Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Printemps social de l’évaluation : table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à l’assurance maladie ; évaluations « Les innovations récentes dans le financement des établissements de santé » (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale), « La mise en place du dispositif "MonParcoursPsy" » (M. Éric Alauzet, M. Sébastien Peytavie, M. Pierre Dharréville, rapporteurs) et « Les entretiens postnataux » (M. Hadrien Clouet, rapporteur)              2

– Information relative à la commission.......................37

– Présences en réunion.................................38

 

 

 

 

 


Mercredi
17 mai 2023

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 83

session de 2022-2023

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
présidente

 

 

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente.

 

Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la commission organise une table
ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à l’assurance maladie réunissant :

 Direction de la sécurité sociale : M. Franck Von Lennep, directeur ;

 Direction générale de l’offre de soins : Mme Marie Daudé, directrice générale ;

 Direction générale de la santé : Mme Danielle Metzen-Ivars, cheffe de service des politiques d’appui au pilotage et de soutien, et M. Patrick Risselin, secrétaire général auprès du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie ;

 Caisse nationale de l’assurance maladie : M. Thomas Fatôme, directeur général.

 

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous concluons ce matin nos travaux sur le Printemps social de l’évaluation en abordant la branche maladie. La rapporteure générale et les rapporteurs de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) présenteront trois évaluations de dispositions adoptées dans de précédentes lois de financement de la sécurité sociale concernant la mise en place du dispositif « MonParcoursPsy », les entretiens postnataux puis les innovations récentes dans le financement des établissements de santé. Les responsables des administrations et caisses, que je remercie d’avoir accepté notre invitation, pourront ensuite répondre aux rapporteurs.

Je passerai alors la parole aux orateurs des groupes puis aux autres commissaires. Ils pourront réagir aux évaluations présentées par les rapporteurs, mais aussi poser aux participants de notre table ronde des questions sur la branche maladie.

M. Jérôme Guedj, coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Avec le coprésident Cyrille Isaac-Sibille, nous achevons ce matin ce cycle d’auditions par une table ronde consacrée à l’assurance maladie, qui a suscité à l’intérieur de la Mecss plusieurs propositions de travaux par les rapporteurs. Je voudrais vraiment vous remercier, mesdames et messieurs les directeurs, d’être présents à nouveau ce matin pour répondre à nos questions.

Pourquoi de nombreux rapports sollicités ? Parce que dans les dernières lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), plusieurs actualités ont rythmé l’activité de l’assurance maladie. C’est vrai depuis l’adoption de la dernière LFSS. Nous pensons évidemment aux négociations conventionnelles avec les syndicats de médecins et à l’échec de la mise en place d’une procédure de règlement arbitral le 1er mars dernier. Rédigé sous l’égide d’Annick Morel, il est entré en vigueur par arrêté le 1er mai dernier. Il comportera notamment une revalorisation de 1,50 euro du tarif des consultations de médecins, soit une consultation des médecins généralistes à 26,50 euros et des médecins spécialistes à 31,50 euros.

D’autres mesures dans ce règlement arbitral visent à faciliter le recours à des assistants médicaux ou la prise en charge de soins programmés. Je ne doute pas qu’un certain nombre de collègues auront des questions sur le sujet, comme ils en auront de manière plus large sur le fonctionnement de l’hôpital public, les déserts médicaux ou l’accès aux soins ; autant de sujets que l’on évoque régulièrement dans cette commission.

S’agissant des travaux spécifiques que la Mecss a menés dans ce cadre, la rapporteure générale a souhaité travailler particulièrement sur les réformes récentes du financement des établissements de santé, mises en œuvre dans la loi de financement de la sécurité sociale tout au long de la précédente législature. Ce sont des enjeux financiers et sanitaires majeurs qui retiennent toute notre attention.

Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, les rapporteurs de la Mecss ont souhaité évaluer les dispositifs spécifiques liés à la santé mentale. La commission des affaires sociales a une sensibilité très forte, comme l’ensemble de nos concitoyens, sur les sujets relatifs à la santé mentale. Dans un instant, Sébastien Peytavie, Pierre Dharréville et Éric Alauzet vous présenteront leur travail sur le dispositif « MonParcoursPsy » mis en place par la LFSS 2022.

Le second dispositif, évalué par Hadrien Clouet, concerne les entretiens postnataux précoces obligatoires, proposés aux femmes entre quatre et huit semaines après leur accouchement. Ces entretiens peuvent être réalisés par un médecin ou une sage-femme.

Ces mesures ont été prises rapidement, puisqu’elles sont obligatoires depuis le 1er juillet 2022. Le rôle de l’évaluation est d’en faire un premier bilan et de voir dans quelle mesure les professionnels ont pu s’en emparer.

Sur ces sujets et sur tous les autres, merci d’avance de vous prêter à cet exercice qui ressemble un peu à un grand oral – mais certains en ont l’habitude.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Je tiens tout d’abord à remercier les administrations d’avoir répondu favorablement à notre invitation. Il me paraît salutaire que nous prenions le temps d’échanger sur les sujets de fond qui ont trait au financement de notre sécurité sociale avant le marathon budgétaire.

C’est là tout l’intérêt de ce Printemps social de l’évaluation. Je formule le vœu que nous puissions en tirer des mesures très concrètes pour répondre aux nombreux enjeux auxquels notre sécurité sociale est confrontée dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

J’ai pour ma part conduit une mission d’évaluation sur les innovations en matière de financement des établissements de santé et, plus largement, du système de santé dans son ensemble. Cette mission s’inscrit clairement dans le contexte de la volonté, exprimée par le Président de la République, de sortir d’une tarification à l’activité (T2A) ou à l’acte pour aller vers une rémunération basée sur des objectifs de santé publique pour les établissements de santé publics, privés, mais aussi pour les professionnels de santé dans le cadre du prochain PLFSS.

La réforme Ma santé 2022 et les réformes de financement que nous avons votées au cours des années précédentes (urgences, hôpitaux de proximité, psychiatrie, soins de suite) allaient déjà dans ce sens. En particulier, nous avons cherché à mettre en œuvre un financement populationnel qui soit connecté aux besoins de santé d’une population sur un territoire.

S’agissant des activités de médecine, à la fois en ville et à l’hôpital, nous avons cherché à tester des modèles de forfaits qui nous permettraient de sortir de la T2A et de la tarification à l’acte pour inciter davantage à la prévention, à la qualité et à la pertinence des soins, à la prise en charge coordonnée, au décloisonnement entre la ville et l’hôpital. Ces expérimentations ont souvent été conduites dans le cadre de l’article 51 de la LFSS 2018, qui offre la possibilité de déroger aux dispositions législatives pour tester de nouvelles organisations et modalités de financement.

En matière de transformation du financement, le Parlement n’a pas été inactif depuis 2017. Sur ce sujet, nous pourrions évaluer de nombreux articles de LFSS. J’en ai choisi trois, même si, en réalité, mon approche est globale.

Qu’avons-nous appris de ces expérimentations et réformes récemment votées ? Par ailleurs, pourquoi leur mise en œuvre est-elle si lente ?

En effet, la réforme des soins de suite et de réadaptation date de 2016. Pour la psychiatrie, les hôpitaux de proximité et les urgences, les nouveaux modèles entrent finalement en application, mais il semble que la portée des nouvelles dotations populationnelles soit fortement amoindrie par le fait que les agences régionales de santé (ARS) n’ont pas réellement les compétences pour déterminer des critères pertinents pour l’allocation de ces dotations, largement attribuées sur des bases historiques. Pouvez-vous nous dire comment le ministère envisage, organise et accompagne la montée en compétence des ARS pour leur donner une réelle expertise en matière financière, indispensable pour que le financement territorialisé trouve tout son sens ?

Parmi les réformes qui ont été bien conduites, je citerai celle des hôpitaux de proximité. Les nouvelles modalités semblent à la fois simples, pertinentes et valorisantes pour ces établissements, qui se voient conférer un véritable rôle stratégique sur le territoire. Je m’interroge tout de même sur la faible proportion du financement populationnel, qui ne représente que 1 % des ressources de ces établissements. Ne faudrait-il pas augmenter la part de ce financement populationnel, pour permettre aux ARS d’avoir un véritable levier sur la structuration des soins au niveau territorial ?

Par ailleurs, je m’interroge sur l’impact du financement à la qualité, dans le cadre de l’incitation financière à la qualité (Ifaq). Nous avons fait de cet indicateur, très faible en 2017, un compartiment de financement à part entière pour les établissements de santé, mais nous peinons à trouver des indicateurs pertinents pour mesurer la qualité des prises en charge, qui soient automatisables pour ne pas alourdir le quotidien des acteurs hospitaliers. Or il est essentiel de développer l’évaluation des résultats cliniques et la satisfaction des patients, y compris dans la perspective des réformes en cours et à venir. Où en êtes-vous de ce chantier ?

Parmi les autres sujets qui me semblent essentiels pour les établissements de santé, il y a ceux de la pluriannualité et du financement des investissements. Les établissements ont beaucoup de mal à se projeter et à bâtir des projets, car ils manquent de visibilité sur leur budget au cours des prochaines années. Un des grands acquis de la réforme des hôpitaux de proximité est l’introduction d’une pluriannualité, avec un socle budgétaire déterminé pour trois ans. Ne pourrait-on pas envisager le même système pour l’ensemble des établissements ? C’est une demande récurrente de leur part, qui me semble légitime.

Nous devons également entendre leur appel à sortir partiellement de l’investissement des tarifs, afin que ce ne soit plus la variable d’ajustement budgétaire, et qu’il y ait une dynamique d’investissement et de modernisation pérenne dans les hôpitaux. Quel regard portez-vous sur cette question ?

J’en arrive maintenant au financement du système de santé. La force des expérimentations de l’article 51 est de pouvoir s’affranchir des cloisonnements qui bloquent certaines évolutions de notre système de soins.

Nous avons auditionné des équipes d’expérimentateurs – maisons de santé, infirmiers, médecins généralistes – qui ont présenté des projets très novateurs en matière de financement et d’organisation des soins. Je pense aux projets Parcours d’éducation, de pratique et de sensibilisation (Peps), Équilibres, Ipso Santé. J’ai rencontré des professionnels très engagés, heureux de faire leur métier, qui investissent et prennent des risques pour répondre aux défis du système de soins et donner un sens à leur exercice professionnel. Il serait néanmoins souhaitable de clarifier le mode de calcul des forfaits patients attribués aux médecins généralistes selon les expérimentations, car il existe des différences assez substantielles, par exemple entre Ipso Santé et Peps, que l’on a du mal à s’expliquer. Pouvez-vous en dire un mot ?

Par ailleurs, les équipes n’ont à ce jour aucune visibilité sur les suites qui seront données à leurs projets une fois les cinq ans de l’expérimentation écoulés. Je crois comprendre que l’évaluation de ces expérimentations est complexe pour la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Comment allez-vous procéder pour donner de la visibilité aux équipes avant le terme des expérimentations ? Envisagez-vous de prolonger ces expérimentations, ou avez‑vous d’ores et déjà des arguments pour ou contre leur bascule dans le droit commun ?

La grande force de ces expérimentations est qu’elles peuvent s’affranchir des canaux de financement et modes de rémunération habituels, car on voit bien à quel point ils peuvent être bloquants. Ainsi, le forfait maladie rénale chronique, qui devait rémunérer l’ensemble des acteurs de la prise en charge en ville et à l’hôpital, s’est arrêté aux frontières de l’hôpital.

Tôt au tard, nous devrons engager une réflexion sur l’introduction de modalités communes de financement entre le public et le privé, entre la ville et l’hôpital. Nous devrons surtout aborder la question de la convergence des modes de rémunération des professionnels de santé.

M. Éric Alauzet, rapporteur. « MonParcoursPsy » est entré en vigueur depuis un peu plus d’un an. Une évaluation du dispositif à ce stade peut paraître prématurée, mais il nous semblait important de pouvoir réaliser un premier bilan, les attentes de nos concitoyens en matière de santé mentale étant fortes. Nous savons également que ce dispositif est controversé et suscite un certain nombre de critiques de la part de la profession.

« MonParcoursPsy » est un dispositif qui permet à un patient atteint de troubles anxieux ou dépressifs d’intensité légère à modérée, dès l’âge de 3 ans, de situations de mal‑être ou de souffrance psychique pouvant susciter l’inquiétude de l’entourage, de consulter un psychologue sur l’adressage du médecin. L’assurance maladie et les complémentaires santé peuvent alors prendre en charge un maximum de huit séances par an, rémunérées à hauteur de 30 euros, à l’exception de la première séance, à hauteur de 40 euros, et prises en charge à 60 % par l’assurance maladie et à 40 % par les complémentaires.

La prise en charge des consultations est soumise à plusieurs conditions qui permettent en principe de sécuriser le dispositif : d’une part, les psychologues, qui doivent avoir au moins trois ans d’expérience professionnelle, sont sélectionnés et conventionnés par l’assurance maladie ; d’autre part, le patient doit être adressé par son médecin traitant ou par un autre médecin afin de justifier la nécessité d’un suivi psychologique. Lors des auditions, nous avons constaté que ce point suscite diverses réactions chez les psychologues.

Le principe d’une prise en charge psychologique par l’assurance maladie a été salué, en particulier par les associations des patients. Selon elles, le dispositif contribue dans une certaine mesure à la réduction des inégalités d’accès aux soins puisque, jusqu’à présent, seules les complémentaires santé proposaient un remboursement des consultations des psychologues. Elle a permis à 90 000 patients, dont 70 % de femmes, et notamment à de jeunes adultes, de « sauter le pas » et de demander un accompagnement. Le dispositif a ainsi pu lever un frein financier, mais aussi un frein psychologique en légitimant le recours à un ou une psychologue. Les nombreuses sollicitations reçues par les professionnels témoignent d’un véritable besoin en soins psychologiques.

Je souhaiterais vous interroger sur les conséquences de la mise en place de « MonParcoursPsy » sur l’offre de garantie des mutuelles. Nous avons entendu que certaines mutuelles qui prenaient déjà en charge les consultations chez le psychologue auraient réduit leur offre de garantie, renvoyant les assurés vers « MonParcoursPsy ». Nous n’avons pas été en mesure de vérifier ces informations lors de l’audition de la Mutualité française. Savez-vous comment les garanties des mutuelles ont évolué depuis l’an dernier en matière de remboursement des consultations chez le psychologue ?

M. Sébastien Peytavie, rapporteur. J’aborderai les principales critiques formulées à l’égard du dispositif par les psychologues que nous avons rencontrés. Tout d’abord, force est de constater que la très grande majorité des psychologues sont restés en dehors de « MonParcoursPsy ». Ceux qui l’ont rejoint, l’ont pour une partie d’entre eux quitté.

