Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

 

–  Commission d’évaluation des politiques publiques relatives à la mission Relations avec les collectivités territoriales 2

Discussion unique sur l’exécution budgétaire (Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité)              2

-          mission Relations avec les collectivités territoriales : M. Joël Giraud et Mme Marina Ferrari, rapporteurs spéciaux 2

Discussion sur la thématique d’évaluation : L’investissement du bloc communal à l’épreuve de la crise, évolutions et perspectives. Focus sur les contrats « Petites villes de demain » (PVD) (M. Joël Giraud et Mme Marina Ferrari, rapporteurs spéciaux ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité)              14

  présences en réunion...........................23

 


Jeudi
25 mai 2023

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 80

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, procède à l’audition de Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, nous recevons Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, à qui je cède la parole pour évoquer l’exécution budgétaire de mission Relations avec les collectivités territoriales.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je suis très heureuse d’être avec vous cet après-midi pour ce temps parlementaire devenu incontournable en matière de contrôle et d’évaluation de la politique menée par le gouvernement. Cette audition constitue indéniablement un temps fort de l’exercice du pouvoir de contrôle du Parlement. Elle est l’occasion pour notre ministère de vous présenter l’exécution budgétaire 2022 de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT), et de tracer quelques perspectives financières plus large sur la situation financière des collectivités territoriales.

En premier lieu, l’exécution budgétaire de la mission RCT est maîtrisée et conforme à l’autorisation budgétaire confiée par le Parlement en lois de finances initiale et rectificative. En effet, la consommation annuelle des crédits est quasiment intégrale et les sous-consommations et reports de crédits observés sont aisément explicables.

La mission Relations avec les collectivités territoriales est composée de deux programmes budgétaires ayant vocation à soutenir l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales. Le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements porte sur les dotations de soutien à l’investissement local, les dotations générales de décentralisation, plusieurs dotations particulières (dotation biodiversité, dotation titres sécurisés) et des crédits spécifiquement dédiés à certains territoires (volet « écoles » du plan « Marseille en grand », dotation exceptionnelle d’investissement au département de la Seine-Saint-Denis).

Le programme 122 Concours spécifiques et administration concerne notamment la dotation « calamités publiques » (DSEC), les crédits liés aux travaux de reconstruction après la tempête Alex (fonds de reconstruction exceptionnel) et les subventions exceptionnelles aux collectivités en difficulté financière.

À travers cette mission RCT, l’État poursuit trois objectifs principaux :

 accompagner l’investissement local, notamment dans les territoires les plus fragiles, en milieu rural comme dans les quartiers de la politique de la ville ;

 attribuer des ressources, notamment de fonctionnement, aux collectivités territoriales, qui permettent notamment de soutenir les territoires les plus fragiles ou en difficulté, à travers la DSEC, l’aide d’urgence ou la dotation titres sécurisés (DTS) ;

 compenser les charges transférées aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation ou les pertes de produit fiscal induites par les réformes des impôts locaux.

Le principal programme de la mission, le programme 119, représente près de 95 % des crédits de la mission. La consommation 2022 s’est établie à 4,43 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une baisse de 70 millions par rapport à l’exécution 2021 et de 227 millions par rapport aux ouvertures de crédits votés. Cette baisse des engagements s’explique toutefois aisément pour deux raisons principales :

 l’extinction de dispositifs exceptionnels ou liés à la crise sanitaire, comme la fin de la dotation de soutien à l’investissement (DSIL) exceptionnelle ou encore du fonds d’urgence en faveur des départements (689 millions d’euros) ;

 plusieurs reports de crédits sur 2023 pour quelques projets, dont le portage gouvernemental ne fait aucun doute, à l’instar du Plan « Marseille en grand » et du plan pour la Seine-Saint-Denis notamment, à la demande des collectivités territoriales et des préfectures concernées (283 millions en AE).

Il convient enfin d’évoquer l’absence de dégel en fin d’année des AE des dotations d’investissement.

Je tiens par ailleurs à souligner que le niveau d’engagement des dotations d’investissement classiques, comme la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la DSIL, la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) a quant à lui progressé de 300 millions d’euros par rapport à 2021. Le taux d’engagement par les préfectures frôle 100 %.

Les dotations de soutien à l’investissement des collectivités territoriales représentent ainsi un levier puissant d’accélération et d’orientation de l’investissement local. En 2022, l’État a ainsi accordé 2,2 milliards d’euros de subventions aux collectivités locales, permettant de soutenir plus de 28 000 projets d’investissement, pour une dépense d’investissement totale de 8,9 milliards. L’effet de levier est ainsi très élevé et se chiffre à près de 4 : un euro investi par l’État génère quatre euros d’investissement dans les territoires.

Je me félicite également que la transition écologique des territoires reste la priorité de ces dotations : en 2022, près du tiers des projets subventionnés au titre de la DETR et de la DSIL concourent à la transition écologique, soit une progression de cinq points par rapport à 2021.

Cependant, les dotations classiques sont polyvalentes et ont vocation à financer de nombreuses politiques publiques : rénovation thermique des bâtiments publics ; création de services publics locaux ; mise en accessibilité des bâtiments publics ; accès aux soins (maisons de santé) ; mobilités ; entretien des réseaux d’eau et d’assainissement ; préservation du patrimoine ; équipements sportifs.

Enfin, le soutien de l’État est ciblé sur les zones les plus fragiles, notamment les quartiers prioritaires de la ville et les communes rurales : en 2022, la DETR a permis de soutenir 22 000 projets dans les territoires ruraux, dont les deux-tiers sont portés par des communes de moins de 2 000 habitants.

Le taux de consommation des crédits de paiement (CP) du programme 119 est marqué par un certain ralentissement de l’exécution des projets d’investissement financés par les dotations d’investissement, en particulier sur la DSIL exceptionnelle de France Relance. Cette diminution s’effectue principalement sous l’effet de deux éléments. Il s’agit d’une part de la conjoncture économique : le contexte inflationniste renchérit les projets et en fragilise certains. Le manque de matières premières et de main d’œuvre a également généré des retards d’exécution des travaux. D’autre part, il faut relever des retards et abandons de projets du fait des collectivités elles-mêmes, notamment pour traduire de nouvelles priorités politiques à l’issue des élections municipales du printemps 2020. Tous les crédits non consommés ont été toutefois intégralement reportés en 2022 : aucun n’a été annulé.

Le second programme de la mission, le programme 122, est dédié notamment aux dotations exceptionnelles. La consommation était ici de 329 millions d’euros en AE et de 270 millions en CP en 2022, soit une augmentation de 11 % en AE et de 34 % en CP par rapport à 2021. Cette augmentation s’explique notamment par une plus forte consommation des crédits des fonds mobilisés à la suite de la tempête Alex, ainsi que par des aides exceptionnelles versées pour les communes forestières qui rencontraient des difficultés dans la gestion de la crise des scolytes.

En second lieu, je souhaite profiter de ce moment pour partager avec vous les premiers éléments sur la situation financière des bénéficiaires de cette mission budgétaire, c’est-à-dire les collectivités territoriales elles-mêmes. La situation financière des collectivités territoriales est maîtrisée au 1er janvier 2023.

Ainsi, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ont connu une hausse de 21 % de leur épargne brute (38,6 milliards d’euros) et de 33 % de leur épargne nette depuis 2017 (24,2 milliards), pour un niveau de trésorerie élevée et en hausse (+ 38 % par rapport à 2017, soit 57 milliards). Ensuite, l’encours de dette est maîtrisé et le ratio de désendettement est de 4 ans, loin des seuils d’alerte compris entre 10 et 12 ans.

Cette bonne situation financière résulte de trois facteurs principaux :

 la capacité des collectivités locales à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement pour faire face aux crises ;

 le dynamisme de leurs recettes fiscales (taxes foncières, impôts économiques), dont l’assiette est insensible aux effets de la conjoncture économique ;

 le soutien continu de l’État depuis 2017 (plan de relance, fonds vert de 2 milliards d’euros, filet de sécurité, amortisseur et bouclier tarifaire).

Cette bonne situation des finances locales sera amplifiée en 2023 avec une dotation globale de fonctionnement (DGF) en augmentation de près de 230 millions d’euros, soit une hausse exceptionnelle, qui n’était pas intervenue depuis 13 ans. En 2023, 90 % des communes ont vu leur DGF augmenter, contre seulement 50 % en 2022. L’accroissement de la DGF est le levier le plus efficace pour donner des moyens de fonctionnement aux collectivités, en plus des moyens en investissement, et pour réduire les inégalités territoriales, cause à laquelle je suis, comme vous le savez, particulièrement attachée.

