Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

–  Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Nicolas Dufourcq, dont la reconduction en tant que directeur général de BPI France est proposée par le Président de la République puis vote sur cette proposition (M. Frédéric Cabrolier, rapporteur)              22

  Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (n° 808) (M. Philippe Brun, rapporteur)              22

  présences en réunion...........................26

 


Mercredi
8 février 2023

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 46

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission entend, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Nicolas Dufourcq, dont la reconduction en tant que directeur général de BPI France est proposée par le Président de la République puis vote sur cette proposition (M. Frédéric Cabrolier, rapporteur).

M. le président Éric Coquerel. Par courrier en date du 25 janvier 2023, Mme la Première ministre a demandé à la présidente de l’Assemblée nationale de bien vouloir solliciter l’avis de la commission compétente sur le projet de nomination par le Président de la République de M. Nicolas Dufourcq comme directeur général de BPIFrance. Le 22 février 2018, M. Dufourcq avait déjà été renouvelé dans ses fonctions pour un mandat de cinq ans, après avoir été nommé en février 2013.

La commission des finances a eu l’occasion d’auditionner M. Dufourcq à plusieurs reprises, encore récemment le mercredi 11 janvier 2023, ce qui témoigne de l’importance de l’action du groupe public BPIFrance pour les entreprises et notre activité économique.

Je précise que, conformément à l’usage, M. Dufourcq a reçu de la part du rapporteur sur cette nomination, M. Frédéric Cabrolier, un questionnaire écrit, auquel il a bien voulu répondre dans un délai relativement bref. Les réponses ont été communiquées aux commissaires hier en début d’après-midi.

Cette audition sera suivie d’un vote, qui se déroulera conformément au quatrième alinéa de l’article 29-1 du règlement de notre assemblée. Le scrutin sera secret et aura lieu hors de la présence de M. Dufourcq. Le dépouillement du scrutin aura lieu en fin de matinée, une fois que le Sénat aura également procédé à l’audition de M. Dufourcq.

M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance. J’étais en effet ici il y a moins d’un mois pour détailler les actions de BPIFrance. Ce n’était pas l’occasion de vous dire que je présentais ma candidature pour continuer ma mission à la tête de cette belle institution, créée il y a dix ans. Le temps a passé vite, sans doute parce que les défis sont considérables et s’additionnent au fil des ans.

Je commencerai par rappeler brièvement ce que j’ai longuement exposé il y a un mois. En 2023, BPIFrance est deux fois plus grosse qu’en 2013. La taille du bilan a doublé, les volumes de crédit ont augmenté de 70 %, le financement de l’innovation a été multiplié par dix et le volume du capital-investissement a été multiplié par quatre.

Plusieurs métiers ont été introduits dans le périmètre initial de BPIFrance, tels que l’accompagnement à la création d’entreprise, l’assurance crédit à l’export et la relation avec les fonds souverains, qui est de plus en plus intense – j’étais au Qatar et à Abu Dhabi il y a une dizaine de jours, au sein de la délégation du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. L’accompagnement d’entreprises, qui n’existait pas à l’origine, est devenu essentiel pour les entrepreneurs clients de BPIFrance.

Par ailleurs, la crise nous a obligés à remplir des missions dont nous n’avions jamais imaginé devoir nous charger, notamment une dont on peut penser qu’elle est révolue mais qui nous occupe beaucoup : la gestion des 750 000 prêts garantis par l’État (PGE) octroyés aux entrepreneurs français, dont l’encours est intégralement géré par les équipes de BPIFrance.

Je vous indique, par anticipation sur la conférence de presse que je ferai la semaine prochaine, que le résultat net de BPIFrance en 2022 est de 1,5 milliard d’euros. Celui de 2021 était de 2,2 milliards. Si je commence par évoquer la performance opérationnelle de BPIFrance – qui est une entreprise, dont le pilotage repose sur la performance, et non une agence – c’est pour rappeler que ses 3 500 collaborateurs ont toujours à cœur de démontrer qu’il est tout à fait possible, et même nécessaire, de conjuguer l’exercice optimal de missions d’intérêt général et la discipline du résultat. Le résultat étant systématiquement recyclé pour financer les missions d’intérêt général, il y a quelque chose d’extraordinairement vertueux dans l’objet de BPIFrance.

Un tiers du résultat net de 2022 est formé par des participations si stratégiques à nos yeux que nous les intégrons dans nos comptes, notamment les 500 millions que nous avons investis dans STMicroelectronics. Le milliard restant résulte des activités propres de BPIFrance, dont 75 % proviennent des activités de fonds propres et 25 % des activités de crédit.

Les activités de fonds propres sont absolument indispensables dans un pays comme la France où il y a peu de poches de capitaux disponibles à investir dans les petites et moyennes entreprises (PME), les établissements de taille intermédiaire (ETI) et les grands groupes. Par ailleurs, elles produisent des résultats significatifs qui permettent de financer les missions d’intérêt général de BPIFrance, comme le soutien à l’innovation et l’accompagnement de la création d’entreprise, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Comme vous avez pu le constater à la lecture du questionnaire du rapporteur, auquel j’ai répondu de façon aussi détaillée que possible, BPIFrance a créé 15 milliards de valeur en dix ans, soit en moyenne 7 % par an. Ce résultat est conforme à ce que l’on peut attendre d’une banque de développement, qui n’est pas un fonds d’investissement privé, dont les actionnaires attendent un rendement de 12 % ou 13 % par an. Compte tenu des missions dont s’acquitte BPIFrance, ce résultat est supérieur à celui qui était attendu lors de sa création.

Les sommes reçues de l’État pour financer la gestion de la garantie et l’innovation au cours de cette période sont très inférieures. Cet état de fait peut alimenter notre réflexion commune sur la réforme de l’État : il est possible de disposer d’outils de marché – nous sommes une banque exerçant ses missions dans le secteur concurrentiel – qui sont des outils d’intérêt général performants, capables dans une certaine mesure d’autoportance dans l’exercice des missions d’intérêt général.

M. le président Éric Coquerel. Vous avez été nommé à la tête de BPIFrance en février 2013 et renouvelé en février 2018. Si votre expérience est certainement utile, pensez-vous, après dix ans d’exercice, avoir le recul nécessaire pour poursuivre votre action ? Avez-vous toujours la fraîcheur qu’exige votre tâche ?

Par ailleurs – vous me répondrez sans doute que la Banque des territoires s’en charge quid du financement de l’écosystème de l’économie sociale et solidaire (ESS) par BPIFrance ? Existe-t-il des modalités d’investissements spécifiques ? Ne vous semble-t-il pas souhaitable de développer l’apport en investissement dans une économie qui n’est pas faite de sociétés de capitaux ?

Pour l’avenir, considérez-vous que le financement dont vous disposez est suffisant compte tenu de la tâche qui est la vôtre ?

M. Frédéric Cabrolier, rapporteur. Monsieur le directeur général, je vous remercie d’avoir répondu de façon exhaustive au questionnaire écrit que je vous ai fait parvenir, d’autant que vous ne disposiez que de quelques jours pour le faire.

L’institution que vous dirigez joue un rôle crucial dans le développement de notre économie et de nos entreprises. BPIFrance, dont le portefeuille atteignait une valeur nette de 26,5 milliards en 2021, n’est pas un investisseur comme les autres.

Votre dernier rapport annuel publié résume ainsi sa doctrine d’investissement : « Par ses interventions en fonds propres, BPIFrance finance le développement et la croissance des TPE, des PME […] et vise à l’émergence, la consolidation et la multiplication des ETI, maillon essentiel à la compétitivité de l’économie française et au développement des exportations. Les investissements de Bpifrance […] s’effectuent de façon sélective, […] en fonction du potentiel de création de valeur […] des entreprises ou des fonds financés. Toutefois, BPIFrance n’est pas un investisseur comme un autre. Son caractère d’investisseur avisé opérant aux conditions de marché au service de l’intérêt collectif l’amène à compléter l’offre d’investissement des segments de marché caractérisés par une insuffisance de fonds privés ». BPIFrance est « un investisseur patient », « au service de l’intérêt collectif ».

Votre expérience professionnelle antérieure, à la tête de Wanadoo et à la direction financière de Capgemini, ainsi que le bilan de vos deux premiers mandats à la direction générale de BPIFrance vous qualifient pour un troisième mandat. Je relève que votre intérêt pour le tissu productif de notre pays a également trouvé à s’exprimer, par-delà vos fonctions, sous la forme d’un ouvrage intitulé La désindustrialisation de la France 1995-2015, publié l’an dernier et classé par Les Échos parmi les livres qui font date.

Après avoir écouté votre exposé liminaire et pris connaissance de vos réponses écrites, je souhaite vous poser cinq questions complémentaires.

Premièrement, lors de votre audition du 23 janvier 2013 préalable à votre premier mandat de directeur général de BPIFrance, vous posiez la question suivante : « Que faire pour accompagner dans la durée les entrepreneurs français qui décident de partir à l’attaque des géants afin de construire la France de 2030 ? ». Pouvez-vous détailler les modalités de votre participation au déploiement du plan France 2030 ? Connaissez-vous des difficultés en la matière ?

Deuxièmement, lors de votre audition du 31 janvier 2018, vous déclariez : « La présence de BPIFrance dans les territoires reste un objectif majeur, et nous devons mettre l’accent sur les entrepreneurs des territoires fragiles ». Qu’en est-il cinq ans après ?

Troisièmement, lors de la même audition, vous disiez qu’il n’y avait aucune raison de laisser des fonds de capital-investissement étrangers capter les possibilités de développement et la rente de nos très belles écoles privées. Vous ajoutiez qu’il est essentiel d’avoir quelques très grands groupes d’éducation privés français. Qu’en est-il de votre action dans ce domaine ?

