’accélérer les choses au niveau des institutions européennes sur les sujets migratoires.

Le deuxième point fait un peu débat cet après-midi : il met le doigt sur un certain nombre de réseaux pseudo-humanitaires ou d’ONG pseudo-humanitaires qui en réalité sont complices, d’une façon ou d’une autre, des réseaux criminels et des réseaux de passeurs qui exploitent cette misère humaine, qui envoient des milliers de migrants traverser la Méditerranée et pour certains, hélas, y laisser leur vie. On a là un cercle vicieux absolument terrible, où sous couvert de bonnes intentions on brise la vie de personnes et aussi le potentiel d’un certain nombre d’États du sud de la Méditerranée. Donc je trouve plutôt louable que ce sujet soit soumis à débat. Je ne doute pas qu’on continuera à l’avoir au cours de cette législature et je trouve que l’initiative de nos collègues est plutôt bienvenue.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Pour répondre à M. Gabriel Amard, je lui confirme que les 230 migrants secourus l’ont bien été dans la zone dite « search and rescue » (SAR) de la Lybie par le bateau de l’ONG Ocean Viking. C’est une erreur dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution qui sera rectifiée par le rapport que je présente.

Ensuite, vous évoquez l’utilisation des fonds européens en Lybie. Vous avez raison et je pense que cela pourrait être l’objet d’une proposition de résolution européenne que vous pourriez par exemple porter puisqu’on connaît vos recherches sur le sujet, qui sont pour beaucoup pertinents. Ça n’est pas l’objet de cette proposition, mais l’une n’exclut pas l’autre.

Chère collègue Karamanli, la question du mandat de Frontex fait évidemment partie de la proposition de la résolution. Vous disiez qu’il faut porter le débat au niveau européen : c’est l’objet de la proposition de résolution européenne que je vous présente.

Mme Menache, vous avez rappelé les propositions de votre mouvement politique sur les questions d’immigration, expliquant que vous étiez à peu près les seuls à avoir des idées. Je note simplement que, lors de la première niche qui vous était accordée à l’Assemblée, vous avez préféré inscrire à l’ordre du jour des tripatouillages électoraux pour les élections législatives plutôt que d’avoir une seule proposition sur les questions migratoires. Je me permets juste de dire qu’il y a des diseurs et des faiseurs, et vous faites partie, avec votre groupe, des diseurs.

Amendements n° 1 et 2 du rapporteur (discussion commune).

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Le premier amendement que je présente permet de densifier les différents visas, c’est un amendement de précision. Le deuxième met à jour, malheureusement, les derniers chiffres que nous avons obtenus pour mieux contextualiser la forte augmentation des flux migratoires en mer Méditerranée.

Les amendements n° 1 et 2 sont successivement adoptés.

Amendement n° 3 du rapporteur.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Cet amendement est un amendement de contexte qui concerne l’alinéa 4. Lors de l’audition de Frontex nous avons obtenu le chiffre indiquant que 90 % des migrants qui empruntent les voix de passage en Méditerranée étaient sous le coup de réseau de passeurs. Cela nous semblait important d’amender pour montrer l’ampleur de ce phénomène.

Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). Je voudrais des précisions pour comprendre l’intérêt de cet amendement rédactionnel. Ce chiffre est donné par Frontex mais il concerne seulement les personnes rencontrées. Donc en réalité ça n’est pas 90 % des migrants.

J’ai également une remarque au sujet de « mettre en danger des vies humaines et décime des familles », on parle de vies humaines qui sont déjà en danger et de famille qui sont déjà décimées par la misère, la faim, des persécutions ou la répression.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Sur le premier point, l’estimation nous a été donnée par Frontex. Sur le second point on va ouvrir un très grand débat mais la réalité des migrations montre que c’est plutôt une courbe en J inversée : ceux qui migrent et utilisent des réseaux de passeurs ne sont pas seulement les populations les plus pauvres et les plus décimées, ce sont aussi des personnes de classe moyenne car il faut un certain niveau de vie pour pouvoir payer les réseaux de passeurs. Ce ne sont donc pas que des personnes persécutés, les réseaux de passeurs viennent chercher des gens qui ne sont ni persécutées, ni en danger car ils sont capables de payer.