Selon les chiffres du ministère de la santé, au 31 janvier 2023, 2 200 psychologues étaient conventionnés soit seulement 7 % des psychologues libéraux. Ce constat doit nous interpeller. Comment expliquer une telle situation ?

La première raison est certainement à rechercher du côté des tarifs : le tarif des séances est bien inférieur à celui d’une consultation non conventionnée, certes variable, mais qui se situe souvent entre 50 et 70 euros. Les tarifs fixés ont été unanimement jugés faibles au regard du temps passé avec les patients, pour des séances de 45 à 60 minutes. Les professionnels auditionnés ont le sentiment que leur métier est bradé et qu’ils sont obligés d’entrer dans un moule qui favorise finalement les thérapies courtes.

La deuxième critique souvent entendue concerne le nombre maximal de séances prises en charge, car il suppose une durée prédéfinie du soin. Le plafond de huit séances peut conduire à interrompre une thérapie pour les patients ne pouvant payer de nouvelles séances. Une telle situation a régulièrement été jugée inappropriée, voire dangereuse pour la santé mentale des patients.

Les conditions de l’adressage préalable par un médecin suscitent des réactions très contrastées chez les psychologues. Elles permettent certes de renforcer les échanges entre médecins et psychologues, mais peut constituer un frein supplémentaire à la consultation d’un psychologue. Elle donne le sentiment à certains psychologues d’être considérés comme une profession paramédicale et de ne pas prendre en compte la particularité du titre et de la fonction de psychologue clinicien.

De nombreux psychologues ne sont pas à l’aise avec les critères d’éligibilité des patients. Le dispositif est aujourd’hui réservé aux patients atteints de troubles anxieux ou dépressifs d’intensité légère à modérée. Dans les faits, il est difficile d’évaluer l’intensité de ces troubles dès la première séance.

Au regard de toutes ces critiques, est-il envisagé de faire évoluer le dispositif ?

M. Pierre Dharréville, rapporteur. Les constats sont largement partagés face à des besoins en soins psychologiques qui ont explosé pendant la crise sanitaire et qui étaient déjà mal appréhendés auparavant. Le dispositif « MonParcoursPsy » n’y répond pas. Seulement 7 % des psychologues libéraux l’on rejoint et parmi eux, nombreux sont celles et ceux qui l’ont quitté ou qui s’apprêtent à le faire, ce qui le rendra encore plus inopérant.

Les psychologues sont des personnels qualifiés, tous détenteurs d’un master, et leurs compétences spécifiques les mettent en position de prodiguer des soins psychologiques et psychosociaux adaptés à chaque situation humaine. Curieuse idée que de vouloir protocoliser et limiter leur intervention.

Il est également frappant de constater que « MonParcoursPsy » rate sa cible : les plus précaires ne représentent qu’une faible part des personnes qui en ont bénéficié. Les personnes sont renvoyées vers ce dispositif alors qu’elles devraient pouvoir accéder à une prise en charge gratuite adaptée non limitée dans un centre médico‑psychologique (CMP). Or il faut aujourd’hui plusieurs mois, voire plus d’un an parfois, pour voir un psychologue en CMP. Il manque de trop nombreux psychologues dans les structures publiques dédiées et à l’hôpital. Le service public est aujourd’hui de plus en plus défaillant. Au lieu de prendre des mesures fortes pour y remédier, on semble organiser un contournement qui ne fonctionne pas en fléchant des millions d’euros pour la ville.

Il y a urgence à renforcer le service public. Selon certaines organisations de psychologues, avec l’argent utilisé pour « MonParcoursPsy » pendant sa première année d’application, sur 50 millions d’euros, il aurait été possible de financer de façon pérenne sur dix ans, plus de 200 postes de psychologues au sein des structures publiques.

Au regard de ce que nous avons pu constater et des besoins de nos concitoyens, le statu quo n’est donc pas tenable. Si l’on décide de maintenir le dispositif, il doit être revu dans sa philosophie et ses objectifs en tenant compte des spécificités qui relèvent de l’exercice libéral de la psychologie, différent de l’exercice en équipe dans des structures publiques.

Quelles sont les hypothèses envisagées du point de vue du prix des consultations, du nombre de séances qui pousse à des abandons de thérapie en cours de route ?

Surtout, comment envisagez-vous de développer le service public, de renforcer les effectifs de psychologues dans les structures, d’ouvrir des postes et d’augmenter les salaires ? Il apparaît que la profession souffre d’une grande précarité. Combien représentent les contractuels ? Le chiffre de 60 % m’a été communiqué. En octobre 2021, en début de carrière, un psychologue a un indice majoré équivalent à celui de professions à bac+3. Cette anomalie ne s’estompe pas au cours de la carrière : 1 600 euros en début de carrière et 2 500 euros au bout de vingt et un ans de carrière. Il y a urgence à revaloriser cette profession à hauteur de sa qualification et de son rôle.

Alors que la santé mentale s’est fortement dégradée en France ces dernières années, ces psychologues hospitaliers sont essentiels pour déployer une offre de soins adaptée avec une prise en charge qui s’inscrive dans la durée.

Enfin, un travail de concertation, et même de négociation est-il envisagé avec la profession pour faire face aux enjeux essentiels et considérables de la santé mentale et des soins psychosociaux ?

M. Hadrien Clouet, rapporteur. La dépression périnatale, connue sous le terme de « syndrome post-partum », constitue aujourd’hui la deuxième cause de mortalité maternelle en France, et ce, juste après les accidents cardio-vasculaires. Pour être exact, 13,4 % des morts maternelles prennent cette forme notamment au moment du pic du quatrième mois après une naissance.

Au-delà du seul phénomène suicidaire, l’enquête nationale périnatale de 2021 a démontré que près de 17 % des femmes présentent différents signes de dépression post-partum dans les deux mois suivant l’accouchement.

Comme a pu nous dire la représentante de l’association Maman Blues, qui accueille, accompagne et aide des femmes atteintes de ce type de syndrome et de difficultés, les jeunes mamans subissent une pression d’autant plus forte que la norme procréatique en vigueur en France leur enjoint d’afficher des signes de bonheur en début de maternité. Ainsi, dans la ligne des préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS) ainsi que de la commission « 1000 premiers jours », la LFSS 2022 a mis en place un entretien postnatal précoce obligatoire censé être mené par une sage-femme ou un médecin. Cet entretien intervient entre la quatrième et la huitième semaine après l’accouchement et est l’occasion pour les mères concernées d’évoquer les éventuels difficultés, troubles, attentes ou risques ainsi que pour les soignants de repérer différents signes ou facteurs qui pourraient prédisposer à des formes dépressives.

Alors que cet entretien est censé être entré en vigueur au 1er juillet 2022, l’obligation de le mener demeure extrêmement peu respectée. Des données parcellaires transmises par la Cnam en l’état montrent 28 338 entretiens entre septembre et décembre 2022, soit environ 10 % des naissances déclarées sur la même période. C’est donc un taux de non‑recours qui, a priori, avoisine les 90 %. L’ensemble des professionnels rencontrés nous a confirmé que la pratique demeurait encore extrêmement faible.

S’agissant des données dont nous disposons à l’heure actuelle, des chiffres plus récents portant notamment sur le premier trimestre 2023 sont-ils disponibles ? La part des mères qui bénéficient de l’entretien supposé non obligatoire s’est-elle élevée depuis le mois de juillet dernier ?

Les auditions menées nous ont également permis d’identifier trois séries de difficultés sur lesquelles j’aimerais vous entendre et qui devraient être rapidement levées afin de permettre à cette politique préventive en termes de santé physique et mentale de voir le jour et d’être effective à la fois pour les mères concernées et pour leur partenaire de vie ainsi que pour les enfants.

La première difficulté est financière. Les personnes auditionnées ont fait part d’une certaine surprise en réalisant que l’entretien n’était pas pris en charge à 100 %, contrairement à l’entretien prénatal précoce, ce qui vient rompre la construction en miroir de ces deux moments d’entretien. Le dispositif obligatoire pénalise donc les parents les plus précaires qui ont le choix entre une obligation à respecter et un coût financier à engager. Ils ne disposent pas nécessairement d’assurance complémentaire. Dès lors, le reste à charge constitue un frein important qui dissuade le fait de donner suite au dispositif. Il me paraît inacceptable que la santé des mères, de leur partenaire et de leurs enfants pâtisse d’un ticket modérateur.

Par ailleurs, l’acte en tant que tel n’est pas codé par l’assurance maladie, notamment en ce qui concerne les médecins, contribuant ainsi à ce qu’ils n’effectuent pas, en toute logique, cet entretien. Pouvez-vous confirmer l’absence de cotation ? Si oui, quel est le calendrier prévu pour développer une telle cotation ?

La deuxième difficulté relève de la signification même de l’entretien postnatal. Il existe un manque de consensus entre les différents intervenants susceptibles de l’organiser. Les auditions ont révélé des interprétations très contradictoires : les uns estiment que l’entretien relève de la santé publique, d’une politique de prévention qui diagnostique une difficulté mentale ou des signes permettant de penser que cette difficulté va se produire ; les autres estiment que l’entretien est un outil de conseil conjugal permettant au couple d’organiser la division du travail sexuel notamment, mais conjugal également autour de l’arrivée de l’enfant. Pour d’autres intervenants, l’entretien serait l’occasion d’effectuer le bilan de la prise en charge de la mère, de l’ensemble du parcours de soins, de l’entretien prénatal jusqu’à l’accouchement.

Ce désaccord implicite tient notamment à une absence de formation des professionnels de santé concernant la santé mentale périnatale. Dès lors, des organismes de formation privés s’engouffrent dans la brèche et vendent à prix d’or des formations pour que les professionnels se sentent sécurisés dans le fait de délivrer cet entretien. Le collège des sages-femmes est le seul organisme à avoir proposé un guide des bonnes pratiques en la matière. Estimez-vous que ce guide est suffisant et que l’absence de ligne directrice peut être comblée ? Si oui, comment ? Quelles sont les pistes pour un outil d’harmonisation des entretiens postnataux, de leur contenu et de leur objectif ?

La loi prévoit qu’un second entretien puisse être proposé aux femmes qui en auraient besoin. Cet entretien a un caractère subsidiaire : il n’a lieu qu’à condition que le premier entretien permette de détecter des signes qui conduiraient à justifier un second. Or parmi les facteurs à risque fixés dans les textes figure la primiparité. Pourtant, la plupart des pédopsychiatres ou sages-femmes interrogés estiment que la primiparité ne joue absolument pas et les différentes enquêtes épidémiologiques le confirment. En revanche, les facteurs comme la précarité sociale ou des fragilités à caractère économique jouent comme des variables prédictives de l’exposition à une dépression post-partum et sont beaucoup plus déterminantes.

Quels sont donc les fondements qui ont pu conduire le critère de primiparité, qu’aucun professionnel du secteur ne partage ? Estimez-vous que ce critère demeure pertinent ?

Enfin, une troisième série d’interrogations porte sur l’organisation du système de soins autour de l’entretien postnatal. Force est de constater que les usagères en ignorent l’existence même. C’est parfois le cas des professionnels de santé. Est-il prévu, face à cette situation, de mener une campagne d’information ? Quels sont les moyens envisagés par le ministère ou la Cnam pour pallier ce défaut d’information et permettre de monter de 10 % de recours au dispositif à des chiffres qui nous paraîtraient plus décents pour la santé des femmes en question ?

De plus, les professionnels interrogés ont constaté l’absence d’articulation de l’entretien postnatal avec les dispositifs ultérieurs de prise en charge des épisodes dépressifs. Il n’est pas reconnu aux sages-femmes en particulier d’adresser leur patiente à des psychologues dont les séances seraient remboursées par l’assurance maladie contrairement aux médecins. Travaillez-vous dès lors dans le sens d’une prise en charge des patientes par l’assurance maladie qui seraient adressées à des professionnels de la santé mentale ?

En conclusion, l’entretien postnatal s’inscrit dans un continuum. Pour autant, ce n’est pas nécessairement la professionnelle de santé – généralement, la sage-femme – qui conduit cet entretien. Il y a là une rupture dans l’intervenant du parcours de soins. Cette situation multiplie les risques de faille dans le parcours de la parturiente. Que pensez-vous de l’idée d’un interlocuteur unique, d’un référent tout au long du parcours périnatal qui serait également en charge de l’entretien postnatal ?

M. Cyrille Isaac-Sibille, coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Je souhaiterais revenir sur l’un des sujets d’actualité, à savoir l’incompréhension entre vos directions et les professionnels de santé, constatée par l’échec des négociations conventionnelles. Les soignants souhaitent donner plus de sens à leur travail en consacrant plus de temps à leurs patients. Les propositions de vos directions souhaitent leur donner plus de temps médical pour qu’ils prennent en charge davantage de patients.

Quelle est pour vous la maldonne entre ces professionnels de santé qui souhaitent davantage de considération et vos directions ?

M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale. Madame la rapporteure générale, vous soulignez les avancées des réformes menées ces dernières années. Certaines étant en cours, nous n’avons pas encore le recul suffisant pour les évaluer. Globalement, le ministère de la santé a mené de nombreuses réformes tarifaires depuis quatre ans. Quand on regarde la feuille de route d’il y a cinq ans et la situation d’aujourd’hui, en dépit de la crise sanitaire, nous avons tout de même beaucoup avancé. Le Président de la République souhaite en effet aller encore plus vite et plus loin dès le prochain PLFSS. La direction de la sécurité sociale veillera à ce que la logique qui sous-tend les réformes déjà menées puisse perdurer et s’étendre avec davantage d’attention à la santé publique. Une attention très forte doit être portée à la qualité, à la manière de la rémunérer et aux indicateurs mentionnés Ifaq. La rémunération des hôpitaux a fortement augmenté ces dernières années, mais sans doute moins que l’ambition initiale, car l’on se heurte à la question des indicateurs qui est réellement l’un des très grands enjeux des prochains mois et prochaines années. Il faut être capable de construire des indicateurs qui soient lisibles, automatisables et qui reflètent davantage l’expérience patient. Ils existent dans de nombreux autres pays et la France doit être capable de les mettre en place également.

S’agissant de la pluriannualité, elle est évidemment très attendue par les acteurs. Elle a été mise en place depuis 2020 avec le protocole pluriannuel. Depuis, la crise et la garantie de financement l’ont quelque peu percutée. En sortie de crise et en parallèle de la réforme de la tarification, il faut réintroduire une capacité de vision partagée sur une trajectoire pluriannuelle.

