Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Justice » : « Justice et accès au droit » (Mme Sarah Tanzilli., rapporteure pour avis) ; « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse » (M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis)                            2

 

 

 

 

 


Mardi
25 octobre 2022

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 9

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Sacha Houlié,
Président


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La séance est ouverte à 21 heures 35.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission « Justice »

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendements II-CL128 de M. Jean-François Coulomme, II-CL10 et II-CL11 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit de doubler le montant de l’aide juridictionnelle. En dépit de la hausse intervenue ces deux dernières années, que le garde des sceaux juge historique, le compte n’y est pas. La raison en est simple : pour obtenir l’aide juridictionnelle à 100 %, une personne seule doit avoir un revenu mensuel inférieur à 965 euros. Le seuil suivant, permettant d’obtenir une prise en charge à 55 %, se situe entre 965 et 1 141 euros, soit moins que le Smic. Une personne au Smic relève donc du troisième seuil, qui ne donne plus droit qu’à 25 %. Cela signifie que des gens s’abstiennent de faire valoir leurs droits, en matière pénale comme en matière civile. Le doublement de l’aide juridictionnelle vise à la fois à relever les seuils et à augmenter les unités de valeur pour les avocats dans un certain nombre de contentieux.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis (Justice et accès au droit). Vous souhaitez augmenter les crédits alloués à l’aide juridictionnelle de 650 millions d’euros. Ce budget a déjà considérablement augmenté ces dernières années grâce aux réformes mises en place pour revaloriser l’unité de valeur : son montant est passé de 32 euros à 34 euros en 2021, puis à 36 euros en 2022. L’enveloppe budgétaire est donc passée de 423 millions en 2019 à 641 millions en 2023, soit une augmentation de 51,5 %. À cela s’ajoute le mécanisme de l’aide juridictionnelle garantie, versée dans certaines procédures avant l’examen de l’égibilité du demandeur. C’est donc l’État qui doit recouvrer les sommes si le demandeur n’est pas éligible, et non l’avocat. Cette réforme sécurise les avocats qui sont des acteurs clés du service public de la justice. Le présent budget comporte de plus une hausse de 4,2 % des crédits de l’aide juridictionnelle, donc l’effort se poursuit. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je ne considère pas qu’aucun effort n’a été fait mais l’aide juridictionnelle reste très insuffisante. On constate de plus en plus, notamment depuis la réforme de la justice pénale des mineurs, que les avocats ne viennent plus, parce que l’aide juridictionnelle ne paye pas les frais de déplacement et qu’ils ne sont pas payés si la personne n’est pas là. Le défenseur des droits des enfants qu’est l’avocat ne remplit donc pas sa mission. Vous êtes sur une voie de progression mais il faut faire mieux pour que les citoyens qui n’ont pas les moyens puissent tout de même bénéficier du ministère d’un avocat.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La hausse est certes significative mais elle ne suffit absolument pas à répondre aux besoins. Indemniser correctement les avocats permet aux justiciables de faire valoir leurs droits. Cela évite en outre que la situation ne se règle par d’autres voies, par exemple lorsqu’un contentieux au civil – affaires familiales, petits litiges commerciaux, contentieux de voisinage – dégénère au pénal. C’est donc plutôt un bon investissement que de permettre à un smicard de bénéficier de l’aide juridictionnelle à 100 %.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL123 de Mme Raquel Garrido et II-CL12 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit de majorer la rémunération des greffiers, qui seront appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans les juridictions. La rémunération des magistrats va connaître une majoration importante ; il nous semble essentiel d’en faire autant pour les greffiers.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Nous faisons déjà un effort conséquent avec la création de 191 postes de greffiers en 2023 et la perspective de 1 500 postes supplémentaires sur l’ensemble du quinquennat. Le recrutement en une seule fois de 4 000 greffiers serait de nature à baisser considérablement le niveau de la sélection. Avis défavorable.

Concernant la revalorisation de la rémunération des greffiers, le présent budget n’est qu’une étape dans la trajectoire de convergence indemnitaire commencée l’année dernière. En 2022, une enveloppe de 12,4 millions d’euros avait déjà été mobilisée en gestion pour rehausser le niveau de l’indemnité de sujétion. Le projet de loi de finances (PLF) prévoit une revalorisation de 1,75 million d’euros du régime indemnitaire à compter d’octobre 2023 et une revalorisation supplémentaire de 5 millions d’euros de l’indemnité de sujétion à compter de juillet 2023. Par ailleurs, le ministre a annoncé l’ouverture d’une réflexion sur le statut du greffier, avec la possibilité de créer une catégorie A. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Pour établir notre demande de 4 000 greffiers supplémentaires, nous sommes partis des besoins recensés par les organisations syndicales. Vous vous réjouissez aujourd’hui de recruter 1 500 greffiers alors qu’on nous répondait que c’était impossible lorsque nous le proposions ces dernières années : cela prouve qu’il est utile de vous mettre la pression avec nos amendements.

Une stratégie globale est nécessaire – agrandir l’École nationale des greffes, créer des antennes dans tout le pays – parce que les besoins sont colossaux. Le ministre n’a pas répondu à la question du rapporteur spécial concernant la baisse du nombre de greffiers entre 2019 et 2022 – je comprends qu’il ait trouvé cela gênant ! Alors que le taux de vacance de postes s’élève à plus de 7 %, il serait temps de recruter des greffiers, non seulement ceux qui ont été promis mais surtout ceux qui sont a minima nécessaires pour assurer le fonctionnement des juridictions.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Les greffiers étant des agents de catégorie B, leur grille de rémunération est très modeste, alors que reposent sur eux des responsabilités importantes. Pour améliorer l’attractivité de ce métier, nous proposons une augmentation conséquente de 2 millions d’euros : si elle adopte cet amendement, l’Assemblée nationale enverrait un signal de soutien à cette profession essentielle.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Je partage ce constat. C’est la raison pour laquelle je défends un budget qui prévoit une augmentation de la rémunération du régime indemnitaire mais également de l’indemnité de sujétion. Par ailleurs, l’attractivité de la carrière de greffier est un enjeu majeur. La création d’une catégorie A pour les greffiers expérimentés serait une solution pour offrir une perspective de carrière et renforcer l’attractivité de la fonction.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL122 de M. Jean-François Coulomme.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Il vise à augmenter les crédits affectés aux dépenses des personnels concernant les magistrats. Le garde des sceaux peut bien multiplier les effets d’annonce, personne n’est dupe, surtout pas les professionnels. La justice est à l’agonie et, avec elle, ses personnels. Les politiques d’austérité brisent des vies, comme l’a démontré le drame survenu au tribunal de Nanterre, et remettent en cause l’accès à la justice des plus fragiles. Les magistrats sont à bout de souffle, au bord de la rupture. Combien faudra-t-il encore de tragédies avant que vous n’adoptiez des politiques publiques ambitieuses en la matière ?