Malgré cette situation globalement positive, je n’oublie pas la situation des 4 800 communes qui avaient en 2022 une épargne nette négative et qui sont donc contraintes de financer tous leurs investissements par de la dette nouvelle ou des subventions. Dans le contexte actuel, caractérisé, d’une part, par de fortes incertitudes économiques et, d’autre part, par un besoin d’investissement massif en faveur de la transition écologique et énergétique, je vous confirme que le gouvernement s’engage résolument à poursuivre et à amplifier son soutien auprès des collectivités.

J’espère que ce tableau, que vous ne manquerez pas de compléter, vous a permis de percevoir une bonne image de l’exécution financière en 2022 de la mission RCT et de la situation financière des collectivités territoriales début 2023.

Mme Marine Ferrari, rapporteure spéciale. Avant de commencer ma présentation, je vous transmets les excuses de Joël Giraud qui rapporte avec moi les crédits de la mission RCT et qui n’a pas pu, à son grand regret, être présent aujourd’hui. Concernant l’exécution des crédits de la mission RCT, je tiens à saluer la qualité de la gestion durant l’année 2022. Il n’y a en effet pas eu de sous-budgétisation notable et les crédits ouverts ont été quasiment équivalents à ceux prévus en loi de finances initiale.

Les seules ouvertures de crédit qui ont eu lieu en cours de gestion ont répondu à des besoins urgents comme la hausse de la dotation des titres sécurisés (DTS) de 14 millions d’euros pour répondre aux demandes pressantes de délivrance des passeports et des cartes nationales d’identité.

In fine, près de 4,6 milliards d’euros de crédits ont été ouverts au sein de la mission RCT. Il s’agit d’un niveau historique, en hausse d’environ 7 % par rapport à 2021, et qui permet aux collectivités de bénéficier de plus de 2,2 milliards d’euros de dotations d’investissement.

Ces dotations au cœur de la mission RCT (DETR, DSIL, DSID et DPV) constituent le moteur de l’investissement des collectivités, et en particulier de nos communes. À cet égard, je me réjouis de voir l’effet de levier de la plupart de ces dotations s’améliorer en 2022, de même que la part des projets financés par la DETR et la DSIL concourant à la transition écologique, qui évolue de 23 à 28 % entre 2021 et 2022. L’effet de levier est ainsi passé de 3,7 à 3,8 pour la DETR ; de 4,27 à 4,6 pour la DSIL et de 3,7 à 3,91 pour la DSID. Seule la DPV connaît une légère baisse.

Je veux également saluer le doublement de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité, qui est passée de 10 à 24,3 millions d’euros entre 2021 et 2022. Parmi les efforts consentis par l’État au bénéfice des collectivités au cours de cette exécution 2022, il faut également souligner la hausse significative de plus de 300 millions d’euros d’autorisations d’engagement de la DSIL.

Je m’inquiète toutefois de constater que le taux de consommation des crédits de la mission s’affiche en baisse de près de 5 points en 2022 par rapport à 2021. Il semble que cette sous-consommation en crédits de paiement, qui s’élève tout de même à près de 350 millions d’euros, concerne principalement les dotations d’investissement.

Savez-vous, Madame la ministre, ce qui est à l’origine de cette sous-consommation ? Est-ce le résultat d’une frilosité des communes qui ont voulu différer leurs investissements du fait de la forte inflation à laquelle elles font face ? Avez-vous une interprétation complémentaire à nous livrer ? Enfin, qu’advient-il de ces crédits non consommés ? Si une partie est naturellement reportée à l’exercice 2023, j’ai pu remarquer que le projet de loi de règlement 2022 prévoit une annulation de près de 225 millions d’euros de crédits de paiement. Quelle est la logique qui sous-tend ces annulations ?

Ayant jusqu’à présent parlé principalement du programme 119, je veux brièvement évoquer le programme 122 qui comporte des crédits exceptionnels et des dotations au bénéfice de collectivités d’outre-mer. Ce programme a été principalement marqué ces deux dernières années par le soutien financier de l’État à la reconstruction des collectivités touchées par la tempête Alex qui a sévi fin 2020 dans les Alpes-Maritimes et en Bretagne. Je tiens à saluer ici l’action efficace de l’État, qui a réagi rapidement à travers un fonds de reconstruction dédié doté de 150 millions d’euros, conformément aux engagements du président de la République.

Afin d’être tout à fait exhaustive, il me faut tout de même dire quelques mots sur le compte d’avances aux collectivités territoriales. Ce compte d’avances a connu pour la deuxième année consécutive un solde excédentaire qui témoigne du dynamisme de la fiscalité locale et de la TVA que perçoivent les collectivités.

En guise de conclusion, je veux donc renouveler ma satisfaction quant à la gestion de la mission RCT dont les crédits sont constamment augmentés. Pourvu que cela dure, serais-je tentée de dire. Les collectivités sont sensibles aux efforts consentis par l’État et elles ont besoin de ce soutien, aujourd’hui plus que jamais, du fait de la succession des crises qu’elles connaissent, et en particulier de l’augmentation des prix de l’énergie.

M. le président Éric Coquerel. Ma première question porte sur le solde excédentaire du fait de la reprise économique, notamment lié aux transferts de fiscalité. L’augmentation de la TVA a de ce point de vue un aspect positif. Qu’en sera-t-il si la conjoncture économique se retourne et si la TVA commence à diminuer ? Je dois vous faire part de mes inquiétudes à ce propos.

Ensuite, nous avons connu des situations de crise, notamment en raison du dérèglement climatique (incendies ou situations météorologiques extrêmes), qui ont entraîné une importante mobilisation de moyens par les collectivités. Malheureusement, ces épisodes sont appelés à se renouveler ou à s’aggraver année après année. Quelles sont vos actions prospectives et leurs conséquences budgétaires à ce sujet ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je me félicite de l’augmentation des crédits en AE de 17,8 % dans le cadre des programmes 119 et 122, qui témoigne du soutien de notre majorité aux collectivités territoriales. L’année 2022 se présente comme une bonne année pour les finances locales et induit donc un effet positif sur le moindre recours du filet de sécurité envisagé. Pouvez-vous actualiser les chiffres relatifs au coût du filet de sécurité 2022 et quelle est votre projection pour l’année 2023 ?

Ensuite, les collectivités territoriales sont désireuses d’accompagner la transition écologique et un fonds de 2 milliards a ainsi été ouvert. Avez-vous les moyens de suivre la part des investissements des collectivités dédiée à cette transition ? Quelles sont vos recommandations pour soutenir leur trajectoire en 2023 ?

Mme Dominique Faure. Mme la rapporteure, vous nous faites part de votre inquiétude sur la consommation des crédits en 2022 par rapport à 2021, et plus particulièrement des CP en matière d’investissement, à hauteur de 350 millions d’euros. En autorisations d’engagement, au 31 décembre 2022, le reliquat sur l’ensemble des dotations du programme 119 s’élevait à 655 294 euros, soit 0,03 % des crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) 2022, qui ont été intégralement reportés en 2023.

La sous-consommation des CP traduit un ralentissement de l’exécution de certains projets d’investissement. Au 31 décembre 2022, le reliquat s’établit à 210 millions d’euros, soit un taux d’exécution de 89 %. Cette sous-consommation s’explique principalement par trois facteurs :

 la conjoncture économique (le contexte inflationniste renchérit et fragilise certains projets ; le manque de matières premières et de main d’œuvre engendre des retards d’exécution) ;

 les retards ou abandons de projets à l’initiative des équipes municipales, notamment pour traduire de nouvelles priorités politiques après les élections municipales du printemps 2020 ;

 le manque de ressources humaines en préfecture.

Les crédits non consommés en AE et en CP ont été reportés en intégralité, aucun n’a été annulé.

M. le président, vous m’avez interrogée sur la fraction de TVA, laquelle se substitue à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En 2023, nous nous fondons sur les mêmes éléments qu’en 2022 et nous garantissons les mêmes dotations aux collectivités territoriales qui relevaient de la CVAE. En outre, la dynamique de TVA est extrêmement positive : une hausse de 6 % pour les départements et les régions, soit 390 millions d’euros supplémentaires en 2023. Ensuite, la loi comporte des garanties pour ne pas conduire à une diminution des recettes de TVA à un niveau inférieur à celui observé à la date du transfert, c’est-à-dire 2021. Les collectivités territoriales sont donc protégées par le texte même de la loi.