Sur la question de l’investissement, je rappelle que les prises en charge de l’investissement et les cofinancements sont nombreux en dehors des tarifs, en particulier avec la reprise de dette. Pour les prochaines années, de 2025 à 2030, des financements importants s’ajoutent aux marges financées par les établissements à travers les tarifs.

Au-delà de l’hôpital, vous posiez la question de la ville à travers les « articles 51 ». C’est évidemment une préoccupation extrêmement forte du ministère de la santé et de ses directions de savoir comment faire vivre les « articles 51 » et généraliser les expérimentations qui ont fait leurs preuves. De nombreux projets arrivent à leur terme, avec des évaluations d’ici fin 2023 et 2024. Certaines de ces évaluations ne seront sans doute pas positives ; pour autant de nombreuses évaluations le seront et posent la question de leur généralisation. Il s’agit de construire les modalités d’une entrée dans le droit commun qui ne soient pas que tarifaires. Il y a déjà eu de toutes premières généralisations depuis l’année dernière, et il y en aura davantage cette année et l’année prochaine. Nous sommes en train d’y travailler, pas seulement au sein de la direction de la sécurité sociale, mais aussi au sein du ministère et avec la Cnam. Des dispositions seront très certainement intégrées dans le PLFSS 2024. Il faut évidemment s’assurer systématiquement de la bonne transition entre l’expérimentation et cette entrée dans le droit commun, y compris si nécessaire avec des périodes transitoires pour pouvoir basculer dans le nouveau cadre, s’il est différent de celui de l’expérimentation. Nous allons veiller à une certaine cohérence au moment de la généralisation. Ce sera un axe important des deux prochains PLFSS.

« MonParcoursPsy » s’inscrit dans une prise de conscience collective de l’importance de la prise en charge de la santé mentale, et d’un manque de prise de charge en ville. Quand vous dites que cela était pris en charge par les complémentaires, cela l’était de façon très partielle, pas par toutes et pas de manière pérenne. Certaines l’ont annoncé en amont de l’annonce du Gouvernement, et pour un an seulement. Pour certaines, cela n’a été qu’un élément de communication. Dans d’autres cas, c’était plus pérenne. Nous n’avons pas de visibilité transversale sur ce que couvrent les complémentaires et sur l’ensemble des garanties. Nous pouvons demander aux complémentaires de faire remonter les informations, à supposer qu’elles le souhaitent. En tout cas, il existe pour l’avenir un axe de travail possible sur l’articulation entre le panier de soins couvert par « MonParcoursPsy » et le rôle des complémentaires. Nous pouvons échanger avec les complémentaires afin que, dans certains cas, elles financent des séances supplémentaires ou des parcours qui ne sont pas dans « MonParcoursPsy ». Puisqu’elles sont demandeuses de davantage d’échanges avec l’assurance maladie, nous pouvons essayer de travailler avec elles sur les prises en charge de psychologues.

S’agissant des indicateurs, nous suivons bien évidemment le nombre de psychologues qui entrent dans le dispositif et nous étudions leur répartition sur le territoire. Dans certains départements, ils sont peu nombreux, mais globalement, tous les départements sont représentés et il ne faut pas qu’ils soient concentrés seulement dans certains départements. La répartition géographique est importante, tout comme le nombre de patients et le nombre de médecins qui adressent. Le dispositif peut avoir vocation à s’étendre. Il est important que le dispositif soit connu par les médecins généralistes. Plusieurs dizaines de milliers de généralistes ont déjà effectué un adressage. Vous dites qu’il est en frein. Or il est réellement assumé comme étant une capacité pour le médecin traitant à avoir une bonne connaissance du parcours de son patient, du retour sur les séances avec le psychologue. Il nous a semblé important de maintenir ce dispositif.

Vous demandez comment le dispositif peut évoluer. Nous n’avons qu’un an de recul et nous constatons un parcours qui prend son essor, sans doute pas suffisamment vite. Nous nous interrogeons aussi sur son évolution, à la lecture des données, des retours de terrain et des retours de concertation, de l’ensemble des critères qui aujourd’hui définissent le parcours. Certains de ces critères doivent-ils évoluer ? Si oui, il faut le faire en cohérence avec ce qui existe par ailleurs, avec les autres parcours, avec les expérimentations.

Avec ce dispositif, nous essayons d’étendre le panier de soins pris en charge par l’assurance maladie. « MonParcoursPsy » a été largement élaboré sur la base d’expérimentations pilotées par l’assurance maladie qui donnaient de bons résultats. Il n’a pas été inventé ex nihilo.

Nous nous reposerons la question avec les « articles 51 ». À chaque fois qu’ils seront généralisés, des acteurs diront qu’il faut payer plus ou le faire dans d’autres conditions. Nous essayerons de nous appuyer sur le résultat des évaluations en réalisant des ajustements, même s’il est un peu tôt pour être plus précis sur le sujet.

Sur le sujet de l’entretien postnatal, sa prise en charge ne se fait plus dans le cadre de l’assurance maternité. Un ticket modérateur s’applique. N’oublions pas que les parents les plus précaires sont couverts par la complémentaire santé solidaire (CSS). Ils sont 7 millions en France. Nous pouvons encore faire mieux sur la CSS avec participation. Si les parents sont éligibles, au moment de la naissance d’un enfant, c’est le moment de les accompagner. Les différentes structures et associations peuvent rappeler que ce dispositif existe. Les personnes sont prises en charge à 100 %.

Sur l’adressage des sages-femmes, je voudrais simplement vous rappeler que dans la proposition de loi de Mme Josso, qui devrait être adoptée prochainement, une disposition permettra que les sages-femmes adressent leur patiente à un psychologue de « MonParcoursPsy ».

Mme Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soins. Effectivement, les dernières années ont été très riches pour l’hôpital sur les réformes de financement avec une dynamique qui s’est enclenchée à compter de 2018. Vous avez évoqué tous les domaines dans lesquels les réformes se mettent progressivement en place : la médecine d’urgence, les activités de psychiatrie, les soins médicaux de réadaptation, la prise en charge du financement à la qualité, les hôpitaux de proximité et la poursuite de la montée en charge des forfaits et notamment du forfait « maladie rénale chronique ».

Toutes ces réformes ont un point commun : réduire la part de T2A au profit de modèles combinés qui mettent en avant la spécificité de chaque champ d’activité avec des financements populationnels qui ont pour objectif premier de réduire les inégalités de santé et de financement, entre régions, entre établissements, et de passer d’une logique d’offre de soins à une logique de besoins de santé. Les critères populationnels sont caractéristiques de l’offre dans le territoire pour répondre aux besoins de soins. Ils sont différents selon les secteurs concernés.

Cette allocation de ressources populationnelles qui prend de plus en plus de place dans les compartiments de nos réformes est d’abord à la main des ARS. L’ARS doit pouvoir répartir cette dotation sur son territoire en fonction des besoins qu’elle estime devoir être pourvus. Cela a enclenché une charge de travail supplémentaire et surtout une nouvelle manière de travailler. Nous avons voulu rapprocher les financements du terrain. Aujourd’hui, les ARS remontent que c’est effectivement compliqué. La multiplicité et la concomitance des réformes font que la charge de travail et l’appréhension des nouveaux modèles ne sont pas négligeables pour les administrations.

Nous essayons d’être en formation et en appui auprès des comités d’allocation des ressources qui se mettent en place pour répartir ces dotations populationnelles. Nous les outillons également. Cet outillage vient soit des ARS – c’est notamment le cas des urgences – soit de l’Agence nationale de la performance sanitaire et médicosociale (Anap) et de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih). Là aussi, nous essayons de faire au mieux en avance de phase, sur la psychiatrie par exemple, qui est entrée en vigueur en 2022. L’outil est arrivé assez tardivement et a suscité de nombreuses réactions de la part de nos collègues en début d’année. Nous allons essayer de leur fournir un outil rectificatif d’ici cet été en lien avec l’Anap et l’Atih.

Sur le service médical rendu (SMR), nous essayerons d’être plus en anticipation. Nous visons un outil qui puisse venir en appui avant la fin de l’année pour une mise en œuvre en début d’année prochaine.

Les équipes de la direction générale de l’offre de soins organisent des réunions hebdomadaires avec les référents concernés des ARS sur les réformes de financement. Elles répondent aux questions et mettent en place des bilatérales, thématique par thématique. Nous essayons de sortir de nombreuses notices méthodologiques et guides. Il n’en reste pas moins qu’il faudra probablement se poser la question de l’outillage en moyens humains des ARS. Ce point est relayé par le secrétariat général des ministères sociaux. Encore une fois, l’importance et la concomitance des réformes nécessitent d’étoffer les services concernés des ARS.

Sur les urgences, la dotation populationnelle est entrée en vigueur en 2021, les forfaits le seront en 2022. L’année 2023 verra s’opérer quelques ajustements, notamment sur la pédiatrie et certains suppléments. La réforme SMR est prévue en juillet 2023, avec un fonctionnement rétrospectif début 2024.

Les annonces du Président de la République du 6 janvier 2023 engagent une réforme qui partage des points communs avec les réformes évoquées sur la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Le Président a parlé d’objectifs de santé publique. On retrouve cette idée de besoins de santé et de dotation populationnelle, même si elle sera nommée et fonctionnera différemment, de sortir d’un financement majoritaire à l’activité pour se concentrer sur les missions spécifiques de certains établissements dans les territoires et sur des objectifs de santé publique qui pourront prendre en compte les inégalités de santé ou la précarité.

La réforme des hôpitaux de proximité a été posée par la LFSS 2020. Les textes d’application ont été publiés en 2022. C’est un financement double, avec une partie de sécurisation des recettes qui ressemble à la garantie de financement. C’est une garantie pluriannuelle de l’activité de médecine qui est l’activité socle des hôpitaux de proximité. Ce niveau de garantie est fixé pour trois ans sur la base de 100 % des recettes historiques de l’établissement. Une enveloppe complémentaire prend la forme d’une dotation de responsabilité territoriale qui vise à accompagner le financement des missions nouvelles, en complément de la médecine de ville. Elle est aussi fixée pour trois ans et son niveau ne peut être inférieur à 75 000 euros annuels.

Une enveloppe de 100 millions d’euros a été dégagée pour financer cette réforme au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Faut-il dès à présent augmenter la partie populationnelle ? Nous avons souhaité donner la priorité à la sécurisation de ce nouveau modèle et à la sécurisation financière de ces établissements, comme demandé. La partie populationnelle a probablement vocation à accroître sa proportion dans les années qui viennent, effectivement.

Le modèle Ifaq est relativement récent, puisqu’il a commencé à être expérimenté à partir de 2016. Nous avons souhaité le monter en puissance à partir de Ma santé 2022. L’enveloppe en 2018 était de 50 millions et nous sommes passés à 400 millions en 2020 puis à 700 millions en 2022, même si tout n’a pas été réparti sur la base des indicateurs. Nous n’avons pas encore atteint le fameux milliard annoncé. L’objectif de financement à la qualité a repris de l’importance dans le discours du Président de la République du 6 janvier dernier. Il va devoir trouver toute sa place dans la réforme qui se mettra en place dans les années à venir sur la MCO, notamment en lien avec les objectifs de santé publique. Nous devrons parvenir à articuler les Ifaq et les compartiments de la réforme.

Aujourd’hui, il est certain que la parenthèse de la crise sanitaire a posé un certain nombre de problèmes en lien avec ces indicateurs. Les établissements n’ont pas pu se concentrer comme ils l’auraient dû sur le recueil et la délivrance des indicateurs. Par conséquent, ces indicateurs n’ont pas été bons. Par ailleurs, nous avons voulu stabiliser les ressources des établissements pendant les deux ou trois années de crise et post-crise et le dispositif n’est pas monté en charge comme nous le souhaitions. C’est pourquoi les 700 millions d’euros de 2022 ont été répartis non pas au prorata des résultats des indicateurs eux-mêmes, mais au prorata des volumes économiques.

Il n’en reste pas moins que cela doit rester l’un de nos objectifs. Il a été acté pour la campagne 2023, pour que le recueil permette d’enclencher de réelles dynamiques d’amélioration de la qualité et que le rythme de ce recueil soit biennal. Les indicateurs seraient bien recueillis chaque année, notamment ceux liés à la certification et à la satisfaction des patients, mais d’autres indicateurs seraient valorisés tous les deux ans, notamment ceux issus du dossier patient, afin de laisser le temps aux établissements de monter en charge et de faire de la vraie pédagogie auprès des professionnels. Cela permet de donner une visibilité pluriannuelle aux établissements.

Nous devons nous interroger collectivement sur la manière de faire évoluer les indicateurs. Nous avons évoqué les résultats cliniques des évaluations ou questionnaires de type Patient-Reported Outcome Measures (PROMs), qui sont beaucoup plus développés et utilisés à l’étranger qu’en France. Notre objectif doit être de pouvoir s’appuyer sur ce type d’indicateurs et de processes. Nous sommes très loin de l’objectif. L’idée est de procéder par étape.

Sur l’article 51, plus d’une trentaine d’expérimentations arrivent à échéance en fin d’année 2023 et dans la même proportion en 2024. Le défi que nous devons relever est leur intégration dans le droit commun.

L’investissement hospitalier est un point effectivement extrêmement important. La question posée est de sortir l’investissement des tarifs. Le Ségur a tout de même changé la donne en raison d’un nombre très important de financements délégués. Je rappelle la somme de 9 milliards d’euros sur l’investissement proprement dit pour les établissements de santé : 1,5 milliard d’euros d’investissements dits « du quotidien » et 7,5 milliards d’investissements structurants, auxquels s’ajoutent 6,5 milliards d’euros pour la restauration des capacités financières. Ces 9 milliards d’euros sont complètement sortis de la dynamique et du financement à l’activité.

Quelle est la prochaine étape ? Il est important que le financement des investissements courants reste en partie dans les tarifs. C’est ce qui déclenche une certaine efficience du cycle d’exploitation des établissements. En fonctionnement normal, l’établissement doit dégager sa capacité à financer ses investissements quotidiens. Il ne peut le faire que s’ils sont inclus en grande partie dans ses tarifs. En revanche, il faudrait à terme une enveloppe fléchée dans l’Ondam sur l’investissement lourd, qui soit régulière, pluriannuelle, pour éviter ces grands plans objectivement très difficiles à piloter au niveau national et en régions.

 Je distinguerai donc les investissements courants qui doivent rester dans les tarifs en raison des objectifs de performance de nos établissements des investissements plus structurants qui auraient sans doute vocation à être identifiés au sein de l’Ondam.