L’urgence est de redonner des moyens humains et financiers afin d’en finir avec la précarisation de la justice et l’atteinte aux droits des justiciables. Cela passe par le recrutement massif de fonctionnaires. Notre groupe, en lien avec les organisations syndicales et professionnelles, estime les besoins à 13 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sur cinq ans. Nous vous proposons d’en embaucher 2 600 dès 2023.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. La mesure que vous proposez, le recrutement de 2 600 magistrats supplémentaires, coûte 569 millions d’euros, que vous prenez à l’administration pénitentiaire. Le projet de budget prévoit la création de 1 220 postes supplémentaires, dont 200 postes de magistrats, avec une perspective de 1 500 magistrats supplémentaires au total sur le quinquennat. Tout comme pour les greffiers, un recrutement en nombre très important ne peut pas se faire sans danger pour la qualité de la sélection et de la formation. Par ailleurs, il est excessif de parler d’austérité quand le budget augmente de 8 %. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Plutôt que de rester cantonné dans les murs de l’École nationale de la magistrature (ENM), il faut développer des antennes dans tout le territoire, en construisant des parcours de formation avec les instituts d’études judiciaires (IEJ), les facultés de droit et les professionnels du secteur, en développant des passerelles avec les avocats, en embauchant des gens aguerris ayant quinze ou vingt ans de barreau. C’est tout à fait faisable.

Pour ce faire, nous assumons pleinement de prendre des crédits à l’administration pénitentiaire. Plutôt que de consacrer 4,5 milliards d’euros à la construction de places supplémentaires, nous préférons que cette somme soit allouée à la justice judiciaire et aux mesures alternatives à l’incarcération, qui coûtent moins cher et obtiennent de meilleurs résultats. Nous sommes ainsi meilleurs gestionnaires que vous en la matière. La prison, c’est le seul domaine où les libéraux se fichent d’augmenter les dépenses !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL153 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Il a pour objet d’augmenter le budget consacré à la construction de places de prison supplémentaires, afin d’améliorer les conditions de travail du personnel pénitentiaire et les conditions de détention. Il faut aller plus vite en la matière car c’est un enjeu sécuritaire.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis (Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse). Le PLF pour 2023 prévoit de consacrer 422 millions d’euros à la construction de nouveaux établissements, hors crédits de maintenance et d’entretien des établissements existants. J’en profite pour faire un point d’étape sur la mise en œuvre du programme « 15 000 » : au 1er juillet 2022, 2 081 nouvelles places ont été mises en service ; d’ici la fin de l’année, 450 places supplémentaires seront ouvertes, soit un total de 2 531 nouvelles places. Cela représente 17 % de l’objectif des 15 000, alors même que les projets de construction ont été très affectés par la crise sanitaire liée au covid-19. La suite est bien engagée : les travaux de cinq structures ont été lancés en 2020, quatre en 2021, sept en 2022. Seuls deux derniers chantiers doivent être engagés : la structure d’accompagnement vers la sortie de Châlons-en-Champagne et le centre pénitentiaire de Magnanville. Les choses avancent et les moyens dédiés à la construction de nouvelles places de prison sont considérables.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je tiens à signaler que le décrochage par rapport à la loi de programmation de la justice s’est fait avant la pandémie, dès l’exercice 2019, pour des raisons objectives que je ne contesterai pas. Toutefois, à l’époque, le ministère de la justice n’a pas été capable de demander à la direction du budget de réaffecter ces crédits à d’autres postes de dépenses : c’était possible mais la demande n’a pas été faite, causant une diminution sèche. Le premier budget de la loi de programmation pour la justice s’est ainsi retrouvé sous le seuil des 5 % qui avait été promis. C’est dommage parce que cela a fait perdre une année de crédits qui auraient pu être utilisés habilement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL154 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Il vise à revaloriser les salaires des personnels pénitentiaires. Cette administration fait face à un manque d’attractivité, alors que l’enjeu sécuritaire de la mission confiée à ces agents est important. N’oubliez pas que, souvent, un seul surveillant a la garde de plusieurs centaines de détenus. Prouvons-leur que nous avons conscience de la difficulté de leur métier en revalorisant leur salaire.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Depuis 2018, environ 20 millions d’euros par an ont été consacrés à des mesures catégorielles en faveur des agents de l’administration pénitentiaire. En 2023, l’enveloppe sera encore plus importante puisque 34 millions seront dédiés à cette politique d’amélioration catégorielle. Nous aussi, nous avons le plus grand respect pour le travail réalisé par les agents pénitentiaires, et nos efforts ne s’arrêtent pas au budget. Ainsi, l’année dernière, le garde des sceaux a signé avec les représentants nationaux des organisations syndicales des personnels de surveillance une charte consacrant les Principes du surveillant pénitentiaire, acteur incontournable d’une détention sécurisée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL151 de Mme Edwige Diaz.