On ne peut pas dire que toutes les personnes qui traversent sont persécutées et doivent fuir la faim. Certaines, oui évidemment. Généralement les personnes qui réussissent à traverser font un dépôt de demande d’asile en France ou dans un autre pays européen. Celles qui ont été persécutées, ou qui fuient une conscription obligatoire, sont généralement protégées par l’asile soit auprès de l’OFPRA, soit après jugement de la CNDA. Cela se prouve bien d’ailleurs parce que parmi l’ensemble des demandes d’asile, un tiers sont rejetées. Donc on ne peut pas dire que de manière générale ce sont des personnes qui fuient la misère où la faim.

M. Denis Masséglia (RE). Est-ce que l’on a des chiffres ? Car vous dites que tous ne sont pas des personnes persécutées.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Je vous renvoie vers les chiffres d’asile de la France de l’OFPRA, où après jugement CNDA : environ 40 % des demandes d’asiles sont acceptées. Nous sommes dans la moyenne européenne.

L’amendement n° 3 est adopté.

Amendement n° 4 du rapporteur.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Je propose l’ajout d’un paragraphe après l’alinéa 4 qui permet de rappeler que la traite humaine constitue une atteinte aux valeurs de l’Union et est explicitement prohibée par l’article 5 de la Charte des droits fondamentaux.

L’amendement n° 4 est adopté.

Amendement n° 5 du rapporteur.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. C’est un amendement de précision visant à mentionner les dispositions internationales du droit de la mer pertinentes en matière d’opération de sauvetage qui s’appliquent à tout type de navire public ou privé.

L’amendement n° 5 est adopté.

Amendement n° 6 du rapporteur.


M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Cet amendement vise à souligner que la mauvaise régulation des bateaux des ONG en mer Méditerranée résulte de difficultés d’application du droit international et de la coordination insuffisante des États responsables des sauvetages.

L’amendement n° 6 est rejeté.

Amendement n° 19 de Benjamin Haddad et des membres du groupe Renaissance.

M. Benjamin Haddad (RE). Je précise que nous nous sommes opposés aux amendements n° 6, 7 et 8 car nous présentons nous-mêmes des amendements de réécriture sur les mêmes dispositions.

Il s’agit, par cet amendement, de remplacer à l’alinéa 5 « demandé que chaque État qui accorde son pavillon à un navire humanitaire « exerce effectivement la juridiction et le contrôle » de ce dernier ; » par « appelé l’attention sur la nécessité de progresser sur le sujet du sauvetage en mer ». C’est l’objet de plusieurs de nos amendements : appeler à ouvrir un débat sur un certain nombre de ces sujets mais qui pour le moment font l’objet d’un cadre juridique suffisamment contraignant à nos yeux.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Avis défavorable. La rédaction qui est utilisée dans la PPRE est une rédaction qui permet de reprendre la déclaration du Med5. La déclaration des ministères de l’intérieur des pays du Med5 du 12 novembre 2022 demande bien que « chaque État qui accorde son pavillon à un navire humanitaire « exerce effectivement la juridiction et le contrôle » de ce dernier ». C’est un élément de fait. La déclaration ne mentionne pas textuellement les termes « appelé l’attention sur la nécessité de progresser sur le sujet du sauvetage en mer ».

L’amendement n° 19 est adopté.

Amendement n° 14 de Benjamin Haddad et des membres du groupe Renaissance.