M. Patrick Risselin, secrétaire général auprès du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie. Je souhaiterais insister sur quelques points.

Sur la concertation, je rappelle que le dispositif a été précédé d’un certain nombre d’expérimentations. L’élaboration de « MonParcoursPsy » a fait l’objet d’une longue concertation avec les organismes professionnels qui ont souhaité s’y associer. Par ailleurs, le dispositif est encore jeune, puisqu’il a été mis en place le 5 avril 2022. Je pense que nous avons besoin de recul. Une évaluation est prévue par la loi et se mettra en place.

Bien évidemment, nous réfléchissons, au sein de la délégation que je représente, à la suite. Comment consolider les psychologues volontaires ? Je rappelle que contrairement à certaines assertions, nous sommes sur la base du volontariat. Il ne s’agit pas de « mettre sous cloche » et de paramédicaliser la profession des psychologues. Ne s’inscrivent que les psychologues qui souhaitent s’inscrire ; pour ceux, qui souhaitent rester dans un mode d’exercice libéral, il n’y a pas de sujet. Nous nous apercevons d’une très grande diversité dans la profession des psychologues, d’une très grande hétérogénéité dans les formations selon les universités. Nous étudions comment consolider une profession qui pourrait être plus étroitement articulée avec le parcours de santé.

Au-delà de « MonParcoursPsy », nous savons que des psychothérapies spécifiques ont prouvé toute leur efficacité dans un certain nombre d’indications cliniques. Pourquoi ne pas étudier la manière de structurer la formation pour ces psychothérapies ? Ce chantier n’est pas stabilisé et fera bien sûr l’objet d’une concertation avec l’ensemble de la profession.

S’agissant de l’entretien postnatal précoce, l’ambiguïté sur la signification de ce dispositif a été évoquée. Pour nous, il s’agit clairement d’un dispositif de dépistage de la souffrance psychique des mères – et, au-delà, du couple – à l’occasion d’une grossesse ou de la naissance d’un enfant. Bien évidemment, il doit s’intégrer dans un parcours de santé ; il n’est pas indépendant de l’entretien prénatal qui existe depuis 2019. Encore une fois, il s’agit bien de détecter la souffrance psychique et la dépression post-partum, qui représente 17 à 20 % des grossesses, et non pas de donner un conseil conjugal.

Concernant la primiparité qui figure dans la loi, après consultation d’un certain nombre de professionnels, j’avoue très honnêtement ne pas avoir le souvenir de la raison pour laquelle elle a été introduite. L’évaluation de ce dispositif nous dira si c’est un critère pertinent ou non.

S’agissant de la communication sur ce dispositif de l’entretien postnatal précoce, une communication a été diffusée par la Cnam sur le site Ameli, à destination des différents collègues professionnels et en particulier des sages-femmes. Il faut bien évidemment poursuivre cette communication. Je signalerai une initiative très intéressante, qui s’inscrit dans un cadre européen, pilotée par le centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé de Lille. Il existe un programme appelé « Pathways to improving perinatal mental health », ou PATH, qui vise à doter les différents états partenaires d’outils et de référentiels de communication sur la dépression post-partum. Cela donne lieu à des réalisations très concrètes. Le Psycom a publié un certain nombre de brochures et a également de l’information en ligne. Un massive open online course (Mooc) a été ouvert depuis mars dernier pour l’ensemble des professionnels qui souhaitent s’inscrire. Nous allons poursuivre dans cette communication.

Enfin, je rappellerai que la HAS travaille actuellement sur une recommandation sur la santé mentale périnatale.

En conclusion, je livrerai une considération plus générale. « MonParcoursPsy » ne doit pas être vu comme un dispositif qui se fait au détriment du service public. Il vient plutôt en complémentarité. Je rappellerai qu’il s’intègre dans une stratégie plus globale, à savoir la feuille de route santé mentale et psychiatrie lancée depuis cinq ans. Des efforts conséquents ont été engagés dans le sens de la revalorisation du service public hospitalier ou ambulatoire en psychiatrie. Je rappellerai que la mesure 31 du Ségur de la santé a prévu la création de 200 postes de psychologues dans les maisons de santé pluriprofessionnelles et dans les centres de santé.

Dans le cadre des mesures annoncées lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en septembre 2021, des créations de postes sont en cours. Ce sont 400 postes dans les CMP pour adultes et 400 postes dans les centres infanto-juvéniles.

Je pense également à tous les appels à projets engagés depuis 2019, dans le champ dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à travers un appel à projets dédié qui vise à rééquilibrer l’offre de soins pour les enfants, y compris par la création de lits dans les départements qui en sont dépourvus.

Je citerai également le fonds d’innovation organisationnel en psychiatrie qui permet d’accompagner le changement et de créer des structures, en particulier de services ambulatoires.

Tout ceci montre, au-delà de « MonParcoursPsy », la mobilisation d’une offre existante dans le champ libéral qui peut être mieux articulée avec l’offre publique. Tout un pan de la politique touche cette offre publique, encore une fois à travers la feuille de route enrichie par les mesures des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie.

Mme Danielle Metzen-Ivars, cheffe de service des politiques d’appui au pilotage et de soutien à la direction générale de la santé. Je propose de compléter cette présentation par plusieurs remarques qui touchent deux dispositifs plus particulièrement.

Ce qui caractérise de façon commune ces deux dispositifs, c’est leur caractère très récent. L’entretien postnatal a été mis en œuvre voici neuf mois. C’est le bon moment pour commencer d’ores et déjà à poser des questions, puisque les sujets d’évaluation des mesures de santé publique doivent être conçus très en amont, avec un suivi extrêmement précis.

Nous sommes tout de même sur deux sujets extrêmement récents. Il importe de prendre un peu de recul et de disposer d’un certain nombre de chiffres et de données statistiques pour identifier très clairement les freins et y apporter des solutions de recours.

Le second point est que ces deux dispositifs, simultanément, mettent en œuvre une coordination indispensable et une approche globale entre l’offre de soins libérale et le système de santé, avec un accent très fort sur la formation. Le Mooc cité précédemment a déjà le mérite d’exister et est ouvert aux professionnels de santé concernés ; il sera renforcé et construit dans les mois à venir.

Ces deux sujets posent clairement la question d’une approche globale de la santé, à la fois en lien étroit avec les ARS, et plus particulièrement les directeurs de santé publique qui portent ces actions au sein des ARS en lien avec l’ensemble des partenaires, et avec Santé publique France, qui portera dans les mois à venir des actions complémentaires d’appui, notamment sur l’entretien postnatal.

Parmi les questions qui n’ont pas été appréhendées, l’une d’entre elles concerne la primiparité. La primiparité est un sujet que nous allons étudier, dans la mesure où il a été identifié comme étant un facteur de risque possible. Il est à approfondir notamment en lien avec le travail en cours qui sera finalisé début 2024 de la HAS.

Autre point complémentaire, la question relative à l’interlocuteur unique. Très clairement, les sages-femmes sont malgré tout identifiées comme étant les interlocuteurs les plus facilement accessibles pour l’entretien postnatal. La mise en œuvre d’un interlocuteur unique génère une organisation et peut le cas échéant ralentir la prise en charge et la mise en œuvre opérationnelle du dispositif. C’est un sujet que nous retenons sans en faire un incontournable. Il peut être creusé. La réflexion sera conduite mais ne doit en aucun cas entraver la mise en œuvre de cette mesure récente.

Le séjour en maternité doit vraiment être l’occasion d’engager le contact et d’augmenter le taux de recours à cet entretien postnatal, qui est excessivement important. C’est un sujet à travailler également pour l’avenir.

Enfin, la réforme du financement en cours de réflexion pourrait également intégrer dans ses travaux d’élaboration la partie santé publique liée aux missions de l’hôpital public.

M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie. L’article 51 est un projet très important, que nous menons de concert avec les équipes du ministère de la santé. Un certain nombre d’expérimentations sont déjà passées dans le droit commun. Je pense notamment à la prévention de l’obésité chez l’enfant, qui a été testée et généralisée par le législateur. Nous sommes en train de la déployer, notamment dans les maisons de santé, avec de nombreuses couvertures ces dernières semaines sur ce sujet.

Vous soulignez des expérimentations importantes et innovantes avec beaucoup d’engagement des professionnels de santé sur des nouveaux modes de rémunération. Il est vrai que le mode de fixation des forfaits est différent parce que les professionnels de santé portent des projets différents, qui se substituent à l’acte, mais pas exactement sur le même champ et le même mode de rémunération. Tout l’intérêt de l’article 51 est de tester ces différents modes de rémunération, avec des éléments relativement prometteurs et des modèles assez innovants.

Nous disposerons des évaluations plutôt dans le courant du second semestre 2024. Je partage avec vous une forme d’impatience. Tout l’objet de l’article 51 est de pouvoir s’appuyer sur une vraie évaluation. Malheureusement, de nombreuses expérimentations sont insuffisamment pilotées, mal évaluées, qui ont un sort parfois incertain.

L’article 51 offre une vraie armature d’évaluation qui nourrit nos réflexions et nos travaux sur les discussions conventionnelles. En 2023 et 2024, je pense que le ministère de la santé et de la prévention sera en mesure d’émettre des propositions au Parlement en lien avec l’assurance maladie sur des passages au droit commun. C’est le sens des travaux auxquels nous participons.

Le dispositif « MonParcoursPsy » vient d’une expérimentation portée par l’assurance maladie depuis 2018 dans quatre départements. Il a été travaillé et construit avec les professionnels de santé et les parties prenantes au niveau territorial. C’est un vrai progrès pour l’accès aux soins des patients qui ne pouvaient pas bénéficier de prise en charge de soins de psychologues en ville. Nous avons franchi un pas important.

Je partage avec vous le constat que plus de 37 000 médecins généralistes ont d’ores et déjà adressé des patients vers un parcours de prise en charge. En moyenne, ces médecins ont adressé quatre patients. Nous sommes sur un vrai changement. Il est vrai que le conventionnement ad hoc des psychologues cliniciens est encore trop limité en nombre, même si le chiffre continue d’augmenter. C’est clairement un défi pour les prochains mois. Nous allons avec nos partenaires du ministère et des ARS relancer une campagne d’information, de sensibilisation et de proposition de rentrer dans le dispositif. Il est vrai qu’il fait l’objet de discussions et de critiques parce qu’il confronte un modèle de tarification libre des psychologues à un modèle de tarification financé par la solidarité nationale au travers des tarifs de l’assurance maladie. L’acceptation de ces tarifs est évidemment différente selon la situation des professionnels de santé.

Je rappelle que le dispositif ne transforme pas l’entièreté de l’activité des psychologues. Ils peuvent tout à fait garder une partie de leur activité à tarif libre comme ils le font aujourd’hui pour les patients qu’ils suivent. C’est ce que nous devons continuer à expliquer.

Je rappelle que les tarifs ont été fixés par arrêté ministériel. Nous pensons qu’ils sont cohérents, y compris lorsqu’on les compare aux tarifs d’autres professionnels de santé à niveau de formation comparable dans un conventionnement. Il faut être extrêmement attentif à leur éventuelle évolution, même si rien n’est gravé dans le marbre. Comme tout tarif, il pourra sans doute évoluer, mais il est important de garder une certaine cohérence.

À la fin de l’année 2023, nous travaillerons à l’évaluation du dispositif, quantitative, qualitative, médico-économique. Il faut continuer à discuter avec les parties prenantes. Faut-il faire évoluer le nombre de séances, les conditions de prise en charge ? Le nombre de séances est directement lié à la nature du soin prodigué, dans un parcours de soins organisé avec les médecins généralistes qui, jusque-là, étaient très démunis. C’est un vrai levier donné aux médecins généralistes. Cela a été utilisé très rapidement par les médecins généralistes mais nous avons un défi important, qui est celui d’accompagner davantage de psychologues dans cette démarche. C’est ce à quoi nous nous attellerons dans les prochaines semaines et mois.

Sans en faire une excuse, le dispositif de l’entretien postnatal est encore extrêmement jeune. Sa mise en œuvre a été très rapide après la LFSS 2022, avec un accord conventionnel avec les sages-femmes. Les chiffres du premier trimestre montrent que nous avons dépassé les 50 000 patients. Le rythme est supérieur aux 10 % évoqués. Nous sommes plutôt autour de 15 à 20 %, ce qui reste insuffisant. Nous avons intégré ces innovations dans tout le parcours de la femme enceinte, avant et après l’accouchement. Nous avons évidemment informé les sages‑femmes et les médecins de ce dispositif, qui doit encore progresser et trouver sa vitesse de croisière.

Le dispositif n’est pas pris en charge à 100 % parce que l’assurance maternité s’arrête douze jours après l’accouchement. C’est le débat classique sur la logique obligatoire du 100 %, parce que 96 % de nos concitoyens sont couverts par une complémentaire santé, sans reste à charge pour l’immense majorité des patientes susceptibles de bénéficier de cet entretien postnatal.

Sur le fait que le second entretien soit réservé aux femmes primipares, je me permets d’affirmer que dès lors que le professionnel identifie un risque ou un besoin, il le fait. Honnêtement, il n’exclut pas d’autres femmes et répond bien à l’idée que cet entretien doit bénéficier aux femmes en risque de dépression post-partum. On peut réfléchir à un cadre plus large mais il ne me semble pas exagérément contraint. C’est avant tout un sujet d’information, de communication et de prise en main.

La sage-femme référente est aujourd’hui une réalité législative et conventionnelle, puisque nous avons signé avec les sages-femmes un avenant sur la mise en place d’une sage‑femme référente, avant et après l’accouchement, avec une rémunération dédiée à ce rôle. Je crois que la parution du décret d’application est imminente. Nous continuons à travailler avec les sages-femmes sur la déclinaison opérationnelle de cet avenant.

La vie conventionnelle est riche est intense. Nous avons signé ces derniers mois de nombreux conventions et avenants avec de nombreux professionnels de santé. Il arrive parfois que ce dialogue conventionnel n’aboutisse pas. Cela a été le cas avec les médecins libéraux. Il est vrai que le contexte à la fois inflationniste et de sortie de crise sanitaire tende les négociations conventionnelles.

Du côté de l’assurance maladie, nous sommes absolument convaincus de la pertinence d’un dialogue qui est en réalité un dialogue social entre l’assurance maladie et les professionnels de santé concernés sur la base des lignes directrices définies par les ministres en lien avec le Parlement.