Mme Edwige Diaz (RN). Il vise à diminuer de 50 millions d’euros les crédits consacrés à l’accompagnement des détenus, afin de renforcer les moyens de nos institutions judiciaires.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous souhaitez augmenter le budget alloué à la justice judiciaire de 50 millions d’euros sans préciser vers quels postes vous fléchez ces crédits. Le montant des moyens alloués à la justice judiciaire est déjà en forte hausse : plus 7,8 %, après une augmentation de 3,4 % l’an passé. Cela permet de financer des recrutements de personnels mais aussi les revalorisations de rémunérations. Ce sont des réponses concrètes au manque de moyens que vous dénoncez. Je vous invite à retirer votre amendement et à voter ces crédits.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL120 M. Ugo Bernalicis.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous vous proposons de créer une ligne budgétaire pour augmenter le budget des placements à l’extérieur. Les Insoumis sont allés visiter la ferme de Moyembrie ; nous y avons rencontré des personnes qui apprennent à reprendre le travail, à mener une vie à peu près normale, à préparer un projet professionnel et, surtout, à vivre avec le regard des autres. Ce dispositif est plus efficace que l’incarcération car le taux de récidive est largement inférieur. De plus, il est moins cher : un placement à l’extérieur coûte 40 euros par jour, contre 120 euros pour la prison. Le ministre nous a dit tout à l’heure qu’il voulait augmenter le budget à 13,5 millions pour augmenter le prix de journée, c’est‑à‑dire pour financer davantage les associations qui s’en occupent. Pour notre part, nous proposons de le passer à 43,8 millions.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je ne partage pas totalement votre avis sur la non-nécessité de construire des places de prison car celles-ci permettent d’assurer des conditions d’accueil dignes. En revanche, je partage entièrement votre point de vue quant à la pertinence des mesures de placement à l’extérieur. Au 1er septembre 2022, seules 936 personnes étaient en bénéficiaient, alors qu’il existe plus de 1 800 places de ce type. Non seulement les places existantes ne sont pas assez utilisées – la mesure de placement à l’extérieur ne représente d’ailleurs que 6 % des aménagements de peine – mais il faudra en augmenter le nombre total pour faciliter le recours à cette mesure et permettre aux juges de disposer de places adaptées aux différents profils des personnes condamnées.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, le budget dédié aux placements extérieurs est en hausse de plus de 67 % afin d’augmenter de 10 euros le prix de la journée payé à ces structures. De plus, la direction de l’administration pénitentiaire a annoncé la mise en place d’une plateforme numérique « Placement extérieur – 360 » pour favoriser la prospection de nouveaux lieux d’accueil et donner une meilleure visibilité aux prestations proposées, ce qui serait particulièrement utile pour les magistrats.

Le placement à l’extérieur est certes un élément important mais ce n’est pas la seule alternative à l’incarcération. Il n’y a pas de raison de lui dédier un programme spécifique. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). Nous ne vous avons pas attendus pour parler de la ferme de Moyembrie ! Lors de la précédente législature, quand Mme Braun-Pivet était présidente de la commission des lois, nous avions même organisé la projection du film À l’air libre.

Sortons de l’idée simpliste selon laquelle les bons voudraient que tout le monde soit dehors et les méchants, que tout le monde soit en prison. Il faut réfléchir avec sérieux à la politique pénitentiaire. Si nous construisons plus de places de prison, ce n’est pas nécessairement pour mettre plus de monde en prison, mais pour que les détenus vivent dans des conditions dignes.

Parallèlement, certaines peines alternatives fonctionnent très bien – la ferme de Moyembrie en est un exemple. C’est pourquoi le budget suit, afin de financer cette préoccupation.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je suis satisfait de la tournure de la discussion puisque vous ne vous opposez pas frontalement aux placements extérieurs. Contrairement à ce que pensent certains collègues, Moyembrie n’est pas une ferme pédagogique. Les détenus qui y travaillent préparent un projet de vie. En outre, si cela peut vous convaincre – nous sommes, pour notre part, déjà convaincus –, je vais utiliser un argument de droite, mais il s’agit d’une utilisation efficace de l’argent public car cela limite le taux de récidive et permet de désemplir les prisons !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL118 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Contrairement à une idée malheureusement répandue, la construction de places de prison supplémentaires ne permet pas de lutter contre la surpopulation carcérale. On utilisait déjà les mêmes arguments il y a trente ans !

Nous avons construit 30 000 places de plus en vingt-cinq ans, soit une hausse de 60 % du parc carcéral. Pourtant, et contrairement à de nombreux pays européens, la surpopulation carcérale est toujours extrêmement importante en France. En outre, cela ne fait que repousser, année après année, nos engagements pris pour l’encellulement individuel. Si vous voulez créer 15 000 places supplémentaires, c’est pour enfermer plus, assumez-le, et non pour lutter contre la surpopulation.

À l’inverse, notre amendement plaide pour la réinsertion et le développement des peines alternatives, plus respectueux des droits humains. Il ne s’agit en aucun cas de revenir sur les peines prononcées par les juges.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Nous nous sentons tous concernés par la surpopulation carcérale, que l’administration qualifie parfois de « surencombrement ». Je me suis rendu, une nouvelle fois, à la prison de Bordeaux-Gradignan en tant que rapporteur pour avis et peux témoigner des conséquences néfastes de la surpopulation tant sur les conditions de détention des personnes incarcérées que sur les conditions de travail des agents pénitentiaires.

La majorité ne reste pas sans rien faire, bien au contraire. D’ailleurs, une évolution prochaine devrait permettre d’améliorer la situation : la mise en œuvre de la libération sous contrainte de droit, créée l’année dernière par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, effective au 1er janvier 2023. Dans quelques semaines, la libération sous contrainte sera systématique pour les personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de deux ans au plus et auxquelles il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois.

L’impact sur la population carcérale devrait être important. On estime que cette nouvelle mesure devrait concerner environ 6 000 détenus et permettra non seulement d’accroître considérablement le nombre de sorties non sèches de détention – qui favorisent la réinsertion –, mais aussi de faire diminuer la population carcérale.

Pour finir sur une considération plus pratique, quand bien même nous mettrions en œuvre un mécanisme spécifique de régulation carcérale, je ne suis pas persuadé qu’il ait besoin d’un programme dédié.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Mettre en place un mécanisme de régulation carcérale implique de financer davantage d’aménagements de peine : quand un nouveau détenu arrive en prison, la personne la plus proche de la sortie doit pouvoir sortir par le biais d’un tel aménagement.

Je remarque avec gourmandise que vous êtes fiers de la nouvelle réduction de peine automatique que constitue la libération sous contrainte de droit à trois mois de la fin de la peine. C’est paradoxal : vous avez supprimé les réductions de peine automatiques et instauré un mécanisme de régulation carcérale qui ne dit pas son nom. Mais c’est parce que vous saviez que la réforme des réductions de peine risquait d’augmenter la durée de l’incarcération, et donc l’encombrement – pour reprendre l’expression – des établissements pénitentiaires.

Si nous passons notre temps à augmenter les quantum de peine, nous ne ferons pas baisser le nombre d’infractions, mais les juges prononceront juste des peines potentiellement plus sévères. La France n’est certes pas le pays qui incarcère le plus, mais nous sommes celui où le nombre de personnes placées sous main de justice est parmi les plus élevés. Si nous continuons à créer des peines alternatives sans toucher aux peines prévues par le code pénal, nous ne ferons qu’accroître le nombre de gens concernés…

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL129 de M. Ugo Bernalicis.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Les procédures judiciaires sont longues, complexes et souvent très coûteuses. Si l’accompagnement global permet aux victimes de mieux s’orienter et d’être soutenues tout au long de la procédure, aucune femme ne doit être bloquée par une barrière financière. Selon les avocats spécialisés, 40 % des femmes victimes de violences sont éligibles totalement ou partiellement à l’aide juridictionnelle, mais seules 19 % portent plainte, le montant de l’aide juridictionnelle étant trop faible. Ce budget devrait être doublé. C’est ce que nous proposons aussi par voie d’amendement.

