Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Audition de M. François Toujas, dont la nomination aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est envisagée              2

– Informations relatives à la commission......................15

– Présences en réunion.................................16

 

 

 

 

 


Mercredi
28 juin 2023

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 98

session de 2022-2023

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
présidente

 

 

 


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La séance est ouverte à dix heures cinq.

La commission auditionne M. François Toujas, dont la nomination aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est envisagée.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous recevons M. François Toujas, qui exercé depuis onze ans les fonctions de président de l’Établissement français du sang (EFS).

Monsieur Toujas, vous êtes pressenti pour exercer les fonctions de président du conseil d’administration de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). En application des dispositions de l’article R. 1142-42 du code de la santé publique, le président du conseil d’administration est nommé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois, par décret pris sur proposition du ministre chargé de la santé. Le directeur actuel de l’Oniam est M. Sébastien Leloup, en fonction depuis le 1er mars 2017.

M. François Toujas. Je suis très honoré de me présenter devant vous pour évoquer le projet que nourrissent les autorités de me nommer au conseil d’administration de l’Oniam.

J’aimerais, tout d’abord, vous présenter quelques jalons de mon parcours professionnel. J’ai longtemps été professeur d’économie, en banlieue parisienne, avant d’intégrer l’École nationale d’administration. À la sortie de cette école, j’ai souhaité entrer à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) car l’intégration sociale et la santé publique me paraissent essentielles à la cohésion nationale. Rejoindre l’Oniam serait pour moi une étape importante dans un parcours marqué par les enjeux de santé publique, de démocratie sanitaire et même de sécurité sanitaire – l’EFS a ainsi été créé pour répondre à un grand scandale de santé publique ; quant à l’Oniam, il a été fondé pour indemniser des victimes.

L’Oniam a été créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », qui a organisé un dispositif de réparation amiable, gratuit et rapide des préjudices subis par les victimes d’accidents médicaux d’une certaine gravité. Son objectif est de faciliter l’indemnisation des victimes par les assureurs en responsabilité civile des établissements et des professionnels de santé, sans recours aux tribunaux. Cette loi permet également à l’Oniam d’indemniser, au titre de la solidarité nationale, les accidents médicaux liés aux aléas thérapeutiques, quand aucun responsable des dommages n’a pu être identifié. Au fil des années, le législateur a élargi les missions de l’Oniam aux victimes des infections nosocomiales graves, à celles des mesures sanitaires d’urgence et des vaccinations obligatoires et aux victimes des dommages transfusionnels, comme la contamination par le VIH ou par le virus de l’hépatite C. Il les a ensuite étendues aux victimes du Mediator, en 2011, et à celles de la Dépakine, à la fin de l’année 2016.

L’Oniam est dirigé par un conseil d’administration, dont la présidence était assurée, depuis 2015, par Mme Claire Compagnon, que je salue pour l’ensemble des actions qu’elle a menées pendant ses deux mandats. Outre son président, ce conseil d’administration comprend des représentants de l’État et des personnes nommées par le ministre chargé de la santé – personnalités qualifiées, membres du monde associatif et d’organismes sociaux –, pour une durée de trois ans. Le président du conseil d’administration est également à la tête d’un conseil d’orientation, qui assiste l’établissement pour ses missions importantes d’indemnisation des contaminations post-transfusionnelles et des dommages vaccinaux ainsi que pour des missions des collèges d’experts benfluorex et valproate de sodium. Il est composé de représentants des usagers du système de santé, de représentants de l’État et de personnalités qualifiées. Ce conseil d’orientation se réunit en trois formations, selon les sujets traités ; six séances de travail sont programmées chaque année.

Le siège de l’Oniam se trouve à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, mais l’office est également implanté à Nancy, à Lyon et à Bordeaux. Il existe sept pôles territoriaux, présidés par des magistrats, qui organisent toute l’année des séances des commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI), sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, 225 séances des CCI se sont tenues en 2022, dans l’Hexagone et en outre-mer, avec les représentants locaux des associations d’usagers, des professionnels de santé, des établissements de santé, des assureurs et des personnalités qualifiées.

Il est important de souligner l’indépendance des différentes instances, qu’il s’agisse des CCI, du collège d’experts Mediator ou du collège d’experts Dépakine. Elles sont présidées par une quinzaine de magistrats, en activité ou honoraire, qui sont les garants de la qualité des avis rendus, notamment du respect des règles liées à la prise en compte des positions contradictoires des parties concernées et de la bonne gestion des liens d’intérêt des experts médicaux et des membres des instances. Enfin, l’Oniam apporte les ressources nécessaires au bon fonctionnement de ces instances, en assurant la rémunération de leurs membres et le remboursement de leurs frais de déplacement, ainsi que la gestion administrative et logistique du dispositif.

Depuis sa création, en 2002, l’Oniam a instruit plus de 95 000 demandes d’indemnisation, dont 77 000 au titre des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. En 2022, l’Oniam a reçu environ 5 000 demandes d’indemnisation pour l’ensemble de ses missions. Sur ce total, près de 4 500 ont été déposées auprès des commissions de conciliation et d’indemnisation ; ces instances ont missionné plus de 3 500 expertises médicales, dans toute la France, et émis 1 400 avis favorables d’indemnisation. Sur le fondement de ces avis, l’Oniam a indemnisé plus de 1 130 personnes et, toujours en 2022, 96 % des offres ont été acceptées par les victimes d’accidents médicaux. De plus, environ 140 demandes d’indemnisation ont été déposées par des victimes de contamination d’origine transfusionnelle, tandis que moins de 40 demandes l’ont été à la suite de vaccinations obligatoires, hors covid-19. S’agissant des dommages résultant d’une vaccination covid-19, sur les 835 demandes d’indemnisation reçues au 31 décembre 2022 et près de 40 personnes ont été indemnisées à l’amiable. La mission d’indemnisation des victimes du Mediator s’est également poursuivie ; l’Oniam a reçu plus de 10 100 demandes d’indemnisation depuis la création du collège d’experts benfluorex, en 2011. Enfin, pour ce qui est de la Dépakine, l’office a reçu 3 720 demandes d’indemnisation depuis la création du dispositif, dont 165 en 2022.

Pour ce qui est des recettes de l’Oniam, il s’agit à 92 % de financements publics, 150 millions d’euros provenant de l’assurance maladie et 19 millions de l’État. La part de la dotation de l’assurance maladie a crû sensiblement en 2022, puisqu’elle représente près de 82 % des recettes, contre un peu plus de 72 % en 2021. Elle correspond d’ailleurs à la mission d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux et des contaminations transfusionnelles.

Côté dépenses, l’exécution budgétaire a été marquée en 2022 par un niveau global d’engagements très important : plus de 212 millions ont été consacrés, pour l’essentiel, à l’indemnisation de victimes d’accidents médicaux et de celles de la Dépakine.

Le bilan social de l’établissement, qui emploie 119 équivalents temps plein (ETP), a été plutôt positif l’année dernière et les moyens alloués l’ont été efficacement. La qualité de vie au travail a quant à elle été renforcée, grâce notamment à la négociation d’un accord-cadre sur le télétravail.

Concernant les perspectives de l’Oniam pour les trois prochaines années, je vois se dessiner trois orientations principales.

La première est l’amélioration de l’indemnisation des victimes, qui figure au cœur des préoccupations de l’office, de son conseil d’administration et des associations. Je souhaite à cet égard souligner trois points essentiels. Le premier est que nous devons travailler sur la revalorisation du référentiel d’indemnisation utilisé par l’établissement. Je pense que ce travail devrait être inscrit à l’ordre du jour du conseil d’administration et faire l’objet d’un dialogue, exigeant mais constructif, avec les tutelles financières. Le deuxième point est que nous devons procéder, en collaboration avec les associations de victimes concernées, à la simplification des modalités d’indemnisation. Nous devons, par exemple, réfléchir aux pièces qui sont vraiment indispensables à la réparation d’un préjudice. Cette simplification doit permettre de faciliter l’accès au droit et de réduire les délais d’indemnisation. Troisièmement, il est sans doute nécessaire d’améliorer la visibilité de l’Oniam auprès des usagers et de leurs représentants, les associations de patients notamment, pour favoriser l’accès au dispositif amiable. Au sein de notre système de sécurité sanitaire, l’office n’est peut-être pas suffisamment connu non seulement du grand public mais aussi des professionnels de santé. Nous devrons sans doute communiquer davantage et nouer des partenariats pour améliorer sa notoriété.

Deuxième orientation : la consolidation de la mission de recouvrement des créances de l’établissement. Il y a quelques années, cette question avait fait l’objet d’un rapport sévère, voire très sévère, de la Cour des comptes. Ce rapport avait conduit l’Oniam à revoir l’organisation de ses opérations, avec l’appui de la direction générale des finances publiques. L’étude des chiffres montre que, incontestablement, des progrès ont été accomplis : depuis 2018, plus de 8 500 ordres de recouvrement ont été émis par l’office contre les assureurs et industriels de santé mis en cause, pour un montant de 215 millions d’euros. Les montants effectivement recouvrés depuis le 1er janvier 2018 s’élèvent à plus de 90 millions, soit un taux de recouvrement de près de 82 %, hors assignations devant les tribunaux conduisant à la suspension des actions de recouvrement de l’agence comptable de l’Oniam. En tant que président de l’Oniam, je serai très attentif à la poursuite et à l’amélioration des efforts engagés au cours des dernières années.

Enfin, la modernisation de l’Oniam doit également nous mobiliser au cours des prochaines années. L’établissement est encore, comme beaucoup d’autres entités de l’administration française, le royaume du papier. Cette modernisation devra donc se traduire par la mise en œuvre, notamment, d’un nouveau schéma directeur du système d’information. La numérisation doit aider à la simplification, en offrant aux demandeurs un service dématérialisé de qualité, pour la transmission des pièces justificatives en particulier. Il faudra cependant veiller à ce que tous ces éléments soient correctement stockés et à ce que cette numérisation ne soit pas un obstacle pour certaines victimes qui en maîtriseraient mal les outils. Mais la modernisation, c’est aussi s’assurer de la qualité du service rendu et de la prise en compte des attentes des victimes, ce que l’Oniam ne fait pas suffisamment aujourd’hui. Il sera sûrement nécessaire d’élaborer des enquêtes et un baromètre de satisfaction, pour mesurer l’efficacité et la qualité du service rendu par l’office.

Je suis très heureux de me présenter devant vous pour une mission, essentielle, qui devrait prolonger utilement – je l’espère en tout cas – celle que je mène jusqu’à la fin du mois de septembre 2023 au sein de l’EFS.

M. Paul Christophe, référent de la commission pour l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. En tant que référent de notre commission pour l’Oniam, je tenais à vous faire part de quelques éléments d’analyse du bilan des actions menées par l’office ces dernières années et concernant ses futurs objectifs.

L’Oniam est une instance qui offre aux patients la possibilité de demander un règlement, par la voie amiable, des accidents médicaux subis et de bénéficier, ainsi, d’une indemnisation plus rapide. L’Oniam travaille alors avec les commissions de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux et avec la commission nationale des accidents médicaux. Cette instance constitue une autre voie, même si, rappelons-le, celle des tribunaux reste possible. Le recours à l’Oniam présente l’avantage de n’engendrer aucuns frais de procédure, tandis que les expertises médicales y sont gratuites.

Le 22 mai dernier, j’ai été invité par M. Sébastien Leloup, directeur de l’Oniam, à venir échanger avec les équipes et à découvrir les locaux de Montreuil. J’y ai vu des professionnels à la tâche, investis dans leur mission et déterminés à aller toujours plus loin dans l’accompagnement des victimes. Je salue l’organisation de cet établissement où travaillent conjointement des magistrats, des juristes, des médecins et des spécialistes de l’indemnisation, qui, tous, se mobilisent pour protéger les droits des patients.

Le rapport d’activité de l’Oniam pour 2021 le démontre : les résultats sont bons – malgré l’augmentation du nombre de dossiers à traiter – et l’indemnisation des victimes s’améliore. Les dépenses d’indemnisation s’élèvent à 180 millions d’euros, soit 33,7 % de plus que l’année précédente. Le montant moyen d’indemnisation est quant à lui passé de 92 000 euros en 2017 à 142 000 euros en 2021. De plus, les démarches d’indemnisation se font au plus près des patients, grâce notamment à l’organisation, par les CCI, de plus de 230 séances délocalisées dans tout le territoire, afin d’échanger directement avec les victimes et de faire connaître le dispositif. Toujours en 2021, 37 % des dossiers de demande d’indemnisation ont reçu un avis favorable et doivent maintenant être instruits. Il est également utile de souligner que les offres d’indemnisation de l’Oniam sont acceptées dans 95 %.

Depuis sa création, l’Oniam a instruit 95 000 dossiers qui, pour une écrasante majorité, concernaient des demandes d’indemnisation d’accidents médicaux. Rien que pour 2021, ce sont 4 500 dossiers qui ont été traités par les équipes des CCI et de l’Oniam. La tendance est à la hausse en 2022 mais il convient d’attendre les derniers éléments du rapport d’activité.

J’ai la conviction que ce dispositif exceptionnel d’aide aux victimes doit poursuivre sa démarche. Cependant, les membres de l’Oniam que j’ai rencontrés sur place ont tous souligné un travail en flux tendu. L’office a notamment besoin de juristes pour pouvoir répondre, quantitativement et qualitativement, aux demandes toujours plus complexes des patients.

En 2021, l’office a bénéficié d’un relèvement du plafond d’emplois à 119 ETP et d’une revalorisation de la rémunération des experts médicaux missionnés par les CCI et par l’Oniam. Ces mesures étaient indispensables à la fidélisation des talents et contribuent à l’attractivité de la structure. Ces augmentations budgétaires doivent, selon moi, se poursuivre pour offrir à l’établissement les moyens financiers et humains dont il a besoin pour assurer ses nombreuses missions, dans les meilleures conditions.

Monsieur Toujas, quelle est votre vision de l’organisation actuelle de l’Oniam et quelle évolution possible envisagez-vous en matière d’ETP, pour mieux assurer vos ambitions ?

Comme vous l’avez vous-même relevé, l’Oniam souffre peut-être, encore, d’un déficit de visibilité ; vous avez évoqué les relations avec les associations de patients, mais comment comptez-vous aller plus loin en matière de communication ? Il y a sans doute, à cet égard, des progrès importants à accomplir.

L’Oniam est à mes yeux une avancée importante pour les droits des patients, avancée qu’il nous faut absolument préserver.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Stéphanie Rist (RE). Monsieur Toujas, je tiens avant tout à vous féliciter pour les plus de dix ans que vous avez consacrés à la présidence de l’EFS.

Les évolutions médicales, constantes et rapides, nécessitent peut-être que l’Oniam s’adapte. Pouvez-vous nous faire part de votre stratégie pour garantir que l’office sera en mesure de répondre aux nouveaux types d’accidents médicaux découlant de progrès technologiques et de traitements innovants ? Comment assurer une indemnisation adéquate des victimes dans des situations complexes, notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la prise en charge des patients ?

Pourriez-vous nous indiquer les mesures qui vous semblent indispensables pour renforcer les critères de transparence des critères d’indemnisation et pour réduire les délais ?

La réforme de 2019 a, par ailleurs, apporté des changements significatifs aux dispositifs d’indemnisation. Quelles leçons faut-il tirer de cette réforme et quelles évolutions seraient encore nécessaires ?

Mme Christine Loir (RN). La première préoccupation du groupe Rassemblement national est l’intérêt des Français. Nous avons par conséquent besoin de garanties, alors que vous êtes pressenti pour exercer les fonctions de président du conseil d’administration de l’Oniam, un organisme-phare de notre modèle social.

Prenons un exemple : les crédits destinés à l’indemnisation des victimes de la Dépakine sont continuellement sous-exécutés, en raison notamment du non-recours à ce dispositif. Nous observons, en effet, un écart entre les prévisions, le nombre de dossiers déposés à l’Oniam – environ 850 au milieu de l’année 2022 – et les données épidémiologiques. Dans son rapport de 2018, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) relevait que 2 150 à 4 100 enfants souffriraient de malformations et que 16 600 à 30 400 connaîtraient des troubles du neurodéveloppement. Le constat est simple : l’information qui permettrait de faire connaître leurs droits aux victimes manque cruellement.

Si vous êtes nommé, vous serez en première ligne pour réformer l’accès à l’indemnisation. Sachez que nous sommes prêts à soutenir votre prise de fonctions et à travailler avec vous. Mais pour cela, c’est à vous de nous dire si, oui ou non, vous êtes déterminé à mener les changements qui s’imposent pour servir le seul intérêt des Français.

Mme Isabelle Valentin (LR). Je tiens, moi aussi, à vous remercier pour le travail que vous avez effectué à l’EFS.

En 2017, la Cour des comptes dressait un constat assez accablant de l’activité de l’Oniam. Il pointait notamment une gestion laxiste, des délais trop longs, des rejets de dossiers au détriment des victimes, des défaillances et des anomalies comptables. La Cour expliquait notamment que la victime était trop souvent oubliée par l’institution. Depuis 2017, la situation semble s’être améliorée.

S’agissant du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine, mis en place en 2017, on estime que le nombre d’enfants souffrant de malformations est de l’ordre de 2 150 à 4 100 et celui d’enfants atteints par des troubles du neurodéveloppement de 16 600 à 30 400. Les démarches sont très complexes pour les familles, les délais très longs et les montants d’indemnisation souvent moins élevés que ceux décidés par les juridictions civiles. J’ai entendu tout à l’heure que vous aviez à cœur de simplifier ces démarches, afin de rendre ce dispositif plus efficace et d’améliorer l’indemnisation. Nous ne pouvons que vous en féliciter.

En 2021, le ministre de la santé, Olivier Véran, et le Gouvernement avaient étudié l’éventualité de fusionner ou de rapprocher l’Oniam et Fe fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva). Ce rapprochement aurait permis de donner davantage de moyens et de visibilité aux deux organismes et de renforcer leur efficacité. Toutefois, pour l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (ANDEVA), « cette fusion entre deux organismes qui n’ont ni la même efficacité, ni le même fonctionnement, ni les mêmes barèmes, ni les mêmes méthodes de traitement de dossiers risque fort de se traduire par une dégradation de la qualité de service, un allongement des délais et une pression à la baisse des indemnisations ». Si vous êtes nommé président de l’Oniam, agirez-vous en faveur de ce projet de fusion ?

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Qu’est-ce qu’un accident médical ? Qu’est-ce qu’une affection iatrogène ? Quelle conduite devons-nous adopter vis-à-vis des dispositifs médicaux et des sociétés savantes qui recommandent leur utilisation ?

Je profite de cette audition pour mettre en lumière l’affaire des implants Essure, un dispositif médical de stérilisation massive et définitive, commercialisé en France jusqu’en 2017, qui a laissé d’importantes séquelles aux femmes qui en étaient porteuses. Plus de 200 000 femmes ont eu recours à ce dispositif médical à partir de 2002. Elles sont nombreuses à avoir déclaré des effets secondaires indésirables, particulièrement invalidants, que ce soit des troubles locaux ou généraux – pertes de mémoire, troubles de la vision. À ce jour, plus de 22 000 femmes ont été contraintes, pour ne plus subir ces conséquences néfastes, de recourir à une ablation de leurs trompes et même, parfois, à une hystérectomie. Les femmes doivent être averties des dangers de ce dispositif médical et les effets secondaires indésirables de celui-ci doivent être reconnus par une indemnisation. L’errance médicale doit cesser et un protocole de prise en charge médicale doit être mis en place.

L’Oniam a pour mission d’organiser un dispositif d’indemnisation amiable, rapide et gratuit des victimes d’accidents médicaux fautifs. Avez-vous été saisi de demandes d’indemnisation concernant ces implants Essure ? Envisagez-vous de mettre en place un dédommagement ? Combien de temps ces femmes victimes devront-elles attendre pour que ces accidents et ces affections soient reconnus et indemnisés ?

M. Joël Aviragnet (SOC). La Dépakine, un médicament contre l’épilepsie produit par Sanofi, a eu des conséquences dommageables importantes sur le développement d’enfants lorsqu’il a été prescrit à des femmes enceintes.

Le rapport Klinger, remis en septembre 2022, a montré que le dispositif d’indemnisation des victimes du valproate de sodium était loin d’être satisfaisant ; le taux de non-recours demeure très élevé, alors que des dizaines de milliers d’enfants ont subi des troubles du développement à cause de ce médicament. Bien que la réforme de 2019 ait amélioré la procédure d’indemnisation, les victimes semblent toujours préférer la voie judiciaire à un règlement à l’amiable, notamment pour les cas les plus graves. Cela est attesté par la sous‑exécution des crédits dédiés.

Alors que ledit rapport mettait en lumière des retards d’indemnisation pour expliquer ce non-recours, nous aimerions connaître votre stratégie pour décharger les juridictions contentieuses et encourager les victimes à se tourner vers la procédure d’indemnisation de l’Oniam.

Le refus du laboratoire Sanofi de participer à cette indemnisation amiable pose plus largement la question de nos procédures publiques d’indemnisation des accidents médicaux. Comment pourrions-nous mettre à contribution les principaux responsables de ces scandales, c’est-à-dire les laboratoires pharmaceutiques, qui refusent de prendre leurs responsabilités ?

M. François Gernigon (HOR). Merci pour votre présentation, qui m’a permis de mieux comprendre le fonctionnement et les missions de l’Oniam, une institution qui a démontré son importance depuis sa création, il y a un peu plus de vingt ans. Votre expérience au sein de l’EFS vous y sera certainement précieuse.

L’Oniam s’est vu confier, en décembre 2020, la mission d’indemniser les victimes de la campagne de vaccination contre le covid-19 ; quelle action anticipez-vous pour y faire face ? À combien estimez-vous le nombre des demandes et celui des indemnisations ?

Au cours des dernières années, les compétences de l’Oniam ont été progressivement élargies, par exemple aux victimes des vaccinations obligatoires et à celles des dommages transfusionnels. Cependant, l’office ne prend en charge que certains de ces dommages, les autres relevant de l’EFS ; que pensez-vous de potentiels élargissements des missions et critères d’indemnisation de l’Oniam ?

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je profite de votre présence pour saluer l’existence de l’Oniam, une spécificité française qui peut tous et toutes nous rendre très fiers car elle dit notre attachement à la solidarité nationale et notre volonté de conserver un regard critique sur la science et ses potentielles erreurs. Oui, des erreurs médicales peuvent advenir ; oui, des accidents sanitaires peuvent se produire. Reconnaître ce fait simple, c’est contribuer à instaurer une plus grande confiance dans notre système de soins.

Si l’existence de l’Oniam est une chance, je souhaiterais tout de même avoir quelques éclaircissements quant au pilotage de l’organisme. Cela fait plusieurs années que l’office est accusé de retards importants dans le traitement des demandes d’indemnisation. Selon un rapport de 2022, réalisé par nos collègues du Sénat, le délai de traitement des dossiers relatifs à la Dépakine serait de trente-quatre mois en moyenne. Avant cela, les retards de traitement des demandes des victimes du vaccin H1N1 avaient déjà été signalés. Pour rappel, l’Oniam s’est engagé à tenir des délais de six mois pour traiter les dossiers. Si vous prenez la tête de cet établissement, quelle sera votre feuille de route en matière d’amélioration des délais ?

Par ailleurs, à la suite du traitement de leur dossier, de nombreuses victimes ont exprimé leur perplexité quant aux critères à la source du mécanisme d’indemnisation : un seuil de gravité est ainsi établi, tout comme un référentiel d’indemnisation financière. Si ces critères sont nécessaires à la transparence du travail des experts, de nombreuses victimes et leurs avocats s’interrogent régulièrement sur les seuils fixés et dénoncent des taux d’indemnisation bien trop bas par rapport à ceux qu’ils pourraient obtenir en faisant appel à la justice.

Les services de l’Oniam ont-ils connaissance de ces retours et envisagent-ils de repenser leurs processus ? Quelle sera votre stratégie concernant les non-recours, dont les chiffres montrent que les personnes qui sollicitent l’Oniam sont peu nombreuses, bien que beaucoup en auraient besoin.

Enfin, j’appuie ce que vient de dire M. Isaac-Sibille concernant les implants Essure. Les femmes qui ont eu recours à ce dispositif médical ne sont pas informées quant aux dangers qu’elles encourent et elles ne bénéficient d’aucun suivi médical particulier. Que comptez-vous faire face à cet immense problème ? De même, concernant la Dépakine, moins de 1 000 dossiers ont été étudiés par l’Oniam sur un total de plusieurs dizaines de milliers de victimes.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). La loi Kouchner de 2002 représente une avancée majeure pour l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. En consacrant l’indemnisation des accidents médicaux non fautifs les plus graves et en la confiant à l’Oniam, créé pour l’occasion, le législateur a fait du droit français un droit particulièrement protecteur pour les victimes.

Toutefois, en 2017, un rapport de la Cour des comptes pointait avec justesse les dérives dans la gestion de l’Oniam. Didier Migaud, alors président de cette juridiction, avait déclaré : « La victime a été trop souvent oubliée par l’institution pourtant chargée d’en protéger les intérêts. » Certains s’étaient alors prononcés pour une réforme profonde de l’office ; finalement, seul un changement de direction fut décidé. Quelques années plus tard, en 2021, c’est l’Igas qui identifia un certain nombre de problèmes au sein de l’Oniam, dénonçant notamment le très haut niveau de turnover, les difficultés de recrutement d’experts, l’obsolescence des systèmes d’information ou encore le besoin de modernisation des pratiques comptables.

À la lecture du dernier rapport d’activité de l’Oniam, on observe que les dépenses d’indemnisation ont progressé, que les délais moyens de traitement des dossiers se sont améliorés et que la rémunération des experts médicaux a été revalorisée. Mais de sérieux problèmes subsistent. S’agissant notamment de l’indemnisation des victimes de la Dépakine, un rapport du Sénat, adopté en septembre 2022, est édifiant : alors que les prévisions initiales évaluaient les dépenses à 77,7 millions d’euros par an, l’exécution annuelle du dispositif jusqu’en 2021 n’a jamais dépassé 16,8 millions d’euros. Sont en cause des demandes insensées adressées aux victimes, des dossiers de plusieurs centaines de pages à remplir, des documents médicaux et, parfois, des justificatifs de déplacement vieux de plusieurs dizaines d’années. Enfin, les délais de traitement des dossiers sont excessivement longs : trente-deux mois en cas d’acceptation, trente-quatre mois en cas de rejet. Quant aux barèmes d’indemnisation, ils sont inférieurs de 30 à 40 % à ceux des tribunaux civils. Pour ce qui est de l’indemnisation au titre d’une vaccination H1N1, les victimes sont en attente depuis plusieurs années. On peut légitimement se demander comment vont être abordées les demandes des victimes de la vaccination contre le covid-19.

En tant que futur président du conseil d’administration de l’Oniam, quelle est votre analyse de cette situation largement insatisfaisante ? Comment faire, selon vous, pour que de nombreuses victimes ne se sentent plus prises au piège d’une procédure inextricable et pour que l’Oniam ait les moyens de remplir pleinement ses fonctions ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin (LR). Vous avez évoqué les enjeux liés au dispositif d’indemnisation amiable, rapide et gratuite des victimes d’accidents médicaux. Ces victimes souhaitent bien sûr être indemnisées mais elles espèrent aussi que de tels accidents ne se reproduisent plus. La loi du 4 mars 2002, qui est à l’origine de l’Oniam, était relative aux droits des malades mais aussi à la qualité du système de santé. Les demandes d’indemnisation peuvent, grâce à votre connaissance et à votre analyse des accidents médicaux, nourrir la réflexion pour améliorer la qualité de ce système de santé.

Placé auprès de l’Oniam, l’Observatoire des risques médicaux (ORM) avait notamment pour vocation de mesurer l’évolution et l’importance des sinistres intervenus dans le domaine des accidents médicaux et des infections nosocomiales. Alors que le coût humain et financier des accidents médicaux est régulièrement souligné, alors que la connaissance de la sinistralité est un facteur de prévention et alors que la loi prévoit un rapport annuel à transmettre au Gouvernement, l’ORM ne semble plus produire de données. Son dernier rapport daterait de 2015, selon le site internet de l’Oniam. Dans quelle mesure le développement des connaissances par l’Oniam pourrait diminuer les accidents médicaux ?

M. Didier Le Gac (RE). Depuis sa création, l’Oniam a vu ses missions élargies aux victimes d’infections nosocomiales graves, d’accidents médicaux, de vaccinations, de transfusions contaminantes, du benfluorex – c’est-à-dire du Mediator, que l’on connaît bien à Brest, et pour cause ! – ou encore aux victimes de l’acide valproïque, la fameuse Dépakine. Le montant moyen des indemnisations d’accidents médicaux a atteint 142 500 euros en 2021, ce qui reflète bien l’impact positif des mesures de revalorisation du barème d’indemnisation instauré en 2016.

Je souhaiterais, à mon tour, savoir ce que vous inspirent les critiques formulées par le Sénat concernant le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine. Comment l’Oniam peut-il améliorer le traitement des demandes, en volume et en durée ?

Enfin, je resterai vigilant, en tant que président du groupe d’études sur l’amiante à l’Assemblée nationale, pour qu’il n’y ait pas de fusion entre le Fiva et l’Oniam. Je rappelle à cet égard que les associations de victimes de l’amiante ne veulent surtout pas d’un rapprochement entre les deux organismes.

M. Yannick Neuder (LR). Je souhaiterais tout d’abord saluer l’existence de l’Oniam car cet organisme ouvre une voie parallèle à la voie judiciaire pour les victimes d’accidents médicaux. Rappelons que son recours est gratuit et qu’il permet d’obtenir réparation des préjudices subis, sans qu’il soit nécessaire d’aller au tribunal.

Vous serez chargé d’une mission qui ne se substitue pas à celle de la justice mais qui est tout aussi importante car elle incarne une forme de solidarité vis-à-vis de nos concitoyens qui font face à des situations dramatiques. Je le dis comme député mais surtout comme médecin, puisque j’ai orienté beaucoup de patients vers l’office.

Néanmoins, cet organisme a fait l’objet de critiques récurrentes concernant ses dysfonctionnements, comme des délais trop longs ou des manquements concernant la procédure d’indemnisation des victimes. Il s’agit d’une source de frustration et de déception pour de nombreuses victimes, qui se dirigent alors vers les tribunaux et leurs procédures plus coûteuses, en espérant ainsi obtenir une meilleure prise en charge.

Concernant les demandes d’indemnisation liées au scandale de la Dépakine, un rapport sénatorial a souligné des montants d’indemnisation inférieurs de 30 à 40 % à ceux accordés par la justice ainsi que des délais allant jusqu’à trente-quatre mois, alors qu’ils sont théoriquement plafonnés à six mois. On peut également citer les scandales de l’Isoméride et du Mediator ou encore celui des prothèses mammaires PIP, pour lequel des dysfonctionnements d’indemnisation similaires ont été rapportés. Des Français à qui l’on a prescrit ces produits continuent d’en subir lourdement, parfois fatalement, les conséquences, ce qui rend nécessaires soutien et indemnisation.

Quelles conclusions tirez-vous de ce rapport sénatorial ? Pouvez-vous nous préciser les pistes d’amélioration du dispositif d’indemnisation que vous envisagez, notamment pour ce qui est des moyens financiers et humains dont aurait besoin l’Oniam pour améliorer le traitement de ses dossiers ?

Mme Justine Gruet (LR). Tout d’abord, je m’interroge sur les moyens déployés dans les hôpitaux pour améliorer la notoriété de l’Oniam. Les déclarations d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou de maladies nosocomiales semblent être en hausse mais comment sont-elles faites : par le corps médical, par l’administration ou par les patients uniquement ?

Ensuite, que pouvons-nous faire pour que les relations entre les patients et les médecins permettent tout à la fois de faire naître des vocations et d’instaurer des relations thérapeutiques de confiance, alors que nous vivons dans une société de plus en plus procédurière ?

Enfin, quels moyens préventifs pouvons-vous mettre en place dans les établissements hospitaliers pour éviter la transmission de maladies nosocomiales, sans pour autant ajouter des procédures administratives ? Il est toujours plus difficile d’évaluer l’impact de la prévention que de mesurer celui de la réparation. La prévention est pourtant essentielle car il est préférable de se faire soigner sans risque plutôt que d’avoir à demander une indemnisation.

M. Nicolas Turquois (Dem). Vous avez parlé d’un manque de notoriété : je n’avais en effet jamais entendu parler de l’Oniam. Je ne suis pas issu du secteur médico-social et je ne connais pas cet organisme. Je vous avoue qu’après votre présentation, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris quel est le champ de son intervention ni comment il procède.

Pour ce qui est du champ d’intervention par exemple, l’Oniam prend-il en charge uniquement les accidents médicaux qui se produisent dans les hôpitaux publics ou également ceux des établissements privés ? Est-ce que l’office couvre les indemnisations en médecine libérale, par exemple en ce qui concerne la chirurgie esthétique ?

D’autre part, vous parlez de médiation mais aussi de financement. Or quand on est médiateur, on n’est pas financeur. Comme procédez-vous ? Est-ce que vous vous retournez ensuite vers les établissements, vers les laboratoires ou les fabricants de médicaments ? En outre, comment conciliez-vous la médiation et le contentieux ? Comment parvenez-vous à faire de l’amiable et de la médiation pour certains et du contentieux pour d’autres ? Je ne comprends pas comment tout cela fonctionne.

Enfin, en matière de financement, les laboratoires vous alimentent-ils par une taxe ? Bref, j’ai besoin d’éclaircissements sur le fonctionnement de l’Oniam.

Mme Katiana Levavasseur (RN). Fabuleuse invention, symbole de la solidarité à la française, l’Oniam, et en particulier sa gestion, suscite encore des critiques, déjà formulées par la Cour des comptes en 2017. Ainsi, malgré une revalorisation du barème d’indemnisation, l’Oniam fait toujours l’objet de reproches concernant ses offres d’indemnisation, inférieures à celles accordées par les tribunaux, et pour son manque de flexibilité lors des négociations avec les victimes. Sur ce dernier point, l’organisme public semble, en effet, refuser toute discussion, ce qui oblige les victimes à les accepter ou à les rejeter intégralement.

Par ailleurs, les délais de traitement sont très longs, d’autant que si une victime saisit un tribunal ordinaire sur la base du rapport d’expertise présenté par la commission de conciliation et d’indemnisation, l’Oniam peut demander une nouvelle expertise médicale, ce qui allonge encore les délais et fragilise davantage les victimes.

Comment prévoyez-vous de remédier à cette situation ? Ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de reformer encore ce dispositif essentiel ?

Mme Josiane Corneloup (LR). Je vous remercie pour vos propos introductifs, qui vont plutôt dans le bon sens puisqu’il est indispensable de faciliter l’indemnisation des victimes, d’améliorer la visibilité et de consolider la mission de recouvrement.

Le rapprochement de l’Oniam et du Fiva a été préconisé par l’Igas et par l’Inspection générale des finances afin de donner à ces deux organismes davantage de moyens et de visibilité et, partant, de renforcer leur efficacité. Toutefois, pour l’ANDEVA, « cette fusion entre deux organismes qui n’ont ni la même efficacité, ni le même fonctionnement, ni les mêmes barèmes, ni les mêmes méthodes de traitement de dossiers risque fort de se traduire par une dégradation de la qualité de service, un allongement des délais et une pression à la baisse des indemnisations ». En tant que membre du groupe d’études sur l’amiante, je partage pleinement cet avis. Le Gouvernement avait indiqué que cette fusion n’était plus à l’ordre du jour mais qu’il restait attentif à toutes les propositions qui pourraient émaner des instances pour renforcer les synergies entre les deux structures, notamment en matière de partage d’expertises et de bonnes « pratiques métiers ». Si, demain, vous êtes nommé président du conseil d’administration de l’Oniam, quelle sera votre position sur cette fusion ?

M. François Toujas. L’Oniam est une création très importante car elle est au cœur d’une réflexion globale qui essaie de combiner la nécessaire réparation des accidents médicaux et l’amélioration de la qualité du système de soins.

Les critiques formulées contre l’Oniam ont trouvé des réponses puisque l’office va mieux aujourd’hui : les victimes sont mieux indemnisées et le sont plus rapidement. Il y a, en revanche, un vrai souci de visibilité de l’Oniam. Cela signifie que je devrai prendre mon bâton de pèlerin pour développer des partenariats avec des acteurs de l’assurance, du monde médical et aussi, peut-être, avec des laboratoires pharmaceutiques. Rien n’est pire qu’un droit qui n’est pas exercé ; la visibilité de l’Oniam relève donc de l’exercice concret du droit. Son amélioration est certainement un des engagements que je dois prendre.

Concernant les évolutions médicales, je m’interroge moi aussi sur leurs conséquences. Ainsi, je l’ai constaté à l’EFS, la médecine dite régénératrice, qui utilise des cellules pour recréer en partie des organes, se développe, de même que l’immunothérapie. De telles pratiques, auxquelles s’ajoutent celles de l’intelligence artificielle, vont nous obliger à reconsidérer le profil des experts, qui devront nous aider à traiter des enjeux médicaux de plus en plus complexes ? Il nous faudra trouver les personnes qui pourront éclairer les établissements publics chargés de ces questions. Il s’agit d’une question centrale, à laquelle j’avoue ne pas avoir encore de réponse.

La récente crise sanitaire nous a montré qu’il y avait une très forte demande de transparence. L’Oniam doit d’autant plus en faire preuve qu’il travaille à la défense des droits des victimes. Les décisions, les financements, le travail du législateur : tout doit être transparent. À cela s’ajoute l’impératif de l’efficacité. Il est difficilement acceptable d’imposer des lourdeurs administratives à des victimes. L’enjeu n’est donc pas tant de savoir comment l’organisme travaille – les membres de l’Oniam travaillent beaucoup –, mais quel est son objectif. Nous devons améliorer le fonctionnement de l’établissement pour que les victimes soient mieux prises en considération.

S’agissant de la Dépakine, la situation est compliquée. Nous devons trouver des solutions pour traiter plus rapidement les dossiers d’indemnisation, alors que l’Oniam a connu des évolutions très importantes de son organisation. Quant à la position du laboratoire concerné, elle ne favorise pas non plus le travail de l’office vis-à-vis des victimes.

Faut-il fusionner l’Oniam et le Fiva ? S’il s’agit de gagner trois ETP et de faire plaisir à la direction de la sécurité sociale, c’est absolument inutile. Le cœur de ma mission sera-t-il de rencontrer rapidement mon collègue président du Fiva pour discuter des modalités de fusion des deux établissements ? Je n’ai pas de directive sur ce sujet. D’ailleurs, ce n’est pas la vraie question, qui est de savoir comment l’on attire des compétences, au sein du Fiva comme de l’Oniam, dans l’intérêt des victimes. Comment faire pour être attractifs ? Comment faire pour recruter et pour garder de jeunes juristes ? Notre taille relativement réduite pose un réel problème quant à notre manière d’organiser notre travail. Sans aller jusqu’à parler d’une fusion, je pense que nous pouvons nous parler car nous partageons des problématiques d’attractivité et de recrutement.

Concernant la question des implants, je réserve ma réponse car je ne connais pas assez bien le dossier. Je reviendrai pour votre répondre quand je serai plus au fait de ce sujet. Je préfère ne rien dire aujourd’hui sur des sujets importants, plutôt que de répondre par une quelconque formule technocratique de bas étage.

La sous-exécution des crédits pour l’indemnisation des victimes de la Dépakine pose effectivement des questions d’accès au droit à l’indemnisation et de traitement des dossiers. Je pense que nous pourrons accélérer, dans les mois à venir, le règlement de ces dossiers.

Pour ce qui est du covid-19, au 31 mai 2023, l’Oniam avait reçu 993 demandes d’indemnisation relatives à des dommages vaccinaux liés au covid-19, dont 22 dossiers déposés en mai. Je vous rappelle que l’on parle de 150 millions de doses administrées. Les vaccins mis en cause sont, dans l’ordre décroissant, le Pfizer-BioNTech – le plus utilisé –, l’AstraZeneca, le Moderna et le Janssen. Neuf dossiers ne comportent pas le nom du vaccin mis en cause et un dossier ne porte pas sur le vaccin mais sur le geste vaccinal. L’Oniam a envoyé 241 décisions, dont 16 au cours du mois de mai. Sur les 993 demandes d’indemnisation réceptionnées, 79 offres ont été notifiées, 162 ont fait l’objet d’une décision de rejet, dont 3 qui faisaient suite à une demande de réexamen. Actuellement, 113 demandes font l’objet d’expertises médicales ; les autres sont en cours d’instruction par les services juridiques et médicaux de l’établissement. S’agissant de la typologie des troubles constatés, 208 dossiers concernent des troubles cardiaques – myocardites et des péricardites –, 190 des troubles neurologiques, 164 des troubles divers, 126 des accidents vasculaires cérébraux ou des thromboses, etc. Ces chiffres seront dévoilés dans le rapport annuel qui sera validé lors de la réunion du conseil d’administration de l’établissement, en octobre prochain. Enfin, 37 procédures contentieuses ont été initiées contre l’établissement, dont 17 en contestation d’une décision amiable de rejet.

S’agissant du pilotage de l’Oniam, la question est de le faire selon les objectifs de l’organisme, à savoir la réparation et l’indemnisation. La simplification contribue à améliorer le niveau des indemnisations et à la réduction des délais, pour nous rapprocher des six mois. Quant aux critères et aux seuils de gravité, ils sont fixés dans la loi. Il faut donc modifier la loi si l’on veut modifier ces seuils.

La Cour des comptes, évoquant les dysfonctionnements de l’Oniam à l’origine de retards inacceptables, était fondée à déclarer que les victimes avaient été oubliées. Les travaux de modernisation et de remise en ordre engagés par l’actuel directeur de l’Oniam ont permis d’améliorer les choses.

Je vais me renseigner sur l’ORM. Il est évident que le travail de l’Oniam doit permettre de nourrir une réflexion quant aux bonnes pratiques et à la qualité de notre système de santé. Cela concerne non seulement les victimes mais aussi tous les professionnels et les établissements de santé. Nous avons une relation forte avec l’ANSM et l’analyse que l’on fait sur tous les sujets évoqués doit pouvoir profiter à l’ensemble du système de santé.

La mission de l’Oniam, c’est-à-dire l’indemnisation globale gratuite, est un élément très important de notre système de santé. Je suis à un stade de ma carrière au cours duquel je vais plutôt présider, tout en regardant ce qui est fait, avec beaucoup d’attention. Soyez sûrs de mon total engagement, parce que le droit des victimes et le droit à réparation sont des enjeux essentiels de notre démocratie sanitaire.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je souhaite faire une dernière intervention pour vous recommander d’étudier de près le dossier des prothèses Essure et, plus largement, celui des accidents gynécologiques des femmes. Il s’agit d’un phénomène insuffisamment reconnu, y compris par l’Oniam.

M. Yannick Neuder (LR). Je voudrais juste rappeler que si la sphère gynécologique est importante, la mortalité est sept fois plus élevée par pathologie cardiovasculaire que par cancer du sein, par exemple. Il faut bien sûr faire attention à la sphère gynécologique mais les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez la femme.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Quant au dossier des prothèses Essure, nous sommes nombreux, ici, à vouloir qu’il vous parvienne le plus rapidement possible.

M. François Toujas. J’ai pris note de vos demandes. Le sujet étant trop important pour que j’intervienne sans savoir, nous allons y travailler et je reviendrai devant vous.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie, monsieur Toujas, pour vos réponses et pour celles que vous reviendrez nous communiquer, puisque j’ai cru comprendre que les questions abordées aujourd’hui méritaient une deuxième audition.

La séance est levée à onze heures quinze.

Informations relatives à la commission

La commission a désigné Mme Stéphanie Rist et M. Pierre Dharréville rapporteurs de la mission « flash » relative aux téléconsultations sur abonnement.


Présences en réunion

Présents.  M. Éric Alauzet, M. Henri Alfandari, Mme Farida Amrani, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Karen Erodi, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Katiana Levavasseur, Mme Christine Loir, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry

Excusés.  M. Elie Califer, M. Paul-André Colombani, M. Olivier Falorni, Mme Caroline Fiat, Mme Caroline Janvier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Freddy Sertin, M. Olivier Serva, M. Frédéric Valletoux