S’agissant de la mobilisation des moyens, la DSEC est aujourd’hui gérée par la direction générale des collectivités locales. Nous parvenons aujourd’hui à répondre aux demandes consécutives aux violents feux de forêt avec des fonds de droit commun. Quand nous remboursons des collectivités sur des dommages, nous prenons naturellement en compte un coefficient de vétusté. Nous regardons donc les dossiers au cas par cas. En résumé, cette DSEC permet de soutenir les collectivités locales en difficulté : 40 millions d’euros ont été consacrés en 2022 et le même montant s’appliquera en 2023. J’ai engagé une réflexion pour élargir les possibilités de l’utilisation de cette dotation et pour faire face à l’augmentation des calamités possibles résultant du dérèglement climatique, qui pourraient continuer à s’accroître en 2023.

M. Cazeneuve, vous souhaitez connaître l’exécution budgétaire du filet de sécurité à destination du bloc communal, qui a été mis en place par loi de finances rectificative (LFR) 2022. Au titre de l’année 2022, selon le premier bilan provisoire établi par le ministère de l’économie et des finances, sur 80 % des comptes de gestion définitifs, 4 838 communes et groupements seraient éligibles. En conséquence, l’enveloppe de 430 millions d’euros prévue pour financer le dispositif ne devrait pas être consommée intégralement. À ce jour, 4 178 communes et groupements ont reçu un acompte à hauteur de 106 millions d’euros.

Le ministre des comptes publics s’est engagé à réaliser au cours du mois de juin un bilan sur l’utilisation de ce dispositif. Vous savez que 30 % d’acomptes ont été versés. Nous nous attendions donc à verser environ 300 millions. J’étais très sereine mais il s’avère malheureusement que certains acomptes demandés ne rentrent pas dans les critères établis. Les montants seront donc inférieurs, mais nous trouverons des solutions si les collectivités devaient être en difficulté.

S’agissant du fonds vert, j’aurai le temps d’y revenir lors du deuxième temps de discussion consacré à l’investissement du bloc communal. Je vous confirme néanmoins que conformément aux engagements de la Première ministre, il sera reconduit en 2024. À ce jour, près de 11 800 dossiers ont été déposés, représentant un montant d’aides demandées de plus de 4 milliards d’euros, et 30 % des dossiers sont en cours d’instruction par les services déconcentrés de l’État. Environ 20 % ont déjà été traités et 2 550 dossiers ont été acceptés, soit un montant d’aides attribuées de 336 millions d’euros pour un total d’1,3 milliard d’euros de projets d’investissement.

Par ailleurs, un tiers des dossiers déposés concernent un territoire considéré comme spécifique, c’est-à-dire soit zoné (par exemple zones de revitalisation rurale ou quartiers de la politique de la ville), soit faisant l’objet d’un programme d’accompagnement de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT). Deux-tiers des dossiers concernent une commune de moins de 10 000 habitants.

Je suis également vigilante : bien que la transition écologique et énergétique soit au cœur de toutes nos politiques publiques, nous maintiendrons une DSIL et une DETR qui permettront à nos collectivités locales de ne pas réaliser uniquement des projets dont la transition écologique est l’objet principal. 

Mme Patricia Lemoine (RE). Je tiens à vous remercier pour la présentation très claire que vous venez d’effecteur sur la mission RCT. Comme vous, je me réjouis des moyens qui ont été particulièrement renforcés en 2022. Il convient également de saluer la stabilité de l’exécution des crédits de la mission par rapport aux années précédentes et la bonne santé financière des communes au 31 décembre 2022, même si des situations très contrastées demeurent. Le programme 119 témoigne d’une sous-consommation des CP. Vous nous avez apporté un certain nombre d’éclaircissements, mais nous notons également des annulations de crédits de près de 137 millions d’euros en AE et de 216 millions en CP. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point précis ?

Je souhaite également saluer la montée en puissance de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales. Atteignant désormais 30 millions d’euros, elle s’inscrit désormais dans la volonté du gouvernement et de la majorité de renforcer les moyens à disposition des collectivités pour contribuer à la préservation de notre environnement. Le montant de cette dotation a-t-il vocation à évoluer à la hausse lors des prochaines années ?

Enfin, malgré la DTS dotée d’une enveloppe de 52 millions d’euros en 2023 et dont le budget avait été abondé à hauteur de 14 millions par la LFR 2022, nous constatons d’importants retards dans nos circonscriptions dans la délivrance des titres d’identité. Un nouveau renforcement de la dotation est-il envisageable, au moins temporairement ?

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Le fonds vert représente un outil intéressant, en faveur duquel nous avons voté. Cependant, un demi-milliard du fonds vert est utilisé pour compenser les trous occasionnés par la CVAE. La circulaire du 14 décembre 2022 demande aux préfets de s’assurer que les collectivités bénéficient du fonds a minima à la hauteur de la compensation de la CVAE prévue. J’y vois là une remise en cause de la libre administration et une insécurité. Allez-vous continuer à conduire cette compensation en puisant dans le fonds vert ?

Depuis plusieurs mois, on entend par ailleurs un discours incitant les collectivités locales à s’endetter. Malheureusement, la remontée des taux est patente. Dans le contexte de baisse de la DGF du fait de l’inflation et de la perte de compétences des maires qui sont en première ligne, allez-vous ouvrir le chantier de la refondation de la République par les communes ? Il faut à nouveau parler de la fiscalité et de la compétence des communes.

Enfin, nous savons qu’il existe de profondes inégalités entre les communes rurales et les communes urbaines, les déserts médicaux en étant une des multiples illustrations. Quand pourrons-nous mettre à l’ordre jour la proposition de loi transpartisane sur les déserts médicaux ? De manière générale, que faites-vous pour lutter contre les phénomènes de pauvreté et d’exclusion des territoires ruraux ?

Mme Perrine Goulet (Dem). Nous nous félicitons de la nette augmentation des crédits ouverts et consommés en AE et en CP au titre de la mission RCT. Dans une période où les collectivités territoriales subissent les conséquences de la hausse de l’inflation, il était nécessaire que l’État soit au rendez-vous pour renforcer ces dispositifs de soutien à l’investissement.

Mme la ministre, sur le programme 119 et sur toutes les dotations d’équipement, il existe effectivement une sous-consommation, mais elle est fondée sur une augmentation des montants prévus en 2022. En réalité, la consommation s’établit au même niveau qu’en 2021 : nous n’assistons donc pas à une baisse des investissements des communes. En revanche, la DETR couvre un large spectre et porte notamment sur l’entretien des réseaux d’eau, alors que l’agence de l’eau compétente pourrait intervenir plus rapidement en support sur la rénovation des réseaux d’eau et des canalisations. Avez-vous envisagé une telle évolution ?

Je salue également la dotation, à travers la LFR votée en août 2022, de 10 millions d’euros en faveur des EPCI et des communes ayant institué la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi). Disposez-vous d’éléments pour apprécier l’efficacité de cette dotation ? A-t-elle réellement permis d’inciter de nouveaux EPCI et des communes à mettre en œuvre la taxe Gemapi ?

Enfin, alors que nous examinons aujourd’hui la mission qui comprend une partie des transferts financiers de l’État aux collectivités, force est de constater que la nomenclature budgétaire les répartit dans plusieurs missions différentes. Allez-vous envisager de les replacer dans une seule mission pour améliorer la visibilité des flux financiers, comme le préconise la Cour des comptes ?

Mme Christine Pires-Beaune (SOC). La Cour des comptes rappelle que les crédits de la mission RCT (4,3 milliards d’euros) ne représentent qu’une fraction marginale des transferts financiers (43 milliards) et des prélèvements sur recette. L’évaluation du financement de nos collectivités mériterait donc un Printemps de l’évaluation bien plus large que celui de cette mission.

Je tiens à me concentrer sur le mécanisme du filet de sécurité, mis en œuvre avec la LFR 2022 puis en 2023. Je me souviens qu’en 2022, nous nous étions inscrits dans une logique constructive sur la définition de ces mécanismes. Malheureusement, nos suggestions n’ont pas été entendues. Sans surprise, le décret d’application, encore plus restrictif que la loi, a été retoqué une première fois par le comité des finances locales (CFL) et a reçu un avril dernier un avis défavorable.

Ensuite, je ne partage pas l’explication du rapporteur général sur le mécanisme du filet de sécurité 2022. Nous avions ainsi rappelé que le critère du taux d’épargne brut était beaucoup trop large, alors que celui de sa diminution était beaucoup trop contraignant. Ce faisant, certaines collectivités se trouvent exclues parce qu’elles ont eu recours au levier fiscal, alors même que ce dernier aurait pu être activé pour financer des investissements.

Les collectivités sont également pénalisées selon que l’essentiel de l’augmentation de ces dépenses aura d’abord pesé sur l’année 2022 ou sur 2023, du fait de l’année de référence, alors même que les deux mécanismes 2022 et 2023 prévoient des conditions d’éligibilité différenciées. Il serait vraiment utile d’avoir une évaluation précise, au-delà du nombre de collectivités.

Par ailleurs, les comptes administratifs vont être bientôt rendus et le gouvernement avait pris l’engagement d’organiser un bilan qualitatif de ces filets de sécurité. Cet engagement sera-t-il tenu ? Enfin, le ministre de la transition écologique avait évoqué au Sénat la situation difficile des communes centres et s’était montré ouvert pour revoir les critères du filet de sécurité, pour mieux les accompagner. Y êtes-vous favorable ?

M. Christophe Plassard (HOR). Les députés du groupe Horizon et apparentés sont très attachés aux collectivités territoriales et aux relations de confiance qu’elles doivent entretenir avec l’État.

Ma première question concerne la moindre exécution des crédits du programme 119. Les rapporteurs spéciaux nous indiquent que cette baisse de taux de consommation s’explique par les retards que connaît le plan « Marseille en grand » et la sous-consommation en CP des dotations d’investissement au bénéfice des collectivités. Pouvez-vous, Mme la ministre, nous éclairer sur ce dernier point ?

Par ailleurs, nous savons que la mission RCT n’épuise pas les transferts de crédits entre l’État et les collectivités territoriales. Je profite de votre présence pour vous poser trois questions, dont deux ont déjà été évoqués par le rapporteur général. La première concerne les comptes administratifs 2022 et l’exécution budgétaire du filet de sécurité. La deuxième porte sur les points d’étape sur le fonds vert. La troisième a trait à une thématique qui me tient particulièrement à cœur. Où en est la rédaction du décret qui devrait mettre en œuvre la disposition de la loi de finances concernant la définition des zones tendues permettant aux communes d’appliquer, si elles le souhaitent, la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires ? Un premier report a été annoncé mais les maires ont besoin de visibilité. Le temps presse et il est impératif que les budgets futurs, bientôt en construction, puissent le prendre en compte.

Mme Christine Arrighi (Ecolo-NUPES). L’exécution budgétaire de la mission RCT a été marquée en 2022 par une sous-consommation des crédits, notamment l’exécution des dotations de soutien à l’investissement, et une dégradation des restes à payer. Cette dégradation s’explique par le décalage temporaire entre la consommation d’AE, le lancement des projets et la transformation des CP à mesure de la réalisation des projets.

La Cour des comptes souligne que, compte tenu du montant croissant des restes à payer, la fiabilisation des besoins en CP nécessite une correction. Cette situation appelle également une amélioration de l’analyse de la performance, pour mieux apprécier l’impact des projets aidés en termes de développement local. Aussi, l’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales s’est élevé à 143 milliards en 2022, en augmentation de 3,4 milliards par rapport à 2021.

Ces montants concernent une grande diversité de dispositifs de financement, dont une partie seulement relève de la mission RCT. Nous plaidons donc pour un renforcement de la visibilité et l’exhaustivité des flux financiers, notamment en intégrant l’ensemble des fractions de TVA à leur présentation. Je rappelle à cet égard qu’en 2020, la Cour des comptes préconisait déjà de rassembler dans une nouvelle mission l’ensemble des concours de toute nature de l’État aux collectivités territoriales et de faire l’examen de cette mission dans le cadre de discussions des finances locales devant le Parlement. Qu’en est-il à ce jour ?

Cette recommandation est de nouveau formulée dans son analyse de l’exécution budgétaire 2022. Nous la soutenons toujours, d’autant qu’elle permettra d’avoir une vue d’ensemble des politiques en faveur des collectivités territoriales, face à la diversité des échelons locaux et de leurs compétences associées. J’entends d’ailleurs avec plaisir vos propos qui soulignent que le facteur humain, c’est-à-dire le nombre de fonctionnaires, peut avoir un effet sur l’efficacité d’un service.

Par ailleurs, je tenais à vous poser une question sur les fonds verts et la suppression des CVAE, mais mon collègue Sébastien Rome l’a déjà fait. Je rappelle que la suppression des CVAE correspond à 8 milliards, non complètement compensés ; quand le fonds vert est doté de 2 milliards. Cherchez l’erreur.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je suis heureux que nous puissions enfin parler aujourd’hui des relations avec les collectivités territoriales. Nous souhaiterions la tenue d’un véritable débat sur les interventions pour les collectivités territoriales, mais également que l’on prenne en compte l’ensemble des sujets, allant jusqu’à un projet de loi de programmation des finances des collectivités territoriales.

En effet, les collectivités locales constituent un acteur majeur de l’investissement public. Les propos sur l’effet de levier témoignent du caractère vertueux du soutien aux collectivités locales, pour l’investissement public et pour notre pays, afin de réussir la transition écologique et numérique.

Il faut non seulement maintenir les investissements et les aides aux collectivités territoriales mais il faut également les aider. Aujourd’hui, certains se targuent d’un supposé bon état des finances des collectivités locales. Je ne partage pas ce point de vue, compte tenu de l’hétérogénéité des collectivités locales. Le pouvoir d’action des collectivités territoriales se réduit. On nous parle de 320 millions supplémentaires pour la DGF, mais Paris ne pouvant plus intervenir aujourd’hui, il a bien fallu agir pour trouver une solution et ne pas ponctionner les autres communes.

Pour le seul bloc communal, si l’on avait juste axé l’augmentation de DGF, un montant de 1,6 milliard supplémentaire aurait été atteint, au lieu des 320 millions évoqués. Les crédits d’investissement ont été réalisés en 2022 à hauteur de 4,1 milliards. Pour 2023, nous n’avons voté que 4 milliards, y compris sur le fonds vert, qui intègre les fonds qui existaient déjà, comme le fonds Friches ou le fonds de restructuration des locaux d’activité (RLA).

M. Michel Castellani (LIOT). Je souligne l’importance du soutien de l’État, compte tenu des difficultés quotidiennes de gestion dans les communes et du rôle essentiel que joue le bloc communal en matière d’animation économique ou culturelle. Nous souhaitons évidemment qu’une réflexion soit menée sur les compétences respectives entre l’État central et les différents blocs territoriaux.

Ensuite, le fonds de solidarité régional a remplacé le fonds de péréquation des ressources régionales (FPRR) et je vous demande de veiller à ce que cette substitution ne se traduise pas par une baisse des dotations régionales, notamment à destination de la collectivité de Corse.

Je souhaite évoquer également les subventions exceptionnelles à des communes confrontées à des situations anormales, qui entraînent des difficultés financières particulières. Dans ma circonscription, quatre communes (Bastia, Furiani, San-Martino-di-Lota et Ville-di-Pietrabugno) en ont bénéficié en 2022.

Il semble important que le soutien de l’État s’organise sur une période pluriannuelle, car il permettrait d’offrir une visibilité suffisante pour atteindre les objectifs fixés. Il serait en outre essentiel de reconduire des aides pour les communes et d’en définir le montant. Nous espérons que ce soutien de l’État aux petites communes, et à celles de Corse en particulier, ne diminuera pas.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je tiens à préciser à M. Rome que le remplacement de la CVAE par la TVA constitue une bonne opération, pour trois raisons. Tout d’abord, le montant de TVA en 2023 sera supérieur de 12,5 % au montant enregistré par la CVAE en 2022. Ensuite, la croissance de la TVA est plus prévisible que celle de la CVAE. Enfin, cela ne change rien à l’autonomie des collectivités locales.

À M. Sansu, je précise que la DGF ne constitue qu’une des recettes : les recettes des collectivités vont augmenter en 2022 de plus de 10 milliards d’euros par rapport à l’année 2021.

Mme Dominique Faure. M. Sansu m’a interrogée sur un éventuel projet de loi de programmation des finances des collectivités locales. Il me paraît important de rappeler que le Parlement a rejeté le précédent projet de loi de programmation des finances publiques, qui comprenait un volet dédié aux finances locales. Le ministre chargé de comptes publics s’était engagé à ce moment-là un nouveau projet de loi sur les finances publiques. Celui-ci devrait comporter des mesures à destination des collectivités locales, sans aucun dispositif contraignant.

Je soutiens l’absolue nécessité de nous inscrire dans une loi de programmation et de pouvoir, quand on est maire, élu local, président de département ou de région, disposer d’une vision dans le temps. Tel était l’objet de cette loi de programmation des finances qui n’a pas été retenue, mais nous y reviendrons. Nous tiendrons nos maires et élus locaux informés.

Les Assises des finances publiques que pilote le ministère de l’économie en lien avec mon ministère doivent permettre de partager la situation des finances publiques locales en 2023 et 2024 et d’identifier les indicateurs permettant de la suivre, mais aussi de travailler à une trajectoire cohérente, en lien avec le programme de stabilité de la France.

Ensuite, vous avez indiqué que le pouvoir d’action des collectivités territoriales se réduisait. Je respecte votre position, mais je ne la partage pas tout à fait. L’accompagnement des investissements des collectivités locales (DSIL, DETR, fonds vert) représente une très forte somme d’argent, qui est pérennisée pour 2024. Ensuite, on sait qu’il faut toujours au minimum 20 % d’autofinancement. Les 320 millions d’euros ne compensent certes pas l’inflation mais d’une part, cette inflation est subie par l’ensemble du pays et d’autre part, ils aident malgré tout à générer de l’autofinancement pour compléter ce que l’investissement et les fameux 4 milliards fournissent.

Enfin, il existe malgré tout 55 milliards d’euros de trésorerie dans nos collectivités locales. Je rencontre environ dix à cinquante maires chaque semaine dans le cadre de mes visites de terrain. Je leur indique que nous subissons tous cette inflation et je les félicite pour leur capacité à gérer leur commune. Des budgets de fonctionnement ont dû être réduits mais nous appelons de nos vœux une solidarité entre l’État et les collectivités locales, pour être capable de supporter cette inflation.

M. Plassard, vous m’avez interrogée sur l’état d’avancement du décret qui devrait mettre en œuvre les dispositions de la LFI 2023 concernant la définition des zones tendues. Jusqu’en 2023, les zones tendues ne concernaient que les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dans lesquelles existait un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements. La loi de finances pour 2023 a étendu le zonage aux communes les plus marquées par ce déséquilibre, quand bien même elles ne seraient pas situées dans une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants.

Le décret que vous évoquez sera présenté le mois prochain au conseil national d’évaluation des normes (CNEN) et au comité des finances locales (CFL). Il actualisera le nouveau zonage et intégrera au total 3 693 communes, contre 1 140 aujourd’hui. Il permettra de répondre à la demande de nombreuses communes touristiques littorales et de montagne de pouvoir instituer une majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.

De plus, dans le cadre de la prochaine loi de finances pour 2024, il a été décidé de compenser intégralement et durablement les pertes de taxe d’habitation sur les logements vacants subies par les communes qui entreront dans le zonage. Cette compensation s’élève à peu près à 25 millions d’euros, pour environ 410 communes.

Mme Arrighi m’a interrogée sur la visibilité des finances locales. Je tiens à vous dire que mon bureau est ouvert à quiconque s’intéresse aux finances locales sur les bancs de cette Assemblée. La transparence est totale et vous serez prioritaires. Ensuite, le débat sur les finances des collectivités territoriales a désormais lieu chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances, depuis la réforme de la loi organique relative aux lois de finances. Il permet de fournir une vision exhaustive des finances locales. Le jaune budgétaire relatif aux transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales est transmis chaque année au Parlement et retrace les transferts de l’État vers l’ensemble des collectivités territoriales. En conclusion, le débat au Parlement doit permettre d’offrir la visibilité sur plusieurs années, que j’appelle également de mes vœux.

M. Castellani faisait part de son souhait d’un soutien de l’État en faveur des petites communes. La création du fonds de solidarité régionale a fait l’objet d’un accord entre l’association des régions de France et le gouvernement lors de la précédente mandature. Si la région Ile-de-France la conteste aujourd’hui, il est fondamental pour la Corse et l’outre-mer. Je vous confirme par ailleurs que les communes qu’il a citées seront à nouveau aidées en 2023 pour leur financement de leurs concessions de gaz.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la ruralité. À ce titre, je souhaite vous fournir quelques éléments sur les annonces que nous allons faire. S’agissant des difficultés que rencontrent nos villages et les communes de plus petite taille, nous portons un projet qui vise à servir trois objectifs. Nous souhaitons les accompagner massivement en ingénierie pour l’écriture d’un projet reflétant les politiques publiques qu’ils portent, mais aussi pour le zonage des zones de revitalisation rurale (ZRR), dans sa version 2024. Aujourd’hui, la loi nous permet ainsi de couvrir ces zones par des mesures fiscales et sociales et notre projet cherche à amplifier cet accompagnement des communes en ZRR. Enfin, au-delà de l’ingénierie et des ZRR, le programme de politique publique France ruralité va accompagner les habitants en zones rurales. Le maire qui aura conduit son travail d’ingénierie sur un projet devrait pouvoir bénéficier d’un financement de 60 à 80 %, cofinancé à hauteur de 40 % par l’État, 20 % par le département et 20 % par la région.

Mme Perrine Goulet m’a posé deux questions. La première concerne la possibilité de confier à nouveau aux agences de l’eau l’accompagnement des communes dans la rénovation et l’entretien de nos réseaux d’eau et d’assainissement. Petit à petit, les agences de l’eau ont effectivement utilisé leur budget pour traiter des sujets de renaturation et de prévention des inondations. De fait, elles accompagnent de moins en moins nos collectivités locales. Christophe Béchu et moi-même sommes très attachés à les voir financer aussi l’entretien des réseaux. En résumé, vous avez raison : notre DETR doit servir à autre chose qu’à l’entretien des réseaux d’eau et d’assainissement, même s’il s’agit par ailleurs d’une réelle priorité. S’agissant de la Gemapi, je vous répondrai dans un deuxième temps par écrit, de manière précise.

La non-consommation des AE et des CP est faible et il n’y a eu que des reports. Aucune annulation de crédits n’est intervenue. Ensuite, nous avons élargi le dispositif du filet de sécurité en 2023 pour les dépenses des régions en matière transport scolaire. L’évaluation précise aura lieu et sera effectuée par le ministère des comptes publics en juin, à partir du moment où la totalité des comptes administratifs aura été close. J’en prends l’engagement devant vous et je m’assurerai que le ministère des comptes publics me permette de vous répondre. En effet, votre question est légitime et cette évaluation est absolument nécessaire.

La commission en vient ensuite à la discussion sur la thématique d’évaluation : L’investissement du bloc communal à l’épreuve de la crise, évolutions et perspectives. Focus sur les contrats « Petites villes de demain » (PVD)

Mme Marine Ferrari, rapporteure spéciale. Le thème que nous avons retenu, Joël Giraud et moi, porte sur l’investissement du bloc communal face à la crise, et plus particulièrement sur un dispositif qui aide à la revitalisation des communes de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralité, le programme Petites villes de demain.

La crise énergétique et l’inflation qu’elle a engendrée apparaissent en effet comme une préoccupation majeure des communes et des intercommunalités lors de ces derniers mois. Je tiens à rappeler que les communes sont bien plus exposées à la hausse du coût de l’énergie que les autres collectivités, puisque 4 % de leurs dépenses réelles de fonctionnement (DRF) sont concernées par les dépenses d’énergie.

Bien qu’elles bénéficient de l’indexation sur l’inflation des bases fiscales, nous avons néanmoins pu constater à quel point les communes, notamment en montagne, pâtissent de l’inflation des prix de l’énergie, les poussant par exemple à fermer temporairement certains équipements publics comme les salles des fêtes, les piscines ou les gymnases.

La hausse des dépenses de fonctionnement des communes a eu une incidence sur leurs investissements : nombre d’entre elles ont ainsi reporté voire suspendu certains de leurs projets, par manque de visibilité, par crainte ou par manque de moyens. Le niveau des dépenses d’investissement du bloc communal se hisse toutefois en 2022 à 36 milliards d’euros, légèrement en-dessous de celui de 2019 (36,4 milliards d’euros). Cependant, du fait de l’inflation, le niveau d’investissement est en légère contraction, ce qui doit attirer notre attention sur les dispositions que nous pourrions prendre pour le soutenir.

Face à cette crise, il faut saluer la réactivité et l’ambition de la réponse de l’État qui a, dès 2022, mis en place une série de mesures de soutien pour les communes face à cette crise :

 la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité ;

 le bouclier tarifaire permettant de plafonner les dépenses d’électricité des collectivités territoriales :

 l’amortisseur électricité ;

 le filet de sécurité.

De nombreuses communes nous ont toutefois fait part d’importantes difficultés concernant l’explosion de leurs dépenses de gaz, sans qu’elles ne puissent prétendre au dispositif du filet de sécurité. Il serait pertinent de pouvoir aider certaines communes en la matière.

L’aide de l’État a été réelle et ne s’est d’ailleurs pas arrêtée à ces mesures de protection face à la crise. L’État a également cherché à soutenir l’investissement des communes, en renforçant des lignes classiques et en créant le nouveau dispositif du fonds vert. Ce soutien s’est matérialisé dans la loi de finances pour 2023 par une hausse significative de 320 millions de la DGF communale, permettant à 90 % des communes de voir leur dotation progresser. De plus, les dotations d’investissement (DETR, DSIL, DPV, DSID) ont à nouveau été maintenues au-dessus de 2 milliards d’euros. Enfin, le fonds vert doté de 2 milliards d’euros, semble déjà être un véritable succès.

Je regrette néanmoins qu’une partie de celui-ci soit orientée vers des investissements intrinsèquement rentables, notamment l’éclairage public, ce qui pénalise des investissements nécessaires pour la transition écologique mais peu attractifs d’un point de vue financier. À ce propos, Madame la ministre, il serait intéressant de réalimenter le fonds vert à l’avenir et de modifier les priorités retenues dans son cadre pour son déploiement futur.

Ces éléments font partie de nos conclusions, au même titre que la réintégration dans les fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) des dépenses d’aménagement de terrain, qui est une mesure demandée par les collectivités, ou le maintien de l’effort au profit de la DGF du bloc communal, qui pourrait s’élever au même niveau que l’année dernière, voire au-delà. Un investissement important dans la transition écologique est primordial, tant les besoins semblent immenses, notamment en matière de rénovation thermique des bâtiments publics. L’Institut de l’économie pour le climat estimait en 2022 que les besoins de financement étaient au minimum de l’ordre de 3 milliards d’euros.

Le second aspect de notre rapport d’évaluation concerne le programme Petites villes de demain (PVD), qui aborde un grand nombre de thèmes, comme la revitalisation des centres bourgs ou la politique de l’habitat. Outre les auditions que nous avons menées, nous nous sommes rendus dans la Nièvre, dans l’Allier et en Savoie pour mesurer l’efficacité du programme. Je dois dire avant toute chose que les élus locaux rencontrés ont plébiscité le programme PVD. Celui-ci achève sa première phase d’ingénierie, les accords-cadres sont en cours de signature et la phase d’investissement débute.

Lancé en 2020 et doté de 3 milliards d’euros, le programme PVD concerne aujourd’hui 1 644 communes et s’est révélé être un véritable outil de soutien à l’ingénierie locale. Le financement d’un chef de projet à 75 % par l’ANCT, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et la Banque des territoires a indéniablement beaucoup apporté à ces communes PVD, qui sont, pour les trois-quarts d’entre elles, rurales. À la fin de l’année 2022, 888 millions d’euros de crédit avaient été engagés.

Nous avons également rencontré plusieurs chefs de projet au cœur de la mise en place des investissements des communes PVD. Il s’agit de personnes volontaires et dynamiques dont je souhaite saluer ici l’engagement. Ceux-ci sont d’ailleurs parfois accompagnés de managers de commerces ou de volontaires territoriaux en administration (VTA) avec qui ils forment des équipes efficaces. Ils sont l’ossature du programme PVD : ils réalisent les projets à côté des élus, accomplissent des démarches administratives parfois complexes et permettent de capter des financements au bénéfice des communes.

Si des difficultés de recrutement ont pu être rencontrées au lancement du programme, celles-ci semblent à présent s’estomper. Nous avons aussi pu constater l’effet positif de PVD sur les territoires. Le programme a permis l’élaboration de véritables projets de territoire associant les élus, les acteurs économiques, la population, les services de l’État et les diverses strates de collectivités. Il interagit également avec d’autres dispositifs comme les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), les plans climat air énergie territorial (PCAET) ou les opérations de revitalisation de territoire (ORT).

Je tiens également à souligner l’implication des directions départementales du territoire (DDT) et des services préfectoraux qui animent le réseau PVD et permettent le partage de bonnes pratiques au niveau national. Ainsi, certaines communes PVD autrefois isolées se trouvent enrichies d’une expertise et de moyens d’envergure. Enfin, nous avons constaté que le programme PVD constitue une véritable image de marque pour les communes engagées. Il a souvent remplacé utilement des initiatives locales préexistantes en permettant de porter un projet transversal et cohérent qui touche toutes les problématiques locales. Les investisseurs, les chargés de projet comme les communes elles-mêmes bénéficient de cette image reconnue au niveau national.

Nous sommes actuellement à un moment charnière du programme PVD avec le début de la phase opérationnelle et la sortie des premiers investissements. Vous le savez comme moi, Madame la ministre, il s’agit d’un moment délicat, qui suscite certaines inquiétudes de la part des communes. Je remercie à ce titre le maire d’Entrelacs qui a été le premier à m’alerter sur ces craintes.

En effet, si l’apport financier de l’État est manifeste et salué pour la phase d’ingénierie, il n’existe pas de financements spécifiques dédiés aux projets eux-mêmes. Les communes PVD qui ont bâti des projets ambitieux pour leur territoire craignent donc maintenant de ne pas pouvoir engager concrètement leurs projets.

L’ANCT nous a indiqué qu’il n’existe aucune inquiétude majeure sur les volumes et capacités de financement à mobiliser. Toutefois, si les communes PVD bénéficient d’une priorité dans les financements, elles ont peu de visibilité sur ces dotations qui sont octroyées chaque année. Sans créer une dotation spécifique, que penseriez-vous, Madame la ministre, d’une forme de sécurisation des financements dirigés vers les communes PVD qui pourrait se matérialiser par une pluriannualité des engagements budgétaires à leur bénéfice ?

Je tiens également à faire remarquer que cette priorité de financement pour les communes PVD tend également à faire naître des craintes auprès des communes qui ne sont pas membres du programme. Une autre difficulté du programme rapportée par les élus locaux est sa relative complexité : la multiplicité d’acteurs publics peut en effet induire un manque de visibilité des différents outils mis à disposition. Cette complexité s’applique également aux recherches de financement, qui peuvent représenter un travail à part entière, pénalisant parfois le travail d’animation et de développement des chefs de projet.

Malgré ces interrogations légitimes, je veux en conclusion saluer à nouveau le programme PVD. Il revitalise des collectivités et contribue à créer une culture d’ingénierie au cœur de nos territoires. Dès lors, quel sera l’avenir de ce programme, qui a fait émerger des expertises locales ? Nous pensons qu’il serait dommage que les collectivités perdent en 2026 ce qu’elles ont bâti depuis 2020. Dans le même temps, nous comprenons que c’est parce qu’il est inscrit dans un temps court que le programme est efficace. Vous avez enfin évoqué la possibilité de descendre à une maille inférieure.

Nos principales recommandations consisteraient à ce stade à rendre pluriannuel le financement concernant le programme PVD, à assurer un soutien à l’ingénierie jusqu’à la phase d’avant-projet définitif, à renforcer la visibilité des différents acteurs et à poursuivre la simplification administrative et l’assistance aux communes sur ce point.

Mme Dominique Faure. Mme la rapporteure, je vous rejoins s’agissant des constats : le bloc communal a particulièrement été touché par la crise énergétique et la forte inflation associée : la part des dépenses énergétiques y est proportionnellement plus élevée que dans les autres collectivités.

Pour autant, l’investissement des collectivités en général et du bloc communal en particulier, a progressé, passant de 31 milliards d’euros en 2018 à 33 milliards en 2021. Il a ensuite atteint 36 milliards en 2022. Les collectivités territoriales représentent encore 70 % des dépenses d’investissement public civil.