Un autre levier d’action sur le coût des procédures consiste à aligner les montants de règlements des avocats qui interviennent au titre de l’aide juridictionnelle pour la partie civile sur les montants prévus pour le prévenu – 50 % plus élevés –, afin d’assurer une égalité de traitement.

En parallèle, il s’agit d’améliorer la formation des magistrats afin qu’ils puissent s’approprier l’ensemble du spectre des procédures, tant pour la protection des victimes que pour la prise en charge des auteurs. Pour remplir ces objectifs, notre amendement vise à créer un pôle judiciaire de lutte contre les violences intrafamiliales au sein des juridictions pour améliorer le traitement de ces affaires. Il comprendra des magistrats, ainsi que des officiers de police judiciaire spécialement formés. Des moyens spécifiques seront alloués pour réduire les délais dans les cas de violences sexuelles et sexistes.

Pour ce faire, nous proposons le transfert de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action 01 Garde et contrôle des personnes placées sous-main de justice du programme 107 Administration pénitentiaire destinés aux investissements immobiliers pour créer de nouvelles places de prison, afin d’abonder un programme nouvellement créé Création de pôles judiciaires de lutte contre les discriminations et les violences intrafamiliales, sexuelles, sexistes dans les tribunaux.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous proposez de créer des tribunaux spécialisés dans les discriminations et les violences sexuelles. Je vous rejoins sur la nécessité d’une réflexion sur le traitement judiciaire des violences sexuelles ; le sujet a été abordé plusieurs fois au cours de mes auditions. Les filières d’urgence, créées après le Grenelle des violences conjugales, constituent une première réponse car elles garantissent un délai de traitement plus rapide des affaires de violences conjugales. Les résultats sont là : les délais de délivrance des ordonnances de protection ont nettement diminué et se rapprochent de six jours.

Mais, je vous rejoins sur ce point, il ne faut pas s’interdire d’aller au-delà. Mais s’il existe des juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée qui ont fait leurs preuves, le contentieux des violences intrafamiliales est un contentieux de masse, contrairement à celui du crime organisé. La justice doit rester proche des victimes. En outre, la spécialisation des magistrats présenterait plusieurs risques : risque d’une désensibilisation des magistrats dédiés ; mais aussi, risque d’une déspécialisation des autres magistrats, alors que ces contentieux irriguent aussi les affaires gérées par les juges aux affaires familiales ou les juges des enfants.

Il me semble enfin nécessaire d’attendre les conclusions de la mission parlementaire sur les violences conjugales avant de se lancer. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL130 de Mme Edwige Diaz.

Mme Edwige Diaz (RN). L’administration pénitentiaire ne bénéficie pas des moyens nécessaires pour accomplir efficacement son rôle d’intérêt public. Entre la surpopulation carcérale, la violence généralisée et les trafics en tout genre, les prisons ont besoin de financements. L’amendement vise donc à transférer 20 millions d’euros issus des moyens informatiques du ministère vers la mission Garde et contrôle des personnes placées sous-main de justice.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. En 2023, le budget de l’administration pénitentiaire augmente déjà de 343 millions d’euros par rapport à 2022. Peut-être 20 millions d’euros en plus seraient-ils utiles, mais la hausse, de plus de 7 %, constitue déjà un effort important et cohérent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL145 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Edwige Diaz (RN). Cet amendement vise à augmenter les crédits nécessaires à une conduite plus efficace de la politique pénale, car les tribunaux sont bien trop souvent débordés par le nombre de dossiers à traiter, tout en diminuant les crédits d’application de peines trop légères sur les mineurs, qui ont démontré leur inefficacité. Il s’agit donc de transférer 20 millions d’euros de la mission Mise en œuvre des décisions judiciaires vers la mission Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous souhaitez augmenter le budget alloué à la justice judiciaire de 20 millions d’euros pour améliorer la conduite de la politique pénale, mais donnez peu de précisions sur le poste abondé.

La politique pénale est mise en œuvre par les magistrats : nous augmentons leur nombre et leurs rémunérations. Pour être efficace, elle s’appuie sur des greffiers : là encore, nous créons des postes de greffiers et nous augmentons leurs rémunérations. Il me semble donc que votre amendement est satisfait.

En outre, vous minorez les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse en raison, dites-vous de l’inefficacité de peines trop légères pour les mineurs. Je ne partage pas votre constat. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL125 de M. Jean-François Coulomme.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit de financer 400 postes dédiés à l’accès au droit, à l’aide aux victimes et à l’aide juridictionnelle, au sein de services d’accueil unique du justiciable (SAUJ), des associations ou du ministère de la justice.

Nicole Belloubet nous expliquait déjà que tous les justiciables étaient accueillis par des personnels qui les aiguillent et les renseignent dans tous les tribunaux, mais nous avons tous constaté les vacances de postes dans les SAUJ ou les horaires restreints du fait du manque de personnel et de moyens. Pourtant, l’accès au droit, c’est la première étape, qu’on soit auteur ou victime, avant même d’entrer éventuellement dans un contentieux.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous souhaitez flécher 15 millions d’euros pour recruter 400 personnels dédiés à l’accès au droit, à l’aide juridictionnelle et à l’aide aux victimes. Il s’agit d’une augmentation globale, sans précision de l’affectation précise des personnels, notamment ceux dédiés à l’aide juridictionnelle. J’ai déjà indiqué nos efforts en faveur de l’aide juridictionnelle.

En outre, sur les six dernières années, le budget dédié aux associations d’aide aux victimes est passé de 26 à 43 millions d’euros, soit une hausse de 65,4 %. Ces chiffres me semblent éloquents quant à notre engagement en leur faveur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Notre réflexion part des besoins. Je ne dis pas que la hausse du budget des associations d’aide aux victimes est une mauvaise chose mais, à chaque fois qu’on les reçoit en audition, ces dernières nous font part de grandes difficultés pour accompagner les victimes. Mentent-elles ? Si ce n’est pas le cas, le budget n’est donc pas en adéquation avec leurs besoins.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL133 et II-CL132 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Edwige Diaz (RN). Les moyens manquent à l’administration pénitentiaire. Parallèlement, les crédits de paiement accordés à la mise en œuvre des alternatives pénales sont trop élevés alors que ces dispositifs n’ont aucune conséquence positive sur le comportement des jeunes délinquants condamnés, la majorité d’entre eux récidivant.

