Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
— Audition, à huis clos, de M. Christophe Mauriet, Secrétaire général pour l’administration au Ministère des Armées, sur le projet de loi de finances 2023.
Mercredi
12 octobre 2022
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 10
session ordinaire de 2022-2023
Présidence
de M. Thomas Gassilloud,
président
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La séance est ouverte à quinze heures.
M. le président Thomas Gassilloud. Nous sommes heureux de recevoir le nouveau secrétaire général pour l’administration au ministère des armées. Avant votre récente nomination, le 5 octobre dernier, vous étiez depuis août 2016 directeur des affaires financières du ministère des armées.
Créé en 1962 par le général de Gaulle, le secrétariat général pour l’administration (SGA) a fêté ses soixante ans en 2022. Vous êtes responsable du programme de soutien de la politique de défense – le programme 212 –, qui rassemble les crédits relatifs aux politiques immobilières, culturelles et patrimoniales, aux infrastructures, aux systèmes d’information, à l’environnement, au plan Famille et à l’action sociale. Votre programme regroupe en outre toutes les dépenses de titre 2 du ministère, qui concernent la rémunération et les charges sociales du personnel civil et militaire des armées.
Il serait intéressant que vous dressiez un bilan des actions menées dans le cadre de la loi de finances pour 2022. Vous pourrez ensuite nous présenter les perspectives dessinées par le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, en revenant notamment sur la politique du logement et sur le plan hébergement, dans un contexte inflationniste qui pourrait les perturber. Vous nous éclairerez également sur la poursuite du plan Famille et sur les réflexions conduites en vue d’un nouveau plan Famille. Nous aimerions aussi vous entendre sur le bilan de l’entrée en vigueur du deuxième volet de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) lancé en 2022. Alors que l’année 2023 verra l’application du troisième et dernier volet de la réforme, vous préciserez ce que vous en attendez ainsi que les conditions précises de son déploiement. Je vous invite, enfin, à évoquer la stratégie ministérielle engagée en faveur du développement durable.
M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration au ministère des armées. Le SGA a été créé par le général de Gaulle dans le contexte de la constitution d’un ministère des armées unifié, qui rassemblait les anciennes administrations des ministères de la guerre, de la marine et de l’air. La création du SGA visait ainsi à mutualiser le fonctionnement des armées en s’appuyant sur les organismes transversaux concourant à l’accomplissement de leurs missions. Dans les quinze dernières années, les choix d’organisation qui ont été pris continuent à illustrer le dynamisme de ce modèle.
Les attributions du secrétaire général pour l’administration rassemblent différentes fonctions, exercées notamment par la Direction des affaires financières (DAF), la direction des ressources humaines (DRH-MD) et la Direction des affaires juridiques (DAJ). Au tournant des années 2000, la consolidation au sein du ministère de la défense de la précédente administration des anciens combattants a conduit à des reclassements d’organismes substantiels. La direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) a été rattachée au SGA. Plus récemment, la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) a été scindée en deux directions, l’une chargée des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE), la seconde de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA). Cette dernière joue un rôle essentiel d’animation des politiques publiques mémorielles et des institutions culturelles, qui font la spécificité de notre ministère.
Précisons que la totalité des métiers financiers n’incombent pas à la DAF : cette dernière compte un effectif d’environ 200 personnes, tandis que 5 000 agents civils et militaires sont affectés à des tâches de nature financière dans le ministère. De même, chaque armée dispose de sa propre direction des ressources humaines. Les fonctions que j’ai citées dépassent donc largement le périmètre du seul secrétaire général et ne consistent pas seulement à exercer l’autorité hiérarchique sur les services.
L’exécution de la loi de finances pour 2022 est marquée par la deuxième annuité de la NPRM. De nombreuses indemnités ont été refondues au sein de la nouvelle indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (Isao).
La conduite des grandes politiques transversales en matière d’hébergement et de travaux d’infrastructures communes est également conforme à la prévision de la loi de finances. Nous confirmons ainsi les hypothèses contenues dans les deux instruments de financement que sont le programme 212 et l’enveloppe réservée au ministère des armées sur le compte d’affectations spéciales issues de la cession de biens immobiliers de l’État. Cela aura permis le lancement de travaux nouveaux à hauteur de 140 millions d’euros.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 s’inscrit dans une trajectoire entamée dès la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et le PLF pour 2018. Ces deux textes prévoyaient une augmentation des moyens consacrés à la mission défense de 1,8 milliard d’euros au PLF pour 2018. Pour mémoire, ce montant était compris entre 500 et 600 millions d’euros dans le PLF pour 2017. Il s’agit d’une phase sans précédent depuis la fin des années 1990. Le PLF pour 2023 marque une nouvelle étape, avec une augmentation de 3 milliards d’euros pour la deuxième partie de la trajectoire de la LPM 2019-2025.