Nous avons à cœur de travailler avec les médecins libéraux sur les conditions dans lesquelles nous pourront réenclencher des négociations conventionnelles en partageant le retour d’expérience des précédentes négociations. Croyez bien en la détermination de l’assurance maladie à reprendre ces négociations en faisant le maximum pour réunir les conditions d’un succès. Je pense que le règlement arbitral permet des revalorisations et des avancées sur des sujets aussi importants que le gain de temps médical et l’accès aux soins, en attendant la reprise des négociations avec les médecins libéraux.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-François Rousset (RE). En 2021, 64 % des Français déclaraient avoir déjà ressenti un trouble ou une souffrance psychique. Notre majorité a réagi face à ce constat. En effet, grâce au dispositif « MonParcoursPsy », des consultations chez le psychologue sont prises en charge par l’assurance maladie et les complémentaires santé. Ainsi, près de 370 000 patients ont bénéficié de ce programme. Au-delà du soutien financier qu’il représente, il a permis à de nombreux concitoyens de « sauter le pas » du blocage qui pouvait parfois exister avant de s’orienter vers ce type de soins.

Je souhaiterais recueillir votre expertise sur l’adressage préalable par un médecin. La libération du temps médical est l’un des enjeux de l’amélioration de l’accès aux soins. Pour certains professionnels, nous avons ouvert l’accès direct dans le cadre de la « loi Rist 2 ». Dans ce contexte, pensez-vous que l’accès direct aux psychologues serait envisageable dans le cadre de « MonParcoursPsy » ?

La santé psychologique concerne également des périodes particulières de la vie. En ce sens, je pense à la maternité. En effet, la dépression post-partum toucherait 15 à 30 % des mères. Nous avons donc agi pour les 100 000 femmes se trouvant chaque année en souffrance psychologique suite à leur accouchement. L’entretien postnatal précoce obligatoire intervient dans les semaines suivant l’accouchement et nous en garantissons une prise en charge à hauteur de 70 %. Cette réaction législative est complétée par l’application gratuite « 1 000 premiers jours » disponible via le service en ligne de l’assurance maladie (Ameli) et s’adresse aux mères qui peuvent, grâce à cette application, évaluer leur mal-être et être orientées, en fonction de leurs besoins, vers une aide d’urgence ou un professionnel de santé via téléphone ou SMS.

L’innovation en santé est l’un des enjeux capitaux de l’accès aux soins et cet exemple en apporte la preuve. Ces applications ne visent pas à remplacer le professionnel de santé, mais permettent d’orienter les patients vers les professionnels adaptés et rapidement. Sur la base de cet exemple, envisagez-vous le développement ou la généralisation d’une orientation de premier recours grâce à un système similaire qui ne nécessite pas la présence synchrone d’un opérateur et d’un patient ?

Je crois également que nous pouvons favoriser la libération du temps médical en agissant sur le financement des soins. Dans le cadre d’une expérimentation de l’article 51, nous avons par exemple mis en place le programme Ipso Santé, dans lequel le médecin se voit assurer une rémunération sur la base d’un forfait mensuel selon le profil du patient. Ensemble, ils déterminent les besoins de ce dernier, ce qui peut se faire autour d’un projet collectif mené par le médecin. Pour résumer : le médecin doit se porter garant de l’équipe de soins primaire du patient. Le modèle est à la fois intéressant pour le patient et le médecin.

Aujourd’hui, la coordination des professionnels de santé est essentielle. L’un des objectifs de ce dispositif est d’ailleurs, pour le médecin, de favoriser la coordination et de se concentrer sur son cœur de métier : soigner. Concrètement, comment l’organisation des professionnels de santé dans ce dispositif Ipso Santé permet-elle une meilleure coordination des professionnels de santé et favorise‑t‑elle ainsi la libération du temps médical ?

M. Thierry Frappé (RN). Je vous remercie tous pour votre présence et vos précisions qui sont des éléments de réponse.

Bien que l’idée initiale représente une évolution considérable dans l’accompagnement psychologique des Français, le premier bilan de « MonParcoursPsy » reste très contrasté. Bien que le ministre de la santé se prévale d’une réussite avec environ 372 000 séances prises en charge sur l’année, les professionnels concernés restent très frondeurs sur le sujet.

Seulement 7 % des psychologues sur les 70 000 professionnels sont inscrits sur la plateforme. Pour le moment, 93 % des psychologues sont donc en totale opposition à ce dispositif, avec un appel parfois massif au boycott. Le Syndicat national des psychologues est vent debout face à ce dispositif, jusqu’à souhaiter le revoir de fond en comble. Il lui reproche des tarifs trop faibles, s’interroge sur le nombre insuffisant de séances prises en charge pour élaborer une thérapie efficace et pérenne et constate un manque d’adhésion au dispositif des personnes les plus défavorisées, initialement ciblées.

Vous concluez ce premier rapport en indiquant que les 50 millions d’euros alloués pour ce dispositif devraient être consacrés à renforcer le service public avec la création de postes de psychologues. Ce dispositif mériterait d’être maintenu avec les conditions suivantes : mettre à niveau le prix de la consultation et sa prise en charge et éviter aussi d’entrer dans des consultations low cost. Vos premières conclusions permettent-elles de préjuger d’un abandon de ce dispositif en le destinant financièrement au service public ?

Le dispositif de l’entretien postnatal est porteur d’une richesse évidente pour de nombreuses femmes, sauf qu’au dernier trimestre 2022, seuls 28 338 examens postnataux précoces ont été facturés, soit moins de 10 % des naissances sur la période. Pourquoi aussi peu ? Par manque d’information, par besoin de simplifier les échanges avec les établissements de santé, par prise en charge incomplète de cet entretien ? Il serait probablement logique que la sécurité sociale le prenne en charge à 100 %. Pensez-vous qu’un remboursement intégral incitera les jeunes mamans à réaliser cet entretien ? Ne faudrait-il pas ouvrir le dispositif à d’autres professionnels de santé en complément des sages-femmes et des médecins, par exemple des psychologues, et nomenclaturer l’acte du médecin ?

Ma conclusion portera sur les innovations récentes dans le financement des établissements de santé. Il a pour avantage d’aborder un débat urgent. Trop nombreux sont nos compatriotes n’ayant pas accès à la santé. Notre pays est en pénurie de médecins et la désertification médicale s’accentue. Cette table ronde a permis de développer divers points sur « MonParcoursPsy » et sur l’entretien postnatal. Pensez-vous que ces dispositifs aboutissent à des succès dans les déserts médicaux ? Non. Pensez-vous que ces dispositifs aideront concrètement les Françaises et Français vivant à plus de 40 minutes d’un centre de santé ou d’un hôpital ? Je ne le pense pas non plus.

Dans votre rapport, votre souhait est de renforcer l’autonomie des ARS en matière de financement de la santé, mais elles ont montré leurs limites dans le financement de la santé lors de la crise sanitaire. Depuis plusieurs mois, nous débattons sur les diverses lois relatives aux centres de santé et aux accès aux soins. Dans ces lois, vous souhaitez donner plus de pouvoir aux ARS. De notre côté, nous avons souhaité remplacer certaines de ses compétences par d’autres instances pour pallier ses limites. Donner plus d’autonomie financière aux ARS ne répondra pas aux besoins urgents de la population et favorisera peut-être une médecine fondée sur une délégation hospitalière dans des communautés professionnelles territoriales de santé ou des maisons professionnelles de santé, avec la crainte, à terme, d’égratigner la médecine libérale. Qu’entendez-vous par « augmentation de l’autonomie des ARS » ? Quel rôle souhaitez-vous donner aux ARS dans le futur ? Comment concevez-vous qu’un projet collectif permette de recentrer les médecins sur leur cœur de métier ?

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). À bien des égards, la pandémie de covid‑19 a mis en lumière les manques de notre action publique. Concernant la santé mentale, les besoins d’accompagnement ont explosé durant la crise, notamment parmi les moins de 24 ans. En France, une personne sur cinq est touchée chaque année par un trouble psychique. Pourtant, face aux besoins, les réponses sont insuffisantes.

Si l’accès à des soins de santé mentale est un droit universel, le dispositif « MonParcoursPsy » n’est pas équipé pour remplir cette mission. Le budget alloué au dispositif et le nombre de séances couvertes par an ne permettent de prendre en charge des soins de santé mentale que pour 0,98 % de la population française. Seuls 7 % des psychologues libéraux sont conventionnés au sein du dispositif. Nous avons pointé cette limite dans le cadre de la proposition de loi sur l’accompagnement des familles vivant une fausse couche et permettant aux sages-femmes de les adresser à un psychologue conventionné « MonParcoursPsy ». Les praticiens qui n’y participent pas dénoncent des tarifs de consultation bradés, un plafond du nombre de séance menant à une interruption de la thérapie ou encore des critères trop restrictifs d’éligibilité des patients. À ce titre, comment évaluez-vous la convention liant les praticiens au dispositif et leur rémunération ?

Si « MonParcoursPsy » devait permettre aux personnes les plus précaires d’accéder aux soins de santé mentale, celles-ci ne représentent que 10 % des bénéficiaires du dispositif. Selon vous, quels freins continuent d’éloigner les personnes les plus précaires du dispositif ? Comment garantir un égal accès aux soins sur tout le territoire ?

De manière générale, notre système de soins de santé mentale, comme le reste de notre système de soins, traverse une crise profonde. Lors de l’audition du premier président de la Cour des comptes par la commission il y a quelques semaines, notre groupe alertait sur le manque criant de pédopsychiatres, la suppression de lits et l’engorgement des CMP. Malgré les nombreux rapports tirant la sonnette d’alarme ces dernières années, la santé mentale souffre d’une absence de programmation claire et d’une gouvernance volontariste transversale.

Concernant la pédopsychiatrie, quels leviers les rapporteurs ont‑ils identifié afin de permettre au dispositif d’adresser les enfants et les jeunes dont la santé mentale se dégrade fortement ? À mon sens, ce dispositif porte atteinte à la liberté de choix du patient, qui ne peut choisir un psychologue que sur liste arrêtée. Ce dispositif veut standardiser les prises en charge qui doivent être adaptées au cas par cas.

Enfin, ce dispositif porte atteinte au secret médical, car à l’issue du suivi, le psychologue doit rédiger pour le médecin traitant un compte rendu qui pourrait se retrouver dans le dossier médical partagé.

Bref, ne sommes-nous pas dans une marchandisation et un démantèlement du service public ? Que faites-vous de la santé et du bien-être de la population ? En effet, la santé mentale n’est pas qu’une affaire de médecine et de chimie, elle est aussi une affaire d’humanité comme l’a dit l’association des psychologues freudiens.

M. Thibault Bazin (LR). Je souhaite évoquer l’expérimentation Medisis lancée par le centre hospitalier de Lunéville. Medisis vise à sécuriser la prise en charge médicamenteuse pour réduire les réhospitalisations des seniors par l’accompagnement thérapeutique du patient à l’hôpital et en ville. Nous devons en prendre conscience : chaque année, un tiers des événements indésirables graves est imputable aux médicaments. Pour y faire obstacle, l’ambition de Medisis est de garantir la sécurité médicamenteuse des patients. Medisis expérimente une nouvelle organisation en santé reposant sur des modes de financement inédits de parcours, avec des consultations initiales et de sortie d’hôpital, de conciliation médicamenteuse, en passant par des séances d’accompagnement thérapeutique et la recherche de pertinence clinique des médications.

Améliorer le parcours du patient en sécurité médicamenteuse nécessite d’investir dans le temps d’accompagnement thérapeutique à l’hôpital, mais aussi en ville, avec des séances chez le pharmacien. Cela permettra des économies en réhospitalisation, en non-prescription inutile de médicaments et, surtout, d’éviter des décès pour erreur médicamenteuse.

Vous avez évoqué l’enjeu de la rémunération de la qualité avec des indicateurs lisibles et automatisables. Medisis vise aussi à y répondre.

Vous avez évoqué les nouveaux modes de rémunération liés aux projets portés par les professionnels améliorant la qualité de prise en charge. L’expérimentation teste justement le financement de séances d’accompagnement thérapeutique en ville.

De premières évaluations en cours d’expérimentation avec les premiers milliers de patients inclus ont été menées en 2022 pour le comité technique en innovation de la santé et l’assurance maladie. Comment la pérenniser et la généraliser si l’expérimentation est, in fine, évaluée positivement en termes de parcours des patients, d’efficience du système de santé, d’accès aux soins ou encore de pertinence de prescription des produits de santé ? La généralisation pourrait-elle être enclenchée dès la fin de l’expérimentation ? Dans le cas contraire, comment éviter de perdre l’équipe projet avec des compétences pluridisciplinaires, notamment en termes numériques, c’est‑à‑dire des informaticiens, qui pourraient s’orienter vers d’autres horizons faute de visibilité sur le déploiement ?

La rapporteure générale préconise à juste titre d’accélérer l’évaluation des expérimentations pour donner des perspectives en vue d’une éventuelle bascule dans le droit commun. Quels moyens prévoyez-vous pour ce faire ? Si les évaluations tardent, prévoyez‑vous des crédits supplémentaires afin de maintenir en fonctionnement, lorsque celui‑ci est pertinent, les équipes-projets afin de ne pas perdre les compétences développées, notamment en termes de formation, qui pourraient ensuite être retransférées ? Ne pas le prévoir reviendrait potentiellement à jeter aux orties des millions d’euros d’investissement prometteurs pour améliorer notre système de santé.

Si les évaluations de ces dispositifs étaient favorables, ils passeraient alors dans le droit commun. C’est très bien, mais ne garantit en rien, à l’avenir, les moyens dont ils auront impérativement besoin pour continuer de fonctionner. Ces innovations introduites grâce à l’article 51 nécessitent du financement, notamment pour rémunérer ces parcours et les temps des professionnels à l’hôpital et en ville, les séances d’accompagnement thérapeutique, sans oublier la maintenance de systèmes d’information innovants pour ces informations précieuses afin de garantir la sécurité médicamenteuse. Avez-vous évalué les besoins en moyens financiers nécessaires au déploiement de toutes les expérimentations prometteuses pour les négociations conventionnelles en cours et à venir ?

De plus, l’intégration de ces dispositifs au droit commun créerait peut-être, parfois par incidence, un besoin de modification d’autres textes législatifs ou réglementaires. Comment la direction de la sécurité sociale et la Cnam s’y préparent‑elles ? Concrètement, au-delà des LFSS à venir, avez-vous identifié dans les premières évaluations menées des besoins de modification législative nécessaires pour permettre une sortie efficace des expérimentations de l’article 51 jugées pertinentes ?

Mme Sandrine Josso (Dem). Nous souhaitons vous remercier pour le travail effectué et le partage de nombreuses informations et de précisions. Je tiens aussi à saluer l’énergie de Mme Rist et M. Poulliat, qui ont alerté le Gouvernement après la période covid‑19.

