Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique (n° 1072) (M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur)              2

         Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires (n° 952) (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure)                            37

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique (n° 1291) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur)                            47

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « Eau » et « Assainissement » (n°1294) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur)              47

  Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance (n° 1163) (MM. Paul Molac et Erwan Balanant, rapporteurs)                            47


Mercredi 
7 juin 2023

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 59

session ordinaire de 2022-2023

Présidence
de M. Sacha Houlié,
président


  1 

La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président

La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique (n° 1072) (M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/QSvJmB

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons ce matin deux propositions de loi, adoptées par le Sénat, qui seront examinées la semaine prochaine pendant la semaine de l’Assemblée à la demande du bureau de la commission. En effet, conformément à l’accord intervenu au sein de notre bureau, les propositions de loi transpartisanes, soutenues par au moins un groupe de l’opposition et de la majorité, peuvent faire l’objet d’un examen en commission puis dans le cadre d’une semaine de l’Assemblée ; c’est le cas de ces deux textes.

Nous commençons par la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Cette proposition de loi, déposée par les sénatrices Annick Billon, Martine Filleul et Dominique Vérien le 14 novembre 2022, a été adoptée par le Sénat le 5 avril dernier.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Je me réjouis que nous soyons réunis pour débattre de ce texte qui constitue une occasion précieuse de parachever l’arsenal juridique en faveur de l’accès des femmes aux emplois supérieurs et de direction dans la fonction publique.

Voici, tout d’abord, quelques chiffres qui témoignent à eux seuls de la nécessité de légiférer à nouveau en la matière. Les femmes représentent 57 % de la totalité des agents de la fonction publique d’État, contre 35 % des emplois supérieurs et de direction. Dans la fonction publique territoriale (FPT), ces proportions sont respectivement de 61 % et 39 %, et, dans la fonction publique hospitalière (FPH), de 78 % et 43 %. Par ailleurs, les écarts de salaires perdurent : ils sont de l’ordre de 10 % dans l’ensemble de la fonction publique. Des progrès importants doivent donc encore être accomplis.

Je remercie l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées, du côté des institutions comme des associations, pour leur précieux concours à nos travaux, mais aussi et surtout pour leur engagement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.

Je tiens également à remercier l’administratrice qui m’a accompagnée, ainsi que mon équipe. Les vingt heures d’auditions que nous avons menées dans un délai restreint ont été fructueuses.

Je remercie enfin, pour les échanges que nous avons eus, les sénatrices à l’origine du texte, Mme Billon, Mme Vérien et Mme Filleul, ainsi que Mme Françoise Dumont, rapporteure au Sénat.

L’accès des femmes aux emplois supérieurs et de direction fait l’objet d’une mesure contraignante depuis la loi du 12 mars 2012, dite loi Sauvadet. En application de l’article L. 132-5 du code général de la fonction publique, les primo-nominations dans les emplois supérieurs et de direction de la fonction publique « doivent concerner au titre de chaque année civile au moins 40 % de personnes de chaque sexe » – c’est-à-dire, concrètement, au moins 40 % de femmes.

À l’occasion des dix ans de l’application de cette loi, en juin 2022, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat a publié un rapport d’information évaluant ses principales dispositions. Les auteures, Mmes les sénatrices Filleul et Vérien, dont je tiens à saluer le travail, ont abouti à la conclusion que le « quota Sauvadet » avait permis d’importants progrès : le taux de primo-nominations féminines a franchi la barre des 40 % dans les trois versants de la fonction publique en 2020. Toutefois, la progression est trop lente et les améliorations enregistrées dans le taux de primo-nominations peinent à féminiser suffisamment les emplois supérieurs et de direction.

Les auteures ont ainsi invité à « changer de braquet » et déposé, le 14 novembre dernier, une proposition de loi transposant leurs principales recommandations, à savoir la suppression de toute dispense de pénalités financières en cas de non-respect des quotas de primo-nominations ; un rehaussement de 40 % à 50 % du taux de primo-nominations ; un élargissement du périmètre des emplois concernés et la création d’un index de l’égalité professionnelle, sur le modèle de celui qui existe dans le secteur privé.

À l’issue de l’examen au Sénat, la portée de la proposition de loi a été réduite. En particulier, le taux minimum de primo-nominations de personnes de chaque sexe a finalement été fixé à 45 % et les élargissements de périmètre n’ont pas été retenus. Néanmoins, le texte fixe la proportion minimale de personnes de chaque sexe au sein des emplois supérieurs et de direction de la fonction publique à 40 % – autrement dit, la disposition concerne aussi les personnes déjà en poste. Je salue cette évolution, que nous n’avions pas réussi à engager dans la loi de transformation de la fonction publique, en 2019.

Les amendements que j’ai déposés visent à renouer avec l’esprit de la rédaction initiale, plus ambitieuse que le texte adopté par le Sénat.

En revanche, certaines des évolutions que je souhaitais ne pourront pas faire l’objet d’amendements car elles ne relèvent pas du niveau législatif.

Premièrement, s’agissant de l’index de l’égalité professionnelle, il est indispensable que les données soient publiées en mars et qu’elles portent sur l’année n – 1. Durant les auditions, les difficultés que poserait une diffusion aussi rapide m’ont été exposées. C’est pourquoi je recommande que, pendant quatre ou cinq ans, l’index paraisse en juin ou en septembre – en tout état de cause, au même moment pour l’ensemble des versants de la fonction publique –, puis, lorsque le système informatique aura été adapté, la publication aura lieu en mars.

Deuxièmement, j’invite le Gouvernement à réfléchir à l’intégration, au sein des indicateurs, de critères relatifs aux violences sexuelles et sexistes. La loi de 2019 a imposé à l’ensemble des employeurs de se doter de dispositifs permettant de recueillir les signalements et d’accompagner les victimes de ce type de violences. Vous trouverez dans le rapport des chiffres reflétant la réalité de leur fonctionnement. Avoir la certitude d’être en sécurité au travail est un préalable indispensable à la construction de toute carrière.

Troisièmement, j’appelle à une évolution du fonds en faveur de l’égalité professionnelle, abondé par les contributions des employeurs publics ne respectant pas le taux de primo-nominations. Il est essentiel qu’il puisse cofinancer des projets émanant des réseaux associatifs, et non uniquement des administrations.

Quatrièmement, toutes ces dispositions doivent s’accompagner de révolutions managériales dans la fonction publique.

J’en viens aux amendements que je vous soumettrai.

Il me semble indispensable d’élargir le périmètre des emplois concernés par le dispositif de nominations équilibrées. En effet, les emplois fonctionnels au sein des juridictions administratives et financières ne sont pas concernés. Il en va de même pour les emplois supérieurs du Conseil économique, social et environnemental (Cese), ceux des centres de gestion, au niveau local, et des établissements de moins de cinquante agents, ainsi que pour les postes de chef de service et de chef de pôle au sein de la fonction publique hospitalière. Pour prendre le temps de dialoguer avec les institutions concernées et avec le Gouvernement, j’ai fait le choix de renvoyer cette question à la séance publique.

J’ai souhaité, néanmoins, déposer dès le stade de la commission un amendement ayant pour objet de consacrer, au sein de l’ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un principe d’égal accès des femmes et des hommes aux plus hauts emplois de la fonction publique parlementaire.

Les magistrats de l’ordre judiciaire sont également exclus du dispositif. Il faudrait, pour que le mécanisme leur soit applicable, passer par une loi organique. Cette disposition trouvera sa place dans le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, que nous examinerons prochainement.

Enfin, je vous proposerai plusieurs amendements visant à renforcer le caractère opérationnel du texte. À cet égard, je serai ouvert à certaines de vos propositions, chers collègues. Je me prononcerai également en faveur de l’accélération de l’entrée en vigueur du dispositif.

Favoriser l’exact l’égal accès des femmes et des hommes à la haute fonction publique répond à un triple enjeu. Il y va, d’abord, de l’égalité et de la lutte contre les discriminations. Il y va, ensuite, de l’exemplarité dont doit faire preuve la puissance publique – comment justifier le fait de demander plus au secteur privé qu’au secteur public ? Enfin, et surtout, il y va de l’amélioration de la construction et du pilotage des décisions publiques.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Émilie Chandler (RE). En septembre 2011, François Sauvadet, alors ministre de la fonction publique, présentait au Parlement un texte qui, dix ans plus tard, nous semble relever de l’évidence. La loi a notamment introduit un taux minimum de 40 % de primo-nominations de femmes aux postes à responsabilité dans la fonction publique. Cette proposition de loi est une manière de poursuivre le combat que nous menons depuis longtemps en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Entre sa version initiale et celle que nous examinons, le texte a été aménagé par le Sénat. Il traduit une ambition : faire en sorte que les femmes ayant choisi de travailler dans la fonction publique – d’État, territoriale ou hospitalière – soient certaines que leurs compétences seront reconnues à leur juste valeur. Il ne s’agit pas d’ériger une barrière : l’enjeu est de garantir une action publique de qualité et répondant aux attentes de nos concitoyens. Les femmes constituent le socle de la fonction publique ; il importe de leur ouvrir des perspectives. Alors qu’elles représentent 62 % des 5,66 millions d’agents, elles n’occupent que 33 % des postes de hauts cadres de l’administration.

Le Gouvernement a mis en place des programmes, comme celui qui est dénommé « Talentueuses », qui vise à aider les femmes à parvenir à de nouveaux postes à responsabilité. Il a pour objet, entre autres, d’atteindre les objectifs de primo-nominations et d’élargir le vivier de femmes compétentes susceptibles d’occuper ces postes – et pas seulement en fin de carrière. Il y va de la pérennisation des compétences et de la bonne administration publique.

Nous demandons aux entreprises de faire des efforts, notamment en publiant un index de l’égalité professionnelle. Celui-ci se concentre d’ailleurs sur les revenus : son contenu doit évoluer à mesure que nous comprenons mieux les attentes des femmes ainsi que les discriminations auxquelles elles sont confrontées dans leur milieu professionnel. Une réflexion doit être menée à cet égard, notamment en ce qui concerne la détection et la prise en charge des violences sexistes et sexuelles au sein de chaque ministère. La majorité présidentielle est particulièrement attentive à ce que ces questions soient prises en compte dans l’index.

Par ailleurs, si nous avons entendu les réticences de l’administration à ce que l’index se rapportant à l’année antérieure soit publié en mars, il est important, si l’on veut que cet outil ait un réel impact sur les employeurs, tant privés que publics, que l’on se dirige vers une publication conjointe, ou à tout le moins proche. Cela permettra d’inciter chacun à faire mieux.

Je tiens à souligner le rôle majeur que jouent les nombreuses associations œuvrant en faveur de l’égalité professionnelle dans la fonction publique. Elles mènent un travail de sensibilisation tout autant que d’apprentissage auprès des femmes qui souhaitent gravir les échelons.

La majorité présidentielle s’est attachée à susciter des évolutions dans le secteur privé ; il faut faire plus et mieux, et l’État doit montrer l’exemple.

Les amendements que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, contribuent à améliorer le texte. Ils permettront de renforcer sa portée et son efficacité.

Le groupe Renaissance votera en faveur de ce texte qui fait avancer notre pays et la cause des femmes.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Mes collègues et moi-même nous attendions à trouver dans ce texte des idées en matière d’orientation, d’études et d’accès aux diplômes. Or il ne contient rien de tout cela. Il ne s’agit que d’imposer et non d’inciter. C’est regrettable.

L’idée du texte nous paraît fondée, mais les dispositions qui y figurent ne sont pas à la hauteur des attentes des Français, en particulier de celles des femmes. Il ne fait qu’instaurer des quotas, parfois discriminatoires, sous couvert de lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la fonction publique.

La première limite du texte tient au fait qu’il ne semble pas prendre en compte les inégalités territoriales en matière d’accès à la fonction publique. Si certaines administrations sont peuplées de davantage de femmes que d’hommes, d’autres en manquent. Du reste, comme le prouvent les chiffres de l’Insee, les femmes sont majoritaires : elles représentent au total 64 % des agents de la fonction publique – 62,3 % dans la fonction publique d’État, 75,7 % dans la fonction publique hospitalière et 59,4 % dans la fonction publique territoriale. À Marseille et dans le département des Bouches-du-Rhône, où je suis élue, les postes de direction générale sont occupés en majorité par des femmes. Allez-vous les renvoyer pour respecter la parité ?

On est en droit de s’interroger sur l’utilité véritable de cette proposition de loi. Plus encore, certains des amendements sont inquiétants, voire honteux : s’ils étaient adoptés, les discriminations se trouveraient aggravées. En outre, ils ne tiennent aucun compte des réalités territoriales. Retirez-les, s’il vous plaît.

Le groupe Rassemblement national ne peut qu’alerter sur cette logique de discrimination. En tant que femme, j’aimerais que l’on me choisisse pour occuper un poste dans la fonction publique non pas pour la simple raison que je suis une femme, mais parce que je suis compétente. En faisant le contraire, on envoie aux femmes un signal désastreux. Les femmes travaillant dans la fonction publique doivent être reconnues pour leurs compétences et pour rien d’autre. De la même manière, nous nous opposons à ce qu’un homme soit discriminé, sous prétexte qu’il est un homme, s’il possède de plus grandes compétences. Dans les deux cas, vous renvoyez les gens à leur sexe et non à leurs compétences. C’est inadmissible ! Au Rassemblement national, nous croyons à la force du mérite.

Qu’est-ce qu’un État qui choisit des fonctionnaires en fonction de quotas plutôt que de leur mérite personnel ? Face à la discrimination positive que vous tentez d’instaurer, c’est tout naturellement que se pose la question de l’efficacité de notre fonction publique. Quelles en seront les conséquences pour nos concitoyens ? Les Français ne peuvent pas se payer le luxe d’avoir affaire à une fonction publique tributaire des quotas, qui plus est à l’heure où l’État peine tant assumer son rôle dans le domaine administratif.

Le Rassemblement national ne pourra donc pas voter en faveur de cette proposition de loi déconnectée de la réalité et discriminatoire. Les femmes sont majoritaires au sein de la fonction publique, toutes catégories confondues ; nous pouvons nous en réjouir. Dans les rares endroits où ce n’est pas encore le cas, il suffira de quelques années pour trouver le bon équilibre, tout simplement grâce aux évolutions de carrière. Nul besoin d’introduire des dispositions intenables car beaucoup trop strictes. Certains territoires font ce qu’ils peuvent pour embaucher. Leur imposer des quotas sur la base d’une idéologie poserait des difficultés de recrutement évidentes. Il convient de l’éviter.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Ce texte traite de la place occupée par les femmes dans la fonction publique, plus particulièrement aux postes de direction et d’encadrement. Mon groupe se concentre davantage, d’ordinaire, sur les conditions de travail des femmes se situant au bas de l’échelle socioprofessionnelle. Force est toutefois de constater que les femmes très diplômées restent elles aussi confrontées aux obstacles et aux discriminations dans le monde du travail, y compris dans la fonction publique.

Les mesures imposées depuis dix ans par la loi Sauvadet n’ont toujours pas permis d’atteindre la parité dans la fonction publique. Seul un tiers environ des emplois de direction et d’encadrement y sont occupés par des femmes, et dans les ministères historiquement masculins, comme celui de l’économie et des finances, c’est encore moins. Il est donc temps de passer à la vitesse supérieure. C’est ce qu’ont rappelé le mois dernier les autrices de la proposition de loi, lors de leur audition par la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce texte est donc le bienvenu, puisqu’il apporte des améliorations nécessaires à la loi Sauvadet.

Nous déplorons en revanche que sa portée ait été revue à la baisse par plusieurs amendements, dont beaucoup émanaient du Gouvernement. M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques avait pourtant affiché de belles ambitions en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes le 9 mars. On peine à les retrouver dans ces modifications.

