Compte rendu

Commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français

 Audition, ouverte à la presse, de M. Manuel Lafont Rapnouil, directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS, ministère de l’Europe et des affaires étrangères)              2

– Présences en réunion................................14

 

 


Jeudi
26 janvier 2023

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 5

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de
M. Jean-Philippe Tanguy,
Président de la commission

 


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Jeudi 26 janvier 2023

La séance est ouverte à onze heures quarante.

(Présidence de M. Jean-Philippe Tanguy, président de la commission)

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M. le président Jean-Philippe Tanguy. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Manuel Lafont Rapnouil, directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), groupe de réflexion placé auprès du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, monsieur le directeur, à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(M. Manuel Lafont Rapnouil prête serment.)

M. Manuel Lafont Rapnouil, directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS, ministère de l’Europe et des affaires étrangères). Le CAPS est un think tank interne du ministère l’Europe et des affaires étrangères, directement rattaché à la ministre. Il développe une capacité d’analyse, de réflexion, d’anticipation et de proposition sur l’ensemble des sujets internationaux, afin de fournir une valeur ajoutée différente de celle du réseau diplomatique. Nous bénéficions ainsi d’une forme d’indépendance et, selon la formule consacrée, les vues formulées par le CAPS ne sauraient être considérées comme des positions officielles du ministère.

Je précise que nous ne travaillons pas sur les affaires intérieures, mais je vais m’efforcer de répondre aux questions qui m’ont été adressées. Tout d’abord, je souhaite opérer une distinction entre ingérence et influence mais également évoquer la notion anglo-saxonne d’interference.

Dans une logique de droit international, s’ingérer consiste à se mêler indûment des affaires d’autres États. C’est contraire au principe d’égalité souveraine, qui est au cœur du droit international et d’où découle le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. Ce principe est consacré notamment par l’article 2 de la charte des Nations unies, mais également par d’autres textes juridiques et politiques.

Toute intervention dans les affaires intérieures ne représente pas une ingérence au sens juridique du terme. Si une intervention par la force armée sur le territoire d’un État en l’absence de consentement dudit État représente une ingérence incontestable, d’autres cas de figure peuvent présenter des contours plus discutables.

Ensuite, puisque l’ingérence est indue, cela signifie bien qu’a contrario, il existe une forme non interdite d’intervention dans les affaires d’autrui, que l’on peut nommer « influence ». De fait, elle est pratiquée par tous. Cette notion a été popularisée par Joseph Nye lorsqu’il a forgé le concept de soft power, c’est-à-dire une puissance douce, non coercitive, qui fonctionne plus par la séduction. Le droit international offre un cadre assez permissif : il ne suffit pas qu’un pays B n’apprécie pas la déclaration d’un pays A pour qu’il puisse la qualifier d’ingérence dans ses affaires intérieures – par exemple si le pays A rappelle un engagement que le pays B a pris dans le cadre d’un traité international.

L’idée d’influence, qui a parfois une connotation négative pour certains, est en revanche assumée par la doctrine française – cela a encore été affirmé par la Revue stratégique nationale de 2022. Pour autant, toute influence n’est pas forcément légitime quand bien même elle respecterait le cadre légal. Nous observons par ailleurs la montée en puissance d’une compétition des influences dans le cadre d’une compétition des puissances accrue. Derrière la bataille des influences se profile une bataille des modèles nationaux qui engage aussi les différentes conceptions de l’ordre international.

Dans ce contexte, nous constatons le recours à des tactiques problématiques, même lorsqu’elles respectent formellement la légalité, qu’elle soit internationale ou interne. Je pense notamment au lawfare, c’est-à-dire le fait d’utiliser le droit et notamment les procédures juridictionnelles à des fins détournées. Je suis sensible par exemple aux procédures bâillons, ces attaques en diffamation qui ne visent pas tant à remporter l’action judiciaire qu’à épuiser les ressources financières et morales des chercheurs ou des intellectuels. On l’a vu pour les travaux sur Huawei réalisés par la Fondation pour la recherche stratégique. Ces manœuvres ont également touché les auteurs d’un rapport conjoint CAPS-IRSEM sur les manipulations de l’information en 2018, qui ont été poursuivis par RT France.

Parmi les zones grises de l’influence figurent également le lobbying ou le recrutement par idéologie. Dans le débat autour de ces pratiques, il existe une volonté de maintenir une confusion entre ingérence et influence, entre lesquelles demeure un continuum. D’un côté, il y a un problème avec la légalité, de l’autre un problème de légitimité. Mais on ne saurait assimiler toute politique d’influence à de la manipulation.

