Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

–  Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de Mme Marie-Anne Barbat-Layani, dont la nomination à la présidence de l’Autorité des marchés financiers est proposée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination (M. David Guiraud, rapporteur)              3

  Examen, pour avis, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (n° 274) (M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis)              19

  présences en réunion...........................43

 


Mercredi
12 octobre 2022

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 10

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

Mme Véronique Louwagie,

Vice-Présidente

 

Puis

M. Éric Coquerel,

Président


  1 

La commission entend, en application de l’article 13 de la Constitution, de Mme Marie-Anne Barbat-Layani, dont la nomination à la présidence de l’Autorité des marchés financiers est proposée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination (M. David Guiraud, rapporteur).

Mme Véronique Louwagie, présidente. Par courrier en date du 29 septembre, la Première ministre a demandé à Mme la présidente de l’Assemblée nationale de bien vouloir solliciter l’avis de la commission compétente sur le projet de nomination de Mme Marie-Anne Barbat-Layani en qualité de présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Par un communiqué du même jour, le Président de la République avait fait savoir que, sur proposition de Mme la Première ministre, il envisageait de nommer Mme Barbat-Layani à ces fonctions.

Conformément aux termes de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, le président de l’Autorité des marchés financiers est nommé par décret du Président de la République pour une durée de cinq ans. Son mandat n’est pas renouvelable. C’est ainsi que M. Robert Ophèle, qui avait été nommé président de l’AMF à compter du 1er août 2017, a vu ses fonctions cesser le 31 juillet 2022. Depuis lors, c’est M. Jean-Claude Hassan, membre du collège de l’AMF depuis 2013, désigné par le vice-président du Conseil d’État, qui assure les fonctions de président par intérim.

Les fonctions de président de l’AMF figurent sur la liste des emplois et fonctions annexée à la loi organique du 23 juillet 2010 pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, à savoir un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.

L’article 1er de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 confie à la « commission compétente en matière d’activités financières » le soin d’émettre cet avis. Il dispose que cet avis est précédé d’une audition de la personne dont la nomination est envisagée. Cette audition est publique, sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale, et ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public.

Madame Barbat-Layani, il revient donc à la commission des finances de vous entendre ce matin. Conformément à l’usage, vous avez reçu de la part du rapporteur sur votre nomination, M. David Guiraud, un questionnaire écrit, auquel vous avez bien voulu répondre et qui a été communiqué aux commissaires hier en fin de journée.

Votre audition sera suivie d’un vote. En application du quatrième alinéa de l’article 291 du règlement de notre Assemblée, ce scrutin sera secret et aura lieu hors votre présence.

J’indique à nos collègues que la commission des finances du Sénat se réunira mardi prochain, 18 octobre, pour procéder à son tour à votre audition. L’article 5 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose que le dépouillement du scrutin doit intervenir au même moment dans nos deux commissions. Compte tenu de ce calendrier assez particulier, nous sommes convenus avec le Sénat d’un dépouillement simultané, dans les deux commissions, au début de notre réunion du mercredi 19 octobre au matin. Le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit que le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. Le Président de la République m’a fait l’honneur d’envisager de me nommer présidente de l’Autorité des marchés financiers. Votre commission doit se prononcer sur cette nomination, conjointement avec la commission des finances du Sénat. Cela montre l’importance de cette fonction, que je mesure pleinement, mais aussi de la relation institutionnelle qu’entretient l’AMF avec la représentation nationale, notamment par la personne de son président. J’en suis tout à fait consciente, et il est donc essentiel que cette relation soit fondée sur la confiance.

Vous avez reçu hier, en fin de journée, les réponses écrites au questionnaire que m’a adressé M. le rapporteur. Elles sont certes un peu longues, en particulier dans cette période bien chargée pour la commission des finances. Je tenterai d’être synthétique dans mon propos liminaire, qui visera principalement à préciser ma vision de l’AMF. Aussi, je ne reviendrai pas sur mon parcours, sinon lorsqu’il pourra éclairer les convictions que j’ai présentées au travers des réponses écrites et que je rappelle brièvement.

Fondamentalement, le rôle du président ou de la présidente de l’AMF est d’incarner l’institution, d’en asseoir la puissance et la crédibilité, et d’exercer à bon escient les pouvoirs qui sont les siens au service d’objectifs clairs. Il ne doit évidemment pas exercer ses pouvoirs seul. Il se trouve à la tête d’une institution collégiale, qui travaille avec l’appui du secrétariat général de l’AMF et des équipes, tout en sachant exercer, in fine, ses responsabilités.

Le président doit rendre compte de son action au Gouvernement et au Parlement. C’est non seulement légitime, mais aussi nécessaire pour agir à bon escient. Les responsabilités sont distinctes entre ceux qui font les règles et ceux qui doivent les appliquer, j’en suis parfaitement consciente.

Le président doit aussi développer le dialogue avec la société civile. C’est un aspect sur lequel il faudra que je travaille, avec les équipes de l’AMF, pour progresser encore davantage. Certes, il existe d’ores et déjà, au sein de l’Autorité, des commissions consultatives, qui représentent les différentes parties prenantes, et un conseil scientifique. Mais il me semble que l’un des principaux enjeux auquel nous sommes confrontés, au-delà de la technicité évidente de certains sujets, est de trouver les moyens de la simplicité – il s’agit de parler efficacement et simplement à des publics particulièrement vulnérables, notamment aux jeunes. Non seulement tout citoyen doit avoir accès à l’éducation financière, ce qui me semble essentiel pour prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les Français lorsqu’ils épargnent ou investissent, mais il revient aussi aux institutions comme l’AMF de progresser en matière de pédagogie et de communication en trouvant les moyens de s’adresser à tous et de faciliter au maximum l’accessibilité de nos missions à tous les publics, y compris à ceux qui ne sont pas forcément experts en matière de finances.

Je veux ici exprimer une conviction : il est très important que le monde financier ne soit pas uniquement un monde d’experts. Ce monde se caractérise souvent par des terminologies complexes ainsi que par un usage excessif de sigles et de termes anglo-saxons qui ont tendance à perdre tout le monde. Or il est essentiel pour une institution comme l’AMF, pour sa présidente ou son président, de rester simple et d’expliquer clairement les choses aux gens qui rencontrent des difficultés et ont besoin de comprendre.

Le rôle de l’AMF est aujourd’hui bien établi. Je le dois notamment à mon prédécesseur, Robert Ophèle. L’Autorité doit continuer à être une boussole, un point de repère reconnu et crédible. Elle doit définir en permanence – ce qui n’est pas simple – les bons points d’équilibre face à plusieurs objectifs souvent contradictoires, du moins en apparence : innovation et protection, sécurité et rendement, exhaustivité et pertinence ou lisibilité de l’information, compétitivité de la place financière et protection des épargnants comme des investisseurs.

En tant qu’autorité de contrôle et régulateur de marché, l’AMF remplit un rôle aussi traditionnel que fondamental dans trois domaines : la protection des épargnants, la transparence des marchés et le financement de l’économie.

La protection des épargnants est évidemment le premier objectif. C’est en soi un sujet majeur, dans un univers économique et financier pour le moins incertain. Au passage, l’AMF peut être amenée à gérer des crises – une situation que j’ai été amenée à connaître à plusieurs reprises au cours de ma carrière, qu’il s’agisse de la crise financière, de la crise de la dette souveraine ou de la crise liée à la pandémie, que j’ai dû gérer en tant que haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère des finances.

S’agissant de la transparence des marchés, les autorités de régulation et de contrôle disposent d’instruments relativement puissants. Mais encore faut-il savoir où sont les marchés, où se déroulent les transactions, car c’est parfois sur les réseaux sociaux que les choses se passent désormais.

Quant au financement de l’économie, il nécessite une vigilance particulière dans le contexte actuel où l’endettement des acteurs est très élevé et où les conditions générales de marché sont volatiles. Les taux d’intérêt remontent et les investisseurs peuvent être tentés par le court-termisme – une attitude susceptible de se renforcer face aux incertitudes alors que les besoins de financement de long terme sont plus forts que jamais, pour financer tant notre modèle social que la transition écologique.

Au cours de ces dernières années, de multiples enjeux nouveaux se sont ajoutés aux missions traditionnelles de l’AMF. Je citerai, premièrement, les risques qui pèsent sur l’intégrité des marchés du fait des asymétries d’information, propices à des fraudes et à des arnaques qui savent se renouveler sans cesse ; deuxièmement, la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ; troisièmement, la protection des données et la cybersécurité ; quatrièmement, l’innovation, qu’il faut comprendre, encourager, accompagner, mais aussi encadrer efficacement. Le développement de la finance durable est aussi un enjeu essentiel dont l’AMF s’est saisie à bras-le-corps depuis 2019. Beaucoup reste à faire, notamment au niveau européen, pour que la finance devienne un véritable levier d’accélération de la transition écologique. Je citerai également les enjeux de l’égalité professionnelle et de la diversité dans un monde financier qui doit mieux refléter la société. Le dernier défi, peut-être le plus difficile à relever, consiste à gagner la confiance des épargnants et du grand public à l’heure des fake news et de la décrédibilisation généralisée des experts. Dans ce contexte, l’AMF doit savoir sanctionner lorsque c’est nécessaire ; parallèlement, elle doit renforcer la sécurité juridique de son action, qui fait l’objet de contestations régulières, et renforcer la performance de ses outils, notamment numériques.

Du fait de mes fonctions actuelles de secrétaire générale d’un ministère, je suis particulièrement sensibilisée à la nécessité, pour l’AMF, de disposer des moyens, notamment humains, de mener à bien l’ensemble de ses missions. Si je dois exprimer une seule conviction, je dirai que la qualité et la motivation des équipes de l’Autorité seront probablement le seul gage de réussite de la mission que vous voudrez peut-être me confier. L’oublier serait dramatique. On ne peut rien espérer faire de sérieux sans engager les équipes et sans consacrer le temps nécessaire au dialogue social au sein de son institution. J’ajoute que l’exemplarité interne est nécessaire pour motiver les collaborateurs et défendre efficacement ses positions à l’extérieur. Je pense en particulier au développement durable, qui doit être autant pris en compte au sein de l’institution que dans le cadre de sa mission auprès des acteurs de la place.

Au-delà de sa gestion interne, l’AMF doit savoir accompagner la place financière et la tirer vers le haut. Les meilleurs financiers savent qu’un gendarme sévère, mais juste et compétent, est à terme la meilleure garantie de pérennité et de développement d’une place financière. Il faut en convaincre tous les autres. C’est un choix stratégique fondamental qu’a fait depuis longtemps la place financière de Paris. À l’heure où le Brexit ouvre de réelles opportunités, l’AMF doit se soucier de la compétitivité des acteurs et de la place de Paris ; c’est essentiel pour les emplois, directs et indirects, mais surtout pour que les circuits d’épargne fonctionnent bien, financent nos acteurs économiques, assurent l’attractivité de notre économie ainsi que la localisation des centres de décision sur notre territoire, et garantissent donc, in fine, notre souveraineté. Mais l’attractivité ne peut pas être promue au détriment de l’intégrité. Vous ne m’entendrez jamais faire la publicité de la place de Paris et de sa réglementation, comme j’ai pu l’entendre il y a fort longtemps dans la bouche d’un autre régulateur qui expliquait qu’il y avait très peu de réglementation sur la place. Je suis convaincue que la place de Paris n’a nul besoin de ce type d’argument.

Je terminerai en évoquant l’importance de la crédibilité de l’AMF en Europe et dans le monde. Je l’ai dit, Robert Ophèle a été un grand président de l’AMF, qui a renforcé l’écoute et la place accordées à cette institution française au niveau européen et à l’échelle internationale. C’est un atout considérable qu’il me reviendra de consolider. La tâche n’est pas simple car les raisonnements du monde financier sont encore très souvent dominés par le monde anglo-saxon ; au surplus, le marché américain, qui est le plus grand marché de l’épargne mondiale, est incontournable. Renforcer cet atout est un défi majeur à l’heure du Brexit, qui entraîne un repositionnement des circuits de financement en Europe continentale et nécessite donc une plus grande coopération entre les différentes autorités nationales et avec l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou ESMA).

La crédibilité ne se décrète pas – j’ai pu m’en apercevoir au cours des nombreuses années que j’ai passées à travailler sur les sujets européens, notamment lorsque j’étais en poste à Bruxelles. Elle s’acquiert avec le temps, par la fiabilité, la transparence, l’attention portée aux interlocuteurs, la compréhension de leurs enjeux, l’aptitude à négocier des compromis, mais aussi par la capacité à affirmer ce qui n’est pas négociable pour nous et à expliquer nos spécificités. Il nous faut à la fois renoncer à avoir raison tout seuls et affirmer nos objectifs sans présupposer qu’ils sont compris et partagés. J’essaierai de m’y employer.

M. le président Éric Coquerel. Chacun est conscient de l’importance de l’AMF, dont le rôle n’est rien de moins que de réguler et contrôler les marchés financiers et les sociétés cotées. Je le rappelle pour relever l’importance du rôle de sa présidente.

Vous seriez la première femme à être nommée à la tête de cette institution. C’est un point positif et un fait qu’il convient de souligner alors que le monde financier reste très masculin. Cependant, je vous le dis franchement, je m’interroge sur votre parcours. Je sais que nombre de mes collègues n’y voient pas de problème, mais les allers-retours permanents entre le monde de la puissance publique, des ministères, et le secteur privé me semblent poser une difficulté. Vous avez notamment été directrice générale de la Fédération bancaire française qui, pour dire les choses très clairement, est un groupe de pression important. Comprenons-nous bien : ce n’est pas votre personnalité qui est en cause, mais ces allers-retours entre public et privé. J’aimerais que vous me rassuriez sur ce point.

M. David Guiraud, rapporteur. J’ai bien étudié les réponses que vous avez apportées à mon questionnaire mais, pour être honnête, je m’interroge moi aussi quant à votre parcours. De 2007 à 2010, vous étiez directrice générale adjointe de la Fédération nationale du Crédit agricole, chargée de la direction des affaires financières, bancaires et européennes. De 2014 à 2019, vous avez été directrice générale de la Fédération bancaire française, de l’Association des banques françaises et de l’Association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Au cours de cette même période, vous étiez membre du conseil exécutif du Medef, et de 2016 à 2019, administratrice du mouvement Ethic. Votre parcours est fourni, à n’en pas douter, mais dans la période récente, il y a lieu de s’interroger sur ce mouvement entre le secteur privé et le secteur public.