Pourquoi, par exemple, avoir refusé d’imposer un taux de 50 %, c’est-à-dire une réelle parité, pour les primo-nominations ? Le texte prévoyait même la possibilité, dans certaines situations, d’aller jusqu’à 60 % de personnes appartenant au sexe sous-représenté, afin d’accélérer le rééquilibrage. Or la commission des lois du Sénat a baissé le seuil à 45 %, et la justification de ce choix a donné lieu à un festival d’arguments de mauvaise foi.

Les difficultés ne s’arrêtent pas là : pourquoi avoir prévu de si nombreuses dérogations pour les employeurs ne respectant pas leurs obligations légales ?

L’article 1er supprime la dérogation dont bénéficient les employeurs qui ne respectent pas les quotas de primo-nominations mais ont au moins 40 % de personnes de chaque sexe dans leurs équipes. Pourquoi avoir reporté à 2029 l’entrée en vigueur de cette mesure ? Pourquoi perdre autant de temps, alors même que 40 %, ce n’est pas la parité ? Cela risque d’instaurer un statu quo et d’entraver, dans les années à venir, la marche vers la parité.

Bref, dans sa version actuelle, le texte ne permettra pas d’atteindre la parité réelle dans la haute fonction publique. Il faut restaurer l’ambition initiale, voire aller plus loin. Nous avons donc déposé des amendements visant à augmenter la portée de la proposition de loi.

Le texte s’attaque également aux inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans la fonction publique, et pas uniquement aux postes les plus élevés. L’article 4 prévoit ainsi la création d’un index de l’égalité professionnelle, sur le modèle de l’index Pénicaud, qui existe dans le privé depuis quelques années. Sur ce point aussi nous vous alertons : si le texte est voté en l’état, il est illusoire de penser que les inégalités salariales dans la fonction publique se réduiront. En effet, l’index Pénicaud a démontré son inefficacité totale à cet égard. Comment peut-on, dès lors, se contenter de créer son équivalent dans la fonction publique et s’attendre à de meilleurs résultats ? Nous vous proposons donc un amendement à l’article 4 qui permettra de préciser les données et les modes de calcul imposés aux employeurs soumis à ce nouvel index. Rassurez-vous, cet amendement n’est pas uniquement l’œuvre de dangereux gauchistes : il s’inspire de recommandations formulées par Marie-Pierre Rixain, députée de la majorité. Il est aussi fondé sur des préconisations du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Si vous voulez que ce texte représente davantage qu’une énième opération de communication en matière d’égalité femmes-hommes, prenez en considération nos amendements, seuls garants d’un véritable progrès vers l’égalité professionnelle.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je salue le travail accompli par le Sénat sur ce texte et profite de l’occasion pour souligner à quel point l’égalité entre les femmes et les hommes est un enjeu trop important pour être réduit à de la polémique politicienne. C’est un sujet qui mérite un travail de fond et pour lequel il est important que nous avancions. L’État – j’utilise le terme dans son acception la plus large – s’en est saisi il y a plus de dix ans. Les choses progressent, quoique pas toujours assez vite ni de façon satisfaisante. Il faut continuer à avancer. C’est dans cette logique que s’inscrit le groupe Les Républicains. Nous voyons donc d’un bon œil l’ensemble des mesures inscrites dans la proposition de loi. Nous soutiendrons également certaines des positions du rapporteur, moyennant quelques corrections – je pense, notamment, à l’amendement de Mme Anthoine que nous défendrons tout à l’heure.

Toutefois, nous devons aussi nous interroger sur les raisons de fond de la persistance de certaines inégalités. Je pense davantage aux salaires qu’à l’exercice de responsabilités. À cet égard, certains métiers sont très spécifiques ; on y accède en passant par des filières de recrutement particulières, et ce processus conduit mécaniquement à un déséquilibre dans la représentation des sexes. Le vrai combat pour l’égalité ne consistera pas forcément à parvenir à la parité dans la représentation des sexes : il s’agira plutôt de réfléchir à un meilleur équilibre entre les grilles indiciaires des différentes filières. Le phénomène est criant dans les collectivités territoriales : dans l’ensemble, l’équilibre entre les sexes est respecté, mais il ne l’est pas dans des secteurs comme le médico-social et dans les métiers techniques ou administratifs. Qui plus est, ces déséquilibres se traduisent par des différences salariales dans l’ensemble de l’administration.

Il faut engager un travail sur cette question, tout en gardant présent à l’esprit le fait qu’il y a un rapport entre les grilles indiciaires et le marché du travail, et que cet élément est déterminant en ce qui concerne la capacité des collectivités et des administrations à attirer des vocations. Dans la mesure où certaines compétences sont moins disponibles que d’autres, il est logique qu’elles soient plus valorisées sur le plan du salaire. Toutefois, il n’y a absolument aucune raison pour que cela se traduise par des différences aussi importantes entre les filières.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). L’article 1er de la Constitution dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. » Plusieurs textes ont contribué à faire progresser la parité et à favoriser l’accès des femmes aux postes à responsabilité, comme la loi du 12 mars 2012, dite loi Sauvadet, qui impose un taux minimal de femmes et d’hommes parmi les personnes nommées pour la première fois aux principaux emplois supérieurs et de direction de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière.

Toutefois, dix ans après l’adoption de la loi, un bilan d’application réalisé en juin 2022 par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes du Sénat a mis en évidence certaines lacunes dans la mise en œuvre de la parité au sein de la fonction publique et a préconisé d’aller encore plus loin en renforçant les politiques publiques visant à promouvoir la parité et à garantir une représentation équilibrée des femmes dans ce secteur.

Un tiers seulement des emplois à responsabilité sont occupés par des femmes dans la fonction publique d’État. La proportion de femmes ayant un emploi de catégorie supérieure n’est que de 32 % au ministère de l’intérieur, 31 % au ministère de la culture et 27 % au ministère de l’économie et des finances. Concernant la fonction publique territoriale, on compte 20 % de femmes à des postes de directeur général des services et seulement 15 % à des postes de directeur général des services techniques, alors que les femmes représentent 59 % des fonctionnaires. Il en va de même dans la fonction publique hospitalière : les femmes exercent 27 % des emplois fonctionnels de directeur d’hôpital, alors qu’elles occupent, au total, plus de 76 % des postes. Force est de constater que le ratio est quelque peu déséquilibré. De plus, ces disparités dans l’attribution des postes ont également un impact sur la rémunération.

L’enjeu de la représentation des femmes, dans tous les secteurs d’activité – et à plus forte raison dans la fonction publique –, est crucial pour le groupe Démocrate. C’est pourquoi nous saluons l’initiative de la présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, Annick Billon, et des sénateurs, qui ont défendu un texte allant dans ce sens.

Cette proposition de loi visant à élargir les obligations paritaires des employeurs publics, à renforcer les sanctions et à consolider la mobilisation autour d’une politique de l’égalité professionnelle et salariale ambitieuse dans la fonction publique reprend les quatre recommandations formulées par la délégation aux droits des femmes du Sénat lors du bilan des dix années de l’application de la loi Sauvadet, et je m’en réjouis. Le texte prévoit de supprimer la dispense de pénalités financières en cas de non-respect de l’obligation de nominations équilibrées ; de porter à 45 % le taux de femmes dans les primo-nominations aux emplois supérieurs des trois versants de la fonction publique ; d’élargir le périmètre des emplois assujettis à l’obligation de nominations équilibrées et de mettre en place dans le secteur public un index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Néanmoins, certaines des évolutions apportées durant l’examen du texte au Sénat posent question. Il convient en effet de conserver le volontarisme qui caractérisait le texte initial. Considérer qu’il serait ambitieux de fixer à 50 % l’objectif en matière de primo-nominations est quelque peu inconvenant au regard du travail qu’il faut accomplir pour accroître la complémentarité et l’équilibre entre les femmes et les hommes dans notre société, et compte tenu du nombre de femmes occupant des postes à responsabilité dans la fonction publique.

Je tiens à saluer le travail de M. le rapporteur. Le groupe Démocrate est favorable à toutes les démarches de nature à rendre la parité effective, à plus forte raison lorsque l’État est concerné, puisque celui-ci a un devoir d’exemplarité.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Si cette proposition de loi fait penser à l’énoncé d’un problème mathématique, elle n’en a pas moins un objectif important, à savoir tenter d’atteindre enfin la parité dans la fonction publique. Je remercie à cet égard Martine Filleul, qui a travaillé avec Annick Billon et Dominique Vérien sur ce texte essentiel. Je salue également la délégation aux droits des femmes du Sénat pour son travail, dont il convient de souligner la qualité.

Les femmes continuent à rencontrer de grandes difficultés à accéder aux responsabilités dans la fonction publique. Certes, le taux de 40 % de primo-nominations imposé par la loi Sauvadet a été atteint pour la première fois en 2020 dans les trois fonctions publiques, mais ce chiffre élude des écarts importants selon les versants de la fonction publique et selon les types et cadres d’emploi. Par ailleurs, les femmes n’occupent qu’un tiers du stock d’emplois d’encadrement supérieurs et de direction. L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes persiste également dans la fonction publique : il était de 11,8 %, en moyenne, en 2020.

Nous regrettons que les ambitions de la proposition de loi aient été revues à la baisse par la rapporteure au Sénat, et demandons le retour à un texte plus exigeant, avec le relèvement du taux et l’élargissement du champ du dispositif. Nous saluons toutefois le renforcement de la mesure relative à l’index de l’égalité professionnelle et celui de l’obligation de nominations équilibrées par l’introduction d’une règle portant sur le stock d’emplois.

Les amendements que nous défendrons sont similaires à ceux qu’avait déposés notre collègue Marie-Noëlle Battistel pendant les débats autour de la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, devenue la loi Rixain. Nous avons perdu deux ans ; il est temps d’avancer en se donnant pour ambition de renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Nous appuierons donc ce texte.

Nous demandons que l’index de l’égalité professionnelle soit publié sur le site internet des collectivités. Par ailleurs, il serait utile de disposer d’un document consolidé pour chacune des trois fonctions publiques, genré et présenté par décile, de manière à donner une vision claire de la situation des femmes dans la fonction publique.

L’enjeu du texte est de faire en sorte que la puissance publique respecte son devoir d’exemplarité. Le pilotage de la fonction publique doit sans doute être amélioré, et l’approche paritaire, grâce à la diversité qu’elle introduit, contribue à prendre des décisions plus équilibrées : vous avez raison, monsieur le rapporteur.

Le texte doit également contribuer à remédier, de manière incidente, certes, mais efficace – du moins, je l’espère – au problème d’attractivité de la fonction publique, qui doit tous nous interroger. Toutefois, cela ne suffira pas : comme l’a dit M. Schellenberger, il faut revoir les rémunérations et les filières, voire en créer de nouvelles pour accroître l’attractivité.

Les femmes occupent 62 % des emplois de la fonction publique, mais représentent seulement 30 % des hauts cadres. Nous devons avoir en permanence un regard exigeant pour que les femmes ne se retrouvent pas systématiquement au bas de l’échelle.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Merci, monsieur le rapporteur, pour votre investissement dans ce domaine.

Le groupe Horizons et apparentés salue le travail effectué par la délégation aux droits des femmes du Sénat à l’occasion des dix ans de l’application de la loi Sauvadet. Celle-ci a imposé un taux minimal d’hommes et de femmes parmi les personnes nommées pour la première fois aux principaux emplois supérieurs et de direction de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. Depuis 2017, ce taux est fixé à 40 %. Il a été atteint pour la première fois en 2020 dans les trois versants de la fonction publique. C’est une petite victoire, bien que l’année 2020 paraisse bien récente au regard de la date d’entrée en vigueur de l’obligation…

En outre, force est de constater que la féminisation des emplois supérieurs dans la fonction publique demeure extrêmement variable selon les types d’emploi, les versants et les ministères. À titre d’exemple, quatre départements ministériels ont dû s’acquitter en 2020 de pénalités financières, à hauteur de plus de 1 million d’euros. De la même manière, dans la fonction publique hospitalière, les femmes demeurent moins nombreuses aux postes considérés comme les plus « prestigieux », puisque l’on compte seulement 27 % de femmes directrices d’hôpital et 39 % aux postes de directeur de centre hospitalier universitaire (CHU). Oui, le nombre de femmes occupant des postes à responsabilité progresse, mais bien trop lentement.

Afin d’accélérer la féminisation de ces postes, le texte propose de « changer de braquet » et d’adopter plusieurs mesures phares : la systématisation des pénalités financières à l’encontre des employeurs ne respectant pas l’obligation de nominations équilibrées ; le relèvement à 45 % du taux de personnes de chaque sexe pour les primo-nominations aux emplois supérieurs et de direction ; l’élargissement du champ d’application de la loi ; l’instauration d’un taux minimal de 40 % de personnes de chaque sexe dans les emplois concernés par l’obligation de nomination ; l’instauration d’un index de l’égalité professionnelle et l’ajustement des seuils de publication des dix plus hautes rémunérations.

Cette proposition de loi, enrichie avec sérieux par nos collègues sénateurs – et nous y contribuerons nous aussi – constitue un prolongement naturel de la loi Sauvadet. Elle permettra d’accélérer la féminisation des postes à responsabilité dans le secteur public, ce qui était nécessaire.

Il paraît tout à fait logique que la fonction publique s’aligne sur le secteur privé en ce qui concerne les obligations de transparence en matière d’égalité professionnelle, notamment grâce à l’index. Il faut franchir une nouvelle étape : l’État – à travers ses services centraux, déconcentrés et décentralisés – est le premier employeur de France. Il se doit donc d’être exemplaire, de montrer le chemin. N’oublions jamais que la fonction publique est l’une des richesses de notre pays : 5,7 millions de personnes s’engagent au quotidien dans nos services publics, partout sur le territoire. Nous nous devons de renforcer l’attractivité et l’efficacité de la fonction publique. Le chemin est encore long, mais cette proposition de loi contribue à avancer. Nous soutiendrons tout naturellement ce texte.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Les chiffres rappelant les différences entre les femmes et les hommes dans l’emploi ont été cités. Les combats des femmes et de leurs alliés ont permis de changer la situation : alors qu’aucune femme n’occupait un poste à responsabilité, quelques-unes y ont d’abord accédé, et l’on en compte désormais environ 40 %. Majoritairement, elles sont plus diplômées que les hommes occupant des postes équivalents.

Pourtant, on entend encore des gens dire, y compris au sein de cette assemblée, qu’il faudrait que l’avancement soit fondé exclusivement sur les compétences, et que des mesures comme celles qui sont proposées relèvent de la discrimination. Or les compétences en question sont avérées : il convient d’aider les femmes qui les détiennent à progresser. Faire cela, ce n’est pas pratiquer la discrimination, c’est restaurer l’égalité. À poste égal, les femmes sont plus diplômées que les hommes. Elles occupent deux fois moins de postes à responsabilité, et la différence de salaire se situe aux alentours de 30 %. L’objet de la proposition de loi est de résoudre ces problèmes.

Si elles avaient entendu certains des propos tenus ce matin, par exemple celui selon lequel la méritocratie consiste à mettre tout le monde au même niveau, les pionnières telles qu’Olympe de Gouges ou Simone Veil – pour citer une figure plus proche de nous et qui siéra peut-être plus à la droite – auraient ri jaune ! La société a instauré des différences, créé des plafonds de verre et empêché de nombreuses femmes d’avancer. Il est de notre devoir, en tant que législateur, de lever ces obstacles, conformément à notre devise : Liberté, Égalité, Fraternité – peut-être devrions-nous d’ailleurs ajouter Sororité. Nous essaierons d’avancer à travers plusieurs amendements que nous avons déposés.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Je serai brève car mes collègues ont déjà dit l’essentiel – je remercie en particulier Pascale Martin et Sandra Regol.