M. Benjamin Haddad (RE). Le rapporteur propose de qualifier les crimes de passeur de crimes contre l’humanité. Nous soutenons l’objet de cette résolution qui est d’alerter sur les crimes commis. M. Amar mentionnait plus tôt les tortures, les séquestrations des réseaux de passeurs qui peuvent s’apparenter à ces crimes. Toutefois, il existe un débat juridique sur l’expression de « crime contre l’humanité ». Un tel crime est censé cibler un groupe particulier. Nous proposons de réécrire ainsi l’alinéa 7 : « Souhaite que la France encourage les juridictions internationales concernées à enquêter sur les crimes des passeurs, afin de déterminer si ceux-ci peuvent tomber sous la qualification de crimes contre l’humanité. » Nous voulons conservons cette notion dans la PPRE mais soyons un peu plus prudents sur la formulation.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Avis défavorable. J’estime que nous possédons aujourd’hui suffisamment d’éléments pour parer à cette fragilité que vous évoquez. Je vous rappelle que l’article 7 du Statut de Rome mentionne l’esclavage « y compris dans le cadre de la traite des êtres humains » comme un crime pouvant être constitutif d’un crime contre l’humanité. Par ailleurs, dans son rapport rendu public le 3 avril, la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye, dont le Président est M. Mohamed Auajjarn, a déclaré qu’elle avait trouvé des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité ont été commis contre des Libyens et des migrants dans toute la Libye dans le contexte de la privation de liberté depuis 2016. Dans son évaluation des éléments de preuve sur le traitement des migrants, la Mission a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que l’esclavage sexuel, en tant qu’acte sous-jacent supplémentaire de crime contre l’humanité, était commis contre les migrants.

L’amendement n° 14 est adopté.

Amendements n° 11 de Sandra Regol et Benjamin Lucas, n° 7 du rapporteur, n° 15 et 17 de Benjamin Haddad et des membres du groupe Renaissance (discussion commune).

Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). L’amendement n° 11 est un amendement de suppression de l’alinéa 8. La Nupes est opposée à l’idée de demander au gouvernement français de rejoindre l’initiative commune Italie-Chypre-Grèce-Malte qui vise à encadrer le travail des ONG, dans la mesure où cette logique consiste à accuser les ONG, alors qu’elles ne font que permettre le respect des droits fondamentaux des personnes et pallier le manque d’action et de coordination des États. Nous plaidons pour des mécanismes de solidarité renforcés au niveau européen permettant d’accueillir les personnes sans faire reposer l’effort sur les seuls pays d’accueil, c’est-à-dire essentiellement les pays méditerranéens. Nous plaidons également pour un soutien aux associations – et aux personnes qui s’engagent dans ces associations – qui pallient les manques qui subsistent aujourd’hui.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Avis défavorable. Établir un cadre commun au niveau des États membres pour encadrer les navires des ONG est nécessaire au regard des imprécisions du droit de la mer. La définition de règles claires pour désigner un port dans lequel les personnes secourues doivent être débarquées permettra d’éviter que des États se renvoient la responsabilité de leur prise en charge et que les navires des ONG choisissent arbitrairement le port dans lequel elles souhaitent se rendre.

Il convient de souligner que ce vide juridique n’est profitable à personne. À cet égard, le principe de non-refoulement consacré à l’article 33, paragraphe 1, de la Convention de Genève ne s’impose qu’aux États parties à la Convention. Cela exclut de faire peser cette obligation sur des opérateurs non étatiques, tels que des ONG ou des personnes privées, sauf à ce que ces derniers participent à l’exercice de la puissance publique ou gèrent un service public sous le contrôle des autorités.

Ainsi, ces navires privés, qu’ils soient affrétés par une ONG organisant des opérations de sauvetage en mer ou qu’ils portent secours en mer à titre exceptionnel (navire de plaisance, navire de pêche…) sont soumis aux seules obligations prévues par le droit de la mer. Ils ne sont astreints à aucune obligation sur le fondement du droit d’asile et le principe de non-refoulement ne leur est pas applicable.

Quant à l’amendement n° 7, il permet d’actualiser la proposition de résolution à la lumière de l’initiative de la Commission européenne de réactiver le groupe de contact entre États membres dédiés aux opérations de recherche et de sauvetage en mer après la crise de l’Océan Viking. Ce groupe travaille notamment à l’élaboration de lignes directrices pour définir des ports sûrs en mer Méditerranée qui permettrait d’établir des règles claires quant aux ports dans lesquels les navires doivent s’orienter après un sauvetage.

La suppression de l’alinéa 10, qui appelait lui aussi à l’établissement d’une liste de ports sûrs, permet d’éviter une répétition si cet amendement est adopté.

