Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

– Audition, à huis clos, de Mme Meriem Salmi, psychologue du sport..2

– Présences en réunion................................13

 

 


Mardi
5 septembre 2023

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de
Mme Béatrice Bellamy,
Présidente de la commission

 


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La séance est ouverte à neuf heures dix.

La commission auditionne Mme Meriem Salmi, psychologue du sport.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous avons entamé le 20 juillet 2023 les travaux de cette commission d’enquête sur l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif.

À la suite de très nombreuses révélations de sportifs et de plusieurs affaires judiciaires, l’Assemblée nationale a choisi de créer cette commission d’enquête dont les travaux se déclinent autour de trois axes : l’identification des violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ; l’identification des discriminations sexuelles et raciales dans le sport ; et l’identification des problématiques liées à la gouvernance financière des fédérations sportives et des organismes de gouvernance du monde sportif bénéficiant d’une délégation de service public.

Nous avons souhaité vous auditionner en raison de votre grande expérience de psychologue auprès de nombreux champions français, dont certains ont été victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles.

Dans plusieurs interviews, vous avez insisté sur l’importance de la psychologie pour le développement de la performance et du bien-être des athlètes, regrettant que cette discipline soit insuffisamment considérée par les entraîneurs sportifs. En 2021, vous déploriez que l’on considère qu’« aller voir un psychologue, c’est être faible ».

Une certaine violence règne dans le sport professionnel, environnement dur pour le corps mais aussi pour l’esprit : les athlètes doivent toujours faire mieux, aller plus loin, être toujours plus performants. Cela peut conduire à des dérives, avec des violences physiques et psychologiques majeures. Confirmez-vous l’existence de cette culture de la douleur dans le sport ? Quelles sont ses conséquences pour les sportifs de haut niveau ? La situation a-t-elle évolué depuis les nombreux témoignages parus depuis 2020 ?

Par-delà les violences physiques et psychologiques, certains sportifs subissent des violences sexuelles. Vous avez pris en charge le suivi psychologique de Mme Sarah Abitbol à la fin de sa carrière de patineuse artistique. Nous l’auditionnerons cet après-midi. Publié en 2020 dans son livre Un si long silence, son témoignage sur les viols qu’elle a subi régulièrement entre quinze et dix-sept ans de la part de son entraîneur, M. Gilles Beyer, a permis une libération de la parole sans précédent dans cette discipline – et même au-delà. Ce récit a également montré l’importance de « l’amnésie traumatique », qui conduit la victime à oublier – parfois pendant de nombreuses années – ce qui lui est arrivé avant que le souvenir resurgisse et la fasse souffrir de nouveau. Pouvez-vous nous expliquer ce mécanisme de défense du cerveau ? Comment concilier cette situation et l’importance pour les victimes de pouvoir agir en justice contre leur agresseur, malgré le risque de prescription ?

Le témoignage de Mme Abitbol souligne également l’omerta qui régnait dans certaines fédérations et l’absence de soutien des victimes, lorsqu’elles s’exprimaient, par les dirigeants des ligues et fédérations, voire par les ministres. De votre point de vue, cette situation a-t-elle évolué ? Comment éviter que cela se reproduise ?

Nous avons accepté que cette audition se tienne à huis clos pour vous permettre de parler aussi librement que possible – bien entendu dans le respect du secret médical.

Je rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Meriem Salmi prête serment.)

Mme Meriem Salmi, psychologue spécialisée dans le sport de haut niveau. Je vous remercie de m’entendre, au nom de toutes les victimes que je ne représente pas mais que j’ai entendues au cours de quarante années d’exercice professionnel.

Même si cela ne répare pas les traumatismes, pour un praticien de terrain c’est un soulagement de constater qu’aujourd’hui enfin quelque chose est en train de se passer. On a vu qu’un électrochoc s’était vraiment produit. Il est triste de constater que les choses ne peuvent avancer que de cette manière s’agissant de questions humaines aussi graves – qui ne concernent pas seulement la France – et pour lesquelles nous n’avons eu que peu de considération jusqu’à présent.

Pour comprendre le monde de l’excellence sportive, il faut adopter une approche systémique et sortir d’une vision simpliste – qui n’est pas la vôtre – opposant les bons et les méchants. Comme tous les mondes d’élite, il comprend des spécificités psychologiques. Il se trouve que je ne reçois pas seulement des sportifs de haut niveau. Je m’occupe d’autres gens qui évoluent dans des milieux d’élite, notamment des étudiants de grandes écoles et des hommes et femmes politiques. Ce sont des milieux très particuliers, anxiogènes mais aussi de passion. On a affaire à des gens passionnés. Il peut sembler paradoxal de parler d’histoires d’amour, mais c’est vraiment de cela qu’il s’agit notamment pour les sportifs de haut niveau. Tous les sportifs que j’accompagne ne gagnent pas leur vie. Certains payent même pour être sportif de haut niveau.

Il faut comprendre la psychologie de ces jeunes enfants qui arrivent avec des rêves et qui vont entrer par passion dans un monde particulier où ils vont être très tôt amenés à devoir s’engager sur un chemin extrêmement complexe du point de vue physique comme psychologique. Il est bien de rappeler aussi que ce monde permet aussi des opportunités d’apprentissage, de découvertes, de développement de compétences lorsque ces enfants sont bien accompagnés.

Tous les mondes d’excellence sont nécessairement très fermés, et pas seulement le monde sportif. Il y a beaucoup de consanguinité dans ces univers, car les gens se cooptent. Cette fermeture ne résulte pas d’une volonté, mais du fait que pour y entrer il faut tout de même avoir une certaine configuration cérébrale et des prédispositions. Encore une fois, il faut une approche systémique, c’est-à-dire à la fois biologique, psychologique, familiale, contextuelle et environnementale. Très souvent, les athlètes sont issus de familles où le sport constitue une véritable culture et est une source de plaisir importante dans leur vie. Cela construit aussi le cerveau d’un enfant.

J’ai aussi été bénévole notamment dans le sport. J’ai, entre autres, présidé un club de basket et monté un centre de préformation de football avec des amis. C’est ainsi que j’ai commencé à avoir une lecture et à me pencher sur la question de la psychologie dans le monde sportif.

J’ai également fait de la gymnastique et du basket. À la fin des années 1990, il était pratiquement impossible d’aller à l’école lorsque l’on pratiquait au haut niveau. À cet égard, il y a quand même eu une évolution. Voilà trente ans, lorsque je suis arrivée dans le milieu du football et que je parlais d’école, les gens riaient. Et vous imaginez quel accueil pouvait être réservé à mes propositions d’accompagnement psychologique lorsque l’on voit déjà quelles sont les réactions dans la population générale ! Dans ce domaine aussi, il faut être passionné pour tenir, et surtout ne pas avoir de pathologie narcissique.

Le système fondé sur la précocité fait que les enfants vont être très rapidement éloignés de leur famille, non par volonté de les éloigner ou de leur nuire, mais pour obéir à la réalité des filières d’accès au haut niveau – dont je ne partage pas totalement l’approche qui consiste à faire entrer dans des logiques de performance et d’excellence dès huit ou neuf ans et à abandonner la partie ludique de l’activité. Ce système, qui ne concerne pas que la France, est international, que ce soit pour la natation, la gymnastique, la gymnastique rythmique ou encore la nation synchronisée. La même dérive est intervenue dans le tennis. On fait parfois s’entraîner pratiquement comme des adultes ces « pépites » à trois ou quatre ans. Le problème est que les enfants eux-mêmes le réclament – et c’est là que les choses se complexifient si l’on ne veut pas tomber dans la caricature. On accuse les parents et les entraîneurs, mais les enfants ne veulent pas quitter leur raquette ! L’encadrement doit être formé parce que, même si cela fait plaisir à l’enfant de jouer, l’éducation consiste à intervenir à un moment donné comme on doit intervenir lorsqu’un enfant veut manger trop de bonbons. La volonté de l’enfant est à prendre en compte évidemment sauf s’il se met en danger, sauf s’il n’est pas à même de discerner les graves problèmes auxquels il risque de s’exposer à court et long terme. Il est vraiment important de comprendre cela.

J’ai observé de nombreuses fois combien les parents sont désarmés. Il n’y a pas de formation pour eux et ils se débrouillent seuls. On dit souvent que les parents « poussent ». Oui, effectivement, cela peut être le cas, mais dans la majorité des cas ils font surtout ce qu’ils peuvent. Accompagner un enfant sur ce parcours de l’excellence est très difficile En dehors de quelques familles pathogènes il y a beaucoup de familles qui cherchent à donner le meilleur pour leur enfant sans formation.

Il y a surtout des parents qui n’ont pas de connaissances sur ces sujets, et pour la plus grande majorité ne demandent qu’à apprendre c’est donc à nous de les aider. Et effectivement cette méconnaissance peut amener des dysfonctionnements, voire des souffrances. Je suis psychologue, je ne suis pas là pour juger. Je suis là pour les aider à mieux comprendre et à expliquer afin qu’ils puissent accompagner leur enfant dans les meilleures conditions. C’est plus efficace que de s’en tenir aux clichés selon lesquels les parents et les entraîneurs sont nécessairement malveillants.

La précocité oblige à acquérir une maturité hors norme. Cela représente un effort énorme sur le plan psychologique. Les parents n’ont pas le choix et doivent aussi s’impliquer. Beaucoup finissent par bien comprendre le sport ; certains peuvent parfois dériver. De telles familles existent mais sont plutôt rares. Il faut donc certes cibler les parents qui maltraitent leur enfant, mais il faut surtout s’occuper de la grande majorité des familles qui ne savent pas comment faire et qui sont souvent perdues.

Je reçois beaucoup de familles et quand les sportifs sont tout jeunes je préfère même travailler avec les parents, parce qu’ils sont quotidiennement avec les enfants. Il faut certes souligner un biais d’échantillonnage car ceux qui viennent me voir sont convaincus qu’ils ont quelque chose à apprendre. Ils connaissent leurs limites et ont envie qu’on les aide. Il serait vraiment important de préconiser cette sensibilisation des parents.

Certains enfants sont séparés très tôt de leurs parents et vivent dans des familles d’accueil. C’est notamment le cas des gymnastes, qui intègrent les filières de haut niveau vers une dizaine d’années. Si l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) dispose d’un internat, ce n’est pas nécessairement le cas de tous les pôles. Il faut mesurer l’intelligence de ces athlètes qui savent faire preuve d’une faculté d’adaptation exceptionnelle. Mais ils ont aussi peur de décevoir leurs parents. Parler et dire que l’on ne va pas bien est aussi très compliqué eu égard à l’investissement consacré à leur parcours par leurs parents. Nous sommes nombreux à avoir des difficultés à mettre en mots notre mal-être. Imaginez ce que cela représente à cet âge-là, face à des parents qui vous voient réussir ! Car on peut réussir et être dans un profond mal-être.

Ces sportifs ont une structuration particulière et des capacités hors norme, faute de quoi ils ne pourraient pas supporter ce monde si particulier. Ils vont devenir simultanément de plus en plus fragiles et de plus en plus forts, parce qu’ils sont obligés d’aller dans des zones à risques pour être performants. Cela implique le développement de compétences mais aussi de fragilités. La question de l’équilibre est fondamentale : c’est le déséquilibre qui va créer ces moments propices à la blessure physique, mais aussi psychologique.

Dans ce monde-là, le corps est très valorisé. Comme nous sommes habitués à nous attacher à ce que nous voyons, il est difficile de contester une blessure physique. En revanche, la blessure psychologique n’est pas facile à démontrer. Nous avons toujours considéré – et cela constitue un écueil pour faire passer des messages dans le monde du sport de haut niveau – que ce que nous ne voyions pas n’existait pas. C’est à proprement parler antiscientifique, parce que la science naît de l’intuition. Elle part de ce que l’on ne voit pas et essaie de l’expliquer. C’est un obstacle sur la voie de l’amélioration du bien-être et de l’épanouissement des athlètes mais pas seulement on peut l’appliquer à la population générale.

J’en viens à l’encadrement. L’entraîneur est selon moi une personne très – et parfois peut-être même trop – importante. Les entraîneurs sont souvent isolés – à l’Insep et dans les structures de très haut niveau, c’est un peu différent car les staffs sont étoffés de plusieurs personnes, mais même dans cette situation il nous faut rester vigilant. Or l’isolement est un facteur qui favorise l’émergence de dysfonctionnements. Quand vous êtes seul, vous avez tout pouvoir. Je ne parle pas seulement de la perversité de ceux qui sont conscients de faire du mal, des monstres qui commettent des faits irréparables – ils existent et pas seulement dans le monde sportif. Il y a aussi tous ceux qui ne sont pas conscients de l’impact négatif de leur comportement ou de leurs propos. C’est aussi sur ces situations que nous devons travailler.

J’adore cette phrase d’Einstein : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. » Pour moi, ces derniers sont les pires. Il faut agir sur l’ensemble du système en expliquant et en les formant.

Et puis, dans le monde sportif, il y a cette culture du « No pain, no gain » qui n’est pas spécifiquement française. Pour réussir on doit travailler dur, et si l’on a mal c’est normal. On doit avoir mal ou alors c’est que l’on ne s’est pas bien entraîné, ou qu’on n’y arrivera pas Évidemment, si l’on veut obtenir des résultats d’exception il faut travailler. Mais de mon point de vue, il est plus important de travailler intelligemment et de façon pertinente que de beaucoup et mal travailler. Il faut sortir de ces logiques, qui relèvent de pratiques culturelles anciennes. Elles ne concernent pas seulement le monde sportif et imprègnent de manière générale les univers d’élite.

L’encadrement, la passion, la précocité et la culture d’excellence, sont les quatre éléments essentiels de mon propos. Ils sont source de dégâts importants et doivent faire l’objet de préconisations. J’ai vu des entraîneurs pleurer devant moi lorsqu’ils prenaient conscience de l’impact de leurs propos ou de leur comportement. J’ai vu des gens remarquables, et j’ai vu aussi des monstres, même s’ils étaient moins nombreux.

Par respect pour les entraîneurs qui fournissent des efforts pour essayer de comprendre leurs athlètes, j’aimerais qu’ils ne soient pas tous mis dans le même panier. Je sais que telle n’est pas votre intention, mais il est important pour moi de le souligner. Ceux qui font des efforts pour travailler sur le plan psychologique et essaient de faire avancer les choses sont encore très peu nombreux mais leur nombre progresse. Ce n’est évidemment pas suffisant.

S’agissant des préconisations, il faut former l’encadrement mais aussi les sportifs de haut niveau. Il faut prévenir, et donc les informer et les former très tôt.

J’ai dirigé trois centres de soins en addictologie à Paris et j’ai travaillé notamment dans la rue en Seine-Saint-Denis pendant plus de quinze ans. Il fallait prévenir le sida et les violences. Il y a des gens remarquables qui font ce travail sur le terrain. En France, nous avons des gens compétents. C’est donc, non pas une affaire de moyens – excuse derrière laquelle on se réfugie souvent – mais de volonté et de politique. Il y a des gens exceptionnels qui font un travail d’exception dans ces milieux-là. Il faut les valoriser et reconnaître leur rôle.

Il faut renforcer l’encadrement dans les sports à maturité précoce, avec un encadrement formé – et pas uniquement techniquement. J’ai effectué beaucoup de formations pour des coachs dans des salles de cours mais ce n’est pas suffisant, il faut compléter par des formations réalisées sur le terrain et nous obtiendrons des résultats de qualité. Il ne s’agit pas pour autant de mettre un psy chaque jour derrière chaque entraîneur. J’ai vu des résultats remarquables. Nous sommes capables et avons ces compétences en France.

Il faut éviter la spécialisation précoce d’athlètes de très haut niveau, engagés à sept ou huit ans dans des filières qui suivent des logiques d’adultes et sont très peu adaptées à cet âge-là.

Par ailleurs, il faut souligner que la performance en soi n’est pas un problème. C’est sur la manière dont on amène les gens à la performance qui peut poser problème. Nous devons donc être vigilants et exigeants sur les méthodes.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci beaucoup pour cette introduction et pour les éléments que vous apportez. Il est en effet très important de bien distinguer ce qui se passe dans le mouvement sportif et de ne pas tout mettre dans le même panier s’agissant des dysfonctionnements que l’on peut constater.

Vous avez insisté sur le fait, qui nous avait déjà été rapporté, qu’il s’agit d’un milieu en vase clos, où tout le monde se connaît et se coopte, ce qui ne permet pas forcément la libération de la parole des victimes. On nous a beaucoup parlé de personnes qui, lorsqu’elles osent s’exprimer, sont mises à l’écart voire parfois sanctionnées durement, puisque leur carrière de sportif est alors brisée.

En tant que responsable du suivi psychologique des athlètes à l’Insep, avez-vous été témoin de violences physiques ou psychologiques au sein cet institut ? Comment cela a-t-il été pris en charge ?

On parle beaucoup de Sarah Abitbol, qui a eu le courage de témoigner. Est-ce que les choses ont évolué depuis lors ?

Mme Meriem Salmi. Je n’exerce plus de responsabilités au sein de l’Insep, dont je suis partie en 2013 – même si l’on m’a rappelée en 2017 pour les Jeux olympiques. J’ai témoigné de tout cela dans différentes instances et dans les médias, avec évidemment les limites liées au secret professionnel.

Le monde sportif n’était pas prêt à entendre au début de ma pratique. Il s’est longtemps tu, comme le monde entier, sur ces questions de violence.

On en revient aux choses que l’on ne voit pas. J’insiste sur ce point : il faut pouvoir faire la démonstration des blessures psychologiques. Comment expliquer aux gens les amnésies traumatiques par exemple ? Par ailleurs, être psychologue, c’est un adjectif. On a fait d’une qualité humaine une profession. Donc tout le monde estime pouvoir être psychologue. Selon la définition du Littré, un psychologue est une personne qui sait écouter. Mais la psychologie, ce n’est pas ça. D’autant plus qu’elle a évolué. On se heurte beaucoup à l’idée selon laquelle ce que l’on ne voit pas n’existe pas.

Mon travail a donc consisté entre autres à amener les gens à comprendre, à travailler sur les représentations, à transmettre des connaissances sur le fonctionnement humain…

J’aime le sport de haut niveau et la performance, mais pas à n’importe quel prix. À chaque fois que j’évoquais ces questions relatives à la psychologie, cela semblait antinomique. Dans un reportage, j’ai même été qualifiée de « nounou » des sportifs ! Je serais une maman, mais pas une psychologue professionnelle. Comme je suis psychologue et de plus une femme, je suis nécessairement présentée comme une maman pour les athlètes. Eh bien non : je suis la mère de mes trois enfants, mais je ne suis pas la leur !

Je suis là pour souligner que performance ne doit pas rimer avec malveillance mais avec bienveillance. C’est un monde exigeant, par conséquent on doit être encore plus soutenant, plus rassurant, plus réconfortant. Plus c’est difficile et plus on doit être prévenant et à leurs côtés j’en suis absolument convaincue alors que l’on considère que c’est paradoxal dans le monde des champions. La performance implique exigence, humanité et intelligence.

Comment cela a-t-il été accueilli ? Au début très mal. Par ailleurs, je n’ai jamais été sportive de haut niveau. On considérait donc, dans ce monde très fermé, que je n’y comprenais rien.

Je suis aussi préparatrice mentale, mais je ne souhaitais pas m’occuper uniquement de préparation mentale. Je voulais promouvoir un accompagnement psychologique au sens large du terme Tel a été mon combat pendant toutes ces années.

L’accompagnement psychologique n’intéressait donc pas au départ. Mais nous avons travaillé et, même s’il a fallu énormément de temps, les choses ont progressé, ce qui est rassurant. Moi qui suis sur le terrain et qui observe les souffrances, j’aimerais que cela aille beaucoup plus vite. Cela ne se dit pas dans mon milieu mais, de très nombreuses fois, j’aurais voulu trahir le secret professionnel. On a beau être professionnelle, on est aussi un humain. Entendre que des petits bouts de chou se font maltraiter est insupportable. Il m’est arrivé de craquer avec des entraîneurs et de leur dire : « Tu es un assassin. Si c’était ta fille, agirais-tu ainsi ? » Évidemment je ne peux pas avancer comme ça. Je ne peux pas passer mon temps à être violente avec les gens que j’accompagne. Mon rôle est de les former. Il a donc fallu que je fasse preuve de patience, et certains ont aussi fait preuve de beaucoup d’intelligence et ont écouté. Ils étaient très peu au départ.

Quand on m’a demandé de venir à l’Insep alors que j’évoluais dans les milieux du football, du basket, certains m’ont dit : « Personne ne viendra te voir. Il faut que tu te caches. » Pour faire avancer les choses, avec Éric Jousselin, chef du service médical à l’époque, nous avons décidé que je m’installerais au service médical. J’ai refusé de me cacher, de même que les gens qui viendraient me voir n’auraient pas à venir avec une casquette, une capuche et des lunettes noires. C’était un défi et si cela n’avait pas marché je serais partie. Il faut avancer dans la lumière. À l’époque, préparatrice mentale, cela pouvait encore s’entendre. Mais psychologue, et en plus dans un service médical, c’était inenvisageable parce que cela renvoie à la fragilité et la faiblesse et qu’on touche au mythe du champion invincible. Pourtant progressivement les sportifs sont venus et j’ai rapidement été dépassée par les demandes.

Vous avez parlé d’évolution. Oui, on a avancé. Pas suffisamment pour moi qui suis sur le terrain. Mais si je prends de la distance, je suis obligée de reconnaître qu’on a avancé depuis que j’ai démarré dans ce milieu-là, il y a trente ans. Certains s’amusaient et se moquaient de m’entendre parler d’accompagnement psychologique et certains disaient que si les sportifs ne résistaient pas, c’est qu’ils n’étaient pas faits pour être champions.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pour aller plus loin, quel est le niveau de suivi psychologique des athlètes dans le sport professionnel français ? Les fédérations sont-elles suffisamment impliquées sur ce sujet ? Perçoivent-elles l’importance de l’accompagnement psychologique pour ceux qui vont peut-être devenir des athlètes, mais qui sont avant tout des enfants de huit ou quinze ans ? Cet accompagnement est-il suffisamment présent selon vous ?

Mme Meriem Salmi. Je le répète, pas suffisamment. Je ne peux pas dire autre chose. Mais je suis obligée de constater que les choses ont quand même évolué.

Il y avait des préparateurs mentaux à l’Insep, mais j’étais à l’époque la seule psychologue. Ils doivent aujourd’hui être presque dix, je pense. À ma connaissance, des fédérations ont joué un rôle précurseur. Je ne serai certainement pas exhaustive en citant certaines fédérations mais, par exemple, la Fédération française de gymnastique avait recruté un psychologue – qui travaillait certes surtout sur la préparation mentale – de même que la Fédération française de golf et certainement d’autres encore. Je constate que de plus en plus de fédérations s’intéressent au sujet, même si, de mon point de vue, on parle encore trop de préparation mentale plutôt que d’accompagnement psychologique au sens large.

Certains me répondront que ce n’est pas si mal et qu’il y a de plus en plus de préparateurs mentaux dans les fédérations. Oui, mais selon moi la préparation mentale n’est pas suffisante. Elle cible la performance ce qui effectivement est intéressant mais on a affaire à des humains, et parfois à des enfants de huit ou dix ans. On doit donc s’assurer aussi de leur santé mentale. On a besoin de spécialistes du milieu sportif qui soient aussi spécialisés en psychologie clinique et pas seulement en psychologie du sport.

Dans ce monde-là, la psychologie clinique renvoie à la pathologie. Le fait est qu’il existe des troubles psychopathologiques dans ce milieu. Lorsque j’ai voulu mettre en place des stratégies de prévention, je me suis attachée aux types de pathologies des sportifs. Il n’y avait pas d’articles sur le sujet et très peu de chiffres sur les sportifs de haut niveau français. Nous avons donc conduit une étude qui a donné lieu à une publication scientifique. Nos résultats montraient que les troubles anxieux occupaient la première place chez les sportifs de haut niveau. Cela a suscité des polémiques, cela a été vécu comme une attaque et non une avancée dans le domaine de la santé mentale. Or les troubles anxieux sont l’une des caractéristiques des mondes d’élite. Quand vous ne devez pas seulement être bon mais être le meilleur, vous pouvez développer à certains moments des troubles anxieux et subir des épisodes dépressifs. Notre rôle est bien de prévenir de ces troubles et de les soigner.

On retrouve d’ailleurs les mêmes troubles dans tous les milieux d’élite

Je disais qu’il fallait s’occuper de ces troubles anxieux et que l’on était en mesure de faire de la prévention pour les corriger de manière précoce, de façon à éviter le développement de troubles psychopathologiques. Répertorier les troubles des sportifs permettait selon moi de former l’encadrement, non pas pour qu’ils les prennent en charge mais pour qu’ils les orientent vers le personnel compétent.

L’accompagnement des jeunes de huit à dix ans n’est pas suffisant actuellement, selon moi.

Mais on avance… lentement.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Vous avez dit que les formations collectives globales donnaient des résultats limités et qu’il valait mieux suivre les entraîneurs à l’occasion de leur pratique régulière.

Quel organisme est capable d’assurer leur accompagnement par des psychologues, à partir d’un certain niveau de performance des jeunes sportifs ?

Mme Meriem Salmi. Par exemple, l’Insep, qui dépend du ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, s’est appuyé sur le réseau grand Insep afin d’identifier l’ensemble des collègues accrédités qui sont tout à fait à même d’intervenir.

À l’Insep, des professionnels forment et reçoivent. J’ai toujours reçu des entraîneurs, l’encadrement et même des directeurs techniques nationaux (DTN). Il faut développer ces pratiques.

Pour cela, il faut faire prendre conscience aux fédérations que c’est incontournable. Il faudrait au minimum un psychologue par équipe de France. Je ne vois pas ce qu’il y a d’aberrant à dire ça. On n’est pas choqué qu’il y ait un médecin et un kinésithérapeute dans une équipe de France. Il est évident qu’il faut être attentif au corps des athlètes ; je ne vois pas ce qu’il y a d’aberrant à l’être aussi à leur tête. On ne peut pas considérer qu’ils sont seulement des corps. Ils raisonnent et sont avant tout des êtres humains.

En outre, la parole est très peu présente dans ce monde de l’action. Les athlètes sont donc des personnes qui parlent peu. C’est l’une de leurs spécificités.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Parmi les sportifs qui ont souffert, avez-vous constaté des différences systémiques liées au genre ou au fait que certains soient racisés ? Y a-t-il des traitements particuliers selon l’appartenance de genre des jeunes ou leur origine présupposée ?

Mme Meriem Salmi. Je ne sais pas comment répondre à ces questions parce que je n’ai pas étudié ces points de manière précise et statistique.

Lorsque vous dites « racisés », je suppose que vous faites référence au racisme. Des témoignages parus sur ce sujet dans les médias sont incontestables. Le racisme ne va pas s’arrêter aux portes des clubs et des institutions sportives. Est-ce qu’il y en a plus qu’ailleurs ? Il faudrait disposer de chiffres car il faut être sérieux s’agissant d’accusations aussi graves. Je ne crois pas qu’il y ait davantage de racisme dans le sport qu’ailleurs mais j’ai en effet déjà constaté ce genre de choses.

Pourriez-vous préciser votre question sur les violences ?

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Les maltraitances sont-elles les mêmes pour les jeunes garçons et pour les jeunes filles ? Des attentes différentes en matière de performance sont-elles mises en avant pour justifier des maltraitances particulières en fonction du genre ?

Mme Meriem Salmi. Je n’ai pas de chiffres non plus sur cette question. Je m’en tiendrai donc à ma pratique : j’ai vu plus de jeunes filles affectées que de jeunes hommes, mais je ne sais pas si ce constat reflète la réalité. S’agissant des troubles alimentaires, j’étais convaincue qu’ils frappaient plus les filles que les garçons, or mes chiffres ont montré que c’était la même chose proportionnellement. Il nous faudrait des recherches épidémiologiques sérieuses qui puissent nous apporter ces réponses.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Avez-vous observé une réaction des parents face aux exigences de certains entraîneurs ou ferment-ils les yeux ? Je vais me faire l’avocat du diable, mais ne pensez-vous pas que le sport de haut niveau exige un minimum d’autorité – accompagnée, bien sûr, de bienveillance ? La baisse notable des performances françaises, notamment dans les sports individuels, est-elle liée à l’évolution de la formation des entraîneurs, ainsi que des professionnels exerçant au sein des fédérations ? J’ai connu par le passé des entraîneurs qui venaient de l’armée.

Mme Meriem Salmi. Dans ma génération – j’ai soixante et un ans –, ce sont des militaires qui nous entraînaient en gymnastique. J’aime la performance et, bien sûr, la performance exige un engagement considérable. Ce n’est pas ce qui est en question : c’est la manière dont on amène à la performance, qui doit être revue. De nombreux pays européens se sont engagés dans des changements drastiques dans les années 2000. Il serait temps que nous le fassions également, à tous les niveaux. Un jour, un entraîneur en stage a attiré mon attention sur le fait qu’il était tout seul quand l’équipe de Grande-Bretagne comptait plus d’une dizaine de personnes dans l’équipe, notamment des psychologues. On ne peut pas continuer à travailler comme cela. Je suis Française et j’en suis à la préparation pour les athlètes de mes sixièmes JO. J’ai envie moi aussi que les Français gagnent, mais pas avec des méthodes qui entraînent des dysfonctionnements et des souffrances. Sur le plan de la psychologie, nous sommes très en retard, comme en témoignent mes échanges avec mes collègues étrangers Il y a peut-être aussi une arrogance qui nous caractérise, nous Français.

L’enseignement du sport implique fréquemment un contact physique. Dans le cadre sportif, le corps n’est pas sexué mais un corps au service de la performance Il est nécessaire de toucher pour enseigner, expliquer, montrer un mouvement, accompagner, rassurer, soigner… mais mettre une main aux fesses avec une intention sexuelle est interdit. C’est à l’intention qu’il faut être vigilant. Certains entraîneurs qui ont été sensibilisés à ces questions ont peur, désormais, de ce contact physique. Je connais des collègues médecins ou des entraîneurs qui n’osent plus effectuer aucun contact physique et se prémunissent en n’étant jamais seuls. Il faut peut-être en passer par là pour faire avancer les choses, et l’on finira par trouver un juste milieu.

Un athlète trouve son équilibre s’il se sent bien entouré, en sécurité. Il peut alors supporter la pression. Mais il peut aussi se trouver en présence d’un entraîneur tout-puissant, qui abuse de son pouvoir. Des athlètes n’osent parfois pas dire qu’ils ont mal, continuant à s’entraîner malgré des fractures de fatigue et autres blessures. Il arrive aussi que ces sportifs aux capacités physiques et psychologiques hors norme, cachent leurs blessures. C’est alors à nous de les arrêter.

La plupart des parents se débrouillent comme ils peuvent. Accompagner un athlète est une tâche difficile. Exceptionnellement, des dérives peuvent se produire, et il faut s’en occuper. Lorsque j’explique à des parents qu’ils doivent modifier leur comportement, ils le font dans la plus grande majorité des cas. La psychologie ne s’improvise pas, contrairement à ce que l’on pense ; il faut se former. Souvent, les familles veulent bien faire mais ne se rendent pas compte à quel point elles mettent la pression sur leurs enfants. Les parents ont besoin d’acquérir des compétences et sont souvent isolés et seuls. Certains dérivent mais ce sont finalement des cas pathologiques assez rares.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Quels pays et, éventuellement, quelles fédérations françaises sont en avance ?

Mme Meriem Salmi. Là encore je ne dispose pas de chiffres suffisamment précis pour vous répondre. On peut citer, entre autres, les États-Unis, la Chine, le Canada, l’Allemagne, l’Angleterre.

Les dérives de certains entraîneurs et de certaines familles ne doivent pas masquer le travail à accomplir. Des entraîneurs, des DTN et des athlètes avaient demandé ma présence lors des Jeux olympiques de Pékin, en 2008 ; j’ai été la première psychologue à accompagner la délégation française. En revanche, à Londres, puis à Rio, je me suis déplacée à titre privé avec certains athlètes. En 2021, j’étais à nouveau la seule psychologue au sein de la délégation – et encore, il a fallu des interventions successives de différentes personnes ou instances pour faire reconnaître l’importance de la présence d’un psychologue. Depuis, il y a eu deux psychologues dans la délégation française aux JO d’hiver de Pékin en 2022. Dans les délégations de certains pays, on compte cinq ou six psychologues.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. À votre connaissance, les fédérations sportives ontelles institué des dispositifs de suivi et d’accompagnement systématiques des victimes de violences sexuelles ? Le cas échéant, quels progrès pourraient être réalisés en la matière ?

Mme Meriem Salmi. Il y a eu une évolution dans l’accompagnement. Jean-François Lamour, alors ministre des sports, avait institué un bilan psychologique destiné à détecter les troubles psychopathologiques. Un arrêté de 2006 oblige tous les sportifs de haut niveau à le réaliser, une fois par an pour les majeurs et deux fois par an pour les mineurs. Il s’agissait de renforcer l’encadrement des plus jeunes. Malheureusement, toutes les institutions ne disposent pas d’un psychologue. En dehors de l’Insep ou de certains Creps (centres de ressources, d’expertise et de performance sportive), souvent ce sont les médecins qui se débrouillent comme ils peuvent sans avoir vraiment ni les moyens ni toutes les connaissances. Parfois, même le bilan psychologique se résume à un questionnaire – il s’agit parfois de quelques cases à cocher à la va-vite dans le couloir... On pâtit de l’absence de volonté politique et de l’insuffisance de moyens. Il faut évidemment faire progresser la mise en œuvre sur le terrain. Je salue néanmoins cette avancée majeure à l’initiative de Jean-François Lamour. Alors que ces sujets n’étaient pas dans l’air du temps, il a été le premier à parler de bilan psychologique axé sur la santé !

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La libération de la parole a-t-elle permis une évolution des pratiques et une diminution du nombre de victimes, toutes violences confondues ? Quel regard portez-vous sur la cellule nationale de traitement des signalements de violences dans le sport et sur le contrôle de l’honorabilité des encadrants sportifs institué par le ministère des sports ?

Mme Meriem Salmi. Il était temps que l’on contrôle les personnes qui encadrent nos enfants ! Avant MeToo, quelques rares sportifs qui ont subi des violences atroces, telle Catherine Moyon de Baecque, ont osé parler, sans être entendus. MeToo a libéré la parole. Les gens ont plus de facilités et en parlent plus tôt et davantage aujourd’hui, mais, pour ce qui me concerne, je n’observe pas une augmentation importante de témoignages de violences.

En tout état de cause, les victimes ne souhaitent plus se laisser faire. Il faut promouvoir la notion de respect dans ce milieu, car le respect est ce qui anéantit la violence. C’est fondamental car l’irrespect est une forme de violence

J’ai peu d’informations sur la cellule nationale. Je sais que ce sont des gens qui travaillent bien et qu’elle recueille beaucoup de témoignages, ce qui montre qu’elle fonctionne. Par le passé, des services comme SOS écoute ont très peu fonctionné parce que les gens n’osaient pas appeler Cette cellule n’est pas plus compétente que les autres mais aujourd’hui on sent qu’un mouvement est lancé. Les témoignages de Catherine Moyon de Baecque et de Sarah Abitbol n’ont pas eu les mêmes effets. C’était une autre époque. Si on en parle aujourd’hui c’est que les choses avancent.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Les auteurs des actes commis contre Catherine Moyon de Baecque ont récidivé et sont toujours actifs dans le milieu sportif.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Votre introduction a fait écho, dans mon esprit, aux travaux que nous avons menés sur la santé mentale des femmes dans le cadre de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. Ce qui touche à la psychologie est encore assez tabou dans notre pays, ce qui appelle un changement systémique.

Sur quels critères les certificats d’honorabilité sont-ils délivrés ?

Mme Meriem Salmi. Je connais peu cette question mais il me semble qu’on examine le casier judiciaire. Je ne sais pas quels autres éléments factuels sont pris en compte.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous eu le sentiment d’être entendue ? Des suites ont-elles été données à vos alertes ?

Mme Meriem Salmi. Au tout début de ma carrière, pratiquement pas ; on me disait : « C’est comme ça. » Puis, progressivement, j’ai vu certaines situations s’améliorer – pas suffisamment, encore une fois, selon mon point de vue.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quelle est la formation d’un préparateur mental ? Le cursus du psychologue fait-il une place à l’accompagnement du sportif ? Assure-t-on les conditions d’une présence plus forte et plus nombreuse de ces professionnels au sein des fédérations ?

Mme Meriem Salmi. Il existe une spécialité dénommée psychologie du sport. Pour moi, la formation devrait porter tant sur le domaine clinique que sportif. Il faudrait aussi prévoir une spécialisation dans le domaine de la clinique du sportif de haut niveau.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quid du préparateur mental ?

Mme Meriem Salmi. À ma connaissance, il ne dispose pas d'un titre reconnu et protégé. Cependant, je sais qu’il existe aussi des formations sérieuses dans le domaine de la préparation mentale. La préparation mentale est un entraînement mental qui permet de développer différentes habiletés (concentration, gestion du stress…) à partir de méthodes comme la visualisation, la relaxation, la concentration… Mais nous avons aussi des « coachs » mentaux, dénomination « tendance » dont je suis incapable de vous dire de quelle formation elle relève

Mme Claudia Rouaux (SOC). Des kinésithérapeutes suivent parfois des formations pour dispenser une aide mentale.

Mme Meriem Salmi. Je n’ai pas connaissance de cela, mais il est vrai que leur pratique les incline à l’écoute et les sportifs apprécient. Toutefois, le travail du psychologue ne se réduit pas à l’écoute. Cela fait du bien d’être écouté, mais cela ne répare pas. C’est l’écueil auquel on est toujours confronté. Dans le cadre de mes attributions à l’Insep j’intervenais dans la formation du diplôme universitaire de médecine du sport et dans les formations de kinésithérapie du sport. Cela me semble très important

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pensez-vous nous avoir tout dit ?

Mme Meriem Salmi. Sûrement pas, car il est difficile de résumer aussi vite trente ans de pratique, mais j’ai dit l’essentiel. En tout cas, je n’ai pas cherché à cacher quoi que ce soit.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Si vous souhaitez apporter des informations complémentaires à la commission, écrites ou orales, n’hésitez pas à nous recontacter.

Nous vous remercions de votre sincérité et de votre disponibilité.

 

La séance s’achève à dix heures trente-cinq.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents.  Mme Béatrice Bellamy, Mme Fabienne Colboc, M. Laurent Croizier, M. PierreHenri Dumont, M. Jérôme Guedj, Mme Pascale Martin, M. Julien Odoul, M. François Piquemal, Mme Claudia Rouaux, Mme Sabrina Sebaihi

Excusé.  M. Bertrand Sorre