Il est vrai que, lorsque notre groupe aborde la question de l’égalité professionnelle, il se concentre en général sur la revalorisation des métiers très féminisés, car il considère que c’est là que se situe le cœur des inégalités salariales et professionnelles. Je veux parler de toutes les femmes qui ont été très applaudies et félicitées pendant le covid, mais qui attendent toujours une revalorisation. Dans la fonction publique aussi cette question est centrale, puisque les femmes y sont majoritaires, mais leur présence est concentrée dans les métiers considérés comme féminins, c’est-à-dire ceux des filières sociale, médico-sociale et administrative, ou encore les métiers du soin. C’est sur ce point qu’il conviendra d’agir.

Cela ne veut pas dire que nous nous désintéressons de l’enjeu abordé à travers ce texte, à savoir la parité dans les postes de direction de la fonction publique. Les propositions initiales des sénateurs et des sénatrices allaient dans le bon sens ; il est dommage qu’un recul ait eu lieu. Si l’on veut pallier efficacement les manques et les échecs de la loi Sauvadet, il faut retrouver l’ambition initiale de la proposition de loi. Ce sera notre objectif durant l’examen du texte.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires accueille favorablement ce texte. Si la loi Sauvadet a entraîné des améliorations significatives, il est possible d’aller plus loin. Il serait opportun de revenir sur quelques reculs entérinés par le Sénat, notamment l’abaissement du quota de primo-nominations du sexe sous-représenté à 45 %, contre 50 % dans la proposition initiale, seuil qu’un de nos amendements vise à restaurer. En outre, le délai de six ans pour supprimer les dispenses de pénalités financières est trop long : il faut aller plus vite. Dans l’ensemble, nous soutenons la philosophie du texte et nous remercions le rapporteur et nos collègues pour leur travail.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Madame Lelouis, au moins notre désaccord total est-il clair : quand nous nous battons contre les inégalités entre les femmes et les hommes, vous parlez d’inégalités territoriales et de protection de la méritocratie. Vous niez les inégalités qui existent dans notre société entre les femmes et les hommes. Je vous invite à lire le rapport et à vous attarder sur les chiffres que j’ai évoqués : dans la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière, 57 %, 61 % et 78 % des agents sont des femmes, mais celles-ci n’occupent que 35 %, 39 % et 43 % des emplois supérieurs. Un rapport sur la fonction publique hospitalière vient de sortir : 85 % des femmes médecins qui y travaillent disent avoir déjà fait l’objet de violences ou de harcèlement sexuels ou sexistes, ce qui est particulièrement grave. Le problème ne tient pas tant à des inégalités territoriales qu’à des inégalités tout court, lesquelles touchent l’ensemble du pays. Il importe donc de les corriger.

Vous refusez de lutter contre ces phénomènes, ce qui n’est pas une surprise venant de votre groupe qui ne veut jamais agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qu’il s’agisse du droit d’accès à la santé et à l’éducation ou du combat contre les inégalités professionnelles. Dans ce dernier domaine, il est nécessaire de mener des politiques volontaristes : je vous invite à écouter les interventions des représentants des groupes. Le travail à mener, long et difficile, appelle des actions opérationnelles. Les viviers existent, le problème réside dans les nominations. Enfin, de telles mesures doivent être accompagnées de dispositions visant à renforcer l’attractivité et l’accès des femmes à des métiers actuellement très déséquilibrés : nous avons déployé plusieurs plans dans cette optique, l’action n’étant pas législative en la matière. Le renforcement de l’accès des femmes aux postes à responsabilités est essentiel pour améliorer l’élaboration de la décision publique et disposer de modèles qui inciteront d’autres femmes à déposer leur candidature à de tels postes.

Madame Martin, je partage votre volonté de restaurer certaines des ambitions initiales de la proposition de loi ; j’ai déposé des amendements en ce sens, après m’être concerté avec Mmes Regol et Anthoine. Il convient également d’introduire dans le texte des avancées qui n’y ont jamais figuré. Des dispositions sont actuellement mises en œuvre pour améliorer les conditions de travail des femmes, notamment dans le domaine des violences sexuelles et sexistes (VSS) dans lequel nous devons encore progresser. J’ai déposé un amendement visant à ce que les centres de gestion effectuent une mission d’accompagnement obligatoire des collectivités territoriales pour l’élaboration des plans Égalité et l’instauration de cellules de lutte contre les VSS. Je ne partage pas votre vision particulièrement négative de l’index de l’égalité professionnelle : il est vrai qu’il ne peut pas tout et qu’il ne peut fonctionner que s’il est accompagné de politiques volontaristes de renforcement de l’égal accès aux formations et à la construction des carrières, mais il va dans le bon sens – nous reviendrons sur cette question lors de l’examen de votre amendement sur le sujet.

Monsieur Schellenberger, vous avez pointé à très juste titre les déséquilibres observés dans certaines filières, notamment techniques, au sein de la fonction publique territoriale. Même si le sujet ne relève pas de la loi, il importe que nous menions un travail de rééquilibrage dès le début des carrières et des formations.

Article 1er (article L. 132-9 du code général de la fonction publique) : Suppression de la dispense de pénalités financières en cas de non-respect de l’obligation de nominations équilibrées aux emplois supérieurs de la fonction publique

Amendement de suppression CL3 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Je défendrai en même temps les amendements CL4, CL5 et CL6.

Vous déplorez que des inégalités persistent entre les hommes et les femmes dans l’accès aux postes à responsabilités au sein de la fonction publique, et vous souhaitez que le législateur y remédie. Or il apparaît injuste d’adopter une mesure législative pour imposer la parité à de tels postes. En effet, une telle disposition enverrait le signal que les femmes accèdent à ces emplois en raison de leur sexe et non grâce à leurs seules compétences ; elle discriminerait en outre des hommes qui auraient davantage de compétences à cause de leur sexe. Enfin, dans l’éventualité où il n’y aurait pas suffisamment de femmes candidates à ces postes, risque-t-on de les laisser vacants le temps que l’on trouve une femme à nommer ?

En 2016, la fonction publique comptait 5,48 millions d’agents : près de 62 % des postes étaient occupés par des femmes – 55 % dans la fonction publique d’État, 61 % dans la fonction publique territoriale et 78 % dans la fonction publique hospitalière. Les femmes ne semblent donc pas lésées en termes d’emploi dans la fonction publique. À travers ses amendements ma collègue Lorho entend souligner l’incohérence des mesures de la proposition de loi, lesquelles risquent de n’apporter qu’une équité de surface tout en constituant une injure à l’intelligence des femmes, en plus d’être discriminantes à l’encontre des hommes qualifiés.

Pour ces raisons évidentes, nous vous demandons de voter nos amendements.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Les inégalités sont bien réelles. Vous avez dit que je les défendais, mais ce n’est pas le texte qui les promeut, c’est la société qui les organise. Elles sont mesurables, et nous tentons de les corriger pour améliorer la décision publique. Je ne nie pas que la fonction publique soit très féminisée, mais il y a un fort déséquilibre entre les femmes et les hommes pour les 6 000 emplois à fortes responsabilités, puisque les hommes occupent deux tiers de ces postes : ce sont ceux-là que vise la proposition de loi. Ce périmètre sera d’ailleurs élargi à d’autres emplois.

Je suis évidemment défavorable aux amendements de suppression des articles 1er et 2, car ils dévitaliseraient le texte et le rendraient inopérant.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous voterons évidemment contre cet amendement de suppression, qui présente néanmoins le mérite de montrer le véritable visage du Rassemblement national, à savoir celui d’un parti absolument pas féministe. D’ailleurs, aucun des seize livrets de campagne de Marine Le Pen ne faisait référence à l’égalité entre les femmes et les hommes : de toute évidence, il ne s’agit pas d’un objectif pour le Rassemblement national. Tous les votes des membres de ce parti l’attestent, y compris au sein du Parlement européen : ses parlementaires se sont ainsi opposés à une proposition de résolution visant à instaurer des formations de lutte contre le harcèlement, notamment dans les institutions européennes ; à l’Assemblée nationale, les députés de ce groupe ont émis une énorme réserve contre la constitutionnalisation du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et ont ressorti la vieille lune de la politique nataliste. Le Rassemblement national n’a pas de programme féministe et ne défend pas les femmes.

Mme Marie-France Lorho (RN). Nos amendements ne sont pas dirigés contre les femmes. La société et les mentalités ont heureusement évolué, et les femmes ont désormais autant de diplômes que les hommes. Nous voulons simplement vous mettre en garde contre le danger d’un basculement qui empêcherait un homme plus compétent d’obtenir un poste.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL59 de M. Guillaume Gouffier Valente, CL7 de Mme Sandra Regol, CL19 de Mme Pascale Martin, CL38 de Mme Cécile Untermaier et CL68 de Mme Émilie Chandler.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. La loi Sauvadet, renforcée par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, a instauré un quota de 40 % de femmes dans les primo-nominations, que la proposition de loi proposait initialement de porter à 50 % et que le Sénat a fixé à 45 %. Le non-respect de ce quota entraîne des pénalités financières, auxquelles les employeurs publics peuvent échapper dans certaines conditions, notamment la présence de viviers comprenant au moins 40 % de femmes. La proposition de loi telle que votée par le Sénat fixe au 1er janvier 2029 la date de la suppression de ces dispenses, alors que la rédaction initiale du texte prévoyait cette disparition dès la promulgation de la loi.

J’ai déposé un amendement visant à reprendre la disposition mais, après certains échanges avec des collègues, le Gouvernement et mon équipe, et compte tenu de mes autres propositions tendant à reprendre le quota de 50 % et à accélérer certains dispositifs, mais aussi des amendements CL8 de Sandra Regol et CL1 d’Emmanuelle Anthoine fixant la suppression des dispenses en 2025 pour le premier et en 2027 pour le second, j’ai décidé de retirer mon amendement au profit de celui de Mme Anthoine, car 2027 est la date que nous avons retenue pour imposer la présence d’au moins 40 % de femmes dans les viviers.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur, mais l’égalité attend depuis plus de 2 000 ans, donc je n’ai pas l’impression que nous avancions trop vite. Je maintiens l’amendement car nous ne sommes jamais trop ambitieux. La proposition de loi est minimaliste par rapport aux besoins réels – à compétences équivalentes, les femmes sont plus diplômées que les hommes mais ont moins accès aux postes à responsabilités à cause de facteurs culturels très ancrés –, donc refuser d’aller vite revient à accepter de stagner, c’est-à-dire de régresser.

Les sénateurs ont tiré vers le bas une proposition de loi intéressante, donc nous avons intérêt à nous montrer ambitieux si nous voulons obtenir un texte correct.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Comme vient de le dire Sandra Regol, les choses n’avancent pas si vite que cela. Attendre quatre voire six années supplémentaires pour que les dispenses de pénalités financières disparaissent est inenvisageable car il est inacceptable que les employeurs ne respectent pas les quotas de primo-nominations et qu’ils ne soient pas sanctionnés rapidement s’ils enfreignent cette obligation.

Repousser l’entrée en vigueur de la suppression des sanctions entre en contradiction avec les propos de Stanislas Guerini, qui a dit vouloir accélérer la mise en œuvre de la parité dans la fonction publique. L’amendement vise donc à revenir à la proposition de loi initiale et à prévoir que les dispenses de sanctions financières soient supprimées dès la promulgation de la loi.

M. Hervé Saulignac (SOC). Il arrive à tout rapporteur de constater que son propre texte peut être amélioré : la date du 1er janvier 2029 est tellement éloignée qu’elle jette la suspicion sur la volonté du législateur ; le choix du 1er janvier 2027 n’est que légèrement meilleur si nous voulons afficher une volonté transpartisane d’accélérer l’égal accès des femmes et des hommes aux postes à responsabilité. Nous maintenons notre amendement car nous voulons rester ambitieux ; nous sommes ouverts à la discussion et nous aurions accepté un délai de quelques mois voire d’une année après la promulgation de la loi, mais fixer l’échéance à 2027 ou à 2029 n’est pas heureux.

Mme Émilie Chandler (RE). Mon amendement vise à supprimer l’alinéa aux termes duquel les dispenses de pénalités financières prendront fin le 1er janvier 2029, afin que cette suppression intervienne dès la promulgation de la loi, comme le prévoyait la rédaction initiale de la proposition de loi. Celle-ci vise à inciter les collectivités territoriales, la fonction publique d’État ainsi que les différentes administrations à respecter les quotas de primo-nominations. J’ai cependant bien pris note de vos arguments, monsieur le rapporteur, et je retire mon amendement.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Madame Martin, on ne repousse pas les sanctions, qui existent déjà ; l’alinéa porte sur la dispense de sanctions dont peuvent bénéficier les employeurs qui ne sont pas loin d’atteindre l’équilibre dans les primo-nominations : si nous adoptons le seuil de 50 % de femmes dans les primo-nominations, les employeurs concernés seront ceux disposant d’un vivier comprenant au moins 40 % de femmes. Les employeurs qui ne possèdent pas un tel vivier sont déjà sanctionnés ; la sanction et la dispense vont ensemble et sont toutes les deux utiles.

Dans les faits, la dispense de sanction est peu appliquée ; une seule a bénéficié aux collectivités territoriales et il n’y en a eu aucune dans la fonction publique d’État ni dans la fonction publique hospitalière ; je ne vous aurais d’ailleurs pas proposé de prolonger son existence si elle était souvent prononcée. Il faut penser à l’accompagnement de la collectivité qui n’est pas loin d’atteindre la cible et à l’élaboration de politiques d’aide spécifique pour les collectivités et les administrations qui en sont au contraire très éloignées ; pour ces dernières, il serait opportun, plutôt que de les matraquer, de discuter avec l’employeur pour parvenir à atteindre les objectifs d’égalité dans les années à venir. Voilà pourquoi je suis revenu sur mon amendement et préfère que la possibilité d’obtenir une dispense de sanction s’éteigne pour tous en 2027 ; ce choix est cohérent avec notre volonté d’augmenter le quota de primo-nominations à 50 % et d’avancer à 2027 l’obligation de constituer des viviers composés d’au moins 40 % de femmes.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Vos arguments sont pleins de bon sens, mais je vous invite aussi à vous inspirer du bon sens populaire, selon lequel « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». L’adoption de nos amendements nous prémunirait contre tout recul, ce que ne garantirait pas, s’agissant de la fin des dispenses, une date différente de celle de la promulgation de la loi. L’examen en commission, et peut-être en séance, marquera l’ambition qui peut être la nôtre, mais je doute qu’elle y survive.

Les amendements CL59 et CL68 sont retirés.

La commission rejette les amendements CL7, CL19 et CL38.

Amendements identiques CL20 de M. Jean-François Coulomme et CL8 de Mme Sandra Regol, amendement CL1 de Mme Emmanuelle Anthoine (discussion commune).

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à avancer la date d’entrée en vigueur de la suppression des dispenses de sanctions de 2029 à 2025. Nous n’avons pas le temps d’attendre : nous sommes peut-être impatientes, mais il est urgent d’agir.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à ceux qui demandaient que la fin des dispenses de sanctions intervienne dès la promulgation de la loi. Le dépôt par le rapporteur d’un amendement identique nous laissait espérer leur adoption, et nous sommes donc inquiets de ce que le Sénat et le Gouvernement feront du texte. Voilà pourquoi nous souhaitons le muscler, autant que faire se peut, dès l’examen en commission.

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). L’article supprime toute dispense de pénalité financière, de telle sorte qu’aucun employeur public ne puisse se soustraire au quota de primo-nominations. Il est cependant regrettable que la parité dans la haute fonction publique n’existe toujours pas, et nous ne saurions attendre encore cinq ans et demi pour nous donner les moyens d’y parvenir. C’est la raison pour laquelle l’amendement vise à ce que toutes les dispenses disparaissent non en 2029, date bien trop lointaine, mais en 2027.

Mes collègues souhaitent que nous nous montrions ambitieux, mais il y a quand même un principe de réalité que l’on ne peut ignorer.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CL1 de Mme Anthoine, dont le dispositif est cohérent avec ce que nous défendrons lors de l’examen de l’article 3 bis, à savoir l’avancement à 2027 de l’entrée en vigueur des obligations sur les viviers.

Ne soyons pas trop critiques avec nos collègues sénatrices et sénateurs, car ce texte ambitieux vient du Sénat et de sa délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. La proposition de loi contient de belles avancées, notamment la mise en place du vivier, qui n’existe pas actuellement, et de l’index : à nous de voir comment nous pouvons renforcer ces dispositions, sans minimiser les travaux utiles du Sénat.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra les amendements CL20 et CL8 visant à supprimer les dispenses de sanction en 2025, même si nous souhaitions que celles-ci cessent dès la promulgation de la loi. Fixer l’échéance à 2027 enverrait un très mauvais message aux femmes plongées dans l’attente de cette mesure et aux employeurs qui doivent s’organiser. Il n’y a aucun sens à commencer à appliquer des mesures législatives cinq ans après leur promulgation. Il faut retrouver de l’ambition ; la date de 2025 est acceptable, donc nous soutiendrons ces deux amendements.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous défendons l’idée de fixer l’échéance à 2025. L’article 1er vise à supprimer une dispense de sanction financière en cas de non-respect d’une norme légale, en l’occurrence un quota d’emploi féminin dans les primo-nominations à des postes à responsabilités. Le texte actuel prévoit de supprimer en 2029 cette dispense que prévoit le code général de la fonction publique. Madame Anthoine vous nous avez demandé d’être ambitieux mais de ne pas oublier le principe de réalité : je suis en désaccord avec votre logique ; notre ambition doit se traduire dans la loi et, comme chacun doit respecter celle-ci, celle-là pourra s’accomplir. Le principe de réalité pourrait nous conduire, en 2029, à repousser la suppression des dispenses à 2032, 2037 ou 2042. La loi doit être ferme pour que les choses avancent.

Si nous avions suivi la même logique avec la parité, nous ne serions encore qu’entre hommes à l’Assemblée. Avançons pour la fonction publique : l’État et les collectivités territoriales doivent montrer l’exemple pour que celui-ci se diffuse un peu au secteur privé.

La commission rejette les amendements identiques CL20 et CL8.

Elle adopte l’amendement CL1.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (article L. 132-5 du code général de la fonction publique) : Augmentation du taux de personnes de chaque sexe dans les primonominations aux emplois supérieurs de la fonction publique

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CL5 de Mme Marie-France Lorho.

Amendements identiques CL61 de M. Guillaume Gouffier Valente, CL9 de Mme Sandra Regol et CL69 de Mme Émilie Chandler, amendements identiques CL21 de Mme Pascale Martin et CL40 de Mme Cécile Untermaier, amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. La version initiale de la proposition de loi fixait le quota de primo-nominations du sexe sous-représenté à 50 %, contre 40 % actuellement. Le Sénat a retenu un taux de 45 %, et une série d’amendements, dont le mien, ont pour objet de l’augmenter à 50 %. L’égalité, c’est 50 %, pas 40 % ni 45 %. Voilà pourquoi je propose de rétablir la version initiale du texte : j’ai été convaincu par les vingt heures d’auditions que nous avons menées et par mes échanges avec les employeurs publics, ces derniers m’ayant explicitement demandé de retenir un quota de 50 % – je tiens à saluer leur volontarisme. Ils nous ont également interrogés sur les politiques d’accompagnement des structures qui éprouvent des difficultés à atteindre l’objectif : il faut également entendre ce besoin.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je partage vos arguments, monsieur le rapporteur. On apprend au cours préparatoire que l’égalité, c’est 50-50. Les législateurs peuvent retenir un principe d’égalité pour les nominations aux postes à responsabilité : cela fait donc 50 % de primo-nominations de femmes, et cette règle ne saurait souffrir d’aucune discussion.

Mme Émilie Chandler (RE). En passant à un taux de 50 % arrondi à l’inférieur, nous impulsons une dynamique plus forte pour l’intégration des femmes dans la haute administration et nous donnons aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des possibilités de modulation.

Il faut savoir être ambitieux en matière d’égalité professionnelle si nous voulons inciter les entreprises et l’État à faire mieux.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Le taux de 45 % retenu par le Sénat est insuffisant ; conjugué à la règle de l’arrondi à l’unité inférieure, son effet sera pratiquement nul puisque pour quatre nominations, il en suffirait d’une seule féminine pour que l’employeur remplisse ses obligations : rien ne changerait par rapport à la situation actuelle. Le seul taux juste est celui de 50 %, comme vient de le dire ma collègue Sandra Regol.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. L’avis sera favorable pour les amendements rétablissant la rédaction initiale de la proposition de loi et fixant le taux à 50 %. Compte tenu des différences de rédaction, je souhaite que les amendements CL61 et identiques soient adoptés, et que les autres soient retirés.

Le taux de 45 % est en effet inopérant, notamment dans la fonction publique territoriale, car la règle de l’arrondi à l’unité inférieure n’obligerait à désigner qu’une seule femme pour quatre primo-nominations.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). La réunion de ce matin apporte des éclaircissements sur les positions de nos collègues du Rassemblement national. Alors que tous les groupes proposent de relever le quota de primo-nominations de femmes de 45 % à 50 %, le Rassemblement national a déposé un amendement défendant l’idée que le taux de 45 % est déjà trop élevé et qu’il faut le conditionner à l’existence de candidatures féminines en nombre suffisant, ce qui supprimerait toute contrainte.

Le Rassemblement national démontre une nouvelle fois qu’il est l’ennemi des femmes ; vous avez quand même eu la décence de ne pas défendre votre amendement : peut‑être êtes-vous devenus lucides sur son contenu. Nous voulons tous améliorer la situation et vous êtes les seuls à vouloir l’empirer, ce qui n’est pas très étonnant puisque vous combattez la parité et les femmes.

La commission adopte les amendements CL61, CL9 et CL69.

En conséquence, les amendements CL21, CL40 et CL4 tombent.

Amendements identiques CL63 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL70 de Mme Émilie Chandler, amendements CL37 de Mme Sandra Regol, CL25 de Mme Pascale Martin et CL41 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Mon amendement vise, là aussi, à rétablir la version initiale de la proposition de loi : si les emplois assujettis à l’obligation de primo-nominations équilibrées sont occupés par moins de 40 % de personnes de l’un des deux sexes, les nominations peuvent concerner 50 % à 60 % de personnes du sexe sous-représenté. Cette disposition apporte souplesse et protection à certains employeurs qui, à la fois volontaristes et en retard pour atteindre les objectifs, pourraient nommer plus de femmes que ne le demande la loi. Cécile Untermanier nous présentera tout à l’heure un amendement visant à protéger les collectivités territoriales qui montrent de l’allants sur les primo-nominations et qui disposent déjà d’un vivier important.

Mme Émilie Chandler (RE). Cet amendement identique a pour objet de compléter le taux de 50 % par un plafond de 60 % de primo-nominations du sexe sous-représenté s’il occupe moins de 40 % des emplois concernés. L’objectif est d’accélérer la constitution d’un vivier de femmes suffisant pour leur permettre d’accéder aux postes les plus élevés de l’administration.

Les ministères, les collectivités et les hôpitaux seront ainsi protégés contre une zone grise de la loi s’agissant d’un possible dépassement du taux : en sécurisant le dispositif sur ce point, nous fixerions un cadre. Sans ces garanties, l’égalité que nous cherchons à promouvoir mettra plus de temps à advenir.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Comme les amendements précédents, celui-ci vise à élever nos ambitions.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Nous souhaitons revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi. Le rapport d’information sénatorial à l’origine du texte, intitulé « Parité dans la haute fonction publique : changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet », précisait que lorsque le nombre de femmes occupant des postes d’encadrement supérieur et de dirigeant dans la fonction publique était inférieur à 40 %, le quota de flux visant les primo‑nominations pourrait être porté à 50 % afin d’accroître la pression sur le stock.

Le Gouvernement propose de prendre le chemin inverse, en multipliant les dérogations pour les employeurs qui se trouvent dans l’illégalité car ils ne respectent pas l’obligation de compter au moins 40 % de personnes de chaque sexe. Plutôt que de retarder encore cette mise en conformité, le présent amendement vise à l’accélérer.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous souhaitons éviter que les employeurs les plus volontaristes s’agissant du recrutement de femmes dans des postes à responsabilités fassent l’objet de sanctions. Des municipalités ayant suivi une telle politique ont dénoncé ce phénomène. L’amendement prévoit que, lorsque les emplois sont occupés par moins de 40 % de personnes du sexe sous-représenté, un employeur peut nommer 50 % à 60 % de personnes de ce sexe.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Avis favorable à l’amendement identique au mien et demande de retrait des amendements suivants, qui présentent des imperfections rédactionnelles. Je précise que ce sont les sénateurs qui ont modifié le dispositif : le Gouvernement n’a rien proposé de tel et peut être ouvert à un rétablissement de la disposition initiale.

Par ailleurs, nous protégeons surtout les collectivités qui ont du retard et veulent accélérer : c’est l’objet d’un de vos amendements ultérieurs, qui protège les collectivités les plus volontaristes, celles qui ont déjà de bons résultats concernant le vivier – je préfère ce mot à celui de stock – et les primo-nominations.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements CL37, CL25 et CL41 tombent.

Amendement CL22 de M. Jean-François Coulomme.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Cet amendement vise à constater la nullité d’une nomination qui ne respecterait pas les objectifs de parité fixés dans la loi. Ce n’est qu’une première étape mais c’est le meilleur outil pour garantir l’application de cet article.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Vous souhaitez que toute nomination intervenue en violation du dispositif de primo-nominations équilibrées soit nulle. Je partage l’esprit de cet amendement mais je crois préférable, pour des raisons opérationnelles, de privilégier le système de sanctions que nous venons de définir, qui permet de financer les politiques d’accompagnement des collectivités ou des employeurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL58 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement vise à reporter au 1er janvier 2026 l’entrée en vigueur du taux de primo-nominations à 50 % afin de laisser du temps aux administrations de s’adapter à cette obligation renforcée.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Avis favorable car l’amendement renforce le caractère opérant de cette proposition de loi. S’agissant de postes à responsabilité dont beaucoup sont renouvelés tous les trois ans, le report à 2026 est de bon sens.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL79 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL23 de Mme Pascale Martin.

Amendements CL81 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL24 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune).

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Mon amendement a pour objet de supprimer le régime dérogatoire prévu pour les employeurs ayant un réel retard, dès lors qu’ils appartiennent à la fonction publique territoriale ou à la fonction publique hospitalière. Je propose en revanche de le conserver pour la fonction publique d’État car certains ministères, comme celui des armées ou celui de l’Europe et des affaires étrangères, ont un retard très important. Il est donc préférable d’en rester à une logique d’accompagnement plutôt que d’enfermer ces ministères dans une logique les conduisant à payer une amende tous les ans plutôt que de se placer sur une trajectoire de correction.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). L’amendement CL24 vise à supprimer les dérogations introduites par le Sénat concernant les collectivités territoriales. L’alinéa 3 de l’article prévoit que le taux de 45 % ne s’appliquera aux régions, départements et communes qu’à l’issue du prochain renouvellement général de leurs assemblées délibérantes, soit en 2026 et 2028. De plus, il accorde du temps supplémentaire aux collectivités qui, actuellement, ne respectent pas leurs obligations. Nous nous opposons à un tel report qui permettrait aux employeurs dans l’illégalité de gagner du temps. Il convient au contraire d’accélérer la nomination de femmes dans ces administrations afin qu’elles comblent leur retard.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Avis défavorable car les différences de dates d’entrée en vigueur se justifient par celles des renouvellements des assemblées délibérantes.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’article L. 132-5 du code général de la fonction publique définit cinq catégories d’emplois sur lesquelles pèse l’obligation d’embauche à parité. Or les sénateurs ont supprimé, dans l’article 2, la catégorie relative aux collectivités territoriales – c’est dommage ! On nous répond que cela entrera en vigueur aux prochaines élections : c’est absurde ! Cela signifie que si l’on élit des conseils plutôt de droite, on leur laisse la possibilité de faire une dérogation et de payer la facture : c’est ce que nous ne voulons pas. Nous voulons des obligations dès maintenant car les prochaines élections n’auront lieu qu’en 2026 pour les communes et 2028 pour les départements et les régions : c’est un peu loin ! Votre petite disposition technique introduit donc une dérogation qui vaut pour trois ans pour les communes et pour cinq ans pour les régions et les départements. Autrement dit vous proposez quelque chose de pire que ce qui est prévu à l’article 1er ! Collègues macronistes, ne suivez pas l’avis du rapporteur car il a peut-être mal lu ! Il faut supprimer cette dérogation qui n’a aucun sens et reviendrait à faire n’importe quoi avec la loi.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Vous n’avez certainement pas vu l’amendement que je proposerai un peu plus tard. Actuellement, on repart à zéro à chaque renouvellement des collectivités, ce qui ne sera plus le cas avec ce que je propose. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CL81.

En conséquence, l’amendement CL24 tombe.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL78 et CL80 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur.

Amendement CL74 de Mme Émilie Chandler.

Mme Émilie Chandler (RE). Mon amendement vise à accélérer le rythme du rattrapage imposé par le texte aux employeurs en retard.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. La dérogation accordée aux employeurs particulièrement en retard ne concerne plus que les employeurs de la fonction publique d’État puisque nous venons de lever le régime dérogatoire pour la FPT et la FPH. Vous proposez de sortir du cadre de renouvellement naturel pour accélérer. Je vous propose de retirer cet amendement pour en rediscuter en séance avec le Gouvernement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL82 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur.

Amendement CL39 de Mme Cécile Untermaier.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Vous proposez de protéger les collectivités les plus volontaristes, celles qui nomment déjà plus de 50 % de personnes du sexe sous-représenté ou celles dont le vivier est supérieur à 40 % – c’est le cas de la Ville de Paris et du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Je suis en train de travailler à un dispositif de ce type, qui ira peut-être au-delà des 40 % que vous proposez. Demande de retrait pour tenter d’aboutir à une rédaction commune d’ici à l’examen en séance.

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’objectif poursuivi est de ne pas pénaliser les communes les mieux-disantes. Certaines ont eu à en souffrir, comme la ville de Bourg-en-Bresse. C’est un amendement de bon sens.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Il est nécessaire de se pencher sur la rédaction de ce dispositif pour tenir compte des rehaussements d’ambition que nous venons de voter. Vous citiez le cas de Bourg-en-Bresse : quand on apporte des corrections, certaines collectivités se retrouvent dans cette situation. Résultat : la collectivité paye la sanction et se retrouve compensée par une hausse de décile, par exemple. Trouvons un objet légal plutôt que de faire du bricolage au niveau local.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendement CL83 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Cet amendement poursuit un objectif de cohérence en insérant, après l’article 2, deux alinéas actuellement à l’article 4, relatif à l’index, et en apportant quelques modifications d’harmonisation. Ces alinéas portent sur l’obligation faite aux employeurs de publier chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes dans les emplois soumis à l’obligation prévue à l’article L132-5. La sanction – moins de 1 % de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnels – serait remplacée par une contribution forfaitaire dont le montant est déterminé par voie réglementaire. C’est donc un amendement de coordination légistique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL97 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. C’est l’amendement que j’évoquais tout à l’heure. Il vise à mettre fin à la réinitialisation automatique des primo-nominations dans la fonction publique territoriale lors du renouvellement général.

La commission adopte l’amendement.

Article 3 (art. L. 132-5 et L. 132-8 du code général de la fonction publique) : Modification du périmètre des emplois assujettis à l’obligation de nominations équilibrées

Amendements identiques CL62 de M. Guillaume Gouffier Valente, CL26 de M. Jean-François Coulomme, CL42 de Mme Cécile Untermaier, CL12 de Mme Sandra Regol et CL71 de Mme Émilie Chandler, amendement CL44 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Mon amendement vise à élargir le périmètre du dispositif des primo-nominations en abaissant le seuil de population des collectivités territoriales concernées de 40 000 à 20 000 habitants. Cela ferait entrer près de 340 communes dans le dispositif, dont 120 qui se le verraient appliquer.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). L’amendement CL26 vise à abaisser le seuil des collectivités concernées par une obligation de quota minimum de personnes de chaque sexe dans les emplois de direction à 20 000 habitants contre 40 000 actuellement. L’abaissement du seuil ferait rentrer dans le périmètre au moins 280 collectivités supplémentaires.

Mme Émilie Chandler (RE). L’élargissement du périmètre des communes et EPCI concernés rendrait quelque 300 collectivités éligibles. Un peu moins de la moitié d’entre elles auraient au moins trois emplois fonctionnels et seraient donc effectivement concernées.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Avis favorable aux amendements visant à abaisser le seuil de 40 000 à 20 000. Cela se justifie car les collectivités de plus de 20 000 habitants doivent mettre en place un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Demande de retrait de l’amendement CL44 car il est déjà satisfait par la loi.

L’amendement CL44 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

Amendement CL43 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement vise à supprimer la règle de l’arrondi inférieur au profit de la règle de l’arrondi supérieur. L’arrondi à l’unité inférieure réduit les obligations en matière de parité et est le plus défavorable à l’attribution de postes à responsabilité à des femmes.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Cet amendement ne fonctionne pas en cas de nombre impair de postes. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CL84 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Cet amendement vise à confier une mission d’information sur l’égalité professionnelle et la lutte contre les discriminations aux centres de gestion de la fonction publique territoriale. Cela permettra d’accompagner toutes les collectivités en-dessous de 20 000 habitants dans leur politique d’égalité et de lutte contre les violences faites aux femmes.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je veux souligner l’importance du centre de gestion dans le soutien aux collectivités locales. Ainsi, la mise à disposition d’un référent déontologue par le centre de gestion est la voie la plus raisonnable et la moins coûteuse pour les communes : il ne faut pas la complexifier. Or ce n’est pas le chemin que prend le ministère de l’intérieur. Je souhaitais partager avec vous cette préoccupation.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Cet amendement est vraiment intéressant car il faut avoir de plus en plus de sources d’information sûres concernant l’égalité professionnelle et la lutte contre les discriminations. Même dans notre enceinte, certains de nos collègues réfutent les chiffres dont on leur a fait part en début de réunion. Il est donc particulièrement nécessaire de disposer de ces informations pour que le Rassemblement national et l’extrême droite se rendent réellement compte de la situation des femmes dans tous les métiers. Je vous remercie pour cet ajout.

M. Philippe Pradal (HOR). Je soutiens cet excellent amendement qui valorise le rôle des centres de gestion, particulièrement au profit des collectivités ayant le moins d’effectifs.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL67 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Le présent amendement relatif à la fonction publique parlementaire n’est pas une transposition de l’obligation prévue pour les autres versants de la fonction publique en raison du principe de séparation des pouvoirs. Il se borne à afficher un objectif d’égalité professionnelle non assorti d’objectifs chiffrés. Il appartiendra ensuite aux assemblées de l’appliquer. De plus, je veillerai à échanger avec le Sénat sur ce sujet : je leur ai déjà transmis l’amendement et si jamais les sénateurs venaient à me demander de le retirer, je le ferais immédiatement dans la mesure où aucune des deux chambres ne peut imposer un mode de fonctionnement à l’autre.

Mme Marie Guévenoux (RE). Notre chambre étant indépendante, sa fonction publique l’est aussi ; c’est donc au bureau de l’Assemblée nationale qu’il revient de transposer les règles à la fonction publique parlementaire. Cela étant, votre amendement est une invitation, que l’on ne peut que soutenir philosophiquement.

Je profite de cette intervention pour partager quelques informations avec vous. Tout d’abord, la part des femmes dans les effectifs totaux de l’Assemblée nationale – fonction publique parlementaire et contractuels – est de 40 %, en constante progression ces quatre dernières années. Autre motif de satisfaction : les quatre principaux postes de l’encadrement supérieur sont parfaitement paritaires. Toutefois, à l’exception de ces postes, les femmes occupent moins de postes de direction et d’encadrement intermédiaire, sauf à la direction des comptes rendus, où 62 % des postes d’encadrement sont occupés par des femmes. Ce ne sont pas des chiffres dont on peut pleinement se satisfaire mais nous sommes tout de même heureux de constater que l’écart est moins substantiel que dans la fonction publique d’État.

Pour les postes d’encadrement et de direction, la structure de notre vivier doit être prise en compte. Les chefs de division et assimilés ne peuvent être nommés que parmi les conseillers ; or cette catégorie ne comprend que 37 % de femmes. La situation des femmes dans la réussite des concours externes d’administrateurs doit donc faire l’objet d’une vigilance particulière. Plusieurs pistes existent et pourront faire l’objet d’un dialogue entre les services de l’Assemblée, les représentants du personnel, la présidente et le bureau de l’Assemblée.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je réagis à l’important rappel qui vient d’être fait concernant la séparation des pouvoirs et les périmètres respectifs des pouvoirs institutionnels. Je le dis avec d’autant plus de solennité que le travail législatif se fait par amendements. Alors que nous cherchons à débattre de façon constructive, la présidente de l’Assemblée nationale a indiqué ce matin même qu’elle déclarerait irrecevables tous les amendements à la proposition de loi transpartisane abrogeant le report de l’âge de la retraite à 64 ans.

M. le président Sacha Houlié. Cela n’a pas de lien avec l’amendement dont nous discutons.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Je salue l’excellence de l’ensemble des agents de l’Assemblée nationale avec qui nous travaillons au quotidien. Je remercie également Mme Guévenoux, première questeure, pour la qualité de nos échanges dans l’élaboration de cet amendement, comme pour la volonté ici exprimée d’inscrire ce principe dans la loi et de démontrer que le sujet est bien identifié et travaillé du côté de la fonction publique parlementaire.

La commission adopte l’amendement.

Article 3 bis (art. L. 132-9-1 [nouveau] du code général de la fonction publique) : Instauration d’un taux minimal de 40 % de personnes de chaque sexe dans les emplois supérieurs de la fonction publique

Amendement CL45 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement vise à appliquer, dès 2026, le taux de 40 % puis, à partir de 2029, de porter ce taux à 45 %. Il s’agit de faire une étape intermédiaire pour améliorer la lisibilité des efforts à poursuivre.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Avis défavorable car le flux de primo-nominations ne permettra pas, arithmétiquement, d’atteindre un stock de 45 % en 2029. Par ailleurs, je tiens à saluer le travail du Sénat, qui a introduit dans ce texte l’objectif d’un vivier de 40 % en 2029, ce qui constitue une réelle avancée. Plusieurs amendements viseront à avancer la date à 2027 ; j’y serai favorable car cette date me paraît plus tenable au regard du fonctionnement des flux de primo-nominations.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL85 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Le présent amendement vise à aligner le périmètre auquel s’applique l’obligation relative au stock sur celui qui concerne le flux. Cela donne une meilleure visibilité et une meilleure opérationnalité pour atteindre ces objectifs.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL30 de M. Jean-François Coulomme.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Cet amendement a pour objet d’augmenter la proportion minimale de personnes de chaque sexe en la fixant à 45 % plutôt qu’à 40 %, car il est illusoire d’espérer atteindre la parité sans relever ce taux à 45 % au moins.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL31 de Mme Pascale Martin.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à augmenter la proportion minimale de personnes de chaque sexe de 40 % à 45 % trois ans après l’entrée en vigueur de la loi.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL6 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CL13 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à rendre la sanction obligatoire en cas de non-respect des obligations de parité. Une simple possibilité de sanction serait insuffisamment dissuasive et entraînerait un non-respect de fait de l’obligation.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Avis favorable à cet amendement tendant à rendre la pénalité systématique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL76 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur, tombe.

Amendements identiques CL65 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL66 de Mme Caroline Yadan.

Mme Caroline Yadan (RE). Cet amendement vise à harmoniser les sanctions encourues lorsque l’égalité professionnelle n’est pas atteinte. Il existe un mécanisme de sanction forfaitaire de 90 000 euros par unité manquante en cas de non-respect de l’égalité des primo-nominations dans la fonction publique ; un alignement de la sanction applicable, sous cette forme forfaitaire, au vivier des emplois à responsabilité paraît donc nécessaire. Cette cohérence entre les dispositifs permettra de renforcer l’aspect opérationnel des sanctions, qui seront publiées chaque année et, ainsi, portées à la connaissance de tous.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Ces amendements soulèvent le problème de l’harmonisation des sanctions, celles-ci étant calculées forfaitairement pour les primo-nominations, et sur la masse salariale concernant l’index, comme dans le secteur privé. Dans sa rédaction actuelle, le texte aligne mécaniquement la sanction sur celle de l’index. Or le dispositif des nominations équilibrées (DNE) fixera des obligations tant pour le flux que pour le vivier : il est donc logique que les sanctions soient harmonisées ; la lisibilité y gagnera.

Par ailleurs, tout cela reste de l’argent public qui va vers les caisses publiques : le produit des sanctions tombe dans le budget général et abonde le fonds en faveur de l’égalité professionnelle.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le mieux étant l’ennemi du bien, je crains que cette disposition n’amène à penser que les pénalités pourraient être revues à la baisse. Le risque me semble trop important pour adopter ces amendements.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Ces amendements, en ne prévoyant aucune gradation dans les sanctions, créent un bouclier derrière lesquels les employeurs peuvent se retrancher. C’est contre-productif : les employeurs doivent être pénalisés à la hauteur des violations de la loi qu’ils commettent.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Je suis en désaccord. La nouvelle sanction concernant le vivier sera peut-être plus faible mais nous venons de rendre les pénalités obligatoires en adoptant l’amendement de Mme Regol. L’important est d’apporter de la lisibilité. C’est pourquoi nous proposerons que l’index soit sanctionné sur la base de la masse salariale, comme dans le secteur privé.

La question n’est pas tant de définir des sanctions les plus élevées possible mais d’accompagner les collectivités. Qu’elles soient fixées de manière forfaitaire ou calculées sur la masse salariale, les pénalités ont des conséquences assez fortes sur le budget des collectivités. Je suis donc favorable à une harmonisation qui renforce le caractère opérationnel de ce dispositif.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CL14 de Mme Sandra Regol tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL86 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur.

Amendements identiques CL64 de M. Guillaume Gouffier Valente, CL2 de Mme Emmanuelle Anthoine et CL72 de Mme Émilie Chandler, amendement CL46 de Mme Cécile Untermaier, amendements identiques CL27 de Mme Pascale Martin et CL17 de Mme Sandra Regol, amendement CL28 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune).

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Il s’agit, comme cela a été annoncé, d’avancer de 2029 à 2027 l’entrée en vigueur de l’obligation d’avoir une proportion de plus de 40 % de personnes de chaque sexe dans les fonctions de direction, pour les systèmes principal et dérogatoire. Je salue les dispositions prises par le Sénat mais, comme le faisait remarquer Hervé Saulignac, une entrée en application après 2029 nous renverrait bien au-delà de la présente législature. Je propose d’être plus volontariste et ambitieux et de viser la fin de la législature.

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). L’échéance de 2029 me paraît vraiment trop lointaine. Il faut que nous nous donnions les moyens de faire de la parité dans la haute fonction publique une réalité. Nous ne saurions attendre encore cinq ans et demi. Pour l’article 1er, vous avez retenu ma suggestion de fixer l’échéance à 2027. Je la réitère pour cet article.

Mme Émilie Chandler (RE). Nous souhaitons nous aussi accélérer l’entrée en application de la disposition. Nous cherchons dans un premier temps à accélérer les primo-nominations, et 2027 est de ce point de vue une échéance réaliste. C’est pourquoi nous proposons un amendement qui vise à assurer dans le temps long un nombre suffisant de femmes ; cela incitera à nommer des femmes plus tôt dans leur carrière, dès lors qu’elles sont qualifiées pour ces emplois.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous proposons quant à nous de fixer l’échéance à l’année 2026.

Je ne vois pas bien la portée d’un texte dont l’application serait reportée à la fin du quinquennat. En tant que législateur, je m’interroge sur la pertinence de légiférer si l’on considère que tout sera à revoir en 2027. C’est pourquoi je propose une étape intermédiaire. Si, pour des raisons qui vous regardent, vous considérez que la loi ne peut pas entrer en application dès sa promulgation, il me semblerait néanmoins raisonnable de ne pas reporter de quatre ans son entrée en vigueur. Fixons d’ici à l’examen du texte en séance un calendrier d’application, avec des bilans intermédiaires.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La mise en œuvre des lois est une question de volonté politique. On peut aller très vite, comme pour la retraite à 64 ans, qui passe avec des 49.3, des députés empêchés de voter, des décrets d’application pris très vite, des amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40 et une application prévue dès le 1er septembre. On peut aussi aller très lentement, à la vitesse d’une tortue : c’est le cas pour ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Il y a une loi, appliquons-la. Pourquoi ne pas avancer l’échéance à 2025, comme nous le proposons dans l’amendement CL27 ? Les premières sanctions, qui ont été rendues obligatoires – ce qui est une très bonne chose –, ne peuvent être prononcées qu’au bout de trois ans. Même si notre amendement était adopté, elles ne seraient pas prises avant 2028. Tout le monde étant d’accord pour dire qu’il faut que les textes que nous adoptons s’appliquent au cours de la législature, il faudrait en réalité fixer l’échéance avant 2025. Notre amendement est donc très raisonnable.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). L’amendement CL28 l’est encore davantage, puisqu’il vise à fixer l’échéance à 2027.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Il faut que la mesure soit non seulement raisonnable, mais aussi opérationnelle. C’est la hausse des primo-nominations qui nous permettra d’atteindre les objectifs en matière de stock.

D’autre part, je trouve très dures les critiques formulées à l’encontre de nos collègues sénatrices et sénateurs. Aucun de nous n’avait proposé ce dispositif avant qu’ils ne le fassent. Examinons-le avec bienveillance, essayons de l’améliorer tout en tenant compte des débats qui ont eu lieu au Sénat et ne fixons pas des objectifs inopérants. Il est très tentant de vouloir réduire toujours plus les échéances, mais je pense qu’il serait déjà bon que nous décidions de manière unanime d’avancer l’entrée en vigueur du dispositif à 2027, de manière à défendre cette position auprès des sénateurs.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il ne s’agit pas de remettre en cause nos collègues du Sénat, mais, au cours des quelques CMP auxquelles j’ai participé, ils se sont systématiquement opposés aux dispositions que l’Assemblée avait votées en faveur de la protection des femmes, de l’égalité femmes-hommes ou de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Il faut aussi savoir fixer des priorités et, en la matière, le Sénat a fait son choix.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous ne sommes pas dans la surenchère. En revanche, si l’on prévoit une application en 2027, personne ne considérera que l’exigence s’impose dès à présent. C’est pourquoi, j’y insiste, il est nécessaire de fixer un rendez-vous intermédiaire avec les collectivités territoriales. Nous devons les accompagner dans cette tâche, car il n’est pas facile d’appliquer les formules mathématiques proposées ; il faut aussi que les centres de gestion aient la capacité de les aider. Un objectif tendu, avec un accompagnement et une période transitoire, me semble tout à fait envisageable.