Ces dispositifs sont un début de solution. Ils ont un caractère très récent, évidemment controversé, avec des freins, mais ont le mérite d’exister. Il y a donc urgence à améliorer et consolider ces dispositifs. « MonParcoursPsy » a aussi fait l’objet d’auditions à l’occasion des travaux préparatoires à la proposition loi portant sur l’accompagnement psychologique des couples confrontés à une fausse couche ; j’ai ainsi eu l’occasion d’auditionner des associations de patients et de psychologues. On ne peut évidemment que se dire qu’une amélioration est attendue. Cependant, des éléments sont intéressants à retenir : 70 % des bénéficiaires de ce dispositif sont des femmes. Cela doit aussi nous préoccuper. En termes d’intérêt et de compréhension des besoins, il faut se réjouir de la mise en place de ces dispositifs et de la capacité de les évaluer.

Nous avons également noté l’importance de mettre en place une politique préventive, qui permet de lever certains tabous de l’intime et des souffrances psychologiques.

Je vous remercie de bien vouloir répondre à deux questions concernant l’ambition des deux dispositifs rapportés, tant sur le plan des moyens que des axes prioritaires pour l’avenir.

M. Arthur Delaporte (SOC). Lorsqu’on parle de la psychiatrie, pourriez-vous être plus précis sur les plans d’investissement nécessaires et besoins de financement pour mettre à niveau les établissements recevant les personnes ayant des troubles mentaux en France ?

J’aurais aimé avoir des précisions de votre part sur la question du 100 % Santé. C’est l’un des grands éléments de communication du Gouvernement pour dire qu’il a permis d’améliorer l’accès aux soins. Le rapport de la Cour des comptes sur le sujet disait que la réforme se traduisait, à rebours de son objectif, par une augmentation des restes à charge, l’instauration d’un panier de soins remboursé à 100 % s’accompagnant d’une diminution des remboursements par l’assurance maladie des équipements du panier libre et, pour les organismes complémentaires, par la diminution du plafond de prise en charge des montures, pour prendre l’exemple de l’optique. On peut donc dire que ce qui compte est l’effectivité et la qualité du panier.

Sur la qualité de ce panier, de nombreuses personnes me disent qu’elles rencontrent des problèmes dentaires, mais que quand elles veulent bénéficier du 100 % Santé, on leur dit qu’elles n’ont accès qu’à un dispositif dégradé ou de piètre qualité. Finalement, le 100 % Santé, plutôt que la santé pour tous, pourrait être parfois une santé pour ceux qui ont les moyens de se la payer ou d’avoir des complémentaires permettant d’accéder à des soins de bonne qualité. Je pourrais permettre à mes collègues qui ont l’air indignés, pour certains, de rencontrer ces personnes qui hésitent à débourser 3 000 euros, par exemple, pour avoir une dentition de qualité.

Le 100 % Santé est donc un véritable enjeu et devrait concentrer toute notre attention pour permettre qu’il soit effectif. C’est un bel objectif que nous partageons, évidemment, mais ce qui compte est la réalité. Pourriez-vous nous apporter les éléments mis en place pour permettre d’améliorer le suivi du 100 % Santé, l’estimation des dépenses et une amélioration de la qualité d’accès aux soins ?

Au-delà du périmètre, la qualité des équipements et des soins et leur adéquation doivent également être évaluées, notamment par rapport aux avancées techniques. Quelle est votre politique pour l’évaluation et l’évolution et l’enrichissement des paniers du 100 % Santé ?

M. Frédéric Valletoux (HOR). Je voudrais remercier les rapporteurs de la Mecss pour leur travail et saluer la qualité des réponses apportées, qui permettent de mieux appréhender des évolutions récentes dans les modèles, notamment de financement, et dans les dispositifs évoqués.

Sur le financement, le Président de la République, lorsqu’il avait lancé Ma santé 2022, avait fait de la régulation par la pertinence l’un des axes capitaux du financement futur du système de santé. Le sujet est vaste, mais concerne des montants importants. Dans son discours de septembre 2018, il évoquait 30 % de dépenses non pertinentes à différents titres. Comment pouvez-vous nous aider à y voir plus clair dans les progrès faits pour augmenter le financement à la qualité ? Pour vous, quelles sont les futures étapes qui permettraient de nous améliorer sur ce champ ?

Concernant l’investissement, vous avez évoqué l’effort réalisé pour l’investissement structurant – investissement hospitalier – et le financement de l’investissement courant. En novembre 2019, le Premier ministre avait annoncé un plan de 10 milliards d’euros étalé sur trois ans pour reprendre un tiers de la dette hospitalière. J’imagine qu’il a été perturbé par la crise sanitaire, mais où en sommes-nous de la mise en œuvre de ce plan et cet objectif de reprise de dette ? L’objectif était de permettre aux hôpitaux de retrouver des marges de manœuvre financières pour relancer l’investissement.

Sur la pluriannualité, les effets de la convention médicale côté ville et les protocoles pluriannuels avec les établissements donnent de la visibilité aux financements. Il existe toujours la proposition d’adopter, pour la santé, une loi de programmation pluriannuelle pour permettre à notre système de santé d’avancer avec plus de lisibilité. C’est une décision politique, mais, de votre point de vue, cela serait-il positif ? Cela apporterait-il un avantage ? Si oui, pourriez-vous le décrire ? Techniquement, cela vous semble-t-il faisable ?

La dernière LFSS a créé un guichet unique pour les médecins de chaque département. Où en est-on du déploiement ? Quelle est la méthode de mise en place ? Quel est le calendrier ?

Ma dernière question concerne les orthopédistes qui réalisent des prothèses sur mesure afin de remplacer des membres. Leur fabrication nécessite de nombreuses interventions avec des temps non pris en compte dans la facturation de l’acte. Comment envisagez-vous l’ajustement de la prise en charge des prestations au regard du temps passé et des fabrications parfois réalisées à l’étranger ?

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). À la sortie du covid‑19, tout le monde pouvait imaginer que nous aurions besoin de beaucoup d’accompagnement psychologique, parce qu’être ainsi enfermé dans la crainte d’une épidémie n’est pas neutre sur la santé mentale de tous, particulièrement des plus fragiles. C’est aussi exposer des personnes à des violences intrafamiliales parfois importantes. Au-delà de ces angoisses, c’est aussi les exposer à des décompensations, à des troubles futurs.

« MonParcoursPsy » entendait répondre à une partie de ce problème, mais son cadre très restreint et sa faible portée ont fait du dispositif un pansement sur une jambe de bois : nombre très faible de séances, éloignement du soin de celles et ceux visés, c’est‑à‑dire les étudiants et les précaires, déjà éloignés du monde du soin par leur situation économique et sociale, très peu de psychologues, une psychologie libérale au centre du dispositif alors que les psychologues n’ont toujours pas de statut reconnu et clair dans le domaine du soin, pas de renforcement du service public, un tarif plafonné, pas de possibilité de suite, pas de renforcement des autres échelons du soin psychique, de sorte qu’on laisse les psychologues en première ligne.

In fine, c’est le sens même du soin psychique qui est posé. Celui-ci, par essence, ne peut pas se faire dans un cadre trop rigide. C’est antinomique avec son efficacité et ses résultats. Lorsqu’en plus ce dispositif souhaite toucher les plus précaires, donc probablement ceux ayant des problématiques plus complexes, croisées, multiples, huit séances ne peuvent absolument pas suffire. Aussi est-il indispensable de penser le soin « psy » dans une véritable politique de santé publique inclusive et globale, non comme une variable d’ajustement d’un malaise passager vite surmonté. Rien ne se fera sans réflexion sur le statut des psychologues, leur rémunération et leur place dans le parcours de soins. Une première mesure importante serait d’ouvrir la possibilité d’allonger et poursuivre le remboursement des séances autant que de besoin.

Enfin, je veux parler de deux angles morts des échanges sur la psychologie.

Le premier est la psychologie en milieu scolaire et universitaire. Les étudiants ont beaucoup souffert de la gestion de la crise du covid-19 et quelques séances de « MonParcoursPsy » ne suffisent absolument pas à réduire le problème. J’alerte sur la très grande gravité de la situation psychologique en milieux scolaires et universitaires et sur la faiblesse des moyens mis pour essayer d’y répondre.

Le second concerne la médecine communautaire. Je sais que le terme fera hurler parmi la population, mais les enseignements de l’épidémie de virus de l’immunodéficience humaine avaient montré qu’il était indispensable de parler à des soignants connaissant et comprenant les problématiques non dites, parfois jugées honteuses par des personnes les vivants ou simplement indicibles parce que ne parlant pas la même langue. Il en va de même avec la politique de suivi psychologique.

Dès lors, quelles prolongations et améliorations porter dans le prochain PLFSS ? Cela nécessiterait sans doute de considérer la santé mentale comme prioritaire et non comme un pansement ou un accompagnement. Comment utiliser « MonParcoursPsy » pour en faire la première pierre d’un édifice bien plus important et bien plus solide en matière de service public et d’accompagnement global des personnes en ayant besoin ?

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’assurance maladie a remis en juillet 2022 son rapport pour améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Elle y décrivait une situation très préoccupante en matière de santé mentale, que la pandémie de covid‑19 a amplifiée, notamment chez les jeunes.

La santé mentale recouvre un niveau de dépenses parmi les plus élevés dans la cartographie médicalisée des dépenses de santé. Les besoins de la population ont fortement augmenté. Cela s’est notamment traduit en 2020 par un fort accroissement du recours aux médicaments psychotropes, essentiellement hypnotiques et anxiolytiques. On observe en 2021 une très forte augmentation du recours aux traitements antidépresseurs, notamment des débuts de traitement, en particulier dans les classes d’âge les plus jeunes. La Cnam soulignait que les indemnités journalières constituaient un poste de dépenses important et dynamique dans la population souffrant de troubles de santé mentale ou exposée à un risque important de ce type de trouble. Elle avait identifié ces arrêts de travail « comme un axe d’amélioration lors de travaux communs avec le collège de la médecine générale ».

Cette perspective interroge. Que faut-il entendre à travers cette notion d’axe d’amélioration ? Les arrêts de travail pour trouble de santé mentale sont-ils trop onéreux ? S’agirait-il de les rationaliser ? Si oui, comment, sachant que la médecine du travail est à la peine par manque d’effectifs, que la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a lourdement détérioré les actions de prévention de santé au travail et que les diagnostics de burn-out ou les situations de souffrance au travail ont encore du mal à s’imposer en toute légitimité ?

Parmi les propositions, l’assurance maladie préconisait de promouvoir les bonnes pratiques en termes de prescription d’arrêts de travail, en ciblant les deux motifs les plus fréquents : syndromes dépressifs et troubles antidépressifs mineurs, et risques psychosociaux. À ce stade le rapport faisait simplement état d’un accompagnement des médecins par le biais de modules de sensibilisation. Où en est la Cnam sur ces constats et propositions ?

Toujours dans son rapport, l’assurance maladie suggérait, pour 2023, de pérenniser les dispositifs « PsyEnfantAdo » ou « Santé Psy Étudiant », désormais regroupés, et de conforter les thérapies digitales en veillant toutefois à mieux les encadrer. Le rapport avançait alors des chiffres implacables pour démontrer l’essor de la médecine numérique : 1 400 000 téléconsultations en janvier 2022, moins de 40 000 en 2020 et un pic à 4 500 000 en avril 2020), 31 millions de visiteurs uniques de l’application TousAntiCovid en 2021, 58 start‑up françaises en e‑santé ont levé un total de 929 millions d’euros en 2021. La Cnam pouvait se prévaloir de l’engagement du Gouvernement pour amorcer pleinement le virage numérique : 500 millions d’euros de financement alloués à la transformation numérique du système de santé dans le cadre de Ma Santé 2022. Le chiffre a quadruplé afin d’accélérer la numérisation du système de santé et de généraliser, à terme, le partage fluide et sécurisé de données de santé.

Cet engouement pour l’e-médecine pose toutefois question, particulièrement dans la prise en charge de la santé mentale. Au regard des moyens manquants pour les professionnels de santé et, par contrecoup, au regard des patients délaissés, l’engouement pour la médecine numérique pose également question au regard de ceux à qui elle profite, à commencer par les nombreuses start‑up qui la portent. Comment favoriser la reconnaissance des psychologues dans la fonction publique ? Comment réduire la question des files d’attente ?

Concernant « MonParcoursPsy », la question de la rémunération pose problème, ce qu’on voit d’ailleurs au peu de professionnels intégrant le dispositif. Que le médecin généraliste soit au cœur du parcours de santé des patients, j’y suis totalement favorable, mais les médecins généralistes ne connaissent pas forcément bien la psychologie, qui est une discipline à part entière. Ce qui pose le plus de problèmes est la prédétermination du nombre de séances sans connaître la problématique. J’entends qu’il faille mieux communiquer pour que le dispositif soit mieux emprunté par les patients, mais ne faudrait-il pas étendre le nombre de séances afin de correspondre davantage aux besoins des patients ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux autres intervention.

Mme Michèle Peyron (RE). La mise en place de l’entretien postnatal précoce répond à une problématique essentielle dans les dépistages des dépressions post-partum. Le suicide est la deuxième cause de décès maternel en France. Plus largement, on considère que 10 à 20 % des femmes souffrent de dépression post-partum suite à leur accouchement. À la différence du baby blues, la dépression post-partum est plus difficile à dépister, donc à soigner. L’arrivée d’un enfant est un bouleversement pour chaque parent, une période où il peut être isolé. De nombreuses mères témoignent de la solitude qu’elles peuvent ressentir suite à la naissance. Avant l’accouchement, la femme est suivie de manière plus intensive et peut donc, dès le retour à domicile, se sentir plus esseulée, notamment lorsqu’il s’agit d’un premier enfant.

Si je souscris à la plupart des propositions émises, notamment concernant la formation et l’adressage, je regrette que vous n’ayez pas recommandé l’ouverture de la pratique de l’entretien postnatal aux infirmières puéricultrices. L’infirmière puéricultrice de protection maternelle et infantile (PMI) suit parfois à domicile les bébés et est donc une interlocutrice reconnue de la part des parents, notamment de la maman. En tant que structures pluriprofessionnelles, les PMI peuvent être dotées de psychologues. Les infirmières puéricultrices pourraient donc adresser les mères au psychologue ou au médecin de la PMI. Pensez-vous que cet élargissement soit pertinent ?