M. Benjamin Haddad (RE). Nous retirons l’amendement n° 15 et souscrivons à l’amendement n° 7 du rapporteur. Nous retirons également l’amendement n° 17.

L’amendement n° 11 est rejeté.

L’amendement n° 7 est adopté.

Amendements n° 12 de Sandra Regol et Benjamin Lucas, n° 8 du rapporteur, n° 16 de Benjamin Haddad et des membres du groupe Renaissance, n° 20 de Yaël Menache (discussion commune).

Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). L’amendement n° 12 est un amendement de suppression de l’alinéa 9. Frontex est accusée par un rapport de l’office antifraudes de l’Union européenne publié en octobre 2022 d’avoir bafoué les droits fondamentaux des personnes exilées en ayant notamment couvert des refoulement illégaux, ce qui confirme les accusations portées par certaines ONG à ce propos. Ce rapport indique, par exemple, que l’agence a suspendu sa surveillance aérienne pour ne pas enregistrer de telles violations commises par la Grèce en mer Égée. Faire de cette agence la seule à pouvoir secourir les personnes en mer n'a, au vu de ce rapport, n’a rien de rassurant et ne va pas dans le sens d’assurer un respect des droits humains et internationaux. Or, c’est ce qui nous intéresse ici, comme le souligne le titre de votre PPRE. Cette PPRE se heurte à la réalité du droit international qui impose à tout navire de secourir toute personne en détresse en mer. Les écologistes demandent donc la suppression de l’alinéa 9.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. L’amendement n° 8 supprime le mot « seule » dans l’alinéa 9. Cet alinéa a pour but d’appeler à une évolution du mandat de l’agence Frontex afin que celle-ci se voit confier une mission spécifique de sauvetage des embarcations en détresse en mer Méditerranée. La suppression du mot « seule » permet d’assurer la cohérence de l’évolution du mandat de Frontex avec le droit international, dans la mesure où la compétence de Frontex ne pourrait être exclusive dès lors que tout capitaine de navire se doit de porter secours à une embarcation en péril.

M. Benjamin Haddad (RE). L’amendement 16 proposait la réécriture de l’alinéa 9. Une réécriture de compromis serait « souhaite que soit ouvert un débat européen sur l’élargissement du mandat de Frontex » dans la continuité de l’esprit de ce que propose le rapporteur. Le fait qu’il y ait un débat sur ce sujet nous paraît assez opportun.

Mme Yaël Ménage (RN). Selon les dispositions du droit maritime international, « Tout capitaine est tenu, autant qu’il peut le faire sans danger sérieux pour son navire, son équipage et ses passagers (…), de porter secours à toute personne en danger de se perdre en mer. » Ainsi, il ne peut être possible de confier à la seule agence Frontex le soin de recueillir les migrants en mer Méditerranée. Cet amendement n° 20 permet de conserver l’objectif de la résolution tout en rendant compatible avec le droit de la mer. Je tiens par ailleurs à préciser que ce n’est pas la mission principale de Frontex que de recueillir des migrants en mer.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 12, l’Agence Frontex est un outil qui permet d’apporter l’assistance de l’Union européenne aux États membres qui ont la charge de gérer les frontières extérieures de l’Union, c’est ainsi un instrument de solidarité européenne. Elle n’agit que sous l’autorité des États membres qui sont les premiers responsables des cas de refoulement illégaux.

Dans son rapport sur les agissements de Frontex, le Parlement européen a reconnu ne pas avoir trouvé de preuves d’une implication directe de l’agence dans des actions de refoulement. Il a en revanche dénoncé la passivité de l’agence, qui détenait des preuves de violations de droits fondamentaux de la part d’États membres avec lesquels elle menait des opérations conjointes. Le rapport de l’Olaf, qui ne porte pas sur l’agence en tant que telle, mais sur l’action de trois membres de l’équipe dirigeante, parvient à des conclusions similaires.

Ces faits ont été à l’origine de la démission de son directeur Fabrice Leggeri le 28 avril 2022 et dernier et à la nomination d’un nouveau directeur il y a quelques mois.

