Compte rendu

Groupe de travail sur le développement durable de l’Assemblée nationale

 Audition de M. Laurent Delcayrou, chef de projet, The Shift Project, sur les travaux du projet « Stratégie et résilience des territoires » à destination des élus et des acteurs territoriaux.              2

 

 


Mercredi 11 janvier 2023

Séance à 14 heures 15

Compte rendu n° 5

 

Présidence de

M. Jean-Marc Zulesi,

Vice-Président


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La réunion est ouverte à quatorze heures vingt-cinq.

Le groupe de travail sur le développement durable a auditionné M. Laurent Delcayrou, chef de projet au sein du Shift Project, sur les travaux du projet « Stratégie et résilience des territoires » à destination des élus et des acteurs territoriaux.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous entendons aujourd’hui M. Laurent Delcayrou, chef de projet au sein du Shift Project, association reconnue d’intérêt général qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone. Le Shift Project structure son expertise en projets thématiques dans le but de formuler des propositions innovantes. M. Delcayrou a ainsi dirigé les travaux du projet « Stratégie et résilience des territoires » à destination des élus et des acteurs territoriaux.

Je précise que nous entendrons ultérieurement M. Jason Saniez, chef du projet « Administration publique » du Shift Project, qui nous fera part du diagnostic et des perspectives de décarbonation pour les structures de l’État.

Pourriez-vous nous faire une brève présentation du Shift Project et nous éclairer sur la méthode suivie dans les projets qu’il met en œuvre ?

Notre groupe de travail est chargé de réaliser un diagnostic et de formuler des propositions pour que l’Assemblée nationale améliore son fonctionnement interne en matière de développement durable. Nous avons entrepris de nombreux travaux sur le volet énergétique et nous avons engagé un bilan carbone dans le but d’améliorer notre empreinte en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Nous serions très intéressés d’entendre votre constat quant à la trajectoire carbone des collectivités locales et des acteurs locaux. Pouvez-vous nous faire état des bonnes et des mauvaises pratiques que vous avez pu relever lors de vos travaux ? Quelles pistes avez-vous retenues pour améliorer la décarbonation des territoires ? Si vous voyez des propositions qui pourraient être mises en œuvre au sein de l’Assemblée nationale, nous sommes preneurs.

M. Laurent Delcayrou, chef de projet, The Shift Project. Je m’intéresse surtout à la façon dont les sujets de développement durable et de transition écologique sont reçus et appropriés par les territoires. Je m’intéresse aussi à la façon dont les administrations publiques territoriales s’efforcent de se montrer exemplaires avant d’accompagner les territoires.

The Shift Project est une association créée il y a une douzaine d’années par M. Jean Marc Jancovici, dont l’objet est d’influencer les entreprises et de les encourager à s’emparer du sujet de la décarbonation, pour des raisons climatiques que tout le monde connaît, mais aussi pour des raisons de dépendance à des ressources naturelles finies. Le « Shift » documente la dépendance de toute la société aux énergies fossiles et la difficulté de s’en affranchir.

Le Shift a d’abord travaillé avec un prisme économique en s’intéressant, secteur économique par secteur économique, à la façon de respecter l’engagement de la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Très concrètement, le Shift s’intéresse aux flux d’énergie et de matériaux et aux compétences qu’il est nécessaire de mobiliser, et il établit des plans d’action pour atteindre cet objectif.

Depuis environ deux ans et demi, nous nous intéressons à ce qui se passe dans les territoires : c’est là que les bouleversements climatiques ou liés aux crises énergétiques se manifestent ; c’est là que les ressources à mobiliser sont présentes ; enfin, c’est l’espace de proximité avec les citoyens. Les élus de proximité sont très attentifs à l’acceptabilité des choix et des décisions qu’ils vont devoir prendre. Travailler à l’échelle des territoires permet de partager les diagnostics avec les citoyens et de coconstruire les réponses les plus adaptées.

Pour mobiliser au mieux ces acteurs territoriaux, le Shift est adossé à une autre association, les « Shifters », qui sont plus de vingt mille en France et qui constituent un relais essentiel pour les travaux du Shift. Les Shifters ont leur propre agenda et leurs propres initiatives. Ces deux associations sont distinctes, mais l’une porte et soutient les actions de l’autre.

Nous nous adressons aux élus territoriaux – moins à ceux qui sont déjà convaincus qu’aux autres… – à travers une campagne de sensibilisation portée par les Shifters ainsi que par d’autres associations partenaires (France Urbaine, Association des petites villes de France, Villes de France, Intercommunalités de France, Association nationale des élus du littoral), qui sont les représentants nationaux des collectivités que nous cherchons à mobiliser. Dans nos travaux, nous distinguons les territoires par catégorie : villes, campagnes, métropoles, montagne, littoral, Outre-mer.

Nous mettons souvent en avant la nécessité de montrer l’exemple, pour deux raisons : la première est qu’en s’appliquant à soi-même un certain nombre de principes et de recommandations, on apprend beaucoup, ce qui aide à bâtir des politiques adaptées pour aider les autres acteurs ; la seconde raison est la crédibilité.

Le premier message, qui est peut-être aussi le principal, porte sur la nécessité de bien comprendre le problème. Ce n’est pas parce que nous parlons d’un sujet en permanence que nous en avons bien compris la complexité, ni saisi les interdépendances entre les questions climatique, énergétique, d’épuisement des ressources et de vulnérabilité. La compréhension de ces enjeux doit être la plus partagée possible. Dans une organisation, cette préoccupation doit figurer à l’agenda et apparaître comme un sujet transversal : la transition écologique impacte toutes les politiques, tous les secteurs, tous les sujets. Il faut que cette réalité transparaisse dans l’organisation.

Le monde que nous avons connu, qui était caractérisé par un climat relativement stable et par des ressources dont la disponibilité n’était pas remise en cause, a disparu. Le climat est désormais instable – et cela pour longtemps, quoi que nous fassions. Les bouleversements climatiques vont se multiplier, même si nous arrêtons demain d’émettre des gaz à effet de serre. Je rappelle, à ce sujet, que c’est la combustion des énergies fossiles qui est la principale responsable du dérèglement climatique. Par ailleurs, les ressources vont être de plus en plus contraintes. Le risque de pénurie est réel et l’accès aux métaux rares, dont nous avons absolument besoin pour décarboner notre société et notre économie, sera de plus en plus difficile. Désormais, il nous faudra donc vivre avec cette instabilité, cette incertitude et cette contrainte forte sur les ressources.

Pour être résilients dans un tel contexte, il ne suffit pas d’anticiper les crises et d’y faire face du mieux possible : il faut absolument se transformer. Les crises ayant vocation à se poursuivre, mais aussi à être de plus en plus intenses et violentes, notre vulnérabilité ne peut être réduite que si nous transformons énormément de choses. Cette transformation s’appelle « l’adaptation », laquelle doit être conciliée avec « l’atténuation », qui suppose de s’attaquer aux causes, c'est-à-dire à la dépendance aux énergies fossiles ; in fine, elle s’appelle aussi « sobriété ».

Le Shift Project est, pour l’essentiel, une association d’ingénieurs : nous étudions, secteur par secteur, tout ce que l’on peut attendre de la technologie – de l’efficacité énergétique, de l’électrification des usages, autant de choses qui nous permettront de ne pas changer l’usage. Une fois que nous avons regardé ce que la technologie nous permettait de faire, nous comprenons que nous n’y arriverons pas sans un changement des usages, sans la sobriété. Il ne s’agit pas seulement d’électrifier les voitures, mais d’en limiter le nombre et de leur préférer le vélo ou la marche. Il s’agit aussi de transformer nos pratiques d’alimentation, de changer notre aménagement du territoire, de rapprocher les fonctions des territoires pour limiter les besoins de déplacement.

Notre première recommandation est donc de partager les enjeux et le diagnostic. Nous encourageons les collectivités à investir dans cette compréhension des enjeux, dans la formation des agents et des élus, dans l’expertise permettant de documenter les enjeux et à les appliquer à leur propre territoire. Pour une organisation, il peut s’agir d’établir des bilans carbone. Il est intéressant de ne pas se limiter à un discours autour de la lutte contre le réchauffement global de la planète, mais de lier le sujet à des enjeux locaux et concrets : avant de lutter contre le réchauffement global, c’est pour répondre à des enjeux de sécurité et de bien-être très concrets que les décideurs locaux doivent se mobiliser… parce que le dérèglement climatique a des conséquences immédiates et fortes sur les territoires, parce que la crise énergétique est une réalité et touche énormément de populations et parce que les infrastructures sont menacées.

Nous essayons d’avoir un discours fort sur la compréhension des enjeux et sur l’investissement dans une compréhension partagée : plus nombreuses seront les personnes convaincues de l’ampleur des enjeux et de l’ampleur des transformations à opérer dans les politiques, plus les changements seront facilités.

Si nous faisons l’analogie avec des administrations territoriales, l’Assemblée nationale peut montrer l’exemple par des actions très concrètes sur son patrimoine, la mobilité de ses agents et celle des personnes qui vont voir leur député. Elle peut agir sur la commande publique, qui est un levier gigantesque. La commande publique locale, territoriale, représente les deux tiers de la commande publique nationale. La nature même de la commande est un levier pour se décarboner et montrer l’exemple. Vous avez forcément des agents déjà engagés : plus vous encouragerez leurs initiatives, à l’intérieur comme à l’extérieur de votre maison, plus vous pourrez espérer que la compréhension, l’énergie et l’envie d’agir se diffuseront et se traduiront par des évolutions pratiques. Cela peut consister aussi à encourager les collectivités à travailler de façon transversale.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Avez-vous des exemples d’actions concrètes permettant d’orienter la commande publique vers une transition écologique de bon niveau ?

M. Laurent Delcayrou. Dans les collectivités, l’un des sujets sur lesquels agir est la restauration. L’alimentation provient de l’autre bout de l’Europe – si ce n’est du monde… –, elle parcourt des centaines de kilomètres (particulièrement à Paris) avant d’arriver dans nos assiettes. Elle est un moteur assez puissant de transformation de l’agriculture : plus vous avez des exigences en matière de circuits courts et de bonnes pratiques agricoles, plus vous encouragerez le développement de cette agriculture nourricière, de proximité, ainsi que la transition agroécologique, et plus vous ferez de la commande publique un levier.

L’agriculture est très spécialisée : ce n’est pas parce que vous êtes en zone rurale que vous avez plus d’autonomie alimentaire que dans une métropole. Les produits agricoles sont cultivés près de chez vous, mais ils ne sont pas transformés au même endroit : ils partent d’abord pour Rungis, puis ils reviennent dans votre assiette. La transformation de l’agriculture se fera par une transformation de la demande et la restauration est un levier que beaucoup de collectivités actionnent.

Certaines collectivités vont jusqu’à travailler sur l’acquisition de foncier, sur la mise en place de régies municipales agricoles pour alimenter leurs cantines et leurs restaurants. Il s’agit là d’un levier puissant, ce travail sur l’alimentation pouvant s’accompagner d’un travail de pédagogie et d’acculturation.

Le travail sur la commande publique peut également porter sur les clauses sociales et environnementales. Celles-ci sont prévues dans la loi, mais les ambitions qui avaient été fixées sont loin d’être atteintes. Il est possible de faire bien mieux dans le développement de ces clauses, même s’il existe des freins juridiques et que les équipes qui passent les marchés ont souvent un problème d’habitude et souffrent d’un manque de formation. De nombreuses collectivités ont investi sur ce champ-là.

Il est aussi possible d’agir sur la rénovation et la construction. Il faut absolument construire moins et il faut construire autrement, en mobilisant d’autres matériaux que le béton. Il faut également rénover plus. Peut-être l’Assemblée nationale a-t-elle du patrimoine à rénover ? C’est un chantier énorme, qui a un impact sur les collectivités locales.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Vous avez indiqué qu’une des conditions de succès d’une transition réussie était de faire en sorte que les agents se sentent particulièrement concernés. Avez-vous pu observer, parmi les collectivités que vous avez accompagnées, des manières de faire ayant bien irrigué sur l’ensemble du personnel ?

M. Laurent Delcayrou. Cela dépend de l’expérience des territoires. Certains députés viennent de circonscriptions qui ont connu des drames (submersion sur la côte atlantique, fermeture de stations de ski par manque de neige, nombreux morts pendant les canicules, etc.). À partir du moment où un territoire a vécu une crise majeure, il a une approche un peu différente du risque et de ses enjeux. Ce qui est vrai pour les élus l’est peut‑être aussi pour les personnels. En tout cas, il est beaucoup plus facile à un élu d’embarquer sa population et ses agents si le territoire a une expérience du risque majeur.

Cette expérience peut aussi porter sur des enjeux industriels : je pense à l’incendie de Lubrizol, à Rouen. La population se trouve en bord de Seine, en zone inondable ; plusieurs sites sont classés Seveso, ce qui oblige à revoir en profondeur la façon de penser le territoire.

Une autre pratique que nous jugeons intéressante consiste à ne pas réaliser son diagnostic seul et à le coconstruire – ou, en tout cas, à partager régulièrement sur le sujet et à communiquer les résultats intermédiaires. De sorte qu’en arrivant au terme de l’exercice, les constats ont été largement partagés et ce travail n’est plus à faire. L’expérience montre que réaliser son diagnostic seul, même en communiquant par la suite et en sollicitant les autres services pour leur dire qu’ils sont concernés, ne fonctionne pas.

Comment mobiliser vos collègues députés ? Je n’ai pas la réponse, mais il est certain qu’avoir des alliés avec lesquels coconstruire le diagnostic sur la vulnérabilité et sur les points à faire évoluer, est à la fois un enjeu et un levier.

Un autre levier est le benchmark, sous réserve naturellement qu’il s’agisse de collectivités comparables. Voir ce que font les autres parlements, qui se posent certainement les mêmes questions que l’Assemblée nationale, serait intéressant.

Mme la rapporteure Marie Guévenoux. Pouvez-vous nous conseiller des acteurs ou des collectivités particulièrement à la pointe ?

M. Laurent Delcayrou. Beaucoup de choses intéressantes se passent dans les grandes métropoles. Elles ont des équipes politiques qui portent ces sujets et qui sont suffisamment « staffées ». Il existe naturellement une corrélation directe entre l’ingénierie dont disposent les collectivités et leur capacité à faire et à se transformer. Sur de tels sujets, il faudrait avoir une ingénierie interne et permanente – ou, au moins, avoir accès à de l’ingénierie externe.

Je ne sais pas si le terme d’ « ingénierie » peut s’appliquer à l’Assemblée nationale. Peut-être ne disposez-vous pas de toutes les compétences requises parmi les personnes qui accompagnent l’Assemblée dans son fonctionnement ? Les collectivités locales se dotent, en tout cas, de nouvelles compétences qu’elles mutualisent de plus en plus, puisque beaucoup n’ont pas les moyens de se les offrir seules.

M. Gérard Leseul. En France, la culture de l’évaluation nous fait globalement défaut. Il existe très peu de travaux chez nos collègues du Sénat. Que pensez-vous de la possibilité de réaliser un rapport « Responsabilité sociétale des entreprises » (RSE) pour l’Assemblée nationale, avec un volet environnemental, mais également les volets gouvernance, ressources humaines, sous-traitance et fournisseurs ? Il s’agirait de se doter d’une méthodologie et de compétences, ainsi que de réaliser une évaluation croisée, ce qui paraît essentiel si l’on veut obtenir une bonne appropriation de ces sujets par l’ensemble de ceux qui constituent le corps social de l’Assemblée nationale.

Ne pensez-vous pas qu’il faille avoir une ambition globale en matière de RSE, plutôt que d’adopter des logiques scindées ? Il est difficile d’avoir des exemples puisque, par définition, il existe peu d’organisations comparables à l’Assemblée nationale en France, mais de grandes entreprises ont été confrontées à l’obligation légale de rédiger des rapports et sont devenues plus transparentes, à défaut d’être plus vertueuses, et se sont dotées d’outils d’évaluation.

Pensez-vous que les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) sont suffisamment efficaces ?

Avez-vous un avis concernant la création d’un défenseur de l’environnement ?

M. Laurent Delcayrou. Si la rédaction d’un rapport RSE permet effectivement de ne pas « siloter » l’organisation et de mettre la gouvernance au cœur des préoccupations, j’y suis favorable : c’est la transformation de votre gouvernance – plus que la manière dont vous allez acheter et rénover – qui sera le levier le plus efficace. Je suis critique à l’égard de certaines approches RSE, dans lesquelles c’est l’entreprise qui choisit les sujets qu’elle fait figurer dans son rapport et même si celui-ci répond à une obligation légale. Pourquoi ne pas envisager un rapport qui intègre toutes les dimensions du sujet pour l’Assemblée nationale ? Il conviendrait de mettre le sujet de la gouvernance au plus haut niveau de vos préoccupations, de faire en sorte qu’il irrigue toute l’activité et toutes les politiques de la maison et de s’organiser de sorte que la façon dont sont prises les décisions reflète cette transversalité.

Intercommunalités de France a fait la somme des objectifs affichés par les PCAET afin de les comparer à l’objectif national pour 2050 : ces objectifs affichés ne représentent que la moitié du chemin à parcourir. Cette situation n’est pas le fruit d’une mauvaise volonté, mais la conséquence du fait que nous laissons les intercommunalités sans réel repère : l’objectif national n’a pas été véritablement décliné au niveau régional et il n’y a pas eu d’échanges entre l’État et les régions pour décider de la manière de se répartir les efforts en fonction des spécificités de chaque région. Un territoire urbain ou une métropole ne sera jamais neutre en carbone, quelles que soient les actions engagées. Un territoire forestier, en revanche, ne doit pas seulement viser la neutralité carbone, mais il doit aussi être un puits de carbone, puisque la nation en a besoin. Si un territoire forestier ne poursuit pas une telle ambition, la France n’atteindra jamais la neutralité.

Les PCAET évoluent plutôt dans le bon sens. Les premiers plans visaient surtout à la production d’énergie, plus qu’à son économie. Ils étaient très centrés sur les énergies renouvelables : ils comportaient un peu de rénovation énergétique, beaucoup de production d’énergies renouvelables, et finalement assez peu de réflexions sur la sobriété énergétique. De plus, le PCAET n’était qu’un plan parmi les autres plans au sein d’une collectivité. Le fait que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) puissent faire office de plans Climat et qu’il y ait une deuxième génération de plans Climat font que les choses s’améliorent, les sujets du climat et de l’énergie ont pris plus de place. Mais il reste possible de mieux faire : ce sont toutes les politiques territoriales qui doivent être défendues ; à partir du moment où les sujets sont « silotés » à toutes les échelles, à partir du moment où les questions de climat et d’énergie restent dans les cases qui leur sont attribuées, nous aurons du mal à engager cette transformation.

Mme Nathalie Bassire. Dans cette grande maison qu’est l’Assemblée nationale, nous n’arrivons pas toujours à savoir qui va venir manger dans nos cantines. Il s’ensuit très souvent un gâchis alimentaire. Quelles seraient vos préconisations en la matière ? Comment pourrions-nous gérer ce surplus ?

M. Pierre Cazeneuve. Il me semble que nous travaillons déjà avec une association.

Mme Nathalie Bassire. À la cafétéria du 101, effectivement. Mais ce n’est pas le cas partout.

M. Laurent Delcayrou. Dès qu’il y a « déchets », nous pensons « économie circulaire ». Il faut voir ce que vous pouvez faire en termes de politique d’achat pour encourager cette économie, qui est a priori la seule qui sera soutenable demain.

S’agissant de l’alimentation, il y a un enjeu à ce que cette production de déchets organiques soit valorisée. Il existe des maraîchers et un certain nombre de surfaces agricoles en Ile-de-France. Certaines actions vont plus loin, comme les expériences de recyclage des biodéchets : il s’agit de voir comment valoriser ces derniers afin de les substituer à des engrais pour la transition agroécologique. Il existe certains freins, notamment culturels, mais il est possible d’aller assez loin dans l’économie circulaire et la valorisation des déchets. Dans l’alimentation, cela ne doit pas être insurmontable.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Au regard des travaux que vous avez menés, certaines collectivités territoriales vous semblent-elles à même de montrer l’exemple ?

M. Laurent Delcayrou. Nos publications comportent de nombreux exemples d’actions. Ce n’est pas parce que l’on cite une collectivité en raison d’une action que nous jugeons intéressante que toute la collectivité est exemplaire.

La collectivité de La Rochelle, qui s’est emparée depuis longtemps des questions de développement durable, me semble particulièrement intéressante. Cette collectivité refuse l’installation d’Amazon pour être cohérente avec sa stratégie bas carbone ; elle monte en revanche une coopérative bas carbone, afin de financer les projets de décarbonation de ses acteurs économiques. La volonté politique me semble assez partagée depuis longtemps. Elle est également actualisée, chaque génération d’élus l’ayant renouvelée. C’est à La Rochelle que les premiers vélos et les premiers véhicules électriques en libre-service ont été mis en place.

Cette collectivité est en première ligne face au risque climatique, en raison du risque de submersion. Des actions de gestion de crise sont mises en œuvre. Nous parlons beaucoup de décarbonation, mais la résilience comporte aussi la gestion de crise. La Rochelle organise des exercices de gestion de crise dans lesquels sont imaginées des tempêtes et des submersions. Un dispositif a été défini, dans lequel les agents publics sont mobilisés pour protéger la ville.

Un certain nombre d’administrations et de collectivités font des retours d’expérience sur la crise de la covid-19 et le confinement et sur la manière dont elles ont rendu un service, certes souvent dégradé, afin d’en tirer des enseignements. Un retour d’expérience sur la façon dont une crise a été traversée peut être utile pour acculturer les agents et les élus à ces enjeux. La question n’est pas de savoir si une crise se produira ou non, mais de savoir si nos façons de fonctionner sont capables de supporter les crises et si nous sommes capables de nous organiser de sorte que, même en cas de crise majeure, nous continuions à fonctionner, à rendre un certain nombre de services. Nous avons beaucoup de choses à apprendre de la manière dont nous avons traversé la crise, qui pourront nous aider dans notre fonctionnement futur.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Je vous remercie. N’hésitez pas à partager avec nous, à l’avenir, toutes les informations que vous jugeriez utiles.

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L’audition s’achève à quinze heures vingt.


Membres présents ou excusés

Groupe de travail sur le développement durable

 

Présents. - Mme Nathalie Bassire, M. Pierre Cazeneuve, Mme Marie Guévenoux, M. Gérard Leseul, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - Mme Lisa Belluco, Mme Yaël Braun-Pivet