L’amendement II-CL133 vise à transférer 10 millions d’euros, l’amendement II‑CL132, 4 millions.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Le budget de sécurisation des établissements pénitentiaires est déjà de 114 millions d’euros ; le sujet est donc bien pris en compte. En outre, je m’inscris en faux contre vos arguments fallacieux concernant l’inefficacité de la prise en charge des mineurs délinquants. C’est au contraire un enjeu très important pour lutter contre la délinquance et la récidive. C’est la raison pour laquelle les crédits dédiés à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) augmentent de plus de 10 %.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL114 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit d’augmenter le budget de la protection judiciaire de la jeunesse afin que les juges puissent proposer des alternatives crédibles à l’enfermement des mineurs, et de recruter 100 équivalents temps plein, soit une personne par département, en plus des 92 créations de postes déjà prévues par le budget.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Vous le dites vous-mêmes dans l’exposé sommaire de votre amendement : tous les budgets de la protection judiciaire de la jeunesse sont en augmentation. Ses crédits augmentent de 10,5 % : son budget global passe de 984 à 1 087 millions d’euros en crédits de paiement ; les dépenses de personnels augmentent de 13,6 % ; les dépenses hors titre 2 de 6 %.

Certes, nous pourrions prévoir encore plus de moyens pour prendre en charge les mineurs mais, soyons réalistes, les efforts consentis sont déjà très importants et la création de 92 emplois constitue une orientation cohérente et pertinente.

M. Jean Terlier (RE). Je salue l’amendement de ma collègue Untermaier mais il est quelque peu prématuré. La mission que nous menons ensemble pour évaluer la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs a commencé il y a peu. Nous avons auditionné la direction de la protection judiciaire de la jeunesse : elle estime que l’augmentation de son budget, très conséquente, permet à ce stade de couvrir tous ses besoins. En outre, la délinquance des mineurs a baissé. Quand, il y a deux ans, un éducateur gérait vingt-cinq mineurs, il en gère désormais vingt-trois.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Effectivement, nous avons entendu l’administration centrale qui estime que les progrès sont notables et qu’il n’y a pas de problème. Mais quand on connaît la protection judiciaire de la jeunesse, on ne peut pas dire cela. D’ailleurs, les présidents de tribunaux le confirment. Nous, parlementaires de la commission des lois, sommes responsables quand il s’agit de l’intérêt supérieur de l’enfant. Si nous ne pouvons plus modifier le budget d’une virgule, dites-le nous tout de suite ; nous ne déposerons plus d’amendements.

Je le répète, nous n’avons pas d’éducateurs spécialisés en nombre suffisant pour garantir la mise en œuvre des décisions des juges, tant en matière de protection judiciaire que d’action éducative.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). M. Terlier évoque une baisse de la délinquance des mineurs. J’en prends bonne note et j’espère que mes collègues de la commission également car cela va à rebours de l’ensauvagement dénoncé par certains !

Monsieur Terlier, vous évoquez un taux moyen d’encadrement, mais il est radicalement différent entre un établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), un accueil de jour et un centre éducatif fermé (CEF). En outre, certaines structures sont sous-utilisées et pourraient être mobilisées pour exécuter les mesures civiles de protection de l’enfance, qui ne le sont pas dans certains départements.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Attendons les conclusions de la mission d’information afin que la commission soit éclairée. Nous déciderons ensuite des éventuelles évolutions budgétaires ou législatives.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL147 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit de soutenir la modernisation numérique du ministère. Alors que Bercy a su mettre en place sans difficulté le prélèvement à la source, dans les tribunaux judiciaires, on se noie dans toutes les procédures pénales ou civiles, de nombreuses applications sont proches de l’obsolescence, tandis que la consultation de certains dossiers continue de devoir se faire sur papier.

Le code de la justice pénale des mineurs prévoit la constitution d’un dossier unique de personnalité des mineurs. On nous a clairement dit que cela exigeait beaucoup trop d’investissement de la part des magistrats car le logiciel n’est pas au point !

Il y a urgence et on ne peut attendre 2024 pour mettre le paquet sur le numérique. En 2023, les crédits de paiement consacré à l’action informatique du ministère diminuent de 7,5 %. C’est incompréhensible.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. La diminution des crédits de paiement est liée à un changement de périmètre de l’action. Votre amendement propose d’allouer 10 millions de crédits de paiement supplémentaires aux projets informatiques pour améliorer les logiciels métiers dans le domaine de la justice pénale des mineurs. C’est un montant élevé.

Le ministère a prévu des moyens pour déployer le logiciel Parcours, et des renforts doivent numériser les dossiers uniques de personnalité que vous évoquez. La mission sera confiée à l’équipe constituée autour du magistrat, financée par l’enveloppe allouée à la justice judiciaire, qu’il ne faut donc pas réduire. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Si vous trouvez le montant trop élevé, vous pouvez sous-amender pour le réduire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL124 de Mme Raquel Garrido.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Dans un souci d’égalité devant la justice, considérant que la délinquance financière ou la délinquance en col blanc constituent de graves troubles à l’ordre public, considérant la faiblesse des moyens dédiés au parquet national financier (PNF) – composé de dix-huit magistrats –, considérant que, plus l’on construit de places en prison, plus on enferme, nous proposons de réduire les crédits alloués à ces constructions au profit du PNF, afin d’embaucher cinquante-cinq magistrats supplémentaires et de renforcer le sentiment d’égalité face à la justice. La sévérité du ministre de l’intérieur, soutenue par le garde des sceaux, devrait s’appliquer à tous.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Il est prévu dans ce budget la création de 200 postes supplémentaires de magistrats. Je ne dispose pas d’informations relatives aux affectations, mais je vous invite à interroger le ministre sur ce point en séance, et à poser également la question pour ce qui concerne les juridictions interrégionales spécialisées, qui sont elles aussi un pilier de la lutte contre la délinquance financière.

Il me semble qu’au-delà du PNF, c’est toute la chaîne judiciaire qui traite de la délinquance économique et financière qui devrait être renforcée. Les recrutements prévus dans ce PLF et pour la suite du quinquennat vont dans ce sens. Peut-être faudrait-il songer à élargir aussi le vivier des recrutements externes, afin d’attirer des profils spécialisés dans les matières économiques et financières, et plus à même d’être rapidement opérationnels.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. le président Sacha Houlié. Ce que vous avez dit concernant l’absence de fermeture de places dans les établissements dégradés est erroné, madame Martin, puisque le solde de 2 000 places ouvertes au cours du dernier quinquennat s’obtient par soustraction de 1 300 fermetures dans des établissements vétustes aux 3 300 ouvertures. Il y a donc bien un transfert de places.

Mme Caroline Abadie (RE). Je note une certaine constance dans les amendements déposés par La France insoumise – contrairement à d’autres, d’ailleurs : vous ne cessez de vouloir retirer des crédits à l’administration pénitentiaire pour les affecter à d’autres actions. Telle est la politique pénale que vous défendez, et c’est bien conforme à votre idéologie.

J’abonde dans le sens du président : des fermetures de places, il y en a eu. Le plan prévoit la création nette de 15 000 places. Si l’on veut qu’il y ait davantage de dignité en prison, il faut accepter de raser et de reconstruire. Nous en avons d’ailleurs discuté ensemble au sujet de la prison de Varces, madame Martin. En outre, en retirant 5 millions d’euros à l’administration pénitentiaire, vous pénalisez aussi le milieu ouvert et les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Les quelque 235 000 personnes actuellement placées sous main de justice ne sont pas toutes en détention.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Dont acte sur les fermetures et les ouvertures, mais je précise que ces crédits, nous les retirons non pas à l’administration pénitentiaire en général, mais aux programmes immobiliers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL141 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Cet amendement tend à assurer la bonne mise en œuvre du plan 15 000 places à l’horizon 2027. En effet, 15 000 places de prison supplémentaires, cela signifie 6 000 ou 7 000 postes supplémentaires dans l’administration pénitentiaire, tous métiers confondus. Or, le PLF ne prévoit la création en 2023 que de 1 900 places et 489 postes dédiés, soit 1 ETP pour 4 détenus : le compte n’y est pas. Un tel ratio n’est pas acceptable ; il y va de la sécurité des sites et de celle des détenus. Nous proposons donc 5 millions d’euros de crédits supplémentaires pour mettre en adéquation les places créées et les ressources humaines correspondantes.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Il y a un biais dans vos calculs. Comme je l’ai expliqué, l’ouverture des places est progressive et le recrutement de surveillants se fait en parallèle. Le nombre de 489 nouveaux surveillants correspond aux places ouvertes en 2023. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL146 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au II-CL114, qui visait au recrutement d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Nous proposons la création de 50 ETPT de personnel d’encadrement intermédiaire. S’il existe en effet un directeur interrégional, il manque un niveau de management intermédiaire, surtout au moment où des pratiques alternatives à l’enfermement se développent. Il s’agit d’ailleurs d’une demande des magistrats. Voici donc un amendement on ne peut plus « raisonnable » – pour reprendre l’expression du ministre.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. C’est une piste intéressante mais il me semble préférable d’attendre les conclusions de la mission d’information que vous effectuez avec Jean Terlier avant de décider d’une évolution budgétaire.

M. Jean Terlier (RE). Lors de son audition, la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) nous a en effet indiqué que si elle ne rencontrait pas de problème d’effectifs à proprement parler, il fallait peut-être repenser la logique de l’encadrement. Néanmoins, la refonte du droit pénal des mineurs ne datant que d’un an, il serait préférable d’attendre un peu, afin de pouvoir évaluer avec précision les besoins. Une telle mesure me semble prématurée.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je suis d’accord. Nous en reparlerons ultérieurement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL121 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit d’anticiper un peu, histoire de ne pas être coincés quand le ministre de l’intérieur aura constaté qu’il est impossible que la police judiciaire fasse partie de son projet de départementalisation de la police. La seule solution envisageable, partagée par les enquêteurs, les magistrats et un certain nombre de personnalités politiques, dont les membres du groupe La France insoumise, serait de détacher les officiers de police judiciaire auprès de l’institution judiciaire. Le montant inscrit dans l’amendement correspond aux dépenses du titre II de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Le ministre de l’intérieur pourra ainsi tirer dès la mi-janvier, avec le ministre de la justice, les conclusions des rapports de l’Assemblée nationale, du Sénat et des inspections générales de l’administration, de la justice et de la police nationale.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous proposez de rattacher budgétairement la police judiciaire à la mission Justice, et vous exprimez dans le même temps votre opposition à la réforme de la police judiciaire.

Selon vous, le rattachement de la police judiciaire au ministère de l’intérieur entrave l’efficacité des enquêtes et n’est pas compatible avec son indépendance. Pourtant, dans le rapport issu des travaux de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, le rapporteur, M. Didier Paris, faisait le constat inverse : « L’appartenance administrative de la police judiciaire au ministère de l’intérieur n’empêche pas l’autorité judiciaire de mener sa mission en toute indépendance ». Je crois, comme lui, que le système actuel est équilibré et n’appelle pas de transfert de la police judiciaire vers le ministère de la justice.

Quant à la réforme de la police judiciaire, elle sort de mon champ de compétences. Néanmoins, je crois que le constat est partagé par beaucoup d’une police très cloisonnée et dont les taux d’élucidation sont en baisse. Face à cela, nous avons une différence d’appréciation : vous souhaitez isoler la police judiciaire, nous voulons la rendre plus forte, en décloisonnant les équipes, pour éviter les doublons et la concurrence.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). S’agissant de la commission d’enquête, le rapporteur a travaillé comme bon lui semblait, j’ai présidé de même, et nos conclusions sont assez divergentes. Je reconnais toutefois que nos différents interlocuteurs ont été particulièrement taiseux ou évasifs sur le sujet. Néanmoins, François Molins a fini par vendre la mèche, en nous expliquant que la réforme de la police judiciaire faisait courir un risque élevé de parasitage de l’exécutif sur l’autorité judiciaire. Mais on peut toujours déclarer qu’on se fiche de son avis ou qu’il ne représente pas grand-chose. Allons donc voir l’article publié récemment par Le Parisien sur une affaire en cours, particulièrement intéressante puisqu’elle porte sur la remontée d’informations dans une affaire qui concerne nul autre que celui qui est l’artisan de la réforme de la départementalisation de la police. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris parce que l’autorité judiciaire se plaint de ne pas avoir été informée d’une affaire qui était connue depuis plus de quatre mois de tout le monde au sein de la police – jusqu’au directeur général de la police nationale. Des exemples de ce type, il y en a plein ! Les magistrats nous ont dit que quand ils demandent un service d’enquête, ils ne choisissent pas les enquêteurs : n’est-ce pas une entrave majeure à l’indépendance de l’autorité judiciaire ? N’importe quel magistrat avec qui vous aurez une discussion off vous expliquera qu’il existe bien des manières de ralentir une enquête ou de faire en sorte qu’elle n’aboutisse pas, et elles sont à la main de l’exécutif et du ministère de l’intérieur.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL137, II-CL134, II-CL135 et II-CL136 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Il est nécessaire d’accroître la sécurité active et passive des lieux de détention dans notre pays. Il y va de la protection du personnel pénitentiaire, et aussi des détenus, contre les agressions. En conséquence, ces amendements visent à augmenter les crédits dévolus à ces différents types de protection : de 3 millions d’euros pour le brouillage des communications téléphonique, de 1 million pour les dispositifs antiprojection, de 1 million pour la vidéosurveillance et les portiques, et de 600 000 pour la lutte antidrones – ce qui s’est passé lundi à la prison de Fresnes montre que c’est une urgence.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je vais récapituler les moyens attribués à ces actions dans le projet de loi de finances pour 2023. Les crédits consacrés à la poursuite du déploiement de dispositifs de détection et de neutralisation des communications illicites s’élèvent à 30 millions d’euros. La sécurisation passive bénéficie de 18,4 millions d’euros en crédits de paiement et 1,5 million d’euros permettent l’achat d’équipements de sécurité, dont les portiques. La lutte contre les drones malveillants est dotée d’un budget de 3 millions d’euros, montant qui s’inscrit dans la continuité des budgets précédents : 1 million en 2019, 3,6 millions en 2020, 3,2 millions en 2021, 4,7 millions en 2022.

Il me semble que le sujet est bien pris en considération par l’administration pénitentiaire et que les enveloppes sont proportionnées aux besoins.

Avis défavorable sur les quatre amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL138 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Nous proposons d’augmenter le budget dévolu aux bracelets anti‑rapprochement. Il s’agit d’un dispositif globalement intéressant, et plus particulièrement pour la protection et la prévention des violences faites aux femmes et des violences intrafamiliales. Nous souhaitons développer leur usage, sachant que 835 bracelets seulement sont aujourd’hui en circulation. C’est d’autant plus insuffisant que le délai entre la commission de l’infraction et la phase de jugement est souvent très long.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je suis heureux que vous souligniez la pertinence du bracelet anti‑rapprochement. Ce dispositif fait l’objet d’une montée en puissance dans le PLF, puisque les crédits qui lui sont dédiés augmentent de 144,7 %. Cette dotation de 11,5 millions d’euros permettra de moderniser les outils informatiques dédiés au suivi des mesures et de financer la pose de bracelets en tant que de besoin. La lutte contre les violences conjugales est une priorité de notre majorité et du ministère de la justice.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL139 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Amendement somme toute modeste : il vise à multiplier par deux la prime à destination des fonctionnaires pénitentiaires travaillant dans les établissements de Guyane et de Mayotte. La situation y est tendue et leur quotidien extrêmement difficile.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Au centre pénitentiaire de RemireMontjoly, en Guyane, la densité carcérale était au 1er septembre 2022 de 158,8 % à la maison d’arrêt et de 107,8 % au centre de détention. Au centre pénitentiaire de Majicavo, à Mayotte, elle était à la même date de 184,1 % à la maison d’arrêt et de 175,4 % au centre de détention.

Je ne nie pas que ces deux établissements se trouvent dans une situation problématique, mais il n’y a pas qu’eux, malheureusement ! Ainsi, à la prison de Bordeaux-Gradignan, la densité carcérale dépasse 200 % à la maison d’arrêt. Il est évident que les conditions de travail des agents pénitentiaires, ainsi que les conditions de vie des personnes détenues, s’en trouvent considérablement détériorées.

Il n’y a pas de raison objective de dédier une enveloppe budgétaire à ces deux centres pénitentiaires au détriment des autres. Avis défavorable.

M. Philippe Schreck (RN). La dotation spéciale pour cette catégorie de personnel existe déjà. L’amendement vise seulement à la porter de 100 000 euros à 200 000 euros.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Vous fléchez uniquement l’enveloppe vers les surveillants de Guyane et de Mayotte. Je ne suis pas d’accord avec ce point.

M. Philippe Schreck (RN). Elle est déjà fléchée !

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je suis donc défavorable à son augmentation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL149 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant (Dem). En 2020, 89 victimes d’infanticide ont été enregistrées par les forces de sécurité. Parmi elles, 49 sont décédées dans le cadre familial. Les trois quarts des enfants étaient âgés de moins de cinq ans au moment du décès. Ce chiffre alarmant rend encore plus intolérable toute forme de violence subie par l’enfant dans le cadre intrafamilial. Notre société a le devoir d’être protectrice, surtout envers les plus fragiles.

Le présent amendement vise à systématiser le retour d’expérience des professionnels concernés en cas de décès d’un enfant dans le cadre familial. Un rapport devra être remis aux autorités compétentes pour comprendre les dysfonctionnements des dispositifs relatifs à la protection de l’enfance. Il est nécessaire de mieux évaluer les situations à risque et de développer les analyses rétrospectives.

Les retours d’expérience sont une source d’information essentielle pour comprendre le contexte, les actions qui ont suivi l’acte et les décisions prises. Pour cela, l’État a besoin du concours de différents services, qui doivent travailler de concert pour que les alertes soient transmises et les dispositifs adéquats actionnés. À l’heure actuelle, les alertes se font tardivement, les démarches à suivre en cas de suspicion sont méconnues, le personnel médical est débordé et les services concernés peinent à se coordonner. Aussi paraît-il essentiel de systématiser les retours d’expériences à l’échelle départementale et de les coordonner entre la police, la justice et l’éducation nationale.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je sais votre engagement en matière d’enfance en danger, monsieur Balanant. Nous sommes d’ailleurs tous deux membres de la délégation aux droits des enfants. Je rappellerai donc que la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) garantit et assure, directement ou par l’intermédiaire des associations qu’elle habilite et finance, la prise en charge des mineurs et jeunes majeurs qui lui sont confiés par les magistrats. Elle fournit en outre une aide aux décisions de l’autorité judiciaire en matière civile et pénale. Elle contrôle et évalue l’ensemble des structures publiques et associatives accueillant les mineurs sous mandat judiciaire. Si le sujet que vous évoquez est d’importance, je ne suis pas certain que la PJJ ait un rôle à jouer. De surcroît, une enveloppe de 15 000 euros ne me semblerait guère efficace. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). C’est avant tout de coordination interne, et non de fonds supplémentaires, dont on a besoin. On parle beaucoup des féminicides, mais les infanticides sont un angle mort. L’objet de cet amendement est de permettre à la PJJ d’examiner comment on peut améliorer les choses. Si vous voulez ajouter des crédits, je n’y suis pas opposé, mais ce n’est pas nécessaire. Et je veux bien entendre que c’est n’est pas du ressort de la PJJ mais il faut s’occuper de ce problème. J’attends vos propositions dans ce sens d’ici à la séance.

M. Philippe Pradal (HOR). C’est un sujet très important. Il est impossible de ne pas être choqué par ces infanticides. Pour avoir été président d’une fondation pédiatrique, je sais qu’en cas de maltraitances, même non suivies de mort et même en l’absence de signalement ou de plainte, des informations sont systématiquement collectées et laissées à la disposition de la justice. S’il y a infanticide, les services de santé transmettent nécessairement les informations. Si je comprends l’objectif de l’amendement, je ne pense pas que ce soit dans le cadre de cette mission et avec un tel montant que l’on pourra régler le problème – auquel nous devrions sensibiliser davantage le secteur de la santé.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Justice non modifiés.

Article 44

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 44 non modifié.

Après l’article 44

Amendement II-CL111 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Cet amendement vise à obtenir un rapport sur les besoins en nombre de magistrats. Le Gouvernement se targue de soumettre au Parlement un budget en augmentation mais celui-ci n’en est pas pour autant suffisant. Plutôt que de comparer systématiquement le budget proposé à celui de l’année précédente ou à ce qui se faisait sous la précédente législature, nous proposons d’analyser les besoins réels et que le Parlement en soit informé, de sorte que le budget soit en adéquation avec la réalité du terrain.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous vous inquiétez de la situation des magistrats et de leurs conditions d’exercice. Cette préoccupation, nous la partageons : en témoignent le présent budget ainsi que les deux précédents. Vous insistez sur les besoins à satisfaire mais j’appelle votre attention sur la nécessité de former des magistrats de qualité. Prenons garde à ne pas dégrader la qualité de la justice dans notre pays. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Pour que nous puissions être conscients des besoins et adapter ensuite les formations, il faut bien que nous disposions de données précises – que nous n’avons pas. Je maintiens l’amendement.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Dans d’autres domaines, cela ne vous a posé aucun problème de recruter en masse et de diminuer le niveau de formation des personnels… Ce fut le cas sous la législature précédente, quand vous avez décidé d’embaucher 10 000 policiers. Attention à la réversibilité des arguments !

J’ai désormais le privilège de l’ancienneté. Il y a cinq ans, j’étais déjà là, et nous vous disions que, vu le niveau des besoins, il fallait construire des écoles – de police, de magistrats, de greffiers –, car, à défaut, on fixerait chaque année des limites au recrutement. Pendant cinq ans, nous avons tiré la sonnette d’alarme et la majorité n’en a fait qu’à sa tête. Je vous en veux !

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Il faut relativiser, cher collègue. On parle quand même de 1 500 magistrats en cinq ans : ce n’est pas une paille, et c’est de surcroît inédit ! En outre, la formation d’un agent de police n’est pas tout à fait comparable à celle d’un magistrat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL113 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). La question de la formation des professionnels de justice amenés à être en contact avec des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles a été abordée à plusieurs reprises. De plus en plus de femmes sont victimes de ce type de violences et il est impératif que les professionnels qui, de l’enquête préliminaire jusqu’au jugement, se trouvent en contact avec elles soient formés. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Le Gouvernement s’étant engagé à faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une cause nationale, cet amendement vise à ce que le personnel de justice, à chaque étape, bénéficie d’une telle formation, pour que les femmes puissent enfin être accueillies dans des conditions optimales.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Ayant choisi de consacrer la partie thématique de mon avis à la question de l’accès aux droits et de l’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales, je partage avec vous l’opinion que la formation des professionnels est une des clés pour améliorer l’accès aux droits des personnes victimes de violences sexuelles. Je crois néanmoins que la question se pose non pas tant pour les professionnels de justice, qui bénéficient d’une formation initiale, et, s’agissant des magistrats,  d’un module obligatoire sur les violences intrafamiliales lorsqu’ils changent de fonction – que pour d’autres catégories de professionnels. On attend des propositions dans ce domaine. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL112 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Cet amendement traite d’une difficulté rencontrée dans les territoires d’outre-mer. Certains justiciables qui parlent créole et ne maîtrisent pas bien le français ne comprennent pas toujours les personnes qui leur font face – officiers de police judiciaire, magistrats, greffiers – et, réciproquement, ne sont pas compris par eux. D’où une inégalité criante, puisque, si vous parlez une langue étrangère, on vous octroiera un interprète qui comprend et parle votre langue, mais ce ne sera pas le cas si vous parlez créole. Voilà des années que cela dure et personne ne s’en préoccupe. Il convient d’y remédier.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Les experts, notamment les interprètes, sont indispensables au bon fonctionnement de la justice. Des efforts budgétaires ont été faits en ce sens ces dernières années, leurs indemnités ayant été revalorisées. Cela se traduit par une hausse de 2 % des crédits dédiés aux frais de justice dans le présent projet de budget.

D’autre part, l’article D. 594-16 du code de procédure pénale permet de désigner en cas de nécessité une personne majeure n’étant ni interprète ni expert judiciaire : cela permet à la justice de fonctionner en l’absence d’experts judiciaires à strictement parler.

Avis défavorable.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). J’ai connaissance de cet article. Il en a été fait usage devant la juridiction du tribunal de Saint-Denis de La Réunion pas plus tard que la semaine dernière, un magistrat ne comprenant pas le prévenu. Mais, d’une part, ce n’est pas systématique, ce qui pose un problème d’égalité devant la justice, d’autre part, cela ne se fait que devant les juridictions et pas, par exemple, au stade de la garde à vue. S’il est écrit sur le procès-verbal tout à fait autre chose que ce qui a été dit, cela peut porter préjudice à la personne jugée.

La commission rejette l’amendement.

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La séance est levée à 23 heures 10.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, Mme Emeline K/Bidi, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Ludovic Mendes, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Davy Rimane

Assistait également à la réunion. - M. Philippe Schreck