La notion d’ingérence était particulièrement prégnante à l’époque de la guerre froide, avec notamment l’utilisation de « mesures actives » par les Soviétiques, telles que les coups d’État, les financements d’acteurs politiques et syndicaux ou de groupes armés, ainsi que des stratégies médiatiques. À l’époque, le débat insistait déjà sur les vulnérabilités des sociétés ouvertes face aux pays dirigés par les pouvoirs autoritaires qui ferment les espaces de liberté et se prémunissent contre des attaques, ou même de simples politiques d’influence, sur ce terrain.

Ces éléments reprennent aujourd’hui une forme d’actualité en raison de la réapparition de stratégies d’influence et d’ingérence agressives. La mutation du système international est marquée par la redistribution de la puissance, l’hétérogénéité des valeurs – ce que l’on appelle la désoccidentalisation du monde et l’essor de pouvoirs autoritaires aux visées révisionnistes sur le système international –, le rôle des acteurs non étatiques et un contexte favorable à l’essor de stratégies indirectes.

En parallèle, nous observons une mutation de l’environnement international, à travers la mondialisation et la montée des interdépendances qui modifient le cadre de ces actions. On peut notamment penser l’influence à l’aune de la circulation universitaire et des diasporas, mais également de la mondialisation financière.

La troisième évolution est liée au contexte technologique, comme la révolution numérique, les réseaux sociaux, le hacking, les usines à trolls et les bots. Mentionnons également l’évolution des tactiques : les manipulations de l’information actuelles diffèrent de celles employées pendant la guerre froide.

L’interference correspond quant à elle à la traduction du mot « ingérence » en anglais dans le droit international, sans différence analytique notable.

La deuxième question qui m’a été adressée concerne les travaux du CAPS sur ces sujets. Parmi les documents publics, le rapport CAPS-IRSEM de 2018 précédemment mentionné sur les manipulations de l’information adressait un certain nombre de recommandations aux autorités. Il se concentrait sur les manipulations d’origine étatiques, particulièrement russes, qu’elles soient directes ou indirectes.

Le rapport soulignait notamment l’effet de deux facteurs : les capacités inédites de diffusion virale rapide autorisées par internet et les réseaux sociaux, mais également la crise de confiance et la dévalorisation de la parole publique ou experte dans nos sociétés, dans le but de produire un débat sur la notion de vérité.

Le CAPS a poursuivi son travail au-delà de la focale russe pour travailler sur l’influence en général. En novembre 2021, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a ainsi publié une Feuille de route de l’influence que nous avons contribué à alimenter.

Il importe aussi de mentionner le concept de sharp power, popularisé par les auteurs Christopher Walker et Jessica Ludwig dans le débat académique. Il se distingue du hard power – la force et la contrainte – et du soft power – la séduction et la compétition libre entre des idées alternatives – pour se concentrer sur des stratégies de distraction et de manipulation qui visent à limiter la liberté d’expression et à déformer l’environnement informationnel et politique.

Nous avons également travaillé sur les libertés académiques. Alors que celles-ci sont reconnues par le droit international, on observe des stratégies délibérées pour les remettre en cause car elles contribuent à la vitalité démocratique et aux capacités d’analyse de la politique intérieure et extérieure de certains pays. Il peut s’agir d’intrusion, d’entrisme, de chantage au financement, et même de menaces et de dissuasion dans le milieu de la recherche, de l’enseignement et de la coopération scientifique. Elles ont notamment fait l’objet du rapport du sénateur Gattolin sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français.

J’en viens à l’introduction de l’influence comme fonction stratégique dans la Revue stratégique de 2022. La France a longtemps préféré parler de diplomatie culturelle, mais l’idée de la diplomatie d’influence s’est imposée au début des années 2010. Elle correspond à une évolution du système international. En 2021, le ministre Le Drian a présenté la Feuille de route de l’influence dans l’idée de moderniser notre propre diplomatie d’influence mais aussi de nous adapter au durcissement de la compétition sur le terrain de l’influence. À l’époque, la formule retenue affirmait que « l’influence est l’autre nom de la puissance ».

La Revue nationale stratégique poursuit cette logique : l’influence est une fonction stratégique du point de vue de la politique de sécurité nationale, afin de répondre aux menaces hybrides au spectre très étendu. Deux principaux débats sont ainsi présents dans le discours des experts. Tout d’abord, dans notre propre stratégie, devons-nous distinguer les pratiques que nous nous autorisons et celles de nos compétiteurs ? Il y a là une ligne de crête délicate entre une approche qui serait purement défensive – donc réactive – et une approche offensive qui présente le risque de recourir aux procédés que l’on critique chez nos compétiteurs. À mon sens, cette approche offensive présente le risque de se retourner contre nous, en termes de crédibilité interne et externe. La posture offensive est légitime mais doit a priori être construite sur la force de nos idées et de notre modèle et non sur des tactiques problématiques.

Le deuxième débat est de savoir si l’influence peut être l’objet direct d’une politique. Ainsi, la Feuille de route ne réduit pas les politiques qui contribuent à notre influence à leur dimension instrumentale et compétitive. Ma conviction reste que l’influence est la résultante de toutes les politiques à vocation extérieure – enseignement, diplomatie culturelle, coopération –, y compris une partie de l’action non gouvernementale rattachée à la France, plutôt que l’objet direct d’une politique publique.

Concernant l’évolution des ingérences étrangères en France, je précise que le CAPS ne travaille que très marginalement sur les affaires intérieures. Néanmoins, l’observation internationale atteste une probable intensification et diversification des vecteurs des tentatives d’ingérences étrangères dans la vie politique et économique d’un certain nombre de pays. Elles ont également construit des instruments qui se sont adaptés aux vulnérabilités qui ont pu être identifiées. Enfin, le nombre d’États actifs dans ce champ qui va de l’ingérence à l’influence problématique est plus important. Ces politiques ne sont plus l’apanage des grandes puissances.

Au-delà de ces tentatives directes – recrutement, lobbying, corruption – existent d’autres formes plus indirectes, axées notamment sur la sphère informationnelle et médiatique. On pense ici aux réseaux sociaux, à internet, aux algorithmes, au monde de la culture, à l’enseignement et la recherche. Citons en outre les normes politiques et les standards industriels et technologiques, la capacité d’accès aux données que ces normes et standards peuvent permettre, mais également le fonctionnement des organisations internationales, qui peut avoir un impact direct sur la vie politique nationale.

Ensuite, nous revenons à une situation en partie comparable à celle rencontrée lors de la guerre froide  ̶  en termes de capacités de subversion et de vulnérabilité éventuelle  ̶  en raison de l’ouverture de nos systèmes. Les opérations russes ou chinoises dans ce domaine cherchent à fragiliser nos institutions, notre cohésion nationale et suscitent des effets d’alignement en notre défaveur, comme on le voit actuellement avec l’instrumentalisation de la guerre en Ukraine n’en est qu’un des derniers avatars.

La fragilisation de notre système politique correspond à une forme d’ingérence dans nos affaires intérieures. Le remède peut consister à appliquer la règle de droit – par exemple retirer leur licence à des opérateurs qui ont pu être autorisés par le passé –, voire la modifier. Dans le cas des effets d’alignement, l’influence vise à contraindre notre action depuis la scène internationale.

En parallèle, nous observons de la part de nos compétiteurs un effet de fermeture de leurs propres espaces de liberté interne, mais aussi dans les pays tiers. Je pense notamment aux restrictions de la liberté de la presse, de la liberté d’association, de la capacité de la société civile à coopérer avec des acteurs étrangers, à la diminution de l’espace pour les défenseurs des droits humains, à la censure et la fragmentation sur l’ensemble du cyberespace, à la diffusion de technologies de contrôle social. Face à ces dangers, il importe de soutenir la résilience démocratique dans un certain nombre de pays soumis à ces tendances autoritaires.

Aujourd’hui, des propagandes ouvertes sont complétées par des propagandes plus souterraines utilisant la manipulation de l’information dans le but de saper la confiance dans la démocratie. Elles visent à alimenter les tensions ou à provoquer la polarisation de la société, à créer des dissensions entre alliés et à renforcer l’attrait pour les régimes ou les pratiques autoritaires. Parmi les exemples récents les plus flagrants figurent la diplomatie du masque ou la diplomatie du vaccin.

Face à ces tendances, nous observons un certain nombre de convergences dans les réponses mises en place par les États :

– les règles sur le financement de la politique, la transparence, l’interdiction des financements en provenance de l’étranger ;

– la lutte contre la corruption ;

– l’encadrement des carrières des personnalités politiques ou hauts fonctionnaires ;

– le renforcement du pluralisme ;

– la régulation des plateformes et des réseaux sociaux ;

– la préservation des communs numériques et de tout ce qui contribue au caractère ouvert, libre et sûr du cyberespace ;

 le développement de la coopération internationale, notamment dans le cadre du G7 ;

– l’aide au renforcement de la souveraineté numérique d’un certain nombre de pays.

Le CAPS ne mène pas une analyse par zones géographiques mais nous pouvons discerner des tendances générales et des effets d’imitation dans les pratiques. Il s’agit notamment de la multiplication des acteurs étatiques en mesure de développer des actions d’influence qui peuvent tourner à l’ingérence, du recours à des acteurs non étatiques et de l’instrumentalisation des systèmes démocratiques. Cette complémentarité est au cœur de la logique de l’hybridité.

Frédéric Charillon est venu devant vous présenter sa typologie de l’influence : séduction démocratique libérale, déstabilisation autoritaire et croyance rémunérée. J’ajouterai pour ma part une dimension idéologique : le phénomène des « idiots utiles » n’a pas totalement disparu.

La Russie a développé des stratégies de manipulation de l’information. À ce titre, il me semble intéressant de mentionner la galaxie Prigojine, qui va bien au-delà du seul groupe Wagner et comprend des médias, de la production cinématographique, de la propagande en ligne. La stratégie russe est en effet une stratégie de confusion et subversion.

La Chine apprend des méthodes russes mais elle joue aussi avec ses spécificités, notamment grâce à sa communauté d’expatriés, ses étudiants et son réseau culturel à l’étranger, ses capacités technologiques, son affirmation dans les organisations internationales et sa politique de connectivité et d’infrastructures. Dans le cas de la Chine, la stratégie est partie d’une logique de contrôle et d’un effort de désalignement d’un certain nombre d’acteurs pour évoluer vers une stratégie qui alimente la contestation des normes et promeut un modèle alternatif.

Les deux modèles partagent néanmoins comme caractéristique commune le développement d’une forme de relativisme.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Vous avez indiqué que dans le droit international, le fait de se mêler indûment des affaires d’autres États était contraire au principe d’égalité souveraine, consacré par la Charte des Nations unies mais également par d’autres textes juridiques. Quels sont ces autres textes ? Que définissent-ils exactement ? Sont-ils paralysés depuis l’émergence de nouvelles puissances ?

M. Manuel Lafont Rapnouil. Je pense notamment à une déclaration des Nations unies de 1970 relative au principe du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États. Je pense également à la jurisprudence de la Cour internationale de justice. Par exemple, selon cette dernière, un embargo ne constitue pas une ingérence dans la mesure où aucun État n’est tenu de commercer avec un autre État ; mais une livraison d’armes à des groupes paramilitaires sur un territoire en est une. Prendre position sur les affaires intérieures d’un État n’est pas forcément une ingérence, dès lors que ces affaires intérieures ont un lien avec des engagements juridiques pris par l’État en question.

Le principe de non-ingérence n’est pas contesté en lui-même, car il renvoie au principe fondamental d’égalité souveraine entre les États. La contestation se situe sur l’interprétation de ce qui peut constituer une ingérence ou la définition parfois extensive de la notion d’affaires intérieures.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Il me semble que le rapport public du CAPS soulignait que l’échec des Macron leaks était une preuve que l’écosystème médiatique, politique et juridique français était plutôt sain et bien organisé. En 2022, un sondage de l’IFOP montrait que nos concitoyens continuaient largement à s’informer sur les médias traditionnels et que, contrairement à ce que l’on entend parfois, ce ne sont pas les réseaux sociaux qui font les élections. Depuis 2017, avez-vous perçu des changements qui témoigneraient d’une plus grande efficacité des ingérences étrangères ?

M. Manuel Lafont Rapnouil. N’étant pas spécialiste de la France, je me concentrerai sur la situation internationale, qui est marquée par une dégradation, qu’elle soit liée à la polarisation croissante des démocraties occidentales accentuée par les réseaux sociaux ou à la multiplication des acteurs qui y voient un terrain d’action propice. Les réseaux sociaux peuvent influer sur la façon dont l’agenda médiatique est construit, et ils sont plus actifs dans les systèmes comportant les élections primaires avec peu de participants – je pense aux États-Unis –, qui sont très sensibles à ces canaux d’information.

Le rapport de 2018 ne met pas forcément en lumière un écosystème sain et protecteur mais identifie les facteurs de résilience, comme la qualité de l’espace médiatique ou la confiance dans la parole publique, qui sont néanmoins aussi nécessaires que fragilisées. La crise du covid a montré combien le débat public pouvait être perçu comme beaucoup plus confrontationnel que maïeutique.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Les sondages menés à l’échelle européenne sur l’image des chefs d’État montrent que l’opinion publique conserve un avis très négatif sur les dirigeants russes et chinois, ainsi que sur M. Trump à l’époque. À l’aune de ces sondages, il semblerait donc que les tentatives d’ingérence ne portent pas leurs fruits. Estimez-vous que l’éducation et le débat politique en démocratie nous protègent des ingérences ?

M. Manuel Lafont Rapnouil. L’objectif des politiques d’ingérence et d’influence n’est pas nécessairement de donner une bonne image du pays et de ses dirigeants. Dans certains cas, il s’agit plutôt de créer de la dissension et de creuser les divisions au sein d’un pays. De ce point de vue, un certain nombre de pays présentent une situation plus contrastée que celle que vous avez évoquée ; le narratif russe peut rencontrer un certain succès en Europe occidentale et plus encore dans la zone balkanique.

Il importe donc de ne pas confondre la propagande simpliste et manichéenne qui était la norme il y a quelques décennies avec les stratégies actuelles d’influence, qui sont plus indirectes, sophistiquées et pernicieuses. Ces stratégies attaquent parfois avec succès les notions de vérité, les normes universelles, qu’elles soient juridiques ou politiques. Cette forme de contestation est, de fait, au cœur des objectifs des stratégies d’ingérence. Quand la Chine mène une diplomatie du masque, elle cherche certes à améliorer son image, mais surtout à affaiblir les solidarités européennes. Le décalage entre la perception de l’aide chinoise et celle de l’aide, bien plus importante en réalité, apportée par l’Union européenne montre le potentiel de succès d’une stratégie d’ingérence bien menée.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je trouve intéressant que vous ajoutiez aux trois critères de M. Charillon la dimension idéologique que peut revêtir l’ingérence. Nous l’avons connue avec les « compagnons de route » du régime soviétique ou du régime maoïste. C’est aujourd’hui plus sophistiqué – ce qui n’exclut pas la brutalité – mais il y a toujours des « idiots utiles » dans notre pays.

Au-delà de la Feuille de route de l’influence française et de la Revue stratégique de 2022, quelles sont vos préconisations en matière de protection contre ces actions d’ingérence, voire de stratégie de contre-ingérence ?

M. Manuel Lafont Rapnouil. Les travaux du CAPS montrent que l’influence est la résultante d’une action qui poursuit d’abord un objectif propre. La meilleure réponse à la diplomatie du masque et du vaccin ne réside pas uniquement dans la promotion de l’aide apportée par l’Europe auprès des Italiens, des Allemands ou des pays des Balkans, mais, plus concrètement, dans le renforcement de cette aide et le partage de vaccins.

Il faut poursuivre ce travail au-delà de la période de crise, dans le long terme. Aujourd’hui, la meilleure manière de contester la version russe de l’histoire selon laquelle les difficultés en matière d’exportations de blé sont causées par l’Ukraine et par ses soutiens de l’OTAN n’est pas uniquement de produire des communiqués de presse, mais surtout de faire en sorte que les céréales sortent bien d’Ukraine et parviennent aux populations qui en ont besoin. Il est alors plus difficile pour la Chine, qui a passé beaucoup de temps à reconstituer ses propres stocks de céréales, ou pour la Russie, à laquelle on peut faire valoir que la situation ne s’est améliorée qu’après qu’elle a autorisé le trafic en mer Noire, d’expliquer que ce n’est pas leur faute. En résumé, l’action prévaut sur le verbe même si une stratégie par les actes porte moins rapidement ses fruits qu’une stratégie de communication.

Par ailleurs, j’observe parfois dans les débats animant les think tanks une tentation de répliquer aux stratégies d’ingérence par la loi du talion, en agissant de la même manière, en manipulant l’information. J’y vois là un danger pour la crédibilité de notre action extérieure, mais aussi pour la cohésion nationale.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Vous avez évoqué les manœuvres de la Russie et de la Chine pour fragiliser l’adhésion de nos citoyens au projet démocratique. Pouvez-vous détailler cet aspect, partager certains exemples et décrire les moyens employés ?

M. Manuel Lafont Rapnouil. Encore une fois, le CAPS ne travaille pas sur les sujets de politique intérieure. Pour autant, le sujet des libertés académiques me semble particulièrement révélateur. Les autorités chinoises ont par exemple menacé de ne plus envoyer d’étudiants dans les universités australiennes, conditionnant leur venue à des restrictions quant aux débats, aux activités de recherche ou aux sujets possibles. Cela serait revenu à priver ces établissements de ressources financières substantielles. Le même phénomène s’est produit dans d’autres pays. De fait, les instituts Confucius déployés dans de nombreux pays sont fréquemment logés dans des établissements culturels, universitaires ou de recherche locaux. Aujourd’hui, le mouvement de balancier est cependant parti dans l’autre sens car les conditions de partenariat étaient devenues problématiques, malgré l’attrait de l’apport financier lié à la coopération.

D’une certaine manière, le débat sur la 5G chinoise a lui aussi montré que la question de la perception et de la confiance est aussi importante que celle de la réalité avérée. Le sujet portait à la fois sur la dépendance technologique et la vulnérabilité de la sécurité nationale, mais aussi sur la manière dont cette offre pouvait avoir un effet sur le champ informationnel.

Si j’ai surtout insisté sur les nouveautés, les phénomènes classiques perdurent, tels que le lobbying, la corruption et le recrutement par idéologie ou par affinité. Certains peuvent adhérer à la rhétorique de Poutine ou de Xi Jinping non pas parce qu’ils seraient des nationalistes russes ou des communistes pro-chinois, mais plus prosaïquement parce qu’ils partagent des idées prônant le traditionalisme, le souverainisme ou l’antiaméricanisme.

Enfin, il convient d’insister sur la subversion par la confusion ou par le doute. M. Paul Charon a certainement évoqué devant vous toutes les modalités de ces stratégies allant de l’influence à l’ingérence.

Pour autant, des pays peuvent conduire des politiques d’influence non seulement légales mais aussi légitimes, même si elles s’opposent aux positions françaises. Par exemple, la conception française de laïcité est loin d’être partagée par toutes les démocraties occidentales, mais on se situe là dans le débat d’idées et le soft power, avec un cadre et des règles du jeu sur lesquels on est d’accord – ce qui change singulièrement la donne !

Mme Anna Pic (SOC). Je souhaite évoquer les stratégies d’influence visant les personnalités. Existe-t-il des stratégies massives de la part de puissances autoritaires qui portent sur le champ économique concomitamment à la sphère informationnelle ? Je pense notamment aux liens profonds qui unissent des dirigeants allemands et Gazprom. Comment enquêter sur ces réseaux et leurs modes d’influence ? En effet, les hommes politiques, mais aussi les journalistes, les experts et les universitaires constituent des cibles particulièrement sensibles en tant que relais d’opinion.

M. Manuel Lafont Rapnouil. Nous n’avons pas travaillé précisément sur ce sujet mais nous devrions certainement y regarder de plus près. Votre question souligne la nécessité de clarifier et de distinguer les situations légales, voire légitimes, de celles qui sont problématiques. Ces dernières nécessitent une réponse et, le cas échéant, un changement de l’état du droit.

La diplomatie française cherche elle aussi à se doter de relais d’opinion dans les pays avec lesquels elle travaille. De fait, les relations entre les pays ne se résument plus aux relations entre les gouvernements. Il faut donc veiller à ne pas condamner les agissements d’autres acteurs d’une manière qui leur facilite la tâche dans le procès en confusion qu’ils souhaitent établir.

Il existe bien une différence entre les approches des pays démocratiques et celles des régimes autoritaires. Une des manières de la mettre en exergue consiste à insister sur la transparence, à l’image des initiatives qui existent déjà pour le financement de la vie politique ou la façon dont les responsables politiques ou les hauts fonctionnaires se reconvertissent. Je ne pense pas que les reconversions dans le secteur privé posent un problème différent des reconversions dans le public. La sphère économique a tout autant besoin de transparence et de clarification.

Une bonne partie de la réponse réside dans la capacité à restaurer une forme de confiance. Les doutes et le scepticisme de l’opinion publique sont alimentés par le sentiment que toute parole est forcément intéressée. La meilleure manière de traiter le problème consiste donc à assurer de la transparence, du pluralisme et des débats contradictoires qui respectent la diversité et les nuances des opinions.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Dans le cas de l’Allemagne, M. Schröder, ancien chancelier, a pris la tête du conseil d’administration de Gazprom pour construire un gazoduc qui relie directement la Russie à l’Allemagne, contournant nos alliés et partenaires d’Europe de l’Est. À cette occasion, les services du ministre ont-ils été alertés ? De même, lorsque les Chinois prennent une participation dans le port de Hambourg ou celui du Pirée, lancez-vous des alertes auprès du ministre ? Concrètement, comment agissez-vous ?

M. Manuel Lafont Rapnouil. Mon institution n’écrit pas sur ces sujets, qui sont couverts par les postes diplomatiques dans les pays concernés. L’ambassade de France à Berlin informe évidemment la ministre de la situation allemande et des problèmes qu’elle peut susciter. Par ailleurs, l’influence est une stratégie diffuse qui se déroule dans le temps.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Je ne vois pas ce qu’il y a de diffus lorsqu’un ancien chancelier allemand dirige le conseil d’administration d’une entreprise russe qui construit un gazoduc entre la Russie et l’Allemagne et qui, ce faisant, contourne tous nos partenaires européens.

M. Manuel Lafont Rapnouil. La présence de Gerhard Schröder, ancien chancelier allemand SPD, au conseil d’administration de Gazprom n’explique pas par exemple la position de la CDU. Or Nord Stream II s’est mis en place essentiellement sous le mandat de la chancelière Merkel. Le discours selon lequel la construction de ce gazoduc ne répondait pas à des motifs géopolitiques mais uniquement à des considérations économiques était tenu par les membres du gouvernement, voire par la chancelière, qui n’avaient pas de raison d’être influencés eux-mêmes par Schröder.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Je rappelle que Mme Merkel présidait un gouvernement de coalition avec le SPD.

M. Manuel Lafont Rapnouil. Pas sur toute la période, ce qui ne l’a pas empêchée d’avoir une position constante sur le sujet. Par ailleurs, l’analyse de la situation et des problèmes suscités par Nord Stream II a bien entendu été réalisée au sein du ministère des affaires étrangères.

En outre, je continue d’estimer que les stratégies d’influence se déploient de manière diffuse et indirecte, ce qui rend le traitement de la situation compliqué. Il ne suffit pas d’interdire à un ancien chancelier allemand d’être membre du conseil d’administration d’une entreprise étrangère qui poursuit à la fois des objectifs économiques et des objectifs géopolitiques.

Je le répète : ces stratégies agissent de manière diffuse et indirecte, par l’adjonction successive d’un certain nombre d’éléments, lesquels finissent par créer un état d’esprit particulier. Elles fonctionnent particulièrement bien avec les réseaux sociaux, qui ne sont ni bottom up, ni top down, mais décentralisés. Ce cheminement crée in fine un effet politique significatif et visible en termes de manipulation de l’information.

M. Stéphane Vojetta (RE). Vous nous avez expliqué que la frontière est parfois très ténue et subjective entre l’influence et la diplomatie, notamment la diplomatie culturelle. Je souhaiterais que nous nous penchions plus concrètement sur l’ingérence réelle, c’est-à-dire la volonté d’une puissance extérieure d’exercer une action d’influence directe sur les choix politiques ou la situation politique d’un pays tiers.

Selon moi, l’objectif de telles stratégies ne vise pas à ce que Vladimir Poutine remporte un concours de popularité en France. En revanche, il vise à favoriser l’émergence d’une forme de cinquième colonne qui puisse agréger les « idiots utiles » dont nous parlions et participer de l’intérieur à la déstabilisation d’un régime ou d’un gouvernement, voire de provoquer des affrontements.

À cet égard, il existe plusieurs soupçons d’ingérence directe et concrète de puissances étrangères. Je pense notamment aux rumeurs concernant le rôle de la Russie dans le processus indépendantiste catalan à travers un soutien financier. Je pense également à la volonté de certains proches de dirigeants nord-américains de soutenir et de favoriser l’émergence du mouvement des Gilets jaunes en France. Selon certains observateurs, l’objectif était bien d’affaiblir un compétiteur, qu’il s’agisse de l’Europe ou d’un pays tiers.

Les réseaux sociaux représentent de plus en plus un relais politique de ces volontés d’ingérence étrangère dans la vie interne de nos démocraties. Les cinquièmes colonnes se trouvent renforcées par les fake news et les biais de confirmation propagés par des robots. In fine, ces stratégies favorisent non seulement les intérêts des puissances étrangères mais aussi parfois ceux d’acteurs politiques locaux. Pensez-vous que nous sommes capables de remettre le génie dans la bouteille et de pouvoir influer sur l’enfermement algorithmique qui enserre nos sociétés démocratiques ?

M. Manuel Lafont Rapnouil. Je partage assez largement vos propos mais je ne suis pas sûr que l’objectif des stratégies d’influence et d’ingérence vise nécessairement à faire émerger une cinquième colonne ou toute autre forme de relais politique direct. Certes, des stratégies de « capture des élites » existent, mais pas uniquement via la corruption ou l’idéologie.

Vous estimez à juste titre que les réseaux sociaux occupent une part importante de cette discussion. Mais une stratégie hybride intègre précisément différents instruments, différents niveaux. Au-delà de l’idée de « remettre le génie dans la bouteille », une des revendications de longue date consiste à exiger des plateformes qu’elles assurent la transparence de leurs algorithmes. Il convient également d’améliorer la régulation et le discernement face aux informations et, au-delà, de s’interroger sur les modèles économiques des réseaux sociaux. Les dérives sur les réseaux sociaux existent parce que certains en tirent un profit économique, d’autres un profit politique. Ce qu’il faut, c’est assécher le terrain pour qu’il ne soit plus rentable.

M. le président Jean-Philippe Tanguy. Notre collègue Anne Genetet, qui suit cette audition en direct sur le site de l’Assemblée, me charge de vous poser la question suivante : « Avez-vous observé que des acteurs politiques français puissent être les cibles de lobbying, de pression, de subversion ? Dans quels pays, sur quels acteurs et avec quelles méthodes ? »

M. Manuel Lafont Rapnouil. Il est évident que des acteurs politiques français font l’objet d’un tel ciblage. Il ne faut cependant pas confondre des stratégies d’influence légitimes avec des stratégies plus malignes ou problématiques. On peut évoquer notamment la mise sur écoute de personnalités politiques, de hauts fonctionnaires, d’experts, comme l’affaire Pegasus nous l’a révélé récemment. Mais il peut aussi s’agir de stratégie de communication plus ou moins agressive ou personnalisée d’acteurs diplomatiques en poste à Paris qui interviennent dans les débats politiques nationaux. Je pense par exemple à la « diplomatie du loup guerrier » exercée par des diplomates chinois.

De fait, les stratégies d’ingérence étrangère ne sont pas forcément cachées ou clandestines, elles peuvent s’étaler au grand jour et même être revendiquées. Je pense notamment à l’« affaire des deux Michael », conflit juridique et diplomatique qui a entraîné de fortes tensions entre le Canada et la Chine : deux ressortissants canadiens ont été condamnés pour espionnage et détenus en Chine de manière prolongée en rétorsion à l’arrestation au Canada d’une dirigeante de Huawei à la demande des États-Unis. Le discours chinois était particulièrement explicite quant au lien entre les deux affaires, à tel point que les deux Michael ont été libérés dans la foulée de la libération par le Canada de la dirigeante de Huawei. Il s’agit là d’une démonstration de force patente par les autorités chinoises, qui souhaitaient en faire un exemple.

De même, en Italie, une enquête a été conduite au sujet de financement de la Ligue du Nord par la Russie. Elle concernait des transactions d’approvisionnement en pétrole impliquant des versements de fonds à ce parti pour les élections au Parlement européen. Les preuves n’ont pas été suffisantes pour permettre au procureur de continuer les poursuites, mais la matérialité de la discussion et de l’offre n’a pas été contestée.

De fait il existe une grande variété de moyens disponibles pour construire des relations pouvant ensuite donner lieu à des proximités idéologiques, des compromissions, voire des chantages. Cela existe ailleurs en Europe et il n’y a pas de raison de penser que la France serait épargnée.

M. Thomas Ménagé (RN). Disposez-vous d’exemples probants concernant nos alliés européens ? Avez-vous détecté des pays susceptibles d’être particulièrement fragiles ? Enfin, vous n’avez pas évoqué la question supranationale. À la fin de l’année 2022, l’implication du Qatar a été révélée dans le versement de sommes d’argent à des parlementaires européens. Vous nous avez présenté un certain nombre de concepts utiles, mais l’objectif de cette commission consiste aussi à comprendre concrètement comment ces mécanismes se mettent en place, notamment aux portes de la France.

M. Manuel Lafont Rapnouil. Je ne pense pas être le bon interlocuteur : mon métier consiste plus à travailler sur des concepts qu’à mener des enquêtes sur des cas précis. Le CAPS s’efforce, au-delà des exemples concrets, de discerner des traits récurrents et des changements de tendance. Nous ne menons pas de travail systématique pour distinguer les vulnérabilités des uns et des autres ; mais d’autres le font.

Pour autant, il est par exemple évident que l’Allemagne est aujourd’hui traversée par un débat portant sur sa dépendance économique vis-à-vis de la Chine, sans parler de la dépendance énergique qui existait et existe toujours partiellement vis-à-vis de la Russie. En elle-même, cette dépendance n’est pas nécessairement la conséquence d’une politique d’ingérence ou d’influence mais elle témoigne d’une politique étrangère réaliste et parfois agressive, une politique de hard power.

Au-delà, il est pertinent de s’interroger sur la traduction de ces vulnérabilités à un niveau plus granulaire, par exemple sur la manière dont une partie des personnels politiques, des dirigeants économiques, des journalistes et universitaires sont ciblés.

La dépendance à la Chine n’est pas propre à l’Allemagne ; les discussions sur Huawei et la 5G ont par exemple concerné à peu près tous les pays en Europe. De manière assez frappante, les Chinois ont mis en place le groupe des « 16+1 » pour encourager la coopération entre la Chine et des pays d’Europe centrale et orientale. Il s’agissait là d’une tentative de créer un cadre leur permettant de mener une politique dans ces pays et d’obtenir une économie d’échelle dans leur stratégie d’influence en facilitant la promotion d’une politique d’investissement et de prise de contrôle d’actifs existant par ailleurs.

Par ailleurs, de nombreux pays ont acheté le logiciel Pegasus de l’entreprise israélienne NSO et se sont par la suite intéressés à des partenaires européens. Parmi ces pays figurent notamment des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient qui cherchaient à comprendre le débat national dans un certain nombre de pays européens sur des sujets qui les intéressaient.

Le cadre supranational peut effectivement être évoqué à l’aune de l’enquête de corruption qui semble mettre en cause le Qatar et le Maroc vis-à-vis du Parlement européen. De fait, il existe de nombreuses manières de mener une politique d’influence au sein des organisations internationales. Une fois que des positions sont obtenues par un pays au sein des instances, il lui est ensuite possible de pousser des sujets qui l’intéressent au premier chef. Je pense par exemple aux standards industriels. L’Union internationale des télécommunications est ainsi traversée de débats majeurs sur l’établissement des prochains standards pour internet ou la téléphonie mobile.

 

La séance s’achève à treize heures vingt.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Clara Chassaniol, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Anne Genetet, Mme Stéphanie Kochert, Mme Constance Le Grip, M. Thomas Ménagé, M. Kévin Pfeffer, Mme Anna Pic, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Stéphane Vojetta.

Excusés. – Mme Hélène Laporte, M. Charles Sitzenstuhl.