Vous êtes consciente des questionnements ainsi que des réserves que cela peut susciter. Aux interrogations que nous vous avons transmises à ce sujet, vous avez répondu, et c’est tout à votre honneur, que vous vous déporteriez lorsque votre intervention pourrait être jugée problématique. À quelle fréquence évaluez-vous ce risque de déport, sachant que vous avez travaillé pour la Fédération nationale du Crédit agricole et que le monde bancaire et financier est très interconnecté ? Nos réserves ne portent pas sur votre personne, mais sur le fait que vous risquez d’être en difficulté pour exercer vos fonctions au jour le jour.

Sur le fond, vous avez relevé le risque, pour les épargnants, de coûts et de frais supplémentaires indus à la faveur du contexte inflationniste. Qu’entendez-vous par là ? Vous savez par ailleurs que les Français sont confrontés à une augmentation des refus de prêt bancaire et que 40 % des demandes de crédit immobilier sont rejetées.

S’agissant des produits financiers, vous avez mis en avant la nécessité de la prévention, qui passe par l’éducation financière des épargnants et par l’élaboration, par les autorités publiques, d’une stratégie de communication. L’Assemblée nationale a été saisie, il y a une semaine, d’une proposition de loi émanant du MODEM relative à la fraude au compte personnel de formation (CPF). Certaines personnes reçoivent des sollicitations, peu transparentes, via des canaux non surveillés comme les réseaux sociaux. Vous souhaitez vous rapprocher davantage de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Estimez-vous que celle-ci dispose de suffisamment d’agents au vu des missions supplémentaires qui lui sont confiées ?

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. Je n’ai pas été surprise par votre question relative à mon parcours. J’ai commencé à travailler en 1993. J’ai passé une vingtaine d’années à m’occuper de sujets financiers, à différents postes au ministère des finances, puis plus largement à Matignon et à Bruxelles, à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. Mon parcours est diversifié, mais je pense que sa principale caractéristique est d’être en grande partie public – je suis d’ailleurs revenue depuis trois ans au ministère de l’économie et des finances. J’ai été amenée à travailler, à plusieurs reprises, avec des autorités de contrôle, voire à participer très directement à leurs travaux. J’ai aussi contribué à préparer des lois qui les ont réformées. Parmi les activités que j’ai exercées le plus longtemps au cours de ma carrière, j’ai siégé sept ans à la Commission bancaire, l’ancêtre de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), où je représentais l’État. Ce parcours m’a préparée et m’a d’ailleurs donné un goût prononcé pour les fonctions de régulateur, de contrôleur et de superviseur.

Serai-je amenée à vivre des situations de conflit d’intérêts et comment pourrai-je m’assurer qu’elles ne se produiront pas ? Cette question est très importante car l’AMF est une boussole, un phare auquel tout le monde doit pouvoir se référer.

Le seul conflit d’intérêts direct que j’identifie à ce stade touche au mandat que j’exerce actuellement pour le compte de l’État en tant qu’administratrice de Dexia. Si votre commission et celle du Sénat confirment ma nomination, je serai bien sûr amenée à démissionner de ce mandat, mais compte tenu des délais prévus par la loi en matière de conflits d’intérêts, il est évident que je ne pourrai pas m’occuper de sujets relatifs à Dexia – ce sera un cas de déport direct. Dieu merci, ce n’est pas l’alpha et l’oméga des travaux de l’AMF !

D’autres problèmes sont également susceptibles de se poser. Si certaines situations ne correspondent pas à un conflit d’intérêts au sens juridique du terme, elles n’en ont pas moins l’apparence. L’AMF a déjà en partie réglé ce genre de situations : comme dans toute autorité collégiale de contrôle, les membres du collège, y compris son président ou sa présidente, sont amenés à déclarer s’ils sont ou seront amenés à être en situation de conflit d’intérêts, auquel cas ils s’engagent à se déporter.

Mon passage par la Fédération bancaire française ne génère pas, en tant que tel, de conflit d’intérêts s’agissant de décisions qui porteraient sur des entreprises individuelles puisque, par définition, une fédération professionnelle représente l’ensemble des entités qui agissent sur le territoire français, et plus spécifiquement les banques françaises.

Devrai-je me déporter dans les dossiers relatifs au Crédit agricole ? Lorsque la décision est collégiale, il importera d’éviter que l’on considère que la présidente a pris une décision favorable à cette entité. Cependant, j’ai quitté cette fédération bancaire en 2010 : cela fait donc un moment que je ne m’occupe plus de ces affaires qui concernaient, je le précise, les caisses régionales. Je pense qu’un délai suffisant s’est écoulé pour que l’on puisse considérer que j’agirai de façon impartiale. L’AMF comprend un déontologue, et les autres membres du collège pourront, le cas échéant, me dire s’ils pensent que la décision que nous prenons est susceptible d’être considérée comme contestable. Si un doute devait subsister – encore une fois, l’appréciation doit être collégiale –, je n’hésiterais pas à me déporter. Nous verrons au cas par cas.

M. Louis Margueritte (RE). Votre carrière est riche, puisque vous êtes passée par les cabinets ministériels, la direction générale du trésor, l’Inspection générale des finances et la Fédération bancaire française – une carrière professionnelle de plus de trente ans, donc, dans le secteur de la régulation financière. Il nous semble que vous disposez de tous les atouts nécessaires pour prendre la tête de l’Autorité des marchés financiers. Dans le prolongement logique et cohérent d’un engagement notamment au service de l’État, vous saurez, à n’en pas douter, relever les défis auxquels l’AMF doit faire face, au premier rang desquels la protection des épargnants, la transparence des marchés financiers, l’information des investisseurs – que nous savons extrêmement complexe –, le bon fonctionnement des marchés et le financement de l’économie française.

L’action de l’AMF – y compris son action répressive – est la condition sine qua non de la pérennité de la place financière parisienne et française. L’AMF sera donc un acteur clé du développement d’un cadre réglementaire européen de la finance durable. Il est capital d’éclairer les investisseurs et les épargnants sur leurs choix. Nous sommes persuadés que vous saurez poursuivre avec succès le travail engagé par Robert Ophèle.

Vous l’aurez compris, le groupe Renaissance soutient votre candidature.

Comment concevez-vous votre mandat en matière de lutte contre le greenwashing et de mise en œuvre des réglementations encadrant les crypto-actifs ?

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Le rapporteur David Guiraud a déjà dit beaucoup de choses.

Évoquer au préalable la possibilité d’un conflit d’intérêts est en soi une difficulté. Par ailleurs, le caractère collégial des décisions n’empêche pas un conflit d’intérêts, même extralégal. Je ne perçois dans vos réponses aucun élément susceptible de couper court à l’ensemble des questions que nous avons posées à ce sujet.

Nous nous interrogeons également sur la façon dont nos concitoyens peuvent percevoir votre nomination, au vu de vos allers-retours entre le public et le privé et de vos relations qui restent étroites avec le secteur privé.

Vos réponses n’ont donc pas beaucoup fait évoluer notre position.

M. Patrick Hetzel (LR). Au vu de votre parcours, votre légitimité est incontestable. Nous voulons cependant vous demander comment, si vous êtes nommée à la présidence de l’AMF, vous gérerez l’institution au regard de deux enjeux majeurs qui ne concernent pas uniquement votre personne, mais également l’ensemble de l’Autorité.

Quelles actions l’AMF devra-t-elle mener pour garantir son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif ? En tant que parlementaires, nous sommes attachés à la séparation des pouvoirs ; or, si l’AMF a été instituée comme une autorité indépendante, c’est précisément pour garantir sa liberté vis-à-vis du Gouvernement. Il y va de sa crédibilité.

Si vous êtes susceptible de présider l’AMF, d’autres membres composent aussi cette autorité. Comment allez-vous faire, cette fois, pour assurer son indépendance vis-à-vis de l’industrie de la finance ? Nous avons besoin d’experts, et les membres qui composent l’AMF doivent en être, mais il convient de garantir une certaine distance par rapport au milieu de la finance que l’Autorité est amenée à auditer.

M. Luc Geismar (Dem). Votre exposé trace une ligne directrice claire et déterminée. Le groupe Démocrate rejoint le président Coquerel pour se féliciter d’avoir, pour la première fois, une femme prête à prendre la tête de l’AMF, dans un univers qui demeure encore très – peut-être trop – masculin. Nous ne doutons pas de votre légitimité ni de vos compétences pour endosser le costume.

Votre volonté de donner aux investisseurs et aux épargnants la capacité d’exercer leurs choix de manière éclairée en matière de finance verte, notamment en évitant les pratiques d’éco-blanchiment, répond à une réalité. En effet, 76 % des Français estiment que l’impact des placements sur la qualité de l’environnement est un sujet important. L’AMF a annoncé en 2019 son intention de mener des contrôles courts et thématiques dénommés « spots » ; or des contrôles de ce type ont été réalisés entre septembre 2018 et janvier 2019 sur les dispositifs de gestion d’investissements socialement responsables (ISR) des sociétés de gestion de portefeuilles. Pensez-vous que ces dispositifs sont suffisants pour encourager un essor de la finance durable dans un cadre de confiance ? Prévoyez-vous à cet égard la mise en place de dispositifs encore plus efficients ?

M. Philippe Brun (SOC). Comprenez notre difficulté à approuver la nomination, à la tête d’une autorité de régulation, d’une personne qui, au cours de sa carrière, a précisément pris la parole et œuvré contre certaines régulations. Lorsque vous étiez directrice générale de la Fédération bancaire française, vous vous êtes exprimée contre l’accord de Bâle III et les exigences minimales en fonds propres afin de préserver la compétitivité du secteur bancaire. En 2017, vous avez également lancé un recours contre une autorité de régulation, l’ACPR, à propos des modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail. La Fédération bancaire française rédige des règles professionnelles de code de bonne conduite en lien avec l’AMF. Vous avez été régulatrice – cela a été votre carrière de haut fonctionnaire pendant de nombreuses années –, puis lobbyiste, et de nouveau régulatrice.

De ce fait, lorsque votre nom a été cité en 2020 pour remplacer Mme Odile Renaud-Basso au poste de directrice générale du Trésor, il a été estimé – en tout cas, c’est ce qui était écrit dans la presse – qu’un conflit d’intérêts empêchait cette nomination. Aussi, qu’est-ce qui a justifié que vous ne soyez pas nommée directrice générale du Trésor en 2020 et qui justifierait que vous soyez nommée présidente de l’Autorité des marchés financiers aujourd’hui ?

Mme Lise Magnier (HOR). Vous avez répondu de manière très claire au questionnaire qui vous a été soumis.

Ma première interrogation concerne le contexte économique et géopolitique international, qui nous confronte à une inflation inédite depuis près de quarante ans. Si plusieurs facteurs clairs et établis expliquent cette inflation, un doute réel persiste sur une spéculation des marchés. À la lumière de votre expérience et de votre expertise, voyez-vous actuellement un risque de bulle spéculative sur certains marchés financiers ?

Ma seconde question est relative à la finance durable. Vous avez souligné à juste titre le caractère moteur et pionnier de notre pays dans ce domaine. Quel est votre regard sur les outils permettant d’éviter les abus de greenwashing ? Vous semblent-ils pertinents, suffisants et en corrélation avec l’économie actuelle ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Nous ne remettons nullement en cause votre tendance naturelle à prendre toutes les précautions nécessaires, au-delà des contraintes juridiques et compte tenu de l’importance de la théorie des apparences, pour prévenir les risques de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit. Ce que nous redoutons, c’est la tendance naturelle des acteurs financiers qui ont, tout au contraire, intérêt à entretenir des liens d’intérêts. Qu’est-ce qui nous garantit que vous saurez y résister ?

En juillet 2019, l’Autorité des marchés financiers a créé une commission « climat et finance durable » chargée de la mise en œuvre d’un nouveau dispositif de suivi et d’évaluation indépendante des engagements pris par les acteurs de la place financière en matière de climat. Trois ans après sa création, quel bilan dressez-vous des travaux de cette commission ? Quel jugement portez-vous sur la pertinence de ce dispositif de suivi ? Dans l’hypothèse où vous seriez nommée, quels axes d’amélioration vous semblent envisageables ?

M. Charles de Courson (LIOT). Ma première question, qui me paraît la plus importante et qui a été soulevée par nombre de nos collègues, porte sur les éventuels conflits d’intérêts si votre nomination est confirmée. Vous dites que vous prendrez toutes les précautions nécessaires pour prévenir tout risque de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts. Vous avez travaillé à la Fédération bancaire française ; d’aucuns pourraient donc estimer que vous ne pourrez pas vous prononcer sur des décisions concernant les banques, qui sont des intermédiaires. Or beaucoup de décisions de l’AMF les concernent. Il y a douze ans, vous avez été directrice générale adjointe de la Fédération nationale du Crédit agricole. Au-delà du cas de Dexia, pourriez-vous préciser à la commission l’ampleur de votre déport ?

Estimez-vous que les sanctions prononcées ces dernières années par l’AMF ont été suffisamment dissuasives à l’égard de ceux qui ne respectent pas la réglementation ?

Enfin, le projet de règlement européen sur les marchés de crypto-actifs, dit Mica, est-il susceptible de limiter les dérives constatées dans ce secteur ? Si tel n’est pas le cas, que faudra-t-il faire ?

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. Je n’ai pas répondu, me semble-t-il, à toutes les questions du rapporteur, qui a évoqué les risques de coûts et de frais indus liés à l’inflation. Le sujet est très sérieux car, quand les prix augmentent, il arrive que l’on ait du mal à faire la différence entre la hausse normale des frais de gestion habituels et une augmentation excessive décidée par les opérateurs eux-mêmes. L’AMF travaille sur ce sujet, avec l’ACPR. D’ailleurs, des progrès considérables ont été réalisés depuis de nombreuses années sur la transparence de ces frais.

Tout d’abord, il est nécessaire que les investisseurs et les épargnants aient une vision claire des montants facturés afin qu’ils puissent interroger leurs prestataires, car si des pratiques peuvent être sanctionnées, il est plus adapté ici de faire jouer la concurrence. La réponse n’est sans doute pas totalement satisfaisante, car certaines personnes ne savent pas toujours comment s’y prendre, mais elles peuvent au moins interroger le gestionnaire auquel elles ont recours sur le montant facturé pour telle ou telle opération, sur les raisons de ces frais, et lui demander si ces derniers sont négociables.

