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Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

 

–  Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l’exercice 2022 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2022 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques relatifs au projet de loi de règlement pour 2022 et au projet de loi de règlement pour 2021              2

  information relative à la commission................16

  présences en réunion...........................17

 


Jeudi
13 avril 2023

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 61

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

Mme Véronique Louwagie,

Vice-présidente

 

 


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La commission entend M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l’exercice 2022 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2022 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques relatifs au projet de loi de règlement pour 2022 et au projet de loi de règlement pour 2021.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Nous recevons M. Pierre Moscovici en sa double qualité de Premier président de la Cour des comptes et de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Tout d’abord, la Cour des comptes a rendu publics son rapport sur l’exécution du budget de l’État pour 2022 et sa certification des comptes de l’État pour 2022, qui permettent d’éclairer le Parlement lors de l’analyse du projet de loi de règlement. Par ailleurs, le HCFP a rendu un avis sur le projet de loi de règlement du budget 2022, ainsi qu’un avis sur le projet de loi de règlement du budget 2021, dans la mesure où le Gouvernement a également déposé à nouveau un tel projet après le rejet à l’été dernier du premier projet de loi de règlement pour 2021. C’est donc sur l’ensemble de ces documents qui viennent éclairer notre analyse des projets de loi de règlement que nous vous écoutons.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques. Je me réjouis de vous retrouver pour vous présenter les rapports sur l’exécution du budget de l’État (RBDE) et la certification des comptes de l’État pour 2022 qui ont été joints au projet de loi de règlement, ainsi que l’avis du HCFP sur ce projet de loi.

La publication de ces rapports est un moment très important pour la Cour des comptes et pour ses magistrats que je sais particulièrement attachés à notre mission d’assistance au Parlement dans le contrôle de l’exécution budgétaire.

Si la publication de ces rapports est récurrente, elle porte cette année un constat plus inquiétant. En effet, de crise en crise et plus d’un an après le retour de la guerre en Europe, la situation économique est caractérisée par une inflation plus résistante que nous ne l’attendions et par des perspectives de croissance amoindries.

L’année 2022 a été marquée par une nouvelle augmentation des dépenses de l’État, qui s’explique par la crise énergétique et l’inflation, mais aussi par l’augmentation de la dépense ordinaire de l’État et celle, très marquée, de la charge d’intérêt de la dette – ce qui fait du désendettement un impératif catégorique pour nous tous. En outre, si l’année 2022 se caractérise également par une croissance exceptionnelle des recettes, celles-ci ont été principalement affectées au financement des nouvelles dépenses.

Le déficit du budget de l’État se maintient en conséquence à un niveau élevé en 2022. Outre cet effet de cliquet, l’analyse de l’année 2022 met en évidence plusieurs risques budgétaires pour l’avenir.

Tout endettement supplémentaire réduit d’autant nos marges de manœuvre pour investir dans l’éducation, la santé, la préservation de notre environnement ainsi que l’ensemble des domaines couverts par les lois de programmation sectorielles. Comme Premier président de la Cour des comptes, je considère que notre institution a pour rôle de proposer des solutions pour garantir une meilleure qualité de la dépense, mais aussi le financement de dépenses nécessaires et efficaces pour l’avenir.

Dans la perspective du printemps de l’évaluation, moment important de contrôle parlementaire préalable à l’élaboration d’une nouvelle loi de finances pour 2024, la Cour a décidé de contribuer, à sa place et en toute indépendance, à l’exercice de revue des dépenses initié par le Gouvernement, en mettant l’accent sur la qualité de la dépense, son utilité, sa valeur ajoutée, son efficacité, son coût et sa cohérence avec les autres outils de l’action publique.

Je rappelle aussi devant vous que la Cour se tient à votre disposition pour vous épauler dans votre mission de contrôle du Gouvernement. L’analyse de l’exécution budgétaire est essentielle pour tirer collectivement les conclusions de l’action publique et pour améliorer la gestion publique. Il en va de notre responsabilité collective, devant les citoyens et devant les générations futures.

Le premier message du RBDE est celui d’un déficit toujours élevé, d’une progression continue de l’endettement et d’une forte hausse de la charge de la dette. En 2022, le déficit du budget de l’État s’est établi à 151,4 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à 2021, où il avait atteint plus de 170 milliards d’euros. Malgré cette baisse, le déficit se maintient à un niveau très élevé par rapport aux années antérieures. Il était, à titre de comparaison, de 92,7 milliards d’euros en 2019.

Je rappelle que le solde de l’ensemble des comptes publics – non seulement de l’État, mais aussi de ses opérateurs, des administrations de sécurité sociale et des collectivités territoriales et de leurs opérateurs – représente encore un déficit de 4,7 points de PIB en 2022 contre 6,5 points l’année précédente. Quant au solde structurel – qui se déduit du solde effectif en neutralisant les effets de la conjoncture ainsi que les mesures ponctuelles et temporaires –, il s’élève à 3,4 points de PIB potentiel. Même s’il s’est nettement réduit par rapport à 2021 – où il atteignait 4,4 points de PIB potentiel du fait principalement d’une croissance des prélèvements obligatoires beaucoup plus rapide que celle de l’activité –, une nette réduction de ce déficit structurel est encore indispensable pour réduire l’exposition de la France à un risque d’insoutenabilité de sa dette.

En effet, l’évaluation du déficit structurel présentée par le Gouvernement pour 2022 est supérieure de 2,6 points à la prévision retenue dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022. Cet écart est très nettement supérieur à 0,5 point de PIB, ce qui justifierait le déclenchement du mécanisme de correction si la clause de circonstances exceptionnelles ne s’appliquait pas. Je rappelle que la Commission européenne a d’ores et déjà proposé de lever au 1er janvier 2024 la clause dérogatoire générale au cadre budgétaire européen. Le HCFP invite par conséquent le Gouvernement à préciser rapidement les conditions de levée de la clause de circonstances exceptionnelles ainsi que le calendrier envisagé.

L’institution d’un mécanisme de correction opérationnel par rapport à la trajectoire est un élément important de la crédibilité d’une politique de finances publiques. Toutefois, cela suppose qu’une nouvelle loi de programmation soit adoptée. Son absence ferait peser un risque juridique sérieux sur la loi de règlement pour 2023.

En conséquence du niveau élevé de son déficit, la dette à moyen et long termes de l’État a continué sa progression. Le volume de dette a augmenté de 24 % en trois ans, passant de 1 823 milliards d’euros fin 2019 à 2 278 milliards d’euros fin 2022. Le besoin de financement demeure élevé : 280 milliards d’euros en 2022 contre 285 milliards d’euros en 202. Il est supérieur de 60 milliards d’euros à celui de 2019.