Frontex a vocation à occuper une place importante dans l’architecture de la politique migratoire de l’Union et son mandat a été renforcé. À cet égard, au terme du mandat de 2019, Frontex doit ainsi porter une attention toute particulière au respect des droits fondamentaux dans l’accomplissement de ses missions, notamment par la nomination d’un officier aux droits fondamentaux indépendant et la mise en place d’un mécanisme de traitement des plaintes.

Je porte un avis favorable sur l’amendement n° 8, qui supprime le mot « seul ». Je considère l’amendement n° 16 comme un amendement de repli dans le cas où l’amendement n° 8 ne serait pas adopté. Je vous propose qu’à la suite de la proposition de réécriture de l’amendement n° 16, présentée par M. Haddad, d’ajouter après « sauvetage en mer » les termes « et que soit ouvert un débat européen sur l’évolution du mandat de Frontex ».

Je suis défavorable à l’amendement n° 20 proposé par Mme Menache, qui dispose que tout navire qui aurait recueilli des migrants en détresse en mer Méditerranée confie ces personnes à la seule agence Frontex. Alors qu’il relève de la compétence des États membres d’administrer et de gérer les demandeurs d’asile, cet amendement conduirait à un transfert de souveraineté des États membres vers Frontex, qui étudierait les demandes d’asile et déciderait de son propre chef de les répartir au sein des États membres. Par cohérence idéologique avec le parti que vous représentez, je vous propose d’avoir un avis défavorable sur votre propre amendement.

L’amendement n° 12 est rejeté.

L’amendement n° 8 est rejeté.

L’amendement n° 16 rectifié est adopté. En conséquence, l’amendement n° 20 tombe.

Amendement n° 9 du rapporteur.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. L’amendement n° 9 souligne la nécessité de renforcer le travail de l’Union européenne avec les pays tiers, dès lors que les réseaux criminels opèrent souvent depuis des États tiers le long des routes migratoires. Frontex déploie désormais des effectifs dans certains pays tiers via des accords de coopération, de même qu’Europol peut conclure des accords pour l’échange de données avec des Etats non membres de l’Union européenne. Il convient d’utiliser pleinement ces outils, notamment avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, afin de lutter contre les réseaux de passeurs.


Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). Cet amendement m’inquiète car les personnes LGBTQIA+ qui cherchent à fuir des pays considérant l’homosexualité comme quelque chose de non acceptable ont besoin d’aide pour partir. Il en va de même pour les opposants politiques dans des pays où la démocratie n’est pas une réalité, qui ont besoin de fuir pour sauver leur vie. Votre amendement pose un problème humanitaire de taille car ces personnes n’auront plus aucun moyen de pouvoir fuir leur pays.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. L’amendement n° 9 n’empêchera pas les opposants politiques et les personnes LGBTQIA+ de quitter leur pays et de demander l’asile au sein des États membres de l’Union européenne. Cet amendement ne cherche qu’à améliorer la coopération avec les pays tiers, pour faire en sorte que les réseaux de passeurs, qui concourent massivement aux assassinats dans la mer Méditerranée, soient mis hors d’état de nuire le plus rapidement possible.

L’amendement n° 9 est adopté.

Amendement n° 21 de Yaël Menache.

Mme Yaël Ménage (RN). Ce nouvel alinéa a pour but de pénaliser l’action des ONG, qui de fait participent au trafic humain et à l’immigration clandestine. En promettant l’eldorado à ces personnes, les ONG les mettent en grand danger et participent à un trafic humain scandaleux, qu’il faut arrêter rapidement par tous les moyens.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Je porte un avis défavorable sur cet amendement. Le trafic de migrants est déjà pénalisé au niveau international et européen par la Convention de lutte contre la criminalité transnationale organisée dite « Convention de Palerme », adoptée le 15 novembre 2000, ainsi que le protocole du même jour destiné à la lutte contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer. Ces dispositions obligent les États parties à ériger en infractions pénales les actes constitutifs de trafic illicite de migrants et à protéger les droits des personnes qui en ont été l'objet.