Il est important de saluer le caractère inédit et renforcé des mesures mises en place par le gouvernement, afin de soutenir les collectivités. Parmi ces mesures figurent notamment le bouclier tarifaire et l’augmentation de la DGF. Le fonds vert sera reconduit en 2024.

Je ne partage pas votre interrogation sur l’opportunité d’intégrer l’éclairage public dans ce fonds. Par exemple, les éclairages LED illustrent la nécessité de la sobriété dans la mesure où ils permettent de diminuer de 70 % le niveau des consommations et donc les émissions de gaz à effet de serre, tout en maintenant le même niveau de lumière. Il a également pour effet de contribuer directement à l’autofinancement des collectivités, puisqu’il permet de ne pas dépenser en fonctionnement. À ce jour, 11 800 dossiers ont été déposés, dont un tiers concernent un territoire considéré comme spécifique.

Vous appelez de vos vœux l’évolution de l’assiette du FCTVA. Je tiens néanmoins à rappeler les avancées obtenues grâce à l’automatisation du fonds, particulièrement pour les petites collectivités. En outre, les associations d’élus sont à l’origine de la demande d’automatisation du fonds, qui apporte un triple bénéfice :

 un gain de temps de charge administrative pour les collectivités ;

 l’amélioration de la lutte contre le non-recours, puisque les collectivités ont l’assurance de percevoir l’intégralité des montants dus ;

 l’accélération du versement (à la fin octobre 2022, 88 % du fonds était déjà versé contre 69 % avant).

L’automatisation tient ainsi la promesse de la simplification, de l’accélération des paiements et d’une plus grande équité. Cependant, elle pose également un certain nombre de questions, qui seront traitées dans le cadre de la concertation avec les associations d’élus, que j’ai demandé à mes services de lancer. Parmi ces questions, figurera l’intégration de nouvelles opérations dans le périmètre d’éligibilité au FCTVA.

En 2023, 90 % des communes ont connu une augmentation de la DGF, qui représente le levier le plus efficace pour réduire les inégalités territoriales. Les discussions pour 2024 commencent à peine, mais je suis attachée aux efforts consentis par le gouvernement cette année.

En ce qui concerne l’élargissement de la dotation de diversité que vous appelez de vos vœux, je rappelle que celle-ci a été substantiellement augmentée, puisqu’elle est passée de 5 millions d’euros en 2019 à 41,6 millions en 2023. Elle bénéficie actuellement à 6 328 communes. Je confirme également que sa réforme est actuellement à l’étude, afin de mieux prendre en compte les efforts des communes pour la protection et la mise en valeur des aménités rurales. Il s’agit également de contribuer à l’atteinte des objectifs de la stratégie nationale des aires protégées, qui figure parmi les réformes prioritaires du gouvernement.

Vous avez formulé quatre principales recommandations sur le programme PVD. À ce jour, près de 50 % des communes bénéficiaires du programme ont déjà signé leur convention cadre : 898 millions d’euros sont déjà engagés, soit 30 % des engagements prévisionnels et 900 chefs de projet sont à l’œuvre dans les territoires. Le programme oriente son offre autour de trois axes : un soutien à l’ingénierie, l’appui thématique avec la mobilisation de financements dédiés et l’accès au club Petites villes de demain.

Vous plaidez en faveur d’engagements pluriannuels des financements pour permettre une meilleure visibilité des investissements des communes. C’est le cas pour PVD, puisque 3 milliards sont déjà engagés ; ils seront consommés d’ici 2026. En outre, vous plaidez en faveur du renforcement de l’appui en ingénierie. Les marchés à bons de commande de l’ANCT et de la Banque des territoires peuvent être davantage mobilisés. À ce titre, le marché de l’ANCT sera revu en 2024, ce qui fournira l’occasion d’ajouter de nouveaux lots pour des besoins non couverts. Les acteurs comme les agences d’urbanisme et les conseils d’architecture d’urbanisme et de l’environnement seront de plus en plus mobilisés.

Vous pointez ensuite la complexité du paysage des acteurs et des circuits de financement. Je vous rejoins : il convient d’agir, tant du point de vue national que local pour donner davantage de visibilité au dispositif. Au niveau national, les équipes de l’ANCT doivent poursuivre les webinaires de présentation de l’offre de services. Les établissements publics fonciers locaux ou d’État n’étant pas assez connus, il nous faut les mobiliser. J’appelle également les élus locaux à davantage réunir les comités locaux de projet. Tel est le sens de la circulaire sur le sujet que j’ai transmise hier aux préfets, afin de renforcer l’impact du programme dans tous les territoires en 2023. À cet égard, je salue à mon tour le travail remarquable fourni par les équipes de projet locales et le tandem qu’elles constituent avec les maires.

Votre quatrième recommandation souligne l’enjeu majeur de la simplification des démarches administratives pour les porteurs de projet, particulièrement lorsqu’ils sollicitent des aides européennes. Les chefs de projet PVD sont précisément là pour accompagner les élus locaux dans le montage des dossiers et le déploiement des 900 postes est une chance reconnue par tous. Dans le cadre de la programmation 2021-2027 des fonds européens, je confirme que l’objectif de simplification de l’accès aux aides et de la gestion des projets financés est bien poursuivi. Enfin, dans le cadre de la deuxième version du fonds vert, je confirme que le besoin de simplification a bien été entendu. Christophe Béchu a également indiqué que dans les deux prochains mois, il allait franchir une étape en matière de simplification.

En conclusion, je vous remercie pour votre rapport et vos recommandations, qui contribuent de manière déterminante à l’amélioration du programme.

M. le président Éric Coquerel. Les recommandations vont dans le bon sens, même si je ne suis pas sûr que nous puissions nous en contenter

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je remercie la rapporteure spéciale pour la qualité de son rapport. Je suis d’accord avec quasiment l’intégralité des recommandations et suis favorable au renforcement des missions et moyens de l’ANCT. S’agissant de la partie investissement du bloc communal, il est possible de moduler la part de l’État. Ne faudrait-il pas aller plus loin sur les investissements verts ? Pour ma part, j’y suis favorable et souhaite que l’effet de levier de l’État soit plus important pour les projets de transition écologique.

Enfin, je suis réservé sur l’élargissement du FCTVA. Lorsque celui-ci a été automatisé, nous sommes passés d’une logique de programme à une logique de fonctionnalité. Les collectivités territoriales se sont retrouvées gagnantes, en masse. En résumé, la nomenclature mérite sans doute d’être affinée : mieux vaut travailler sur la granularité de cet outil que son élargissement.

M. Patricia Lemoine (RE). Je salue la synthèse de grande qualité qui nous a été présentée et qui met en évidence l’efficacité du soutien de l’État aux collectivités territoriales face à la crise énergétique. Il a permis au bloc communal d’en limiter l’impact sur ses capacités d’investissement. Le niveau d’investissement en 2022 est désormais revenu à celui de 2019, pour atteindre 36 milliards d’euros. Plusieurs leviers massifs ont été mobilisés :

–2 milliards d’euros au titre des dotations de soutien à l’investissement local ;

 une hausse de 320 millions d’euros de la DGF ;

 un fonds vert doté d’une enveloppe de 2 milliards d’euros, dont je me réjouis de la reconduction en 2024.

Je partage les réserves émises sur le filet de sécurité, dont les critères paraissent encore trop restrictifs. Il me semble nécessaire d’envisager une évolution du dispositif pour permettre à un plus grand nombre de collectivités d’y recourir. L’investissement du bloc communal participe activement à la transition écologique et le fonds vert y trouve toute sa place.

Par ailleurs, l’Institut de l’économie pour le climat estime que les collectivités territoriales devraient plus que doubler leur investissement annuel en faveur du climat pour respecter les engagements de la France en matière de neutralité carbone. Mme la ministre, est-il envisagé à terme un verdissement massif des dotations existantes ?

Enfin le programme PVD rencontre un véritable succès. Toutefois, le cofinancement temporaire des postes de chefs de projet sur les années du programme risque de ne pas suffire. Une réflexion globale est-elle en cours pour pérenniser l’aide à l’ingénierie pour les petites communes rurales ? Enfin, les élus locaux s’inquiètent du manque de visibilité sur les montants des subventions à venir, notamment après 2026. La question d’une loi de programmation pluriannuelle des finances des collectivités locales mérite d’être posée. Elle trouverait toute sa place dans la loi de programmation des finances publiques.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je salue à mon tour la qualité du rapport. Le programme PVD est utile mais poussif. Les recommandations effectuées me semblent importantes. Je pense notamment à celle concernant l’existence d’un fonds dédié de manière pluriannuelle. Les communes se perdent souvent dans le maquis des divers dispositifs mis en place aux différentes échelles : une porte d’entrée unique offrirait une bien meilleure visibilité. Ensuite, le consensus sur le besoin d’ingénierie constitue la preuve que l’on ne doit pas faire de distinction entre le fonctionnement et l’investissement. Cette séparation doit être réinterrogée.

M. Pascal Lecamp (Dem). Le rapport est brillant. En tant qu’ancien maire de petite commune, je m’y retrouve parfaitement : les petites communes sont confrontées à un véritable « mur » des investissements. Les parties relatives à l’ingénierie et aux études permettent de progresser et d’effectuer des présentations auprès de la population, malgré parfois des difficultés de recrutement, et donc de susciter un engouement. Cependant, l’essentiel repose sur la partie opérationnelle. À cet égard j’ai apprécié votre annonce de recherche des financements d’investissement sur la base 40/20/20. Lors d’une autre audition, j’avais suggéré au ministre des finances de faire sauter le reste à charge pour les investissements PVD, voire d’établir un système incitatif sur les investissements structurants. Qu’avez-vous prévu d’ici 2026 pour ces investissements ?

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mme la ministre, j’ai entendu votre souhait d’être à la disposition du Parlement. Je m’en réjouis, car en tant que députée d’une circonscription rurale de 70 communes, j’ai eu l’occasion de vous solliciter pour un rendez-vous. À l’issue de ce débat, j’espère d’ailleurs pouvoir relancer vos services.

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, vous avez décidé de concentrer les efforts de l’État à destination des collectivités territoriales sur les dotations d’investissement. Le soutien ainsi apporté aux projets locaux est le bienvenu mais il a occulté des chantiers urgents sur la DGF. Si notre formation politique aurait dû porter une telle réforme en 2016, la rigidité croissante des composantes de la DGF, le mécanisme d’écrêtement de la dotation forfaitaire ou l’impact des mécanismes de tunnels pour l’entrée ou la sortie des différentes dotations ont sclérosé ce système, désormais en bout de course. Il était urgent de lancer ce chantier ; le financement exceptionnel de la progression de la péréquation en est la démonstration.

À la caducité de la DGF s’ajoutent les impacts de la suppression progressive des leviers fiscaux dont disposent les collectivités territoriales (taxe d’habitation et CVAE) et ceux d’une inflation galopante, notamment pour les dépenses énergétiques. Dans un tel contexte, la capacité des collectivités territoriales de se saisir pleinement des mécanismes de soutien n’est pas assurée : pour être cofinancé, encore faut-il disposer de l’ingénierie pour développer ces projets, en particulier au sein du bloc communal.

Depuis 2019, la consommation des AE a diminué de manière constante hors dotations exceptionnelles. Les difficultés soulevées tout au long des débats sur le projet de loi de finances quant à la conduite des commissions DETR n’y sont par ailleurs pas étrangères. En outre, le reste à payer des dotations d’investissement a quadruplé depuis 2016, dans des proportions très supérieures à l’évolution du montant de ces dotations. Doit-on y voir une traduction des difficultés croissantes des collectivités à livrer les projets cofinancés ou une extension de la durée de réalisation de ces projets ? Les données qualitatives en la matière seraient de nature à nous éclairer sur ce point.

M. Christophe Plassard (HOR). Votre présentation particulièrement intéressante me fournit l’occasion de revenir sur de nombreux dispositifs de soutien mis en place à destination des collectivités territoriales et particulièrement du bloc communal, notamment les petites communes. Certaines collectivités éprouvent d’importantes difficultés et il est nécessaire de les accompagner pour répondre le plus finement possible à leurs problématiques.

Le programme PVD s’inscrit pleinement dans cette démarche en offrant un accompagnement adapté aux communes visées. Nous formulons le vœu que la phase opérationnelle qui s’amorce puisse déjouer les écueils listés de manière remarquable par les rapporteurs spéciaux. Parmi les recommandations du rapport, il est proposé d’engager une forme de pluriannualité des financements dans le cadre du programme PVD, afin d’assurer une meilleure visibilité dans la réalisation des investissements des communes. Une telle pluriannualité pourrait-elle également être envisagée sur d’autres dotations à destination des collectivités ? Je pense notamment à la DGF.

Mme Dominique Faure. Je maintiens la nécessité d’évaluer le FCTVA et de le réajuster, à la marge, avec le comité de finances locales et les commissions des finances du Parlement. Avec peu, il est ainsi possible d’arriver à une solution cohérente, sans remettre en cause l’automatisation, qui est extrêmement vertueuse.

Le programme PVD s’établit à 3 milliards en ingénierie. Les maires vous font part de leur crainte de ne pas voir leurs projets finalement financés. Il convient de rassurer ces maires et de leur suggérer de mettre ces projets en investissement sur un, deux ou trois ans : à ce jour, il reste des montants disponibles dans le cadre des DETR, des DSIL et du fonds vert pour les projets qui sont réellement prêts. En effet, les préfets m’indiquent de nombreux projets ne sont pas suffisamment matures. Les maires ont peur et déposent des projets non aboutis, mais cet argent est fait pour être consommé dans l’année. En résumé, le problème porte plus sur la maturité des projets que sur l’investissement stricto sensu.

Ensuite, France ruralité sera nichée dans l’ANCT. Il faut demander aux maires ruraux de patienter un peu : nous proposerons un format en ingénierie adapté à nos villages, pour compléter le dispositif.

M. Lecamp, j’apprécie vos commentaires sur les 40/20/20. Aujourd’hui, j’en entends certains ne pas vouloir garantir plus de 60 %, mais nous sommes prêts à mettre 40 % en investissement pour nos villages. La labellisation sera donnée par l’État, les régions et les départements. La décision d’investir relève d’une conférence financière réunie autour du préfet, avec un représentant du département et un représentant de la région, qui sont chargés de la validation. La plupart des fonds d’investissement sont ainsi de droit commun. J’ai donc besoin que vous m’aidiez à convaincre vos départements et vos régions d’embarquer cette simplification et cette garantie d’investissement, qui viendrait ici sur France ruralité. Si cela fonctionne, nous pourrions l’élargir à PVD dans une deuxième version.

Mme Marine Ferrari, rapporteure spéciale. Je souhaite apporter quelques précisions, pour éviter tout malentendu. S’agissant du fonds vert, je ne remets pas en cause la pertinence de travaux concernant l’éclairage public. Simplement, il nous semble préférable que le fonds vert soit investi sur des projets plus coûteux mais plus ambitieux en matière de transition énergétique, par exemple la rénovation complète d’un bâtiment.

S’agissant de la pluriannualité des financements au regard des PVD, le programme ne concerne naturellement que l’ingénierie. Les communes qui entrent dans une phase d’investissement souhaiteraient envisager une contractualisation avec les préfectures sur la base de leur plan particulier d’intervention (PPI), afin d’être assurées d’un rythme d’accompagnement en lien avec leur investissement.

Ensuite, le programme PVD n’est pas poussif : les accords-cadres sont en cours de signature et cette phase devrait s’achever d’ici 2024. Les phases d’investissement vont commencer mais, d’ores et déjà, les collectivités nous ont fait part de leur satisfecit concernant la plus-value d’ingénierie qui a été apportée sur les territoires.

M. Lecamp a évoqué les difficultés de recrutement. Lorsque les PVD ont été portés par l’intercommunalité, les projets ont pu être montés grâce à des ressources plus facilement mobilisables pour recruter des chefs de projet.

Mme Thomin a évoqué le choix du président de la République et la majorité de s’orienter davantage vers le soutien à l’investissement. Je partage cette logique. Par ailleurs, je ne suis pas sûre que les chargés de mission qui s’investissent dans certaines études auraient nécessairement vocation à rester pérennes dans les budgets des collectivités.

M. le président Éric Coquerel. J’interroge la commission afin qu’elle autorise la publication de ce rapport d’information sur la thématique d’évaluation des rapporteurs spéciaux.

La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de Mme Marina Ferrari et M. Joël Giraud, rapporteurs spéciaux.

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 15 heures

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, Mme Marina Ferrari, Mme Perrine Goulet, M. Emmanuel Lacresse, M. Pascal Lecamp, Mme Patricia Lemoine, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Sébastien Rome, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet

Assistait également à la réunion. - Mme Mélanie Thomin