M. Yannick Neuder (LR). Je voudrais réagir au dernier propos sur la prise en charge du parcours psychologique et psychiatrique des patients. Au-delà des discussions sur l’évaluation financière et des propositions sur l’innovation, je ne voudrais pas que l’on réécrive certaines choses. Passer par un médecin traitant permet de dépister des troubles extrêmement graves et des situations urgentes pouvant amener des patients à une autolyse ou à mettre en danger leurs jours ou ceux de leurs proches lorsqu’ils sont atteints de troubles psychiatriques. J’invite les porteurs des paroles selon lesquelles les médecins généralistes ne connaissent pas cette spécialité qu’est la psychologie à aller voir de quoi ils parlent.

La psychiatrie fait partie d’un Conseil national des universités clairement identifié et de la formation des étudiants en médecine. Comme pour beaucoup de spécialités médicales, on peut envisager une délégation de tâches sous réserve qu’elles soient contrôlées et coordonnées. Je rappelle que la base du serment d’Hippocrate est d’éviter de nuire, d’où l’adressage immédiat dans des structures psychiatriques d’urgence pour éviter des drames par retard de prise en charge. Les huit séances sont un cadre portant naturellement à évolution en deçà ou en dessus en fonction de la prise en charge des gens.

« Évaluation » ne signifie pas que tout le monde devienne docteur en psychologie. Dans le cadre de notre commission, nous devons juste contrôler l’action et légiférer, mais n’allons pas au-delà de nos rôles, car nous n’avons pas tous les compétences pour apprécier la prise en charge psychologique de l’ensemble de la population française.

Mme Justine Gruet (LR). Il s’agit de mon premier Printemps social de l’évaluation et j’ai le sentiment d’une vaste nébuleuse administrative où tout est compliqué. Il est important de retrouver la complémentarité entre la notion administrative et politique de nos missions.

Est en partie remise sur la table la confiance entre professionnels, à savoir l’importance de la coordination entre médecins et professionnels paramédicaux. Elle doit certes se faire en amont par la prescription et l’ordonnance, mais également en aval avec la notion de coordination et de confiance entre professionnels. Cela interroge sur l’ordonnance que peut faire un médecin pour un psychologue : est-il nécessaire de le faire en amont ? J’insisterai sur la nécessité, en aval, d’un retour du psychologue au médecin traitant pour une efficience au bénéfice du patient.

Un vrai sujet est le nivellement par le bas de la rémunération de nos professionnels de santé. Vous évoquiez le financement libre et le conventionnement pouvant être posé entre professionnels conventionnés et psychologue. Je m’interroge donc sur cette notion même de conventionnement, qui garantit un accès de qualité pour tous les patients, quels que soient leurs revenus, mais met le professionnel de santé en difficulté, notamment avec l’inflation et, plus généralement, par le manque de revalorisation. Une séance de psychologue coûte en moyenne 50 euros et dure une heure. Par « MonParcoursPsy », les pouvoirs publics disent aux professionnels que ce sera 30 euros et que si une heure ne correspond pas à 30 euros, il faut passer à 30 minutes par séance. Cela interroge sur la place des pouvoirs publics à intervenir dans l’ADN du professionnel de santé, qui est le plus à même à définir comment il organise son temps de soin et la qualité des soins.

Je vous remercie de la qualité des échanges de ce matin. Nous avons tout intérêt à travailler ensemble pour garantir une meilleure considération à nos professionnels de santé.

M. Pierre Dharréville, rapporteur. Nous sommes dans un registre connu, avec des questions parfois offensives et l’administration qui se défend en expliquant que les choses vont plutôt bien. Je veux dépasser cela en approfondissant trois questions.

Sur « MonParcoursPsy », comment expliquer l’écart entre l’expérimentation, qui avait plutôt donné des résultats intéressants, et la mise en œuvre du dispositif ? En réalité, contrairement à ce que j’ai entendu, ce n’est pas tout à fait la même chose.

La définition des troubles est l’un des critères d’adressage de patients à des psychologues dans le cadre de « MonParcoursPsy ». Elle soulève un certain nombre de questionnements des professionnels et contribue visiblement à l’inadaptation du dispositif à de nombreuses situations, y compris pour les personnes adressées, avec une moyenne de quatre séances « consommées » et des inégalités très fortes. Des professionnels nous expliquent qu’en fonctionnement libéral, ils ne sont pas en mesure de traiter certains troubles qui nécessitent une équipe, d’autres professionnels, etc.

Je reste dubitatif sur les mesures prises et leur efficacité pour réduire la file active dans les institutions publiques. J’entends ce qui a été fait de formidable pour résorber la crise de la psychiatrie et de la psychologie publique, mais tout le monde peut constater que nous n’y sommes pas et qu’il existe une crise profonde. Dans le cadre de ma permanence, j’ai reçu dix psychologues qui m’ont décrit une situation dantesque intenable. Je ne méconnais pas un certain nombre de décisions qui ont été prises, mais leurs effets sont en réalité assez discutables.

J’aimerais également vous entendre sur le chiffre de 60 % de précarité que j’ai avancé  et sur les salaires qui demeurent insuffisants. Les chiffres cités sont-ils les bons ?

M. Éric Alauzet, rapporteur. En réponse aux interventions sur la question récurrente de l’adressage, qui est controversée, on peut considérer qu’il est consubstantiel du dispositif, tant par la manière dont il a été expérimenté avec les médecins et les psychologues que dans le fait de s’inscrire dans un parcours de soins débouchant sur un conventionnement. Il est important pour la plupart des associations de patients.

Pour autant, dans le futur, l’accès direct au psychologue restera sans doute très majoritaire. Il faut donc considérer que l’adressage et l’inscription dans la convention ne sont qu’une petite partie de l’activité de prise en charge psychologique et psychothérapique.

On peut comprendre que les psychologues, par la nature de leur pratique, jouissent d’une très grande liberté. La discipline requiert sans doute de la souplesse en fonction de la complexité et de la diversité des cas. Les contraintes par le conventionnement sont peut-être mal vécues ou mal comprises et peuvent être un vrai choc de culture pour la profession.

En conclusion, des améliorations sont sans doute possibles. On pourrait imaginer que le renouvellement de séances puisse se faire sans passage chez le médecin traitant. Le dispositif est évidemment perfectible, mais il est excessif de dire que la situation est pire que s’il n’existait pas.

M. Sébastien Peytavie, rapporteur. Une question porte sur la nature même du soin psychique, de l’accueil d’un patient avec une souffrance psychique et, finalement, autour de ce dispositif, un regard médical. Il faut entendre que s’il y a un refus d’entrer dans ce dispositif pour 93 % des psychologues, ce n’est pas parce qu’il n’a qu’un an d’existence ou qu’il existerait un problème de pédagogie, mais parce que la plupart le rejettent en se plaignant de ne pas avoir été entendus lors de sa mise en place. Un seul syndicat a activement participé au dispositif, les autres le refusant, et il faut entendre leurs raisons. Elles sont liées à la nature même du métier. En tant que psychologue, au bout de quatre ou cinq séances, on peut parfois percevoir des choses beaucoup plus graves et profondes. Mais, il faut attendre un an pour éventuellement avoir huit séances supplémentaires. Alors que certains évoquaient la dangerosité, ouvrir une offre et une écoute à quelqu’un pour finalement lui dire qu’on ne peut pas aller plus loin peut exposer à des situations très compliquées.

Beaucoup de médecins généralistes ne savent pas à qui adresser un patient. Lors des auditions, on a rencontré un gros problème vis-à-vis des « psycho-machins », qui sont surtout des charlatans sans formation, que les patients peuvent finalement aller voir. Le fait d’avoir un fléchage offrait une solution. Il faut aussi prendre la mesure du fait qu’un psychologue clinicien a bénéficié d’une formation de cinq ans qui, en matière de psychologie, est supérieure à un psychiatre qui n’a pas passé le même temps sur la question psy. Un psychologue est donc tout à fait en mesure de savoir si une situation est compliquée ou pas. Ce n’est pas parce qu’un trouble est de l’ordre de la psychose qu’un psychologue ne peut pas l’appréhender. Souvent, cela viendra en complément d’un traitement médicamenteux. Un trouble léger est déjà très difficile à repérer. Beaucoup de psychologues ne se sont pas sentis considérés à travers le dispositif.

Vous évoquiez le nombre de postes de psychologues créés, mais il faut prendre la mesure du fait que quand un enfant ne va pas bien, il faut attendre un an pour qu’il puisse entrer dans un dispositif. Ce n’est pas sérieux quand on voit les conséquences que cela peut avoir sur la scolarité et l’avenir d’un enfant. Plus on attend, plus les choses s’aggravent.

Quand seulement 10 % des précaires sont entrés dans le dispositif, cela montre que quelque chose ne va pas. Parmi les psychologues ayant utilisé ce dispositif, beaucoup nous ont expliqué que ce sont de jeunes actifs ayant les moyens de payer des séances qui ont principalement pu bénéficier du dispositif. Nous ratons la cible. Quelque chose ne va pas et doit être entendu.

M. Hadrien Clouet, rapporteur. J’ai bien entendu que les précaires bénéficiaient de complémentaires. Si 7 millions sont couverts, le non-recours est de 56 %. Par conséquent, 44 % des personnes éligibles ne sont pas couvertes.

La CSS couvre une partie de la population et le ticket modérateur en couvre une autre. À ce stade, rien n’indique que les personnes ne recourant pas à l’entretien postnatal soient exclusivement des personnes issues du milieu précaire. Je serais ravi d’une enquête longitudinale sur ce point. Par ailleurs, la question de l’accès au dispositif n’est évidemment pas qu’une question financière, mais peut aussi être symbolique et culturelle. Annoncer aux personnes éligibles qu’elles sortent de l’assurance maternité dès lors qu’elles entrent dans ce dispositif conduit à dégrader la place qu’occupe l’entretien dans le parcours de soins. Je constate que le critère de primiparité est un sujet ouvert et je me félicite que nous ayons l’occasion d’en discuter à nouveau.

Des professionnels de santé limitent le nombre de personnes adressées à un second rendez-vous, ne serait-ce que par capacité physique d’honorer les seconds rendez-vous et par souci de ne pas engorger l’ensemble des parcours de soins. Adresser l’ensemble des femmes primipares se fait par une logique d’éviction d’autres personnes qui présenteraient des traits, caractéristiques ou prédispositions qui devraient les conduire au second entretien. Cela conduit donc à des arbitrages compliqués pour les professionnels de santé.

La question des infirmières puéricultrices pose la tension du dispositif. Entre-t-on dans une logique consistant en un parcours de soins intégré, auquel cas on ne voit guère que les sages-femmes qui puissent faire le suivi de l’ensemble, ou bien continue-t-on avec une logique d’interventions variées de différents professionnels susceptibles de prendre en charge l’entretien ? Cela pose la question du volume de personnes capables d’assurer le suivi et de la variété des pratiques professionnelles contre l’intégration du parcours de soins. Je pense que c’est l’une des questions que nous serons amenés à trancher.

Mme Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soins. Sur les points soulevés, je comprends que nous pouvons faire mieux, mais le sujet de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie est une vraie préoccupation du Gouvernement : 350 millions d’euros avaient été accordés entre 2018 et 2021 et ont aussi bénéficié à la pédopsychiatrie, un appel à projets ciblé sur la pédopsychiatrie est financé à hauteur de 20 millions d’euros annuels depuis 2019 et permet d’améliorer l’offre hospitalière, notamment dans dix départements totalement dépourvus de lits en psychiatrie, avec 23 lits créés en 3 ans et 40 places en hospitalisation partielle. Cela reste insuffisant, mais constitue un effort sans précédent, renouvelé à compter de 2022 avec les Assises de la santé mentale, achevées en septembre 2021, avec 1,9 milliard d’euros consacrés à la psychiatrie en cinq ans, avec le renforcement des CMP infanto-juvéniles, des maisons des adolescents et des filières de psychotrauma, particulièrement ciblées sur les mineurs.

Le chantier d’attractivité des métiers ouvert depuis plusieurs mois bénéficiera bien évidemment aux professionnels de la psychiatrie et devrait permettre de renforcer le secteur.

Sur l’investissement et la restauration des capacités financières avec la reprise de dette, 13 milliards d’euros étaient initialement fléchés : 7,5 milliards ont été affectés aux investissements structurants et 6,5 milliards sont consacrés à la restauration des capacités financières des établissements, avec une contractualisation ARS-établissement dans chaque région avec un étalement pluriannuel. À ce stade, 2 milliards d’euros ont été effectivement versés.

Nous sommes évidemment tous preneurs d’une pluriannualité de financement dans le système de santé. Cela ne peut que donner de la visibilité aux acteurs et nous permettre d’adapter les financements aux besoins. Les fédérations hospitalières sont très demandeuses du renouvellement du protocole pluriannuel qui s’est achevé en 2022, mais a été tacitement reconduit sur 2023. Ce protocole a été mis entre parenthèses le temps d’avoir une visibilité sur la future réforme du financement et sur les perspectives de l’Ondam, mais il est prévu de redonner une vision pluriannuelle aux fédérations.

Concernant le chantier des psychologues dans la fonction publique hospitalière, je rappelle que les psychologues ont en partie bénéficié des mesures du Ségur de la santé, à savoir les 183 euros et l’augmentation du point d’indice. Nous sommes bien conscients des revendications de cette population.

M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale. L’expérimentation Medisis est prolongée et son évaluation se fera en 2024.

De nombreuses expérimentations de l’article 51 ont l’intérêt de proposer des prises en charge nouvelles par l’assurance maladie et de s’inscrire dans une logique tendant à davantage de coordination et de lien entre des rémunérations nouvelles englobant la tarification, ce qui n’est souvent pas le cas dans notre système.

Nous n’avons pas évalué les montants nécessaires en généralisation parce que nous sommes encore trop en amont. Il est toutefois certain qu’au moment de la présentation des généralisations, notamment dans les PLFSS, les enveloppes liées aux généralisations seront dans la trajectoire avec une montée en charge. En effet, on ne passera pas du jour au lendemain de projets expérimentaux à une diffusion globale sur le territoire, qui demandera du temps.

Sur les besoins en mesures législatives, il est encore un peu tôt pour les préciser. Il n’est pas impossible qu’une ou plusieurs dispositions sur des généralisations d’expérimentations au titre de l’article 51 figurent dans le prochain PLFSS, dès lors que le droit actuel ne permet pas de financer tel ou tel type de généralisation.

Si l’évaluation est négative, l’objectif est bien d’accompagner les équipes dans la sortie de l’expérimentation. Lorsqu’elle sera positive, nous les accompagnerons vers le nouveau cadre pérenne.