Dans un contexte où à cet endettement élevé s’ajoute une forte inflation et une augmentation significative des taux d’intérêt, la charge de la dette constitue un point d’attention essentiel. Une première augmentation de la charge de la dette avait été observée en 2021, mais elle s’était limitée à 2 milliards d’euros. 2022 marque une rupture très nette puisque la charge de la dette a progressé de 13,2 milliards d’euros pour atteindre 50,7 milliards d’euros, soit une augmentation annuelle de 35 %. Cette augmentation n’avait d’ailleurs pas été anticipée par la loi de finances 2022, qui prévoyait une charge de 38,7 milliards d’euros.

Le principal facteur de hausse n’est cependant pas à ce stade la hausse des taux, dont les effets ne se font pas encore sentir sur le stock de dette, mais l’inflation, qui s’est traduite par une augmentation de 11,9 milliards d’euros de la provision pour charge d’indexation des titres indexés sur l’inflation. Or, on peut redouter le maintien de l’inflation à un niveau plus élevé qu’attendu. Le service de la dette est redevenu le deuxième poste budgétaire de l’État, alors qu’il s’agit de la dépense publique la plus inutile et improductive qui soit.

Afin de limiter l’accroissement de la charge de la dette dans le contexte de reprise de l’inflation, la Cour recommande d’actualiser rapidement la doctrine sur les conditions des émissions de titres indexés. La hausse des taux, si elle devait être durable, pourrait cependant exercer à long terme une pression bien supérieure à celle de l’inflation sur la charge de la dette et donc sur nos marges de manœuvre budgétaires. L’impact de la remontée des taux d’intérêt sera appelé à peser davantage à partir de l’exercice 2023 et s’amplifiera à mesure que se renouvelle le « stock » de titres de dette. Un ordre de grandeur à l’appui : l’Agence France Trésor (AFT) estime qu’une hausse de 100 points de base des taux d’intérêt renchérit la charge d’intérêts de 2,5 milliards d’euros la première année, 6,1 milliards d’euros la deuxième année et 29,5 milliards d’euros à l’horizon de dix ans. L’impact serait considérable et limiterait drastiquement les marges de manœuvre.

Le second message du rapport est celui du dynamisme des recettes, qui, en raison d’une forte progression des dépenses, n’a pas permis de réduire le déficit.

D’une part, l’année 2022 a donc été marquée par un fort dynamisme des recettes de l’État. Après une année 2021 déjà exceptionnelle, les recettes du budget général ont progressé de 32,3 milliards d’euros en 2022. Cette progression s’explique par la forte augmentation spontanée des recettes fiscales, qui ont crû de 27,5 milliards d’euros pour atteindre 323 milliards d’euros, soit leur plus haut niveau historique. Cette croissance a notamment été tirée par la hausse du rendement de l’impôt sur les sociétés et de la TVA. Elle est d’autant plus notable que le rendement de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) a baissé de 4,9 milliards d’euros dans le cadre de la mise en place du bouclier tarifaire et qu’un transfert supplémentaire de TVA de 3,6 milliards d’euros a été opéré au bénéfice de l’audiovisuel public, pour compenser la suppression de la contribution qui lui était affectée.

Comme lors des deux exercices précédents, le rapport fait apparaître un enjeu d’amélioration des prévisions fiscales et de meilleure information sur les facteurs d’évolution des recettes dans les documents budgétaires. L’écart positif des recettes observé entre l’exécution et la dernière estimation de la loi de finances rectificative de fin d’année est en effet substantiel, de l’ordre de 7,5 milliards d’euros.

La Cour recommande, à cet égard, de fournir de manière précise dans les documents budgétaires, à l’occasion des lois de finances rectificatives, les éléments justifiant pour chacun des grands impôts les nouvelles estimations de recettes fiscales et l’origine des écarts avec les prévisions de la loi de finances initiale.

D’autre part, l’année 2022 a été marquée par une nouvelle augmentation des dépenses de l’État, malgré le net reflux des dépenses d’urgence sanitaire et de relance. Comme je l’ai annoncé en début d’année, la Cour fait le constat sans appel que la France n’est pas réellement sortie du « quoi qu’il en coûte », créant une situation anormale de dépendance à la dépense. J’attire votre attention sur le fait que les dépenses du budget général ont augmenté de 33 % entre 2019 et 2022.

L’année 2022 s’est en effet caractérisée sur le plan économique par un choc inflationniste et par les conséquences de la guerre en Ukraine, qui ont conduit le Gouvernement à adapter en cours d’année la programmation budgétaire de la loi de finances initiale. Ainsi, malgré la baisse de 47,3 milliards d’euros des dépenses d’urgence sanitaire et de relance, les dépenses du budget général de l’État ont progressé de 19 milliards d’euros en 2022. Hors urgence et relance, l’augmentation est donc de 66,3 milliards d’euros, dont 12 milliards d’euros pour les mesures relatives à l’énergie et à l’inflation, 10,5 milliards d’euros de dotations en vue de la renationalisation intégrale d’EDF et 13,2 milliards d’euros de charge d’intérêt de la dette. Les autres dépenses augmentent de près de 31 milliards d’euros par rapport à 2021, sans que des circonstances exceptionnelles puissent l’expliquer. Cette hausse s’explique donc par l’augmentation de la dépense ordinaire de l’État.

Je souhaitais également m’arrêter sur la hausse des dépenses de personnel malgré une baisse notable des effectifs, piste de réponse à un enjeu réel d’attractivité de la fonction publique dans un contexte de tensions sur le marché du travail. En effet, les effectifs de l’État diminuent de 5 765 ETPT en 2022 plus fortement qu’en 2021, où cette baisse s’établissait à 3 750 ETP, alors que la loi de finances pour 2022 prévoyait la création de 850 postes. Ces diminutions se concentrent surtout sur les ministères de l’éducation, de l’économie, des armées et de la transition écologique. Elles sont également liées aux difficultés de recrutement aux concours. En dépit de cette situation, les dépenses de personnel atteignent 138,8 milliards d’euros, dont 94,5 milliards d’euros de rémunérations et 44,4 milliards d’euros de contributions au compte d’affectation spéciale Pensions. L’augmentation des seules rémunérations atteint donc 3,7 %, sous l’effet de mesures générales, comme la revalorisation du point d’indice – 1,4 milliard d’euros en 2022, soit + 2,8 milliards d’euros en année pleine –, et catégorielles – 1 milliard d’euros, dont 500 millions d’euros pour les personnels de l’éducation.

Enfin, le coût des dépenses fiscales connaît une augmentation de 4,6 milliards d’euros en 2022, pour atteindre un total de 94,2 milliards d’euros, principalement sous l’effet de la forte hausse du coût du régime de taxation forfaitaire au tonnage des entreprises de transport maritime.

La maîtrise des dépenses fiscales constitue donc un élément essentiel du pilotage budgétaire. À ce titre, la Cour constate à nouveau le caractère inopérant des mécanismes destinés à stabiliser le nombre de ces dépenses fiscales – 465 mesures recensées en projet de loi finances pour 2023 –, leur coût et la non-réalisation du programme d’évaluation de leur efficacité prévu en loi de finances pour 2020, seules trois d’entre elles ayant été menées à bien en trois ans.

En troisième lieu, je souhaite attirer votre attention sur deux messages relatifs au contenu des lois de finances, qui me paraissent essentiels au regard de l’importance et de la portée de l’autorisation parlementaire en loi de finances dans notre démocratie.

D’une part, le rapport met en lumière la poursuite du cycle de sous-consommation et de reports de crédits. Ce cycle, initié en 2020 et poursuivi en 2021, porte une atteinte préoccupante aux principes d’annualité et de spécialité budgétaires.

Dans le contexte de la crise sanitaire puis énergétique, le Gouvernement a inscrit en lois de finances initiale et rectificative des enveloppes de crédits larges, allant au-delà des besoins prévisibles. Cette situation a conduit à une sous-consommation de crédits de 24,6 milliards d’euros en 2022, d’un même montant qu’en 2021, après 37,5 milliards d’euros en 2020.

Ces crédits, au lieu d’être annulés, ont été en grande partie reportés sur l’exercice suivant. Les reports ont atteint 36,7 milliards d’euros en 2020, 23,2 milliards d’euros en 2021 et s’élèvent à 18,7 milliards d’euros en 2022, soit des niveaux très supérieurs à ceux constatés précédemment. Ces pratiques sont de nature à affaiblir la portée de l’autorisation parlementaire et à réduire la lisibilité des lois de finances. D’une part, en effet, elles portent atteinte au principe d’annualité du budget. D’autre part, des interrogations existent sur le respect du principe de spécialité budgétaire dans la mesure où les redéploiements massifs permis par les reports, les enveloppes globales et les décrets d’avance sont susceptibles de bénéficier à d’autres politiques publiques que celles qui avaient justifié leur autorisation initiale.

Ces reports soulèvent un problème majeur de qualité de la dépense, mais aussi de transparence et d’acceptabilité de celle-ci. La Cour recommande donc de n’ouvrir en lois de finances initiale et rectificative que les crédits nécessaires à l’exercice en cours. Elle recommande également de limiter strictement les reports de crédits sur l’exercice suivant. Le rapport recommande, enfin, d’apurer les autorisations d’engagement affectées à des opérations d’investissement devenues sans objet.

D’autre part, le rapport fait un retour très intéressant sur la notion de « budget vert ». Depuis 2020, le Gouvernement publie une annexe au PLF portant sur l’impact environnemental du budget de l’État, dont une partie est communément appelée « budget vert » et qui revient à une démarche de cotation. Cet exercice constitue une avancée importante, que je salue. Pour autant, la Cour estime que le budget vert connaît plusieurs limites et doit encore progresser. Sa principale faiblesse a trait à ses résultats modestes en matière de cotation : 10 % des dépenses seulement sont cotées favorables ou défavorables. Les autres sont dites neutres ou ne sont pas cotées. De plus, la démarche ne permet pas, à l’heure actuelle, de rapprocher les cotations des crédits inscrits en PLF de leur exécution, ce qui en affaiblit la portée. La Cour publiera prochainement un travail plus complet et approfondi sur le budget vert, avec des recommandations opérationnelles.

Enfin, le rapport identifie de nouveau la complexification croissante des relations financières entre l’État et les autres administrations publiques à la faveur de la crise sanitaire. Le montant total transféré par l’État aux collectivités a atteint 143,1 milliards d’euros en 2022, soit + 2,4 % en 2022, après + 22,1 % en 2021, notamment sous l’effet des nouvelles affectations de fractions de TVA en compensation des réformes fiscales récentes, comme la suppression de la taxe d’habitation ou la baisse des impôts de production. Comme la Cour l’a rappelé dans son rapport public annuel 2023, le financement prépondérant des collectivités par la voie d’affectation d’impôts et de prélèvements sur recettes – 93,4 % du total en 2022 – offre à ces collectivités des ressources dynamiques, notamment la TVA, mais limite les possibilités de régulation budgétaire.

De même, la TVA devient une ressource déterminante de la protection sociale, laquelle n’est plus financée par des cotisations que pour la moitié de ses recettes. La TVA représente ainsi 60 % des 95 milliards d’euros d’impôts et taxes affectés à la protection sociale. Par ailleurs, le budget général de l’État finance également des prestations sociales versées par les caisses d’allocations familiales pour un montant de 41,9 milliards d’euros en 2022, soit une croissance de 22 % depuis 2018. Dans un objectif de lisibilité et de consentement à l’impôt, ces circuits financiers doivent impérativement être clarifiés rapidement.

Pour finir, l’analyse de l’exécution du budget pour 2022 met en lumière trois grands risques susceptibles d’affecter la soutenabilité des finances publiques au cours du prochain exercice.

Premièrement, le montant des reports de crédits sur l’exercice 2023 reste important et l’exécution du budget 2022 se traduit par des restes à payer d’un montant très significatif. Les reports de crédits non consommés de 2022 sur l’exercice 2023 s’élèvent ainsi à 8,3 milliards d’euros hors fonds de concours et attributions de produits contre une moyenne de 1 à 2 milliards d’euros sur la décennie précédente. En particulier, 5,2 milliards d’euros de crédits non consommés sur la mission Économie ont été reportés en lien avec la sous-consommation forte sur cette mission. Ces reports concernent 40 programmes contre une moyenne de 24 entre 2015 et 2020. Or, ce nombre important d’exemptions ne peut plus se justifier, comme les deux années passées, par l’incertitude découlant de la crise sanitaire.

Les restes à payer atteignent, par ailleurs, 214 milliards d’euros fin 2022, contre 178 milliards d’euros à la fin de l’exercice précédent. Cette augmentation est en grande partie imputable à la faible consommation d’autorisations d’engagement au titre du plan France 2030, qui a atteint 26,6 milliards d’euros.

Deuxièmement, les lois de programmation sectorielles, au nombre de cinq, rigidifient fortement la dépense. Elles représenteront en effet 20 % du budget en 2023. Je vous renvoie plus spécifiquement à l’avis du HCFP sur la loi de programmation militaire que je vous ai présenté et qui pose très clairement cette limite : les lois de programmation contraignent fortement les autres dépenses du budget de l’État.

Si le développement d’instruments permettant une vision pluriannuelle des dépenses constitue une démarche utile, il devrait avoir pour corollaire celui des outils de suivi et d’évaluation afin de s’assurer que les enveloppes prévues sont conformes aux besoins, produisent les résultats attendus et ne sont pas au détriment d’autres dépenses utiles. Il soulève donc la question de la priorisation de la dépense.

Enfin, la hausse des taux d’intérêt commencera en 2023 à produire ses effets sur la charge de la dette, alors que les effets de l’inflation se poursuivront. C’est un risque majeur, qu’il faudra intégrer dans les prévisions des lois de finances futures.

Je conclus sur la certification du compte général de l’État pour 2022. En premier lieu, je souhaite souligner, pour le regretter, que pour la première fois depuis que la Cour certifie les comptes de l’État, les comptes de l’exercice 2021 n’ont pas été approuvés par le Parlement avant la présentation des comptes de l’exercice sous revue. Même si l’administration a trouvé une solution comptable pour présenter le résultat 2021 qui n’a pas pu être affecté à ce jour, ce n’est pas une bonne pratique.

En deuxième lieu, la Cour a constaté un certain progrès dans la qualité des comptes, puisqu’elle ne relève plus désormais que quatre anomalies significatives, contre cinq pour 2021. Cela mérite d’être souligné.

La levée de ces anomalies, qui portent sur des points de principe, ne nécessiterait pas d’importants travaux préparatoires et la présentation de comptes de l’État sans anomalies significatives est donc aujourd’hui à la portée de l’administration. Ce serait une grande nouveauté par rapport à la situation prévalant depuis 2006, date de la première présentation d’un compte général de l’État.

Pour autant, le nombre d’insuffisances d’éléments probants a augmenté cette année : treize contre dix en 2021. Ces observations correspondent à des situations dans lesquelles la Cour n’est pas en mesure de se prononcer au vu de l’information apportée par l’administration. Il s’agit par exemple du montant des engagements de retraite des fonctionnaires, des charges relatives aux boucliers tarifaires déployés en 2022, ou de la valeur du patrimoine immobilier de l’État.

En troisième lieu, les comptes de l’État, qui, je le rappelle, appliquent pour l’essentiel les principes de la comptabilité d’entreprise, apportent des enseignements complémentaires intéressants par rapport à la comptabilité budgétaire, du fait qu’ils sont basés sur les droits et obligations de l’État et non seulement sur les flux de trésorerie.

Ainsi, alors que le déficit de l’État s’est amélioré de 19 milliards d’euros en comptabilité budgétaire, il s’est dégradé au contraire de 19 milliards d’euros en comptabilité générale, pour atteindre – 160 milliards d’euros.

Les charges de fonctionnement de l’État sont en forte hausse en 2022, progressant de 9,1 %, alors que les charges d’intervention sont restées stables, augmentant de 0,7 %, ce qui fait écho à l’augmentation des dépenses ordinaires que j’évoquais précédemment.

Quant au bilan de l’État, il fait ressortir au 31 décembre 2022 une insuffisance d’actif de 1 758 milliards d’euros, les dettes de l’État étant supérieures à ses actifs, et un endettement financier net de 2 519 milliards d’euros contre 2 368 milliards d’euros un an plus tôt, soit une augmentation de 151 milliards d’euros.

Enfin, les engagements hors bilan sont supérieurs à 4 000 milliards d’euros au 31 décembre 2022, dont 1 613 milliards d’euros au titre des engagements de retraite.

Je vous encourage à lire les annexes du compte général de l’État, riches et documentées, qui apportent des éléments d’information essentiels pour la compréhension de la situation financière de l’État. Comme l’an passé, cette dernière fera l’objet d’une note de synthèse spécifique d’ici l’été.

En conclusion, au terme de sa mission, la Cour certifie avec réserve que le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l’État à la clôture de l’exercice. Elle formule dix-sept observations, dont quatre anomalies significatives et treize insuffisances d’éléments probants.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous vous remercions. J’ai bien saisi vos encouragements et votre message concernant la LPFP.

Vous avez dénoncé la tendance à la budgétisation d’enveloppes importantes, sous-consommées durant l’année et reportées à l’exercice suivant – et parfois redéployées. Ainsi, 25 milliards d’euros de crédits ouverts en 2022 n’ont finalement pas été consommés, dont 18,7 milliards ont été reportés sur 2023. Il est vrai que le contrôle parlementaire y perd un peu de son sens, puisque cela porte atteinte à deux grands principes de notre droit budgétaire : l’annualité et la spécialité. Si en 2020 et 2021, ces tendances portaient sur des crédits particuliers liés au plan d’urgence face à la crise sanitaire et à la relance pour 2022, ce report concerne désormais des crédits ordinaires.

J’ai bien entendu votre recommandation de n’ouvrir en loi de finances initiale que les crédits nécessaires. La commission des finances y sera attentive, ainsi que lorsque le Gouvernement proposera d’ouvrir des crédits supplémentaires.

Vous avez souligné la baisse des effectifs en 2022. En y ajoutant celle constatée en 2021, on atteint une diminution de 9 000 ETP en deux ans. Or, cette baisse n’est pas la conséquence d’un effort de rationalisation ou de productivité, mais de difficultés de recrutement qui pèsent sur certains ministères, notamment l’éducation nationale et l’armée. Elle fait ainsi naître une préoccupation relative à la qualité de nos services publics. Pensez-vous que cette tendance se poursuivra en 2023 et les années suivantes ? Comment y remédier ?

Vous avez évoqué une augmentation des dépenses fiscales en 2022, qui résulte en particulier, à hauteur de 3,4 milliards, de celle de la niche fiscale relative au régime de taxation forfaitaire du tonnage des entreprises de transport maritime. Une revue d’ensemble des niches fiscales ne vous apparaît-elle pas comme une priorité ?

La règle du plafonnement des dépenses fiscales fixée dans la précédente LPFP s’est révélée inopérante. Pour autant, cela justifie-t-il de ne plus prévoir de règle de plafonnement ? Ne pourrait-on pas envisager une règle plus efficiente ? Quelle serait-elle ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Malgré de nombreuses alertes, vous annoncez quelques bonnes nouvelles. La baisse du déficit par rapport à 2021 et aux prévisions valide nos choix en matière de soutien au tissu économique. Les dépenses exceptionnelles ont baissé de manière significative entre 2021 et 2022 : nous semblons sortis du « quoiqu’il en coûte ». En outre, les prestations sociales, qui relèvent du domaine de l’État, ont augmenté : les APL, l’AAH et la prime d’activité ont augmenté de 9 % en valeur l’année dernière, ce qui témoigne de notre soutien aux populations les plus exposées.

Je partage cependant vos alertes, notamment sur le niveau trop élevé des reports de crédits. L’engagement de l’État, qui s’élève à 215 milliards, est également colossal. Je vous rejoins sur l’impérieuse nécessité de passer au crible nos différentes dépenses fiscales. Enfin, vous indiquez que le transfert de recettes dynamiques aux collectivités territoriales n’incite pas à une meilleure maîtrise de leurs dépenses.

Pourriez-vous nous apporter des précisions sur l’augmentation de 31 milliards des dépenses de l’État courantes et hors crise entre 2021 et 2022 ?

Quelle est votre appréciation du niveau d’investissement de l’État ? À combien devrait-il s’élever pour assurer la transition écologique de notre pays ?

L’évolution des recettes fiscales de l’État est marquée par une élasticité de 2,2 % par rapport à l’évolution du PIB. Pouvons-nous continuer à ce rythme, ou l’année 2022 a-t-elle été exceptionnelle de ce point de vue ?

Les dépenses réelles relatives aux boucliers tarifaires s’élèvent à 1,4 milliard en 2022. Nous sommes surpris par ce faible montant, qui implique un report de charges très important sur 2023. Comment expliquer cette très faible consommation au titre des boucliers tarifaires en 2022 ? 

M. Pierre Moscovici. La loi de finances initiale pour 2022 prévoyait 850 créations nettes de postes sur le budget général, en particulier dans les ministères de la justice, de l’intérieur et des armées. Or, nous comptons une diminution de 7 565 postes, qui se concentre sur les ministères de l’éducation – 4 424 ETP –, de l’économie – 1 624 ETP – et les armées – 1 018 ETP. La discordance entre les prévisions et leur réalisation ne signifie pas que cette baisse est artificielle. Elle manifeste sans doute des problèmes d’attractivité massifs du secteur public.

Concernant la baisse des effectifs d’enseignants, la Cour a publié en février un rapport, « Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants », qui montre que ce problème est ancien, mais qu’il s’accentue et affecte majoritairement certaines disciplines et zones géographiques en tension, comme les académies de Créteil et de Versailles. Nous avons formulé des propositions concrètes pour remédier aux difficultés de formation et de recrutement. Le problème global d’attractivité, qui ne se résume pas à la question de la rémunération, soulève des préoccupations pour l’avenir de nos enfants et du système éducatif. Il appelle à prendre des mesures aussi précises qu’ambitieuses.

La diminution des effectifs de l’État résulte aussi d’une augmentation du nombre de départs imprévus, qui doivent être compensés par des recrutements supplémentaires. C’est notamment le cas pour les ministères de l’éducation, de l’intérieur, des armées et de la justice.

Il est difficile d’effectuer des prévisions pour 2023 et les années suivantes. La loi de finances initiale pour 2023 prévoit près de 9 000 créations d’emplois. L’incertitude continue à peser sur les capacités à recruter.

La dépense fiscale relative au régime de taxation forfaitaire des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leur navire a vu son coût augmenter de 3,4 milliards en 2022, pour s’établir à 3,8 milliards d’euros, contre 395 millions en 2021. La raison en est la très forte croissance du chiffre d’affaires des entreprises du transport maritime, notamment du résultat comptable afférent aux activités de tonnage en 2021. En effet, le coût du dispositif représente les recettes fiscales d’impôt sur les sociétés qui auraient été perçues en l’absence de ce régime fiscal dérogatoire.

La revue des dépenses fiscales devrait selon nous être intégrée à toute revue de dépenses. Je rendrai publique dans les semaines qui viennent la liste des notes que la Cour entend réaliser d’ici le mois de juillet, mais l’une d’entre elles sera bien consacrée aux dépenses fiscales.

Le rapport dresse un bilan des règles de plafonnement des dépenses fiscales précédemment adoptées. La LPFP 2014-2019 prévoyait un plafonnement indicatif en montant du coût total des dépenses fiscales et des crédits d’impôt. Au cours des exercices, il a été systématiquement dépassé, sans qu’aucune mesure correctrice n’ait été adoptée. La LPFP 2018-2022 rompait avec cette logique : son article 20 fixait un plafond annuel exprimé en pourcentage des recettes fiscales du budget général, qui ne pouvait excéder 28 % pour 2019, 27 % pour 2020, 26 % pour 2021 et 25 % pour 2022. Trop élevé pour être contraignant, ce plafond s’est révélé inopérant. Dans le projet actuel, il n’est prévu aucun plafonnement ni en taux ni en montant, ce qui est d’autant plus dommageable qu’un dispositif de plafonnement existe dans le dispositif de lutte contre les niches sociales dans les lois de financement de la sécurité sociale. La Cour recommande d’introduire dans le projet de LPFP un plafonnement des dépenses fiscales avec des modalités qui le rendent réellement contraignant.

S’agissant de l’augmentation de 31 milliards d’euros, je n’ai pas de précisions à apporter sur les dépenses ordinaires de l’État.

Je ne peux pas davantage vous donner de chiffres sur le niveau d’investissement de l’État. Il est en tout cas considérable : nous faisons face à une montagne d’investissements, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’énergie, du nucléaire, des transitions numérique et écologique, de la recherche et de l’innovation. Or, un désendettement maîtrisé est la condition de financement de tels investissements.

Je me garderai de faire des prévisions sur le dynamisme des ressources fiscales. Le HCFP avait estimé excessive une prévision de l’élasticité à 1,5. Or, nous nous étions trompés, puisqu’elle atteint 2,2. Tout laisse à penser que 2022 a été une année extraordinaire ; mais nous pourrions avoir de nouvelles bonnes surprises sur les recettes fiscales.

Ce phénomène explique la réduction du déficit que vous évoquez, monsieur le rapporteur général, et que je salue également – mais chacun conviendra qu’elle reste trop faible. En effet, notre déficit décroît moins rapidement que celui de nos autres partenaires, faute d’actions sur la maîtrise de la dépense. Nous ne pouvons uniquement compter sur le dynamisme des recettes pour faire baisser le déficit.

Dans un contexte de forte hausse des prix des produits énergétiques, le Gouvernement a fait le choix de soutenir le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises pour un coût budgétaire de 11,1 milliards en 2022. Le coût de ces dispositifs est en effet nettement plus élevé en comptabilité générale. Les deux boucliers tarifaires ont un coût pour 2022 de 18,5 milliards en comptabilité générale pour 1,3 milliard en comptabilité budgétaire. La différence tient à la comptabilisation des provisions pour charge ou pour risque, qui ont un effet en 2022 en comptabilité générale alors qu’ils se traduiront par des décaissements éventuels plus tard : il s’agit d’un hiatus essentiellement technique. L’acte de certification repose uniquement sur des principes de conformité comptable : il ne comporte aucune évaluation politique. C’est la raison pour laquelle je réitère mon appel à l’adopter sans réserve.

Mme la présidente Véronique Louwagie. La parole est aux orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Ce panorama global nous donne plusieurs objets de satisfaction. Le déficit budgétaire diminue, et le solde structurel s’améliore de plus de plus d’un point.

Vous avez évoqué les éléments conjoncturels qui expliquent la dynamique de la dépense, et notamment, en droits constatés, les carburants, qui pèsent à hauteur de 8 milliards d’euros sur les 12 milliards que vous avez évoqués.

À combien évaluez-vous les recettes qui sont liées aux mécanismes de contribution au service public de l’électricité (CSPE) en 2002, et celles liées à la contribution sur les rentes inframarginales adoptée en fin d’année ?

Le chiffre que vous indiquez sur l’indexation de la charge de la dette est en effet inquiétant – 12 milliards du seul fait de l’inflation. Notre politique d’indexation d’une charge de la dette est-elle singulièrement différente de celle de voisins européens ? Le directeur général de l’AFT nous avait expliqué que le taux d’émissions indexées dans l’Union européenne s’élevait à environ 10 %. Dans votre rapport, vous appelez à revoir les conditions et les limites de l’indexation de la charge de la dette : souhaiteriez-vous que nous diminuions la part de la dette indexée ?

Vous appelez à élargir l’impact du rapport environnemental sur le budget de l’État, ce à quoi nous souscrivons. Cependant, comment peut-on y procéder dès lors que certaines dépenses sont à la fois neutres sur certains axes environnementaux, et défavorables ou positives sur d’autres ? La cotation n’est pas binaire : aussi, comment élargir ce champ ? Pourriez-vous par ailleurs préciser vos propos sur l’exécution des crédits concernant le budget vert ?

M. Kévin Mauvieux (RN). Dans le rapport sur la mission Engagements financiers de l’État, je me suis penché sur les obligations assimilables du Trésor indexées (OATi). Elles s’élèvent à 10 à 12 % dans la dette en France. Les pays européens, à l’exception de l’Italie et de l’Angleterre, n’ont pas recours à ces OATi, alors que nous les utilisons depuis 1998.

Je me satisfais moins que M. Lefèvre de ce rapport de la Cour des comptes. Le mécanisme européen de correction n’est pas enclenché en raison de l’application de l’article 3 relatif aux circonstances exceptionnelles. Vous avez évoqué la fin de ce mécanisme au 1er janvier 2024. Prévaudra-t-il pour le budget de cette année ?

La charge de la dette s’est établie à 50,7 milliards en 2022 – un niveau très supérieur aux prévisions de la loi de finances initiale. La progression de la charge de la dette approche 13 milliards, soit 35 % en une seule année. Ce rebond exceptionnel met fin à une période d’une dizaine d’années lors desquelles la charge de la dette diminuait. La situation nous oblige à faire des choix : vous avez mis sur la table l’actualisation rapide des conditions et des limites aux émissions de titres indexés dans le contexte de reprise de l’inflation. Nous incitez-vous à diminuer le quota d’OATIi?

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Vous faites état de chiffres impressionnants : en 2022, les recettes fiscales s’élèvent à 323 milliards d’euros. Jamais autant de recettes fiscales n’ont été engrangées par l’État. Vous avez d’ailleurs précisé que leur dynamisme était issue de l’impôt sur les sociétés et la TVA. La TVA est l’impôt le plus injuste. Or, où va cet argent ? L’Insee nous indique qu’entre janvier 2021 et juin 2022, les ménages français ont perdu en moyenne 720 euros. Ces recettes fiscales immenses, perçues grâce aux efforts consentis par les Français, notamment les classes moyennes et populaires, sont réaffectées à la sécurité sociale pour plus de 50 milliards, tandis qu’une autre partie de la TVA est allouée aux collectivités territoriales. Cet argent n’est donc plus affecté aux politiques de redistribution au travers de l’État. Ce dernier mène au contraire des politiques de relance, uniquement – ou de plus en plus – avec l’argent des plus modestes ou avec de la dette.

Je ne vous convaincrai pas que les capitalistes sont en train de s’emparer des budgets des collectivités locales et de la sécurité sociale ; mais il y a là, me semble-t-il, une question démocratique. En tant que Premier président, tolérez-vous que trois budgets qui sont à l’origine séparés – collectivités territoriales, sécurité sociale et État – le soient de moins en moins ? Or, pourquoi le sont-ils ? Parce que le pouvoir politique a décidé d’éteindre les mécanismes de redistribution au sein des budgets des collectivités territoriales, avec la suppression des impôts de production, et de la sécurité sociale avec le CICE et les exonérations massives de cotisations. Cette baisse artificielle des budgets de la sécurité sociale et des collectivités territoriales par l’État, qui les abonde par la suite – jusqu’à ce qu’il décrète qu’il veut de moins en moins payer et qu’il faut réformer les retraites – est-elle envisageable d’un point de vue démocratique ?

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je prends la parole au nom du groupe Les Républicains. Il me semble qu’on ne peut se réjouir de l’évolution du solde structurel, étant donné qu’il provient uniquement de la hausse des prélèvements obligatoires qui a nettement excédé celle de l’activité, alors que l’effort en dépense a été très limité. En effet, hors de l’urgence sanitaire et de la relance, les dépenses ont augmenté de 66,3 milliards en en 2022 – qui s’ajoutent par ailleurs à des augmentations de dépenses de 37,1 milliards en 2021 et de 53,6 milliards en 2020.

Vous avez réagi sur les lois de programmation sectorielle, qui ont l’avantage de fixer des objectifs à moyen terme, mais qui limitent les moyens d’action sur l’ensemble des dépenses. Quelle pourrait être la piste, sinon celle de définir de manière plus précise lors de chaque loi de programmation sectorielle les diminutions de dépenses envisagées ou les augmentations de recettes pour financer les crédits déployés ? Une telle proposition est-elle envisageable, ou nuirait-elle à la liberté accordée aux parlementaires lors de l’examen de chaque loi de finance annuelle ?

M. Christian Baptiste (SOC). Je souhaiterais des précisions sur les orientations de politiques de finances publiques qu’il conviendrait de retenir, si tant est que nous soyons réellement animés par une volonté de résorber le déficit structurel et la dette publique de la France.

Le HCFP fait état du niveau élevé du déficit structurel et de la dette publique de la France, témoignant ainsi de faits notoires – à savoir la dégradation des finances publiques de notre pays.

Si durant ces dernières années, nous autres parlementaires nous sommes malheureusement habitués à cet état de fait, le groupe Socialiste a particulièrement retenu une inflexion peu habituelle dans votre discours. En effet, selon l’avis rendu par le HCFP, nous comprenons que pour réduire le déficit structurel et l’exposition de la France au risque d’insoutenabilité de la dette, et au regard des dépenses nécessaires en faveur de la transition énergétique et des investissements pour renforcer la croissance, mais aussi des dépenses déjà prévues dans les lois de programmation sectorielles votées ou déposées, il serait nécessaire de réexaminer les baisses des prélèvements obligatoires programmées par le Gouvernement actuel. Certes, mais dans quelle mesure cela est-il conciliable avec la politique de redynamisation économique défendue par le Gouvernement ?

M. François Jolivet (HOR). Notre groupe regrette que nous n’ayons pas de LPFP. Nous y voyons une limite à notre rôle de contrôle parlementaire, puisqu’elle permettrait à la majorité de juger le Gouvernement en vérifiant si la loi de programmation est respectée, et à l’opposition de s’exprimer si les prévisions ne sont pas conformes aux attentes.

Pourriez-vous nous indiquer le pourcentage de notre dette indexée sur l’inflation ?

À dette constante, avez-vous calculé des trajectoires – prenant en compte la montée de l’inflation que nous connaissons – des intérêts futurs de l’exercice 2023 ?

Vous indiquez avoir relevé quatre anomalies dans votre certification. Je souhaiterais revenir sur le patrimoine immobilier de l’État. 41,1 milliards d’actifs sont inscrits pour des ensembles immobiliers d’habitation et de bureaux. Comment l’avez-vous évalué, puisque l’État n’amortit pas et ne suit pas la dépréciation de la valeur d’actifs de ces biens ? Vous ajoutez que pour 12,7 milliards euros sont inscrits des ensembles immobiliers qui ne sont pas exclusivement destinés à des usages de missions de service public – quelle entreprise se permettrait d’avoir 30 % d’actifs immobilisés pour rien ? N’y a-t-il pas là une cinquième anomalie ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). La dépense fiscale liée au régime de taxation forfaitaire au tonnage des entreprises de transport maritime s’élève à 3,8 milliards. Pouvez-vous préciser l’origine de cette niche fiscale ? Recommandez-vous de la supprimer compte tenu des bénéfices records des entreprises de transport maritime ?

Vous évoquez la future loi de programmation sur l’énergie et le climat et le besoin d’investissements supplémentaires liés pour la période 2024-2028. La Cour a-t-elle des recommandations sur le financement de ces investissements verts, notamment en matière de baisse des dépenses identifiées comme contraires aux objectifs climatiques, dont vous soulignez l’importance dans le rapport ?

Vous avez évoqué les limites du budget vert. En effet, seules 10 % des dépenses sont cotées. Avez-vous procédé à une évaluation de l’impact climatique du budget de l’État ? L’envisagez-vous pour le PLF 2024 ? La Cour en a en effet la compétence.

Mme Karine Lebon (GDR-NUPES). Votre avis recommande des efforts importants en matière de dépenses publiques. L’exécutif a en effet décidé de faire des efforts, mais, malheureusement, au détriment de nos concitoyens : économies sur les aides sociales, l’assurance chômage et les retraites, ou encore rationalisation de nos administrations. Le choix d’une politique purement libérale semble parfaitement assumé.

Concernant le contrôle de l’évolution des dépenses publiques, une solution est parfois étudiée : celle de la diminution des budgets sous-exécutés. En tant que rapporteure spéciale de la mission Outre-mer, je constate qu’il y a chaque année des crédits non consommés dans cette mission. Cependant, ce n’est pas que les collectivités ultramarines qui en bénéficient n’en ont pas besoin, mais plutôt qu’elles manquent d’accompagnement et d’aide à l’ingénierie dans la réalisation de leurs projets. Ainsi, plutôt que de diminuer le budget de cette mission, il serait plus opportun de réarticuler les dispositifs pour faire en sorte que l’enveloppe soit effectivement connue et consommée.

Votre avis précise aussi que l’amélioration du solde structurel entre 2021 et 2022 résulte essentiellement de la hausse des prélèvements obligatoires. En 2022, le rendement de l’impôt sur les sociétés a connu une amélioration de 3 milliards d’euros par rapport à ce qui était anticipé. Plutôt que d’effectuer des économies, ne serait-il pas plus intéressant de privilégier une optimisation de ces prélèvements obligatoires ? Étant donné les bénéfices record de certaines entreprises, ne serait-il pas plutôt judicieux de creuser l’idée d’une meilleure taxation de ces dernières ? Quel a été le manque à gagner engendré par la politique de l’offre à tout va ?

Mme la présidente Véronique Louwagie. J’invite les autres orateurs à s’exprimer.

M. Emeric Salmon (RN). Pour atténuer les effets de la flambée des prix de l’énergie en grande partie due aux choix politiques catastrophiques du Gouvernement, qui a longtemps délaissé le parc nucléaire et refuse toujours de sortir du marché européen de l’électricité, comme l’ont fait nos partenaires espagnols et portugais, ce dernier a mis en place un bouclier tarifaire particulièrement coûteux pour le contribuable français. Vous relevez, dans votre avis, qu’en exécution budgétaire, le coût de bouclier tarifaire s’est élevé à 1,4 milliard en 2022. La commission des finances du Sénat avait estimé le coût pour 2022 des mesures de soutien énergétique à 48,6 milliards d’euros lors des débats budgétaires sur le PLF. Comment expliquez-vous cet écart dont l’ampleur est particulièrement surprenante ?

Je souhaite aussi vous interroger sur l’entorse au principe de spécialité que vous relevez pour ce bouclier tarifaire. Nous sommes d’autant plus d’accord que nous avions interpellé cette commission sur ce point lors de la discussion du projet de loi de finances. 45 milliards sont budgétés pour le bouclier tarifaire en 2023. Compte tenu de l’écart de 25 milliards entre les droits constatés et les décaissements intervenus en 2022 au titre du bouclier tarifaire, ce montant de 45 milliards budgétés en 2023 vous paraît-il crédible ?

Enfin, compte tenu du coût et de l’absence de visibilité des parlementaires sur celui-ci, la Cour des comptes envisage-t-elle de se pencher spécifiquement sur la question du bouclier tarifaire lors d’un futur rapport ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Alors que la loi de finances initiale pour 2022 prévoyait 850 créations nettes de postes, le nombre d’ETP a diminué de 7 565. Si certains se réjouissent du solde net qui en résulte, je m’inquiète de ce signe de baisse de l’attractivité de la fonction publique, qui touche tous les domaines.

Pour réduire le déficit structurel et faire face aux dépenses nécessaires notamment dans le cadre de la transition énergétique et du renforcement de la croissance, vous indiquez qu’il faut réexaminer les baisses de prélèvements programmées. À quels prélèvements pensez-vous ?

M. Jocelyn Dessigny (RN). Les recettes liées à la TVA ont augmenté de 9,4 % dans l’exécution budgétaire de 2022 pour la part revenant à l’État. Si je peux comprendre l’enthousiasme que vous procure cette hausse des recettes, elle m’interroge, car elle est liée à l’inflation : plus les consommateurs paient, plus l’État gagne en recettes fiscales. Or, on ne peut souscrire à cette logique s’agissant des produits de première nécessité. Depuis des mois, Marine Le Pen et notre groupe demandons la définition d’une liste de cent produits – denrées alimentaires et produits d’hygiène féminine – de première nécessité dont le taux de TVA passerait de 5,5 à 0 % tant que l’inflation est supérieure à 1 point de la croissance. Alors même que les textes de l’Union européenne ne permettent pas un taux de TVA inférieur à 5 %, l’Italie l’a abaissé à 4 % et l’Espagne à 0 %. Pourquoi continuez-vous à critiquer cette mesure de bon sens, qui protègerait les Français les plus fragiles ?

M. Pierre Moscovici. Les recettes de la CSPE et de la subvention aux énergies renouvelables en comptabilité nationale sont évaluées à 4,3 milliards. Celles de la nouvelle contribution sur la rente inframarginale sont estimées à 12,3 milliards pour 2023.

La Cour vous soumettra des propositions pour élargir la part des dépenses cotées, comme l’analyse des subventions versées aux opérateurs de l’État ou encore la réintégration de dépenses exclues du périmètre actuel, telles que les aides liées aux tarifs de l’essence. À mon sens, la méthode de cotation rencontrera toujours des limites. Pour progresser dans cette voie, nous devrons envisager des moyens complémentaires pour suivre l’impact environnemental du budget de l’État.

La part de la TVA affectée à la sécurité sociale s’élevait à 6 % en 2010 et à 28 % en 2022, soit un peu plus de 57 milliards d’euros. Alors qu’aucune part n’était allouée aux collectivités territoriales en 2010, elle était de 3 % en 2018 contre 20 % en 2022, soit un peu plus de 40 milliards. Les recettes de TVA totales atteignent 202,5 milliards, dont un peu plus de 104 milliards sont affectés au budget de l’État – soit un peu plus de 50 %. Comme je vous l’ai précédemment indiqué, la TVA est un impôt de rendement peu efficace en matière de politique économique. Si cet impôt a l’avantage d’être dynamique et d’offrir des recettes stables à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales, il a le défaut d’engendrer une perte d’autonomie incontestable. M. Guiraud, je suis peu convaincu par vos arguments : ces affectations de TVA rendent peu crédible l’idée que ces dépenses n’auraient pas de finalité sociale. Quand bien même on suivrait votre raisonnement et que l’on cessait d’affecter la TVA à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales, où trouverez-vous 100 milliards d’euros pour les financer ? En revanche, le Conseil des prélèvements obligatoires reconnaît qu’il est préoccupant que seuls 50 % de la TVA soient affectés à l’État et qu’une part significative des recettes des collectivités territoriales proviennent de son rendement.

Les OATi représentent entre 10 et 12 % de la dette française. Elles peuvent être nécessaires dans certains cas, et opportunes dans d’autres : en effet, lorsque cette politique a été lancée, l’inflation était systématiquement plus faible que la norme. Ce mécanisme s’est révélé vertueux dans une période où les taux d’intérêt étaient faibles. La dernière étude sur l’indexation date de 2006. Il serait nécessaire de procéder à une réévaluation. Dans un contexte d’inflation, ce dispositif est en effet coûteux, et cet impact pourrait se poursuivre au delà de cette année. Il me semble que nous pouvons compter sur l’AFT pour tenir compte de ces évolutions.

Le 1er janvier 2024 signera la fin des clauses dérogatoires générales au niveau européen. Les règles suspendues pendant la crise covid devront de nouveau être suivies. Elles s’appliqueront aux résultats du déficit 2023. La levée de la clause dérogatoire n’implique pas systématiquement la levée de la clause de circonstances exceptionnelles, mais les éléments qui la fondaient disparaîtront pour l’essentiel. Nous recommandons donc de prévoir les modalités de levée de cette clause. J’ajoute qu’une réforme de ces règles, avant la levée de la clause dérogatoire, me paraît indispensable. Sans cela, le choc serait brutal, l’impact contracyclique fort et la visibilité peu garantie. Nombre de pays de la zone euro – dont la France – se retrouveraient dans une situation de déficit exceptionnel.

La taxation au tonnage des entreprises de transport maritime date d’une vingtaine d’années. La plupart des pays de l’Union européenne dotés d’une flotte maritime en disposent. La Cour n’a pas mené d’étude spécifique sur ce sujet – pas davantage que sur les investissements liés à la transition écologique.

Mme Louwagie, vous m’avez interrogé sur les lois de programmation sectorielle. Il me semble nécessaire d’adopter une réflexion plus globale : la LPFP me paraît d’abord nécessaire pour donner un cadre d’ensemble. Les lois de programmation sectorielles ne supposent pas toujours une forte augmentation de la dépense, mais impliquent une revue de la dépense publique. À ce titre, je vous rappelle que la revue de dépenses publiques n’est pas un instrument budgétaire, mais qu’elle porte d’abord sur la qualité de la dépense et de la politique publique – même s’il peut en découler des économies ou une moindre dépense. Alors que les dépenses publiques représentent 58 % du PIB, a-t-on réellement le sentiment que la qualité du service public en France est à son plus haut niveau ? C’est pourtant à partir de ce critère de qualité – et non du montant de la dépense – qu’il faut développer la réflexion pour impulser des politiques publiques plus justes et plus efficaces – et pas nécessairement plus coûteuses.

Le HCFP – qui, je le rappelle, est une organisation pluraliste à tous égards – n’a pas précisé quelles dépenses programmées il conviendrait de diminuer. Nous proposons seulement une analyse macroéconomique.

Vous m’avez demandé si la baisse des prélèvements obligatoires était compatible avec la volonté de redynamiser l’économie. La dette publique exerce un effet d’éviction sur l’investissement, donc sa diminution est aussi un levier de relance économique. Par ailleurs, à prélèvements obligatoires constants, la structure de ces derniers peut être plus favorable à l’économie. Je pense notamment aux niches fiscales. Cependant, la phrase que vous avez relevée dans le rapport s’explique par le fait que nous pensons que la hausse du déficit structurel et de l’endettement représente un risque pour la soutenabilité à long terme. Pour y répondre, nous devons d’abord maîtriser la dépense ; par ailleurs, nous pensons que la situation macroéconomique ne nous permet plus d’opérer des baisses de prélèvements obligatoires non compensées.

Enfin, M. Jolivet, s’agissant de la valeur du patrimoine immobilier, les 41 milliards sont inscrits sur la base des bâtiments pour habitation avec bureaux. Il s’agit de leur valeur vénale, mais la Cour constate dans son observation que l’inventaire est douteux et que les valorisations sont contestables. Si nous n’émettons pas de réserve, nous notons une insuffisance d’éléments probants.

Je ne peux répondre aux autres questions qui m’ont été posées, car elles me conduiraient à entrer dans un débat politique auquel je ne peux me mêler, en tant que président d’une institution indépendante et impartiale.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je vous remercie.

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Sophie Mette rapporteure pour avis par délégation des articles 20, 20 bis, 35, 36 et 37 de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie (n° 1071).


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14 heures 30

 

Présents. - M. Christian Baptiste, M. Jean-René Cazeneuve, M. Jocelyn Dessigny, Mme Félicie Gérard, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Michel Lauzzana, Mme Karine Lebon, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, M. Louis Margueritte, M. Kévin Mauvieux, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Robin Reda, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas

 

Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Éric Coquerel, M. Joël Giraud, M. Emmanuel Lacresse, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Charles Sitzenstuhl

 

Assistait également à la réunion. - M. Éric Woerth