D’autre part, c’est à nous, Assemblée nationale, de nous prononcer sur la base du texte proposé par le Sénat et inscrit à l’ordre du jour d’une semaine transpartisane. Vous avez fait, monsieur le rapporteur, des efforts dont je vous sais gré pour améliorer l’efficacité du dispositif, mais il serait raisonnable que celui-ci s’applique avant 2027, de manière à envoyer un message clair aux collectivités territoriales, qui doivent s’emparer du sujet.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. L’amendement CL28 ne porte que sur le régime principal, alors que je propose de fixer l’échéance à 2027 également pour le régime dérogatoire : le rattrapage devra être fait avant cette date. Les sanctions s’appliqueront donc dès 2030, et non 2032.

Avis favorable sur la première série d’amendements identiques, défavorable sur les autres.

La commission adopte les amendements identiques CL64, CL2 et CL72.

En conséquence, les autres amendements en discussion commune tombent.

Amendements identiques CL29 de Mme Pascale Martin et CL75 de Mme Sandra Regol.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Nous proposons de supprimer la dérogation qui permet à certaines administrations de n’augmenter que de trois points, d’ici à 2029, leur taux d’emploi de personnes de chaque sexe. Nous souhaitons un texte plus ambitieux. Si nous voulons vraiment renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, il est nécessaire de garantir la pleine application des dispositions, en ne la reportant pas à une date incertaine.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit là encore de faire en sorte que l’entrée en vigueur des obligations soit la plus efficace, donc la plus rapide possible. Ce serait dans le droit fil de ce que vous avez déclaré, monsieur le rapporteur, au sujet de la nécessité de muscler le texte qui a été transmis par le Sénat à notre assemblée.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Vu que nous avons avancé l’échéance à 2027, je demande le retrait de ces amendements qui visent à supprimer la dérogation pour l’ensemble des versants de la fonction publique ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Je proposerai un amendement visant à supprimer la dérogation pour la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. En revanche, je pense qu’il faut la maintenir pour la fonction publique d’État, du fait du retard accumulé dans certaines administrations – je pense en particulier au ministère des armées et au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Je ne voudrais pas que les directions concernées se découragent et préfèrent payer l’amende. En revanche, nous pourrions discuter d’ici à la séance de la possibilité d’élever nos ambitions – ce que proposait Émilie Chandler – pour ce qui concerne les étapes du rattrapage pour ces administrations qui sont clairement identifiées et avec qui il existe des échanges.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Dès que l’on fixe des principes puis que l’on prévoit des dérogations à ces mêmes principes, on est dans l’erreur. Si l’on établit un principe, il faut s’y tenir ; et s’il n’est pas respecté, on doit appliquer des sanctions. Les principes sont par nature intangibles et universels ; si l’on y déroge, on les remet en cause.

Tout à l’heure, on a fait valoir le principe de réalité, en disant que si l’on ne s’y conformait pas, on n’arriverait pas à concrétiser les choses – mais le risque est que, une fois atteinte la date butoir, on n’y soit toujours pas arrivé. Qu’est-ce qu’on fait dans ce cas-là ? On applique la mesure ou l’on accorde une nouvelle dérogation ?

N’entrons pas dans cette spirale. Ne commençons pas à dire : « On fixe des principes, mais qui n’en sont pas vraiment ». Un principe, c’est un principe : c’est recta.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. La loi Sauvadet, renforcée par la loi de transformation de la fonction publique, a fait ses preuves : en moins de dix ans, la proportion de primo-nominations féminines est passée de 33 % à 43 %. Nous venons encore renforcer ces dispositions. En revanche, il faut que nous ayons la capacité d’accompagner les administrations qui sont très en retard, afin qu’elles ne s’enferment pas dans une logique de paiement de l’amende. Privilégions plutôt la négociation, d’autant que la dérogation est limitée, puisque l’avancement de l’échéance de 2029 à 2027 porte aussi sur le régime dérogatoire – à partir de 2027, ceux qui bénéficient d’un accompagnement renforcé devront être en règle et avoir franchi les étapes du rehaussement. Pour certains ministères, l’effort sera important : il va falloir qu’ils revoient toute leur politique de formation, d’attractivité et de construction des carrières. Je pense qu’il importe de maintenir le dialogue, même si, à un moment donné, le couperet tombera.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL89, CL87 et CL88 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur.

Amendement CL90 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Il s’agit de l’amendement que j’évoquais. En cohérence avec celui adopté sur l’article 2, je propose de sortir du régime dérogatoire la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 3 bis modifié.

Article 4 (art. L. 132-9-2 à L 139-5 [nouveaux] du code général de la fonction publique) : Création d’un index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le secteur public

Amendements CL10 de Mme Sandra Regol, CL92 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL55 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit, toujours selon la même logique – car nous sommes très cohérents –, d’abaisser le seuil à partir duquel les collectivités territoriales sont soumises aux obligations de publication des indicateurs.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Mon amendement est presque identique. Il vise lui aussi à abaisser de 40 000 à 20 000 le seuil d’habitants à partir duquel les collectivités sont tenues de publier l’index, en cohérence d’ailleurs avec le plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pour des raisons de coordination légistique, je suggère d’adopter mon amendement et de retirer les autres amendements en discussion commune.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Pourquoi ne voulez-vous pas procéder à la même substitution à l’alinéa 10 ? C’est la seule différence entre nos deux amendements.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Je proposerai tout à l’heure de supprimer l’alinéa 10 par cohérence légistique, vu que nous avons inséré les dispositions qu’il contient à l’article 2. Pour être tout à fait transparent, j’aurais préféré vous proposer une réécriture globale intégrant un certain nombre d’amendements, mais j’ai manqué de temps pour le faire.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement CL93 que vous allez nous présenter tend à supprimer non seulement l’alinéa 10, mais aussi l’alinéa 11… Je ne vois pas pourquoi.

Successivement, la commission rejette l’amendement CL10 et adopte l’amendement CL92.

En conséquence, l’amendement CL55 tombe.

Amendement CL47 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement vise à contraindre les collectivités, administrations et établissements publics à publier l’index d’égalité professionnelle sur leur site internet. Il s’agit d’une exigence de transparence : le travail qui a été fait doit être connu du public.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Avis favorable : cet amendement répond en partie à notre discussion légistique. À la suite des auditions et d’échanges avec le Gouvernement, il semble préférable que l’index soit publié non pas uniquement sur le site du ministère de la transformation et de la fonction publiques, mais employeur par employeur, afin de permettre les comparaisons.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL36 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Julie Lechanteux (RN). La proposition de loi renforce les règles applicables en matière de parité dans la fonction publique. Sans nier qu’il est nécessaire d’effectuer des progrès dans ce domaine, et si l’objectif de faciliter l’accès des femmes aux postes de direction dans la fonction publique est louable, le texte fait preuve d’un manque de pragmatisme évident.

En effet, les exigences de parité vont nécessairement se heurter à l’absence d’équilibre entre les hommes et les femmes, ne serait-ce que dans les formations menant aux postes de direction concernés par la loi. Les Françaises sont libres de choisir leur carrière professionnelle ! De fait, dans certaines administrations, il y a plus de femmes, et, dans d’autres, plus d’hommes. C’est factuel et cela résulte de choix.

C’est pourquoi je propose que l’indicateur de l’égalité professionnelle s’applique à niveau de compétence égale. J’ose en effet affirmer que celle-ci doit l’emporter sur le sexe. Un homme ou une femme ne doit pas être choisi pour remplir un index ou satisfaire des quotas. Ce serait plus dévalorisant qu’autre chose.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Si nous mettons en place cette politique, c’est pour renforcer la qualité de la construction de la décision publique. La fonction publique, dans ses différents versants, est très fortement féminisée mais tel n’est pas le cas des postes de décision. Il faut que nous identifiions les freins afin d’atteindre l’égalité dans les années à venir.

Les critères de l’index sont d’ordre réglementaire ; on ne peut pas les définir dans la loi. Le Gouvernement vient de me les présenter – je n’ai pas eu le temps de les intégrer au rapport : certains sont communs aux trois versants, d’autres spécifiques à chacun. Je ne vais pas vous en faire la lecture, ce serait trop long, mais je peux les transmettre aux responsables des groupes, s’ils le souhaitent. Je précise qu’ils ont été élaborés avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL51 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous souhaitons ajouter deux indicateurs issus de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable, pour les mêmes raisons : le contenu de l’index relève du niveau réglementaire.

En outre, le Gouvernement a bien pris en considération les deux critères souhaités dans son projet d’index.

L’amendement est retiré.

Amendement CL32 de M. Jean-François Coulomme.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Nous proposons de préciser la méthodologie de comparaison des rémunérations qui s’imposera aux employeurs concernés par le nouvel index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Que le texte renvoie la totalité des modalités d’application à un décret ne nous semble pas acceptable : cela ouvre la porte à des modes de calcul hétérogènes et pourrait avoir pour effet de minimiser, voire de cacher les inégalités. C’est ce qu’on observe déjà dans le secteur privé avec l’index Pénicaud, comme l’a montré l’Institut des politiques publiques dans un rapport publié en mars. Il ne faudrait pas que le nouvel index soit lui aussi inefficace.

La méthodologie que nous avons choisie prévoit la prise en compte dans la présentation des écarts de rémunération de différents facteurs, notamment le niveau de diplôme, de responsabilité et de pénibilité requis pour ces emplois. Elle s’inspire de la loi appliquée au Québec. En France, elle est préconisée depuis plus de cinq ans par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Lors de la discussion du projet de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, la députée Renaissance Marie-Pierre Rixain avait fait adopter un amendement, supprimé ensuite par le Sénat, tendant à la publication d’un rapport fondé sur cette même méthodologie.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. La disposition proposée relève plus du secteur privé que du secteur public, notamment parce que ce dernier fonctionne par niveaux hiérarchiques et non par catégories socioprofessionnelles.

D’autre part, je vous trouve un peu dure avec l’index Pénicaud, qui est une belle avancée, notamment par rapport aux plans pour l’égalité élaborés jusqu’en 2018. Appliqué dans toutes les structures de plus de cinquante salariés, il s’agit d’un dispositif évolutif, capable de progresser dans la granularité. D’ailleurs, une directive européenne sur la transparence salariale, qui s’en inspire directement, proposera à l’ensemble des États membres d’aller beaucoup plus loin en la matière. D’ores et déjà, à emploi égal et compétence égale, on note une diminution de l’écart salarial.

Néanmoins, vous avez raison, ce n’est pas suffisant. Il ne nous exonère pas de prévoir des politiques d’accompagnement, de renforcement de l’égal accès aux formations professionnelles, qu’il s’agisse de formation initiale ou de formation tout au long de la vie, ou de lutte contre les violences sexuelles au sein de l’entreprise.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nous avons eu plusieurs débats sur les index récemment. À chaque fois, on arrive à la même conclusion : c’est bien gentil, mais ça ne fonctionne pas – voire ça aggrave la situation.

Pour ce qui concerne le secteur privé, le lobbying de certaines organisations, notamment patronales, a permis des stratégies de contournement ; en remplissant les bonnes cases au bon moment, vous pouvez faire valoir que vous êtes dans une démarche d’égalité professionnelle femmes-hommes. Il ne faudrait pas que l’on observe les mêmes travers dans la fonction publique.

On peut très bien faire des regroupements par catégorie socioprofessionnelle en son sein. S vous ne partagez pas cette opinion mais que vous êtes, comme vous le dites, d’accord sur le diagnostic, ne demandez pas le retrait de l’amendement, sous-amendez-le ! Pour que l’index ait des effets concrets, il faut aller plus loin.

Encore une fois, votre position montre que vous vous contentez de déclarations de principes, de bonnes intentions, mais que vous ne voulez surtout pas aller y voir de trop près.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL50, CL48 et CL49 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il convient que les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et des établissements publics concernés discutent de l’index, afin de garantir une réflexion sur les actions en faveur de la parité. L’objet de ces trois amendements est de renforcer la publicité de l’index, selon des modalités plus ou moins contraignantes.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. L’amendement CL50 est satisfait par l’adoption du CL47 : demande de retrait.

Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable sur le CL48. La priorité, pour moi, est que ces indicateurs soient présentés au même moment à l’ensemble des employeurs publics, soit en juin, soit en septembre – à voir avec le Gouvernement –, l’objectif étant d’obtenir, d’ici à quatre ou cinq ans, une présentation en mars, comme pour le secteur privé.

Avis favorable sur le CL49, qui prévoit que l’ensemble des indicateurs sont présentés chaque année à l’assemblée délibérante.

Les amendements CL50 et CL48 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CL49.

Amendement CL33 de Mme Pascale Martin.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Nous proposons que les modalités et la méthodologie définies par décret soient décidées après avis du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH), et avis des organisations d’employeurs et de salariés représentatives à l’échelon national.

Les organisations syndicales et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ont travaillé sur une méthodologie efficace mais leurs recommandations sont jusqu’à présent restées lettre morte, y compris lors de la création de l’index de l’égalité professionnelle. Nous voulons que le Gouvernement en tienne compte dans son décret, sinon nous allons une fois de plus nous retrouver avec un dispositif inefficace.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Le dispositif est bien élaboré en concertation avec les organisations syndicales. En revanche, cela n’entre pas dans les missions du HCEFH, dont le rôle est d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat sur les grandes orientations. Par ailleurs, je signale que j’avais proposé au HCEFH de l’auditionner, mais, à ma grande surprise, c’est la seule organisation qui a décliné mon invitation. Avis défavorable.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Je suis les travaux du HCEFH depuis sa création et je trouve fort dommage que ses nombreuses recommandations ne soient jamais prises en considération dans les textes que nous examinons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL91 de M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Cet amendement vise à harmoniser le régime de sanctions avec celui appliqué au secteur privé. Il s’agit de prévoir, par voie réglementaire, une sanction de 90 000 euros pour non-publication de l’index, avec effet immédiat, puis une sanction pouvant atteindre 1 % de la rémunération brute annuelle de la masse salariale en cas de non atteinte du score de 75 sur 100 à l’index et de l’absence de mise en place de mesures correctrices suffisante dans les trois ans.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL15 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement, qui s’inscrit dans la même logique que le CL13, tend à préciser que la sanction est obligatoire. Comme nous avons adopté le CL13, il serait logique, monsieur le rapporteur, que vous émettiez un avis favorable sur celui-ci.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. En effet : avis favorable. Merci de ne pas offrir la seule possibilité de sanctions.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL16 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Amendement miroir du CL14, qui est tombé : il s’agit de renforcer les sanctions maximales encourues en cas de non-respect des objectifs, afin d’obtenir un véritable effet dissuasif. En effet, même si certains ici pensent que tout cela est inutile, les progrès sont bien lents…

Soit dit en passant, ce serait une bonne occasion d’appliquer les recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL93 de M. Guillaume Gouffier Valente et sous-amendement CL98 de M. Antoine Léaument.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Au départ, j’avais prévu une réécriture complète. Finalement, j’ai opté pour l’adoption de plusieurs amendements, avec un redécoupage du texte. Du coup, les alinéas 10 et 11 de l’article 4 ont été intégrés à l’article 2. C’est pourquoi je demande le retrait du sous-amendement.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). J’ai en effet déposé le sous-amendement un peu trop rapidement. Veuillez m’en excuser.

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL94 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur.

Amendement CL34 de M. Jean-François Coulomme.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous sommes plutôt favorables à cette proposition de loi, dont la portée est d’intérêt général – quoique, pour nos collègues du Rassemblement national, la femme n’en fasse pas partie. Nous sommes donc favorables aussi à une promulgation de la loi dans les meilleurs délais. Vu que la loi sur les retraites a été promulguée en quelques heures, dans la nuit et avec effet immédiat, nous proposons que l’article 4, qui, pour le coup, comporte des dispositions plutôt positives, entre en vigueur dans un délai réduit de six mois, afin de servir au plus vite l’intérêt général.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Si je partage la philosophie de l’amendement, je vous demanderai de le retirer afin que nous puissions en déposer un autre en séance, rédigé en commun après nous être mis d’accord avec le Gouvernement sur l’accélération du calendrier, comme il s’y était engagé devant le Sénat.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Dans ce cas, autant adopter tout de suite l’amendement : la modification serait incluse dans le texte examiné en séance

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Je ne garantis pas les dates qui seront retenues. Il serait bon que le Gouvernement s’exprime auparavant sur ce point – nous sommes en train d’échanger à ce sujet. Si vous décidez de le maintenir, mon avis sera défavorable – mais cela ne m’empêchera pas de vous associer à la rédaction finale.

Mme Julie Lechanteux (RN). Nous discutons de la place de la femme, non du Rassemblement national. Cela étant, je ferai observer que nous sommes avant-gardistes sur le sujet, puisque voilà dix ans que nous souhaitons qu’une femme soit placée à la tête de l’État – ce qui n’est pas votre cas. En outre, nous ne défendons pas des collègues condamnés au titre de violences commises contre les femmes.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL95 et CL96 de M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 (art. L. 716-1 du code général de la fonction publique) : Élargir la catégorie des collectivités territoriales et EPCI tenus de publier la somme des dix rémunérations les plus élevées de leurs agents, et le nombre de femmes et d’hommes figurant parmi celles-ci

Amendements identiques CL60 de M. Guillaume Gouffier Valente, CL11 de Mme Sandra Regol, CL35 de Mme Pascale Martin, CL56 de Mme Cécile Untermaier et CL73 de Mme Émilie Chandler.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. Je propose d’étendre le champ d’application de l’article 5 aux communes de 20 000 à 40 000 habitants.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je voudrais dire à nos collègues du Rassemblement national que le fait d’avoir une femme à la tête de l’État ne préjuge pas qu’elle défende les droits des femmes. Votre amie, madame Meloni, défend une limitation du recours à l’IVG très inquiétante. En outre, aucun de vos amendements ne visait à accroître les droits des femmes ; ils avaient au contraire pour objet de les faire reculer. Vous êtes donc, je le répète, des ennemis des femmes.

Mme Julie Lechanteux (RN). Je ne commenterai pas les mensonges éhontés et systématiques des membres de la NUPES. Vouloir être choisie, non en fonction de quotas, mais pour ses capacités et sa volonté, dans le respect de la liberté de chacun, c’est, à mes yeux, protéger les femmes et aller dans leur sens.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL52 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il me semblerait intéressant d’introduire le décile inférieur et le décile médian pour améliorer la visibilité et éviter de stigmatiser la fonction publique par la publication du seul décile supérieur. Peut-être la rédaction pourrait-elle être améliorée mais, en tout état de cause, nous partageons un objectif commun.

M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur. N’étant pas certain que votre rédaction soit parfaitement appropriée, je vous propose que l’on en reparle d’ici à l’examen en séance. J’ai alerté le Gouvernement sur ce point, afin que nous avancions dans le sens d’une présentation globale, versant par versant, à l’échelon national. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

L’amendement CL53 de Mme Cécile Untermaier est retiré.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

Puis, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires (n° 952) (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure).

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M. le président Sacha Houlié. Nous examinons la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires. Ce texte, déposé le 4 août 2022 par la sénatrice Françoise Gatel, a été adopté par le Sénat le 15 mars dernier. Il a pour seul objet de résoudre un problème technique très précis, ce qui m’a conduit à demander sa discussion en séance dans le cadre de la procédure d’examen simplifiée. J’espère que nous pourrons avancer efficacement sur le sujet ici abordé.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. La parité entre les femmes et les hommes en politique est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur. Il s’agit d’un objectif constitutionnel depuis la révision constitutionnelle de 1999 et d’une obligation, s’agissant des listes présentées aux élections municipales, depuis 2001. Initialement appliquée aux communes de plus de 3 500 habitants, elle a été étendue à celles de plus de 1 000 habitants par la loi du 17 mai 2013. Ces textes ont indéniablement amélioré l’accès des femmes aux fonctions électives. En 1995, les femmes ne représentaient que 21,7 % des conseillers municipaux, contre 42,4 % en 2021. Aujourd’hui, la parité est atteinte dans les communes de plus de 1 000 habitants.

La proposition de loi est essentiellement technique et transpartisane puisqu’elle est inscrite, sur ce fondement, à l’ordre du jour de notre assemblée après avoir été adoptée sans difficulté par le Sénat. Elle vise à pallier un petit oubli de la loi de 2013. En effet, l’obligation de présenter des listes alternant des candidats de sexe opposé pour les élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants l’est également, par voie de conséquence, pour les conseils communautaires. Les candidats et candidates sont fléchés, dès l’élection, sur la liste paritaire présentée lors des élections municipales. Par le même bulletin, l’électeur élit ainsi les conseillers communautaires, étendant de facto la répartition paritaire aux intercommunalités.

Dans l’hypothèse d’une vacance, notamment du fait d’une démission d’un conseiller communautaire, la loi de 2013 a prévu que le siège rendu vacant soit pourvu, d’abord, par le prochain candidat fléché de même sexe élu sur la même liste, puis par le prochain conseiller municipal non fléché de même sexe et de même liste. À défaut, lorsque le vivier de remplaçants hypothétiques de même sexe s’est tari, le siège reste vacant jusqu’au prochain renouvellement du conseil, à l’issue des élections municipales suivantes. Dans ce cas, la commune se voit privée de sa représentation au sein du conseil communautaire. Les auditions que j’ai conduites ont révélé que cette situation est plus fréquente qu’on ne l’imagine. Les intercommunalités qui y sont confrontées ne le signalent généralement pas, pensant souvent faire face à un cas isolé. J’ai été moi-même concernée au sein de la communauté d’agglomération Fécamp Caux Littoral, que j’ai présidée.

Or il se trouve que la vacance d’un siège de conseiller communautaire est dommageable à plusieurs titres.

En premier lieu, la représentation de la commune au sein du conseil communautaire est alors amoindrie, quand elle ne disparaît pas purement et simplement. C’est particulièrement préjudiciable compte tenu des compétences de plus en plus étendues des intercommunalités et de la nécessaire représentation des communes en leur sein.

En deuxième lieu, la vacance d’un siège peut modifier les équilibres de représentation entre la commune-centre et les autres, notamment en faveur de la commune la plus peuplée, même si l’inverse est aussi vrai. Dans nombre d’intercommunalités, la commune-centre n’est pas loin de détenir la majorité absolue des sièges au conseil communautaire. Cette limite prévue par la loi peut alors être contournée du fait de la démission d’un conseiller communautaire d’une commune moins peuplée.

En troisième lieu, les droits de l’opposition peuvent se trouver limités lorsque le siège rendu vacant est celui d’un conseiller élu sur une liste d’opposition.

Les effets de bord de la loi ont été constatés dans des intercommunalités de toutes catégories ; et c’est pour y remédier que Françoise Gatel a déposé, au Sénat, cette proposition de loi qui prévoit qu’en dernier ressort, et après épuisement de toutes les hypothèses, le siège pourra être pourvu, d’abord, par le prochain candidat fléché de la liste, quel que soit son sexe, puis par le prochain conseiller municipal non fléché de la liste, là aussi quel que soit son sexe.

Au-delà de la nécessité d’épuiser toutes les hypothèses, il est également prévu un autre garde-fou afin d’éviter les démissions « commandées » au lendemain de l’élection : le mécanisme ne pourra s’appliquer qu’à compter d’un délai d’un an après l’installation du conseil municipal de la commune concernée.

Cette dérogation très mesurée à la parité – et limitée, j’y insiste, à l’absence de solution alternative – est déjà prévue, depuis 2014, pour les communes ne disposant que d’un seul siège au conseil communautaire. Elle trouvera à s’appliquer tant dans l’hypothèse d’un siège laissé vacant par un homme que dans le cas d’un siège laissé inoccupé par une femme. J’ai constaté au cours des auditions que les deux cas se rencontraient aussi fréquemment l’un que l’autre.

Cette proposition de loi me paraît tout à fait équilibrée. Elle permet de concilier de manière satisfaisante le principe de représentation des communes au sein des conseils communautaires et l’objectif constitutionnel d’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Elle ne revient évidemment pas sur la parité, ne s’applique qu’en ultime recours et limite les risques de détournement.

Je vous propose, dès lors, une adoption conforme de cette proposition de loi consensuelle et attendue, en suivant le Sénat qui l’a adoptée à l’unanimité. Cela permettra d’offrir une solution rapide et définitive aux manques actuels de représentation de certaines communes au sein des intercommunalités.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Cette proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires a été adoptée par le Sénat le 15 mars dernier. Elle comprend un article unique qui vise à pallier la vacance d’un siège de conseiller municipal communautaire en prévoyant que ce siège sera pourvu par un autre candidat élu sans tenir compte de son sexe, si la désignation d’un élu de même sexe est impossible. Outre le maintien des équilibres entre opposition et majorité dans les communes les plus importantes, cela concerne principalement les communes de moins de 1 000 habitants, qui ne connaissent pas le mode de scrutin paritaire. Il peut arriver qu’elles ne soient plus représentées, du fait d’un départ ou de l’incapacité de pallier la vacance par un autre élu du même sexe.

Cela relance indirectement le débat sur la généralisation du scrutin de liste paritaire à l’ensemble des communes. Cette proposition de loi est un palliatif pour remédier aux difficultés suscitées par le mode de scrutin plurinominal majoritaire à deux tours avec panachage, appliqué dans les communes de moins de 1 000 habitants. J’observe d’ailleurs que les maires de ces communes sont de moins en moins hostiles au scrutin de liste.

Compte tenu de la composition actuelle des conseils communautaires, cela n’aggravera pas la situation en matière de parité, qu’il faudrait toutefois, par une prochaine loi, veiller à renforcer dans les instances des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En attendant, ce texte permettra de garantir la représentation des communes rurales dans les intercommunalités et de maintenir les équilibres au sein des communes les plus importantes.

M. Thomas Ménagé (RN). On ne peut que se réjouir que les dispositions adoptées au cours de ces dernières années pour améliorer l’égale représentation des femmes et des hommes au sein des instances communautaires portent leurs fruits. Comme l’indique la sénatrice Françoise Gatel, qui est à l’origine de cette proposition de loi, la proportion de femmes siégeant dans les conseils communautaires a augmenté de 4,4 points après le renouvellement de 2020, pour atteindre près de 36 %, ce qui est une première étape. Notre groupe est évidemment sensible à la question de la représentation équitable des femmes et des hommes dans le monde politique : le fait que nous sommes les seuls à souhaiter l’accession d’une femme à la magistrature suprême en témoigne. En matière de présence des femmes en politique, nous n’avons donc aucune leçon à recevoir.

Le texte soumis à notre examen traite d’un sujet capital pour les communes françaises, à savoir l’effectivité de leur représentation au sein des conseils communautaires. Si le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives et aux mandats politiques a une valeur constitutionnelle, il convient de l’aménager intelligemment en le conciliant avec la nécessité pour les communes d’être représentées au sein des conseils communautaires.

La question de la représentation ne se limite cependant pas à la vacance d’un siège due à la rigidité de la loi et à la répartition des élus selon le sexe dans les communes de plus de 1 000 habitants ; elle se pose aussi tout particulièrement pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui disposent souvent d’un conseiller communautaire unique, dont le positionnement politique peut changer. Alors que les compétences des conseils communautaires des communautés de communes sont de plus en plus importantes et sont susceptibles de lier les communes, les délibérations du conseil municipal sont parfois privées d’effet – ce qui va à l’encontre de l’intérêt général et de la position de la majorité des élus – lorsque l’unique conseiller communautaire d’une commune décide, après son élection, de quitter la majorité au profit de l’opposition.

Ainsi, dans ma circonscription, la maire de Chevry-sous-le-Bignon a dû renoncer en début de mandat à sa fonction de déléguée communautaire du fait de l’incompatibilité de cette fonction avec l’emploi qu’elle exerçait dans une commune de l’EPCI. L’adjoint qui l’a remplacée est depuis entré en dissidence. Il ne représente plus la volonté du conseil municipal et ne relaie pas davantage les informations en provenance du conseil communautaire, alors que c’est l’unique représentant de la commune. La maire ne dispose d’aucun moyen pour faire évoluer les choses. Ce cas n’est pas isolé, même si, heureusement, ce problème ne concerne pas la majorité des communes.

Nous proposons, par nos amendements, des solutions pour que ces communes rurales, qui sont souvent les moins écoutées au sein des conseils communautaires, puissent être représentées dignement. J’ai entendu le souhait de Mme la rapporteure que nous procédions à un vote conforme. Je vous propose que, dans un premier temps, nous examinions nos deux amendements, afin de débattre des mesures pouvant être adoptées en faveur des communes de moins de 1 000 habitants. Dans un deuxième temps, je retirerai mes amendements, afin de ne pas entraver une avancée rapide sur la question de la représentativité des conseillers communautaires.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Choisir entre garantir la continuité de la représentation des communes et mettre à mal l’application du principe de parité : voilà un choix que nous ne voulons pas faire. Nous n’acceptons pas de déroger à la parité en matière d’accès aux mandats électoraux et fonctions électives – principe consacré depuis 1999 et inscrit à l’article 1er de notre Constitution, en 2008 – pour garantir la continuité de représentation des communes. Il n’est pas raisonnable de régler le problème de la vacance de poste en érodant l’objectif d’une égale représentation des hommes et des femmes.

Les lois relatives à l’application de la parité adoptées au cours des dernières décennies ont produit un effet positif, bien qu’encore trop limité aux élections municipales. La part de femmes élues dans les conseils municipaux a plus que doublé depuis la fin des années 1980, passant de 17 % en 1989 à 42 % en 2020. Dans les conseils communautaires, la proportion de femmes a augmenté de 4,4 points pour atteindre 35,8 % après 2020.

Cependant, on est bien souvent confronté à un problème de parité qualitative. Ainsi, 89 % des intercommunalités sont présidées par des hommes. Il reste donc un long chemin à parcourir. La persistance du sexisme, le fait que les femmes doutent davantage de leurs capacités à assumer des fonctions politiques ainsi que l’absence de prise en compte de l’articulation des temps de vie personnelle et professionnelle sont des freins à la participation des femmes. Cette question doit être prise à bras-le-corps.

Nous entendons aussi, évidemment, le problème posé par la vacance des sièges, en particulier pour les petites communes, qui se plaignent du manque de marges de manœuvre depuis la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) de 2015, laquelle était inspirée par une logique purement gestionnaire, dans un contexte d’austérité budgétaire. La proposition de loi limite la casse, en évitant qu’une commune soit pénalisée par la vacance d’un siège, mais elle ne fait que poser des pansements. La situation est intenable pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent plus de 70 % des communes en France. Le rehaussement du seuil de constitution des EPCI a mené nombre d’élus de petites communes à percevoir l’intercommunalité comme une contrainte. Les élus locaux se sentent impuissants du fait de la perte de compétences et de la complexification de l’action publique locale.

La vacance des sièges à laquelle s’efforce de remédier la proposition de loi met en lumière le problème de la démission des élus municipaux, qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans les petites communes. Ceux-ci sont découragés face aux coupes budgétaires, à l’inflation et à l’incapacité d’appliquer leur projet de mandat. Ils se retrouvent aussi en première ligne face à la colère populaire, dans un contexte délétère où citoyens et citoyennes ne se sentent pas écoutés, représentés ni respectés par un gouvernement qui fait passer des textes en force et met à mal la confiance dans la représentation politique.

Nous refusons de reculer sur le principe de la parité pour panser un dysfonctionnement bien plus large.

M. Philippe Latombe (Dem). La vacance des sièges intercommunaux est l’un des points d’attention de l’Association des maires et des présidents d’intercommunalité de France (AMF) et une préoccupation d’Intercommunalités de France, qui souligne « les incompréhensions de certaines règles par les élus qui surviennent lorsque des difficultés comme celle d’une vacance se posent ». Le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) partage en tout point ces préoccupations. Je tiens à saluer le travail d’Élodie Jacquier-Laforge et de Raphaël Schellenberger, qui ont souligné les difficultés liées à l’application de l’article L. 273‑10 du code électoral. Dans un contexte de démission croissante des élus locaux et de désaffection des élus locaux pour le mandat intercommunal, les exemples de vacance durable de sièges au sein des conseils communautaires se sont récemment multipliés. Ce phénomène peut conduire à des impasses démocratiques et institutionnelles et porter atteinte au principe à valeur constitutionnelle de pluralisme des courants d’idées.

Porté au Sénat par Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues, ce texte vise à remédier aux difficultés liées à la possibilité de la vacance durable d’un siège en raison de l’application du principe de parité. Plus précisément, l’article unique de la proposition de loi vise à pourvoir à la vacance d’un siège de conseiller communautaire d’une commune par un autre candidat élu sans tenir compte de son sexe lorsque la désignation d’un élu de même sexe est impossible. Les doutes exprimés sur le risque d’inconstitutionnalité – au regard du principe d’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives et aux mandats politiques – ont été écartés par la commission des lois du Sénat, qui a adopté à l’unanimité la proposition de loi en précisant que le dispositif s’appliquerait à compter d’une année suivant la date d’installation du conseil municipal et non à partir du renouvellement général des conseillers municipaux. En séance, les sénateurs ont adopté le texte ainsi modifié.

Notre groupe partage l’objectif de cette proposition de loi, qui garantit la représentation des petites communes dans les conseils communautaires et assure la conciliation des deux principes essentiels que sont la parité et le pluralisme des courants d’idées. Nous voterons en faveur de la proposition de loi, et dans sa rédaction actuelle afin de permettre sa promulgation rapide.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Depuis le dernier renouvellement municipal, les démissions d’élus sont en hausse, ce qui n’est pas sans soulever des interrogations tant en ce qui concerne le renouvellement des postes dans les équipes que la représentation de la commune au sein de son EPCI. Les règles régissant le remplacement d’un conseiller communautaire sont insatisfaisantes car elles empêchent l’élu, en dernier recours – j’insiste sur ces termes – de se substituer à un collègue démissionnaire de sexe opposé.

La proposition de loi de notre collègue sénatrice Françoise Gatel est donc bienvenue, en ce qu’elle apporte des solutions à nos élus locaux confrontés à un blocage lié à la vacance d’un siège. Ces cas apparaissent aujourd’hui de façon ponctuelle mais pourraient se multiplier dans les années à venir. Les sénateurs ont souhaité y remédier en conférant la possibilité au conseiller suivant, dans l’ordre de la liste, d’assurer la représentation de sa commune au sein du conseil communautaire, quel que soit son sexe. La proposition de loi introduit ainsi un régime dérogatoire qui permet de maintenir la continuité de la représentation de la commune dans son EPCI, ce qui répond à une demande formulée de longue date par nos élus locaux et les associations qui les représentent.

Il faut souligner le caractère subsidiaire de cette mesure qui dispense le législateur de revenir sur les dispositions existantes concernant la représentation paritaire au sein des organes délibérants.

Enfin, en prévoyant un délai d’un an avant de pouvoir appliquer le régime dérogatoire, les auteurs de la proposition de loi se prémunissent contre des stratégies éventuelles de contournement qui pourraient prendre la forme de démissions en cascade.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de ce texte, qui permettra de débloquer des situations inextricables. Nous espérons que l’Assemblée l’adoptera sans modification, ce qui consacrerait notre soutien unanime aux élus locaux.

M. Philippe Pradal (HOR). Un seul objectif semble avoir guidé le Sénat dans le dépôt de cette proposition de loi : le pragmatisme. Comme l’explique son exposé des motifs, les ajustements législatifs particulièrement encadrés et limités qu’elle propose ne visent qu’à assurer une juste représentation des communes au sein des conseils communautaires. Le droit actuel comporte un effet de bord qui ne permet pas une conciliation équilibrée entre les principes de parité et de représentation des communes au sein des intercommunalités dont elles sont membres.

Le groupe Horizons et apparentés est profondément attaché au principe d’égalité de représentation des femmes et des hommes. Nous sommes convaincus de la nécessité du respect de la règle de la parité pour la composition du conseil municipal mais également pour la représentation des communes au sein des conseils communautaires. Ces dispositions ont montré leur efficacité puisque, à l’issue de renouvellement de 2020, le nombre de femmes conseillères communautaires a augmenté de plus de 4 points et atteint désormais près de 39 %. Saluons à cet égard la constitutionnalisation de l’objectif d’égale représentation des femmes et des hommes au sein des instances locales, qui a conduit le législateur à instaurer la parité, pour les communes de plus de 1 000 habitants, dans la constitution des listes des candidats au conseil communautaire.

Le respect de ce principe s’appliquant tout au long du mandat, la démission d’un conseiller communautaire peut néanmoins aboutir à une vacance durable et, par voie de conséquence, à la sous-représentation d’une commune au sein de son EPCI. Cette situation peut être observée, notamment, à Reims, au Havre, à Fécamp, mais aussi dans de plus petites communes de la Nièvre ou de Vendée. Cette sous-représentation suscite une incompréhension profonde des élus concernés, en particulier dans les plus petites communes, qui ont peu de conseillers communautaires. Elle compromet aussi le bon fonctionnement des EPCI à fiscalité propre, dont les décisions pourraient être considérées comme entachées d’un défaut de représentativité et de légitimité dans le cas d’un équilibre fragile de représentation entre la ville-centre et les communes de plus petite taille. Les incompréhensions pouvant exister entre la première et les secondes avaient été mises en évidence par la mission « flash » sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, menée en 2021 par Mme Élodie Jacquier-Laforge et M. Raphaël Schellenberger. À cela s’ajoute, parfois, un amoindrissement des droits de l’opposition, celle-ci pouvant se trouver sans représentation au sein du conseil communautaire en raison de l’insuffisance du réservoir de candidats de même sexe, fléchés ou non.

Le groupe Horizons et apparentés soutiendra cette proposition de loi qui ne doit être entendue que dans sa dimension pragmatique. Le dispositif proposé est raisonnable et encadré puisqu’il ne concernerait que les communes de plus de 1 000 habitants représentées par plusieurs élus au sein du conseil communautaire.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cette proposition de loi part d’un constat : la vacance d’un siège de conseiller communautaire est préjudiciable à la représentation des communes, notamment des plus petites d’entre elles, qui disposent de peu de conseillers ou conseillères communautaires. Ce texte vise à concilier, dans l’intérêt des communes, l’exigence de l’égale représentation des femmes et des hommes au sein des conseils élus des EPCI à fiscalité propre et la juste représentation des communes membres au sein de ces organes.

Pour les communes de plus de 1 000 habitants, le législateur a instauré une règle de parité dans la constitution des listes des candidats au conseil communautaire, en application de l’article 1er de la Constitution, qui affirme le principe de la parité en matière d’accès aux mandats électoraux et fonctions électives. Le code électoral, par son article L. 273-10, précise que le respect du principe de parité s’applique tout au long du mandat, y compris en cas de démission en cours de mandat. Bien que l’on soit soumis, en matière de parité, à une obligation de moyens et non de résultat, comme l’a affirmé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel, notamment à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2015, il est de notre responsabilité politique, dans le contexte actuel, de faire de la parité hommes-femmes une réalité tangible et de prendre en la matière un engagement intangible.

Je le dis d’emblée, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi, parce qu’elle apporte, de notre point de vue, une mauvaise réponse à un vrai problème. Notre opposition à la mesure proposée ne doit pas être entendue comme de l’insensibilité à une situation qui reste toutefois marginale, celle des communes se retrouvant sans représentant au conseil communautaire. Elle doit s’analyser comme un refus de cautionner une solution inadaptée à un mal plus profond. En effet, notre démocratie locale est malade, à l’image de la situation nationale. Dans un contexte de crise de l’engagement local, en particulier intercommunal, marquée par le nombre croissant des démissions des élus locaux et leur désintérêt pour le mandat intercommunal, la question de la pertinence démocratique de nos structures locales mérite d’être posée plus largement. Alors que les EPCI à fiscalité propre exercent des compétences structurantes pour la vie communale, les organes intercommunaux pâtissent d’un déficit de légitimité démocratique dû au mode de scrutin retenu pour l’élection des exécutifs communautaires.

L’éloignement démocratique est source d’interrogations, en particulier concernant les EPCI à fiscalité propre, qui bénéficient de pouvoirs de gestion accrus et de la capacité de lever des impôts locaux. Cela justifie une élection plus directe de leurs représentants, conformément à l’esprit de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme du citoyen, qui dispose que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Or, à ce jour, 1 254 EPCI à fiscalité propre souffrent de ce déficit de légitimité démocratique et de défauts de parité dans les exécutifs. Cela a été dit, 89 % des présidents d’intercommunalités sont des hommes. Voilà un des vastes chantiers auxquels nous devons collectivement nous attaquer dans le cadre de la régénération et de la revitalisation de notre démocratie locale.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Ce texte est loin d’être parfait, mais il répond de manière pragmatique aux difficultés qui se posent, sans remettre en cause l’exigence de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il vise à garantir que chaque commune puisse participer activement au fonctionnement de son EPCI, tout en préservant la représentation des femmes au sein des instances locales. Il faut en effet remédier aux difficultés auxquelles font face les petites communes. Certes, la proposition de loi peut paraître minimaliste mais elle a le mérite de proposer un remède, certes transitoire. Nous devrons par la suite définir des solutions plus pérennes. Il reste un peu de chemin à faire pour parachever le travail législatif accompli.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en faveur du texte tout en réaffirmant la nécessité de faire des propositions concrètes pour résoudre ce problème de manière définitive.

M. Paul Molac (LIOT). Nous voterons cette proposition de loi de Françoise Gatel, qui apporte une solution concrète à un problème bien réel.

Notre groupe est attaché à la parité, règle qui a dû être inscrite dans la Constitution parce que le Conseil constitutionnel avait censuré une loi introduisant des quotas de femmes.

Le Parlement est intervenu à plusieurs reprises pour assurer une meilleure représentation des femmes. Il reste des marges d’amélioration : les femmes, cela a été dit, sont très minoritaires parmi les présidents d’EPCI et elles ne représentent que 42 % de l’ensemble des élus locaux. Nous sommes encore malades, mais sur la voie de la guérison.

Cette proposition de loi vient à point nommé pour régler un problème somme toute assez mineur, mais qui risque de devenir plus fréquent avec la hausse des démissions d’élus locaux. Elle ne remet pas en cause l’économie des lois visant à assurer une représentation équilibrée.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Je me réjouis de la large approbation qui se dessine pour garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires. Cette proposition de loi n’a pas d’autre ambition.

Monsieur Bex, vous avez mentionné différentes causes de la désaffection vis-à-vis de la démocratie locale, omettant celle qui réside dans la difficulté qu’il peut y avoir à comprendre les règles édictées par le législateur. C’est le cas ici : les élus locaux ne comprennent pas. Il faut en effet faire des progrès en matière de représentation des femmes – le faible nombre de femmes à la tête d’EPCI en constitue une illustration, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé –, mais il faut aussi répondre à ces incompréhensions.

Article unique (art. L. 273-10 du code électoral) : Garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires

La commission adopte l’article unique non modifié.

Après l’article unique

Amendements CL5 et CL6 de M. Thomas Ménagé (présentation commune).

M. Thomas Ménagé (RN). Je retirerai ces amendements car une adoption conforme permettra une application plus rapide du texte. Il concerne les communes de plus de 1 000 habitants, aussi mes deux amendements visent-ils des communes plus petites, qui ont souvent du mal à se faire entendre au sein des conseils communautaires. Il arrive même, je l’ai dit, qu’elles ne soient pas représentées : c’est le cas lorsque l’unique conseiller communautaire ne porte pas la voix du conseil municipal. Si le conseil communautaire appartient à l’opposition, ou s’il ne vient plus aux réunions, le maire ne reçoit pas toujours les informations dont il aurait besoin.

C’est pourquoi nous pourrions réfléchir à un retour à la situation antérieure à 2014 : il était alors possible à tout moment de révoquer un conseiller communautaire et de le remplacer par le suivant dans l’ordre du tableau. Ce conseiller communautaire doit avoir du temps mais aussi être en lien direct avec le maire quand celui-ci ne peut pas occuper ces fonctions.

La solution proposée à travers ces deux amendements n’est peut-être pas idoine, mais il nous faudrait dessiner des pistes pour nos communes rurales.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. J’entends bien l’inconfort que peut susciter la situation que vous évoquez. Juridiquement, je ne pense pas que la solution que vous proposez soit idéale. Il me semble en effet insatisfaisant de révoquer des gens qui ont été élus. En tout cas, ces amendements ne relèvent que très indirectement du champ de la proposition de loi. Je vous remercie d’avoir d’emblée proposé de les retirer.

M. Thomas Ménagé (RN). Il faudra trouver une meilleure solution. J’espérais qu’un simple retour à la situation antérieure serait possible. Nous devons y travailler, et je remercie tous ceux de nos collègues qui voudront se pencher avec moi sur ce sujet.

Je retire mes amendements afin que la proposition de loi s’applique aussi vite que possible.

Les amendements CL5 et CL6 sont retirés.

Amendement CL4 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Cet amendement consiste en une demande de rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes au sein du bloc communal.

Les femmes demeurent largement sous-représentées dans l’exercice des fonctions électives ; malgré de relatives améliorations apportées par les réformes des années 2000, elles représentent seulement 18,8 % des maires des communes de plus de 1 000 habitants. Des obstacles demeurent, et la loi NOTRe a rendu plus difficile l’atteinte de la parité dans ces instances.

Nous demandons donc que le Gouvernement analyse, dans un rapport remis au Parlement, la représentation des femmes dans les conseils communautaires en détaillant les freins et les leviers qui nous empêchent d’atteindre une parité réelle.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure. Des statistiques détaillées existent déjà. En 2021, à l’issue des dernières élections municipales et communautaires, la direction générale des collectivités locales a compilé des statistiques sur la proportion de femmes maires, conseillères municipales et adjointes, conseillères communautaires et membres de l’exécutif de ces conseils et, enfin, présidentes d’EPCI. Ces données, recensées en temps réel dans le répertoire national des élus, sont accessibles à tous.

En outre, un décret du 24 juin 2015 impose aux intercommunalités de plus de 20 000 habitants de produire un rapport sur l’égalité hommes-femmes. Il porte toutefois sur les collaborateurs et les agents plus que sur les élus.

L’absence de parité réelle dans les conseils du bloc communal résulte du choix des têtes de liste, sujet qui dépasse largement le cadre de cette proposition de loi. Il en va de même des exécutifs. Je vous renvoie donc aux travaux de la mission « flash » sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, menée en 2021 par nos collègues Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger.

Un nombre croissant de conseils communautaires pâtissent de la vacance d’un ou de plusieurs conseillers communautaires. C’est pourquoi j’estime que cette proposition de loi doit être adoptée conforme. Aussi je vous demande de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte la proposition de loi non modifiée.

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La Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique (n° 1291) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur).

Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion qui s’est tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

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Puis, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « Eau » et « Assainissement » (n° 1294) (M. Benjamin SaintHuile, rapporteur).

Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion qui s’est tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

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Enfin, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance (n° 1163) (MM. Paul Molac et Erwan Balanant, rapporteurs).

Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion qui s’est tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

La séance est levée à 12 heures 35.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Christine Arrighi, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, M. Stéphane Delautrette, Mme Mathilde Desjonquères, M. Philippe Dunoyer, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Julie Lechanteux, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, M. Paul Molac, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme  Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. BenjaminSaint-Huile, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean-Marc Tellier, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, Mme Caroline Yadan

Excusés. - Mme Blandine Brocard, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Christophe Bex, M. Fabien Di Filippo, Mme Pascale Martin, M. Sébastien Rome