Sur le 100 % Santé, le ministre de la santé et de la prévention a réuni les acteurs en avril 2023 et a annoncé des étapes supplémentaires en 2024. Nous y travaillons et nous y travaillerons dans les prochains mois. Il s’agit d’une actualisation des paniers de soins remboursés à 100 % sur les audioprothèses, par la prise en compte des avancées techniques, et en optique, avec les verres spécifiques. Pour le dentaire, cela s’inscrit dans le cadre de la négociation venant de s’ouvrir entre l’assurance maladie et les syndicats. Par ailleurs, une extension du panier aux fauteuils roulants a été annoncée dans le cadre de la Conférence nationale du handicap. L’objectif est donc bien de veiller à ce que les paniers pris en charge à 100 % soient actualisés avec les avancées techniques pour en garantir la qualité.

Quant à l’évaluation, nous la faisons en lien avec la Cnam et la direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques. Il existe toujours un délai parce qu’il s’agit d’un 100 % Santé conjoint entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires, pour lesquelles l’obtention des données demande un délai : nous ne disposerons des données 2022 des complémentaires que d’ici la fin d’année 2023. Le 100 % Santé représente un investissement financier important sur les trois dernières années pour l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires. Il atteint ses objectifs très largement et en particulier sur les audioprothèses, avec une forte augmentation du recours. Le non-recours était souvent déploré sur la précédente période, avec un sujet de désocialisation des personnes âgées.

Concernant les débats sur « MonParcoursPsy », doit-on le comparer à ce que certains voudraient dans l’idéal ou à ce qui existait un an auparavant, c’est-à-dire rien ? Nous nous appuyons sur les enseignements de l’expérimentation pour montrer qu’il s’agit de troubles légers à modérés, d’où un nombre de séances limité. Dans les cas où il faudrait aller au-delà, il d’autres recours ou d’autres parcours sont probablement nécessaires. Le dispositif n’est pas figé et nous sommes sensibilisés au besoin de le faire évoluer pour l’améliorer dans la durée. Encore une fois, par rapport à ce qui existait auparavant, le dispositif constitue tout de même un grand progrès pour les patients qui en ont bénéficié.

Mme Danielle Metzen-Ivars, cheffe de service des politiques d’appui au pilotage et de soutien à la direction générale de la santé. Le dispositif « MonParcoursPsy » et l’entretien postnatal ont vocation à perdurer dans la mesure où il a été rappelé qu’il s’agissait de la suite d’une expérimentation qui a déjà cinq ans. Il s’agit de la concrétisation d’une mesure réfléchie.

Du fait du caractère récent de leur mise en œuvre opérationnelle, avec dix‑huit mois de recul, le début de l’année 2024 nous permettra de disposer d’une vision plus détaillée, notamment avec des éléments statistiques confortés sur chacun des dispositifs. Sur ces bases, en prenant en compte tous les éléments dont nous pourrons échanger avec les différentes parties prenantes, nous pourrons avoir une analyse des évolutions possibles – elles ne sont pas exhaustives, dans la mesure où d’autres s’ajouteront dans les mois à venir – sur des sujets comme l’adressage, la logique de prise en charge intégrée, la durée de prise en charge, les modalités d’accès et la capacité d’atteindre plus largement les populations précaires et les étudiants. Le dispositif a le mérite d’exister et il nous appartient de le faire évoluer.

M. Patrick Risselin, secrétaire général auprès du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie. J’apporterai quelques précisions chiffrées ou correctifs.

M. le directeur de la sécurité sociale évoquait quelque 2 200 psychologues conventionnés fin 2022 contre 3 000 aujourd’hui. Les rapporter aux 93 000 psychologues existants n’est pas exact puisque ceux visés par le dispositif sont particulièrement les psychologues cliniciens, au nombre de 18 000 à 23 000 selon les sources. Le taux se rapproche plus de 12 ou 13 % que de 7 %.

Le dispositif est récent et a le mérite d’exister. Il ne faut pas lui faire porter plus qu’il ne le peut, puisqu’il s’agit d’un dispositif de première ligne. J’entends qu’il n’est pas évident de détecter un trouble psychique léger à modéré, mais il a le mérite d’éviter au médecin généraliste de passer immédiatement à une prescription médicamenteuse. Que certains cas nécessitent plus de séances peut s’entendre, mais nous sommes véritablement dans un dispositif de première ligne permettant un repérage. Sur la question de l’aval, nous savons parfaitement la situation préoccupante de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie.

S’agissant de la pédopsychiatrie, les Assises de la santé de l’enfant et de la pédiatrie sont en préparation avec un groupe de travail spécialement dédié à la santé mentale de l’enfant. Nous n’allons donc pas préempter les conclusions de ces assises. Un certain nombre d’initiatives ont donc été engagées. Le problème de fond, dans le champ de la psychiatrie comme d’autres, est évidemment le déficit de professionnels. La question de la démographie médicale de ces professionnels ne sera pas résolue en un jour.

Des mesures ont été prises : allongement du diplôme d’État spécialisé de psychiatrie de quatre à cinq ans, engagement d’un effort particulier en pédopsychiatrie depuis 2018, avec la formation de quarante‑deux chefs de clinique, et dispositifs incitatifs pour revaloriser la profession, comprenant la consolidation de la recherche en santé mentale et psychiatrie et le jumelage de centres hospitaliers universitaires et établissements de droit commun pour valoriser la profession à travers des dispositifs de recherche et de recherche clinique. Ces mesures visent à combler le retard et les énormes difficultés que nous avons dans le domaine de la pédopsychiatrie. Nous en sommes conscients, nonobstant les propos de Mme Daudé sur l’appel à projets en pédopsychiatrie. Des efforts sont faits en ce sens.

Plus globalement, il serait excessif de dire qu’il n’y a pas de politique de santé mentale. Depuis cinq ans, il existe une feuille de route, certainement très largement perfectible. Le ministre en a rendu compte le 3 mars dernier sur le bilan d’application disponible sur le site du ministère. Un certain nombre de choses avancent dans les territoires.

S’agissant des ARS, je ne crois pas qu’il faille être trop sévère avec elles, y compris durant la crise du covid19, car elles ont énormément donné. Elles sont en train de construire les schémas régionaux de santé de deuxième génération, dans lesquels la santé mentale teindra une place tout à fait prépondérante. Un certain nombre de leviers sont à leur main, notamment dans le champ de la psychiatrie : la réforme du financement de la psychiatrie, la réforme des autorisations de l’exercice en psychiatrie devant permettre un maillage, une gradation et une articulation entre psychiatries privée et publique, et projets territoriaux de santé mentale. Les appels à projets seront déconcentrés à l’échelon des ARS ,qui pourront mieux adapter l’offre à leurs territoires.

Tout n’est pas rose, nous en avons conscience. La crise est extrêmement aiguë. « MonParcoursPsy » et l’entretien postnatal sont des premières pierres, qui ont le mérite d’exister pour lancer une dynamique. Des dispositifs d’évaluation sont prévus, mais donnons‑nous le temps de réaliser sereinement ces évaluations. Le ministère regardera de près tous les correctifs que l’on pourrait y apporter.

M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Quelques années en arrière, on a pu avoir une vision pas totalement fausse de ce qu’étaient les « lunettes sécu ». Avec le 100 % Santé, on n’est pas dans cette logique : on offre des paniers de qualité pris en charge à 100 % en assurance maladie obligatoire (AMO) et en assurance maladie complémentaire (AMC). Sur les prothèses dentaires, cela se traduit par le fait que nos concitoyens ont bénéficié de 23 millions de prothèses prises en charge dans le cadre du panier à 100 %. Je ne crois pas que l’on puisse dire qu’elles soient de sous‑qualité. Plus de la moitié des prothèses dentaires remboursées par l’AMO/AMC sont des prothèses en 100 % Santé, soit un chiffre bien supérieur aux prévisions lors du lancement. Ce n’est pas le travail mené avec les dentistes et les complémentaires. Ce n’est pas le cas non plus pour les milliers d’audioprothèses et lunettes vendues sans reste à charge même si les assurés peuvent choisir des produits plus chers, ce qui relève de leur responsabilité.

Je ne dis pas que tout est parfait. Nous avons engagé une renégociation avec les dentistes. Le sujet de la mise à jour du contenu des paniers et du niveau de tarification fait partie de ceux que nous aborderons avec eux. Ces dispositifs doivent vivre et être adaptés pour être attractifs pour les assurés afin de permettre l’accès aux soins. On peut tout de même témoigner, ces deux dernières années, d’une augmentation sensible du recours à la prothèse dentaire sans reste à charge. C’est un progrès pour l’accès aux soins. J’espère que d’ici cet été nous aurons abouti dans la négociation avec les dentistes libéraux. L’AMO y est prête. Encore une fois, la qualité est au rendez-vous.

Sur le sujet de l’expérimentation Medisis stricto sensu, un rapport intermédiaire a déjà été partagé avec les promoteurs et un rapport final est prévu pour 2024. Je partage avec vous le fait que, derrière l’article 51, il existe une mécanique d’évaluation lourde. Honnêtement, c’est un exercice d’évaluation assez inédit dans son ampleur, puisque plusieurs dizaines d’évaluations sont en cours et réalisées de manière indépendante pour apporter une visibilité au ministre et au Parlement sur le fait que les expérimentations apportent ou non des améliorations. Encore une fois, nous espérons que beaucoup d’éléments, législatifs, réglementaires ou conventionnels, permettront de basculer dans le droit commun pour pouvoir engager cette dynamique.

Sur la santé mentale et pour dissiper une ambiguïté sur la vision des arrêts de travail, il ne s’agit pas de porter un jugement en disant qu’il y aurait trop d’arrêts de travail en lien avec la santé mentale. Ce n’est pas notre angle de travail. Le travail mené avec le collège de médecine générale a montré que dans un certain nombre de situations, les médecins généralistes avouent être « démunis ». L’idée est de les accompagner dans la prise en charge de la santé mentale, et c’est pourquoi nous avons mis en place un Mooc, qui a connu une fréquentation intéressante, avec 6 000 médecins inscrits pour les deux sessions proposées en 2022. En 2023, une campagne d’accompagnement des généralistes autour de la prise en charge de la santé mentale sera relancée.

Par ailleurs, s’il existe des abus en matière de prescription des arrêts de travail, des contrôles existent. Nous les réengageons, notamment après la crise sanitaire. C’est bien sur un ensemble de leviers qu’il faut jouer.

« MonParcoursPsy » est un dispositif qui doit évidemment vivre et s’ajuster : 11 % des bénéficiaires actuels sont affiliés à la CSS, soit à peu près la part qu’ils représentent au sein de la population générale. Monsieur le député, le dispositif n’est pas réservé aux actifs ayant les moyens et se faisant payer leurs soins par la sécurité sociale.

Vous m’interrogiez sur les écarts entre les expérimentations et la généralisation. Il faudrait sans doute une exégèse plus approfondie. C’est un fait que certains professionnels n’ont pas été favorables à sa généralisation. Les équipes du ministère de la santé doivent approfondir le dialogue avec les professionnels de santé pour s’expliquer, partager et progresser. Nous avons besoin d’eux et de construire avec eux.

Je partage simplement le constat que les tarifs de la généralisation sont supérieurs aux tarifs de l’expérimentation. Nous ne pouvons pas dire que la généralisation ait été moins-disante qu’une expérimentation qui avait été plutôt bien reçue dans les quatre départements dans lesquels elle s’était déployée, avec une participation intéressante de la part des psychologues.

Encore une fois, un important travail d’explication et d’échange est nécessaire. Faut‑il aller vers des dispositifs en accès direct ? La réponse n’est pas dans les mains de l’assurance maladie. Cela signifie un vrai conventionnement et cela pose des questions de formation. À ce stade, le Gouvernement et le Parlement n’ont pas souhaité entrer dans cette logique, mais dans un dispositif qui crée un parcours de soins dans lequel le médecin peut avoir recours à des psychologues conventionnés au sens d’une prise en charge et non pas d’un conventionnement classique. Il s’agit d’un autre dispositif qui se discute. Je n’ai pas d’avis tranché sur la question.

En un an, plus de 30 000 médecins généralistes ont eu recours au dispositif. Pour travailler beaucoup avec eux, je peux dire que peu de dispositifs sont aussi vite entrés dans une forme de pratique quotidienne. Je pense qu’il répond à un vrai besoin pour eux. Doivent-ils en garder l’exclusivité ? Nous sommes attachés, vous le savez, à consolider une équipe autour des médecins traitants et à leur donner des outils, même si d’autres évolutions des compétences des professionnels de santé peuvent et doivent se faire dans une vision dynamique. Nous aurons certainement dans les mois et les années à venir l’occasion d’évaluer le dispositif et les conditions dans lesquelles il doit évoluer en se disant qu’il est complémentaire. C’est bien ce que prévoyait le plan sur la santé mentale, à savoir agir sur les différents leviers et non pas uniquement sur le monde libéral.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je vous remercie de votre réponse. Vous convenez donc avec moi que les médecins généralistes ne savent pas tout.

J’ai écouté l’argument qui revient souvent qui consiste à dire qu’il n’a jamais été mis autant d’argent. Cette comparaison ne m’intéresse pas, car entre-temps, il y a eu le covid-19. La question n’est pas de savoir qui a la plus grosse enveloppe budgétaire, mais si elles correspondent aux besoins.

Sur la pédopsychiatrie, le compte n’y est pas. En tant que députés, nous sommes en contact avec les populations qui subissent le manque d’accès aux soins. Dans de nombreux départements, et notamment les départements ruraux, des services de pédopsychiatrie ferment et les patients n’y ont pas accès. Vous n’êtes pas en cause, car tributaires de décisions politiques.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il ne me reste plus qu’à remercier très chaleureusement les députés, coprésidents et rapporteurs de la Mecss, ainsi que la rapporteure générale et l’ensemble des représentants des caisses et des différentes directions ici présents pour la précision, la pertinence et la qualité des réponses apportées aux très nombreuses questions des députés.

Le Printemps social se termine et les contacts sont pris. Rien ne vous empêche de garder contact et d’interroger les différentes administrations lorsque vous le jugerez nécessaire.

La séance est levée à douze heures quarante.


  1 

Information relative à la commission

 

La commission a désigné M. Charles de Courson rapporteur sur la proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite (n° 1164).

 


Présences en réunion

 

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, M. Charles de Courson, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Sébastien Delogu, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, M. Jean‑Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, Mme Élise Leboucher, M. Matthieu Marchio, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Bertrand Pancher, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry

Excusés. - M. Didier Le Gac, Mme Katiana Levavasseur, M. Jean-Philippe Nilor

Assistait également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo