Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Suite de l’ordre du jour de la matinée.

 

 


Mercredi
19 octobre 2022

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Thomas Gassilloud,
président

 


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La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la sixième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Il suit à la lettre la trajectoire adoptée en loi de programmation militaire 2019-2025. Ainsi, pour 2023, les crédits de la mission Défense s’établissent à 43,9 milliards d’euros, soit 11,6 milliards de plus qu’en 2017, et 3 milliards de plus qu’en 2022. L’impulsion donnée dès 2017 a mis fin à l’érosion de notre outil militaire. Nos investissements ont permis à nos forces armées de renforcer leur supériorité sur les champs de bataille et de s’engager dans de meilleures conditions. La France aura ainsi pu rester crédible aux yeux de ses alliés, notamment européens.

Notre ambition pour 2030 n’a pas changé : permettre à notre pays d’intervenir en tout lieu, tant dans les champs matériels qu’immatériels et en tout temps, là où ses intérêts et sa sécurité sont menacés. Le budget pour 2023 suit ce cap. Il poursuit les efforts indispensables pour moderniser, renouveler et entretenir nos équipements grâce aux 38 milliards d’euros de commande militaire qui soutiendront le tissu économique national ainsi qu’à d’importantes livraisons – treize avions Rafale, un sous-marin nucléaire d’attaque, dix-huit chars Leclerc et 264 véhicules blindés multirôles. Il permettra également d’inscrire notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre et de renforcer notre souveraineté. Ainsi, 2 milliards d’euros seront consacrés à la commande de munitions pour renouveler nos stocks. D’autres crédits sont affectés à la dissuasion nucléaire, à l’espace, aux grands fonds marins, à la cyberdéfense et au renseignement. Le soutien à la recherche et au développement ainsi qu’à l’innovation de défense renforce encore davantage notre autonomie stratégique.

Enfin, ce budget permettra d’améliorer le quotidien de nos militaires grâce aux crédits dédiés au plan famille ou à l’équipement du combattant.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ne faiblit pas. En 2023, les droits acquis pour nos anciens combattants sont maintenus, de même que les moyens alloués à la politique de mémoire, sans parler du large soutien apporté à nos militaires blessés grâce à la pérennisation du dispositif des maisons Athos.

La nation n’oublie pas ceux qui s’engagent pour elle, corps et âme, et qui peuvent parfois être amenés, sur ordre, à donner la mort ou à la recevoir. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ces crédits.

M. Laurent Jacobelli (RN). Le budget de la défense a longtemps été en chute libre. Nos armées ont chèrement payé les dividendes de la paix. Depuis plusieurs années, reconnaissons-le, l’érosion a pris fin et la trajectoire s’est maintenue. Cependant, le monde qui nous entoure a changé. La guerre est à nos portes et l’inflation s’est invitée dans nos débats budgétaires. Les 3 milliards que vous évoquez étaient peut-être, hier, un titre de gloire pour la majorité mais ils ne sont plus aujourd’hui qu’une goutte d’eau dans le budget de nos armées. Les défis sont nombreux. Ce budget aurait pu nous offrir l’occasion de retrouver une souveraineté nationale pour nos équipements et notre stratégie de défense, de rééquiper massivement nos armées, d’expliquer à ces hommes et à ces femmes qui défendent notre pays, qui se battent pour nous, que nous avions compris leurs demandes et que nous allions les satisfaire. Hélas, ce ne sera pas possible.

Ce budget arrive après des années de disette et de déséquipement pour nos armées. Son augmentation ne suffira pas à combler le retard. Lorsque l’on manque d’argent, il faut être pragmatique, non idéologue. Pas si loin de chez nous, la guerre n’est pas une hypothèse mais un risque avéré. La France doit être indépendante, aussi dans son équipement. Lequel voulons-nous ? Comment voulons-nous l’utiliser ? À quelles fins ? Notre décision doit demeurer souveraine. Les programmes SCAF et MGCS nous laissent perplexes. Au mieux, ils sont au point mort, au pire ils vont droit dans le mur. Reprenons la main, faisons confiance à nos industries pour préparer, fabriquer, concevoir nos équipements plutôt que de courir après des licornes européistes.

Votre action en faveur de notre armée est louable mais vous ne faites que le minimum syndical. Des livraisons auront lieu en 2023 pour nos forces terrestres, navales, aériennes et spatiales mais les livraisons de matériel vers l’Ukraine, la vente d’avions Rafale à la Croatie et à la Grèce, le retrait des Mirage 2000-C aggravent le manque de disponibilité des matériels. Le renouvellement des stocks de munitions à hauteur de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement ne sera pas suffisant. Ce n’est pas ainsi que nous relèverons un défi crucial pour notre souveraineté. La filière de munitions de petit calibre est totalement abandonnée. Il faudrait 100 millions d’euros pour repartir du bon pied.

Nos industries de la défense sont victimes, d’autre part, d’une énième ingérence américaine, puisque Exxelia vient d’être racheté par Heico. Sans être une entreprise d’armement, Heico est un sous-traitant qui participe à la fabrication de nos matériels. Que se passera-t-il quand les Américains géreront cette entreprise ? Restons vigilants et bloquons ces pillages organisés par des puissances impérialistes qui ont des vues sur notre défense.

La mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation est marquée par une érosion budgétaire, qui peut s’expliquer par des raisons démographiques. Cependant, n’oublions pas que la plupart des indemnisations sont trop faibles ou ne profitent pas à toutes les personnes qui pourraient y avoir droit. Je pense aux harkis et à leurs familles, qui se battent pour une augmentation du montant de la réparation. Ces hommes et ces femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays, parfois au péril de leur vie ou de celle de membres de leur famille, méritent la reconnaissance de la France. Cette juste reconnaissance de la nation a tardé et ne nous semble toujours pas à la hauteur de ce qu’ils ont accompli pour nous.

En séance publique, un amendement pour défendre la demi-part des veuves d’anciens combattants a été adopté. Cette mesure de justice sociale doit être conservée. Or, on ne sait pas si, dans quelques instants, cet amendement ne disparaîtra pas dans le sillage du 49-3, au mépris de la volonté de la représentation nationale.

Enfin, les crédits de la mission Sécurités progressent de 6 % pour 2023 mais ce ne sera pas suffisant pour répondre aux enjeux de sécurité intérieure : l’explosion de la délinquance, l’aggravation du trafic de drogue, l’immigration incontrôlée et les problèmes d’insécurité qui en résultent jusque dans nos campagnes si l’on en croit le plan de relocalisation du Président de la République. Les Jeux olympiques de 2024 représentent un nouveau défi pour la sécurité, surtout après les événements du stade de France. Nous devons réformer la réserve de la gendarmerie en nous inspirant du modèle des armées, rénover leurs locaux, mieux équiper et recruter. L’implantation de 200 brigades n’est pas suffisamment détaillée.

Vous faites un petit pas là où il aurait fallu de grandes foulées mais parce que nous ne voulons pas priver nos armées du peu de moyens supplémentaires qui leur sont accordés, nous nous abstiendrons.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Je regrette que l’actualisation de la loi de programmation militaire, souhaitée par le Président de la République, ne suscite pas davantage de débats au regard de l’instabilité du contexte mondial. Alors qu’il convient d’arrêter des choix stratégiques, comme notre appartenance à l’Otan, les décisions seront prises dans l’intimité. De même, la tenue régulière d’auditions à huis clos pose un problème. Si les informations relatives à la défense sont confidentielles, est-il pertinent d’user d’un tel procédé à l’endroit de députés qui représentent le peuple ?

Notre groupe salue la progression du budget mais les fameux 3 milliards d’euros supplémentaires promis ne sont pas au rendez-vous. Ce budget ne tient pas compte de l’inflation, estimée à 4,2 % en 2023. Ne serait-ce que pour leur préparation opérationnelle, nos forces seront durement affectées. Le budget est par ailleurs amputé des 357 millions d’euros nécessaires à la revalorisation de l’indice de la fonction publique. Ces coûts supplémentaires auraient dû s’ajouter aux crédits et non s’y fondre.

Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ne cessent de faiblir. Pourquoi ne pas pérenniser le budget et affecter les sommes non dépensées du fait de la disparition de certains anciens combattants, à d’autres actions ? Nous proposerons des amendements en ce sens, pour améliorer la prise en charge des blessés psychiques ou étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbaries durant la deuxième guerre mondiale et les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

Alors que le ministre annonce le doublement des effectifs de la réserve opérationnelle, aucune mesure n’est prise en ce sens dans le budget pour 2023. Les 1 500 créations nettes de postes civils, notamment dans le renseignement ou la cyberdéfense, sont salutaires mais comment renforcerez-vous les effectifs opérationnels envoyés sur les théâtres d’opérations ? Nous ne pouvons que nous inquiéter des conséquences de l’insuffisance des capacités et des cessions pour la disponibilité de nos matériels. Par rapport au contrat opérationnel, la disponibilité des canons de 155 millimètres passe de 90 % à 58 %. Dans la chasse, celle des appareils passe à 69 %. Dans l’armée de l’air, seuls 65 % des objectifs d’intervention prévus par le contrat opérationnel ont été atteints. Quelles seront les conséquences de la cession d’une partie de nos lance-roquettes unitaires ? Nous ne remettons pas en question ces livraisons et ces cessions mais nous devons rester vigilants.

Concernant les fonds marins, les 3,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et les 3,1 millions d’euros en crédits de paiement ne sont pas à la hauteur de l’enjeu que représente la maîtrise des fonds marins. Agissons dès maintenant en augmentant les crédits.

Pour ce qui est de l’espace, le projet de loi prévoit 702 millions d’euros de crédits de paiement en 2023, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente. C’est louable mais certains défis sont oubliés, comme la météo spatiale et les débris, qui sont les principaux responsables de la dégradation de nos équipements.

Enfin, nous vous proposons de créer un nouveau programme, consacré à la transition énergétique et écologique. Le ministère a publié une stratégie Climat et défense, en avril dernier. Remplacer 150 chaudières qui représentent 10 % du parc, notifier deux contrats de performance énergétique, c’est bien, mais est-ce suffisant pour répondre au défi du dérèglement climatique ? Il est temps d’accélérer. Nous devons réfléchir à l’après-pétrole. Nous sommes bien conscients de la difficulté de s’approvisionner en biocarburants mais promettre que les avions utiliseront 1 % de carburant biojet en 2023 ne suffira pas.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote de ce budget qui, malgré tout, va dans le bon sens.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Notre responsabilité, au sein de cette commission, est immense. Pensons à ceux qui vivent sous les bombes en Ukraine, aux tensions qui persistent en Afrique, à nos hommes qui restent présents dans la bande sahélo-saharienne, à la compétition stratégique qui se joue sur l’ensemble du globe et dans tous les océans.

Gardons ces images en tête et remémorons-nous nos prédécesseurs qui siégeaient ici même en 1933, en 1936, en 1938, à l’heure où les périls croissaient en Europe, où les chars allemands occupaient la Rhénanie, où était décidé l’Anschluss. Les événements d’Ukraine nous renvoient à ces heures funestes : on meurt à la guerre à deux heures de Paris.

Le vote de ce budget est un symbole fort et essentiel. Nos démocraties doivent se défendre, notre sécurité doit être garantie, l’unité et la résilience de la nation sont essentielles. Ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à la bâtir.

Venons-en à ce budget : 3 milliards d’euros ne sont pas une goutte d’eau. Les engagements pris dans la loi de programmation militaire sont tenus, pour la première fois de notre histoire.

L’inflation, cependant, reste une réalité et emporte des conséquences pour notre projet de loi de finances dont la progression est plus proche des 2 milliards d’euros que des 3 milliards.

Nous avons pourtant tous cru aux dividendes de la paix et nous avons tous accepté de réduire les dépenses militaires. Il serait à présent irresponsable de ne pas voter ce budget. Le rendez-vous majeur sera celui de la loi de programmation militaire, en 2023. Elle devra mesurer les défis, les menaces et les intérêts français, ne rien sacrifier et tirer les leçons de la guerre en Ukraine. J’espère que le travail que j’ai réalisé avec Patricia Mirallès sur la préparation à la haute intensité sera utile.

Nous voterons ce budget pour assurer la sécurité de ceux qui défendent notre pays, au péril de leur vie.

Mme Delphine Lingemann (Dem). L’objectif de la loi de programmation initiale, qui était de réparer, a été respecté. L’effort budgétaire pour la mission Défense s’inscrit dans cette continuité. En progression de 3 milliards d’euros, il s’élève à près de 44 milliards d’euros. Désormais, nous évoluons dans un contexte géopolitique profondément modifié par le conflit en Ukraine. La situation exceptionnelle nous commande d’accélérer l’effort de préparation des armées aux affrontements à haute intensité afin de gagner la guerre avant la guerre.

Les crédits de la mission reflètent les ambitions et les priorités portées par le chef de l’État, le ministre des armées et notre majorité, pour une année 2023 qui sera une étape intermédiaire entre la loi de programmation militaire en cours et celle qui sera votée pour 2024-2030 et qui intégrera les nouveaux enjeux stratégiques.

Notre groupe salue la continuité de l’action menée depuis 2017 grâce à un budget qui remet les femmes et les hommes de la défense au cœur de notre capacité de défense, améliore les conditions de vie et d’engagement grâce à la création de nouveaux postes, la livraison d’équipements essentiels au quotidien du soldat et la poursuite du plan famille. Ce budget permet également de poursuivre les efforts engagés pour attirer et fidéliser les personnels, notamment par la conduite de la dernière étape de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Les crédits de cette mission traduisent notre volonté de préparer l’avenir de nos forces armées en accordant une place singulière à l’humain et la priorité aux investissements dans les secteurs clés pour les conflits de demain : le renseignement, l’espace, le cyberespace et le numérique. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera les crédits de la mission Défense.

La mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation accorde une place sans précédent aux publics qui relèvent des dispositifs de réparation dans le cadre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Nous nous en réjouissons et nous saluons le droit à pension des victimes d’actes de terrorisme pour les attentats commis avant le 1er janvier 1982. Cette mesure de justice était attendue. La revalorisation générale des pensions militaires, d’invalidité et de la retraite du combattant entrera en vigueur le 1er janvier prochain, avec un an d’avance. C’est louable.

La journée défense et citoyenneté bénéficiera d’un budget de 21,2 millions d’euros. Thucydide disait que la force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux mais dans le caractère de ses citoyens. La force de notre cité tient à sa force morale. Nourrissons-la pour qu’elle fasse battre le cœur de notre pays. Aidons nos jeunes à affronter l’adversité pour qu’ils deviennent plus résistants à l’épreuve, plus résilients au conflit.

Quant à la mission Sécurités, on compte 100 000 gendarmes d’active contre 150 000 policiers. Si les deux forces couvrent la même densité de population et poursuivent les mêmes objectifs de sécurité nationale, les gendarmes interviennent dans 96 % du territoire national contre 4 % seulement pour les policiers. Forte de près de 3 100 unités territoriales, la gendarmerie nationale est un atout majeur dans notre continuum géographique sécuritaire. Celui-ci doit cependant être renforcé par la création de 200 brigades et l’amorce d’une nouvelle étape dans la stratégie globale, par un schéma d’emploi ambitieux et une hausse des effectifs de la réserve opérationnelle – 50 000 réservistes à l’horizon 2027 – sans que celle-ci ne devienne une variable d’ajustement du budget de la gendarmerie.

Nous devons également donner à la gendarmerie les moyens de s’adapter aux nouvelles frontières de la délinquance en lui permettant d’être toujours plus moderne et innovante notamment sur le volet numérique et cyber et d’amplifier son action en passant d’une logique de guichet à une logique du pas de porte. Notre groupe votera ce budget qui inclut tous ces aspects.

Mme Anna Pic (SOC). Nous regrettons la baisse des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation mais nous reconnaissons qu’elle s’explique par la disparition d’anciens combattants. Il aurait été cependant préférable de les sanctuariser pour répondre aux attentes des associations représentatives. Surtout, alors que le Gouvernement s’apprête à revaloriser la valeur du point de pension militaire et la retraite du combattant pour un montant global de 41,6 millions d’euros, les crédits reculent de 107 millions d’euros dans le PLF pour 2023, ce qui trahit l’insincérité de ce budget.

D’autre part, les crédits globaux consacrés aux actions menées en faveur des rapatriés n’augmentent que de 6 millions d’euros alors que le droit à réparation, prévu dans la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis, augmente de 15 millions d’euros. Seule une hausse globale de 15 millions d’euros aurait permis de maintenir un budget constant et un niveau de crédit équivalent pour tous les autres dispositifs de soutien à l’égard des harkis.

Au cours de l’examen de la mission, nous défendrons l’augmentation des crédits de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) à hauteur de 1 million d’euros pour lui permettre d’honorer les engagements pris dans le cadre du dispositif de réparation institué par la loi de 2022. Nous serons attentifs au sort réservé à l’amendement qui tend à étendre le dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire à tous les veufs et veuves d’anciens combattants. Par ailleurs, nous nous étonnons du transfert de dispositifs initialement dédiés à la jeunesse vers le service national universel. Il ne peut être confié à l’armée une mission éducative qui n’est pas la sienne.

Pour ce qui est de la mission Défense, le budget, en hausse, est conforme aux engagements pris dans le cadre de la loi de programmation militaire. L’effort est indéniable mais le respect de la trajectoire de la LPM est faussé par l’inflation, évaluée à 4 % par le Gouvernement. De surcroît, les reports de charges annoncés supposent que nous devrons procéder à des rattrapages dans les prochains textes budgétaires. D’autres limites ont été posées à cette progression, ces dernières semaines. La première concerne l’effectivité de la montée en puissance défendue par le Président de la République dans le cadre d’une économie de guerre. En effet, elle impose d’intensifier l’effort dont nos principaux industriels ne cessent d’interroger la soutenabilité. Ils doutent également des capacités humaines et financières des PME sous-traitantes avec lesquelles ils travaillent. De surcroît, la maintenance des nouveaux matériels d’ores et déjà livrés et utilisés par nos armées coûte plus cher et impose de former les personnels.

Nous saluons la nouvelle politique de rémunération des militaires qui clarifie les régimes indemnitaires mais un rééquilibrage entre la rémunération indiciaire et la rémunération indemnitaire s’impose pour répondre aux défis de l’attractivité et de la fidélisation.

Par ailleurs, il semble hasardeux de diminuer les autorisations d’engagement du programme de dissuasion à l’heure où la Russie menace de recourir à l’arme atomique, ce que les États-Unis prennent au sérieux.

Nous défendrons un amendement pour augmenter la dotation gazole allouée à nos forces armées pour supporter la volatilité des prix du baril, instaurer des modules de formation spécifique de sensibilisation aux enjeux de la préservation de l’environnement, octroyer une reconnaissance financière à tous les personnels soignants du service de santé des armées.

Quant à la mission Sécurités, le Gouvernement répond en partie aux besoins mais la création de 200 nouvelles brigades pose la question de leur déploiement. Une implantation réfléchie, coordonnée et planifiée serait préférable à une mise en concurrence entre les collectivités locales pour leur obtention. Comment les brigades mobiles et les brigades fixes seront-elles réparties ?

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

M. Yannick Favennec Bécot (HOR). En 2023, le budget des armées françaises augmentera, pour la sixième année consécutive. Depuis 2017, chaque année, la trajectoire budgétaire est conforme aux engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Depuis mars 2021, les combats de haute intensité qui se déroulent aux portes de l’Europe, auxquels s’ajoutent une montée des tensions dans l’espace indo-pacifique et une reconfiguration du dispositif français en Afrique, appellent de nouveaux efforts. Les crédits de la mission Défense progressent de 3 milliards d’euros cette année pour permettre à nos armées de s’adapter et de réagir rapidement dans l’ensemble des théâtres d’opération mais aussi d’identifier les futurs enjeux sécuritaires. Il nous reste cependant beaucoup à faire et la loi de programmation militaire 2024-2030 nous permettra de tracer une nouvelle trajectoire.

La France n’est pas seule. Elle agit avec ses partenaires européens et ceux de l’Otan. C’est pourquoi notre groupe salue la consécration, dans les dépenses de l’État, des programmes de coopération bilatéraux et européens pour développer de nouvelles technologies d’armement. À l’heure où certains brandissent la menace nucléaire, il est fondamental de renforcer les capacités de la France pour asseoir notre autonomie stratégique. Celle-ci grandira d’autant plus grâce à l’ensemble des nouveaux moyens consacrés sur terre, en mer, dans le ciel et l’espace.

Le programme 146 vise à mettre à disposition des armées les armements et matériels nécessaires à l’accomplissement de leur mission et concourir au maintien des savoir-faire industriels français et européens. Rappelons, dans la perspective de la prochaine LPM, que nous devons donner à notre base industrielle et technologique de défense (BITD) les moyens de comprendre les exigences des armées et la manière de s’adapter en cas de besoin. Les commandes sur le long terme donnent à notre industrie de défense la visibilité qui lui permet d’inciter toute la chaîne à réaliser les investissements nécessaires et éviter les ruptures capacitaires.

Au-delà du domaine capacitaire, l’examen de ce budget nous rappelle le caractère fondamentalement humain de l’action du ministère des armées. Notre groupe est sensible aux efforts engagés pour poursuivre le plan famille, accompagner et fidéliser nos soldats grâce à des indemnisations plus justes, et améliorer leurs conditions d’exercice. Nous devons cet effort à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection des Français, parfois au péril de leur vie.

La mission Sécurités pour 2023 prévoit de renforcer les effectifs sur la voie publique et de porter une attention particulière aux territoires ruraux. Nous nous félicitons de la création de 200 communautés de brigades.

Enfin, la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation joue un rôle essentiel en ce qu’elle incarne l’hommage que la nation rend à nos armées pour l’engagement et les sacrifices de nos soldats au service de la sécurité de notre pays. Les actions portées par la mission témoignent de la reconnaissance de la nation envers les anciens combattants et visent à susciter l’adhésion de l’ensemble de la population aux enjeux et aux efforts consacrés à la défense et à la sécurité nationale.

Même si ce budget recule par rapport à l’année dernière, les crédits alloués à cette mission accompagnent la transformation profonde constatée par le monde combattant. Ils prennent en compte la diversification des pensions et des aides versées au-delà de la condition militaire aux victimes de guerre, d’attentats et à leurs familles.

Notre groupe salue les efforts de reconnaissance pour les harkis et l’extension du droit à pension aux victimes d’actes de terrorisme pour les attentats commis avant 1982.

La transformation du monde combattant tient compte de l’évolution des générations. Les combattants qui ont servi en Opex sont plus jeunes, encore actifs, et comptent davantage de femmes. Nous saluons aussi les dispositifs prévus pour réhabiliter les soldats le plus tôt possible, comme les maisons Athos.

Enfin, les efforts consentis pour la politique de mémoire à travers la restauration et la mise en valeur du patrimoine sont indispensables mais nous devons veiller à l’avenir des associations d’anciens combattants qui ont perdu pas moins de 300 000 adhérents entre 2014 et 2021.

Notre groupe votera ces crédits.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Notre groupe votera ces crédits. Tous les parlementaires doivent envoyer un signal fort de soutien à nos militaires et au monde combattant. Cependant, ce vote ne doit pas être interprété comme un blanc-seing donné au Gouvernement.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, je salue l’adoption, en première partie, des amendements qui ont permis d’étendre le bénéfice de la demi-part fiscale. Cette véritable avancée corrige une injustice fiscale. Le financement de cette dépense fiscale sera-t-il maintenu et inscrit dès 2023 ? Nous regrettons en revanche que le budget continue à se contracter. De 2,5 milliards en 2017, il est passé à 1,9 milliard.

D’autre part, le service national universel est le grand oublié de cette mission alors que le monde combattant a un rôle à jouer auprès des jeunes. Le bleu budgétaire traduit la volonté du ministère des armées de prendre part à sa montée en puissance mais aucun crédit budgétaire n’est fléché en ce sens.

La mission Défense m’inquiète. Les 3 milliards de hausse ne sont qu’un trompe-l’œil budgétaire. Les crédits doivent être relativisés au regard des reports de charge, du coût de la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique et de l’inflation.

Concernant les renseignements, à l’heure des conflits de haute intensité, l’enveloppe de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) progresse en 2023 après une baisse de près de 4 % de ses crédits de fonctionnement et d’intervention l’an dernier. Les failles du passé ne pèsent-elles pas sur nos échecs ?

L’incapacité des services à prévoir l’invasion russe de l’Ukraine, les coups d’État au Sahel ou la trahison de l’Australie dans l’affaire des sous-marins conduit à s’interroger. Il faudrait que le ministère se positionne clairement sur nos objectifs en matière de renseignement : veut-on simplement se mettre à niveau ou rattraper nos concurrents ?

S’agissant de la BITD, nos industriels vont être extrêmement sollicités, alors même qu’ils sont affectés par l’inflation. Nous devons faire face à plusieurs demandes : l’appui continu à l’Ukraine, la reconstitution des stocks de nos armées, la livraison des commandes aux États. L’accès au financement bancaire demeure difficile, surtout pour les PME. Les négociations entre Bercy, les banques et les entreprises n’ont pas permis de faire avancer les choses. Il est difficile, dans ces conditions, d’élaborer une nouvelle feuille de route pour notre tissu industriel militaire. Ce sont autant d’enjeux qui nécessitent de rectifier le tir au moyen d’une nouvelle LPM.

Notre groupe tient à saluer l’effort engagé en faveur de la gendarmerie nationale, dont les crédits avoisinent désormais 10 milliards. Les gendarmes avaient dû faire face à une contraction violente du nombre des brigades, qui étaient passées de 3 600 à 3 100. Nous saluons la création, prévue par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), de 200 nouvelles brigades. Notre groupe attend encore des éclaircissements sur les efforts qui seront menés en faveur des territoires. La concertation évoquée avec les élus locaux va dans le bon sens, mais se traduira-t-elle par des financements permettant de répondre aux spécificités de chaque territoire et aux demandes des élus locaux ?

 

 

 

 

 

Mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons maintenant à l’examen des amendements sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis.

Pour la mission « Anciens combattants mémoire et liens avec la nation », nous sommes saisis de quatre amendements. Pour votre complète information, sur les huit amendements initialement déposés, un a été retiré et trois ont été considérés comme irrecevables par le président de la commission des finances, dont j’ai suivi l’avis. Plus précisément, deux d’entre eux – nos 4 et 16 – relevaient de la première partie de la loi de finances et un – le n° 17 – créait une charge et modifiait un article de loi abrogé.

 

Article 27 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN1 de M. Bertrand Pancher et autres

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Cet amendement vise à inscrire dans la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation un soutien budgétaire de l’État à l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) Mémorial de Verdun – Champ de bataille. Bien que la structure de l’EPCC implique un partenariat entre l’État et les élus locaux, le Mémorial de Verdun reste délaissé par l’État. En dehors de rares subventions pour l’organisation d’expositions temporaires, le coût du fonctionnement de l’établissement repose uniquement sur les collectivités : le département de la Meuse en prend en charge 85 % et la région, 15 %. Compte tenu de son importance pour la mémoire nationale, le Mémorial doit recevoir un soutien budgétaire de l’État, qui pourrait être de l’ordre de 30 % du besoin de financement public de l’EPCC, soit 300 000 euros par an, répartis également entre la mission Anciens combattants et la mission Culture.

Cet amendement vise, d’une part, à créer, au sein de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, un programme ad hoc Soutien à l’EPCC Mémorial de Verdun – Champ de bataille et, d’autre part, dans le seul but de respecter les règles de recevabilité budgétaire, à réduire d’un même montant, en AE et en CP, les crédits de l’action 08 du programme 169. Lorsque je lui avais posé la question, la ministre m’avait répondu que l’État n’était pas propriétaire de l’établissement. Toutefois, il est représenté au conseil d’administration, et nous ne comprenons pas sa réticence en la matière.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. En tant qu’élue du Grand Est, je suis très sensible à votre proposition. L’État, à travers la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) du ministère des armées, ainsi que de l’ONACVG, accompagne les territoires dans le développement du tourisme de mémoire. Depuis le début des années 2010, des actions sont menées pour animer le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains, dont le Mémorial de Verdun fait partie. Par ailleurs, le ministère des armées soutient, par voie de convention, les collectivités territoriales et les associations porteuses de projets d’équipements mémoriels à portée nationale, voire internationale. Depuis le lancement du cycle du centenaire de la première guerre mondiale, le ministère a apporté son soutien à soixante projets mémoriels d’envergure – pour un budget d’environ 20 millions –, qui prennent en compte l’ensemble des conflits contemporains et assurent un équilibre entre les territoires. En 2022 et 2023, 800 000 euros seront consacrés au soutien de projets muséographiques et mémoriels. La requalification du Mémorial de Verdun fait partie des projets soutenus par la DMCA à hauteur de 1,5 million, au côté de neuf autres projets dans la région Grand Est. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). Étant moi aussi élu du Grand Est, je suis très sensible à cet amendement, que notre groupe soutient. Sans mémoire, il n’y a pas de construction d’un esprit national ni de reconnaissance de ce que pourrait être un futur en commun.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Verdun occupe une place particulière dans notre mémoire collective. Tous les soldats ont eu, à l’époque, l’obligation d’y combattre. Des financements pérennes sont nécessaires pour entretenir ce lieu de mémoire.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je voudrais témoigner des efforts qu’a déployés le Mémorial en termes muséographiques. Je me félicite, comme l’a souligné la rapporteure, que les investissements à venir soient à la hauteur du devoir de mémoire que nous avons envers ce haut lieu.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Nous avons tous énormément de respect pour le Mémorial, qui fait partie des lieux de mémoire qui seront soutenus par le Gouvernement. Il n’y a donc pas de raison de s’inquiéter.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN2 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et autres

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Cet amendement vise à assurer le financement de l’octroi d’une demi-part fiscale supplémentaire à l’ensemble des veuves d’anciens combattants. Lors des débats sur la première partie du budget, en commission des finances, un amendement – CF334 – a été adopté pour octroyer cette demi-part. Au cours des discussions, le coût de la mesure a été estimé à 80, voire 100 millions. Nous vous proposons de sécuriser les crédits nécessaires afin que l’État accorde enfin cet appui fiscal aux veuves de nos soldats. Il serait aisé de financer cette mesure car les crédits de la mission Anciens combattants diminuent mécaniquement d’année en année : ils ont baissé de 150 millions dans le PLF pour 2023 par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. L’amendement précité a été déposé en première partie du PLF car il diminue les ressources fiscales de l’État du fait de l’extension de la demi-part à un nombre plus élevé de bénéficiaires. Il ne me paraît pas opportun de diminuer les crédits dévolus au financement de la dette viagère des anciens combattants pour financer cette mesure d’ordre fiscal. Avis défavorable.

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). La demi-part fiscale est un dispositif exceptionnel qui a connu plusieurs extensions. Une évaluation est en cours au sujet de son financement, dont les résultats doivent être connus rapidement, comme s’y est engagée devant nous Patricia Mirallès. Notre groupe s’opposera à l’amendement, car il ne se fonde pas sur une évaluation solide du coût du dispositif.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN6 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement a pour objet d’augmenter de 1 million les crédits de l’ONACVG, notamment pour honorer les engagements pris dans le cadre du dispositif de réparation institué par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français. Il s’agit d’accroître les crédits en faveur des harkis et de leurs enfants au titre de la solidarité nationale ainsi que de la reconnaissance des services rendus à la France.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Le PLF pour 2023 propose une augmentation des crédits de 14 millions par rapport à la loi de finances pour 2022, ce qui porte à 60 millions la dotation visant à financer le droit à réparation institué par la loi du 23 février 2022. Il ne ressort pas des auditions que j’ai menées que ce montant soit insuffisant pour faire face aux demandes reçues. Au 28 septembre 2022, 2 953 dossiers avaient fait l’objet d’une réponse favorable pour un montant total de 25,6 millions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN18 de M. Aurélien Saintoul et autres

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Cet amendement vise à améliorer la prise en charge des blessés psychiques de guerre par le biais d’une nouvelle maison Athos. Les militaires s’engagent dans des opérations de plus en plus longues et intenses, ce qui risque d’accroître fortement le nombre de blessés psychiques dans les mois et les années à venir. Le dispositif actuel est insuffisant, puisque les trois maisons ouvertes depuis 2021 assurent la prise en charge individualisée de seulement 150 personnes, soit 5 % des blessés officiellement reconnus.

Même si le PLF prévoit la création de deux nouvelles maisons Athos, nous proposons d’en créer une troisième pour couvrir convenablement tous les militaires affectés, encourager les militaires à recourir à ce dispositif et se prémunir face à la prochaine augmentation du nombre de blessés psychiques. Ces blessures mettent parfois plusieurs années à se manifester et peuvent survenir bien après un engagement. C’est pourquoi il faut disposer de centres d’accueil nombreux, fonctionnels et situés sur de nombreux territoires.

L’article 40 de la Constitution nous empêche d’augmenter les dépenses et rend seulement possible le transfert de crédits d’un programme à un autre. La mission Anciens combattants n’étant constituée que de deux programmes, nous avons dû puiser dans les crédits du programme 158, que nous ne souhaitons nullement amoindrir. Nous appelons donc le Gouvernement à lever le gage.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Si je ne peux qu’approuver, sur le fond, cet amendement, vous voudrez bien concéder que le PLF va dans le bon sens. Il prévoit d’abonder, à hauteur de 2,9 millions, la subvention pour charges de service public de l’ONACVG pour financer la pérennisation des maisons Athos. Trois maisons, à Bordeaux, Toulon et Aix-les-Bains ont été ouvertes depuis 2021, et deux nouvelles doivent être mises en service en 2023. Ces structures faisaient l’objet, jusqu’à présent, d’expérimentations menées par l’armée de terre ; il n’est donc pas anormal que leur développement soit progressif, même si je partage votre souhait qu’elles soient présentes dans un grand nombre de territoires. Je rappelle qu’il s’agit de structures non médicalisées qui ne constituent pas, fort heureusement, la seule option pour les militaires blessés psychiques. L’institution nationale des Invalides (INI) développe une offre médicale de pointe en faveur des blessés victimes de stress post-traumatique. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Nous serons tous d’accord pour dire que nous ne faisons jamais assez pour nos blessés. La prise en charge des blessés psychiques, qui sont de plus en plus nombreux, est difficile, car les intéressés doivent accepter l’idée qu’ils sont blessés. Nous devons tout faire pour faciliter leur prise en charge, et les maisons Athos constituent, à cet égard, un excellent dispositif. Nous nous félicitons que le Gouvernement crée deux nouvelles maisons mais, en notre qualité de représentants de la nation, nous pouvons allouer les financements pour en créer une troisième. J’avoue ne pas comprendre votre frilosité, Madame la rapporteure.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Nos blessés bénéficient d’un dispositif global qui ne se réduit pas à ces établissements. Nous sommes en train de monter en puissance mais nous ne pouvons pas aller plus vite car il y a, derrière, un accompagnement à mettre en place. Les 2,9 millions constituent déjà une grande marche pour 2023 et nous irons certainement plus loin.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. On peut toujours faire plus mais il faut être responsable. On peut déjà saluer ce qui est fait par le Gouvernement, ainsi que l’action de l’INI en faveur des blessés psychiques.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation non modifiés.

 

Mission Défense

 

M. le président Thomas Gassilloud. La commission est saisie de vingt-neuf amendements. Sur les quarante-neuf qui avaient été initialement déposés, sept ont été retirés et treize ont été déclarés irrecevables, soit parce qu’ils comportaient des erreurs dans les mouvements de crédits ou leur justification – c’est le cas des amendements nos 32, 36, 37, 38, 40 et 44 –, soit parce qu’ils ne relevaient pas du domaine des lois de finances – cela concerne les amendements nos 9, 15, 19, 20, 21 et 22. Enfin, l’amendement no 13 relevait du compte d’affectation spéciale Pensions.

 

Article 27 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN7 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). La mission Défense prévoit pour 2023 une dotation en gazole de 33 036 867 euros, correspondant à un volume de 20 600 mètres cubes pour nos forces armées, en très légère augmentation par rapport au PLF pour 2022. Le Gouvernement table sur un prix du baril de pétrole de 88 euros. Cette prévision ne tient pas compte de la grande volatilité des cours liée à l’évolution du marché, qui est actuellement fortement affecté par la dégradation de l’environnement international. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés propose d’augmenter de 5 % la dotation gazole allouée à nos forces armées, pour un montant de 1,651 million. Cette somme tient compte de l’augmentation des tarifs de cession ainsi que du volume de carburant nécessaire à l’activité de nos forces armées en 2023, qui pourrait s’accroître.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Votre amendement est utile, car le cours du brent a été manifestement sous-estimé dans le projet de budget, comme il l’avait été l’année dernière. Si le montant de 1,651 million est insuffisant pour compléter le reste à charge de nos armées, c’est tout de même mieux que rien. Avis favorable.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Cet amendement, comme les trois suivants, témoignent de la volonté qui nous anime toutes et tous que les forces armées aient les moyens de leurs ambitions. Cela étant, les montants proposés – 1,6 million, 50 millions, 200 millions… – montrent combien nos prévisions divergent concernant la volatilité du cours du baril. Il ne faut pas laisser croire que nos armées ne disposent pas de moyens suffisants et que nous n’avons pas la possibilité de réabonder en cours d’année la ligne budgétaire des carburants, faculté prévue par l’article 5 de la LPM. Au nom de mon groupe, je vous invite donc à repousser cet amendement, comme les trois suivants.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le service de l’énergie opérationnelle (SEO) détient un compte de commerce abondé par le programme 178, qui lui sert à acheter l’essence et à la revendre à ses utilisateurs – nos armées, les armées alliées ou des entreprises privées effectuant en particulier des essais. Ce compte a été abondé cette année à hauteur de 600 millions ; il peut présenter un découvert d’un montant maximal de 125 millions. Fin août, le compte de commerce étant à zéro, le SEO a dû utiliser son découvert en veillant à ne pas dépasser la limite fixée. Il ne peut y parvenir qu’en ponctionnant d’autres lignes du programme 178, ce qui met en tension la totalité de ce programme. C’est cela que nous voulons éviter. Le Gouvernement aurait pu choisir d’activer l’article 5, mais il ne l’a pas fait cette année. Il aurait pu aussi, dès juillet, augmenter la ligne dédiée à l’essence dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR). J’espère que le PLFR de décembre abondera ce programme.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN8 de Mme Anna Pic et autres

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement vise à abonder les crédits destinés à la préparation des forces navales. Le respect du contrat opérationnel pour la fonction de protection n’est que de 89 %, soit le niveau le plus faible de toutes les forces armées. Les autorisations d’engagement en matière de préparation des forces navales sont en forte diminution – de près de 32 %, soit d’environ 1,3 milliard –, ce qui montre que l’on envisage un contrat opérationnel général plus faible pour la marine en 2023. Le constat est particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE). Comme l’indique le projet annuel de performances (PAP) Défense, « le niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance maritime devrait se maintenir jusqu’en 2025, le parc des moyens aériens et maritimes restant quantitativement équivalent ». Ce taux de couverture restera donc très faible.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cet amendement et les suivants, qui ont trait au renforcement de nos moyens pour la marine nationale, présentent des objectifs louables mais proposent des moyens discutables. Je comprends mal le gage sur lequel reposent les amendements de Mme Pic et de Mme Galzy qui visent à abonder l’action 03, Préparation des forces navales, du programme 178 d’un montant, respectivement, de 5 millions et de 1 million. Vous prélevez ces sommes sur l’innovation et le soutien à nos forces alors qu’on a montré à quel point ces domaines sont essentiels à la marine nationale. Dans le même ordre d’idées, une série d’amendements du Rassemblement national vise à abonder le programme des sous-marins ou celui des patrouilleurs océaniques en prélevant les crédits sur la journée défense et citoyenneté, qui est une brique essentielle du lien entre l’armée et la nation. Enfin, l’amendement de M. Tanguy me semble redondant avec celui de ses collègues puisqu’il vise à l’acquisition de deux patrouilleurs outre-mer (POM) supplémentaires.

La majorité présidentielle apporte une grande attention à la ZEE et aux territoires d’outre-mer (TOM), comme le montre l’accroissement des moyens de notre armée, tant dans le budget que dans la loi de programmation en cours. Il est prévu d’acheter cinq POM supplémentaires, le premier étant en essais à Brest et devant être livré en 2023. Un sixième bateau est prévu pour 2025. Le PLF affecte à cette fin 1,4 milliard en AE et 114 millions en CP. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons votera contre ces amendements.

Mme Anna Pic (SOC). Comme l’exposé sommaire l’indique, le gage nous est imposé par l’article 40 de la Constitution. Nous espérons que le Gouvernement, conscient de la nécessité de préserver les crédits de l’ensemble des programmes, le lèvera.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous voterons en faveur de l’amendement, car il vise à accroître le budget de la défense.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons des modules de formations spécifiques pour sensibiliser les armées à la préservation de l’environnement. L’amendement abonde à cette fin les crédits en faveur de la formation.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Votre amendement reprend une proposition d’un rapport d’information de Mme Santiago et de M. Fiévet qui avait été adopté par notre commission. Il est toujours utile de former aux enjeux climatiques. Avis favorable.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Je doute de la pertinence des amendements portant sur la transition écologique et énergétique de nos armées. En effet, celles-ci sont déjà fortement engagées en la matière. Le ministère des armées a une responsabilité particulière en matière d’environnement, en sa qualité de premier propriétaire foncier de l’État. Il assume parfaitement ce rôle, comme le montrent les mesures qu’il prend en faveur de la sobriété et de la transition énergétique. Ces actions sont formalisées dans le cadre d’une stratégie ministérielle pour la performance énergétique visant à réduire la dépense énergétique des infrastructures du ministère et à développer l’utilisation d’énergies renouvelables et de capacités d’autoproduction.

Ces mesures représentent 114 millions en AE et 58 millions en CP dans le PLF2023 pour le plan Place au soleil. On relève 18 contrats de performance énergétique, 50 millions pour le plan Eau, un fonds d’intervention de 3 millions pour l’environnement et plus de 10 millions prévus en 2023 pour le remplacement progressif d’ici à 2031 de près de 1 600 chaufferies au charbon ou au fioul. Mentionnons aussi les zones classées Natura 2000, les missions de lutte contre la pollution de la marine nationale ou encore les partenariats du ministère des armées avec diverses organisations protectrices de l’environnement et de la biodiversité.

Dans le cadre de l’élaboration du rapport d’information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, j’ai été témoin, avec Isabelle Santiago, de cet engagement, qui a permis la restauration de 700 hectares de pelouses sèches, la protection de 3 hectares de milieux humides et la réinsertion d’une espèce d’oiseau protégée, l’outarde canepetière, sur le camp de la Valbonne, grâce au programme Life.

De leur formation jusqu’à leur camp de base, les militaires sont sensibilisés aux enjeux environnementaux. Plusieurs bases ont signé des conventions avec les agriculteurs pour permettre à leurs animaux de venir pâturer sur les terrains militaires. Enfin, je suis convaincu que nos soldats sont aussi sensibilisés, en tant qu’individus, à ces enjeux.

Il faut accompagner le ministère dans ses initiatives. Je ne crois pas que les mesures proposées par les amendements II-DN11 et II-DN12, ni le fléchage auquel invite l’amendement II-DN10, constituent des dépenses pertinentes. Nous voterons donc contre ces amendements.

Mme Anna Pic (SOC). Je me réjouis que le ministère engage des investissements et soit sensibilisé à l’environnement, mais l’amendement vise à abonder une ligne précise : l’action 08, Politique culturelle et éducative, du programme 212.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Dans le cadre de leur formation initiale, nos militaires sont sensibilisés à l’environnement. Il est quelque peu choquant de vous entendre dire que les formations sont mal faites et que nos soldats ne sont pas sensibilisés à l’écologie. Lorsqu’ils se déplacent, ils sont très respectueux de l’environnement. Votre amendement, à cet égard, n’est pas recevable.

Mme Anna Pic (SOC). À aucun moment je n’ai dit que les soldats étaient mal formés, mais il me paraîtrait utile de prévoir une formation tout au long de la vie sur la sensibilisation à l’environnement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cher Jean-Michel Jacques, il ne vous revient pas de juger de la recevabilité d’un amendement : je vous remercie de bien vouloir respecter le travail de vos collègues.

Cet amendement ne vise pas à remettre en cause les formations destinées aux militaires mais à en faire davantage pour l’environnement. Je me souviens d’un chef d’état-major pour qui l’armée de terre s’y connaissait en écologie puisque les soldats étaient tous habillés en vert… Un peu de formation tout au long de la vie ne peut pas faire de mal !

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’un des scénarios proposés par la Red Team Défense montre comment nos forces pourraient être très rapidement mises en difficulté si elles ne disposaient plus de moyens de ravitaillement. L’enjeu de leur indépendance sur le champ de bataille est pris très au sérieux par les militaires.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Cet amendement n’est que de l’affichage. L’efficacité opérationnelle de nos armées dépend de leur capacité à se fondre dans tous les milieux : le bateau qui laisse des ordures derrière lui ou le fantassin qui ne respecte pas la nature sera le premier à se faire détecter. Par ailleurs, Monsieur Lachaud, en disant que l’amendement n’était pas recevable, notre collègue Jean-Michel Jacques s’attachait à l’esprit du droit, et non à un problème de recevabilité.

M. Jean-Michel Jacques (RE). En effet, je ne me prononçais pas sur le plan légistique mais sur le fond.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN23 de M. Aurélien Saintoul et autres

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Il s’agit de créer un programme dédié à l’adaptation du ministère des armées aux conséquences du changement climatique, dans le but d’intégrer un nouveau logiciel de réflexion au sein de nos armées et d’y associer des moyens spécifiques. En 2020, la consommation de carburant représentait 76 % de la facture énergétique de la défense, qui s’élève à 840 millions d’euros. Il est donc nécessaire de trouver des alternatives, notamment lorsque les ambitions en matière de recours au biocarburant ne s’élèvent qu’à 1 % dans le PLF pour 2023. La création de ce programme permettra de financer la réalisation d’une étude d’impact de l’empreinte carbone des trois armées et de préciser comment assurer notre défense en recourant moins aux énergies fossiles, en adaptant nos équipements et nos méthodes d’intervention, et en vérifiant la qualité des locaux hébergeant nos trois armées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Les services de nos armées, qui ont tous conscience des enjeux de la bifurcation écologique et souhaiteraient agir, sont bien souvent limités par l’absence de budget dédié. La création de ce programme permettrait d’y remédier.

M. Laurent Jacobelli (RN). Il faudra me donner le nom du cabinet qui fait l’étude d’impact pour 1,3 million : vu le prix, c’est probablement McKinsey ! Considérant tous les manques que nous avons constatés dans l’armement et qu’il faut financer, il faut arrêter de faire des propositions de ce type. Dépenser de telles sommes pour faire des études paraît incongru. Nous voterons contre.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Les armées sont déjà engagées dans un effort de bifurcation pour réduire leur dépendance énergétique. Cela fait partie de la préparation de l’avenir et, à court terme, le plan d’investissement immobilier dans les bâtiments publics, en particulier dans l’immobilier de la défense, est déjà engagé. Je le constate dans ma circonscription avec la rénovation thermique de plusieurs bâtiments qui abritent nos soldats.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Je suis un peu ébahi de constater que, une fois de plus, l’amendement est gagé sur le programme 144. En l’occurrence, s’il y a bien un programme dans lequel on fait de l’innovation sur les carburants et sur la transition écologique des armées pour penser le futur et préparer l’avenir, c’est bien celui-ci ! Il y a là une incohérence de fond qu’il est difficile de comprendre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de M. Aurélien Saintoul et autres

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens alloués à la sécurisation des fonds marins. La France, deuxième puissance maritime au monde, a besoin de moyens de surveillance pour protéger ses câbles sous-marins et ses ressources.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La maîtrise des fonds marins nécessite des moyens de surveillance des grandes profondeurs mais aussi d’intervention. Ces capacités existent : a été nommé auprès du sous-chef Opérations un adjoint en charge de maîtrise des fonds marins, tandis que des sociétés travaillent activement à développer des moyens d’actions dans les grands fonds. Enfin, une mission flash aura pour objet de tirer un certain nombre d’enseignements sur ce sujet et nous permettra d’enrichir la future LPM. Je vous propose de rejeter cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de M. Aurélien Saintoul et autres

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Le SSA (service de santé des armées) continue de souffrir des suppressions d’effectifs réalisées lors de la RGPP (révision générale des politiques publiques) et a été très fortement mis sous tension lors de la pandémie. Il est désormais nécessaire de lui donner des moyens supplémentaires pour remplir ses missions, notamment dans la perspective d’un conflit de haute intensité.

Mme Corinne Vignon (RE). L’augmentation de 1,3 million d’euros prévue dans le PLF pour 2023 permettra au service de santé des armées de commander une plateforme logistique santé, d’engager un effort sur la sécurisation des HIA (hôpitaux d’instruction des armées) et d’acquérir les équipements nécessaires pour moderniser les unités médicales opérationnelles et les antennes de réanimation ou de chirurgie de sauvetage.

L’article 42 du PLF corrige en outre une inégalité de traitement entre les personnels du SSA. Ceux qui sont en fonction dans les hôpitaux interarmées perçoivent le CTI (complément de traitement indiciaire) instauré à la suite du Ségur de la santé. Une majoration de traitement indiciaire est donc créée pour les personnels soignants relevant du ministère des armées mais n’exerçant pas directement en milieu hospitalier et qui, de ce fait, étaient privés du CTI.

Enfin, avec le retour de la haute intensité des conflits en Europe, la LPM nous permettra de réviser les capacités des SSA.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Michaël Taverne et autres

M. Michaël Taverne (RN). Il vise à interpeller le Gouvernement sur les raisons de la réduction du budget alloué aux moyens de simulation de notre dissuasion nucléaire         – moins 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et moins 70 millions d’euros en crédits de paiement –, alors que cet outil est indispensable pour préserver la crédibilité de nos forces nucléaires, sans laquelle la dissuasion ne remplit plus sa mission.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Depuis 2017, les crédits consacrés à la dissuasion ont augmenté de 47 % – ils s’élèveront à 4,6 milliards en 2023 – tandis que ceux dédiés à la simulation ont augmenté de plus de 50 millions d’euros : c’est considérable. La légère baisse prévue pour 2023 est en ligne avec les besoins exprimés par les porteurs du programme : il n’y a donc pas d’alerte particulière sur notre capacité à simuler notre arsenal dissuasif.

Par ailleurs, pour financer votre amendement, vous ponctionnez des crédits de la journée défense et citoyenneté, ce qui est contreproductif au regard des objectifs qui devraient normalement tous nous rassembler.

M. Loïc Kervran (HOR). L’excellence de la France dans le domaine de la simulation permet de comprendre la baisse des crédits. Tous les outils qui ont été développés – laser Mégajoule, installation radiographique Epure, supercalculateurs Tera, réacteur d’essai RES – ont permis d’en réduire considérablement les coûts.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN33 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). Les tensions sur la disponibilité des hélicoptères font que nous n’atteignons pas les objectifs en heures de vol fixés par la LPM. Il convient de renforcer nos investissements dans ce domaine afin d’être toujours plus opérationnel et efficace. Il est donc proposé de prélever 3,35 millions d’euros sur le budget des dépenses de personnel des cabinets pour augmenter le budget consacré aux hélicoptères NH90.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Votre amendement ne relève pas du programme 146 mais du programme 178 puisqu’il concerne le maintien en condition opérationnelle (MCO). Par ailleurs, vous le financez en prélevant sur des crédits qui n’ont aucun rapport. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN34 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). La capacité de projection est capitale pour nos armées. Avec le retour des guerres de haute intensité, le transport de matériel lourd retrouve toute son importance. Après le retrait du C160 Transall, l’A400M est devenu un atout précieux, qu’il convient de prioriser au sein du budget. Il nous semble donc judicieux de prélever des crédits sur le budget consacré au cabinet ministériel pour les investir dans l’A400M.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’A400M ne connaît pas de problème d’approvisionnement : la trajectoire est respectée à la lettre et l’armée de l’air et de l’espace recevra en 2023 son vingt-deuxième A400M. Par ailleurs, vous prenez sur les crédits des cabinets pour financer un renforcement potentiel de programmes qui fonctionnent déjà. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN35 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). Nos sous-marins sont un atout décisif pour surveiller et protéger les mers et les océans. En cas de guerre de haute intensité, la France, deuxième surface maritime mondiale, sera inévitablement menacée sur son territoire maritime. Notre flotte doit donc demeurer opérationnelle et être capable d’intervenir partout et rapidement afin de protéger notre intégrité nationale. L’entretien régulier de la flotte de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda coûte cher et nécessite des investissements toujours plus importants. Nous proposons de supprimer la journée défense et citoyenneté (JDC), anecdotique dans la vie des Français et donnant peu de résultats, et de transférer les crédits correspondants au programme d’investissement dans les sous-marins.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je ne peux pas laisser dire que la journée défense et citoyenneté est anecdotique : je vous invite à vérifier les effets de ce dispositif et, plus largement, du service national universel (SNU).

Concernant votre amendement, je suis assez étonné : l’action consacrée aux Barracuda est la sixième action la mieux dotée du programme 146. Il n’y a pas de besoin ni de difficulté dans les livraisons, qui suivent leur cours. Avis défavorable.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En matière de construction navale, il y a des réalités : les capacités des bassins et des ateliers à produire et à sortir les bâtiments. La construction des SNA et le déroulement du programme Barracuda répondent à une planification d’une finesse incroyable, qui n’autorise aucun retard ni aucune commande supplémentaire, car nous enchaînerons ensuite avec le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) 3ème génération. Cet amendement doit être rejeté.

M. Laurent Jacobelli (RN). Alors que nous discutons des amendements depuis un long moment, j’en tire trois conclusions. Premièrement, aucun amendement de l’opposition ne sera adopté.

Deuxièmement, vous confondez systématiquement les gages avec un transfert de dépenses – vous pouvez arrêter maintenant, je crois que nous avons compris votre message et votre entêtement.

Troisièmement, les marques de mépris ne devraient pas être affichées dans cette commission. On peut ne pas partager le même avis : nous pensons que la journée défense et citoyenneté ne sert absolument à rien : on ne devient pas patriote en un jour, on ne prend pas conscience de la défense nationale en un jour, et il faudrait réformer le SNU, qui est une gigantesque colonie de vacances. Vous faites de l’affichage ; nous faisons du fond. Essayons de faire un travail sérieux !

M. Christophe Blanchet (Dem). La JDC est utile à au moins deux titres : d’une part, elle constitue à 25 % la base de recrutement des armées et, d’autre part, elle permet d’identifier les décrocheurs. Si le parcours n’est pas encore efficace à 100 %, il permet tout de même d’en aider quelques-uns. Quant au service national universel, il contribue à faire de nos jeunes des Français qui s’investissent dans le devoir de mémoire et développent leur esprit patriotique. Vivez l’expérience de l’intérieur, comme je l’ai fait à plusieurs reprises : vous pourrez ainsi la critiquer.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Vous nous accusez de faire de l’affichage, tout en jugeant insuffisante la marche budgétaire à 3 milliards : cela n’a pourtant rien de négligeable et s’inscrit dans la trajectoire de 300 milliards fixée par la LPM pour porter le budget de la défense à 2 % du PIB. C’est un effort auquel les Français consentent parce qu’ils sont tout à fait conscients de la nécessité que nos armées montent en puissance.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je crois que vous avez parfaitement résumé le problème de fond : vous estimez que ces 3 milliards sont un pas en avant suffisant. Nous considérons qu’avec l’inflation et les reports de charges, ces 3 milliards ne font qu’assurer la continuité. Il n’y a pas de véritable progression, alors que nous avions beaucoup reculé dans les années passées. Ce que vous faites mine de ne pas comprendre, c’est que les différents amendements ne sont pas des transferts mais des demandes d’augmentation de budget, pour fournir davantage d’équipements à nos armées. Ce budget, même s’il est en augmentation sur le papier, n’est pas suffisant. Si vous continuez à nous sortir les mêmes éléments de langage pour éviter le débat, nous allons tourner en rond pendant deux heures !

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez voté une LPM à 300 milliards, certes, mais avec pour seul objectif d’atteindre les 2 % du PIB. Or ce seuil n’a été atteint qu’à la suite de l’effondrement du PIB consécutif à l’épidémie de covid-19 : cela démontrait bien l’inanité d’un tel objectif. Alors que le ministre affirme vouloir co-élaborer la prochaine LPM avec les oppositions, vous ne voulez absolument rien entendre de nos propositions concernant le budget : cela augure mal de la suite. De plus, puisque, à vous entendre, tout va très bien, pourquoi faire une nouvelle LPM ? Pourquoi ne pas aller jusqu’au terme prévu de 2025 ?