Quatrièmement, l’activité de BPIFrance a été fortement marquée par le déploiement des PGE. Votre enquête de conjoncture du mois de janvier dernier indiquait un risque de non-remboursement – mesuré à la fin de l’année 2022 – pour 5 % des TPE-PME. Nous en avions parlé le 11 janvier. Un mois plus tard, compte tenu du caractère particulièrement aigu de la crise énergétique en ce début d’année, ne pensez-vous pas que vous avez sous-estimé ce taux de défaut ? C’est en tout cas le ressenti sur le terrain.

Ma dernière question porte sur le projet de loi pour l’industrie verte annoncé par M. Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Êtes-vous associé à son élaboration ? Qu’en attendez-vous ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur le directeur général, à l’heure des bilans, je vous remercie de l’action de BPIFrance pendant la crise du covid-19 et lors du lancement du plan de relance. Vous avez joué un rôle essentiel dans le sauvetage de notre économie.

La semaine dernière, Christine Lagarde a indiqué que la Banque centrale européenne, qu’elle préside, continuera d’augmenter les taux d’intérêt pour assurer un retour au plus tôt de l’inflation autour de 2 %. Comment appréhendez-vous les conséquences des resserrements successifs de la politique monétaire ? Risquent-ils de mettre en difficulté la capacité à emprunter et à se financer de nos entreprises ? Plus généralement, comment envisagez-vous l’année 2023 du point de vue macroéconomique, compte tenu des récentes informations dont nous disposons ?

Le 11 janvier dernier, vous nous avez présenté le plan stratégique de BPIFrance pour les années 2023-2025. S’agissant du soutien à l’économie verte, dans le cadre de vos engagements en matière de décarbonation du tissu productif français, comment sélectionnez-vous les entreprises qui font l’objet d’investissements en fonds propres ?

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a réaffirmé son ambition de renforcer la protection des épargnants et de promouvoir la finance durable. Dans cette perspective, comment BPIFrance s’attache-t-elle à fournir une information utile et lisible aux souscripteurs de ces fonds ? Comment gérez-vous le risque de perte en capital ?

Compte tenu du bilan que vous avez présenté dans le questionnaire qui vous a été adressé, j’aimerais vous poser une question un peu directe : croyez-vous, vous qui êtes au contact de milliers d’entreprises, en la capacité de notre pays à retrouver le plein emploi ?

M. Nicolas Dufourcq. Je me suis bien sûr posé la question, parfaitement légitime, de ma fraîcheur. Je n’ai pas pris la décision de me présenter devant vous sans avoir réfléchi à ma capacité de déployer l’énergie nécessaire à ma mission, qui exige de soulever des montagnes. J’ai l’impression de l’avoir encore, sans avoir à y songer chaque matin. De même, j’ai écrit le livre que vous avez eu la gentillesse de citer, monsieur le rapporteur, non après l’avoir décidé un matin, mais spontanément : cela s’est fait tout seul.

Le plan stratégique de BPIFrance pour les années 2023-2025, que je vous ai présenté début janvier, est ambitieux. Mes équipes sont en ordre de bataille et lancées à pleine vitesse pour le mettre en œuvre. Je l’ai élaboré avant que ne se pose la question de ma reconduction. En bref, j’ai une impatience pour la France. Tant que certains problèmes ne sont pas résolus, je ne peux imaginer, dès lors que j’ai l’énergie pour travailler et que je suis en bonne santé, de m’arrêter.

Je m’en remets au dernier classement Glassdoor des meilleurs employeurs, notés par leurs collaborateurs et par ceux qui aspirent à l’être, dans lequel BPIFrance occupe la huitième place, tous secteurs confondus. Nous sommes la seule banque et la seule institution publique du top 25. Beaucoup de gens veulent travailler chez BPIFrance, parce qu’ils sentent qu’il s’y passe quelque chose de très fort, de l’ordre de l’aventure professionnelle.

Au demeurant, je veille attentivement à faire en sorte que chacun de mes collaborateurs ait chaque année le sentiment de vivre une aventure. Chaque année, les membres du comité exécutif de BPIFrance ont un budget à élaborer et une montagne à soulever. Voilà comment nous appelons l’attention sur notre entreprise et parvenons, j’espère vous le prouver, à obtenir des résultats.

L’économie sociale et solidaire est subdivisée en une part marchande, qui relève du mandat de BPIFrance, et une part associative, qui relève de celui de la Caisse des dépôts. Notre part du travail consiste à financer les coopératives. Par ailleurs, selon une acception large de l’ESS, nous menons une action importante d’accompagnement de la création d’entreprise partout en France, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les territoires ruraux fragiles. Nous finançons 300 associations.

Le plan stratégique de BPIFrance pour les années 2023-2025 prévoit le doublement des moyens mis à leur disposition. Il ne s’agit ni plus ni moins que de doubler le nombre d’entrepreneurs en France, ce qui n’a l’air de rien mais est en réalité considérable, et entraîne des conséquences sociétales profondes. Pour atteindre cet objectif, nous devons mobiliser tout le tissu social français, notamment le tissu associatif, dont nous sommes très proches.

Les moyens dont dispose BPIFrance sont-ils suffisants ? Pour exercer certaines de nos missions d’intérêt général, il nous faut des moyens budgétaires, que nous nous sommes débrouillés pour obtenir, bon an mal an, depuis dix ans.

Dans le domaine du financement de l’innovation, qui brille et mobilise tout le monde, nous n’avons pas trop de difficultés. Les volumes de capitaux mis à disposition de BPIFrance, donc de l’économie française, pour le financement de l’innovation sont très importants, avec France Relance, France 2030, les quatre programmes d’investissements d’avenir (PIA)… Ces derniers sont un véritable miracle français, et j’ai toujours fortement insisté pour qu’ils soient préservés. Il s’agit d’une spécificité en Europe, qui nous distingue et nous permet de préparer l’avenir.

Sur d’autres lignes comptables, il est plus difficile d’obtenir des moyens. Tel est le cas, comme je vous l’ai dit lors de ma dernière audition, de la garantie des crédits. Nous travaillons avec nos actionnaires à résoudre l’équation de l’année prochaine : pour continuer à garantir les crédits accordés par les banques françaises pour la création et la transmission d’entreprises ainsi que pour le développement des TPE, tout en continuant à octroyer 5 milliards d’euros de prêts sans garantie chaque année, il nous faut entre 300 et 400 millions de dotation budgétaire par an. Or le chiffre inscrit dans le plan à moyen terme de l’État est nul à partir de 2024 – l’année 2023 est couverte par le plan stratégique 2018-2023. Nous sommes donc dans une impasse s’agissant du financement de la garantie de BPIFrance à partir de 2024.

Disposons-nous de moyens suffisants pour que l’accompagnement des entreprises soit à la mesure de ce qu’il faut faire pour moderniser l’économie française ? Pas complètement. Avons-nous besoin de sommes considérables ? Pas du tout. Tel est le paradoxe de l’accompagnement d’entreprises : il ne coûte pas très cher à l’aune de ses effets multiplicateurs, qui sont considérables. Il manque quelques dizaines de millions d’euros.

Avons-nous assez de moyens pour traiter le drame du déficit du commerce extérieur, dont le montant – 164 milliards d’euros – a été publié hier matin, et avons-nous assez de moyens pour pousser nos entreprises à l’international ? Je pense pouvoir dire que non.

S’agissant de France 2030, BPIFrance en est le principal opérateur. Si l’on tient compte des appels à projets que nous gérons dans le cadre de nos comités, du millier d’experts que nous avons rassemblés pour instruire France 2030 et des gros volumes subventionnels des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) tels que le plan batteries, le plan hydrogène et le plan semi-conducteurs, BPIFrance représente 80 % de France 2030.

Notre engagement dans France Relance et France 2030 est donc intense et occupe beaucoup de monde, au point que nous avons dû recruter. Environ 150 ingénieurs à Paris et 130 chargés d’affaires innovation dans nos cinquante directions régionales, à temps plein, mettent en œuvre ces programmes publics. J’ai dit tout à l’heure que le financement de l’innovation avait été multiplié par dix : nous sommes en effet passés de 700 millions en 2013 à 7 milliards en 2023, dont un volume important est alloué à des projets tels que l’usine Liberty de semi-conducteurs à Crolles. Les contrats sont instruits et pilotés par BPIFrance.

S’agissant de notre action dans les territoires fragiles, je rappelle qu’une part très importante de l’action de BPIFrance est dirigée vers les TPE. En dix ans, 590 000 entreprises ont bénéficié du soutien de BPIFrance, parmi lesquelles une forte proportion de TPE, qui se trouvent notamment dans les territoires fragiles et que nous aidons par le biais de la garantie des banques françaises. Tous les petits crédits aux TPE consacrés à la création et à la transmission d’entreprise sont garantis par BPIFrance à hauteur de 50 % ou 60 %, et de 70 % s’ils sont abondés par les conseils régionaux. Là réside le cœur de l’intervention de BPIFrance dans les territoires fragiles.

Par ailleurs, nous octroyons désormais des prêts aux TPE directement, par le biais d’une plateforme digitale. Leur encours est d’environ 400 millions d’euros. La part de prêts d’honneur va croissant : en 2023, nous prévoyons d’en octroyer environ 40 000. Ces prêts servent notamment à accompagner la transition digitale et la transition verte des TPE.

Je me suis aperçu il y a six ou sept ans que le tissu d’établissements d’enseignement supérieur privés, en France, était détenu quasi intégralement par des fonds étrangers, américains, suisses ou parfois même brésiliens. Nous avons considéré qu’il n’y avait pas de raison que le Royaume-Uni soit le seul pays de l’Union européenne – il en faisait encore partie – à attirer la jeunesse mondiale grâce à une offre privée très rentable, aux tarifs élevés.