Le PLF pour 2023 intervient dans un contexte géopolitique singulier, dont le durcissement avait été anticipé par les autorités militaires et politiques de notre pays. Le contexte économique est lui aussi singulier. La première partie de la LPM s’est exécutée dans un cycle économique caractérisé par une inflation quasiment nulle, et par conséquent une politique salariale qui ne visait pas l’augmentation du point d’indice. Le PLF pour 2023 opère un retournement considérable, marqué par une politique salariale de l’État répondant au contexte de reprise très vigoureuse de l’inflation par le biais des mesures générales telle que l’augmentation de la valeur du point d’indice.
Vous avez rappelé que le secrétaire général pour l’administration avait la responsabilité de deux programmes. Pour le programme 212, hors titre 2, la dotation s’élève à 1,482 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,358 milliard d’euros en crédits de paiement. Les autorisations d’engagements sont en diminution par rapport à la loi de finances pour 2022. Cette dernière était dotée des moyens nécessaires à la couverture d’une concession pour grande durée de la gestion des logements domaniaux du ministère des armées, désormais regroupés sous le plan Ambition logement. Le montant des crédits de paiement est en revanche en augmentation de 100 millions d’euros.
La totalité du budget consacré à la masse salariale du ministère des armées est regroupée au sein du programme 212. La politique de ressources humaines combine des actions en termes de recrutement, de fidélisation et de reconversion.
Le budget vise également à soutenir une politique de soutien aux forces morales. Cette notion, mise en avant par le Président de la République dans son discours du 13 juillet, vise à mieux prendre en compte les problématiques liées aux combattants et à leurs familles.
Le programme 212 illustre enfin l’attention portée à la transformation du ministère, et au développement de la résilience de la nation.
12,9 milliards d’euros – hors contribution aux comptes d’affectation spéciale des pensions et hors Opex – sont consacrés à la politique de masse salariale. 2023 verra le schéma d’emplois du ministère atteindre 1 500 emplois contre 450 en 2022. Les documents budgétaires présentent le détail de ces 1 500 emplois.
Pour réaliser cette cible ambitieuse, le budget consacre des moyens en faveur d’outils nouveaux, notamment numériques, pour améliorer notre mécanisme de recrutement. La troisième annuité de la NPRM contribue à renforcer notre politique de fidélisation. Le budget prévoit également des dispositifs d’accompagnement des parcours professionnels par la promotion interne et l’accès en cours de carrière pour les militaires contractuels à un statut de carrière, à la formation et à la reconversion.
S’agissant des personnels civils, le ministère est engagé dans une démarche volontariste de déploiement du télétravail. L’indemnité forfait télétravail, créée en 2022, fait l’objet d’une dotation en 2023. Le ministère continue de mettre l’accent sur une politique d’accueil d’apprentis, en rehaussant de 10 % les objectifs pour 2023-2024 afin d’atteindre 2 400 recrutements. Les moyens consacrés au dispositif de reconversion, que nous valorisons dès le recrutement de notre personnel, sont en augmentation.
Nous en avons conscience, la NPRM est d’abord perçue comme un outil de rationalisation, de simplification et de clarification d’un système indemnitaire qui se caractérisait par sa complexité. Au total, près 500 millions d’euros de crédits supplémentaires par an y seront consacrés à partir de 2024. La consolidation et la convergence de 170 indemnités en un régime simplifié ont nécessité un travail complexe de mise au point des mesures et des barèmes. Ce travail a été mené au niveau interarmées. Ainsi, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) a émis un avis mitigé en avril dernier. Un travail de pédagogie a été mené et des ajustements par rapport à la copie initiale ont pu être opérés pour le déploiement de cette troisième marche. La migration d’un système vers un autre a généré un travail de reclassement des situations individuelles afin de conserver le niveau de rémunération et garantir l’absence de régression. À la demande du ministre, l’indemnité compensatoire transitoire a été allongée de six à neuf ans.
La NPRM a constitué un chantier de réflexion sur le régime d’emploi des militaires et a demandé un travail de réécriture des textes, d’estimation financière et de passage à l’échelle des systèmes d’information concernés. Le PLF pour 2023 permettra l’entrée en vigueur d’une prime de compétences spécifique, d’une prime de parcours professionnel de l’indemnité d’état militaire et de l’indemnité de garnison.
Plusieurs actions concrètes concourent à l’amélioration de la force morale. Elles porteront notamment sur le soutien dû aux blessés et aux familles endeuillées. Une meilleure coopération avec les collectivités territoriales doit contribuer à l’amélioration des conditions de vie des militaires et de leurs familles. Au titre du Plan famille, des actions sur les crèches et sur la réservation de logements en métropole ou de constructions en outre-mer seront lancées. J’ai évoqué le plan Ambition logement, qui a donné lieu à une concession afin d’assurer la gestion sur trente-cinq ans de la rénovation, de l’entretien courant, de la gestion locative et de la densification du parc métropolitain des logements domaniaux. La trajectoire budgétaire ascendante permettra le financement des actions les plus lourdes de rénovation et de densification de ce parc sur la première partie de la durée de cette concession.
La politique menée sur les systèmes d’information est emblématique des adaptations que nous conduisions pour répondre aux évolutions du monde. Cette politique est distribuée entre un grand nombre d’organismes. Le budget 2023 alloue des moyens à l’évolution des systèmes d’information consacrés à la gestion des réservistes et au recrutement du personnel des armées, de la Légion étrangère et du service de santé des armées (SSA). De premières actions sont menées sur la trajectoire de réalisation d’un système d’information des ressources humaines unifié au sein du ministère. Pour appliquer les nouvelles indemnités de la NPRM, un important volt de développement complémentaire est entrepris sur le logiciel qui produit la solde de nos militaires.
Les crédits immobiliers du programme 212 sont consacrés au logement et aux grandes politiques ministérielles portées de manière transverse, puisque les crédits de l’infrastructure sont aussi distribués entre les programmes 178 et 146. Le service d’infrastructure de la défense, rattaché au SGA, est l’opérateur de cette politique de construction.
Le programme 212 permet notamment de financer des opérations relatives au plan Hébergement, dans la continuité des précédentes années. Les moyens de ce programme seront engagés dans la transition écologique, notamment via un plan de renouvellement des chaudières thermiques grâce à des moyens modernes et décarbonés de chauffage, par l’investissement dans le verdissement des parcs de véhicules administratifs, ou encore par des contrats de performance énergétique (CPE). Le budget pour 2023 prévoit ainsi deux projets de CPE, à Solenzara et à Canjuers, à hauteur de 44 millions d’euros. La sobriété énergétique occupe ainsi une place importante et croissante dans ce budget.
L’enveloppe du programme 169, qui finance la dette viagère, terme qui recouvre l’ensemble des dépenses de pension militaire d’invalidité et de retraite du combattant, est orientée à la baisse en raison de l’évolution démographique de ses bénéficiaires. Néanmoins, le ministère consacre une partie importante de ces moyens à de nouvelles mesures, ciblant notamment les victimes du terrorisme. Le PLF propose de prendre en compte les victimes d’attentats quelle en soit la date et non plus après 1982.
S’agissant du soutien aux blessés psychologiques des armées, le budget comporte des moyens pour pérenniser et étendre le dispositif ATHOS. Ce projet, qui émane de l’armée de terre, a pour objectif de mettre en place des structures dédiées à l’accompagnement psychosocial pour des militaires blessés psychiques. Les maisons ATHOS permettent d’héberger et d’accompagner d’anciens militaires rentrés d’opération avec des traumatismes nécessitant une prise en charge particulière. Ce dispositif concerne des maisons d’accueil qui échappent à la classification des instituts médicosociaux ; il s’agit d’une offre non médicalisée complémentaire du parcours de soins mis en œuvre par le service de santé des armées. Le budget consolide également les moyens ouverts en loi de finances pour 2022 et consacrés au nouveau droit à réparation, institué par la loi du 23 février 2022, au profit des harkis et de leurs descendants.
D’autres mesures ciblent la restauration, la mise en valeur du patrimoine mémoriel, ou encore la rénovation des musées.
Ce budget couvre donc un très large éventail de politiques publiques, qui reflètent bien l’ambition du ministère.
M. Julien Rancoule (RN). Le SGA est un organisme indispensable au bon fonctionnement de notre ministère des armées. Il est au cœur du rouage de son administration générale, de sa transformation et de ses politiques sectorielles. Sans lui et ses milliers d’hommes et de femmes, civils ou militaires, les politiques sociales, financières, juridiques, de recrutement, d’infrastructures, ou encore celles liées à la jeunesse et à la mémoire ne pourraient être conduites.
C’est précisément parce que le SGA est indispensable à notre armée que nous nous interrogeons sur sa résilience. Votre prédécesseur avait fait de l’intégration du numérique aux pratiques managériales un objectif du SGA pour faire évoluer les mentalités. Son éditorial 2022 de présentation du SGA l’illustrait récemment encore. Le cyberespace s’est imposé ces dernières années comme l’un des espaces privilégiés des nouvelles formes de conflictualité. Fortement préoccupés par cette menace qui pèse sur nos institutions, nous nous demandons quelles mesures ont été mises en place au niveau des différentes directions du SGA pour la prévenir.
La revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 pointait l’urgence de renforcer notre défense face à la cybermenace ciblant les secteurs d’importance vitale. Sommes-nous à pied d’œuvre pour étendre ce combat à l’ensemble des missions du secteur des armées et de celles du SGA ? Pourriez-vous détailler concrètement les mesures conduites sous le mandat précédent et celles prévues pour les prochaines années ? Le SGA est-il prêt à réagir à toute cybermenace qui pourrait mettre en péril l’ensemble des politiques transverses de notre ministère des armées ?
M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). En tant que rapporteur des crédits du programme 212, j’ai auditionné ces dernières semaines votre prédécesseure Isabelle Saurat, ainsi que quatre directeurs de votre service, chargés respectivement des ressources humaines, de l’environnement et des territoires, de l’infrastructure et de la culture et des archives. Le 28 septembre, j’ai demandé lors de son audition à Mme Saurat de me fournir des éléments relatifs à un appel d’offres passé par le SGA auprès de cabinets de conseil. Sur le site Tenders Electronic Daily, qui présente un supplément en ligne au journal officiel de l’Union européenne consacré aux marchés publics européens, on peut lire que quatorze lots ont été commandés par le SGA, et plus précisément par la sous-direction des achats du service parisien de soutien de l’administration centrale, pour une valeur totale de 50 millions d’euros hors TVA. Le premier lot a été attribué le 18 mars dernier au cabinet PricewaterhouseCoopers pour une valeur de 3,33 millions d’euros, pour une prestation d’aménagement en vue d’une prise de décision stratégique. Par ailleurs, l’avis d’attribution de marché concernant ce lot précise que ce marché est susceptible d’être sous-traité. Les autres lots concernent des prestations de conseil en ressources humaines, dans le domaine de la chaîne logistique et du maintien en condition opérationnelle requérant une habilitation confidentielle défense, notamment pour le douzième lot. Les éléments que j’ai demandés à votre service sont les suivants : les appels d’offres non retenus, la documentation relative au premier lot, les dates de mission et les décisions d’attribution relatives à ce même lot.
Dans un autre domaine, j’ai demandé à votre prédécesseure de me fournir les simulations effectuées en vue d’élaborer la NPRM. Mme Saurat m’a en effet confirmé que vos services disposaient de ce document.
J’ai par ailleurs demandé en audition au directeur des ressources humaines de me fournir les projets de décrets et d’arrêtés relatifs aux quatre nouvelles indemnités qui seront versées aux militaires en 2023. S’agissant d’une réforme touchant à un sujet aussi sensible que la solde des militaires, il me semble indispensable que le ministère des armées, lorsqu’il soumet au vote du Parlement un PLF déclinant budgétairement cette réforme, lui fournisse en même temps les projets de textes réglementaires définissant les quatre primes concernées.
J’ai enfin interrogé la secrétaire générale de l’administration concernant le vote électronique aux élections professionnelles pour les civils de la défense et je n’ai obtenu qu’une réponse orale du directeur des ressources humaines, mais pas de réponse écrite.
J’ai fait relancer vos services par courriel à deux reprises concernant les informations relatives aux cabinets de conseil, le 3 octobre et le 7 octobre. Vos services ont accusé réception de ces courriels, mais ne m’ont fait parvenir aucun document écrit. Les rares questionnaires qui me sont revenus sont bien plus lacunaires que l’expression orale de vos services. Il n’est pas possible que l’exécutif se soustraie ainsi au contrôle parlementaire. Pouvez-vous vous engager devant cette commission à me faire parvenir les documents demandés d’ici la fin de la semaine ?
M. Jean-Louis Thiériot (LR). La directive sur le temps de travail a fait l’objet d’interprétations de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par l’arrêt du 15 juillet 2021 qui avait appliqué la directive à des militaires slovènes. Le Conseil d’État a rendu un arrêt sur le même sujet concernant la gendarmerie le 17 décembre 2021, sans offrir de réponse tranchée à la question : sommes-nous passés outre les traités ?
Quel est l’état d’avancement de la réflexion de votre secrétariat général sur ce sujet, sachant que cette dernière doit également mobiliser nos partenaires européens ? Il est en effet essentiel à notre identité constitutionnelle, comme l’a rappelé le Conseil d’État, de disposer en tout temps et en tout lieu de nos forces armées.
Mme Delphine Lingemann (Dem). Je souhaite vous interroger sur le rôle et les intentions du SGA dans sa mission d’appui aux forces d’armée, d’anticipation et d’accompagnement de leurs besoins, par le biais du ministère et en lien avec notre base industrielle et technologique de défense (BITD). Dans le contexte que nous traversons, la hausse du prix de l’énergie et de tous les produits et services, notamment en matière de transport, conduit à des pertes de marges significatives pour notre industrie de la défense. Dans le Puy-de-Dôme, le groupe Constellium m’a confié avoir vu sa facture énergétique augmenter de 373 % en quatre ans. Dans quelle mesure le SGA entend-il anticiper les besoins à venir de nos armées en lien et en soutien avec notre tissu industriel de défense ?
M. Loïc Kervran (HOR). Mon groupe est très attaché à la maîtrise des dépenses publiques, à l’efficience et à l’agilité. Nous pensons que la complexité a un coût financier, mais aussi un coût d’opportunités. Quel est l’état d’avancement du bloc de simplification qu’avait évoqué votre prédécesseur lors de son audition sous le précédent mandat ? L’économie de guerre relève peut-être aussi de la simplification du ministère, de ses structures, de son soutien et de ses services.
M. le président Thomas Gassilloud. En tant que seul représentant du groupe Renaissance, je souhaite vous interroger sur les surcoûts Opex. Vous avez évoqué la somme de 12,9 milliards d’euros de titre 2 hors pensions et hors Opex. Que représentent ces surcoûts ? Prennent-ils en charge l’usure du matériel ?
Quelles seront les conséquences opérationnelles et budgétaires du déploiement du SNU au sein du ministère et du SGA en particulier ?
Il nous est fréquemment fait part de difficultés de gestion du titre 2 pour les activités de réserviste, par crainte de dépasser le budget alloué. Il serait utile de mettre en place un système assurant une meilleure flexibilité, afin d’éviter que l’activité des réservistes s’arrête à partir de septembre et que les réservistes soient parfois seulement payés l’année suivante.
Les armées assurent chacune la gestion de leurs ressources humaines. Pour autant, une approche uniformisée des réservistes serait sans doute bénéfique, notamment pour la gestion des systèmes d’information des ressources humaines. Comment envisagez-vous le rôle du SGA dans cette gestion ?
Vous évoquez un turnover de 10 %. Chaque année, 30 000 personnes quittent le ministère des armées. Au-delà de la RO2, un lien ne pourrait-il pas être conservé avec ces ressortissants, qui deviendraient des ambassadeurs de la culture de défense dans notre pays ? Ce lien pourrait prendre une simple forme électronique, par la transmission d’informations régulières ou à travers les délégués militaires départementaux.
M. Christophe Mauriet. Monsieur Rancoule, la question de la cybermenace appelle les administrations à revoir une partie de leur fonctionnement, alors même que la transformation numérique et la mobilité des positions de travail tendent à massifier le volume de données en circulation et le nombre de transactions et d’échanges dématérialisés. Le ministère des armées a été le premier à rechercher la dématérialisation de ses rapports avec ses fournisseurs, marquant son engagement sur le thème de la transformation numérique. Le système d’information financier de l’État, Chorus, en est un exemple intéressant. Chorus constitue un outil vital pour l’État et pour l’ensemble de l’économie marchande. Les transactions commerciales et leur traduction comptable et financière se matérialisent par cet outil. Depuis la crise covid, les précautions prises par l’agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) se sont accrues pour amener les ministères utilisateurs à renforcer les conditions de sécurité d’exploitation de Chorus à distance. Jusqu’alors, le ministère des armées ne permettait une utilisation, qui était exclusivement en présentiel, des postes de travail Chorus. En très peu de semaines, pour maintenir la continuité de ses relations avec ses fournisseurs, le ministère a organisé le transfert du travail sur Chorus sur des enceintes relais et au domicile des agents. Des moyens cryptés ont rapidement été mis à leur disposition. L’AIFE a accrédité les modes opératoires du ministère des armées d’utilisation de Chorus. Nous avons rendu plus robuste notre mode de fonctionnement financier, budgétaire et comptable, sur l’une des principales composantes du système d’information de l’État.
Ainsi, le thème de la résilience cyber est au premier ordre un sujet militaire et opérationnel, mais il est également très présent dans les grandes fonctions administratives. L’attractivité du ministère des armées et la fidélisation de ses collaborateurs sont en partie déterminées par sa capacité à mettre en œuvre des méthodes modernes de travail, qui favorisent notamment la mobilité des agents, depuis l’enceinte du ministère jusqu’à leur domicile. Ces investissements sur le socle numérique avaient été prévus par la LPM, et nous les accentuons à l’occasion de ses ajustements annuels. Cette tendance exigera la poursuite des efforts budgétaires du ministère dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.
Monsieur Lachaud, lorsque les projets produits par l’exécutif présentent un caractère d’élaboration suffisant, des échanges inhérents aux rapports entre l’exécutif et le Parlement peuvent s’ensuivre.
M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Des projets de décrets ont été transmis aux instances de concertation en juillet, ainsi qu’au guichet unique. Ces documents peuvent donc être transmis à la représentation nationale. Je vous rappelle que la LPM donne un pouvoir de contrôle sur pièce et sur place au rapporteur pour avis budgétaire de la commission de la défense. Quand des rapporteurs vous demandent des documents, vous devez les leur transmettre.
M. Christophe Mauriet. Monsieur Thiériot, la directive européenne sur le temps de travail a donné lieu à un intense travail gouvernemental. La singularité de l’état militaire, y compris dans les conditions de travail et d’emploi, était en jeu dans l’application de ce texte. Il me semble qu’une forme d’équilibre s’est établie dans les jurisprudences de la CJUE et du Conseil d’État, laissant intact le cœur de la singularité du régime d’emploi militaire.
M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage assez largement votre analyse. En effet, l’arrêt du Conseil d’État a constaté que la situation était telle qu’elle ne donnait pas lieu de trancher sur l’applicabilité ou non de la directive. Je suis heureux d’entendre que ce sujet reste toutefois au cœur de vos préoccupations.
M. Christophe Mauriet. Madame Lingemann, vous souhaitez savoir quelle aide le SGA peut apporter à ses fournisseurs pour absorber les effets de l’inflation sur les prix de l’énergie. Une réponse légaliste consisterait à dire que l’entreprise siégeant dans votre circonscription est liée à un organisme du ministère des armées par un contrat, qui comprend des clauses. Je ne suis pas certain qu’il soit à la disposition d’un acheteur du ministère des armées de modifier le paramétrage de ces clauses. Comme lors de la crise covid, en cas de circonstances imprévues telles que l’exécution nominale d’un contrat est devenue impossible, le gouvernement peut décider d’accorder au co-contractant des conditions plus favorables que celles auxquelles il a souscrit dans le contrat. Néanmoins, beaucoup de ces contrats contiennent des clauses de hausse économique. Vous auriez d’ailleurs pu me demander comment le ministère des armées pourra absorber l’augmentation du coût de ces fournitures sans perte significative de pouvoir d’achat. Les clauses économiques ont pour but d’assurer un équilibre entre l’évolution concrète des cours des principaux intrants de ces contrats et les relations qui lient l’administration à ses fournisseurs, sur des périodes parfois longues. Si le jeu des clauses de hausse économique est parfois favorable à l’administration, comme lors de la première période de la trajectoire de la LPM, il le sera en effet moins dans les temps à venir. Les clauses de la commande publique me paraissent toutefois conçues de manière équilibrée, et elles garantissent une certaine robustesse face aux déformations apportées par le contexte économique dans une amplitude raisonnable. Lorsque les hausses sont trop importantes, le ministère dispose de certains canaux pour accueillir les co-contractants incapables de poursuivre l’exécution de leurs obligations.
Monsieur Kervran, il est vrai que la crise covid a parfois favorisé des procédures de simplification. Cependant, cette simplification me semble avant tout appelée par la nécessité de traiter certains écueils dans le fonctionnement du ministère. Les processus sont documentés et codifiés. Le ministre nous a demandé de justifier l’existence de ces procédures internes qui ne sont pas toujours requises par la réglementation. Nos efforts de simplification doivent particulièrement cibler les ressources humaines civiles.
Les surcoûts en Opex en matière de masse salariale du titre 2 sont majoritairement constitués par les indemnités pour sujétion de services à l’étranger (ISSE) dues aux militaires engagés sur un théâtre d’opérations extérieures. Les surcoûts hors titre 2 figurent pour l’essentiel au programme 178 et concernent la préparation et l’emploi des forces
Le SNU est en cours de déploiement. Son expérimentation a été conduite par la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, qui relève de l’éducation nationale, en y associant en tant que de besoin les services du ministère des armées.
Je retiens votre idée Monsieur le Président de conserver le lien avec ceux qui quittent l’institution. Ils étaient au nombre de 28 000 cette année. Les gestionnaires de personnels militaires pourraient sans doute mieux que moi exposer cette dimension du retour à la vie civile des anciens ressortissants du ministère des armées.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Je souhaitais vous interroger sur le déménagement des archives de Vincennes. Le choix de disséminer les différents fonds d’archives dans des lieux assez peu accessibles a en effet provoqué d’importantes inquiétudes. Quelles réponses matérielles ou logistiques pourriez-vous y apporter ?
M. Christophe Mauriet. Une première difficulté a résulté de l’accessibilité nouvelle de certains documents qui ne l’étaient pas jusque-là. Je ne suis toutefois pas en mesure de vous répondre sur le siège sur ce que vous estimez être une volonté délibérée de « disséminer » les archives dans des lieux prétendument difficiles d’accès. Il est en tout cas certain qu’il doit résulter une amélioration de la transformation du site de Vincennes. La dévotion du ministère des armées à l’entretien de ses archives est incontestable, et il y consacre – et y consacrera – des ressources humaines, financières et bâtimentaires importantes en tenant compte des contraintes qui sont les siennes. Je serai heureux de vous apporter ultérieurement des éléments de réponse plus précis que ceux dont je dispose pour l’heure.
M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie. Le PLF était l’occasion d’une première rencontre, qui, je l’espère, sera suivie d’autres dans les mois à venir. Trois piliers nous intéresseront en particulier dans nos rapports avec le SGA. La commission a prévu un groupe de travail sur les hommes et les femmes de la défense, qui portera sur la singularité militaire, la rémunération et leur accompagnement général. Ce pilier humain, au-delà des enjeux capacitaires, est sans doute le plus important.
Nous souhaiterions également consacrer une partie de nos travaux au pilier territorial. Nous voudrions associer les députés de la commission aux questions liées aux infrastructures qui se posent dans leur territoire, en les invitant par exemple à suivre les chantiers de construction de nouveaux bâtiments.
M. Christophe Mauriet. Un tableau de bord de suivi des chantiers significatifs pourrait être proposé et mis à votre disposition.
M. le président Thomas Gassilloud. Enfin, dans le cadre d’un troisième pilier juridique, une articulation plus étroite avec la DAJ serait bénéfique à notre production législative. Compte tenu des nouveaux équilibres politiques de l’Assemblée nationale, des textes concernant la défense pourraient émaner de la représentation nationale, alors qu’ils sont historiquement issus du gouvernement. La LPM décrira le noyau capacitaire concernant la défense nationale, mais elle sera probablement complétée d’autres textes, concernant de plus larges domaines, dont certains d’initiative parlementaire.
M. Christophe Mauriet. Je vous prie de croire qu’un intense travail m’attend pour me tenir à la hauteur des questions que vous me poserez dans les temps à venir. Je me tiens à votre disposition pour vous apporter les informations dont vous auriez besoin.
M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie pour cette première audition.
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La séance est levée à seize heures cinquante.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, Mme Delphine Lingemann, Mme Josy Poueyto, M. Julien Rancoule, M. Aurélien Saintoul, M. Jean-Louis Thiériot
Excusés. - M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, Mme Anne Genetet, M. Jean-Michel Jacques, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, Mme Nathalie Serre, M. Bruno Studer, Mme Mélanie Thomin