À l’échelle européenne, l’article 79 du TFUE donne compétence à l’Union pour lutter contre l'immigration illégale. C’est ainsi sur le fondement de cette base juridique que le droit de l’Union européenne prévoit la répression de l’aide à l’entrée au transit et au séjour irrégulier. Chaque État membre doit adopter des sanctions effectives proportionnées et dissuasives à l’encontre de quiconque aide sciemment un ressortissant d’un pays tiers à pénétrer ou transiter irrégulièrement sur le territoire de l’Union.

Le droit français pénalise également l’aide à l’entrée et au séjour irrégulier à l’article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est punie de cinq ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende (CESEDA, art. L. 622-1), et dix ans d'emprisonnement assorti de 750 000 euros d'amende si le délit s'accompagne d'une bande organisée ou d'un abus de vulnérabilité (CESEDA, art. L. 622-5). En revanche, la pénalisation de l’aide à la circulation et au séjour irrégulier commis dans un but humanitaire ne serait pas conforme aux principes constitutionnels français. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel no 2018‑717/718 du 6 juillet 2018.

L’amendement n° 21 est rejeté.

Amendements n° 13 de Sandra Regol et Benjamin Lucas et n° 18 de Benjamin Haddad et des membres du groupe Renaissance (discussion commune).

Mme Sandra Regol (Ecolo-NUPES). Par cet amendement, les écologistes demandent la suppression de l’alinéa 11, qui réclame que la France demande à l’Union européenne de conditionner l’aide au développement versée aux pays de l’Union africaine à une coopération en matière migratoire. Si la pratique du conditionnement des aides peut être intéressante, elle continue en l’espèce à aggraver les choses.

M. Benjamin Haddad (RE). L’amendement n° 18 élargit la question du conditionnement au-delà de l’Union africaine, et précise les leviers et outils dont l’Union européenne dispose (diplomatie, développement, commerce, visas, immigration légale) pour pouvoir conditionner ses soutiens à la coopération avec des pays tiers.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. J’ai un avis défavorable sur l’amendement n° 13. L’Union représente près de 50 % de l’aide publique au développement mondial. L’Union consacre 300 milliards d’euros sur la période 2021 – 2027 à travers un plan d’investissement dans les pays en développement. Une partie de ce montant pourrait être conditionnée à une plus grande coopération en matière migratoire, qui serait évaluée sur la base de critères objectivables comme le nombre de laissez-passer consulaires délivrés par ces pays.

Je suis favorable à l’amendement n° 18, qui précise et élargit le champ du conditionnement.

L’amendement n° 13 est rejeté.

L’amendement n° 18 est adopté.

Amendement n° 10 du rapporteur.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Cet amendement appelle les colégislateurs de l’Union à adopter le Pacte sur l’Asile et la migration avant la fin de la législature 2024. Ce Pacte doit demeurer une priorité de l’Union. Cet amendement vise à inciter notre gouvernement en particulier à agir en ce sens.

M. Benjamin Haddad (RE). L’adoption du Pacte sur l’Asile et la migration constitue une priorité pour la France. Ce sujet a avancé durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Le groupe Renaissance soutient cet amendement.

L’amendement n° 10 est adopté.

L’article unique ainsi modifié est adopté.

La proposition de résolution européenne modifiée est donc adoptée.

 


III.            Nomination d’un rapporteur d’information

 

La Commission a nommé sur proposition du M. le Président Charles Sitzenstuhl :

– Mme Louise MOREL (Dem), rapporteure d’information sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033).

 

 

 

La séance est levée à 15 heures 14.


Membres présents ou excusés

 

Présents. – M. Gabriel Amard, Mme Pascale Boyer, M. Stéphane Buchou, M. André Chassaigne, Mme Annick Cousin, Mme Laurence Cristol, M. Pierre-Henri Dumont, M. Guillaume Garot, M. Benjamin Haddad, Mme Marietta Karamanli, Mme Brigitte Klinkert, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, Mme Yaël Menache, M. Thomas Ménagé, Mme Lysiane Métayer, M. Jean-Pierre Pont, M. Richard Ramos, Mme Sandra Regol, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Liliana Tanguy

Excusées. – Mme Louise Morel, Mme Sabine Thillaye

 

1