J’ai toujours pensé que, dans la spécialisation mondiale de la France, et alors que nous venons d’évoquer notre déficit commercial, l’éducation est une verticale sur laquelle nous devons absolument investir, sans nous cantonner à l’enseignement supérieur public. Le secteur de l’enseignement privé est parfaitement légitime ; il faut le développer.

Nous avons donc lancé le projet d’un grand groupe français d’enseignement supérieur privé, de dimensions mondiales. L’idée était de créer un Sodexo de l’enseignement, un groupe visant à terme un effectif de 500 000 ou 600 000 élèves dans le monde, portant les valeurs de la France et attirant les étudiants en France. Car quel plus beau pays que la France pour faire ses études ?

Ce projet a bien avancé, ce dont je me réjouis. Nous avons un groupe, Galileo Global Education, dont nous avons structuré l’actionnariat, de façon durable, autour d’un noyau dur d’investisseurs français, notamment la holding Téthys de la famille Bettencourt Meyers, principal actionnaire du groupe L’Oréal, BPIFrance et plusieurs fonds d’investissement français. Galileo a considérablement progressé, notamment en Afrique et dans plusieurs pays européens. Il est désormais positionné pour un envol – son patron, s’il m’écoute, sera content que je le dise publiquement – qui va surprendre. Nous allons avoir un grand groupe français d’enseignement privé, dont BPIFrance quittera alors le capital, mission accomplie.

S’agissant des PGE, la sinistralité augmente-t-elle ? Non, ou légèrement – quelques centaines de demandes de garanties par mois, pas quelques milliers. Sur les 750 000 lignes de crédit que nous gérons, nous avons environ 2 500 demandes de garantie par mois, dont la plupart proviennent de TPE.

S’agissant du projet de loi pour l’industrie verte, nous y sommes associés. J’ai participé la semaine dernière à plusieurs réunions à Bercy, avec les services et le cabinet du ministre. Ce projet de loi tombe à pic.

En juillet dernier, le conseil d’administration de BPIFrance a validé un plan dont le premier chapitre est consacré à la décarbonation du tissu productif et le deuxième à la réindustrialisation du pays. En réalité, ces deux chapitres n’en font qu’un : nous réindustrialisons en faisant monter des usines nativement décarbonées et nous décarbonons le tissu productif grâce à l’innovation, qui permet d’augmenter la compétitivité du tissu français. Nous déployons de gros moyens dans ce domaine. Une loi permettant de simplifier l’encadrement normatif et administratif de la création d’usines ou d’unités de fabrication en France serait bienvenue, pour favoriser le blanc manteau d’usines qui devrait recouvrir le pays. Ce qui nous ralentit, c’est l’encadrement normatif de l’industrie française.

La Banque centrale européenne (BCE) fait passer clairement le message selon lequel elle va traiter le problème de l’inflation – je pense qu’elle y parviendra. Mais tant que le problème ne sera pas résolu, les taux resteront élevés. On observe les signaux faibles d’un reflux de l’inflation, ce qui est une bonne nouvelle. La manière dont la BCE pilote les marchés est très intéressante : elle relève assez fortement ses prévisions pour les taux à court terme, tout en tenant un discours volontariste sur le fait que l’inflation est temporaire et sera vaincue. Les marchés entendent le message, de sorte que les taux à long terme, eux, ne se sont pas envolés, ce qui est une très bonne chose pour l’industrie française. La politique monétaire suivie est donc équilibrée, et les entrepreneurs que nous interrogeons ne semblent pas s’inquiéter outre mesure.

En ce qui concerne nos prévisions macroéconomiques pour 2023, nous pensons que les entrepreneurs disposent de marges de manœuvre financières, notamment grâce à la démarche keynésienne du plan de relance et de France 2030. Des capitaux énormes ont été investis et les entrepreneurs les ont mis au travail en déployant leurs programmes d’action. Cet argent a produit des effets multiplicateurs importants : pour 1 euro d’argent public confié aux entrepreneurs, ces derniers sont allés chercher 2 euros d’argent privé.

Les entrepreneurs ne « posent pas le sac », car ils ont le moral. Certes, la crise de l’énergie a pesé sur certains, notamment ceux qui n’avaient pas pris de précautions, et l’on a entendu des protestations dans les territoires quant au fait que la France n’avait pas protégé les entreprises, qu’elle aurait dû prévoir la crise énergétique, mais ces mouvements ont pris fin assez rapidement. Le guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz fonctionne bien. Le sous-jacent économique est rassurant : alors que l’on anticipait une récession durant les deux premiers trimestres, l’Insee estime que la croissance sera légèrement positive. Tout le monde travaille et investit. Les entrepreneurs se préparent à une année quasiment blanche sur le plan de la croissance, mais certainement pas catastrophique. Avant-hier, l’un d’entre eux me disait : « En septembre, on se préparait à la piste noire ; en décembre, à la piste rouge ; finalement, c’est plutôt la piste bleue ! »

Si vous avez fait référence à l’AMF, monsieur le rapporteur général, c’est sans doute parce que BPIFrance propose des produits financiers. Ainsi, nous avons offert à deux reprises aux Français la possibilité de participer à la création de valeur en achetant des parts d’un fonds commun de placement couvrant le portefeuille de BPIFrance. Ces opérations ont été des succès, et leurs performances sont très bonnes – les Français ne sont pas déçus. Nous en lancerons donc une troisième en 2023.

Le risque de perte en capital existe, et nous le rappelons aux investisseurs, car ces opérations relèvent du private equity. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, sur le plan fiscal, ce n’est pas la flat tax qui s’applique à la sortie. Toutefois, le risque est fortement limité du fait de la répartition de l’investissement : le fonds englobe 1 500 entreprises. Pour un investissement de 3 000 euros, cela représente 2 euros pour chacune.

Si BPIFrance n’est pas encore entièrement une « banque du climat », les choses ont beaucoup avancé depuis que cette orientation a été prise. L’objectif était non seulement de déployer des capitaux importants en faveur de la transition écologique – 20 milliards d’euros sur quatre ans – mais aussi de faire en sorte que nos valeurs et l’ensemble de nos process internes soient mesurés à l’aune de la transition écologique et de la préservation de la biodiversité. Nous avons effectué un travail considérable pour y parvenir. Ainsi, un investissement en fonds propres de BPIFrance suppose au préalable une due diligence consacrée à l’impact climatique du projet. Nous avons également créé un indice de maturité climatique, permettant de classer les entreprises et d’engager un dialogue constructif avec l’entrepreneur. En effet, contrairement à d’autres acteurs, une fois que nous avons constaté qu’un entrepreneur avait beaucoup de retard, notre devoir républicain est de l’accompagner : il a toujours été prévu que BPIFrance ne s’occupe pas seulement des bons élèves. Notre rôle est d’accompagner les derniers de la classe en leur donnant des conseils, en les orientant vers des bureaux d’études et en étant présents à leurs côtés sur le terrain. Nous devons être inclusifs.

Enfin, oui, je crois au plein emploi – tellement que je vois tout ce qu’il reste à faire pour l’atteindre ! Il importe, en particulier, de réenchanter le travail. Je côtoie sans cesse des entrepreneurs et je suis frappé de voir à quel point, même dans de toutes petites structures, ils sont dynamiques et mobilisés. S’il est possible de donner aux salariés d’une petite entreprise le sentiment qu’ils participent à une aventure collective, on peut aussi libérer, partout dans le pays, l’énergie sous-jacente. Si nous y parvenons, nous atteindrons le plein emploi, car l’innovation, l’intelligence collective et les possibilités existent. Nous avons la conviction que la France n’a pas encore exploité pleinement son potentiel.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.

M. Louis Margueritte (RE). Le groupe Renaissance salue votre action à la tête de BPIFrance depuis dix ans. Vous soutenez de nombreuses entreprises sur le territoire. Comme vous l’avez rappelé dans le document intitulé « Ambitions stratégiques 2022-2025 », les trois dernières années ont été difficiles pour les économies européenne et mondiale. En dépit d’une succession de crises, l’économie française a résisté. De nombreux acteurs, dont BPIFrance, ont été au rendez-vous pour financer l’économie. Vous avez ainsi injecté 45 milliards d’euros en 2020 et 50 milliards en 2021 pour soutenir la reprise post-covid.

L’année 2023 marquera le lancement d’une nouvelle révolution industrielle, à savoir la réindustrialisation verte, qui permettra d’implanter sur le territoire de nouveaux sites industriels dont l’activité est décarbonée. Face à l’ampleur du réchauffement climatique, la réindustrialisation verte doit être rapide, massive et planifiée. L’objectif est de permettre à la France de s’affirmer comme la première nation industrielle verte d’Europe.

Dans cette perspective, BPIFrance a un rôle essentiel à jouer. Vous avez annoncé un financement de 2 milliards d’euros entre 2022 et 2025 pour soutenir la réindustrialisation du pays et permettre la création de 100  usines supplémentaires par an d’ici à 2025. De plus, comme vous l’avez indiqué dans votre réponse au questionnaire de la commission, BPIFrance est à la fois une banque de l’industrie et une banque du climat, qui a injecté plus de 50 milliards dans le secteur industriel entre 2013 et 2022, soutenant 10 000 à 15 000 entreprises chaque année. En ce qui concerne la transition écologique, les mesures de soutien de BPIFrance ont été multipliées par cinq entre 2013 et 2022.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance soutiendra votre reconduction à la tête de BPIFrance.

Pourriez-vous éclairer la commission sur la façon dont vous comptez renforcer les relations qu’entretient BPIFrance avec les régions dans le cadre de la réindustrialisation verte ?

Quelles mesures opérationnelles comptez-vous prendre pour doubler, voire tripler le nombre d’entrepreneurs, en particulier dans les quartiers – ce qui est l’une des priorités qui ont été assignées à BPIFrance ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous n’avons pas d’autres questions que celles du rapporteur.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Nous souhaitons faire de BPIFrance un réel outil d’investissement par l’État, ciblé sur des priorités telles que la rénovation thermique des bâtiments. Dans la mesure où tous les investissements publics sont financés par l’impôt, ne faudrait-il pas soumettre cet organisme au contrôle du Parlement ? Il est essentiel, pour le fonctionnement de la démocratie en général et pour le consentement à l’impôt en particulier, que ces dépenses soient approuvées par les représentants des citoyens.

Il faut donner à BPIFrance de réels moyens d’agir. Cela suppose notamment qu’elle dispose de l’agrément bancaire, ce qui lui permettrait de souscrire des emprunts auprès de la BCE. BPIFrance ne saurait être efficace si elle n’est pas une vraie banque. Certains économistes considèrent que si elle en avait été une, elle aurait pu emprunter plusieurs dizaines de milliards à la BCE et en prêter dix fois plus. Ces 300 à 400 milliards d’euros permettraient d’amorcer la grande bifurcation industrielle et sociale dont nous avons besoin.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). En janvier 2022, vous aviez fixé pour objectif de faire émerger 100 nouvelles usines par an dans le secteur de la deep tech. Où en sommes-nous ?

Vous avez évoqué une vingtaine d’entreprises ayant émergé en six ans dans le cadre du PIA. Vu de l’extérieur, cela fait très peu, même si l’on sait que ces opérations sont complexes et que le retour sur investissement n’est pas immédiat. Quoi qu’il en soit, le rythme de croisière est désormais atteint, et vous êtes l’un des principaux financeurs du PIA : pourriez-vous nous faire un point sur le sujet ? Je me suis toujours demandé comment on évaluait la politique menée à travers cet instrument.

Dans l’une de vos réponses écrites au questionnaire, vous écrivez que le déficit commercial est « toujours très important en France ». C’est peu dire : il est beaucoup trop important, pour ne pas dire astronomique ! Vous avez déjà multiplié par dix les crédits à l’export, notamment à travers l’assurance export. Que faut-il donc faire pour réduire ce déficit ?

Enfin, s’agissant de la réindustrialisation, avez-vous identifié les secteurs industriels stratégiques que vous pourriez accompagner dans un délai relativement court ? Quels leviers pourriez-vous mobiliser à cette fin ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Mon groupe est très au fait de vos activités et de votre rôle dans le développement des entreprises, en France et à l’étranger.

Vous avez exposé les deux lignes directrices de votre plan stratégique : la réindustrialisation de la France – à travers ce que vous appelez le « Coq bleu », avec la French Fab – et la décarbonation des investissements, au moyen du « Coq vert ». Quels objectifs souhaitez-vous atteindre à cet égard durant votre nouveau mandat ?

Depuis 2018, la ligne consacrée à BPIFrance au sein du programme budgétaire 134 a été supprimée, puis restaurée, puis de nouveau supprimée au gré des lois de finances successives. À l’aube de ces cinq nouvelles années de mandat, quelles approches budgétaires vous semblent contribuer de la meilleure façon au développement du financement des entreprises ? Les prêts sans garantie et les accélérateurs d’investissement sont vos spécialités. Vous avez indiqué qu’il manquerait 300 à 400 millions d’euros à partir de 2024 ; comment comptez-vous faire en sorte que ces deux outils clés de BPIFrance restent opérationnels durant les cinq prochaines années ?

En tant qu’organisme public, BPIFrance doit jouer pleinement son rôle de moteur d’une transformation durable de l’économie. Vous avez récemment noué un partenariat avec l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour la réalisation de bilans environnementaux. Comment envisagez-vous la montée en puissance de cette interrelation ?

Dès 2016, la Cour des comptes recommandait à BPIFrance de prévoir un dispositif d’évaluation externe de l’impact social et environnemental de ses interventions. Qu’envisagez-vous sur ce point ?

M. Philippe Brun (SOC). En vous écoutant, je relisais le rapport de notre ancien collègue Guillaume Bachelay, rapporteur de la loi créant la BPI, Banque publique d’investissement, en 2012. Le premier objectif assigné à cette belle entreprise était de devenir un acteur majeur du financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire. À l’époque, le rationnement du crédit était un problème important, qui pesait sur le financement de l’économie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. BPIFrance, qui a succédé à la BPI, est certes devenue un acteur du financement des PME, mais largement minoritaire.

Le deuxième objectif, qui consistait à réindustrialiser la France, n’a, lui, pas été atteint – ce n’est pas de votre faute, évidemment. Les chiffres du commerce extérieur annoncés ce matin ne sont pas une bonne nouvelle, avec un déficit de 164 milliards d’euros.

Comment comptez-vous satisfaire pleinement les deux objectifs principaux qui avaient été assignés en 2012 à la BPI ?

D’un point de vue plus personnel, voilà déjà dix ans que vous êtes à la tête de BPIFrance. Durant vos deux mandats, vous avez connu deux PDG d’Orange, trois PDG d’EDF, deux PDG de Total et trois PDG d’Air France. Ces entreprises publiques, ou dans lesquelles l’État est engagé, ont donc connu un renouvellement plus important de leur management, et il en va de même pour d’autres entreprises privées de même taille, notamment dans le CAC40. Comment comptez-vous conserver l’enthousiasme et l’envie nécessaires pour développer de nouveaux projets pour BPIFrance ?

Mme Lise Magnier (HOR). Je partage les propos de mes collègues s’agissant du rôle majeur que joue BPIFrance dans les territoires. Nous constatons tous, dans nos circonscriptions, à quel point l’organisation territoriale et la proximité de l’organisme sont des gages d’efficacité pour atteindre ses ambitions – que nous partageons, du reste, notamment en ce qui concerne les petites entreprises.

BPIFrance a contribué au déploiement de 700 000 PGE, pour un total de 140 milliards d’euros. Disposez-vous d’un outil de suivi des entreprises ayant contracté ces prêts ? Pouvez-vous nous présenter un état des lieux de la santé de ces entreprises ?

Vous souhaitez faire de BPIFrance le bras armé financier des politiques menées par l’Ademe. Où en êtes-vous dans la construction des outils nécessaires pour déployer cette stratégie ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Nous avons bien noté que BPIFrance ambitionnait d’être la banque du climat pour les entreprises françaises et que ses interventions annuelles en faveur de la transition énergétique et écologique avaient été multipliées par cinq entre 2013 et 2022. Faire en sorte que l’économie s’engage dans la transition environnementale sera l’une des priorités de votre plan stratégique. Vos ambitions en la matière sont louables, mais pouvez-vous détailler davantage que vous ne l’avez fait dans le questionnaire les pistes concrètes que vous envisagez pour que les entreprises que vous soutenez atteignent les objectifs fixés par l’accord de Paris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

Nous avons bien noté également votre proposition de changement de nom, pour que l’organisme devienne la Banque publique d’investissement et du climat. En tant qu’écologistes, nous sommes attentifs à ce que cette nouvelle dénomination corresponde à un contenu et à des engagements. Or, il y a quelques mois, les Amis de la Terre et Oxfam France ont dénoncé le soutien de BPIFrance à l’exploitation de pétrole et de gaz à l’étranger, ainsi que sa présence au capital d’acteurs majeurs du secteur parapétrolier en France comme Technip Energies et Vallourec. Quelles réponses pouvez-vous nous apporter à cet égard ?

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Pour bénéficier des PGE, les grandes entreprises ont dû souscrire certains engagements. Au départ, ces derniers n’ont pas été suffisamment respectés. La procédure de contrôle a-t-elle été améliorée ? BPIFrance a-t-elle la possibilité d’évaluer les PGE versés aux grandes entreprises ?

Les nuages s’amoncellent au-dessus des petites et moyennes entreprises : après la crise sanitaire et la pénurie de matières premières, les artisans et commerçants subissent la crise énergétique. Comment BPIFrance peut-elle les aider à résister et tenir le cap ?

Les prix de l’énergie ont flambé : identifiez-vous un risque de délocalisation énergétique de nos entreprises ?

Vous rappelez souvent les ambitions fortes de BPIFrance en matière de transition énergétique. Les infrastructures permettant de répondre à ce besoin restent à créer. À cet égard, la filière de l’hydrogène retient-elle votre attention ?

M. Nicolas Dufourcq. Monsieur Margueritte, notre relation avec les régions est bonne. Elle s’est déployée sur tous les fronts : il existe des fonds régionaux de garantie et des fonds régionaux d’innovation. Nous avons développé également une gamme de prêts digitaux pour les TPE, financés par les régions, qui se sont révélés très efficaces. Nous nous sommes associés avec les conseils régionaux pour déployer des accélérateurs destinés aux PME et aux ETI. Enfin, nous sommes cofinanceurs de l’économie sociale et solidaire. À ce titre, nous soutenons les associations d’accompagnement à la création d’entreprise, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je n’ai donc pas d’inquiétude. Certes, les régions ont mobilisé des ressources budgétaires considérables pour faire face à la crise du covid, et elles disposent peut-être de moyens plus limités pour les plans de développement économique, mais les relations que nous entretenons avec elles sont très bonnes.

En ce qui concerne les mesures opérationnelles qui nous permettraient de doubler le nombre d’entrepreneurs, nous soutenons déjà les réseaux associatifs comme Initiative France, France active, Les Boutiques de gestion, l’Association pour le droit à l’initiative économique ou encore Les Pionnières. Il existe ainsi 300 associations, au sein desquelles interviennent 50 000 bénévoles environ. Dans ces structures, le créateur d’entreprise est accompagné par une sorte de mentor, lui-même ancien entrepreneur, cadre ou salarié. Il faut commencer par doubler ce réseau.

Cela ne suppose pas de mobiliser des sommes considérables. De nombreux seniors sont parfaitement indiqués pour cette mission. Alors que nous nous interrogeons collectivement sur leur rôle, il y a là une piste intéressante. Du reste, je ne connais pas un seul senior engagé dans cette démarche qui n’en soit pas ultra-satisfait, sur le plan professionnel comme sur le plan affectif.

Par ailleurs, doubler le nombre d’entrepreneurs suppose aussi de doubler tout ce qui va avec, du nombre de chercheurs entrepreneurs au nombre de jeunes créateurs d’entreprise sortis des écoles post-bac des métropoles. Il faut augmenter les promotions de toutes les écoles d’entrepreneuriat. C’est un projet sociétal. Il ne s’agit pas d’engager des sommes budgétaires considérables : c’est d’abord dans la tête. Nous ne pouvons pas ne pas identifier, dans la société française, un appétit de liberté, d’épanouissement et d’accomplissement personnel ; l’entrepreneuriat est certainement une réponse à privilégier pour le satisfaire.

Monsieur Sala, s’agissant de la rénovation thermique des bâtiments, c’est la Caisse des dépôts qui est à la manœuvre, ainsi que l’Ademe et France Rénov’, même s’il est vrai que nous finançons l’immobilier à travers nos crédits. À cet égard, nous sommes extrêmement exigeants : nous ne finançons plus les bâtiments qui ne sont pas labellisés « haute qualité environnementale ».

En ce qui concerne le contrôle parlementaire de BPIFrance, tout est clair : les dotations publiques qui nous sont accordées figurent dans les documents budgétaires. Par exemple, toutes les lignes du PIA dont nous assurons la gestion sont rassemblées dans un jaune. Les dotations budgétaires sont également soumises à un vote du Parlement. C’est le cas, notamment, de l’assurance prospection, dans le cadre du soutien à l’export. La garantie des prêts était quant à elle inscrite au sein du programme 134. La ligne a été supprimée, mais d’autres dispositifs prendront le relais. Ma présence parmi vous est une autre preuve de la réalité du contrôle parlementaire – même si, par ailleurs, la gouvernance de BPIFrance est différente de celle de la Caisse des dépôts.

Quant à l’agrément bancaire, nous l’avons. Nous sommes depuis très longtemps une banque régulée par la BCE. Comme vous le savez, celle-ci établit des bulletins de notes concernant les établissements qu’elle supervise ; le nôtre est bon. Nous avons accès au guichet de la BCE, et sommes même l’une des banques françaises qui en ont le plus profité : BPIFrance a reçu 20 milliards d’euros au titre des opérations ciblées de refinancement de long terme, ce qui nous a permis de déployer de nombreux crédits à très bon marché, au profit des Français.

Madame Dalloz, depuis que nous avons lancé le plan Startups et PME industrielles, en janvier 2022, 75 projets d’usine ont émergé de la deep tech française. Cela démarre donc très fort. Le fait que BPIFrance soit sollicitée pour de nombreux projets industriels est une source d’espérance, car ce n’était pas le cas auparavant. Une nouvelle génération d’entrepreneurs émerge, dont beaucoup viennent en effet de la deep tech et des pôles universitaires français.

Vous avez parlé d’une vingtaine d’entreprises concernées par le PIA. Or, dans le cadre du plan France 2030, ce sont 780 entreprises qui ont bénéficié de crédits, ce qui signifie que 3 000 dossiers au bas mot nous ont été soumis.

Je partage votre indignation s’agissant des exportations : nous ne pouvons pas accepter ce déficit commercial de 164 milliards d’euros. Il s’agit là, littéralement, de quelque chose qui nous empêche de dormir. Même si le coût de l’énergie occupe une place très importante dans ce chiffre, la désindustrialisation pèse également beaucoup. Comme le soulignait M. Brun, et même si l’idée n’avait pas été énoncée clairement à l’époque, la création de la BPI visait à répondre au drame de la désindustrialisation – comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), la baisse des charges et le pacte de responsabilité et de solidarité. Mais il faut des décennies pour réindustrialiser un pays.

La désindustrialisation a continué dans les années 2013-2014. Elle s’est stabilisée en 2015 avant de reculer à partir de 2017-2018 – en dehors de la période de la crise sanitaire, le nombre d’usines qui s’ouvrent s’est mis à dépasser celui d’usines qui ferment. Le phénomène va s’accentuant, même s’il reste largement insuffisant pour compenser la perte qu’il y a eue dans les années 2000. Il faudra au moins une quinzaine d’années d’efforts constants pour que la part de l’industrie dans le PIB repasse de 10 à 12 %, sachant que le PIB lui-même aura augmenté durant cette période. D’autre part, l’industrie étant appelée à consommer de plus en plus d’électricité, la France devra, pour atteindre son objectif, considérablement accroître sa production d’électricité.

Vous le voyez, de nombreuses conditions doivent être réunies pour faire de la France un pays industriel. Nous aurons besoin de temps, mais aussi de capitaux, financiers et humains – des ingénieurs, des techniciens, des « spécialistes méthode ». Nous ne pourrons réussir la réindustrialisation que si nous la considérons comme un projet sociétal collectif. Elle est d’ailleurs une réponse au drame de l’exportation. Sans industrie, nous ne pourrons redresser le déficit commercial. Les Américains l’ont bien compris. Ils réindustrialisent massivement car ils ne peuvent plus faire face à l’ampleur de leur déficit commercial.

Quels secteurs stratégiques devrons-nous accompagner en priorité ? Le plan France 2030 a fait les bons choix. Il a encouragé la construction de gigafactories pour produire des batteries, de l’hydrogène ou des semi-conducteurs. L’État s’est engagé massivement – 700 millions d’euros pour la filiale de batteries de Stellantis, 2,5 milliards pour doubler la capacité de production de semi-conducteurs de l’usine de Crolles, sans parler des 7 milliards du plan hydrogène. Des moyens colossaux sont donc mis au service de cette stratégie.

Mais au-delà, la France doit se couvrir d’un blanc manteau d’usines. Nous n’avons pas forcément besoin de grandes usines mais nous en avons besoin partout, dans tous les secteurs. L’usine Didactic, en Normandie, n’est pas gigantesque mais elle fabriquera des perfuseurs, dont 98 % sont pour l’instant importés de Chine. Nous avons investi 17 millions d’euros dans une usine des Hauts-de-France qui fabrique des couches pour bébés. Elle n’est pas énorme mais elle contribue à réindustrialiser la France et à limiter nos importations – nous faisons venir 99 % de nos couches. Et les deux usines Devialet installées dans la Mayenne ne sont pas gigantesques non plus. Il faut penser aux cathédrales d’un côté, et au blanc manteau de l’autre.

La French Fab et la communauté du Coq vert définissent les objectifs 2023-2024-2025 de BPIFrance. La réindustrialisation de la France sera symboliquement représentée par le drapeau bleu du Coq bleu, qui remplacera le drapeau blanc de la défaite. La France dispose, certes, de beaucoup de moyens mais elle devra aussi puiser dans ses tripes pour réussir. Nous avions donc besoin d’un mouvement collectif des industriels français pour y parvenir : la French Fab. C’est le versant émotionnel de la mission de BPIFrance. Dans le même esprit, le Coq vert est une communauté de 1 700 entrepreneurs militants, convaincus du sens de leur démarche et chargés de convaincre leurs homologues, dans les territoires, de la nécessité de décarboner le tissu industriel. Ce sont en quelque sorte des missionnaires, que nous finançons pour qu’ils propagent la bonne parole dans les territoires.

Je ne reviens pas sur le programme budgétaire 134 : il faudra trouver une solution.

S’agissant de l’évolution des conséquences sociales et environnementales de l’action de BPIFrance, je peux vous assurer que le diagnostic et la due diligence en matière environnementale et sociale sont devenus des éléments fondamentaux de nos décisions d’investissement. Cela étant dit, il faut s’attaquer au chantier gigantesque de la décarbonation du tissu productif français.

Nous nous y sommes attelés, selon une méthode éprouvée : le porte-à-porte de masse. En l’espèce, les slides ou les injonctions verticales ne donnent aucun résultat : il faut aller à la rencontre des gens, sur le terrain. C’est le travail des chargés d’affaires de nos cinquante agences. Ils ont chacun pour mission de rencontrer 120 entrepreneurs par an, un par un. C’est ainsi que nous comptons accompagner 20 000 entreprises dans la décarbonation.

La première étape consiste à proposer à l’entrepreneur d’établir un diagnostic Éco-Flux. Pour un coût assez réduit, de l’ordre de 4 000 à 5 000 euros, ce diagnostic, défini avec l’Ademe, indique les mesures à prendre pour réduire la consommation d’énergie ou d’eau et la production de déchets. Le retour est immédiat : il suffit de peu de choses pour obtenir de bons résultats. L’étape suivante consiste en un diagnostic beaucoup plus approfondi, qui durera une quinzaine de jours, le Diag Décarbon’Action, lui aussi construit avec l’Ademe. Plus coûteux, quelques dizaines de milliers d’euros, il dresse la liste des mesures à prendre à tous les échelons pour décarboner l’entreprise. Nous espérons convaincre 20 000 entreprises d’engager ce chantier. Nous y parviendrons plus facilement si nous leur accordons une petite subvention. Le budget nous a été alloué et nous discutons avec l’Ademe du nom du dispositif. C’est grâce à ce même mécanisme que nous avons lancé la French Tech et redémarré la French Fab.

Nous aurons besoin de financements. Le prêt vert, garanti par l’État, est une réussite. Ce prêt bonifié, que vous avez adopté dans la loi de finances pour 2021, est devenu l’emblème des prêts sans garantie de BPIFrance. L’octroi d’un prêt vert est conditionné par la réalisation d’un diagnostic : c’est un très bon moyen de convaincre l’entrepreneur. Et une fois que le premier pas est fait, on ne l’arrête plus ! Pas moins de 2 500 entreprises, sur les 20 000 que nous comptons convaincre, se sont déjà engagées ainsi sur la voie de la transition.

Philippe Brun est revenu sur la question du troisième mandat, en citant des entreprises qui ont vu se succéder de nombreux patrons. Je viens du secteur privé. J’ai passé dix ans chez France Télécom, puis dix ans chez Capgemini, à chaque fois comme numéro 2. Lorsqu’il ne s’agit que de gérer une entreprise, il n’y a aucun inconvénient à changer de dirigeant. C’est différent lorsqu’il faut construire et mener à bien un projet. Il faut du temps pour bâtir une banque publique d’investissement. Souvenez-vous d’où nous sommes partis, en 2012 ! Il a fallu définir tous les process de l’entreprise que vous connaissez aujourd’hui. À l’époque, rien n’était régulé par la Banque centrale européenne, la direction des risques n’existait pas, la direction informatique était antique, la gestion des ressources humaines n’avait rien à voir avec celle qui prévaut à présent, les volumes étaient trois ou quatre fois moindres. Je crois à la durée. Beaucoup m’ont proposé de prendre la direction d’une autre entreprise, mais je n’ai tout simplement pas fini ici. D’ailleurs, les entreprises du CAC40 les plus performantes sont celles qui ont accordé du temps à leur patron.

L’avenir de nos relations avec l’Ademe est radieux. L’Ademe construit des diagnostics depuis des années et a développé un savoir-faire unique – c’est son métier. Elle sait ce que l’on peut demander ou non à un bureau d’études. De notre côté, nous assurons le déploiement commercial sur le terrain, à un train d’enfer. Nous sommes donc parfaitement complémentaires. Au printemps, nous avons signé une note commune que nous avons adressée aux différents membres du Gouvernement concernés par la transition du tissu productif. Nous sommes appelés à travailler de plus en plus étroitement ensemble.

Pour ce qui est du secteur parapétrolier, nous sommes sortis de Vallourec, après avoir perdu beaucoup d’argent – mes prédécesseurs étaient entrés au capital au sommet de la valorisation, en 2010 – et nous ne sommes plus actionnaires de CGG. Il ne nous reste plus que Technip Energies, qui est en train de se réorienter vers la production d’hydrogène bas-carbone, et qui va très vite. La prise de commandes liées à l’énergie décarbonée atteint déjà un milliard d’euros sur 7, ce qui est un bon résultat pour une entreprise qui ne s’est positionnée en faveur de l’accélération de la transition énergétique qu’en 2021, lorsque nous y avons investi 100 millions. C’est simple : lorsqu’on veut savoir comment évolue la production d’hydrogène dans le monde ou quelles entreprises sont les meilleures en matière de puits de carbone, de décarbonation ou de production d’ammoniac, on appelle Technip. Cette entreprise exceptionnelle devrait devenir un très grand acteur français des énergies décarbonées.

Pour le reste, la loi de finances pour 2023 met fin aux crédits à l’export pour les projets d’énergie fossile à l’étranger. Nous ne pouvons donc plus garantir les projets gaziers à l’étranger, et nous ne pouvions déjà plus garantir les projets de nouvelles centrales à charbon. Nous ne finançons plus aucune entreprise dans ce secteur aujourd’hui.

S’agissant des PGE accordés aux grands groupes, ils sont pilotés par Bercy en direct. La question du suivi des engagements est donc à poser au ministère. Et comment aider les commerçants et artisans dans cette période de crise énergétique ? Toujours de la même manière : avec nos petits prêts – soit des prêts directs, soit des prêts que nous garantissons dans le réseau des 15 000 agences bancaires privées françaises. C’est notre seul moyen d’action vis-à-vis des commerçants et artisans.

Le risque de délocalisation énergétique est réel pour les entreprises énergo-intensives françaises. Cela étant, rassurez-vous, aucune décision n’a encore été prise. Beaucoup d’entreprises se posent des questions et attendent de voir comment la situation se décantera en France. Elles ont constaté avec satisfaction que les réacteurs nucléaires avaient redémarré dès janvier et que les prix avaient déjà considérablement baissé. La bulle de marché, engendrée par des anticipations irrationnelles à l’été 2022, se dégonfle et l’on attend que le brouillard se dissipe pour connaître le paysage du prix de l’électricité français, mais aussi chinois et américain. En effet, on entend toujours que le mégawattheure coûte 180 euros en France et 25 aux États-Unis, mais la vérité tourne plutôt autour de 70 en France et de 50 aux États-Unis. D’ailleurs, les prix de l’électricité de ces pays, que les grands groupes français dont nous sommes actionnaires communiquent à leurs conseils d’administration, sont, comme par hasard, beaucoup plus élevés que ce qu’on voit dans la presse – surtout pour la Chine. Les arbitrages ne sont donc pas si faciles, heureusement.

Enfin, nous accompagnons les douze projets prévus par le plan hydrogène et nous avons commencé à dégager les capitaux nécessaires vers Cockerill, Technip, Michelin, Symbio ou Air Liquide.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Xavier Roseren (RE). J’ai eu la chance de travailler avec BPIFrance en tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission Économie. Je me félicite des actions que vous avez menées et je suis convaincu que vous saurez préparer BPIFrance aux prochains défis économiques et politiques. Pendant la crise sanitaire, BPIFrance a fait la preuve de son efficacité en délivrant, pour le compte de l’État, des aides massives destinées à protéger nos entreprises, en particulier le PGE.

Lors de votre dernière audition, en janvier, nous avons étudié les missions de BPIFrance à l’aune de ses ambitions stratégiques à l’horizon 2025. Trois me semblent prioritaires : les objectifs en matière de transition écologique, la réindustrialisation verte et la hausse du nombre d’entrepreneurs. Quels efforts devrez-vous accentuer pour y parvenir ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Merci pour toutes les actions que BPIFrance a menées. Je m’inquiète d’un développement inégal des entreprises : les fonds d’investissement ne risquent-ils pas d’être davantage attirés par les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, plutôt que par l’industrie lourde, dont la rentabilité n’est pas toujours forte ?

D’autre part, la presse a décrit la situation de Cenexi, une société industrielle spécialiste des produits pharmaceutiques qui emploie 1 300 employés dans quatre sites, dont trois en France. En plein développement, elle est aujourd’hui détenue par un fonds d’investissement, Cathay Capital, qui travaille souvent avec BPIFrance, mais il est envisagé de la céder à un groupe indien, Gland Pharma, dont les capitaux appartiennent à des Chinois. Alors que notre souveraineté sanitaire est en jeu, comment expliquer que la France ne parvienne pas à éviter la perte de ce joyau ? BPIFrance ne trouverait-elle de solution qu’à condition que les montants n’excèdent pas une certaine somme, de l’ordre peut-être de 15 ou 20 millions d’euros ? Je reconnais que la somme nécessaire, en l’espèce, est importante : 230 millions. Une solution pourra-t-elle être trouvée ?

M. Marc Le Fur (LR). Merci pour votre action, monsieur le directeur général, mais aussi pour votre livre, que j’invite tous mes collègues à lire car il nous éclaire sur la désindustrialisation de notre pays. Il nous y est expliqué qu’elle est due à l’air du temps, qui était hostile à l’industrie – jusqu’au cœur des catégories populaires, où il était devenu mal vu d’être ouvrier – mais aussi, plus profondément, aux choix de nos élites, qui préféraient la finance à l’industrie – des promotions entières d’ingénieurs, naguère attirées par l’industrie, se sont dès lors orientées vers la finance, à Paris ou à Londres.

Vous parlez beaucoup d’industrie mais assez peu de souveraineté alors que les deux sujets sont liés. Si les exportations se sont effondrées, c’est en raison de la défaillance de notre industrie mais aussi, à bien des égards, de notre souveraineté. Pour prendre un exemple tiré du covid, il y avait en Bretagne, il y a encore quelques mois, quatre entreprises qui fabriquaient des masques. Il n’en existe plus qu’une seule, dont la survie est menacée – et j’aurais tout aussi bien pu évoquer la pénurie de doliprane.

Membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, je sens cette très belle institution elle aussi peu sensible à l’industrie et à la sauvegarde de notre souveraineté – à votre différence, je l’espère, vous qui lui êtes lié. Comment faire pour qu’elle s’en préoccupe davantage ?

M. Patrick Hetzel (LR). À mon tour de saluer votre action à la tête de BPIFrance depuis plusieurs années. Vous avez évoqué le développement d’un groupe français d’enseignement supérieur privé, Galileo Global Education. Des pays étrangers adoptent des stratégies similaires mais, en l’espèce, il semble que Galileo ne se soit pas fixé pour seul objectif de développer au niveau international notre enseignement supérieur : il a ainsi acquis la Domus Academy, prestigieuse école de design de Milan mais qui ne contribue pas au rayonnement de notre enseignement à l’étranger. Je ne pense pas que cela fasse partie de la stratégie de BPIFrance.

M. Fabien Di Filippo (LR). Vous vous êtes fixé des objectifs très ambitieux en matière d’aide et d’accompagnement des créateurs d’entreprises – vous parlez même de « tout doubler ». Or les associations de créateurs d’entreprises souffrent du désengagement budgétaire massif de l’État ces dernières années. Les collectivités territoriales ont augmenté leurs contributions pour compenser mais elles ne pourront pas prolonger leur soutien indéfiniment, avec l’inflation et la hausse du coût de l’énergie. J’ai bien noté que vous considériez que c’était « dans la tête » mais, concrètement, comment trouver les moyens nécessaires ?

Enfin, vous parlez beaucoup de décarbonation : comment BPIFrance réoriente-t-elle ses moyens vers notre indépendance et notre souveraineté énergétiques, qui devraient être notre priorité ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). Les chiffres du commerce extérieur sont en trompe-l’œil puisqu’ils résultent pour 90 % de la hausse des dépenses énergétiques. D’autre part, les exportations progressent de plus de 20 %. En revanche, nous sommes déficitaires dans les secteurs soutenus par la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, ou IRA). Comment appréhendez-vous la distorsion de concurrence que va induire l’IRA sur les secteurs que vous soutenez, en particulier l’automobile ?

Pensez-vous par ailleurs que le levier fiscal puisse être actionné pour favoriser des décisions de réimplantation de sites industriels en France ou d’extension de sites industriels décarbonés ? Les impôts de production demeurent-ils un levier important, sachant qu’ils restent cinq fois plus élevés dans le PIB en France qu’en Allemagne ?

M. le président Éric Coquerel. L’Institut de l’économie pour le climat considère, tout comme Jean Pisani-Ferry, qu’il faudrait investir chaque année, d’ici 2030, 50 milliards de plus pour le climat, dont la moitié à destination du privé. Qu’en pensez-vous ? Comment BPIFrance pourrait-elle favoriser l’investissement privé ?

Vous souhaitez augmenter le nombre d’entrepreneurs. Dans les quartiers, l’activité des auto-entrepreneurs s’apparente davantage au travail à la tâche du XIXème siècle qu’aux missions des entreprises classiques. Est-ce ce type de choses que vous voulez développer ?

M. Michel Castellani (LIOT). Le déficit du commerce extérieur est désastreux. Comment comptez-vous accompagner les entreprises pour relancer l’exportation ?

Comment articulez-vous votre travail avec celui mené par les collectivités territoriales, en particulier dans les territoires insulaires et ultramarins, soumis à des contraintes particulières et dont le développement est inférieur à celui de la métropole ? Avez-vous le sentiment de participer au rattrapage économique de ces territoires par rapport à la métropole ?

M. Nicolas Dufourcq. Monsieur Roseren, les objectifs pour 2025 sont très ambitieux, en effet, puisque nous souhaitons engager la décarbonation de 20 000 entreprises, réindustrialiser le pays en construisant cent usines supplémentaires chaque année, encourager les Français à s’établir à leur propre compte et à devenir entrepreneurs, accroître les investissements en fonds propres pour protéger la souveraineté française dans les secteurs stratégiques et enfin relancer les exportations, tout en étant le principal opérateur de France 2030. Nous avons beaucoup à faire, c’est vrai. Y a-t-il des efforts à accentuer ? Nous nous adapterons aux événements qui surviendront et ne manqueront pas de nous surprendre, peut-être même dans les mois qui viennent, compte tenu de la situation à l’est de l’Europe. Mais de façon générale, le chemin s’éclaircit et nous commençons à être bien outillés pour nous attaquer à la décarbonation du tissu industriel, même si des capitaux manquent encore.

Pour ce qui concerne la réindustrialisation, nous faisons feu de tout bois et nous avons l’intention de financer de nombreux projets. Tous ne réussiront pas mais nous ferons preuve de pragmatisme et nous nous adapterons à l’évolution des choses. Ce qui doit être fait aujourd’hui n’a jamais été fait. Surtout, nous ne serons pas les seuls à nous engager dans cette voie en Europe : tous nos voisins réindustrialisent. La compétition entre les pays européens est féroce, et le sera de plus en plus. La réindustrialisation coûtera sans doute plus cher qu’on ne le pense, argent public et privé confondus.

Madame Louwagie, vous avez raison, le risque que l’industrie lourde soit délaissée par les fonds d’investissement est réel. La BPI et ses actionnaires, en particulier la Caisse des dépôts, doivent faire comprendre à la place financière française, notamment celle de Paris, qu’il peut être bénéfique d’investir dans l’industrie, même s’il est plus long d’y engranger des profits que dans le digital et que les taux de rendement interne (TRI) y sont plus faibles. Les fonds d’investissement hésiteront sans doute, notamment en raison du niveau élevé des taux, mais c’est un défi que nous devrons relever. Heureusement, la Banque centrale européenne ralentit la hausse des taux longs. La vision que nous construisons pour les cinq prochaines années prend en compte une baisse de ces taux, ce qui rendra acceptables les TRI de réindustrialisation, un peu plus faibles que d’habitude.

Investir dans les start-up industrielles, c’est un métier en soi. Les investisseurs ne sont pas les mêmes que dans les autres fonds d’investissement. C’est pourquoi nous avons lancé le fonds Sociétés de projets industriels (Spi) dans le cadre du PIA, puis le Fonds national de venture industriel (FNVI), afin de faire émerger une nouvelle profession française d’investisseurs professionnels et avisés dans la réindustrialisation.

Concernant Cenexi, je dois me renseigner avant de vous répondre mais je peux d’ores et déjà vous dire que l’action de BPIFrance sera toujours limitée par le fait qu’elle doit être minoritaire dans l’entreprise. BPIFrance peut apporter son concours à la reprise de cette société, mais elle ne pourra le faire qu’aux côtés d’un investisseur français leader.

Marc Le Fur a raison sur la désindustrialisation des années 2000, mais si l’air du temps de la décennie 2020 est de réindustrialiser, nous réussirons. Quant à la souveraineté, si je n’en ai pas beaucoup parlé, nous faisons énormément : 65 % du portefeuille de 55 milliards d’euros de BPIFrance sont investis dans l’industrie ! Nous sommes le fonds d’investissement qui prend le plus de risques ! La Caisse des dépôts, dans la mesure où elle est actionnaire pour 49,5 % de BPIFrance, soutient bien évidemment fortement la stratégie de réindustrialisation. Nous travaillons d’ailleurs souvent avec elle : nous finançons l’entrepreneur et la Caisse finance les murs, par exemple. Ce fut le cas pour l’usine Ynsect d’Amiens ou Lactips à Saint-Etienne. Le rôle de la Caisse des dépôts est de financer des infrastructures de long terme et elle peut prendre en charge, dans ce cadre, des murs industriels.

S’agissant des moyens, je ne lancerai pas de polémique en soulignant que la France n’a pas de fonds de pension. Les poches de capitaux sont limitées. C’est pourquoi nous avons lancé un fonds d’investissement, baptisé Lac1, doté de 5 milliards d’euros – un milliard en provenance de BPIFrance et 4 milliards d’origine privée. Nous cherchons par tous les moyens à pallier l’absence de très grandes poches de capitaux susceptibles d’être investis durablement dans les entreprises françaises.

Galileo investit à l’étranger et tisse sa toile pour devenir un grand groupe mondial. Il bâtit des synergies entre ses écoles françaises et ses écoles étrangères. Il a ainsi racheté Strate collège, prestigieux établissement privé français d’enseignement supérieur du design, et Domus Academy, à Milan, pour les faire travailler ensemble, par exemple avec des programmes d’échanges. C’est bénéfique pour tout le monde, et surtout pour les élèves.

S’agissant du soutien que nous apportons aux créateurs d’entreprises, nous devons augmenter le nombre de bénévoles ainsi que les moyens accordés aux associations. Nous devons multiplier le porte à porte pour faire savoir aux habitants d’un quartier, d’un territoire, que des associations peuvent les aider à monter leur entreprise. Cela doit être connu et facile d’accès. Nous n’arriverons à rien par des injonctions. Nous devons au contraire nous appuyer sur les réseaux associatifs qui existent, dont l’origine remonte d’ailleurs à l’époque du chômage de masse, à la fin des années 1980.

Pour ce qui est de la souveraineté énergétique, BPIFrance accorde 1,5 milliard d’euros de crédits chaque année à des projets photovoltaïques et éoliens. Nous finançons également beaucoup de projets de méthanisation.

S’agissant de l’IRA, tout le monde réfléchit au moyen de lutter contre la distorsion de concurrence. Les conseils européens se succèdent et l’Europe ne manquera pas de réagir. D’ailleurs, des annonces ont été faites cette semaine. Ce qui est sûr, c’est que nous devons être compétitifs à tous les niveaux pour supporter la concurrence des officines américaines, qui contactent directement les entreprises françaises pour leur proposer un kit complet de délocalisation, avec un ensemble de prestations fiscales, budgétaires et juridiques et des coupe-files pour éviter les formalités régionales… Les États américains eux-mêmes se font concurrence entre eux. La Virginie par exemple veille à attirer sur son sol les entreprises qui voudraient s’installer dans l’État de New York ou dans le New Jersey. Nous devons être à la hauteur.

Vous me demandez quel serait le meilleur levier fiscal pour favoriser la réimplantation des unités industrielles. Une chose est certaine : contrairement à des idées reçues, les dividendes laissés à l’entrepreneur ne partent pas dans sa famille, mais sont réinvestis dans des robots ou des machines. La clé du succès allemand est là. Si vous baissez les impôts de production, vous augmentez le nombre de machines en France – et aussi le déficit commercial, je l’admets, car ces machines seront achetées à nos voisins suisses, allemands et italiens : nous n’avons à nous en prendre qu’à nous-mêmes pour cela ! Mais nous devons robotiser la France.

Monsieur Coquerel, vous parlez de 50 milliards pour le climat, dont la moitié à destination du privé. Nous ne nous occupons que des entrepreneurs. Laissons de côté les cinquante entreprises énergo-intensives invitées à l’Élysée à l’automne dernier et pour lesquelles l’État a décidé de mobiliser une dizaine de milliards : il nous reste le tissu productif français, et j’avoue ne pas connaître le volume de dépenses d’investissement nécessaire pour le décarboner. Je pense néanmoins que les montants ne seront pas faramineux car nous savons, par expérience, que dans une PME, il suffit de peu de choses pour obtenir des résultats considérables. Ce que vous appelez de vos vœux s’appelle, dans notre jargon, la dette climat. Lorsque nous investissons dans une entreprise, nous lui demandons de nous indiquer le volume des dépenses d’investissement nécessaires pour décarboner son activité. Le calcul se fait sur un coin de table, car bien souvent l’entrepreneur n’en sait rien – mais, en général, ce calcul est juste. Lorsque nous aurons additionné tous les montants indiqués par les 200 000 clients actifs de BPIFrance, nous aurons une idée de la réponse à vous apporter.

BPIFrance n’a pas vocation à encourager le travail à la tâche mais à permettre aux jeunes que nous rencontrons de devenir des entrepreneurs à part entière. C’est difficile, de devenir entrepreneur, c’est dangereux et risqué. Nous avons donc construit une solution pour leur permettre de devenir entrepreneurs dans des réseaux franchisés : nous investissons des fonds propres dans des franchises de Carrefour city, de coiffeurs, de fleuristes, de Pizza Hut… Tout est prêt et l’entrepreneur n’a plus qu’à diriger, ce qui limite grandement les risques. Les deux fonds d’investissement que nous avons créés à cette intention donnent de très bons résultats.

Quant au déficit du commerce extérieur, outre la condition essentielle de la réindustrialisation, je pense que beaucoup d’entrepreneurs français n’exportent pas pour des raisons culturelles. La France n’a pas hérité d’une tradition de grand pays exportateur. Il en est de même pour la Grande-Bretagne, contrairement à l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas, le Danemark, qui sont des pays marchands. Nous devons donc changer les mentalités des entrepreneurs, à nouveau en allant à leur rencontre. C’est un devoir patriotique, quand on a accumulé 164 milliards d’euros de déficit commercial, que de tenter de vendre ses produits à l’étranger.

Enfin, nous avons des agences en outre-mer, jusqu’en Nouvelle-Calédonie. Je vous mets d’ailleurs au défi de trouver un seul projet en outre-mer que BPIFrance n’ait pas partagé et financé. Le problème est malheureusement le manque de projets dans ces territoires.

M. le président Éric Coquerel. J’ai l’espoir que la page des « entreprises sans usines » d’un certain patron d’Alcatel soit désormais tournée, mais je rappelle que la situation a sans doute aussi un léger lien avec le modèle du libre-échange généralisé…

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du règlement, sur cette proposition de nomination.

*

*         *

Puis la commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (n° 808) (M. Philippe Brun, rapporteur)

M. le rapporteur général Jean-René Cazeneuve a interpelé le président de la commission sur l’entorse importante que représente l’article 3 bis introduit dans la proposition de loi, tant au regard de l’article 45 de la Constitution, car l’objet de cet article est éloigné de l’objectif de la nationalisation, qu’au regard de l’article 40 de la Constitution, car il induit un coût important.

M. le président Éric Coquerel a souligné que l’appréciation du lien indirect des amendements avec le texte déposé est un exercice délicat, et qu’il peut arriver que des présidents de commission aient une lecture assez favorable du lien indirect, comme c’était déjà le cas de son prédécesseur. Il a rappelé qu’il avait considéré que certains amendements déposés sur ce texte ne répondaient pas aux exigences de l’article 45 de la Constitution, et qu’il les avait déclarés irrecevables à ce titre, mais que ce n’était pas l’appréciation qu’il avait retenue pour les amendements portant sur les tarifs réglementés de vente d’électricité.

Concernant l’application de l’article 40 de la Constitution, M. le président Éric Coquerel a expliqué qu’il avait été conduit à prendre en considération, pour l’appréciation de la recevabilité de certains amendements à l’article 3 bis déposés en vue de la séance publique, le fait que la rédaction de l’article 181 de la loi de finances pour 2022 résultant de l’article 181 de la loi de finances pour 2023 conduisait à l’application d’une compensation par l’État. Il a indiqué qu’il avait ainsi déclaré irrecevables notamment les amendements 34, 35 et 38, mais à l’inverse pas l’amendement 39, qui prévoit expressément de ne pas rendre applicable le dispositif de compensation budgétaire à l’article 3 bis.

Mme Véronique Louwagie a souhaité que des précisions soient apportées sur le chiffrage des conséquences financières de l’article 3 bis.

Mme Nadia Hai a demandé que lui soient apportées des précisions sur les précédents cas d’application de l’article 45 de la Constitution évoqués par le président Éric Coquerel.

M. Philippe Brun, rapporteur, a indiqué que les chiffrages du coût de l’article 3 bis étaient hypothétiques, et qu’il s’agissait d’un article de principe.

M. le rapporteur général Jean-René Cazeneuve a déploré le fait que figure aujourd’hui dans le texte qui sera examiné en séance publique un article coûteux pour les finances publiques.

M. Mathieu Lefèvre s’est interrogé sur les raisons qui avaient pu conduire à ce que l’amendement à l’origine de l’article 3 bis ait pu être examiné en commission, et il a regretté que l’on s’éloigne ainsi de la jurisprudence habituelle en matière de recevabilité financière.

M. le président Éric Coquerel a rappelé que la réunion qui se tient en application de l’article 88 du Règlement a pour objet de permettre à la commission de se prononcer sur les amendements qu’elle n’a pas encore examinés, et non de discuter des articles du texte. Il a également rappelé qu’il avait déclaré irrecevables pour la séance les amendements à l’article 3 bis posant un problème de recevabilité financière, et il a ajouté qu’il avait été conduit à cela en prenant en considération les conséquences de la loi de finances pour 2023 sur les mécanismes de compensation par l’État des coûts résultant de l’application des tarifs réglementés de vente de l’électricité. Il a enfin indiqué que l’amendement 39, s’il était accepté par la commission et introduit dans l’article 3 bis, permettrait de répondre aux craintes de la majorité quant au coût de cet article pour les finances publiques.

M. le rapporteur général Jean-René Cazeneuve a considéré que le fait même que l’adoption de l’amendement 39 soit nécessaire pour rendre l’article 3 bis recevable est une preuve de plus à l’appui de l’irrecevabilité initiale de cet article. Il a demandé que le bureau de la commission des finances puisse être réuni d’ici demain afin d’évoquer la possibilité de mettre en œuvre la procédure prévue par l’alinéa 4 de l’article 89 du Règlement à l’encontre de l’article 3 bis de la proposition de loi.

Après que M. le président Éric Coquerel a accepté le principe d’une réunion du bureau de la commission avant que le texte soit examiné en séance publique, afin d’évoquer ces questions, Mme Alma Dufour a souligné qu’il n’était pas obligatoire d’imposer à l’État la prise en charge de l’application des tarifs réglementés de vente d’électricité.

M. Philippe Brun, rapporteur, a regretté qu’il soit envisagé de recourir aussi tardivement à l’alinéa 4 de l’article 89 du Règlement, alors que le texte qui a fait l’objet d’un vote souverain par la commission va être examiné en séance et que le délai de dépôt des amendements est clos. Il a indiqué que le chiffrage était inconnu, et qu’il serait nécessaire que le Gouvernement puisse présenter des estimations. Enfin, il a invité les membres de la commission à accepter l’amendement 39 de M. Sébastien Rome, qui permettrait de résoudre la contradiction.

Le tableau ci-dessous récapitule le sens des avis émis par la commission sur les amendements.

 

N° Amdt

 

 

Place

 

 

Auteur

 

 

Groupe

 

 

Avis de la commission

 

 8

Article 2

 M. JUMEL Sébastien

 GDR - NUPES

 Repoussé

 53

Article 2

 M. LACRESSE Emmanuel

 RE

 Accepté

 27

Article 2

 M. ROME Sébastien

 LFI - NUPES

 Repoussé

 55

Article 2

 M. LACRESSE Emmanuel

 RE

 Accepté

 11

Article 2

 M. SABATOU Alexandre

 RN

 Repoussé

 13

Article 2

 M. SABATOU Alexandre

 RN

 Repoussé

 33

Article 2

 M. ROME Sébastien

 LFI - NUPES

 Repoussé

 44

Article 2

 M. FOURNIER Charles

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 32

Article 2

 Mme GUETTÉ Clémence

 LFI - NUPES

 Repoussé

 29

Article 2

 M. ROME Sébastien

 LFI - NUPES

 Repoussé

 5

Après l’article 2

 M. JUMEL Sébastien

 GDR - NUPES

 Repoussé

 16

Après l’article 2

 M. TANGUY Jean-Philippe

 RN

 Repoussé

 17

Après l’article 2

 M. TANGUY Jean-Philippe

 RN

 Repoussé

 25

Après l’article 3

 M. SCHELLENBERGER Raphaël

 LR

 Repoussé

 18

Après l’article 3

 M. TANGUY Jean-Philippe

 RN

 Repoussé

 4

 ap 3

 M. JUMEL Sébastien

 GDR - NUPES

 Repoussé

 6

 ap 3

 M. JUMEL Sébastien

 GDR - NUPES

 Repoussé

 23

 3 bis

 M. CAZENEUVE Jean-René

 RE

Accepté

 49

 3 bis

 M. LACRESSE Emmanuel

 RE

Accepté

 39

 3 bis

 M. ROME Sébastien

 LFI - NUPES

 Repoussé

45

 3 bis

 M. FOURNIER Charles

 Ecolo - NUPES

 Repoussé

 9

 ap 3 bis

 M. LE GAYIC Tematai

 GDR - NUPES

 Repoussé

 43

 ap 3 bis

 Mme YOUSSOUFFA Estelle

 LIOT

 Repoussé

 40

 ap 3 bis

 Mme GUETTÉ Clémence

 LFI - NUPES

 Repoussé

 41

 ap 3 bis

 M. TAVEL Matthias

 LFI - NUPES

 Repoussé

 42

 ap 3 bis

 M. SCHELLENBERGER Raphaël

 LR

 Repoussé

 52

 Titre

 M. LACRESSE Emmanuel

 RE

 Accepté

 

*

*         *

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 8 février 2023 à 9 heures

 

Présents. - M. Franck Allisio, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Fabrice Brun, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, Mme Karine Lebon, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Paul Mattei

Assistaient également à la réunion. - Mme Virginie Duby-Muller, M. Vincent Rolland, M. Jean-Luc Warsmann