Au-delà du rôle du législateur, qui est d’une tout autre portée, l’un des rôles du régulateur est de donner aux épargnants et aux investisseurs les moyens d’exercer leurs pouvoirs. Si je suis épargnant, si je confie mon argent à telle ou telle institution, alors celle-ci me doit une bonne information et la justification des frais facturés. L’AMF a un pouvoir d’expertise, qu’elle exerce avec l’ACPR. Si le suivi de l’évolution des frais fait apparaître des mouvements anormaux, par exemple si les frais augmentent trop, au-delà de l’inflation, ou si l’inflation répercutée n’a pas de lien évident avec le coût des prestations, l’Autorité communiquera sur ce sujet ; les représentants des épargnants et les épargnants eux-mêmes seront alors en mesure d’interroger leurs prestataires. Donner plus de pouvoir aux épargnants est la première chose que nous pouvons faire. Tel est d’ailleurs l’un des rôles essentiels de l’AMF, qui est d’informer sur les marchés, car on voit bien qu’il y existe, au-delà des fraudes, un risque constant d’asymétrie d’information.

Je le répète, le premier rôle de l’AMF est de protéger les épargnants en mettant à leur disposition les informations nécessaires, qui doivent être lisibles et transparentes. J’ai évoqué dans ma réponse au questionnaire un équilibre difficile à trouver entre la quantité d’informations délivrées et le ciblage de l’information dont l’épargnant a réellement besoin. Un travail doit être entrepris avec la commission consultative qui représente les épargnants au sein de l’AMF. Il arrive qu’aucune information ne soit exploitable – nous avons tous pu être confrontés à ce type de situation, dans différents domaines. De multiples progrès ont été réalisés dans ce domaine, notamment avec la création de fiches synthétiques encadrées au niveau européen, mais il s’agit là d’un sujet à surveiller attentivement par les temps qui courent.

J’en viens à la prévention des risques et aux liens entre l’AMF et la DGCCRF, que j’ai également évoqués dans ma réponse au questionnaire. Il importe que les deux structures se coordonnent bien. Dans un certain nombre de cas, une action assez efficace a été menée conjointement par l’AMF et la DGCCRF, notamment vis-à-vis des influenceurs, la première ayant signalé des abus à la seconde. Nous ne partons donc pas de rien.

La DGCCRF a-t-elle les moyens suffisants pour agir ? Même si je connais bien le budget du ministère de l’économie et des finances, sur lequel est financée la direction générale, il ne revient pas à la future présidente de l’AMF de s’exprimer à ce sujet. Je soulignerai simplement que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit la création nette de quatre-vingt-quatre emplois l’année prochaine. Peut-être la directrice générale estimerait-elle que ce n’est pas suffisant ; il n’en reste pas moins que la DGCCRF est l’une des directions de Bercy qui bénéficie du plus grand nombre d’emplois créés.

Plusieurs d’entre vous m’ont réinterrogée sur les conflits d’intérêts. Je reviendrai sur le sujet des déports en répondant à la question de Charles de Courson.

D’une manière générale, l’indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif est fondamentale pour les autorités telles que l’AMF. Les textes prévoient que l’AMF est une autorité indépendante. Une fois nommé, son président rend compte de son action au Gouvernement, évidemment, mais aussi au Parlement dans le cadre d’un dialogue qui s’est construit avec le temps. Vous avez régulièrement auditionné le précédent président de l’AMF ; de la même façon, je rendrai compte devant vous de l’action de l’Autorité.

L’AMF doit à tout prix préserver son indépendance pour assurer sa crédibilité, non pas tant sur les sujets réglementaires, mais parce qu’il peut arriver que des décisions individuelles prises sur telle ou telle entreprise concernent de près ou de loin le pouvoir exécutif. De ce point de vue, l’État actionnaire est dans la même situation que toute entreprise qui voudrait faire des opérations de marché, même s’il est, par construction, plus soucieux de l’intérêt général.

L’indépendance passe par un fonctionnement collégial, l’une des caractéristiques de l’AMF comme de nombreuses autres autorités de contrôle.

J’en viens à l’indépendance vis-à-vis de l’industrie de la finance et au besoin d’expertise. Cette question renvoie à l’histoire des autorités de contrôle, notamment sur les marchés, puisque le Conseil des marchés financiers (CMF) et la Commission des opérations de bourse (COB) comprenaient en leur sein des représentants de l’industrie. Elle se pose d’ailleurs de manière générale pour la réglementation et la régulation, car les règles définies doivent être applicables. Il y a aussi une question de distance : il faut savoir prendre ses distances par rapport aux arguments avancés par les uns et les autres.

L’AMF a l’avantage de compter en son sein plusieurs commissions consultatives représentant différentes parties prenantes ; elle est également dotée d’un conseil scientifique, dont la composition est intéressante. Il sera d’ailleurs important de s’adjoindre quelques compétences nouvelles et supplémentaires pour repérer les difficultés que rencontrent les investisseurs plus jeunes, qui n’ont pas toujours l’idée de rechercher la protection des autorités de marché. Tout cela fait partie des équilibres à trouver.

J’ai indiqué tout à l’heure que le président de l’AMF avait à trouver divers équilibres. L’un d’entre eux consiste à prendre conscience des contraintes des acteurs financiers et des enjeux de compétitivité, qui impliquent d’agir là où c’est nécessaire, le plus souvent au niveau européen, en tenant compte de l’intérêt des autres parties prenantes représentées directement ou qui pourraient l’être davantage au sein des différentes commissions consultatives de l’AMF.

Je le disais donc, il faut prendre de la distance et connaître les contraintes qui s’imposent à nous. Cela peut passer par des délais de mise en œuvre. Ainsi, les réformes importantes ayant un impact sur des systèmes d’information ne peuvent entrer en vigueur du jour au lendemain. Il s’agit là de contraintes techniques qui peuvent s’entendre, mais il y a aussi d’autres types de considérations sur lesquelles il convient de se forger sa propre opinion, avec l’aide d’un collège où diverses sensibilités sont représentées, de commissions consultatives et d’un conseil scientifique.

En matière de finance verte et de lutte contre l’écoblanchiment – greenwashing en mauvais français –, l’AMF a été précurseur. Dès 2019, lorsqu’une volonté forte s’est manifestée de mettre davantage la finance au service du développement durable, l’Autorité a créé une commission dont le rôle est reconnu pour s’assurer que les bons éléments étaient communiqués aux investisseurs. Là encore, il s’agit de donner du pouvoir aux épargnants et aux investisseurs. D’ailleurs, la position des pouvoirs publics, comme celle des acteurs financiers et des régulateurs, répondait à l’époque à une demande. Celle des épargnants est forte – M. Geismar a indiqué que 76 % des Français souhaitaient que leurs investissements aient un impact positif sur le développement durable –, ce qui constitue un atout considérable pour l’AMF. Nous devons faire en sorte que les informations livrées soient fiables et comparables, ce qui est très compliqué. Notons qu’un progrès majeur vient d’être accompli au niveau européen sur le plan de la taxonomie.

Au-delà de ce que disent vouloir faire les acteurs financiers, que se passe-t-il réellement sur les marchés ? Nous observons un grand foisonnement de labels, de prix ou encore de notations en fonction de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ; cela n’est pas mauvais en soi, mais il est nécessaire d’avoir une vision éclairée de ce qui est réellement pertinent. Il faut que les régulateurs trient les différentes informations disponibles, et surtout qu’ils aident les épargnants et les investisseurs à effectuer ce tri pour placer leur argent là où ils estiment qu’il sera utile, ou au moins qu’il n’aura pas de répercussions néfastes. La taxonomie constitue une base, attendue par tous, pour bâtir des raisonnements qui tiennent la route. Ensuite, il faut vérifier – nous avons évoqué les missions flash – que la réalité correspond aux annonces.

Les dispositifs existants en la matière sont-ils suffisants ? Je ne l’ai probablement pas assez dit, le niveau pertinent sur bien des sujets est le niveau européen, où s’est d’ailleurs bâtie la taxonomie. La question de la comparabilité, de la lisibilité de l’information et de l’instauration de critères pertinents et vérifiables se pose donc en premier lieu au niveau européen, même si ce sont les autorités de contrôle nationales qui procèdent aux vérifications, chacune dans leur territoire. À cet égard, la coordination des autorités de contrôle, qui repose sur l’ESMA, est essentielle.

Il est arrivé que la Fédération bancaire française s’oppose à certaines réglementations. J’ai exprimé une conviction profonde : je pense que tous les bons acteurs financiers savent que la réglementation n’est pas leur ennemie. Telle est en tout cas la philosophie développée depuis très longtemps sur la place de Paris. Il appartient aux autorités de contrôle de convaincre – parfois en utilisant des outils tels que des sanctions – ceux qui n’auraient pas compris que la place de Paris a vocation à reposer sur une réglementation et une régulation fortes. C’est son histoire comme son avenir. Le jeu du moins-disant réglementaire ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs. Cela n’a d’ailleurs jamais été l’approche des acteurs financiers sérieux, ni celle des pouvoirs publics, ni celle des autorités de contrôle.

J’ai été confrontée dans mon passé à des prises de position un peu différentes. Pourquoi, dans certains cas, les professionnels contestent-ils les réglementations ? Mon expérience professionnelle, acquise notamment à Bruxelles, m’a permis d’observer que la réglementation pouvait être un outil de compétition.

J’illustrerai mon propos par un cas un peu ancien, auquel j’ai été confrontée lorsque je travaillais à la Fédération nationale du Crédit agricole. Mes collègues allemands m’ont un jour appelée pour m’informer qu’une définition du capital était en train d’être établie par le Comité de Bâle. Les douze critères retenus renvoyaient aux caractéristiques des actions – c’est en effet une forme de capital – mais excluaient de la définition les parts sociales du monde mutualiste. En d’autres termes, on décapitalisait toutes les entreprises financières mutualistes en Europe – si je parle de l’Europe, c’est parce qu’il en reste assez peu sur les autres continents. Était-ce volontaire ? Je ne me prononcerai pas. Quoi qu’il en soit, il a fallu des mois et des mois de discussions pour obtenir une note de bas de page établissant que le capital mutualiste était un capital légitime. Il est donc utile d’écouter les professionnels, ce qui fut fait à l’époque. En effet, lorsque les pouvoirs publics se sont rendu compte de ce qui était en train de se passer, ils sont intervenus pour obtenir cette note de bas de page, qui fut considérée par certains, notamment en France, comme un peu infamante mais qui a au moins permis la survie des sociétés mutualistes.

J’ai donné cet exemple parce que la réglementation est souvent écrite au niveau international. C’est ainsi que des normes générales peuvent ne pas tenir compte de certaines spécificités. Dans le cas que je viens de citer, le fait que le secteur financier mutualiste occupe une place non négligeable dans les deux grands pays continentaux européens que sont l’Allemagne et la France n’avait pas été pris en compte. Vu de Sirius ou de New York, ce n’était pas très évident ! Nous accordons à ces comités internationaux le crédit de la bonne foi, mais il est important que chacun ait une vision de l’impact des réglementations sur les spécificités des différents marchés et de leurs acteurs.

Ne cédons pas à la naïveté : il existe une compétition réglementaire, une compétition par les normes. Nous avons toute légitimité pour nous battre et pour faire valoir nos intérêts et spécificités. Il est essentiel que la France ait des marchés financiers puissants, des acteurs financiers puissants et des centres de décision situés sur son territoire. Une raison simple est celle de l’orientation de l’épargne. L’Europe et la France disposent d’une épargne relativement abondante : il importe non seulement qu’elle soit sécurisée, mais aussi qu’elle alimente les bons circuits de financement de l’économie pour financer nos acteurs économiques et assurer leur compétitivité.

J’ai été très flattée : vous m’avez appris que mon nom avait été cité pour la direction générale du Trésor ! Il se trouve qu’un excellent directeur général est à sa tête actuellement. Si mon nom a été cité, sans doute était-il légitime qu’il ne soit pas retenu. Il ne l’aurait pas été pour une raison simple : en 2020, cela faisait tout juste un an que j’avais pris mes fonctions de secrétaire générale des ministères économiques et financiers. Quand bien même on m’aurait proposé la direction générale du Trésor, j’aurais refusé parce que j’avais une responsabilité vis-à-vis de mes équipes et une mission à mener au secrétariat général, où je venais de lancer un projet qui commence d’ailleurs à porter ses fruits, tant dans la façon dont nous sommes perçus par les directions du ministère, pour lesquelles nous sommes des prestataires de services, qu’en interne. Je suis très fière de ce que nous avons accompli avec les équipes. La candidature que j’ai présentée à l’AMF me fait éprouver un seul regret, celui de partir un peu tôt, mais le projet est largement engagé. En tout cas, en 2020, il était bien trop tôt !

Le sujet des risques de bulles spéculatives sur les marchés nous amènerait sans doute tard dans la matinée. Je vais donc essayer d’être synthétique. Il existe actuellement des risques très importants de volatilité et de recherche de rendement face à l’augmentation de l’inflation et des taux d’intérêt qui, justement, fait baisser le rendement des actions et des produits de dette classiques. La situation des marchés de l’énergie crée, sur certains segments, des risques non négligeables ; les appels de marge sont légitimes s’ils visent un objectif de stabilité financière, mais une hausse trop rapide des prix pour des raisons indépendantes des marchés est susceptible de mettre des acteurs en difficulté. De telles situations nécessitent une gestion fine.

Le principal risque, comme souvent sur les marchés, est la recherche à tout prix de la rentabilité. Ce n’est pas nouveau mais c’est d’autant plus vrai lorsque les rendements réels baissent face à une inflation qui progresse. On se trouve alors confrontés à une montée en puissance de produits dangereux, qui appelle à la vigilance.

Le second risque tient à la nervosité croissante sur les marchés, en raison du contexte. Les opérateurs sont inquiets car il se passe beaucoup de choses en même temps. Nous sommes plus ou moins sortis de la pandémie, même si elle continue à produire des effets ; or, après une petite accalmie en 2021, nous sommes à nouveau confrontés à des sujets très préoccupants. Une vraie responsabilité pèse sur les épaules des autorités de régulation, et même plus généralement des pouvoirs publics, dont la parole doit être mesurée et intervenir à bon escient afin de ne pas générer des inquiétudes supplémentaires ni accélérer des mouvements de panique ou moutonniers. Des situations un peu extrêmes peuvent se produire, amenant les autorités de régulation à utiliser les pouvoirs qui leur sont conférés et à mettre en œuvre des coupe-circuit en cas de surchauffe. Nos collègues britanniques y ont été récemment contraints lorsqu’est survenue une tempête sur les marchés au Royaume-Uni.

Je reviens à la question des conflits d’intérêts et de l’ampleur du déport. Il existe des lois : la première chose est donc de se déporter lorsque les textes l’imposent. Il ne faut toutefois pas être empêché d’agir – la question de M. de Courson était clairement posée en ce sens. C’est la raison pour laquelle le travail collégial est central. Il est utile de rappeler que les autorités de contrôle sont fortes parce que leurs décisions sont prises collégialement, après un travail de préparation réalisé par des services instructeurs, ce qui limite grandement le risque de conflits d’intérêts. La seule entreprise pour laquelle j’ai œuvré très récemment est Dexia – lorsque j’ai rejoint le ministère des finances, j’ai évidemment démissionné de l’ensemble des mandats que je détenais dans diverses instances, plutôt de place, pour me consacrer pleinement à une mission d’intérêt général. Stricto sensu, les déports doivent intervenir en fonction de la loi. Certaines situations nécessitent toutefois une vigilance particulière ; je serai très attentive à la façon dont seront orientés les débats du collège pour que l’on ne puisse pas considérer qu’un manque d’impartialité a entaché la prise de décision.

Les sanctions prononcées par l’AMF sont-elles suffisantes ? Il est un peu tôt pour que je puisse me prononcer – il faut faire preuve d’humilité lorsqu’on se présente à ce type de fonction. Il conviendra de regarder si le montant des amendes prononcées récemment est suffisant comparé aux gains engrangés par ceux qui commettent des abus de marché ou des fraudes. Ce sera probablement l’une de mes tâches, que j’accomplirai en lien avec le président de la Commission des sanctions. Cependant, cette question relève davantage du législateur et du pouvoir réglementaire que des autorités de contrôle, même si ces dernières peuvent formuler leur opinion dans le cadre d’un dialogue, que je souhaite constructif et régulier, notamment avec le Parlement.

Vous me demandez si le projet de règlement européen Mica suffira pour encadrer les dérives sur les marchés des crypto-monnaies. Ce texte va plus loin que la réglementation française, elle-même précurseur – de même que l’action de l’AMF en ce domaine –, puisqu’elle prévoit des critères importants non seulement pour l’enregistrement des prestataires de services sur crypto-actifs, mais aussi et surtout pour leur agrément. Le règlement Mica n’étant pas encore entré en vigueur, il conviendra d’observer, le moment venu, son impact sur les prestataires de services numériques intervenant auprès de nos épargnants et de nos investisseurs. Si ces prestataires ne veulent pas prendre le risque de solliciter un agrément, cela voudra dire quelque chose. Une nouvelle fois, l’association de la réglementation et de la communication sera utile. L’AMF ayant été précurseur, elle a mis en place deux régimes, dont un seul, à ma connaissance, a été utilisé à ce stade – je veux parler du régime d’enregistrement, moins contraignant que le régime d’agrément. Le fait que l’AMF ait, à la suite des contrôles de l’ACPR, récemment annulé l’enregistrement d’un prestataire est un signal assez fort envoyé à tous ceux qui pourraient avoir envie de placer leur argent chez cet acteur.

M. le président Éric Coquerel. Je vous propose de raccourcir un peu vos réponses afin de laisser à tous les commissaires qui le souhaitent la possibilité de s’exprimer.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Étant arrivé en retard, je n’ai pas pu intervenir en même temps que les autres orateurs de groupe, mais c’est un mal pour un bien puisque cela me permet de réagir au fait que vous n’ayez pas répondu à de nombreuses questions, notamment à celles portant sur le sujet essentiel des conflits d’intérêts. En réalité, la réponse que vous nous apportez est un filet d’eau tiède. Elle est d’ailleurs identique à celle de Mme Wargon : « Oui, d’accord, je vais faire attention, je vais appliquer la loi. » Encore heureux que vous appliquiez la loi ! C’est le minimum, mais ce n’est pas le sujet : nous vous demandons comment vous allez concrètement mettre en place, compte tenu de votre parcours – qui est de grande qualité et que je ne remets pas en cause –, des dispositifs permettant non de prévenir, mais d’empêcher ces conflits d’intérêts. Que vous répondiez à cette question par des généralités, par écrit et par oral, est très inquiétant, pour nous et pour la place de Paris.

Je suis fasciné par l’hypocrisie de la société française et des élites à propos de la consanguinité et de l’oligarchie qui règnent sur la place de Paris. Les marchés financiers et le monde financier parisien se caractérisent par une endogamie assez préoccupante, avec des allers-retours permanents entre la haute fonction publique, la finance ou la direction d’entreprise, les fonctions académiques et la participation à des think tanks. Vous écrivez vous-même, dans votre réponse au questionnaire, que vous avez travaillé avec des think tanks, avec ci, avec ça… Vous avez travaillé avec ce monde. Certes, cela peut vous donner des compétences, mais cela peut aussi présenter un risque. Or vous ne dites rien à ce sujet.

Vous ne dites rien non plus de vos liens avec Emmanuel Macron. À un moment, il faut briser la glace. Avez-vous, vous-même ou votre époux, des liens personnels, amicaux ou politiques avec Emmanuel Macron ? Vous en avez le droit, mais cela revêt toute son importance lorsqu’il s’agit de valider votre nomination à un poste aussi haut placé. Je vous demande donc de répondre à la question précise que nous vous posons sur les conflits d’intérêts.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Pouvez-vous préciser quelles seront les relations de l’AMF avec l’ESMA si vous êtes confirmée à la tête de l’autorité financière française ?

Quelle est votre vision de l’Union des marchés de capitaux, un projet en jachère depuis des années au niveau européen ? Avez-vous un avis personnel sur ce sujet ?

Le Royaume-Uni n’étant plus membre de l’Union européenne, pensez-vous qu’il existe un risque d’agressivité dérégulatrice en provenance de la place de Londres, qui pourrait affaiblir les places européennes ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Je souhaite connaître votre position sur des sujets très polémiques à l’heure actuelle. Que pensez-vous de l’explosion des recours et réclamations relatifs aux délais de transfert des plans d’épargne en actions (PEA) ? Approuvez-vous la démarche de la Commission des sanctions de l’AMF, qui souhaite accéder aux données patrimoniales des personnes mises en cause pour éventuellement majorer les sanctions en fonction de leur capacité contributive ?

M. Benjamin Dirx (RE). Lors de la précédente législature, j’ai mené avec Éric Woerth une mission d’information sur l’activisme actionnarial. Quel est votre avis général sur les activistes ? Plus précisément, certains d’entre eux pratiquent les ventes à découvert. Pensez-vous qu’il faille mieux les encadrer ? Si oui, le droit de suspension est-il une arme, un pouvoir auquel il faudrait recourir ?

On nous avait parlé de procédures très longues, d’une durée moyenne de trente mois pour les contrôles et de plus de quatre ans pour les enquêtes. Pensez-vous que l’on puisse réduire ces durées ? Si oui, de quelle manière ?

M. Emmanuel Lacresse (RE). Notre collègue Charles Sitzenstuhl a fait allusion à la possibilité que l’AMF partage un jour ses pouvoirs de sanction avec l’ESMA ou d’autres autorités européennes. Êtes-vous confiante dans la capacité de l’AMF à préserver au maximum l’efficacité de ses pouvoirs de sanction et d’enquête au regard de la volonté d’agir de l’autorité judiciaire, notamment de la cour d’appel de Paris ?

Dans votre réponse au questionnaire, vous faites allusion de manière convaincante au rôle que l’AMF doit jouer en matière de contrôle et de régulation des notations extrafinancières de conformité. Avez-vous l’intention d’utiliser le droit souple, qui est la caractéristique de l’AMF, c’est-à-dire le règlement général, pour guider les entreprises et redonner toute son effectivité à cette cause européenne ?

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Pour moi, il n’y a pas de doute : vous avez le profil idéal pour exercer les fonctions de présidente de l’AMF. Vos allers-retours entre le public et le privé me conviennent bien, car ils sont un gage d’agilité et de compétence.

Que pensez-vous des montages parfois acrobatiques que nous avons pu observer dans la finance ? Je pense notamment aux sociétés d’acquisition à vocation spécifique (Special Purpose Acquisition Company, Spac), qui entraînent souvent des rachats d’entreprises avec des multiples d’Ebitda ne correspondant pas forcément aux valeurs.

Vous avez émis l’idée d’expliquer aux jeunes les avantages et inconvénients des marchés financiers. Que comptez-vous mettre en place à ce sujet ?

Les entreprises françaises souffrent actuellement d’une grande faiblesse de capitaux propres. Comment pourrait-on simplifier la mise sur le marché de certaines entreprises – donc leur entrée en bourse – tout en sécurisant les procédures ?

M. Alexandre Sabatou (RN). Quelle est votre position sur la protection du capital des entreprises françaises ? Que pensez-vous des prises de contrôle partiel ou total de celles-ci par des institutions financières ou des actionnariats étrangers, y compris par des puissances hostiles ou potentiellement hostiles comme la Chine ou les pays du Golfe ?

Nous aimerions également connaître votre position sur la séparation entre les activités de banque de dépôt et de banque d’affaires.

M. le président Éric Coquerel. Je vous laisse la parole, madame Barbat-Layani, pour la conclusion.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. J’essaie de comprendre votre allusion. L’ampleur des questions qui viennent d’être posées me pose quelque difficulté.

M. le président Éric Coquerel. Je suis sûr que vous saurez être concise.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. J’essaierai donc d’être synthétique et répondrai de façon groupée à des questions portant sur le même thème.

Deux orateurs ont évoqué les sujets européens, sur lesquels nous pourrions passer beaucoup de temps. Le modèle européen de réglementation, de régulation et de supervision repose sur un superviseur unique, au sein de la zone euro, pour le secteur bancaire. Ce n’est pas le cas sur les marchés financiers : tel n’est pas le rôle de l’ESMA, ce que certains peuvent déplorer. Certaines personnes, en France, défendent de manière assez isolée l’idée d’un superviseur unique des marchés financiers européens, mais je pense pour ma part qu’il faut travailler dans l’univers et la réalité qui sont les nôtres.

Je fais le lien avec l’Union des marchés de capitaux. Avec ce projet, nous risquons d’être confrontés à des distorsions de concurrence ou à de vraies divergences quant à l’application de la réglementation européenne par des superviseurs distincts. Lorsqu’un superviseur unique a été créé en matière bancaire, nous avons constaté, malgré tous les travaux visant à la convergence des pratiques des superviseurs, à quel point des gouffres séparaient encore les États en matière d’application des règles.

J’ai eu l’occasion de travailler avec Verena Ross avant qu’elle n’accède à la présidence de l’ESMA – nous participions au conseil d’orientation d’un laboratoire d’excellence qui œuvrait dans le domaine de la régulation financière. Je connais sa force et sa capacité à rallier. Il est important que l’ESMA s’affirme et renforce la convergence des pratiques entre les superviseurs qui restent nationaux et le resteront probablement assez longtemps – je ne me prononce pas sur ce qu’il adviendra dans dix ou quinze ans.

Actuellement, l’Union des marchés de capitaux, qui est un projet important au niveau européen, sur la table depuis de nombreuses années, se heurte donc encore assez largement à une fragmentation des marchés. Cela pose divers problèmes, dont celui de ne pas permettre aux épargnants et aux investisseurs d’accéder à toute la profondeur des offres qu’ils pourraient souhaiter. Cela peut également poser des questions de circulation de l’épargne, qui reste très souvent « bloquée » au niveau national faute d’une réelle harmonisation au sein de l’Union des marchés de capitaux.

Il ne s’agit pas d’un véritable problème pour la France, dans la mesure où notre place financière est l’une des plus fortes et où les circuits nationaux permettent d’alimenter assez largement nos besoins de financement, qu’ils soient publics ou privés. Il arrive toutefois que nous percevions des manques, notamment en matière de fonds propres. Historiquement, les petites et moyennes entreprises françaises souffrent en effet d’une insuffisance de fonds propres, du moins par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne. Ce n’est pas très grave dans une période où la dette ne coûte pas très cher ; néanmoins, lorsque surviennent des retournements sur les marchés de dette, la question des fonds propres redevient d’actualité.

Pour trouver des fonds propres, il faut surtout que les investisseurs soient enclins à s’engager. Ce n’est pas simple, parce que les fonds propres revêtent un niveau de risque plus élevé que d’autres investissements financiers dont certains sont d’ailleurs très spécifiques à la France, tels que les livrets d’épargne réglementaire qui représentent une large part de l’épargne financière. Il ne faut pas non plus amener des investisseurs insuffisamment avisés ou qui n’ont pas suffisamment d’argent à prendre des risques excessifs.

Tout cela pour dire qu’il convient de renforcer la confiance dans les instruments de fonds propres afin que les entreprises en trouvent. Cela peut passer par une introduction en bourse, qui est certes un processus un peu lourd, ou par divers autres mécanismes. Il s’agit là de décisions que les entreprises doivent prendre en connaissance de cause et à bon escient, car elles ont des conséquences qu’il faut être prêt à assumer, y compris en matière de transparence d’information et de publication de comptes très régulière. Je n’entre pas dans le détail.

Grosso modo, nous avons besoin de circuits de financement qui permettent à l’épargne, très abondante en Europe, de se placer au bon endroit, et si possible davantage dans les fonds propres des entreprises sans prise de risque excessive.

J’en viens à l’attitude de la place de Londres et aux risques de compétition réglementaire. Il fut un temps où le principal argument de vente d’une certaine place financière était : « There is no Sarbanes-Oxley here. » La place de Londres fera-t-elle le choix d’être particulièrement agressive en recourant au moins-disant réglementaire ? Nous ne pouvons le préjuger. Il existe effectivement un risque, qu’il ne faut pas méconnaître car la compétition entre places financières est une réalité. Mais il ne faut pas non plus caricaturer les choses. La place de Londres est une place sérieuse, qui a besoin de continuer à attirer des investisseurs sérieux ; elle est donc confrontée aux mêmes questions d’équilibre que les places financières continentales. Par ailleurs, nos collègues britanniques sont très attachés à un outil européen essentiel, celui des équivalences. Après leur départ de l’Union européenne, ils devront obtenir des équivalences pour intervenir sur le marché intérieur ; si d’aventure des tentations se faisaient sentir, il appartiendrait donc aux autorités européennes d’être particulièrement vigilantes et d’utiliser l’outil des équivalences pour faire revenir la place de Londres à la raison !

Le sujet des délais de transfert des PEA est très technique, et il m’est difficile de répondre aujourd’hui à la question de M. Di Filippo. Ces délais sont largement liés à la nécessité de liquider le contenu du PEA avant son transfert, mais j’ignore, à l’heure où je vous parle, s’ils sont excessifs et s’ils soulèvent des problèmes particuliers. J’étudierai cette question.

Le président de la commission des sanctions a exprimé, à l’occasion d’un colloque, le besoin d’accéder aux données relatives au patrimoine des personnes mises en cause. Le sujet est délicat. Faut-il ou non ouvrir cette possibilité, et dans quelles conditions ? Je suis bien incapable de vous répondre aujourd’hui. Nous retrouvons d’ailleurs ici une tension liée aux données, que j’ai soulignée en évoquant le rôle et les équilibres à trouver par l’AMF. Il est vrai que l’Autorité souhaiterait disposer de certaines données – nous parlions tout à l’heure d’une éventuelle insuffisance des sanctions prononcées –, mais nous ne pouvons pas non plus faire abstraction de leur nécessaire protection. Je ne suis pas en mesure de vous dire aujourd’hui si cette idée évoquée par le président de la Commission des sanctions, avec qui j’en parlerai évidemment, se concrétisera par une demande officielle relayée par l’AMF.

Il n’est pas si facile de trouver des équilibres. Nous l’avons constaté, du reste, s’agissant d’autres sujets très préoccupants. J’ai déjà évoqué la question de la sécurisation juridique de l’action de l’AMF, dont certains outils viennent d’être invalidés par une juridiction européenne. Il faudra, là aussi, nous adapter, voire demander des adaptations de la législation.

M. le président Éric Coquerel. Je sais que c’est frustrant, mais il va falloir conclure…

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. En effet, monsieur le président, c’est très frustrant ! Mais j’aurai l’occasion de revenir.

M. le président Éric Coquerel. Je vous assure que vous avez été assez complète.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. Je ne sais si j’ai répondu à toutes les questions – en tout cas à toutes celles auxquelles je pouvais répondre… (Protestations parmi les députés du groupe RN.)

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous n’avez pas répondu à ma question concernant vos liens avec Emmanuel Macron !

Mme Nadia Hai (RE). Vous n’êtes pas obligée d’y répondre.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. Je ne répondrai qu’une chose : le Président de la République a proposé ma nomination à la présidence de l’AMF. Ce sont des sujets sérieux et réfléchis. J’espère vous avoir apporté les réponses nécessaires pour que vous puissiez vous prononcer sur cette proposition.

M. le président Éric Coquerel. Chaque commissaire jugera de la qualité de vos réponses. Je propose que nous arrêtions là cette audition.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. Je reviendrai, monsieur le président !

M. le président Éric Coquerel. Ce sera avec plaisir si votre nomination est confirmée.

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur cette proposition de nomination.

Le dépouillement doit être effectué et les résultats du vote doivent être annoncés une semaine plus tard, le 19 octobre, une fois que la commission des finances du Sénat aura également auditionné Mme Marie-Anne Barbat-Layani et voté sur cette proposition de nomination.

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Puis la commission, examine, pour avis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (n° 274) (M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis).

M. le président Éric Coquerel. Avant d’examiner les 53 articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, dont la commission des finances s’est saisie pour avis, je donne la parole à M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Ce premier budget de la sécurité sociale de la législature est marqué par le reflux des effets de la crise sanitaire mais aussi par les ambivalences de la conjoncture, avec une bonne tenue de la masse salariale, en hausse de 5 %, nuancée néanmoins par une inflation importante, à hauteur de 4,3 %. Il s’agit aussi du premier PLFSS examiné à la suite de la révision du cadre organique dont notre collègue Thomas Mesnier a été à l’origine, en 2021.

Les chiffres que je donnerai concernent le périmètre le plus large, celui des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Après un déficit record de 39,7 milliards d’euros en 2020, dont je n’ai pas besoin de rappeler les causes, le solde est arrêté à  24,3 milliards en 2021. L’amélioration s’explique par une progression des recettes une fois et demie plus importante que celle des dépenses. Le Gouvernement et le Parlement ont donc bien fait de soutenir la trésorerie des entreprises et les emplois des Français : sans une telle politique, les comptes se seraient davantage dégradés pendant la crise et leur redressement, ensuite, aurait été moindre.

Pour 2022, le solde se résorberait à  17,8 milliards, soit une consolidation de 3,6 milliards d’euros par rapport à la prévision. Là aussi, l’explication se trouve du côté des recettes, qui atteindraient 571,7 milliards d’euros cette année, soit une hausse de 5,3 %, les dépenses atteignant 589,6 milliards d’euros, soit une hausse de 3,9 %. La Cour des comptes souligne le fort rebond du produit de la contribution sociale généralisée (CSG), des cotisations et des taxes affectées, dont la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

En 2023, compte tenu des hypothèses de croissance et d’évolution des prix et de la masse salariale – et que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a majoritairement tenues pour « plausibles » et « crédibles » – le déficit s’établirait à 6,8 milliards d’euros, avec une hausse respective des recettes et des dépenses de 4,1 % et de 2,1 %.

Trois branches seraient en déficit : la branche maladie, pour 6,5 milliards d’euros, la branche vieillesse, pour 3,5 milliards d’euros et la branche autonomie, pour 1,1 milliard d’euros. Les autres branches seraient excédentaires : la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), pour 2,2 milliards d’euros, et la branche famille, pour 1,3 milliard d’euros. Le FSV serait aussi en excédent, pour 0,8 milliard d’euros.

Les mesures du PLFSS en recettes confirment l’ambition réformatrice de l’exécutif et de notre majorité. Nous soutenons le pouvoir d’achat et la santé des particuliers ainsi que l’activité de plusieurs catégories de professionnels, tout en luttant contre la fraude.

Ce projet aménage le calendrier de l’avance du crédit d’impôt pour les services à la personne avec l’objectif d’accompagner les besoins de la population, de baisser le reste à charge des ménages et d’encourager le travail déclaré, plus protecteur pour tout le monde.

Le tabagisme est un enjeu de santé publique important. Pour éviter les effets paradoxaux de l’inflation et tenir compte de la consommation de produits alternatifs mais tout aussi pathogènes, nous révisons les paramètres de l’accise et assujettissons davantage le tabac à chauffer.

Nous prolongeons d’un an la fameuse exonération de cotisations à raison de l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi dans la production agricole (TO-DE), sur laquelle nous allons revenir lors de la discussion des amendements. Vous connaissez mon intérêt pour ce secteur – lors de la précédente législature, j’ai été rapporteur spécial d’une partie des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

Enfin, nous prévoyons d’importantes simplifications en matière de recouvrement en poursuivant son unification autour des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) pour que les employeurs aient un interlocuteur unique et que l’administration soit plus efficiente ; en renforçant les compétences des agents de contrôle et, en même temps, le droit à l’erreur des contrôlés ; enfin, en ouvrant aux médecins libéraux qui participent à la régulation du service d’accès aux soins (SAS) un régime déclaratif neutre quant aux sommes levées mais beaucoup plus simple en termes de calcul.

La Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) a apuré 17,8 milliards d’euros en 2021 ; elle devrait avoir apuré 18,6 milliards d’euros fin 2022 et envisage d’apurer 17,7 milliards d’euros en 2023. Cette année, ses émissions se sont négociées à des taux situés entre 0,47 % et 3 %.

Nous sortons de deux années d’exceptionnelle sollicitation de la sécurité sociale, principalement de la branche maladie. Après une croissance de 1,9 % entre 2018 et 2019, les dépenses des ROBSS ont crû brutalement, à hauteur de 5 % entre 2019 et 2020 et de 5,7 % entre 2020 et 2021.

En 2021, les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ont atteint 240,1 milliards d’euros, soit 6,5 % de plus que la prévision fixée par la LFSS pour 2021. Les dépenses de dépistage ont constitué la plus importante des dépenses de crise au cours de cette année 2021.

L’ONDAM pour 2022 est également révisé à la hausse, à hauteur de 9,1 milliards d’euros, par rapport à la LFSS pour 2022, en raison cette année encore de l’ampleur des dépenses de crise. En effet, alors que ce dernier texte prévoyait une dotation pour les dépenses de crise de 4,9 milliards d’euros, les dépenses liées à l’épidémie de covid-19 ont finalement atteint 11,5 milliards.

La croissance inédite des dépenses des ROBSS était justifiée par la crise sanitaire que nous traversions. Notre système de sécurité sociale a été à la hauteur des enjeux et n’a laissé personne de côté, ce dont nous pouvons nous réjouir.

Le PLFSS pour 2023 marque l’entrée dans une normalisation progressive des dépenses sociales, qui devraient augmenter de 2,1 % entre 2022 et 2023.

Cette trajectoire, naturelle après une période exceptionnelle, ne témoigne en aucun cas d’un recul de nos dépenses sociales. La baisse faciale de l’ONDAM s’explique par la diminution des dépenses de crise : de 11,5 milliards d’euros en 2022, la dotation de crise s’élève à 1 milliard d’euros en 2023.

L’ONDAM minoré des dépenses de crise augmente quant à lui de 3,7 % en 2023, progression qui demeure soutenue. À titre d’illustration, cet ONDAM retraité augmentera plus vite que l’ONDAM d’avant la crise du covid-19 toutes dépenses comprises.

Les mesures nouvelles, l’incidence de l’inflation et les revalorisations salariales sont les trois principaux déterminants de la croissance de l’ONDAM hors crise. Ainsi, 1,4 milliard d’euros est lié à l’effet en année pleine de la hausse du point d’indice des agents publics à hauteur de 3,5 % intervenue à l’été dernier ; 800 millions d’euros sont également programmés pour couvrir les conséquences de l’inflation sur les charges des établissements.

J’appelle votre attention sur quelques mesures nouvelles de ce PLFSS.

Tout d’abord, la prévention, le dépistage et la vaccination constituent l’un des axes les plus forts du texte. Plusieurs articles y sont consacrés, pour un coût total de 980 millions d’euros environ, dont ceux relatifs à la création de trois nouveaux rendez-vous de prévention intégralement pris en charge par l’assurance maladie et à l’ouverture aux pharmaciens et infirmiers d’une compétence de prescription de vaccination. Cette dernière mesure permettra non seulement de faciliter le parcours vaccinal des assurés mais également de limiter le coût de cette politique publique. Deux mesures du projet visent également à prolonger les efforts menés depuis 2018 dans la lutte contre la désertification médicale, qui reste un sujet central pour le bon fonctionnement et l’équité de notre système de santé. On ne peut à cet égard que soutenir la volonté du Gouvernement de revaloriser la médecine générale et de lui redonner la place centrale qu’elle doit occuper.

Le PLFSS pour 2023 contient également des mesures bienvenues pour les branches famille et autonomie, dont le renforcement des personnels des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), à hauteur de 3 000 pour l’année qui vient. Je salue également la mise en place, par l’article 34, d’un temps consacré à l’accompagnement et au lien social dans le cadre des services à domicile. Au delà de la prévention de la perte d’autonomie chez les personnes âgées, qui constitue l’objectif central de la mesure, l’instauration de ce temps privilégié devrait améliorer les conditions d’exercice des professionnels concernés et renforcer la dimension humaine des métiers du soin, en allant plus loin que les gestes techniques.

Je vous invite donc à émettre un avis favorable à l’adoption du PLFSS pour 2023.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Les comptes sociaux s’améliorent. Vous l’avez dit, le solde se résorbe – il est plus de quatre fois inférieur à 2021 – sous le double effet de l’amélioration des recettes – l’activité est encouragée – et de la maîtrise des dépenses, après deux années exceptionnelles.

Le PLFSS prévoit un ONDAM en hausse de 3,7 %, deux fois plus que les précédents, mais je m’interroge sur l’équilibre de la branche vieillesse, dont le Conseil d’orientation des retraites (COR) évalue le déficit à 12,5 milliards d’euros en 2027 et à 20 milliards d’euros en 2030 si nous ne faisons rien. De plus, selon cet organisme, même si nous atteignions le plein emploi pendant les quinze prochaines années, notre système de retraites resterait déséquilibré. Que pensez-vous d’une telle situation ?

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Je me souviens d’Olivier Véran, alors ministre des solidarités et de la santé, affirmant en 2020 qu’il y a eu un avant et qu’il y aura un après pour l’hôpital. Or que s’est-il passé ? Moins que rien. Les plans de restructuration se sont succédé comme, en Île-de-France, à l’hôpital de Bichat-Beaujeon ; les soignants partent car ils n’en peuvent plus ; cet été, les urgences ont été partiellement ou intégralement fermées ; l’hôpital de Limoges, il y a une semaine, a déclenché son plan blanc ; en 2020, 4 900 lits ont été supprimés et 4 300 en 2021 ; au total, 21 000 lits d’hospitalisation complète ont été supprimés.

Comment pouvez-vous prétendre que cet ONDAM est à la hauteur des besoins ? Tel ne sera pas le cas avec des dépenses d’assurance maladie en hausse de 6 milliards d’euros entre 2023 et 2024 quand, selon tous les observateurs, elles devraient augmenter de 4 % par an et donc s’élever à 11 milliards d’euros. Nous savons qu’une fois de plus des économies seront effectuées au détriment des hôpitaux. Vous élaborez un budget comme s’il ne s’était rien passé depuis deux ans, comme si le covid-19 n’avait pas existé, comme si les soignants ne partaient pas, comme si les urgences n’avaient pas connu de difficultés ! Vous demandez aux soignants de faire mieux avec moins ! C’est inouï !

Pensez-vous qu’avec ce PLFSS, l’hôpital est prêt à faire face à une épidémie, fût-elle de grippe, ou devra-t-il encore supporter les sous-effectifs et les nombreux problèmes qui se posent ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Les 800 millions d’euros programmés pour couvrir les conséquences de l’inflation suffiront-ils ? S’il est un lieu où le chauffage doit être maintenu au-dessus de 19 degrés, c’est bien l’hôpital.

Les 980 millions d’euros consacrés à la prévention permettront notamment de financer les trois nouveaux rendez-vous que vous avez mentionnés mais cela sera-t-il suffisant ? Plus la prévention intervient en amont, plus les économies sont ensuite importantes pour la branche maladie.

Dans nos permanences parlementaires, nous rencontrons tous des administrés qui, au sortir d’une hospitalisation, ne trouvent pas un service d’aide à domicile (SAAD) adéquat. Les associations sont saturées et assurent ne plus pouvoir prendre de nouveaux clients. La situation est donc inquiétante. Les 3 000 personnes qu’il est prévu de recruter se consacreront-elles aux soins et à l’accompagnement à domicile ou au travail administratif ?

Il est bel et bon de s’engager à lutter contre la désertification médicale mais, concrètement, comment et où ? Nos territoires souffrent, qui plus est à la suite des fermetures des urgences pendant l’été. Des questions se posent quant à la sécurité de nos concitoyens.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Nous avons plusieurs raisons d’être satisfaits de ce PLFSS. Nous saluons les avancées en matière de prévention, de petite enfance – avec la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) – mais aussi l’augmentation du nombre de personnels dans les EHPAD et l’extension de la contraception gratuite.

En revanche, même si la revalorisation de l’ONDAM est historique, elle nous semble encore trop faible. De même, les économies demandées au secteur du médicament vont à l’encontre de la stratégie de réindustrialisation que nous défendons. Des problèmes se posent toujours en matière d’accès aux soins et la désertification médicale demeure. Le débat sur la quatrième année d’internat de médecine doit quant à lui se poursuivre.

Notre groupe votera en faveur de l’adoption du PLFSS.

Mme Lise Magnier (HOR). Ce PLFSS est d’abord un texte de transition à la suite de la crise sanitaire. Il assure ou pérennise des mesures pour que nous soyons prêts en cas de nouvelle vague épidémique et conforte les établissements de santé : pour la deuxième année consécutive, aucune économie ne se fera au détriment de l’hôpital et le sous-objectif de l’ONDAM portant sur cette catégorie d’établissements, pour la première fois, dépasse 100 milliards d’euros.

Ce texte rationalise également les dépenses et ouvre de nouveaux droits dans tous les champs de la protection sociale. Les priorités sont évidemment la prévention et l’accès aux soins, le soutien aux familles et aux personnes âgées en perte d’autonomie, la lutte contre la fraude sociale. Notre groupe souscrit à de tels objectifs et soutiendra le Gouvernement lors de l’examen du texte en séance publique.

L’évaluation de la direction de la sécurité sociale (DSS) prévoit une hausse des recettes fiscales de 240 millions d’euros sur le seul tabac à chauffer alors qu’il a généré en 2021 seulement 44 millions de droits d’euros de consommation, la prévision étant sensiblement identique pour cette année. Comment expliquer une telle multiplication, par plus de six, alors que selon l’étude d’impact les volumes devraient diminuer de 31 % ? En appliquant strictement les hypothèses d’augmentation de taxe et de baisse de volume, cette mesure rapporterait 4 millions d’euros, non 240. Comment expliquer un tel chiffre ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Nous sommes inquiets face aux contraintes que vous faites peser sur notre branche santé avec cet ONDAM, dont la Fédération hospitalière de France (FHF) juge que la hausse de 3,7 % est très insuffisante. Il progresse, certes, mais la situation énergétique, à laquelle nous sommes très sensibles en tant qu’écologistes, n’est pas prise en compte dans cette évolution.

De plus, la majorité et le Gouvernement soumettront à nouveau l’ONDAM à rude épreuve dès 2024 et 2025 puisque le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 fixe sa croissance à 2,7 % au titre de ces deux exercices, ce qui est très en deçà des besoins de notre population vieillissante.

Certaines dispositions n’en demeurent pas moins dignes d’intérêt – l’extension du CMG pour les familles monoparentales, l’ouverture de la délivrance de la pilule du lendemain – mais encore faudra-t-il que des personnels de santé soient présents sur l’ensemble du territoire pour les appliquer. C’est particulièrement le cas pour les rendez-vous de prévention. Nous n’avons en effet aucune assurance sur les politiques structurelles qui s’imposent pour que ces dispositifs s’appliquent sans affaiblir des services de santé qui le sont déjà beaucoup.

Enfin, le Gouvernement fait étalage de quelques articles anti-fraude. Dois-je vous rappeler que le HCFP s’est ému de ne voir rien de bien solide dans les mesures présentées ? Comme nous le répétons, c’est la fraude fiscale qui doit être prioritairement combattue tant elle est massive. Ne pas agir, c’est pour l’État et la sécurité sociale laisser se perdre les moyens de la solidarité et se résoudre à l’impuissance, donc à la servilité.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Ce PLFSS, décrit par le Gouvernement comme un texte d’engagement et d’investissement pour notre système de santé, tourne en fait le dos aux urgences sociales du pays.

Contrairement à ce que vous prétendez, l’ONDAM n’est pas historiquement élevé. Par rapport à 2022, il diminue de 0,8 %, son enveloppe passant de 246 à 240 milliards d’euros. Vous avez expliqué qu’en 2022, nous étions face à la crise du covid-19 et qu’il convient désormais d’en revenir à un budget hors crise ou normalisé, les dépenses relatives au covid-19 étant d’ailleurs drastiquement réduites puisqu’elles passent à un milliard d’euros, montant que la Cour des comptes et le HCFP jugent insuffisant.

Hors crise, la programmation de l’ONDAM s’élèverait à 3,7 %, ce qui correspond à 8,6 milliards d’euros supplémentaires de dépenses courantes par rapport à cette année. Il est certes supérieur aux budgets des années 2010, où sa croissance était plafonnée à 2,5 % et où se sont succédé les fermetures massives de lits et de services dans les hôpitaux publics, des cadences de travail insupportables et où la désertification médicale s’est accrue. En fait, cet ONDAM est tout aussi restrictif que les précédents. Il est même plus austéritaire que celui de 2019, à 2,7 %, mais avec une inflation alors de 0,9 % et une croissance de 1,8 % contre respectivement 4,3 % et 1 % aujourd’hui, la Cour des comptes jugeant d’ailleurs que la croissance s’établira plutôt à 0,6 %.

Les dépenses envisagées pour 2023 sont largement insuffisantes pour couvrir notamment les dépenses supplémentaires.

M. Charles de Courson (LIOT). Il n’y a pas que des mauvaises choses dans ce PLFSS, comme le report jusqu’à la fin de 2023 de l’exonération TO-DE – et sans doute au delà par voie d’amendements – et un effort en matière de prévention et dans le domaine de la petite enfance.

Il n’en est pas de même du transfert de la charge des indemnités journalières (IJ) maternité de la branche maladie à la branche famille. Il ne me paraît pas de bonne politique de faire passer son excédent de 2 milliards d’euros à un milliard d’euros. Compte tenu de notre démographie, il serait plus astucieux de prendre quelques mesures en faveur des familles ayant des enfants à charge.

Le déficit agrégé s’élève à 6,8 milliards d’euros et les dépenses de la branche vieillesse augmentent de 4 %. Nous verrons en fin d’année ou au début de l’année prochaine ce que le Gouvernement proposera en matière de retraites mais je note que, selon le COR, si l’on ne fait rien, un déficit structurel s’installera. La hausse de l’ONDAM à hauteur de 3,7 % s’entend avec la suppression des 10 milliards d’euros de dépenses qui étaient consacrées à la lutte contre le covid-19. Le maintien à ce titre d’une dépense d’un milliard d’euros seulement est un peu hardi tant nous ignorons comment l’épidémie évoluera.

M. Frédéric Cabrolier (RN). Ce PLFSS, même s’il contient des éléments positifs, n’est pas plus à la hauteur que le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 : il s’agit d’un budget d’austérité. L’État, en effet, transfère des charges, tantôt vers les entreprises, tantôt vers les assurés.

Vous avez créé une cinquième branche de la sécurité sociale mais les financements ne sont pas au rendez-vous alors que l’on pourrait imaginer, par exemple, une revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Vous transférez sur les entreprises la charge du versement des IJ à raison des congés de maternité et de paternité. Compte tenu du délai de carence, ce sont les entreprises qui devront avancer l’argent.

Pour faire face à l’augmentation des coûts du transport des malades, vous augmentez le ticket modérateur.

Enfin, l’augmentation de l’ONDAM est insuffisante alors que l’hôpital est à l’os.

Bref, ce texte comporte une majorité de mesures négatives.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Je remercie M. Lefèvre d’avoir relevé l’amélioration des comptes de la sécurité sociale. Il a aussi évoqué le rapport du COR, que j’ai lu attentivement. Quelles que soient les hypothèses retenues pour les quatre scénarios décrits, ce rapport conclut à une dégradation des comptes du système de retraites à un horizon de vingt-cinq ans. Des réformes sont donc nécessaires car, dans tous les cas, la part des dépenses de retraite dans le produit intérieur brut (PIB) restera très élevée – et plus élevée que la moyenne européenne.

M. Maudet a évoqué la situation de l’hôpital. Beaucoup de choses ont été faites dans ce domaine. Tout d’abord, le « Ségur de la santé » a permis de remettre à niveau les rémunérations des personnels, qui étaient sous-payés – c’était peut-être une des conséquences des 35 heures. Par ailleurs, le Conseil national de la refondation (CNR) comprend un volet consacré à la santé, afin de déterminer une vision de ce que l’hôpital devra être à long terme. D’ores et déjà, l’hôpital public représente une part très importante des dépenses médicales en France et la part de ces dernières dans les comptes publics est plus importante que dans les autres pays européens. Il faut mener une réflexion d’ensemble sur l’hôpital. La mission confiée aux urgences est désormais plus claire. Elles ont pâti du manque de personnel, mais elles n’ont pas été fermées. Le filtre des appels au 15 avec le SAS a permis d’en réguler l’accès. Il mérite selon moi d’être pérennisé.

Mme Dalloz et plusieurs autres orateurs ont posé des questions sur l’ONDAM. De manière générale, la LFSS fixe des objectifs, qui sont très souvent dépassés – l’ODAM est différent d’un plafond de dépenses déterminé par la loi de finances. Toute prévision est un pari, mais celle qui est retenue pour l’ONDAM en 2023 est cohérente avec l’ensemble des mesures proposées dans le PLFSS. Les conséquences potentielles de l’inflation font encore l’objet de débats. Je rappelle que, lors de la précédente législature, un tiers de la dette des hôpitaux – c’était une charge très lourde – a été reprise par la CADES via des concours de l’assurance maladie, ce qui leur a en partie rendu des marges de manœuvre. La situation de l’hôpital a donc bien été prise en compte.

Madame Magnier, il est prévu d’augmenter la fiscalité sur le tabac à chauffer, de telle sorte que le prix des produits concernés augmentera de 37,8 %, afin de la faire converger avec celle des autres catégories de tabacs. Je vérifierai les chiffres que vous avez cités mais du fait du fort report de la consommation en direction de ces produits, la mesure proposée devrait produire une augmentation assez nette des recettes.

Madame Sas, tous les gouvernements ont lutté contre la fraude. La fraude fiscale en est l’une des composantes. Il conviendra aussi de lutter contre la fraude sociale, d’autant que nous allons expérimenter des prestations nouvelles. Depuis une dizaine d’années, les sommes recouvrées dans ce cadre ont augmenté.

Monsieur de Courson, la part des IJ pour le congé de maternité dont le versement est transféré à la branche famille correspond à celles qui sont versées après la naissance. La mesure proposée est donc cohérente avec le traitement des IJ pour le congé de paternité.

Le versement par les entreprises des IJ pour les congés de maternité et de paternité constitue une avance de trésorerie qui sera limitée dans le temps, monsieur Cabrolier, puisque les remboursements qui aujourd’hui interviennent dans un délai d’un mois devraient désormais être faits sous une semaine. Les entreprises ne seront donc pas particulièrement pénalisées.

La provision de dépenses prévue au titre du covid-19 passe de 11,5 milliards d’euros en 2022 à un milliard d’euros en 2023. Plusieurs éléments concourent à cette évolution : la vaccination de la population et très importante en France ; les nouveaux vaccins ciblent le variant omicron ; les variants qui circulent actuellement semblent moins agressifs ; enfin, on peut espérer que le dépistage sera moins massif.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Article liminaire : Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour les années 2022 et 2023

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article liminaire non modifié.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2021

Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2021

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er non modifié.

Article 2 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2020 (annexe A)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 non modifiée.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2022

Article 3 : Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2022

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 non modifié.

Article 4 : Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous‑objectifs

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 non modifiée.

TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2023

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES,
AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Article 5 : Poursuite de la modernisation des offres de services en faveur des particuliers en matière de services à la personne

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.

Article 6 : Modernisation du contrôle, du recouvrement social et du droit des cotisants

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 non modifié.

Article 7 : Prolonger le dispositif d’exonération lié à l’emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE)

Amendement CF24 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). L’amendement porte sur l’exonération de cotisations et contributions sociales pour la main-d’œuvre saisonnière agricole grâce au dispositif TO-DE. Ce dernier avait été sauvé par un vote à une voix près en séance publique lors de la précédente législature, mais le seuil à partir duquel l’exonération, de totale, devient dégressive avait été abaissé aux rémunérations dont le montant va jusqu’à 1,2 fois le SMIC.

Je propose de le rétablir à 1,25 fois le SMIC. Alors que les charges supportées par les exploitations augmentent avec l’inflation, le dispositif TO-DE est indispensable aux activités agricoles à forte intensité de main-d’œuvre – arboriculture, viticulture, pépinières, maraîchage, production de fruits et légumes. Il permet à la profession d’amortir les distorsions de concurrence. Le coût de la main-d’œuvre dans l’agriculture en France est un 1,6 fois supérieur par rapport à celui pratiqué en Allemagne et 1,8 fois par rapport à l’Espagne. Il s’agit donc d’une mesure indispensable pour la compétitivité et pour l’emploi, dans un secteur en tension.

Enfin, ce dispositif nous permet de continuer à manger français et contribue donc à la souveraineté alimentaire.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Ce que vous proposez ne me semble pas constituer la meilleure solution. La commission des affaires sociales a adopté la prolongation du dispositif d’exonération TO-DE jusqu’à la fin de 2025. L’allégement est désormais entier jusqu’à 1,2 fois le SMIC et décroît jusqu’à 1,6 fois le SMIC. Passer à 1,25 fois le SMIC coûterait cher aux finances publiques sans vraiment soutenir le pouvoir d’achat et les entreprises : le salaire moyen des saisonniers est de 1,14 fois le SMIC. Je préfère que l’on soutienne la prolongation du dispositif TO-DE – pour laquelle j’avais voté lors de la précédente législature.

M. Fabrice Brun (LR). On peut à la fois prolonger le dispositif TO-DE et le renforcer, en revenant au seuil de dégressivité qui s’appliquait jusqu’en 2019. Les deux mesures ne sont pas incompatibles.

Je souligne une fois encore que le coût de la main-d’œuvre et les charges globales augmentent dans l’agriculture – comme dans tous les secteurs de l’économie. Je ne comprends pas votre argumentation.

La commission rejette l’amendement CF24.

Amendements identiques CF18 de Mme Lise Magnier et CF27 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Cet amendement propose de pérenniser le dispositif TO-DE, qui est indispensable pour donner à la « ferme France » les armes nécessaires pour se battre face aux distorsions de concurrence avec nos voisins européens. Je ne doute pas que le rapporteur donnera un avis favorable.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Je reviens brièvement sur l’amendement précédent pour souligner que depuis l’abaissement du seuil de dégressivité à 1,2 fois le SMIC, des allégements généraux ont été prévus au titre de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Par ailleurs, un peu de cohérence serait nécessaire. En effet, lors de l’examen du PLFSS par la commission des affaires sociales, le groupe LR a présenté un amendement visant à prolonger jusqu’à la fin de 2025 le dispositif TO-DE, pas à le pérenniser. Cet amendement a été adopté. Je souhaitais pour ma part en proposer un qui prolonge le dispositif jusqu’à 2027 mais j’estime que nous pouvons nous rejoindre sur la version de nos collègues et demande le retrait de cet amendement.

M. Fabrice Brun (LR). La prolongation de ce dispositif indispensable peut bien entendu recueillir un consensus ; mais je continue à soutenir les demandes de la profession pour obtenir sa pérennisation.

Mme Lise Magnier (HOR). La commission des affaires sociales a en effet adopté hier un amendement qui prolonge le dispositif TO-DE jusqu’à la fin de 2025 – ce que je salue car cela donne de la visibilité aux agriculteurs pour les trois prochaines années.

Nous sommes tous convaincus qu’il s’agit d’un très bon dispositif, faute de mieux. Sa prolongation doit nous donner le temps d’inventer un système encore meilleur et plus stable.

Je retire donc mon amendement.

M. Charles de Courson (LIOT). L’un des rares articles du projet de LPFP adoptés hier soir en séance publique concernait le bornage des allègements sociaux pour les trois années à venir. Il faudrait donc prévoir une prolongation du dispositif TO-DE en cohérence. Il s’agit d’une simple remarque de méthode, car sur le fond je suis très favorable à la prolongation.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Le cadre organique dispose que la LFSS est le seul texte qui peut s’abstraire de cette limitation à trois ans des allègements sociaux.

Je demande le retrait de l’amendement CF27 et j’invite à voter lors de la séance publique en faveur de l’amendement adopté par la commission des affaires sociales, qui prolonge le dispositif TO-DE jusqu’à la fin de 2025.

L’amendement CF18 est retiré.

La commission rejette l’amendement CF27.

Amendement CF23 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Cet amendement propose de faire bénéficier les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) du dispositif TO-DE. Cela contribuera à encourager l’agriculture collective, qui est l’une des solutions pour poursuivre la modernisation de l’agriculture.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Les exploitations qui ont adhéré à une CUMA peuvent recourir à des saisonniers et bénéficier du dispositif TO-DE en leur nom propre. Les CUMA emploient quant à elles surtout des personnels en contrat à durée déterminée. Je vous demande le retrait de cet amendement.

M. Fabrice Brun (LR). Les CUMA emploient bien entendu des salariés, parfois en CDI et souvent en contrat à durée déterminée (CDD). Si de votre aveu même le nombre de saisonniers auxquels elles recourent est faible, le coût le sera également. En revanche, la mesure proposée aurait une incidence positive importante pour les CUMA.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Les CUMA bénéficient déjà de nombreux avantages : exonération, sous certaines conditions, de l’impôt sur les sociétés ; aide à l’investissement, avec une majoration de dix points du taux de soutien public au titre de la mission Plan de relance ; exonération de droits de timbre et d’enregistrement. Ajouter le dispositif TO-DE à cette liste ne me semble pas nécessaire.

La commission rejette l’amendement CF23.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 non modifié.

Article 8 : Renforcement et harmonisation de la fiscalité sur les produits du tabac

Amendement CF28 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT). Je m’étais battu l’année dernière pour instaurer un dispositif fiscal spécifique sur le tabac à chauffer. Le Gouvernement avait alors déclaré qu’il allait réfléchir à la question. L’article 8 propose de créer une nouvelle catégorie fiscale pour les produits du tabac à chauffer.

Or ceux-ci étant vendus en kits et le texte faisant référence à des « unités », il serait plus astucieux de prévoir une taxation en fonction du poids. Cette question a été débattue hier au sein de la commission des affaires sociales et un amendement est en cours de rédaction en vue de la discussion en séance publique. La rapporteure générale a hésité entre une taxation au poids et un système mixte, mais je ne vois pas très bien comment ce dernier pourrait fonctionner. Un accord s’est dessiné en faveur d’une taxation au poids.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. La rédaction proposée par l’article 8 est large. Elle permettra donc de couvrir les sticks, qui sont actuellement les seuls produits mis en vente qui contiennent du tabac à chauffer, ainsi que les autres types de conditionnement susceptibles d’arriver sur le marché.

Je suis partisan de taxer les tabacs autant que possible. Coprésident du groupe d’études sur le cancer au cours de la précédente législature, je suis particulièrement engagé dans la lutte contre cette maladie. L’ajustement de la fiscalité sur le tabac à chauffer va conduire à une augmentation de 37,8 % du prix de ces produits. Cette refonte de la taxation constitue un acte fort.

Passer à une taxation au poids pourrait avoir un effet massif. Mon avis est défavorable, dans l’attente d’informations plus précises et de discussions avec la rapporteure générale de la commission des affaires sociales.

Mme Lise Magnier (HOR). Lors de la précédente législature, la commission des finances avait créé une mission d’information sur l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement. Son constat était clair : l’outil fiscal n’est pas un instrument de santé publique, puisque la France reste l’un des pays européens avec la plus forte prévalence tabagique malgré sa fiscalité importante sur les produits du tabac.

Cela fait trois ans que nous abordons cette question du tabac à chauffer à l’occasion du PLF – étant entendu que les études quant à sa nocivité doivent se poursuivre. À chaque fois, on nous a répondu qu’il fallait attendre que la Commission européenne statue sur une proposition de révision de la directive de 2011 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés. Or, cette année, le Gouvernement a décidé de légiférer, sans attendre la position de la Commission européenne. Mais la réforme de la taxation du tabac à chauffer prévu à l’article 8 revient à vouloir taxer à l’unité. C’est la raison pour laquelle nous proposons de taxer le tabac à chauffer au poids, comme le sont les produits du tabac dont la consommation implique leur combustion.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous opposerons à cet article. Il ne s’agit pas de minimiser les risques du tabagisme et la nécessité de lutter contre ce dernier. Mais en l’espèce, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Nous savons tous – et les députés de circonscriptions frontalières plus encore – que si la hausse des taxes entraîne une diminution du volume des ventes de tabac, elle conduit aussi à une augmentation considérable de la contrebande et du marché noir.

Je ne suis pas certain que l’on puisse établir un lien évident entre la hausse des taxes et la lutte contre le tabagisme, en particulier pour les classes populaires. Du fait de l’absence de contrôle de la qualité du tabac de contrebande, le risque pour la santé devient paradoxalement encore pire pour nos compatriotes dont les revenus sont les plus faibles.

Taxer le tabac ne fait pas une politique de santé publique.

Si la France se distingue malheureusement par un fort tabagisme, c’est sans doute en raison d’insuffisances dans le domaine de la prévention et de difficultés d’accès à des soins ou à un accompagnement.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. L’augmentation du prix du tabac permet tout de même de réduire la consommation, notamment des cigarettes. Ce résultat peut être cependant atténué par un report des consommateurs vers d’autres produits qu’il faut taxer davantage. Des effets de bord peuvent également se produire, en particulier dans les zones frontalières.

Il reste que l’augmentation du prix du tabac est l’un des éléments de la lutte contre le tabagisme et que l’ensemble des associations de lutte contre le cancer soutient l’utilisation de l’outil fiscal. Mais il faut en effet se préoccuper aussi des autres composantes de la politique de prévention. Des efforts importants sont consentis en sa faveur cette année. On pourrait éviter 40 % des cancers et près de la moitié d’entre eux est due au tabac. Cela fait réfléchir.

La commission rejette l’amendement CF28.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 non modifié.

Article 9 : Extension du régime simplifié de déclaration des cotisations et contributions sociales aux médecins exerçant une activité de régulation dans le cadre du service d’accès aux soins

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 non modifié.

Après l’article 9

Amendement CF1 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Cet amendement vise à clarifier et sécuriser l’assujettissement social des junior entreprises. Sans cette sécurité, 200 de ces entreprises risquent de disparaître, contraignant 25 000 étudiants à mettre fin à leur activité. C’est là pour le Parlement une occasion de manifester concrètement son attachement à notre jeunesse en permettant aux étudiants de prendre leur place dans le monde du travail et de l’entrepreneuriat.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Cette question revient assez régulièrement, mais elle relève davantage du domaine réglementaire que de la loi. Les sites des URSSAF précisent bien le mode de taxation de ces junior entreprises – qui, du reste, bénéficient déjà de certains avantages. Quant aux caisses qui appliquent mal ces dispositions, il faut leur expliquer qu’il existe une réglementation et une jurisprudence de la Cour de cassation très claires.

Les junior entreprises ont, par ailleurs, le choix du mode de cotisation, car les prélèvements peuvent être calculés forfaitairement sur la base de quatre fois le SMIC horaire ou sur celle des rémunérations réellement versées : il suffit donc de déclarer à l’URSSAF l’option choisie, même si de petites incompréhensions peuvent se produire sur le terrain.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Il s’agit surtout de sécuriser ce régime, car les étudiants concernés sont considérés comme ayant un lien de subordination avec leur junior entreprise.

La commission rejette l’amendement CF1.

TITRE II
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Article 10 : Transfert du financement des indemnités journalières maternité post-natales à la branche famille

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 non modifié.

Article additionnel après l’article 10 : Conventionnement sélectif des médecins généralistes en exercice libéral

Amendement CF30 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Monsieur le rapporteur pour avis, en tant que médecin et député d’une circonscription proche d’Agen, vous connaissez bien les problèmes de désertification médicale qui touchent nos zones rurales : selon la dernière étude réalisée par l’Association des maires ruraux de France (AMRF), il est six fois plus difficile de consulter un médecin généraliste à la campagne que dans une grande ville.

La suppression du numerus clausus est loin de tout régler. D’abord, un horizon à dix ans est très lointain au regard de l’urgence quotidienne que connaissent les 6 millions de Français vivant dans des déserts médicaux. En outre, même si nous formons demain plus de médecins – ce qui, au demeurant, n’est pas certain, car cela supposerait d’augmenter fortement le nombre d’internes –, nous n’avons aucune garantie qu’ils s’installeront dans des zones sous-dotées comme l’Ardèche ou le Cantal.

L’amendement vise donc, au moins, à décourager leur installation dans les zones sur-dotées en instaurant un mécanisme de conventionnement sélectif.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Mon avis est défavorable. À court terme, tout d’abord, la mesure serait même contre-productive. Dans le département dont je suis élu, par exemple, la moitié des médecins ont plus de 60 ans. Les départs à la retraite seront donc très nombreux, alors que nous ne connaissons pas encore les effets du rehaussement du numerus clausus. Les nouveaux arrivants pourront donc s’installer lorsque les anciens partiront.

En deuxième lieu, à plus long terme, nous avons intérêt à revaloriser la médecine de proximité. Le médecin traitant doit être le pivot de la médecine. Or, alors que la médecine générale connaissait depuis quelques années un certain regain, je crains que la mesure proposée ne dégoûte les jeunes médecins de choisir cette spécialité et ne les pousse à choisir un autre type d’exercice, en qualité par exemple de praticiens hospitaliers ou de médecins salariés.

En outre, nous avons également instauré de fortes incitations. De fait, la situation appelle tout un panel de mesures, une seule ne résoudra pas le problème.

Enfin, la semaine dernière, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et les représentants de tous les médecins sont unanimement convenus d’assurer des accès à la médecine aux patients qui n’ont pas de médecin traitant. Ces propositions, que je vous communiquerai, sont beaucoup plus porteuses que celle qui fait l’objet de l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. M. Brun a le mérite de chercher des solutions à un problème qui ne concerne pas que les zones rurales : la Seine-Saint-Denis aussi, par exemple, est touchée. Je préfère, pour ma part – et nous en avons discuté tous les deux –, des dispositifs de cette nature à des exonérations. Mais il faut, bien sûr, expertiser les différentes mesures.

On pourrait aussi envisager la création de corps de médecins fonctionnaires... (exclamations de plusieurs députés des groupes RE, Dem et HOR) oui, bien sûr, de médecins fonctionnaires qui, en échange du paiement de leurs études, devraient exercer quelques années là où on les enverrait. Il faut, en tout cas, chercher des solutions concrètes à un problème de plus en plus criant et épineux.

M. Fabrice Brun (LR). Il n’y a jamais eu autant de médecins en France et ils n’ont jamais été aussi mal répartis. Le Gouvernement et la majorité n’ont pas pris la pleine mesure de la désertification médicale qui touche nos zones de montagne et nos zones rurales, mais aussi, comme vous l’avez dit à juste titre, monsieur le président, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où les statistiques montrent une véritable iniquité dans l’accès aux soins.

Si la politique incitative avait de l’effet, cela se saurait ! Je continuerai donc à faire des propositions concrètes pour répondre à cette préoccupation majeure de nos concitoyens qu’est leur santé.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez évoqué le risque de « dégoûter » les médecins. Heureusement que nous ne nous sommes pas posé cette question pour les professeurs car, si nous n’avions pas d’enseignants dans nos zones de montagne et nos zones rurales, l’accès à l’éducation ne serait pas le même ! Pour ce qui est de la couverture médicale, la situation est si dramatique que nous sommes contraints de changer d’outils. De fait, nous ne verrons pas avant de très nombreuses années les effets de la suppression du numerus clausus et ceux-ci seront très différents selon les territoires.

Il est exagéré de dire qu’on pourrait « dégoûter » les médecins d’exercer dans certains territoires. Je rappelle que leurs études sont payées et qu’eux-mêmes sont rémunérés, durant toute leur carrière, grâce aux cotisations sociales. Certes, il y a urgence et des mesures incitatives sont nécessaires, mais il y a là aussi une certaine exagération. En effet, on en vient quasiment à offrir des locaux aux médecins et les territoires ruraux sont le théâtre d’une surenchère qui oppose ceux de ces territoires qui n’ont pas de moyens à ceux qui en ont davantage. Ça devient vraiment n’importe quoi !

Pour obtenir une répartition plus raisonnable et permettant une couverture de soins minimale partout sur le territoire national, il va nous falloir utiliser des moyens contraignants, sans pour autant aller jusqu’à l’obligation.

M. Philippe Brun (SOC). Je souscris à cet amendement de mon homonyme Fabrice Brun. Cette mesure est en effet demandée par tous les députés de ces territoires perdus en termes d’offre médicale et dont la population a beaucoup de mal à se soigner. Nous avons d’ailleurs déjà examiné en commission des finances un amendement du groupe LR à la première partie du PLF tendant à instaurer une défiscalisation.

Nous arrivons au bout de l’efficacité des logiques incitatives. Même le salariat des médecins a ses limites. Ainsi, dans ma circonscription, les trois médecins salariés d’un centre de santé sont partis. Il faudra donc réguler, ce qui peut passer par le conventionnement sélectif que propose l’amendement. Cette démarche comporte cependant le risque d’une hausse des honoraires en cas de déconventionnement.

Une autre option, plus ambitieuse mais plus difficile à négocier avec les médecins, consisterait à appliquer à ces derniers une cartographie, à l’instar de celle qui s’applique aux professions réglementées telles que celles d’infirmière, sage-femme, pharmacien ou notaire, dont les membres ne me semblent pas être « dégoûtés » pour autant.

Toujours est-il que cet amendement est une première avancée. Les députés du groupe Socialistes et apparentés, en cohérence avec les travaux de Guillaume Garot, le voteront donc.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). J’abonderai dans le sens de nos deux collègues Brun. De fait, si le conventionnement sélectif n’est pas l’alpha et l’oméga et ne réglera pas tous les problèmes de désertification médicale, il peut être un premier pas : là où les médecins conventionnés sont assez nombreux, il est inutile d’en conventionner de nouveaux.

Toutefois, dans le contexte de pénurie assez généralisée que nous connaissons, il se peut que le rééquilibrage ne se fasse sentir que dans dix ans, lorsque le nombre de médecins sera plus élevé et que nous repartirons sur de bonnes bases.

Par ailleurs, vous avez certes supprimé le numerus clausus, mais quel est le budget offert aux universités pour accueillir les étudiants supplémentaires ? De fait, si les universités n’ont pas la capacité d’assurer la formation, le nombre d’étudiants n’augmentera pas. Or je crains que les ressources des universités soient insuffisantes.

Enfin, à la différence de Philippe Brun, je considère que le travail salarié doit être encouragé. En effet, malgré la perte en équivalents temps pleins (ETP) du fait de la réduction du nombre d’heures que cela implique, nombre de jeunes médecins y sont plutôt favorables – comme, du reste, à l’exercice libéral en groupe dans les maisons de santé. Si une grande partie d’une génération le demande, il sera difficile de ne pas lui proposer cette alternative, qui peut du reste permettre d’organiser un grand plan de travail salarié des médecins et de créer ainsi, dans certaines zones, des centres de santé. C’est d’ailleurs le cas, notamment, en Saône-et-Loire, où cette activité, qui employait initialement trente médecins, en occupe désormais plus de soixante. C’est également le cas dans le Cantal et en Corrèze.

Cette solution n’est pas parfaite, mais il faut examiner toutes les situations, car nous ne réglerons pas le problème si rapidement. Je suis donc favorable à cet amendement.

M. Charles de Courson (LIOT). Voilà des années que nous tournons autour de cette question et nous avons évoqué à maintes reprises le conventionnement sélectif. L’un de ses effets pervers est cependant que les médecins peuvent s’adapter aux règles en s’installant en bordure de la zone déficitaire pour desservir la zone excédentaire.

Nous devrions, comme l’ont fait nos collègues de la commission des affaires sociales, voter une règle remédiant au fait que les médecins qui prolongent leur activité après avoir pris leur retraite continuent à payer des cotisations sociales ne leur créant aucun droit, ce qui n’est guère incitatif.

La mesure introduisant une quatrième année de spécialité pour les médecins généralistes est un autre aménagement bienvenu mais, comme le disait M. Maudet, la suppression du numerus clausus ne règle pas le problème si l’on n’augmente pas les capacités des universités en termes de formation des médecins – on ne fait que répartir la pénurie. La solution de fond que représente l’augmentation de l’offre, c’est-à-dire du nombre de médecins, prendra dix ans, et les autres mesures ne peuvent être que des palliatifs.

Mme Nadia Hai (RE). La désertification médicale touche tous nos territoires et il ne saurait être question d’opposer territoires ruraux et urbains, au vu notamment de la situation dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aussi dans certains arrondissements de Paris – même si je n’en suis pas députée –, qui manquent de médecins.

La majorité n’est pas restée inactive dans ce domaine. La suppression du numerus clausus a ainsi produit des résultats, le nombre d’entrants étant passé en cinq ans de 4 500 à 8 500. On peut certes faire encore davantage en matière de formation, mais les progrès sont notables. Il faut cependant du temps pour former des médecins, et donc pour leur permettre d’arriver dans nos territoires.

Les collectivités peuvent elles aussi mener certaines actions. Je salue à cet égard les initiatives prises par des élus de terrain. Je pense notamment à la décision du président du département de Saône-et-Loire de salarier des médecins pour lutter contre la désertification médicale.

Nous avons, enfin, développé la télémédecine : les collectivités s’engagent, dans le cadre des maisons France services, à installer des cabines permettant de prendre en charge des cas ne requérant pas la présence d’un médecin.

Nous sommes à vos côtés dans la lutte contre la désertification médicale. Il nous faut, à cette fin, continuer à travailler sur les incitations. Je rappelle également que les dispositifs fiscaux que sont les zones franches urbaines (ZFU) et les zones de revitalisation rurale (ZRR) seront encore en vigueur en 2023.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le débat ouvert par M. Brun est très intéressant. Je suis également très sensible à la position de Mme Bonnivard et suis moi aussi choqué par la surenchère à laquelle, même si ce n’est pas leur faute, se livrent les collectivités en direction de personnes qui ont bénéficié d’études gratuites et qui, ayant reçu tous les avantages de la part de la République, sont encore privilégiées. Il y a là un vrai problème et cette mise en compétition de territoires qui sont tous en difficulté est terrible.

La volonté de travail en commun exprimée par toutes les forces politiques n’est-elle pas l’occasion de nous réunir pour trouver ensemble des réponses concrètes ? À chacun de prendre ses responsabilités : peut-être pourrions-nous porter collectivement des solutions faisant l’objet d’un vrai consensus, ce qui permettrait d’éviter la politique politicienne sur une question aussi grave et de proposer aux Français des mesures efficaces que nous pourrions tous adopter.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Notre groupe approuvera cet amendement. Un exemple à cet égard : la semaine dernière, dans ma circonscription, j’ai appuyé devant la commission préfectorale l’opposition d’un maire à la demande d’une pharmacie qui souhaitait quitter le quartier populaire où elle était installée pour rejoindre un grand centre commercial, car ce déménagement aurait créé un désert médical dans une zone où il n’y a déjà plus de médecin.

L’amendement, qui tend à conditionner, dans les zones urbaines ou rurales, l’installation d’un médecin à la présence ou au départ d’autres médecins, me paraît relever du même esprit que les dispositions qui s’appliquent à d’autres professions médicales et qui, à ma connaissance, n’ont pas été remises en cause.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Je suis opposé au référencement proposé par l’amendement, car, dans la situation actuelle, il serait contre-productif. En effet, la réglementation qui s’est appliquée à d’autres professions médicales, comme les infirmières, ne s’inscrivait pas dans un contexte de manque, comme celui que nous observons aujourd’hui avec les médecins.

Je maintiens le mot qui a fait réagir Mme Bonnivard, car j’ai vécu personnellement la baisse d’attractivité de la médecine générale. De fait, lorsque je me suis installé, les généralistes étaient considérés comme étant à peu près du même niveau que des spécialistes et on n’observait pas de décrochements, mais un désintérêt très fort pour la profession s’est manifesté dans les années qui ont suivi. Prenons donc garde aux mesures que nous allons prendre, qui risquent en outre de provoquer d’autres effets de bord.

Tout d’abord, en effet, je rappelle que les médecins ont accepté le conventionnement en contrepartie de la liberté d’installation : la remise en cause de cette dernière remettrait donc aussi en cause toutes les négociations, ce qui serait prématuré sans discussion préalable avec les différentes associations de médecins.

Par ailleurs, comme j’en suis aussi témoin à Agen, le manque de médecins est tel que des praticiens non conventionnés peuvent s’installer et gagner autant que leurs confrères en travaillant deux fois moins, ce qui aura des effets en termes d’égalité d’accès à la médecine.

La commission adopte l’amendement CF30 (amendement n° 270).

Article 11 : Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 non modifié.

Articles 12 et 13 : Approbation, pour l’année 2023, des tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base et fixation, pour l’année 2023, de l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale ainsi que des prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse

La commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 12 et 13 non modifiés.

Article 14 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt             

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 non modifié.

Article 15 : Approbation du rapport sur l’évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de la troisième partie modifiée.

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2023

TITRE I
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Chapitre Ier
Renforcer les actions de prévention en santé

Article 16 : Protection des populations et des travailleurs face à la Covid-19

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 non modifié.

Article 17 : Mettre en place des rendez-vous « prévention » à certains âges clés

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 non modifié.

Article 18 : Élargir le remboursement des dépistages sans ordonnance aux IST autres que le VIH et assurer leur prise en charge à 100 % pour les moins de 26 ans

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 non modifié.

Article 19 : Renforcer l’accès effectif à la contraception en élargissant aux majeures la prise en charge intégrale de la contraception d’urgence en pharmacie sans prescription médicale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 non modifié.

Article 20 : Permettre aux pharmaciens, infirmiers et aux sages-femmes de prescrire des vaccins

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 non modifié.

Chapitre II
Renforcer l’accès aux soins

Article 21 : Exonération de ticket modérateur sur les transports sanitaires urgents pré-hospitaliers

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 non modifié.

Article 22 : Rénover la vie conventionnelle pour renforcer l’accès aux soins

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 non modifié.

Article 23 : Ajout d’une quatrième année au diplôme d’études spécialisées de médecine générale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 non modifié.

Article 24 : Augmenter l’impact des aides à installation

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 non modifié.

Article 25 : Encadrer l’intérim médical et paramédical en établissement de santé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 non modifié.

Chapitre III
Accompagner les professionnels de santé et rénover le parcours de soins

Article 26 : Transparence de l’information sur les charges associées aux équipements matériels lourds d’imagerie médicale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 non modifié.

Article 27 : Biologie médicale : favoriser l’accès à l’innovation et permettre une régulation des dépenses

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 non modifié.

Article 28 : Régulation des sociétés de téléconsultation facturant à l’assurance maladie obligatoire

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 non modifié.

Chapitre IV
Rénover la régulation des dépenses de produits de santé

Article 29 : Assurer une juste contribution des différents acteurs à la régulation des produits de santé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 29 non modifié.

Article 30 : Garantir l’accès aux médicaments des patients et l’efficience de leur prise en charge

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 non modifié.

Article 31 : Garantir l’accès des patients aux dispositifs médicaux, produits et prestations et l’efficience de leur prise en charge

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 non modifié.

Chapitre V
Renforcer la politique de soutien à l’autonomie

Article 32 : Mesures relatives à la transparence financière dans les établissements et les services médico-sociaux

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 non modifié.

Article 33 : Sécuriser la réforme du financement des services de soins à domicile

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 non modifié.

Article 34 : Instaurer du temps dédié à l’accompagnement et au lien social auprès de nos aînés pour prévenir leur perte d’autonomie à domicile

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 non modifié.

Article 35 : Assurer pour l’habitat inclusif la transition entre le forfait habitat inclusif et le déploiement de l’aide à la vie partagée

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 35 non modifié.

Chapitre VI
Moderniser les prestations familiales

Article 36 : Amélioration du soutien à la garde d’enfants : CMG horaire et linéaire, extension du CMG aux familles monoparentales pour la garde d’enfants âgés de 6 à 12 ans, ouverture du CMG linéarisé aux deux parents en cas de résidence alternée

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 36 non modifié.

Article 37 : Garantir la continuité des ressources des salariés lors des congés maternité, d’adoption et de paternité et d’accueil de l’enfant

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 37 non modifié.

Chapitre VII
Simplifier et moderniser le service public de la sécurité sociale

Article 38 : Accélérer la convergence sociale à Mayotte

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 38 non modifié.

Article 39 : Moderniser la législation de sécurité sociale applicable à Saint Pierre et Miquelon

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 39 non modifié.

Article 40 : Amélioration de la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles des non-salariés agricoles pluriactifs et des membres de famille

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 40 non modifié.

Chapitre VIII
Poursuivre les actions de lutte contre les abus et les fraudes

Article 41 : Renforcement de la lutte contre la fraude fiscale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 41 non modifié.

Article 42 : Extension des procédures de déconventionnement à d’autres catégories de professionnels de santé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 42 non modifié.

Article 43 : Limitation des arrêts de travail prescrits dans le cadre d’une téléconsultation afin d’éviter les abus

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 43 non modifié.

Article 44 : Permettre aux caisses d’assurance maladie d’évaluer des indus par extrapolation des résultats de contrôles sur des échantillons de factures

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 44 non modifié.

TITRE II
DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DÉPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES

Article 45 : Dotations au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, aux agences régionales de santé et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 non modifié.

Article 46 : Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 46 non modifié.

Article 47 : Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous‑objectifs pour 2023

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 47 non modifié.

Article 48 : Dotation de la branche AT-MP au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) et transfert au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles et dépenses engendrées par les dispositifs de prise en compte de la pénibilité

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 48 non modifié.

Article 49 : Objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 49 non modifié.

Article 50 : Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2023

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 50 non modifié.

Article 51 : Objectifs de dépenses de la branche famille

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 51 non modifié.

Article 52 : Objectifs de dépenses de la branche autonomie 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 52 non modifié.

Article 53 : Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (Fonds de solidarité vieillesse)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 53 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de la quatrième partie non modifiée.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale modifié.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 12 octobre 2022 à 9 heures 30

 

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Émilie Bonnivard, M. Philippe Brun, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Guiraud, M. Benjamin Haddad, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, Mme Karine Lebon, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, M. Jimmy Pahun, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, Mme Cécile Rilhac, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier

 

Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Mickaël Bouloux