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Vous avez raison : nous avons déjà atteint les 2 % du PIB ; et pourtant, ce n’était pas l’objectif principal. Notre effort d’investissement porte essentiellement sur les équipements et la part du budget qui leur est affectée est considérable comparée à celle des autres pays européens.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Pensez-vous que le contexte économique et géopolitique n’a pas évolué depuis 2017 ? Il y a eu des changements majeurs – crise sanitaire, guerre en Europe… Votre LPM n’est pas l’alpha et l’oméga en toute chose. Nos armées sont dépourvues en matériel, en formation et en munitions. Certes, la LPM est respectée à l’euro près, mais ce n’est pas suffisant. De plus, l’inflation n’a pas débuté en 2022, elle a existé aussi entre 2018 et 2022 : cela aussi consomme du crédit.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Alors que l’on nous avait vendu cette LPM à hauteur d’homme, on nous explique aujourd’hui que l’essentiel de ce texte consiste en investissements dans du matériel. À quoi sert d’avoir du matériel si nous n’avons pas de soldats formés pour le manœuvrer ? Or nous rencontrons un vrai problème de fidélisation. Force est de constater que les 3 milliards, qui plus est grevés par l’inflation, ne tiennent pas compte de la globalité du problème.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je tiens à poser une question aux membres des groupes liés à la majorité : êtes-vous disposés à accepter ne serait-ce qu’un amendement de l’opposition ou bien avez-vous décidé de tout rejeter et de camper sur vos positions ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN39 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Les forces françaises étant dépendantes de l’importation pour les munitions de petit calibre, il est primordial de retrouver une filière souveraine de production dans ce domaine. Or le budget ne traite pas de ce problème. Pour y remédier, nous vous proposons de débloquer 100 millions en les prélevant sur les crédits de la journée défense et citoyenneté. Puisque je dois vous expliquer la politique des gages, nous souhaitons que le gage ne soit pas levé et que le Gouvernement comprenne l’importance de ces munitions.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je vous invite à ce que l’on échange dans le cadre des groupes de travail sur la future LPM car c’est un sujet légitime. Certains sujets comme l’agenda de relocalisation relèvent du débat sur l’économie de guerre. Remettre en place ces filières en France nécessite des changements structurels importants : ce sont donc des sujets LPM. Il faudra en débattre en amont de manière un peu plus structurée que dans le cadre du PLF pour 2003. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN42 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Les machins qui ne servent à rien peuvent être des sources d’économies. L’Agence européenne de défense, censée faire travailler vingt-six pays sur des projets d’armement, écrivait elle-même que ces rapprochements n’avaient pas lieu, signant ainsi le constat de sa propre incapacité. Quand les pays veulent travailler ensemble, ils peuvent le faire : pas besoin d’une agence pour les y forcer. Vous cherchez des économies pour financer des programmes pour nos armées : je vous en propose pour 7,5 millions.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cette fois-ci, vous essayez de supprimer des crédits de manière pure et simple, en estimant que l’Agence européenne de défense ne sert à rien. On peut en débattre sur le fond mais cette agence finance le Fonds européen de la défense, qui a eu un rôle non négligeable dans l’organisation des livraisons d’armements à l’Ukraine, qui soutient l’effort d’innovation et de construction de programmes conjoints et qui renforce la BITD européenne. Je ne peux pas comprendre qu’on annule purement et simplement, sans autre projet, une agence européenne qui, en dépit de difficultés, remplit des missions essentielles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Il s’agit d’un amendement d’alerte.

Le brouillage et le leurrage des signaux GNSS sur le champ de bataille sont des menaces désormais clairement identifiées, qu’elles émanent de forces irrégulières équipées de brouilleurs achetés sur internet ou de plus grandes puissances. Les capacités en matière de guerre électronique de pays comme la Russie nous montrent qu’il ne faut pas compter sur le seul réseau satellitaire pour la géolocalisation de nos systèmes. La tentation de renforcer les receveurs, incarnée par le programme européen Omega (Opération de modernisation des équipements GNSS des armées), nourrit une fuite en avant : s’il est nécessaire de sécuriser les receveurs à usage militaire, ces derniers ne sauraient être une solution réellement efficace.

La France a la chance de disposer de deux industriels en mesure de fournir des solutions inertielles haute performance, c’est-à-dire capables de naviguer de manière autonome, sans signal GNSS, avec une dérive dans le temps opérationnellement acceptable. Le budget alloué au programme Omega aurait suffi à équiper de telles centrales une part conséquente de notre parc de véhicules terrestres.

À l’heure du combat collaboratif dans le cadre du programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), perdre les données de navigation d’un véhicule peut avoir de graves conséquences opérationnelles. Nous invitons donc les décideurs publics à équiper rapidement nos véhicules de solutions inertielles.

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN46 de Mme Stéphanie Galzy et autres

Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement d’appel vise à interpeller le Gouvernement sur la capacité de nos armées à surveiller nos zones économiques exclusives (ZEE). La marine nationale n’a pas les moyens de le faire et les pillages halieutiques dans l’océan Indien, notamment au large des îles Éparses, représentent un gros enjeu économique et environnemental. La France, puissance maritime mondiale, doit doter sa marine en patrouilleurs et réaliser des investissements dans les nouvelles technologies.

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN47 de M. Frédéric Boccaletti et autres

M. Frédéric Boccaletti (RN). Je serai très bref, puisque tous les amendements de l’opposition vont être rejetés, quel que soit le groupe dont ils émanent. Je regrette que le sectarisme de la Macronie ait fait son apparition dans cette commission, où les choses se passaient très bien jusqu’à présent. Il faut dire que c’est la première fois que nous procédons à des votes : dès qu’il y a de la démocratie, cela dérange la Macronie !

Une commission d’enquête du Sénat a dévoilé en mars 2022 que les dépenses de l’État en prestations de conseil avaient été multipliées par trois entre 2018 et 2021 et que 18,2 % d’entre elles concernaient le ministère des armées en 2021. Parmi les cabinets qu’il emploie, des américains, des britanniques et des néerlandais ; bref, des puissances étrangères sont mêlées aux affaires militaires nationales.

Pour 2023, ce budget est en augmentation de 3,92 % pour atteindre près de 90 millions d’euros. Le contexte géopolitique nécessite de revoir nos priorités stratégiques et les financements doivent servir en priorité à rendre opérationnelles nos armées. En revenant au niveau de 2018, on économisera plus de 60 millions que nous proposons de reverser à la marine nationale.

L’amendement sera rejeté, mais je le redéposerai en vue de la séance.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il y a méprise : le budget des cabinets de conseil, qui était de 50 millions l’an dernier, est sur le poste du secrétariat général pour l’administration (SGA). Là, vous retirez des crédits au cabinet du ministre : vous le privez de tous ses moyens d’agir. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de revoir en vue de la séance le poste budgétaire visé.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN48 de Mme Stéphanie Galzy et autres

Mme Stéphanie Galzy (RN). Il vise à revaloriser de 3 millions d’euros le budget alloué à la hausse du nombre d’apprentis dans les armées, en réduisant d’autant la contribution française à l’Agence européenne de défense (AED).

Le développement de l’apprentissage est un objectif partagé par l’ensemble des groupes politiques. Un effort supplémentaire serait bénéfique pour les jeunes et pour nos armées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Défavorable. L’apprentissage n’est pas la bonne solution aux problèmes d’attractivité et de fidélisation au sein de nos armées. La moitié des contrats d’apprentissage aboutit à une rupture avant terme.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN49 de M. Jean-Philippe Tanguy.

 

Amendement II-DN50 de M. Michaël Taverne et autres

M. Michaël Taverne (RN). Dans le contexte international actuel, marqué par le retour de la guerre en Europe, il est indispensable d’assurer la bonne préparation de nos forces. L’effort budgétaire consenti cette année à cette fin est insuffisant.

Le budget prévoit une diminution de 2,1 millions d’euros des crédits de paiement alloués aux systèmes d’information et de communication (Sic), mais une hausse de 1,9 million de ceux des cabinets du ministère des armées – sans doute principalement pour compenser l’inflation, mais il faut un effort supplémentaire. Vous avez parlé de soutien à nos forces armées et d’efforts sur les équipements : soyez cohérents. Nous proposons que les fonds nécessaires à cette hausse soient symboliquement transférés vers les Sic, enjeu structurant, y compris pour la dissuasion. Ceux d’entre vous qui connaissent le terrain savent combien la communication est essentielle en matière opérationnelle.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne connais pas la justification de la baisse. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN51 de M. Julien Rancoule et autres

M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit d’abonder de 18 791 578 euros l’action 06-14, Assurer la crédibilité de la dissuasion M51, du programme 146. Vu le regain de conflictualité déstabilisant le continent européen, il apparaît absolument nécessaire que la France consolide sa dissuasion nucléaire, garante de notre sécurité et de notre indépendance.

Pour des raisons de recevabilité, la somme est prélevée sur le budget alloué à la journée défense et citoyenneté du programme 212, Soutien de la politique de la défense. En effet, à l’heure du développement du SNU, les JDC sous leur forme actuelle perdent en pertinence. À mon collègue qui les vantait, je dirai que ce n’est pas le rôle de l’armée de détecter le décrochage et qu’il sous-estime nos enseignants, les plus à même de le faire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je vous rassure : les M51.3 sont soutenus à hauteur de 809 millions d’euros dans le PLF pour 2023 et les travaux sur le quatrième incrément seront lancés en 2023. Avis défavorable.

M. Christophe Blanchet (Dem). Les enfants sortis du système scolaire qui vont faire leur JDC n’ont pas été repérés par les enseignants.

Nos travaux ont montré que la JDC était à améliorer ; j’estime à titre personnel qu’elle n’accomplit pas toutes ses missions. Sa transformation en SNU permettra d’atteindre nos objectifs, mais elle est progressive : le SNU ne peut être instauré du jour au lendemain faute de moyens humains et de structures d’accueil. En attendant, la JDC fournit une base de recrutement à nos armées et permet d’identifier quelques décrocheurs. Ne supprimons donc pas un dispositif qui a prouvé son efficacité dans certains domaines, notamment le sens de la citoyenneté et du patriotisme, et ne le mettons pas en concurrence avec l’éducation nationale : chacun ses responsabilités.

M. Laurent Jacobelli (RN). Bravo : nous devenons la seule commission qui n’accepte aucune remarque de l’opposition. J’ai été naïf, ainsi que mon groupe : nous avons toujours loué la qualité des débats, l’ouverture et l’écoute qui nous paraissaient y régner – à quelques exceptions près, mais M. Bayou n’est pas là aujourd’hui. Désormais, quoi que l’on dise ou fasse, la réponse est non, assortie au mieux d’un argument, au pire d’un regard méprisant.

Comment allez-vous expliquer, en sortant d’ici, que vous n’avez rien accepté d’aucune opposition ? Vous le faites sous les yeux de ceux qui suivent nos débats. C’est la quintessence de la Macronie : cause toujours, tu m’intéresses ! Je veux bien que vous ayez raison sur tout et nous sur rien ; statistiquement, c’est quand même très peu probable. En revanche, la probabilité que vous souffriez d’un manque d’humilité et d’écoute est de moins en moins nulle.

Soit vous continuez ainsi, ce qui vous envoie dans le mur – et, soyons très clairs, cela nous sert, mais cela ne sert pas les Français ; soit vous assouplissez vos positions et vous écoutez un peu ce qui se dit en face. Si, depuis 2017, vous aviez raison sur tout, les Français s’en seraient aperçus !

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Par nature et par tradition, notre commission s’est toujours caractérisée par le consensus et le respect mutuel. Je ne comprends pas le durcissement brutal de vos postures alors que nos travaux étaient, au départ, très constructifs.

Nos différences d’approche résultent de nos histoires et de nos visions politiques respectives. Quand vous attaquez l’Agence européenne de défense, on reconnaît bien le Front national et son opposition à tout ce qui est européen. Certains de vos amendements pourraient être intéressants, mais si nous les avions tous acceptés, comme vous les avez gagés sur l’essentiel des finances du cabinet du ministre des armées – qu’a-t-il bien pu vous faire ? –, il n’y aurait plus d’argent pour le faire tourner.

Manifestement, certains d’entre vous ont encore besoin d’apprendre à maîtriser la mécanique parlementaire. Vous essayez de vous victimiser en permanence, mais ça ne marchera pas. Puisque vous voulez faire de la politique, faisons-en : vous voulez dépouiller des missions essentielles à la défense pour essayer de donner du crédit à votre action, qui est incompréhensible. Je regrette vraiment que nous en arrivions là. Si nos débats n’étaient pas filmés, votre approche ne serait pas la même. On a bien compris que vous vouliez préparer les esprits à ce qui va être débattu à partir de dix-sept heures. Les membres de notre commission, les militaires qui nous regardent, tous ceux qui sont attachés à l’esprit de défense ne méritent pas cela.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je le répète, notre commission restera la seule qui n’aura pas écouté l’opposition, qui n’aura voté aucun de ses amendements. Vous pouvez dire que le Rassemblement national n’est pas un parti compétent ; les Français en ont jugé autrement. Il est vrai que vous avez une certaine expertise en la matière, ayant fait un bon nombre de partis ces dernières années. Vous pouvez ne pas vous remettre en cause – je vois que vous avez très vite adopté les habitudes de la Macronie –, mais la situation soulève des questions. Je crois m’être exprimé poliment, je n’ai pas fait d’esclandre ; je vous dis simplement que je regrette cet état de fait. Vous l’avez dit, cette commission est composée de gens sérieux, le dialogue y est en général de qualité. Aujourd’hui sont venus s’y inviter la posture et le mépris ; c’est dommage. Pour le coup, c’est peut-être lié à la présence des caméras : vous êtes tous beaucoup plus amènes quand elles ne sont pas là.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN52 et II-DN53 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il faut augmenter les budgets essence de nos armées pour tenir compte du cours du brent. On ne peut pas partir du principe que le baril sera à 63 euros en 2023. Au lieu d’avoir à abonder le programme en cours d’année, faisons-le maintenant : c’est du bon sens.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Ne devrais-je pas donner mon avis sur l’amendement II-DN52 ?

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN54 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les dépôts de munitions du Simu (service interarmées des munitions) sont pour la plupart classés site Natura 2000. Cela nous garantit de vastes espaces naturels protégés favorisant la biodiversité, mais chaque fois que le Simu veut faire des travaux, il se heurte à des contraintes qui entraînent des surcoûts. L’amendement vise à compenser ceux qui affectent la rénovation du camp de Miramas en raison de la présence de chênes-lièges remarquables.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je maintiens que, pour l’amendement II-DN52, j’étais le rapporteur pour avis. L’erreur n’est pas dramatique, mais que l’on puisse au moins s’exprimer de temps en temps !

M. le président Thomas Gassilloud.  Il pouvait y avoir deux rapporteurs pour avis, puisqu’il s’agit de la préparation des forces aériennes, mais que l’amendement abonde aussi la préparation et l’emploi des forces. N’y voyez aucune marque de rejet. Vous pouvez intervenir à tout moment si vous le souhaitez.

 

Amendement II-DN55 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les effectifs du service d’infrastructure de la défense (SID) ont diminué ces dernières années alors que le nombre de projets qu’il doit traiter s’accroît avec la hausse constante de crédits prévue par la LPM. Le SID est donc obligé d’externaliser la réalisation d’opérations, ce qui induit de fortes augmentations budgétaires pour les armées, de 4 à 5 millions d’euros pour certains projets. Je propose d’allouer des fonds au recrutement de fonctionnaires qui feront le même travail à moindre coût, pour un meilleur rendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN56 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme pour le logement, il faut un grand plan de rénovation des restaurants de nos armées, dont plusieurs font régulièrement l’objet de signalements par les services vétérinaires et sont menacés de fermeture administrative.

M. Laurent Jacobelli (RN). Sur le principe, nous sommes d’accord, mais comment arrivez-vous au montant de 80 millions ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une estimation au vu du nombre de restaurants à rénover et du coût moyen de rénovation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN57 de M. Bastien Lachaud

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’aurais aimé donner un avis favorable, ne serait-ce que pour contredire nos collègues du Rassemblement national, et je remercie Bastien Lachaud de sa sollicitude envers le programme 178, mais je ne crois pas opportun de prendre 50 millions au programme 146.

L’article 5 de la LPM permet précisément de couvrir ce type de besoins. M. Lachaud nous dira qu’il n’a pas été utilisé en 2022, mais on ne peut préjuger pour autant qu’il ne le sera pas en 2023.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Sur le premier point, dès lors que l’exposé sommaire précise que l’auteur de l’amendement souhaite la levée du gage par le Gouvernement, il est malhonnête d’utiliser cet argument.

Quant à l’article 5 de la LPM, il n’a été activé ni en 2022 ni les années précédentes pour couvrir le surcoût Opex. Cela nous fait craindre qu’il ne le soit jamais. Espérons qu’il en ira autrement de l’éventuel article équivalent dans la future LPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-DN3 de M. Christophe Naegelen et autres

M. le président Thomas Gassilloud. Il n’est pas défendu.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous le reprenons !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN11 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons au Gouvernement un état des lieux précis des besoins en matière de préservation de l’environnement dans le secteur de la défense, qui ne sera pas épargné par le changement climatique. Comme l’a souligné en mai 2021 la mission d’information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, ces enjeux doivent être anticipés et les besoins chiffrés.

Le rapport demandé devra aussi évaluer l’opportunité de la création, à terme, d’un budget dédié aux questions environnementales pour le ministère des armées, pour qu’elles ne soient pas des variables d’ajustement mais l’objet d’un vrai plan d’action, d’une feuille de route claire énumérant des priorités qui soient financées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Puisque, quand l’Assemblée nationale fait des rapports, leurs auteurs eux-mêmes les jugent insuffisamment précis pour être transformés en loi, l’Assemblée devrait en effet, dans sa sagesse, s’en remettre au Gouvernement…

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN12 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à intégrer la dimension environnementale dans les actions du ministère des armées. En effet, le secteur militaire a d’importantes responsabilités en la matière du fait de sa grosse consommation énergétique et du fort impact environnemental de ses actions. Nous demandons par conséquent au Gouvernement un rapport évaluant la politique environnementale du ministère – biodiversité des terrains militaires, recyclage des déchets, transition énergétique des infrastructures et des systèmes d’armes.

Contre la préconisation de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN14 de Mme Anna Pic et autres

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à octroyer une reconnaissance financière à tous les personnels soignants du service de santé des armées, sans distinction.

La crise sanitaire a mis sur le devant de la scène ceux qu’on a appelés les « premiers de corvée », longtemps absents des débats politiques. Pour revaloriser les salaires des personnels travaillant dans les métiers du soin, le Gouvernement a instauré un complément de traitement indiciaire de 49 points d’indice, correspondant actuellement à un montant de 189 euros nets. Cette décision ne peut être que saluée.

Toutefois, plusieurs centres appartenant au SSA, au premier rang desquels le centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) et l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), n’ont pas bénéficié du CTI. Ces établissements sont pourtant essentiels au bon fonctionnement des hôpitaux des armées. Sous prétexte que les personnels paramédicaux touchaient le CTI, leur prime de service annuelle a été gelée en 2021 et 2022, alors que les travailleurs de l’Établissement français du sang obtenaient l’équivalent du CTI.

Tout au long de la crise sanitaire, les travailleurs du SSA ont été en première ligne, autant que d’autres personnels de santé en France. Cette inégalité de traitement n’est donc pas justifiée.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Favorable. La grille salariale du SSA est liée à celle des personnels civils, mais, bien souvent, la transposition de modifications bénéficiant à ces derniers, comme le Ségur, prend de trop longues années.

La commission rejette l’amendement.

 

Mission Sécurités – Gendarmerie nationale

 

Aucun amendement n’ayant été déposé, la commission émet directement un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités – Gendarmerie nationale non modifiés.

 

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La séance est levée à seize heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Benoît Bordat, M. Yannick Chenevard, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Martine Etienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Murielle Lepvraud, Mme Delphine Lingemann, Mme Brigitte Liso, Mme Pascale Martin, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Anna Pic, M. François Piquemal, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, Mme Nathalie Serre, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Julien Bayou, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Anne Genetet, M. David Habib, M. Olivier Marleix, Mme Josy Poueyto, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin