Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

–– Audition, ouverte à la presse, de M. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, sur le projet de loi de finances 2024.

 

 


Mardi
3 octobre 2023

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 02

session ordinaire de 2023-2024

Présidence
de M. Thomas Gassilloud,
président

 


  1  

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, nous auditionnons M. Sébastien Lecornu, ministre des armées, sur le projet de loi de finances pour 2024. L’année 2024 sera particulière, car elle sera la première année d’exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, que nous avons votée en juillet. La précédente LPM a été exécutée à l’euro près. Nous veillerons à ce qu’il en soit de même pour la nouvelle. Nous savons que vous êtes fortement mobilisé en ce sens.

 

L’entrée dans la nouvelle LPM a lieu sous de bons auspices : les crédits de la mission Défense s’élèvent, comme prévu, à 47,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 3,3 milliards par rapport à la loi de finances pour 2023. Les engagements sont donc respectés.

 

Plus que les chiffres bruts, ce qui nous importe, c’est la traduction concrète des ambitions – technologiques, humaines et de cohérence – pour nos armées. Notre ambition est aussi nationale.

 

Nous pouvons en ce sens nous féliciter du prix Nobel décerné à Pierre Agostini et Anne L’Huillier, dont les travaux offrent de nouvelles capacités d’observation des électrons. Nous espérons que l’humanité en fera bon usage.

 

Monsieur le ministre, vous revenez de Kiev, où vous avez préparé, avec nos industriels, la poursuite de notre soutien à l’effort de guerre ukrainien. Pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont sera financé l’approfondissement de notre aide. La LPM prévoit que celui-ci ne pèsera pas sur la mission Défense.

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Je commencerai par vous transmettre les excuses des ministres de Bercy, les bleus budgétaires, apparemment, ne vous ayant pas été transmis. Je me tiens à la disposition de la commission pour procéder à un complément d’audition ou pour répondre à des questions par écrit. Compte tenu des sommes qui sont en jeu et des orientations que je vous propose d’adopter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, les débats méritent d’être menés dans de bonnes conditions.

 

L’an dernier, nous avons passé beaucoup d’heures ensemble pour la construction, la discussion et le vote de la LPM. Je présenterai donc les crédits de la mission Défense de façon un peu différente cette année. Souvent, dans nos discussions, nous avons eu du mal à nous en tenir au contrat opérationnel et à faire comprendre ce qu’est la cohérence par rapport à la masse. Au fond, en parlant de milliards, on finit par perdre tout le monde, y compris les membres des forces qui suivent nos débats. Si vous leur avez récemment rendu visite, vous avez dû entendre nettement dire « nous-mêmes, nous ne voyons pas ce que tout cela signifie ». Nous devons y être attentifs. Après avoir présenté les partis pris politiques qui ont présidé à la construction du budget, je présenterai donc quelques cas pratiques de ce qu’ils signifient dans certains contrats opérationnels, bases ou unités.

 

Après une première LPM exécutée à l’euro près, nous franchissons la première marche de la deuxième LPM de la présidence d’Emmanuel Macron. Le budget prévu pour 2024 s’élève à 47,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 3,3 milliards. Il s’agit de la marche la plus haute depuis 2017. Les crédits ont progressé de 46 % de 2017 à 2024 et de 7,5 % de 2023 à 2024.

 

Des priorités se dégagent. Nous ne nous contentons pas d’additionner des moyens. Nous engageons aussi la transformation de nos armées, tout en poursuivant la réparation, à laquelle la précédente LPM n’a pas suffi, sur de nombreuses fonctions, dont je sais qu’elles sont au cœur de vos préoccupations.

 

S’agissant de la préparation opérationnelle, qui est l’activité des forces hors opérations extérieures (Opex), elle bénéficie de 1,4 milliard d’euros supplémentaires, soit pratiquement la moitié de la marche de 3,3 milliards. Cet engagement, pris dans le cadre de la commission mixte paritaire (CMP), est tenu.

 

Sur ce 1,4 milliard, 324 millions sont destinés à l’activité opérationnelle, dont le carburant, 745 millions à l’entretien programmé du matériel – sa maintenance – et 305 millions à l’environnement et à la cohérence, ce qui comprend notamment les munitions.

 

Pour 2024, les cibles d’activité seront en hausse, notamment pour les secteurs qui étaient les plus éloignés des normes. Comme je m’y étais engagé, j’ai signé cet après-midi une lettre destinée au président Gassilloud, dans laquelle figurent les objectifs en matière d’activité. Ces tableaux sont classifiés, mais j’ai proposé que les présidents des commissions de la défense des deux chambres puissent y avoir accès.

 

S’agissant des soutiens, sur laquelle vous êtes nombreux à m’avoir interrogé, à raison, la réparation continue aussi. Ils bénéficieront l’an prochain de 2,8 milliards d’euros, soit une augmentation de près de 300 millions. L’effort portera principalement sur les soutiens de proximité, la modernisation de la chaîne logistique et les équipements individuels du combattant. Un doublement des dépenses destinées aux familles des militaires et aux civils de la défense est également prévu. Les crédits du service de santé des armées (SSA) augmenteront de 33 % hors T2, soit 70 millions supplémentaires, qui financeront notamment un renforcement des capacités hospitalières, des antennes chirurgicales et la livraison d’une centaine d’ambulances.

 

Les infrastructures bénéficieront de 2,3 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 270 millions. Par « infrastructures », on entend aussi bien des infrastructures de chirurgie à l’hôpital d’instruction des armées (HIA) Percy que l’ensemble d’accueil d’un plot de Rafale à Orange. Dans ce domaine, les évolutions prennent du temps. Les crédits de paiement s’étaleront sur toute la durée de la LPM.

 

En matière de dissuasion nucléaire – qui, contrairement à de tenaces légendes urbaines, n’est pas le premier poste d’augmentation du budget –, l’année 2024 sera celle de premiers rendez-vous importants pour la modernisation de ses composantes, dont le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G) pour la force océanique stratégique (FOST) et les missiles ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) pour les forces aériennes stratégiques (FAS). Les crédits augmenteront de 750 millions d’euros. Nous sommes à un point de pivot entre plusieurs générations de matériels ; il est normal que les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) soient au rendez-vous.

 

Comme nous en avions discuté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, quelques parents pauvres avaient fait les frais, au cours des dernières décennies, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de diverses diminutions de crédits. La nouvelle LPM nous permet de repartir du bon pied, notamment grâce au retour d’expérience (Retex) de la guerre en Ukraine. Plus de 200 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au seul poste des munitions, soit une augmentation de 15 %. Les livraisons de torpilles, de missiles Mistral, VL Mica et Exocet, de missiles de moyenne portée (MMP) et d’obus de 155 millimètres participent à la cohérence dans les contrats opérationnels.

 

En commande, c’est le début d’un grand rebond de la défense sol-air. Plusieurs d’entre vous ont rédigé des rapports à ce sujet. Il s’agit également d’un Retex de la guerre en Ukraine. Des tourelles de 40 millimètres et huit lanceurs Samp/T de nouvelle génération seront commandés en 2024, ainsi que des VL Mica et des lots de missiles Mistral, consécutivement aux dons de Crotale à l’Ukraine. Tout cela est pris sur des postes budgétaires différents.

 

S’agissant de la fidélisation et des ressources humaines, l’année 2024 est charnière dans l’application de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), qui représentera 351 millions d’euros en année pleine, dont 263 millions pour la troisième marche, entrée en application au 1er octobre. Nous en parlons depuis longtemps ; dès la fin de ce mois, les effets seront visibles sur le bulletin de solde des militaires.

 

Conformément au cadencement adopté dans le cadre de la LPM, l’année 2024 se caractérisera également par la mise en œuvre des mesures indiciaires pour les sous-officiers. Celles-ci représenteront 46 millions en année pleine, dont près de 12 millions à partir d’octobre. Pour un sous-officier, il en résultera une augmentation d’environ 800 euros bruts par an.

 

L’année 2024 sera enfin marquée par le déploiement des mesures interministérielles prises dans le cadre de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique. Avec les garanties individuelles de pouvoir d’achat et la revalorisation du Smic, les efforts engagés seront d’environ 300 millions d’euros.

 

En 2024, nous activerons la clause prévue à l’article 6 de la LPM. Nous ne parviendrons pas, nul ne l’ignore, à atteindre certaines cibles en matière d’embauche. Cette situation nous permettra toutefois de financer des mesures ministérielles d’attractivité et de fidélisation additionnelles, pour environ 76 millions d’euros, dont 41 millions pour la fidélisation dans les métiers en tension. L’enveloppe est de plus de 6 millions d’euros pour le numérique, de plus de 6 millions d’euros pour le SSA, de près de 14 millions pour les ingénieurs civils de la défense (ICD), de 1,5 million pour les ouvriers d’État et de 6,4 millions pour le renseignement.

 

Le plan « famille » bénéficiera de 750 millions d’euros sur la durée de la LPM, dont 70 millions dès 2024. Il s’agit d’une première marche importante, l’augmentation des crédits étant de 25 millions. J’ai souhaité que la chronologie budgétaire soit particulièrement brutale, dans le bon sens du terme, pour avoir du carburant budgétaire dès le début de la LPM et accélérer sa mise en œuvre, notamment en matière d’aide à la petite enfance et aux familles. Plus de 200 places de crèche seront créées dans les bases aériennes ou navales et les régiments.

 

L’objectif est de privilégier la cohérence par rapport à la masse pour remplir les contrats opérationnels. J’en viens donc à la pédagogie de ce à quoi ressemble concrètement la LPM dans les projets de loi de finances et les partis pris des états-majors ainsi que des services du ministère, pour s’assurer que la croissance sera homogène et homothétique, et que les efforts engagés produiront des effets du point de vue militaire.

 

En 2024, la préparation opérationnelle des forces bénéficiera de 1,4 milliard d’euros supplémentaires. Des équipements majeurs seront livrés, notamment treize Rafale, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), une frégate de défense et d’intervention (FDI), 138 véhicules blindés Griffon et 103 véhicules blindés Serval. Comme nous nous y étions engagés, le renouvellement des capacités des forces se poursuit.

 

Il s’accompagne d’une hausse nette des effectifs. Même si nous avons déclenché les dispositions de l’article 6 de la LPM, nous conservons une cible de 456 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. Pour répondre au besoin de cohérence, nous faisons le choix d’un ciblage très précis : 140 ETP sont fléchés pour les soutiens, soixante-trois pour le renseignement, cinquante-cinq pour le cyber, cinquante-cinq pour les infrastructures et quarante-huit pour le numérique.

 

Des renforts sont aussi prévus dans le domaine des infrastructures, y compris en outre-mer. Le modèle d’armée que nous avons validé dans le cadre de la LPM repose aussi sur la montée en puissance de la réserve. Dès 2024, nous ciblons, grâce aux outils de mobilisation individuelle et collective et de fidélisation, 3 800 effectifs supplémentaires, sans compter les réserves issues des filières d’expertise.

 

J’en viens à quelques cas pratiques.

 

Dans l’armée de terre, le 17e régiment du génie parachutiste de Montauban bénéficiera, en 2024, de l’arrivée de vingt-neuf blindés Serval. Près de 30 millions d’euros de travaux sont nécessaires pour mettre à niveau les infrastructures de stockage et de maintien en conditions opérationnelles (MCO) de ces nouveaux équipements. Tout cela conduit à augmenter l’activité des forces. Avec quatre-vingt-dix heures supplémentaires octroyées par équipage, l’entraînement effectué sur les véhicules de l’avant blindés (VAB) augmentera de près de 20 % par rapport à 2023. Les investissements dans les matériels n’auraient pas de sens si nous ne permettions pas à nos soldats d’en prendre possession et de s’entraîner avec.

 

Le 5e régiment de dragons de Mailly-le-Camp recevra trois chars Leclerc rénovés. En matière d’infrastructures, un nouveau bâtiment dédié à l’instruction a été construit, pour un budget de près de 11 millions d’euros. Comme le char Leclerc rénové ne sert à rien sans ses obus, près de 10 000 obus – sur la tranche de 90 000 obus votée dans la LPM – seront livrés.

 

S’agissant de l’aérocombat, la livraison de deux NH90 est prévue au 3e régiment d’hélicoptères de combat d’Étain. La construction des infrastructures de stockage et de MCO sera lancée et des crédits supplémentaires seront alloués pour l’entraînement des équipages, qui bénéficieront chacun de cinq heures de vol supplémentaires.

 

Ces cas pratiques vous permettront, à vous parlementaires, lors des visites et des contrôles que vous effectuerez sur pièces et sur place, de vous assurer de la cohérence des efforts engagés. Vous constaterez peut-être des manquements, mais vous connaîtrez la philosophie selon laquelle les sommes ont été réparties.

 

Dans l’armée de l’air et de l’espace, le 5e escadron de Rafale d’Orange recevra treize appareils. La quantité de munitions simples – les obus de 250, 500 et 1 000 kg – livrée augmentera de 40 %. S’agissant des infrastructures, la piste sera intégralement refaite en 2024, ainsi que l’écosystème du Rafale, notamment les ateliers, les bâtiments et les simulateurs, pour un montant de 84 millions d’euros. La zone de la permanence opérationnelle de chasse a d’ores et déjà été rénovée. En matière d’activité opérationnelle, chaque pilote de Rafale disposera de treize heures de vol supplémentaires en 2024, soit une augmentation de 10 % du temps d’entraînement.

 

Deux A400M seront livrés à la base aérienne d’Orléans-Bricy, qui bénéficiera de la construction d’une piste sommaire reproduisant l’environnement des Opex. Des moyens seront également alloués à l’entraînement : chaque équipage fera vingt-et-une heures de vol supplémentaires en 2024, soit une augmentation de l’ordre de 10 %, conforme aux engagements pris en CMP.

 

En ce qui concerne la marine, la base de Brest recevra en 2024 ses trois premiers modules de drones, comportant chacun des drones de surface, des robots sous-marins et des sonars. La livraison du hangar et des bâtiments liés à cette opération est également prévue. Trois équipages de téléopérateurs de drones sont formés et entraînés, en tenant compte du Retex obtenu avec les prototypes lors d’exercices de simulation. Tout cela est coiffé par le programme majeur de guerre des mines.

 

S’agissant de l’outre-mer, la livraison d’un nouveau patrouilleur en Polynésie française s’accompagnera de la construction d’un quai d’accueil pour les deux patrouilleurs, pour un budget de près de 17 millions d’euros. L’équipage bénéficiera en outre de quatre-vingt-quinze jours de mer, soit une augmentation significative.

 

Nos capacités sous-marines seront aussi renforcées, par la livraison du SNA Tourville. Il rejoindra la base navale de Toulon, où sont prévues les installations de maintenance nécessaires à l’accueil de la nouvelle génération de SNA. Des torpilles lourdes Artémis seront par ailleurs commandées. Par ailleurs, nous tirons de premiers enseignements – confidentiels – du Suffren, qui pourraient lui bénéficier, de façon incrémentale, ainsi qu’au Tourville.

 

Ces exemples ont le mérite d’illustrer notre méthode et de nous inscrire dans les contrats opérationnels. Ces capacités participent du durcissement nécessaire, qui permet de s’assurer que la vie du soldat n’est plus la même et que la capacité d’atteindre les objectifs fixés par le chef des armées est réaliste.

 

Tout cela n’a de sens que si nous préparons l’avenir. Nous avons longuement évoqué l’innovation lors de l’examen de la LPM qui, en dépit du refus de certains de la considérer comme telle, est une LPM de transformation. En 2024, lorsque vous visiterez certains régiments de l’armée de Terre, vous ne pourrez pas le nier. Les décisions proposées par le chef d’état-major de l’armée de Terre (Cemat), que j’ai validées, introduisent des évolutions majeures, telles que la création du commandement du combat futur (CCF). Vous aurez l’occasion d’auditionner le délégué général pour l’armement (DGA), qui vous présentera le plan « Impulsion DGA » visant à la tourner davantage vers l’innovation.

 

Nous financerons comme promis les ruptures technologiques. Concernant le spatial, les dépenses atteindront 600 millions d’euros. En 2024, outre la livraison d’un satellite CSO et d’éléments du programme Syracuse IV, des commandes importantes permettront également de préparer l’avenir. Des engagements à hauteur de 1,5 milliard sont prévus, principalement dans le cadre du programme Ares.

 

Nous consacrerons 430 millions d’euros aux drones et aux robots. Ce domaine est celui qui connaîtra l’augmentation de crédits la plus importante par rapport à 2023, à hauteur de 130 millions d’euros, soit une progression de 43 %. Huit drones sous-marins et quatre systèmes de drones aériens tactiques (SDT) seront livrés.

 

Le cyber bénéficiera d’un budget de 330 millions d’euros, soit une augmentation de 32 %, qui financera notamment l’achat de chiffreurs radio et l’augmentation des ETP.

 

Le renseignement bénéficiera de plus d’un demi-milliard d’euros supplémentaires. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en sera la première bénéficiaire, à hauteur de 425 millions d’euros, aux côtés de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), à hauteur de 51 millions, et de la direction du renseignement militaire (DRM), à hauteur de 65 millions. Les effectifs augmenteront. Quant au programme du Fort-Neuf de Vincennes, il poursuit son cheminement juridique.

 

L’outre-mer bénéficiera d’un budget de 1,5 milliard d’euros.

 

Dans l’intelligence artificielle, le ministère des armées accélérera ses investissements, à hauteur de près de 100 millions d’euros. Beaucoup de choses ont été faites au sein de la base industrielle et technologique de défense (BITD), de la DGA et de la DGSE, voire directement au sein des forces armées.

 

S’agissant des forces morales, vous aurez l’occasion d’auditionner la secrétaire d’État Patricia Mirallès sur le budget des anciens combattants. Un budget de 40 millions d’euros, en hausse de 22 millions, est consacré à l’accompagnement des blessés. La secrétaire d’État Mirallès évoquera les maisons Athos, dont elle s’occupe très bien, et la réparation pour les harkis. La secrétaire d’État Thevenot traitera les sujets liés à la jeunesse.

 

En 2024, deux grands rendez-vous sont prévus pour les forces armées. Lors des Jeux olympiques et paralympiques, nous assurerons des missions régaliennes, notamment en matière de défense du ciel et de lutte antidrones. Par ailleurs, j’ai assisté au mois d’août, avec les parlementaires du Var, aux commémorations du débarquement de Provence. Nous célébrerons l’an prochain le quatre-vingtième anniversaire de la Libération de la France. Les forces armées seront largement sollicitées.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

 

M. Jean-Michel Jacques (RE). Monsieur le ministre, vous avez démontré, lors de l’examen de la LPM, votre intérêt pour les échanges avec les parlementaires, qui l’ont salué sur tous les bancs. Nous savons qu’il en ira de même pour l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Au nom du groupe Renaissance, je tiens à vous en remercier.

La LPM prévoit 413 milliards d’euros. Dès la loi de finances pour 2024, la mission Défense devrait bénéficier de 47,2 milliards et la mission Anciens Combattants de 1,8 milliard. Avec les sénateurs, nous sommes convenus de la nécessité d’augmenter les marches que franchiront les crédits de la préparation opérationnelle. Je souhaitais vous interroger sur les contours de cette augmentation, mais les exemples que vous avez donnés répondent à ma question.

 

Je vous interrogerai donc sur les normes, évoquée par le Président de la République dans son dernier discours du 13 juillet ainsi que dans mon rapport sur la LPM. Que ferez-vous, dès l’an prochain, pour simplifier les normes ?

 

M. Sébastien Lecornu, ministre. S’agissant de la préparation opérationnelle, sur laquelle nous nous étions quittés à l’issue de la commission mixte paritaire de la loi de programmation militaire, je tenais à montrer comment nos engagements se traduisaient sur le terrain. Il faudra l’évaluer, et travailler sur la préparation opérationnelle et le maintien en condition opérationnelle, dont les coûts devront être maîtrisés.

 

La simplification des normes est l’un des chantiers importants pour 2024. Par le passé, le ministère s’est réorganisé et restructuré de nombreuses fois autour de la diminution de crédits, donc de la gestion de la décroissance. Il doit désormais gérer une crise de croissance. Une LPM augmentant les crédits, c’est une chose ; deux, cela devient structurant. Le doublement du budget du ministère de 2017 à 2030 en modifie le fonctionnement même, s’agissant des équilibres historiques, arrêtés dans les années 1960 entre les pouvoirs du secrétariat général pour l’administration (SGA), ceux du chef d’état-major des armées (CEMA) et des chefs d’état-major (CEM), les compétences de la DGA et les relations avec la BITD. Nous avons besoin d’un énorme choc de déconcentration, de subsidiarité et de simplification.

 

Lorsqu’un jeune lieutenant emmène sa section au combat, il peut malheureusement l’emmener à la mort. Depuis que nous avons achevé l’examen de la LPM, nous avons enterré trois soldats français, morts en Irak. Nous faisons confiance à nos officiers et à nos sous-officiers – vous l’avez été vous-même, Monsieur le député – pour aller au combat et mener des opérations. Il se trouve que le jeune lieutenant devenu colonel, chef de corps d’un régiment ou d’une base aérienne, doit, pour organiser le moindre pot de départ de l’un de ses sous-officiers, demander trois ou quatre autorisations pour acheter des cacahuètes et des boissons. La raréfaction des moyens a créé une forte tension.

 

Faut-il faire le grand soir ? Faut-il, comme certains le suggèrent, faire sauter les bases de défense et réorganiser fondamentalement le positionnement des soutiens ? Je ne le pense pas. En revanche, nous devons procéder à un énorme choc de déconcentration, notamment en faisant évoluer la répartition des forces. De nombreuses délégations militaires départementales mériteraient d’être étoffées. Il en est de même de nombreuses missions de défense dans les ambassades – j’ai pris devant vous des engagements à ce sujet.

 

J’ai ouvert un dialogue avec le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), avec les grands chefs militaires et avec les syndicats des civils de la défense. Même si les militaires représentent la majorité du personnel du ministère, celui-ci compte plus de civils que le ministre de la justice ou le ministère de la transition écologique. Ce ministère est un grand employeur civil. J’aurai l’occasion de vous présenter quelque chose à la mi-2024. Je souhaite prendre le temps de savoir ce que veulent les forces sur le terrain, en matière notamment de commande publique et de gestion des ressources humaines – les fonctions ressources humaines de proximité pourraient être améliorées, c’est le moins que l’on puisse dire.

 

Ce chantier nous amène à un constat : tout n’est pas qu’une affaire d’argent. Nonobstant les milliards que nous investissons dans notre appareil de défense, il y aura toujours un enjeu de fluidité, comme l’a rappelé le Président de la République dans son dernier discours de Brienne. Il m’incombe, avec notamment le CEMA, le SGA et le DGA, de mener une réflexion à long terme sur l’organisation à adopter dès lors que les crédits augmentent.

 

Mme Caroline Colombier (RN). Monsieur le ministre, lors de votre audition conjointe avec le ministre délégué chargé de l’industrie et le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, nous n’avons pas eu l’occasion de vous répondre au sujet des exportations d’armes et de la faiblesse du marché françaises sur le terrain européen.

 

À l’évocation des maigres 2 milliards d’euros de la part de marché de la France, vous avez indiqué que « nous n’avons pas été assez bons » et que « nous allons nous employer à reconquérir le marché européen ». Nous éviterons ainsi de passer pour l’éternel dindon de la farce de l’Europe de la défense, qui n’existe que dans les têtes d’eurobéats, principalement français. Je m’adresse au moins européen des membres du Gouvernement, dixit vous-même, ce dont je suis très heureuse, n’osant imaginer ce qu’il serait advenu de notre défense si tel n’était pas le cas.

 

Reconquérir le marché européen certes, mais quels moyens envisagez-vous de consacrer à une telle ambition ? Envisagez-vous d’introduire enfin dans la doctrine française des marchés de défense une clause de réciprocité ? Comment souhaitez-vous faire entendre la voix de la France pour éviter que nos partenaires européens ne détournent de l’argent européen par le biais de la Facilité européenne pour la paix (FEP) ? À un moment donné, il faudra justifier auprès du contribuable français et européen que son argent servira à financer le réarmement et la modernisation des armées des pays d’Europe de l’Est au profit de l’industrie d’armement américaine et coréenne. Comment comptez-vous inciter ces États à acheter des équipements produits en Europe et non plus hors d’Europe ?

 

S’agissant du char du futur, vous avez indiqué qu’interpréter l’appel d’offres FMBT (Future Main Battle Tank) lancé par la Commission européenne comme un renoncement de l’Allemagne au programme MGCS (Main Ground Combat System) constitue une fake news. Dont acte. Dès lors, que penser du KF-51 Panther et du Leopard 2AX, que les industriels d’outre-Rhin développent avec l’intention apparemment explicite de proposer un potentiel concurrent au char issu du MGCS ? Fake news ? Le patron de Rheinmetall a clairement présenté – ce qui bat en brèche votre optimisme – le KF-51 Panther comme un concurrent potentiel du futur char franco-allemand, qui arrivera trop tard sur le marché compte tenu de la modernisation accélérée des forces armées européennes.

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Je constate que la campagne pour les élections européennes est lancée.

 

En ce qui concerne la reconquête de nos parts de marché en Europe, nous sommes collectivement coupables de nos résultats. Nous avons perdu des marchés faute d’être capables de respecter les gammes de prix et les délais de livraison. Les clients européens sont parfois très exigeants.

 

En matière d’innovation, nos meilleurs prospects en Europe sont ceux pour lesquels nous avons une brique de technologie capable de faire la différence. Vous avez évoqué, en parlant de réarmement auprès de la Corée du Sud et des États-Unis, vos amis polonais. Vous ne pouvez pas ne pas voir que la Pologne vient de nous acheter des satellites, précisément parce qu’Airbus Defence and Space proposait des briques de technologie à des prix et avec une soutenabilité particulièrement intéressants.

 

Par ailleurs, nous devons ouvrir une réflexion stratégique en matière de MCO. La guerre en Ukraine a révélé l’importance de la soutenabilité des matériels achetés, dans un contexte où les budgets européens sont de plus en plus en tension.

 

Contrairement à vous, je ne suis pas favorable à une sortie de l’OTAN, mais à une France forte et très autonome, ce qui suppose une stratégie d’influence au sein de l’OTAN, consistant notamment à figurer dans les organigrammes, notamment militaires, et à participer aux opérations communes, qui donnent aux armées des pays alliés l’envie de se doter de nos matériels.

 

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je regrette moi aussi que nous ne disposions pas des bleus. J’ai noté que vous étiez prêt à revenir devant notre commission. Je suis certain que M. le président arrivera à trouver une date pour que nous puissions nous revoir avant l’expiration du délai de dépôt des amendements. Je réserve donc mes questions sur le budget.

 

Mes questions se concentreront sur l’actualité de l’été, sur laquelle nous n’avons pas réussi à obtenir l’information du Parlement.

 

Deux coups d’État sont advenus en Afrique cet été. Au Niger, vous devrez retirer d’ici le mois de décembre tout le dispositif que vous y avez redéployé depuis le Mali et le Burkina Faso. En dépit des succès tactiques indéniables de nos armées, vous ne pouvez pas nier qu’il s’agit d’un échec de la politique française au Sahel. En avez-vous tiré les conséquences ? Avons-nous seulement une politique vis-à-vis des pays africains ?

 

Concernant l’aide à l’Ukraine, vous avez déclaré dans une interview récente au journal Le Parisien que la France devait « trouver des solutions durables, car les cessions depuis les seuls stocks de nos armées ont nécessairement des limites ». Enfin ! Je me réjouis de constater que vous rejoignez les positions que nous défendions lors de l’examen de la LPM : planifier et programmer nos cessions d’armement sans obérer les capacités de nos armées.

 

Pourquoi avoir mis tant de temps à admettre cette évidence ? Surtout, pourquoi le dire maintenant, au moment où les États-Unis cessent de financer l’Ukraine, où la Pologne annonce la fin des livraisons d’armes et où les élections en Slovaquie envoient au pouvoir un parti hostile au soutien à Kiev ? Quelles seront les conséquences concrètes de ces annonces pour les Ukrainiens ?

 

Trois soldats français ont trouvé la mort en Irak, où ils étaient engagés dans le cadre de l’opération Chammal, depuis août 2023. Je tiens à leur rendre hommage. Comment expliquer cette recrudescence de décès ? Que font concrètement nos troupes en Irak ? Quelles sont les perspectives d’évolution de la situation ?

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Chammal est le nom de l’opération que nous, Français, menons en Irak avec nos alliés, dans le cadre de la coalition Inherent Resolve, à la demande des autorités irakiennes.

 

Si l’opération Chammal s’est d’emblée déployée en Syrie et en Irak pour lutter contre Daech, la situation a changé. L’Irak a retrouvé ses frontières et sa souveraineté. En dépit des difficultés, nous avons un interlocuteur étatique, tout en entretenant, dans cet État fédéral, des relations avec les États fédérés, notamment le Kurdistan, qui est le plus connu. Nous avons désormais une relation de défense d’État à État.

 

La coalition continue d’intervenir en Irak. Elle y fait deux choses : former l’armée irakienne et accompagner sa remontée en puissance, en mettant l’accent sur la lutte antiterroriste, menée notamment par les forces spéciales ; apporter un appui au combat opérationnel contre les cellules terroristes. C’est l’armée irakienne qui, de plus en plus, va au contact de ces groupes ; nous lui apportons un soutien aérien et plus si nécessaire – je n’en dirai pas plus, s’agissant d’une audition publique.

 

Les trois décès survenus en Irak renvoient à des réalités différentes mais prouvent une chose : Daech existe encore, sous la forme non d’une empreinte territoriale comme auparavant en Irak, mais de cellules dormantes et de cellules très militarisées qui interagissent.

 

Le soldat du commando parachutiste de l’air n° 10 (CPA10) d’Orléans-Bricy que nous avons perdu au feu et enterré était engagé dans une opération à environ 150 kilomètres de Bagdad, au cours de laquelle Daech a sévi. Je saisis l’occasion pour rappeler à la nation française, par l’intermédiaire de la représentation nationale, que nous sommes toujours engagés dans des opérations de lutte antiterroriste en Irak, qui participent à la sécurisation du Levant et de notre territoire national – la plupart des attentats que nous avons connus depuis 2015 ne sont pas sans lien avec une menace projetée ou initiée depuis le Levant. J’ai une pensée forte pour ces trois soldats, qui participaient à une opération fondamentalement utile, et pour leurs familles.

 

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir présenté les effets de la LPM sur certaines unités. Je ne vous demanderai pas de les évoquer pour la Seine-et-Marne car, depuis que nous avons perdu, en 2009, le 2e régiment de hussards de Sourdun, nous n’en avons plus, ce que je déplore sans en faire un message subliminal.

 

En CMP, nous sommes tombés d’accord sur la nécessité d’améliorer la préparation opérationnelle et la disponibilité des matériels, au profit de la cohérence que notre groupe, comme vous, appelle de ses vœux. Nous comprenons très bien le choix de ne pas communiquer d’éléments globaux à ce sujet. L’amiral Woodward, qui dirigeait la task force britannique lors de la reconquête des Malouines, a relaté qu’il avait organisé son plot de défense de la flotte grâce à sa connaissance du taux de disponibilité des matériels argentins. Pouvez-vous cependant nous donner une tendance en pourcentage et une répartition par armée pour concilier préparation opérationnelle et disponibilité des matériels, qui sont tous deux indispensables pour préserver la motivation de nos troupes ?

 

Par ailleurs, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) a indiqué que nous avons un problème de motivation et un problème d’attractivité, notamment du corps des officiers supérieurs par comparaison avec celui des administrateurs de l’État. Que pouvez-vous nous dire sur cette différence de statut ?

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Le Président de la République a reçu le rapport du HCECM. J’ai prévu d’en recevoir les membres prochainement et de leur consacrer un long moment, non sans avoir soumis leur rapport à une expertise contradictoire. Certains passages sont intéressants, d’autres m’ont surpris et méritent d’être mieux documentés. Ce travail est en cours.

 

S’agissant de l’activité opérationnelle des forces, nous pouvons vous donner les tendances par armée, en plus des indications des bleus budgétaires. Je donnerai des informations au président Gassilloud, qui décidera s’il vous les transmet. Globalement, l’activité augmente partout, sauf en cas de retrait pour mise à jour incrémentale. Là où des chars Leclerc rénovés arrivent, l’activité augmente, là où les chars Leclerc partent en rénovation, l’activité chute.

 

Les dons de canons Caesar à l’Ukraine ont suscité des craintes s’agissant de l’entraînement de nos artilleurs. Elles sont derrière nous, car notre industrie de défense s’est mise en partie à l’économie de guerre. Produire un canon Caesar en seize ou dix-sept mois au lieu de trente permet d’alimenter un flux tendu, donc de brancher directement une partie de notre industrie sur l’Ukraine. Contrairement à ce que l’on a entendu dire, notre soutien à l’Ukraine ne cesse pas. Bâtir le long terme n’exclut pas d’avoir une stratégie solidaire, qui ne doit faire aucun doute. L’économie de guerre permet aussi de renouveler les matériels dans nos forces. Les canons Caesar qui sortiront de Nexter en fin d’année seront livrés au camp de Canjuers, ce qui permettra de relancer l’activité opérationnelle.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous auditionnerons le HCECM prochainement. Il a pour mission d’éclairer le Président de la République et le Parlement sur la condition militaire. J’ai été destinataire de son rapport avant l’été.

 

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Même si je n’y ai pas participé, j’ai suivi avec attention le débat sur la LPM. Le budget 2024 est un beau budget, qui vise à poursuivre la réparation et à engager la transformation de nos armées.

 

Je m’interroge sur certaines capacités. Lundi, à Mont-de-Marsan, les Croates ont pris possession du premier des douze Rafale d’occasion que nous leur avons vendus. La même opération a été réalisée avec la Grèce. Au total, vingt-quatre Rafale sortiront de nos capacités.

 

Quels objectifs nous sommes-nous donnés pour éviter à nos forces tout problème capacitaire, sachant que vous avez annoncé l’augmentation du nombre d’heures de vol, par exemple à Orange ? Le budget 2024 rattrape-t-il la possible diminution de nos capacités opérationnelles ?

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Vous étiez en poste auprès de la ministre Parly lorsque la décision a été prise de prélever des Rafale dans nos forces pour la Croatie et la Grèce. L’exportation du Rafale commençait à peine. Les marchés croate et grec ont aidé à démarrer l’aventure Rafale, notamment en Méditerranée. Des délais de livraison courts étaient exigés, et une volonté de traiter d’État à État exprimée.

 

Au moment où je vous parle, aucun nouveau prélèvement dans les forces n’est envisagé. Au demeurant, cette solution doit rester l’exception et ne pas devenir un principe.

 

Cependant, elle n’est pas sans intérêt. Le problème n’est pas de prélever sur les forces, mais de subir un tuilage trop long entre le prélèvement d’une capacité et son rétablissement. Par ailleurs, le remplacement sur mesure de matériels d’occasion par des matériels de nouvelle génération présente un intérêt.

 

Dans le cas des Rafale cédés à la Croatie et à la Grèce, quarante-deux Rafale seront commandés d’ici la fin de l’année. Le schéma de recomplètement prévu par la LPM correspond aux contrats opérationnels du Rafale, notamment la dissuasion et la posture de sécurité aérienne et de sûreté du territoire.

 

Mme Mélanie Thomin (SOC). Bercy, ce soir, ne nous aide pas dans la procédure de dialogue budgétaire entre le Gouvernement et le Parlement. Au nom de mon groupe, je le regrette. Monsieur le ministre, il nous semble indispensable que vous soyez à nouveau auditionné à la fin de notre cycle d’auditions, afin de laisser aux députés le temps d’examiner les documents budgétaires.

 

En cette première année de mise en œuvre de la LPM, l’enjeu est fort. Nous sommes sur la première marche, qui est décisive. Les membres du groupe Socialistes et apparentés ont livré bataille sur la trajectoire budgétaire, pour que l’effort financier soit réparti sur l’ensemble de l’exercice. La deuxième lecture du texte nous a donné raison. Sur ce point, je salue le travail des sénateurs. En cohérence, nous serons vigilants à la bonne articulation financière de la LPM et du projet de loi de finances pour 2024.

 

Dans la brochure qui nous a été transmise ce matin, plusieurs objectifs sont annoncés. Le Président de la République présente l’idée d’une France puissance d’équilibres. Est-ce là l’enjeu de la première année d’exécution de la LPM ? Le projet de loi de finances qui nous est présenté est-il à la hauteur de cette prétention ? Monsieur le ministre, vous êtes plus prudent, qui nous indiquez la nécessité d’être prêt face aux menaces de demain. Vous avez exprimé votre volonté d’un choc de déconcentration – puisse-t-elle faire école dans les autres ministères !

 

Quels sont les moyens donnés à ces ambitions en matière de ressources humaines ? La LPM 2024-2030 est moins disante que précédente, puisqu’elle prévoit une augmentation des effectifs de 700 ETP en 2024, contre 1 500. Nous sommes surpris que le projet de loi de finances pour 2024 ne respecte pas cet engagement – vous avez indiqué que l’augmentation des effectifs sera de 456 ETP. Pouvez-vous indiquer les raisons de ce décalage ? S’agit-il d’un renoncement ? Ce différentiel risque de créer un problème de cohérence entre l’accroissement des capacités de nos armées, les besoins de recrutement et la nécessité de fidéliser les personnels.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Nous n’allons pas refaire le match sur la répartition des crédits de la LPM. Si les crédits n’avaient pas autant diminué dans le passé, nous n’aurions pas besoin de les augmenter. Chacun doit faire preuve d’humilité.

 

S’agissant des ressources humaines, la LPM n’est pas moins disante que la précédente. Nous n’allons pas faire des maths comme nous l’avons fait lors de son examen. Les efforts s’additionnent aux efforts précédents. Quand vous partez d’une base 100 et que vous ajoutez des ETP supplémentaires, vous en avez plus que 100. Il en est de même pour les crédits.

 

S’agissant des recrutements, certains, d’après l’analyse des services du ministère, n’auront pas lieu. Est-ce si grave ? Nous revenons au contrat opérationnel. J’ai préféré – c’est un choix que j’assume devant vous – créer 456 ETP et les affecter là où nous en avons absolument besoin au titre de la cohérence, notamment le cyber et le SSA. Les crédits restants financeront des mesures de fidélisation et de pouvoir d’achat pour les personnels du ministère.

 

Cette démarche me semble bonne, d’autant que vous l’avez inscrite, par votre vote, dans la LPM, à l’issue de débats politiques. Au demeurant, je connais plus d’un ministre qui aimerait avoir une telle disposition dans ses échanges avec Bercy et sauvegarder ses capacités sous plafond.

 

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Je suis satisfait du respect de l’engagement d’une première marche de 3,3 milliards d’euros, comme de l’accent mis sur les soutiens, notamment le SSA, sur les infrastructures – sujet qui m’est cher –, sur les places en crèche et sur le plan « famille ». Je laisse de côté les agrégats de 1,2 milliard pour l’innovation et de 500 millions pour le renseignement, que je traiterai dans mon rapport pour avis.

 

J’aimerais évoquer un sujet qui m’est cher, qui est un sujet de souveraineté, de jeunesse et de réindustrialisation du pays. Je crois foncièrement en une nation d’ingénieurs. Chacun voit où je veux en venir : aux crédits relatifs aux écoles placées sous la tutelle du ministère des armées, et singulièrement au projet de fusion entre l’École nationale supérieure de techniques avancées (Ensta) de Paris, qui est à Palaiseau, et l’Ensta de Bretagne, qui est à Brest. En mars 2022, les directeurs des deux établissements, Mme Crépon et M. Gruselle, ont présenté un projet de fusion ambitieux, que j’ai soutenu dans mon rapport pour avis sur le projet de loi finances pour 2023. Pour ces établissements, il s’agit d’un enjeu de visibilité et d’attractivité, au sein d’une filière que nous devons préserver et encourager.

 

J’appelle l’attention sur les élèves militaires de ces écoles, notamment les ingénieurs des études et techniques de l’armement (IETA), dont le parcours de formation doit être valorisé au meilleur niveau, afin qu’ils restent attractifs lorsque les diplômes seront revus dans le cadre de la fusion.

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Nous avons besoin de crédits – la masse – pour renforcer nos équipements dans les domaines du quantique, de l’intelligence artificielle, du cyber et du spatial, mais nous devons également former les sachants de demain, qui seront en mesure de défendre notre souveraineté. Cet objectif a motivé la création de la direction des applications militaires (DAM) du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et justifie que l’École polytechnique est une école militaire.

 

J’aurai l’occasion de m’exprimer prochainement sur ma volonté non de remilitariser l’École polytechnique, mais de réaffirmer sa militarité. La BITD, la DGA, la DAM et la DGSE ont besoin que des élèves officiers-ingénieurs participent au cœur de notre souveraineté. En 2024, les crédits destinés aux écoles sous tutelle du ministre des armées augmenteront de 3 %. Des investissements sont notamment prévus dans les infrastructures.

 

S’agissant des ENSTA, le projet de fusion des deux sites a émergé du terrain il y a deux à trois ans. Il ne s’agit pas de la simple exécution d’une demande de la tutelle. Les deux communautés pédagogiques et les deux conseils d’administration ont décidé de réfléchir à un rapprochement, au profit d’une spécialisation, notamment dans la pyrotechnie.

 

Ce qui vient du terrain mérite toujours d’être pris en considération. Le rapprochement de ces deux écoles tel qu’il se dessine me semble aller dans le bon sens. J’ai donc demandé aux services du ministère de l’accompagner. Il ne met en danger aucun des deux sites, mais permet au contraire de se projeter à long terme.

 

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Je prendrai les devants – nul ne s’en étonnera – sur l’impact du changement climatique sur la sécurité nationale avant de poser une question que j’ai posée la semaine dernière sans obtenir de réponse.

 

Le changement climatique est une question de sécurité nationale. Il est reconnu comme un multiplicateur de menaces. Le greenwashing permet en général de se payer de mots et de gagner du temps, ou plutôt de nous en faire perdre. Cela pose problème à propos du glyphosate, plus encore s’agissant de la sécurité nationale. Je ne vous accuse pas, contrairement au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Béchu, de greenwashing. Je suis toutefois preneur de quelques éléments probants.

 

La LPM prévoit que 68 % d’opérations d’armement seront écoconçues, mais le préfixe « éco » est souvent mis à toutes les sauces. Quels sont les critères et les objectifs permettant de qualifier une opération d’armement d’écoconçue ? Plus globalement, comment notre stratégie de défense intègre-t-elle, par-delà les déclarations d’intention, le paramètre du climat à la sécurité nationale ?

 

Je pose à nouveau ma question sur les exportations de biens à double usage vers la Russie. Blast a confirmé les assertions de l’Observatoire des armements selon lesquelles ces exportations se poursuivent. STMicroelectronics, pourtant financé par la France à hauteur de 2,9 milliards de janvier à avril 2023, aurait livré 150 cargaisons de matériels à la société russe Itelma. Il en est de même de Lynred, pourtant détenue par Safran et Thalès. Je suis surpris de ne pas obtenir de réponse, compte tenu de l’importance du sujet.

 

Ces entreprises, à défaut les services français, devraient savoir ce qu’elles font. Si les services n’ont rien vu, c’est inquiétant. S’ils ont vu et laissé faire – sur ordre de qui ? –, c’est encore plus inquiétant. Qu’en est-il des exportations de biens à double usage vers la Russie, qui transitent souvent par des pays tiers ?

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. S’agissant de la transition écologique, le ministère des armées conduira plusieurs actions en 2024, sans greenwashing. Si son premier objet est de protéger la nation française, il est aussi un grand propriétaire foncier et un grand acteur de la commande publique. Il doit donc adopter les bons usages et les bons comportements.

Le foncier du ministère n’est pas toujours en bon état. Les investissements qui seront réalisés dans les infrastructures permettront de lutter contre les passoires thermiques et d’accroître la sobriété énergétique, donc de diminuer la facture énergétique du ministère des armées. Le budget 2024 prévoit 44 millions d’euros pour les contrats de performance énergétique, 16 millions pour le remplacement de chaufferies centralisées et 42 millions pour les plans Eau et Biodiversité. Dans les deux ans à venir, nous avons pour objectif de baisser de 10 % la consommation d’énergie du ministère. Des mesures ont été prises par Geneviève Darrieussecq et Florence Parly. Comme dans les régimes, les premiers kilos sont les plus faciles à perdre ; nous entrons désormais dans le dur.

 

L’écoconception des armements n’est pas du greenwashing. Elle comporte deux sujets. Il faut prévoir les modalités de démantèlement des armes dès leur conception, qu’il soit prévu cinq, dix, vingt, trente ou quarante ans plus tard. Les industries de défense ont reçu des consignes très claires de la DGA pour se poser cette question, qui ne l’était pas jusqu’à présent. Par ailleurs, nous déployons une stratégie de sobriété s’agissant des carburants, en travaillant sur le développement des écocarburants et de l’hydrogène.

 

La responsabilité des exportations de biens à double usage incombe à Bercy. J’ai pris note que vous n’avez pas eu de réponse et transmets.

 

M. Christophe Naegelen (LIOT). Les citoyens d’outre-mer attendent beaucoup du ministère des armées. Notre groupe a un attachement particulier pour ces territoires, qui sont une chance pour notre pays. Leur sécurité doit être assurée de manière aussi efficace qu’elle l’est sur le territoire métropolitain. Parmi les mesures votées dans LPM pour parvenir à cet objectif, lesquelles se concrétiseront dès 2024 ? Il était prévu d’augmenter les effectifs pour durcir la présence des armées sur place. Combien de recrutements sont d’ores et déjà inscrits ?

 

La réserve opérationnelle constitue l’un des volets clés de notre politique de défense, permettant de renforcer le lien armée-nation. Nous avons inscrit une cible d’augmentation nette de 3 800 volontaires en 2024, qui s’inscrit dans l’objectif plus large de doubler les effectifs de la réserve d’ici 2030. Certes, il est prématuré de mesurer l’effet des assouplissements que nous avons votés, mais les services constatent-ils un regain d’intérêt pour la réserve ? Par ailleurs, les administrations de l’État se sont engagées à communiquer annuellement et à promouvoir la réserve, sur le modèle de ce qui est prévu pour les grandes entreprises. En la matière, l’État se doit d’être exemplaire. Le message a-t-il été transmis aux autres membres du Gouvernement ?

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Le volet outre-mer de la mission Défense s’élèvera à 1,5 milliard d’euros en 2024, soit une augmentation de 11 % par rapport à 2023. Les patrouilleurs prévus dans la précédente LPM et confirmés dans la nouvelle seront livrés. Les infrastructures bénéficieront de 70 millions d’investissements.

 

En matière de ressources humaines, l’effort sera de 233 postes supplémentaires, par le biais de créations de postes et de redéploiements depuis l’Hexagone. Ils permettront notamment d’améliorer le soutien, que la tyrannie de la distance tend à compliquer – j’en ai pris conscience lorsque j’étais ministre des outre-mer et j’essaie de corriger les choses petit à petit.

Le MCO des matériels qui se trouvent en outre-mer est un point de vigilance, car ces équipements, tels que les avions Casa et les hélicoptères, sont souvent les plus anciens. Nous traiterons ces questions pendant toute la durée de la LPM.

 

L’outre-mer présente aussi des enjeux militaires et opérationnels. Dans le cadre de l’opération Harpie, une section du génie rejoindra la Guyane. L’infanterie sera renforcée en Martinique, grâce à l’arrivée d’une section d’éclairage et de reconnaissance régimentaire. L’un des enjeux de la LPM est d’améliorer la liaison entre les forces armées de la zone sud de l’océan Indien (FAZOI) et l’Hexagone, ce qui suppose de faire monter en puissance la base aérienne de La Réunion pour faciliter l’accueil de l’A400M. De nombreuses décisions trouveront leur sens dès l’année 2024.

 

S’agissant de la réserve, l’objectif chiffré doit être associé à une approche qualitative, par services qui en ont le plus besoin. L’accent doit être mis sur les soutiens, comme le service de santé des armées, le service d’infrastructure de la défense (SID), le service du commissariat des armées (SCA) et la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi). Nous comptons sur la mobilisation du secteur privé et des employeurs publics pour permettre à nos concitoyens de s’engager.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons aux questions des autres orateurs.

 

M. Mounir Belhamiti (RE). La guerre des étoiles a lieu au-dessus de nos têtes, en ce moment même. Elle n’est plus une fiction. Nous vivons dans un contexte particulier, caractérisé par des ruptures technologiques fortes et une course aux nouvelles capacités, souvent duales, à laquelle participent de nombreux États, se livrant à des contestations et à une compétition accélérée par un droit international trop jeune en matière spatiale. La LPM 2024-2030, que nous avons votée à une très large majorité, consacrera 6 milliards d’euros à ces questions. Pouvez-vous présenter les avancées du budget 2024 visant à renforcer nos capacités d’action dans et vers l’espace ?

 

Mme Valérie Bazin-Malgras (LR). Je me félicite de la livraison de trois chars Leclerc rénovés à Mailly-le-Camp, dans mon département.

 

Ma question porte sur le financement de la montée en charge de la réserve au sein du projet de loi de finances pour 2024. Pour atteindre les objectifs ambitieux de la LPM, indispensables pour conforter notre armée professionnelle, soit 105 000 réservistes à l’horizon 2035 et 3 800 effectifs supplémentaires dès 2024, notre pays a besoin de moyens supplémentaires.

 

J’appelle votre attention sur plusieurs points de tension qui cristallisent la réticence et la perte de motivation parmi les réservistes. Lorsqu’ils sont salariés dans des entreprises, ils doivent souvent prendre des congés ou suspendre leur contrat de travail pour servir l’armée. Le versement des soldes et le remboursement des frais interviennent en moyenne deux mois après la mission. L’indice de solde est souvent le plus bas. Il n’y a ni promotion ni avancement.

 

Les réservistes souffrent d’un manque de reconnaissance. Ils appellent de leurs vœux un titre de reconnaissance de leur engagement par la nation. Celle-ci doit être un enjeu du projet de loi de finances pour 2024, ce qui suppose une reconnaissance financière de leur engagement. Quelles mesures sont prévues en ce sens ?

 

M. Frank Giletti (RN). La disponibilité de nos avions est un sujet majeur pour la capacité de l’armée de l’air et de l’espace à remplir son contrat opérationnel. Les autorités ont conscience de l’enjeu. Des efforts financiers significatifs sont réalisés en faveur du MCO. En 2024, 5,7 milliards lui seront consacrés, soit une augmentation de 750 millions d’euros par rapport à 2023. Dans le programme 178, le MCO représente près de 75 % des crédits de paiement.

 

En tant que parlementaire qui doit contrôler l’action du Gouvernement et en tant que rapporteur pour avis qui doit émettre un avis éclairé sur le budget, je dois être en capacité d’évaluer si ces efforts financiers sont suivis d’effets. La disponibilité des aéronefs augmente-t-elle ? Or non seulement la disponibilité technique des équipements n’était pas transmise aux rapporteurs pour avis lors des derniers exercices budgétaires, mais nous avons appris par voie de presse que les indicateurs de disponibilité seront désormais classifiés. Si les informations rapportées par L’Opinion le 27 septembre sont confirmées, comment pourrons-nous exercer correctement notre mission de rapporteur pour avis ? Comment pourrai-je évaluer l’efficacité de 75 % des dépenses du budget dont j’ai la charge ?

 

Une telle décision nous prive des moyens d’accomplir notre mission. Si notre collègue Thiériot ne voit aucun problème à demander des informations à notre président, si sympathique soit-il, nous y voyons la négation de notre autonomie d’analyse.

 

M. le président Thomas Gassilloud. Je recevrai ces indicateurs en qualité de président de la commission. Nous déciderons, dans le cadre du Bureau de la commission, de l’opportunité de les mettre à disposition des rapporteurs pour avis.

 

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). S’agissant du MGCS, ce que nous avions annoncé lors de l’examen de la LPM est en train de se produire. Nous avons bien deux cycles industriels qui ne sont pas synchrones et qui ne se synchroniseront pas, parce qu’il n’est pas dans l’intérêt des États-Unis que nous nous dotions de la capacité de fabriquer un produit qui concurrencerait l’industrie allemande.

 

J’ai interrogé le ministre Lescure la semaine dernière à propos des Forges de Tarbes. Sa réponse a pour le moins chiffonné les salariés. Nous continuerons à travailler avec votre cabinet à ce sujet. Je les salue. Nous avons conscience des difficultés qu’ils rencontrent.

 

Concernant Atos, nous attendons des garanties quant à la sécurité de cette entreprise, qui est probablement menacée.

 

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem). Le 19 septembre dernier, l’Azerbaïdjan a lancé une offensive éclair contre les séparatistes du Haut-Karabakh, qui ont annoncé la signature d’un accord sur une cessation complète des hostilités, avec la médiation des forces de paix russes. Mme Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a affirmé il y a quelques jours devant l’Assemblée nationale que la France renforcera sa coopération avec l’Arménie dans le domaine de la défense. Elle a notamment annoncé la présence d’un attaché militaire à Erevan et l’ouverture d’un consulat dans la région de Syunik.

Ces mesures d’urgence demandent un effort budgétaire significatif. Est-il pris en compte dans le projet de loi de finances pour 2024 ? Les crédits alloués à la mission de défense arménienne proviendront-ils du budget de la mission défense de Tbilissi, dont dépend l’Arménie ?

 

Mme Isabelle Santiago (SOC). Le retour du conflit de haute intensité en Europe depuis dix-huit mois et le soutien de l’Otan aux troupes ukrainiennes permet de tirer des enseignements stratégiques et tactiques sur les conditions régnant dans les nouveaux espaces de conflictualité.

 

Face à l’urgence de la situation, les soldats ukrainiens ont reçu une formation théorique délivrée par les pays de l’Otan. Selon un article de presse, ils ont toutefois exprimé une forme de déception, due au décalage entre ces enseignements et la réalité du champ de bataille.

 

L’adaptation de la formation, pour les troupes françaises et pour les soldats ukrainiens, est-elle envisagée ? Quel est le Retex de cet écart entre le modèle ambitieux d’une armée de haute technologie et la réalité des combats en Ukraine ? Ces questions sont-elles prises en compte dans la prévision budgétaire pour 2024 ?

 

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). Je salue l’importance et la constance des efforts consentis en faveur de nos armées, permettant de répondre à de nombreux défis et d’anticiper l’évolution des menaces. Outre le renforcement des armées, la nécessaire résilience de la nation suppose la mobilisation de la société tout entière. Le lien armée-nation et les forces morales sont devenus des piliers essentiels de notre politique de défense.

 

Les Français ont une image positive de l’institution militaire, mais nos armées et leur rôle doivent être mieux connus. À ce titre, l’implication de la jeunesse est primordiale. L’enseignement est un vecteur de renforcement du lien armée-nation. Sensibiliser et éduquer dès l’école aux enjeux de défense semble nécessaire. De même, l’augmentation des effectifs de la réserve est prévue : des actions permettant de la valoriser auprès des jeunes pourraient s’avérer utiles. Comment le budget intègre-t-il le renforcement du lien armée-nation ?

 

M. Jean-Philippe Ardouin (RE). Depuis 2017, sous l’impulsion du Président de la République, nous n’avons cessé de faire progresser le budget de nos armées, lequel dépassera 47 milliards d’euros en 2024. Ce premier budget de la LPM 2024-2030 est historique et cohérent.

 

Nous partageons votre ambition pour nos armées, qui vise à permettre à la France de retrouver sa place dans le concert des puissances mondiales et d’assurer la sécurité de nos concitoyens. Cela suppose notamment le renforcement du lien armée-nation et par l’augmentation du nombre de réservistes opérationnels. L’objectif est d’atteindre 80 000 engagés en 2030 et 105 000 en 2035. Quelle stratégie de recrutement déploierez-vous pour y parvenir ?

 

M. Pierrick Berteloot (RN). La première année d’application de la LPM 2024-2030 sera caractérisée par la livraison de matériels. Nos armées, certes, les attendaient de longue date, mais aurons-nous encore des militaires pour s’en servir ?

Avec le retrait de nos troupes stationnées sur le continent africain, nos militaires n’auront plus d’Opex et resteront encasernés pour le reste de leurs années de service. Ne soyons pas naïfs : cela accélérera sans aucun doute les départs de l’institution. Nous connaissons une crise de recrutement sans précédent. Nous manquons d’hommes partout, y compris dans le corps des officiers. Le rapport du HCECM est sans appel. Depuis une dizaine d’années, nous constatons une érosion lente mais constante des vocations parmi les officiers.

 

Beaucoup préfèrent partir dans le secteur privé, ce qui nous oblige à regarder en face le problème de la solde. En matière de rémunération, l’écart entre l’armée et le secteur privé est abyssal, notamment dans les métiers de l’informatique, dont nous avons cruellement besoin.

 

Sans Opex et avec une solde dérisoire, nous ne parviendrons plus à recruter. Que compte faire le ministère des armées pour mettre un terme à la crise des engagements et des fidélisations, sans diminuer les standards de recrutement ?

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Les débats consacrés à la LPM ayant duré plus d’une centaine d’heures, nul ne m’en voudra s’il m’arrive de vous y renvoyer pour me concentrer sur les éléments nouveaux.

 

S’agissant de l’attractivité, je ne dirais pas qu’il existe un écart abyssal entre la solde et les salaires du privé. Dans de nombreux cas, on gagne mieux sa vie dans les armées que dans le secteur privé. Tout dépend des métiers, des fonctions, des grades, des spécialités et des zones géographiques. On ne peut pas considérer le ministère des armées comme une masse uniforme de 280 000 personnes, dont 60 000 civils.

 

Votre question présente l’intérêt de mettre les pieds dans le plat en suggérant ce qui transpire dans la presse sans être jamais complètement assumé : nous mènerions des Opex en Afrique parce que l’armée de Terre le voudrait et parce que cela serait bon pour la fidélisation des personnels et pour la vie sociale du ministère. J’entends dire, aux quatre coins de Paris et ailleurs, que, si l’opération Barkhane a duré longtemps, c’est que l’armée de Terre le voulait, et que nos militaires, faute de missions d’appui au combat au Niger ou ailleurs, n’auront plus rien à faire. Chacun peut constater que, s’agissant d’une audition publique, je prends mon risque. Comme tout le monde pose la question, sous cape et dans mon dos, il est temps de formuler des réponses.

 

En 2023, personne ne peut penser que nous menons des Opex pour améliorer l’attractivité auprès de la troupe ou pour des raisons sociales et financières. Les théâtres d’opérations ne manquent pas pour l’armée française. Nous quittons le Niger, mais nous restons engagés en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Gabon. Les missions, certes, y relèvent de la formation et non de l’appui au combat. Nous sommes également présents à Djibouti, sur la base H5 en Jordanie et aux Émirats arabes unis. Nous renforçons notre présence en outre-mer. S’il ne s’agit pas d’Opex, ces missions ne sont pas inintéressantes pour la solde.

 

Jamais les décisions opérationnelles ne sont prises en fonction de telles considérations. Notre armée compte 200 000 militaires. Retirer 1 500 soldats du Niger n’aura pas un impact massif sur l’attractivité de l’armée de terre ou de l’armée de l’air. Par ailleurs, le nombre de fois où nous avons quitté l’Afrique et où nous y sommes retournés depuis les années 1950 devrait tous nous inciter à une forme de patience.

Je suis d’ailleurs assez choqué d’entendre çà et là des commentaires faisant le procès de l’armée française, notamment concernant l’opération Barkhane. Le député Lachaud l’a un peu fait en évoquant un échec de la politique française en Afrique. Il s’agit surtout d’un échec pour les Africains. Ce matin, une attaque à la frontière entre le Niger et le Mali a fait presque quarante morts. La pression terroriste remonte de manière spectaculaire. C’est un drame, avant tout pour le Niger, pas pour la France. Ce ne sont pas des Français qui sont morts dans cet attentat. Je crois savoir que le président Gassilloud organisera un cycle d’auditions sur l’Afrique, ce qui m’offrira l’occasion d’aborder plus longuement ces questions.

 

Le secteur spatial est un point clé. La LPM 2024-2030 permet d’enclencher les choses de manière opérationnelle. S’agissant de l’action dans l’espace depuis l’espace, j’ai officiellement lancé le programme du patrouilleur-guetteur « Yeux en orbite pour un démonstrateur agile » (Yoda), qui sera prêt dès 2025. Les contrats avec les industriels seront signés lorsque le projet de loi de finances pour 2024 aura été adopté. La copie que je vous propose prévoit 1,5 milliard d’euros d’autorisations d’engagement pour ces commandes. Le volet innovation du patch de 5 milliards consacré à l’espace est très puissant, notamment dans les domaines du lancement réactif, de la connectivité, du laser et de l’avion spatial. Quant au New Space, il est suivi attentivement par l’Agence de l’innovation de défense (AID).

 

Monsieur Giletti, vous aurez les indicateurs de disponibilité des matériels. Nous reclassifions certaines informations pour une raison simple. Après la guerre froide et la dissolution du pacte de Varsovie, certaines informations avaient perdu de l’intérêt. La priorité était la lutte contre le terrorisme et la compétition entre grandes puissances était moins affirmée. Dans le contexte de durcissement que nous connaissons, certaines données relatives à l’activité de nos forces méritent désormais d’être un peu plus protégées. En tout état de cause, nous serions coupables de ne pas y être attentifs. Toutefois, j’ai donné des instructions pour que les parlementaires, singulièrement les rapporteurs, y aient accès. Je pars du principe qu’ils respecteront la protection de ces données.

 

J’ai mené une petite étude pour déterminer sur quels chiffres les autres pays européens et nos alliés de l’Otan pratiquent la transparence. Je me suis rendu compte que nous faisons partie des pays les plus transparents, et j’en ai conclu que nous ne prenons peut-être pas suffisamment garde en la matière. Quoi qu’il en soit, les parlementaires y auront toujours accès. Il me semble normal que les parlementaires aient accès à des données qui ne sont pas accessibles au grand public. J’y suis très favorable pourvu que le secret soit préservé, y compris au sein de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), comme je l’ai récemment rappelé dans une lettre envoyée au président du Sénat et à la présidente de l’Assemblée nationale.

 

S’agissant de l’aviation de chasse, la disponibilité augmentera de 10 % en 2024. Les crédits supplémentaires permettent d’améliorer les indicateurs.

 

S’agissant des réservistes, l’année 2024 sera la première année d’application des mesures normatives, relatives notamment à la limite d’âge et aux droits ouverts en journée vis-à-vis de l’employeur, que vous avez votées dans le cadre de la LPM 2024 – 2030. Nous devrons en mesurer collectivement les effets.

 

Du point de vue budgétaire, l’augmentation du budget de la réserve s’élève à près de 20 millions d’euros. Il ne s’agit pas d’augmenter la solde des réservistes – la cible, d’après les retours du terrain, est bonne. Le problème est la disponibilité en nombre de journées. Il est rare d’entendre un réserviste dire « Je ne gagne pas assez bien ma vie », bien moins de l’entendre dire « J’ai été convoqué huit jours alors que j’étais disponible vingt jours par manque d’argent ». La pente amorcée par l’augmentation de 20 millions nous permettra de ne pas couper les ailes des réservistes qui s’engagent, étant entendu qu’il n’y a pas de droit de tirage et qu’il incombe aux chefs de corps de donner le bon gabarit, en fonction de l’activité opérationnelle, aux journées de réserve à convoquer. Certains d’entre vous, notamment M. Blanchet, souhaitent que le groupe de travail sur l’avenir de la réserve militaire continue à vivre ; j’y suis favorable, car le recrutement de la réserve est une matière humaine.

 

Je comprends que le MGCS a été évoqué par M. Saintoul en guise de thème de campagne pour les élections européennes. Je propose à la majorité présidentielle d’en faire aussi un thème de campagne, ce qui permettra de nous défendre, après avoir été accusés de tous les maux, notamment d’être les fossoyeurs de la souveraineté française et de ne pas avoir à cœur de défendre les intérêts de l’industrie de défense française, et de faire un peu d’histoire en rappelant les propos de celles et ceux qui s’opposaient au programme Ariane.

 

Récemment, Mme Le Pen s’est dite favorable à des projets concrets menés entre États, de gré à gré. Le MGCS est un projet concret, qui n’est pas traité par la Commission européenne ni par aucune institution communautaire – si le but était de taper sur l’Europe, c’est à côté –, et qui est mené de gré à gré par plusieurs nations européennes.

 

Le sujet, ce sont les conditions. Si l’on s’y oppose par principe, il faut l’assumer et accepter de tout faire tout seul. Dans ce cas – je serai heureux d’en débattre lors de la campagne pour les élections européennes –, comment faire ? En quoi Ariane a-t-elle posé problème pour notre souveraineté ? Pourquoi n’en serait-il pas de même pour le MGCS ou le système de combat aérien du futur (Scaf) ? Est-ce parce qu’il s’agit des Allemands ? Si tel est le cas, il est bon que les masques tombent.

 

Je ne ferai jamais rien de contraire aux intérêts de la souveraineté du pays. Je trouve les comparaisons avancées par la presse très maladroites. Vous seriez de mauvais parlementaires et je serais un mauvais ministre si nous ne constations pas que le char Leclerc n’a pas eu le succès escompté à l’export. Peut-être devrons-nous nous pencher sur la question à huis clos. Dans l’immédiat, je pose la question à la représentation nationale : quelle conclusion tirez-vous de cette affaire ? Que faisons-nous ?

 

Je vous pose une autre question. La France est une puissance dotée et a une cible de 200 chars. Combien estimez-vous que nous devons en produire pour que le programme soit rentable ? 1 000, alors même que nous sommes une puissance dotée ? Pour envahir quel pays ?

 

Soit nous ouvrons ce débat sur le terrain politique – je sais que les positions des groupes La France insoumise et Rassemblement national ne sont pas très éloignées sur cette affaire –, dans le cadre de la campagne pour les élections européennes, soit nous en parlons très sérieusement, sur la base des crédits alloués l’an prochain, qui incluent des prérequis industriels et des conditions à l’export. Il n’est pas question de freiner l’export, d’autant que les Allemands exportent le char Leopard là où nous peinons à exporter le Leclerc – en matière d’exportation de chars, nous ne pouvons faire que mieux. Admettons-nous cet état de fait ensemble pour essayer de défendre l’intérêt général français ? Ou bien tuons-nous le projet par principe et parce qu’il ne va pas bien ? Je pose la question avec solennité.

 

L’aide à l’Arménie sera intégrée dans les crédits de l’année 2024. J’ai pris cette décision après la visite du ministre de la défense arménien à Paris. J’entretiens des relations aussi régulières que possible avec lui. La mission de défense est devenue permanente depuis le mois d’août. Les crédits seront prélevés sur ceux de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), qui arme ces postes. Nous aurons ainsi un contact permanent avec les forces armées arméniennes, de bien comprendre leurs besoins et d’avoir des échanges opérationnels. Il s’agit d’un premier pas en avant, concret, au moment opportun. La personne qui a été nommée est de grande qualité.

 

Sur la formation, notre partenaire ukrainien n’a pas, à ma connaissance, exprimé de déception. Je me suis rendu en Pologne, où se déroulent les formations. Si elles fonctionnent sur le terrain, c’est parce que nous sommes une armée d’emploi. Un formateur rentrant du Sahel ou ayant servi en Afghanistan est en situation de former au combat de rue des sous-officiers dans le cadre d’un véritable échange opérationnel, et non théorique. Certaines armées alliées, dont la culture opérationnelle est moins développée, proposent des formations plus théoriques que les nôtres.

 

Par ailleurs, nous assurons la formation sur les matériels, ce qui est une fierté collective. Les Ukrainiens se forment sur nos VAB et partent avec. Nous avons développé des pratiques – celles et ceux d’entre vous qui étaient avec moi en Ukraine la semaine dernière l’ont constaté – qui protègent nos formations des critiques.

 

Le lien armée-nation est un peu partout. Nous menons des actions spécifiques, que mes collègues Patricia Mirallès et Prisca Thevenot vous présenteront. Nous pouvons également compter sur le service militaire adapté (SMA) en outre-mer – qui est financé par le ministère des outre-mer et non par le ministère des armées –, le service militaire volontaire, les réserves et l’ouverture des bases et des régiments au public. L’année prochaine, le quatre-vingtième anniversaire de la Libération et les Jeux olympiques et paralympiques seront autant d’occasions de cultiver ce lien. S’il est compliqué d’identifier une somme globale, le modèle français est irrigué par le lien armée-nation, qui n’a pas de prix et qu’il faut défendre.

 

Sur la stratégie de recrutement des réservistes, je me suis exprimé à ce sujet lors de l’examen de la LPM 2024 – 2030. L’enjeu est d’aller vers et de donner des perspectives aux personnes qui s’engagent.

 

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Depuis février 2022, l’Ukraine a reçu une aide militaire d’environ 100 milliards d’euros de certains pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Cette aide a pris la forme de cession d’armes ou de formations pour les militaires ukrainiens. Elle leur a permis de faire face à l’agression.

 

Le 28 septembre, vous avez confirmé le changement de doctrine de la France concernant la nature de cette aide. La logique de cessions est désormais remplacée par une logique de partenariats industriels, comme nous le préconisions d’ailleurs lors de l’examen de la LPM 2024 – 2030.

 

Quelles sont les raisons de ce pivot dans la stratégie de soutien à l’Ukraine ? Cette décision est-elle seulement guidée par la volonté de ne pas puiser indéfiniment dans nos stocks ? Pourquoi l’annoncer au moment où les États-Unis cessent de financer l’Ukraine, où la Pologne met fin à ses livraisons d’armes et où les élections en Slovaquie envoient au pouvoir un parti hostile au soutien à Kiev ? Quelles seront les conséquences concrètes de ces décisions pour les Ukrainiens ?

 

M. Frédéric Boccaletti (RN). Monsieur le ministre, je vous ai adressé le 21 février dernier une question écrite au sujet de l’indemnisation du préjudice d’anxiété des marins ayant servi sur les bâtiments amiantés de la Marine nationale. Elle portait précisément le refus du ministère de tenir compte de la décision du Conseil d’État du 28 mars 2022. Un dossier complexe est demandé, alors même que l’état général des services (EGS) suffit.

 

Vous m’avez répondu le 11 juin, ce dont je vous remercie. Quelques jours plus tard, plusieurs marins ayant uniquement transmis leur EGS se sont vus proposer une indemnisation, allant de 200 à 300 euros par année passée dans les bâtiments concernés. Ce montant vous semble-t-il acceptable s’agissant de marins qui vivent dans l’angoisse, après avoir vu certains de leurs anciens collègues tomber malades, voire mourir, parce que vos prédécesseurs ont mis la poussière d’amiante sous le tapis pendant des années ? De son côté, le Conseil d’État a considéré qu’il n’était pas absurde d’octroyer 1 000 euros en moyenne par année d’embarquement, dans la limite de 20 000 euros au-delà de vingt ans. Un budget suffisant est-il prévu, sachant qu’environ 240 000 marins sont concernés ?

 

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Les bleus budgétaires ne sont pas les seuls documents qui nous manquent. Lors des débats sur la LPM 2024 – 2030, notre groupe a déposé et défendu de nombreux amendements relatifs à l’impact du changement climatique sur les armées et sur la défense. Nous évoquions les bases stratégiques, l’utilisation du carburant, le contrôle des pollutions, la bifurcation écologique et l’importance de la prospective et de la planification. Vous nous avez promis, en prévision de potentielles demandes de rapports dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, de présenter une étude de la DGRIS sur l’impact du changement climatique sur nos armées et notre défense. Ce travail est-il achevé ? Dans quelle mesure sera-t-il restitué ?

 

M. José Gonzalez (RN). En 2017, la France et l’Allemagne décident de lancer ensemble le programme Scaf. Sans alerter une fois encore sur les risques d’une coopération chaotique, nous devons répondre à la concurrence du Global Combat Air Program (GCAP) développé par les Anglais, les Italiens et les Japonais. Celui-ci semble bénéficier d’une meilleure dynamique, grâce à la complémentarité de savoir-faire de ses partenaires, qui partagent une même vision.

Alors que le GCAP ambitionne de se spécialiser dans la supériorité aérienne, le Scaf semble opter pour la polyvalence. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous livrer vos réflexions à ce sujet ?

Le GCAP, dont le lancement est prévu cinq ans avant celui du Scaf, pourrait s’ouvrir aux Émirats arabes unis. Les Allemands ayant pour pratique de s’équiper de matériel disponible et non de s’engager dans des projets d’avenir complexes, comment comptons-nous maintenir notre compétitivité et éviter que nos industriels soient délaissés au profit d’un avion compétitif, moins cher et disponible plus rapidement ?

Mme Michèle Martinez (RN). Le conflit russo-ukrainien semble s’inscrire dans la durée, sans perspective d’une fin proche. La France a toujours participé au soutien de l’Ukraine en fournissant des armes dites défensives.

 

Monsieur le ministre, vous avez annoncé sur le réseau social X, le 6 septembre, que plus de 150 drones d’observation de la société toulousaine Delair ont été sélectionnés par l’Ukraine et financés par la France. Comme nous nous apprêtons à débattre du budget 2024, j’aimerais connaître le nombre exact de drones commandés et le coût total de leur financement.

 

Mme Anne Genetet (RE). La création du fonds spécial de soutien à l’Ukraine, annoncée par le Président de la République en octobre 2022, vise à permettre aux Ukrainiens d’acheter des équipements directement auprès de nos industriels de l’armement.

 

Dans la loi de finances rectificative pour 2022, notre majorité a porté ce fonds à 200 millions d’euros. En Ukraine la semaine dernière, où s’est tenue l’assemblée parlementaire de l’Otan quelques jours avant votre visite, les Ukrainiens nous ont remerciés d’avoir créé ce fonds et nous ont dit combien il leur a été utile. Le rapport de notre collègue Lionel Royer-Perreaut devrait confirmer qu’il a été presque intégralement consommé.

 

Vous avez expliqué que la France allait revoir les modalités de financement de son soutien militaire à l’Ukraine. Comment ce fonds, qui nous semble essentiel pour soutenir l’armée de l’Ukraine et le développement de sa propre industrie d’armement, pourra-t-il s’insérer dans ce nouveau modèle ?

 

Mme Christelle D’Intorni (LR). Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le budget du ministère des armées augmentera de 3,3 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,5 %, pour atteindre 47,2 milliards d’euros, conformément à LPM 2024 – 2030. D’apparence ambitieuse, ce budget consacré n’échappe pas à l’habituelle emprise de la main austère et inflexible de Bercy. Depuis des décennies, les LPM, pourtant votées, ne sont pas toujours respectées. Nous espérons que ce nouveau chapitre du financement de nos armées échappe à cette règle.

 

Trop souvent, nous n’avons pas le budget dont nous avons besoin, mais celui que nos finances publiques daignent nous offrir. Nous ne pouvons faire défaut à nos ambitions de puissance et faire le lit des frustrations de nos militaires ainsi que de nos industriels de l’armement. La France, ancienne maîtresse d’Arès, dépouillée de grandeur et d’ambition, s’aligne dorénavant sur les humeurs de comptables et de financiers.

 

Nos industries de l’armement sont l’une des dernières fiertés industrielles dont la France peut se targuer. Elles attendent des commandes fermes, et non des promesses auxquelles elles n’ont été que trop habituées. Face aux besoins de réarmement, le marketing politique doit être remplacé par une réalité industrielle.

 

Les militaires savent depuis longtemps que ce ne sont pas les discours qui comptent, mais les chiffres. Or l’effort financier de notre pays est encore loin d’atteindre les 2 % du PIB et, si le financement du soutien à l’Ukraine n’est pas inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024, le conflit a des conséquences sur le budget, puisque près de 1,5 milliard d’euros sont consacrés à reconstituer le stock de munitions, dont une partie a été cédée aux forces ukrainiennes.

 

Monsieur le ministre, face aux craintes d’un énième financement non respecté pour nos armées et aux défis qui s’imposent à nous, quelles certitudes pouvez-vous nous apporter ? Par ailleurs, quelles conséquences le retrait des troupes françaises du Niger aura-t-il sur le montant des provisions destinées à financer les Opex ? Une diminution est à craindre dès 2024, ce qui risquerait de compromettre l’atteinte des objectifs fixés par la LPM.

 

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Nos alliés kurdes du nord de la Syrie ont payé un lourd tribut à la guerre contre Daech. Ce sont les premiers à lui avoir infligé une défaite, à Kobané. Ils l’ont obtenue grâce au sacrifice de milliers de jeunes vies, de femmes et d’hommes.

 

Ils détiennent environ 58 000 personnes dans des camps et environ 12 000 prisonniers qu’ils appellent l’armée de Daech, formée des individus les plus radicalisés. Chaque fois que la Turquie les bombarde, notamment par des attaques de drones, elle affaiblit leur capacité à maintenir la sécurité dans la région. Il importe que la République française n’abandonne pas ses alliés kurdes dans le nord de la Syrie.

 

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Certaines situations géographiques exigent de notre appareil de défense une véritable réflexion. Nous ne pouvons pas nous désintéresser de ce qui se passe au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Nous avons collectivement élaboré une LPM presque sans parler de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), du Liban ou du Levant – ces noms ont été très peu prononcés. La situation en Syrie n’est pas la même qu’en Irak, même si elles se ressemblent.

 

Nous pouvons avoir des divergences politiques sur la situation au Moyen-Orient. Toutefois, par-delà l’approche humaniste et notre volonté de préserver la vie des personnes qui se trouvent dans la région, nous ne pouvons pas nier ses impacts en matière de sécurité pour notre pays. L’Iran représente également un défi. Tout cela forme un tout.

 

Madame D’Intorni, je ne souhaite pas polémiquer, mais nul ne peut faire comme si le budget de la défense n’augmentait pas, d’autant qu’il a beaucoup diminué auparavant. Chacun sait d’où je viens : j’étais membre des Républicains. Nous avons incontestablement, par le passé, abîmé le budget des armées. Il faut regarder ce budget droit dans les yeux. Il n’y a plus de tour de passe-passe de Bercy. 413 milliards d’euros, c’est un effort absolument invraisemblable ! Le vrai sujet, pour la période 2030-2035, c’est la soutenabilité de notre modèle. Jusqu’où faudra-t-il augmenter le budget des armées ? Pour remplir quels contrats opérationnels dans quel modèle d’armée ? Telles sont les questions qu’il faut se poser. Les industriels de défense ont besoin de commandes fermes, dites-vous ? Ils n’en ont jamais eu autant. Leur industrie n’a jamais eu autant de visibilité.

 

Dorénavant, d’autres questions se posent, comme l’a indiqué Jean-Michel Jacques, rapporteur de la LPM 2024 – 2030 : comment conduire le changement au sein du ministère ? Comment acheter autrement ? Comment faire en sorte que l’industrie de défense finance l’innovation sur ses fonds propres, car elle en a ? Comment la petite PME Delair arrive-t-elle à proposer des drones aussi performants et aussi peu chers, contrairement aux grandes entreprises de la BITD ?

Nous sommes en commission de la défense. Soit on s’en tient à des postures classiques, soit on entre dans le détail. Dans le détail, le compte y est. De l’argent, il y en a. Le sujet est de savoir comment l’utiliser pour obtenir de bons effets finaux pour la sécurité et la défense françaises. Comment faire le char du futur ? le Scaf ? avec quels partenaires ? Voilà les bons sujets de discussion. Je ne demande pas que l’on applaudisse le Président de la République, mais l’argent est là. La question est de savoir comment l’utiliser.

 

Nos engagements sont respectés à l’euro près. J’ai apparemment réussi à convaincre que le traitement de l’inflation est intégré dans la LPM, puisque personne n’a évoqué le sujet.

 

Les crédits sont là. Ce qui se joue, c’est l’acceptabilité sociétale de la dépense publique militaire. Si à 413 milliards d’euros, nous faisons comme si les crédits n’augmentaient pas, des gens finiront par dire que cet argent ne sert à rien et qu’il vaudrait mieux le mettre ailleurs, ce qui au demeurant n’est pas un débat médiocre. Nous devons donc faire bloc autour des choix qui ont été faits et ne pas laisser croire que les crédits n’augmentent pas.

 

Notre départ du Niger nuit d’autant moins aux objectifs de la LPM en matière d’Opex que celles-ci font l’objet de provisions. Par définition, l’activité opérationnelle est guidée par les choix que le Président de la République, chef des armées, est appelé à faire en fonction des circonstances du monde. Nous mettons ensuite les moyens nécessaires à disposition des forces. C’est pourquoi les parlementaires ont créé un budget permettant de retracer le financement des Opex. Si l’activité est importante, les provisions augmentent grâce à un financement interministériel. Si nous sommes en-dessous de la cible, la provision est due. Tout cela est connu et conforme aux dispositions que vous avez votées dans le cadre de la LPM.

 

Nous devons être fiers de notre modèle, car il fonctionne. D’autres pays européens n’ont pas la chance d’avoir un modèle aussi fort que le nôtre. Nous devons le défendre collectivement. Je le dis sans esprit polémique. Nous ne pouvons pas rouvrir les débats que nous avons eus il y a cinq ans. On peut comprendre que certains, lorsque Florence Parly a annoncé une augmentation du budget des armées, disent « Nous demandons à voir ». Après six années d’augmentation et deux LPM, il faut avoir envie de tourner en rond pour le dire !

 

Nous continuerons à aider l’Ukraine, y compris par des cessions, que nous ne cessons pas, contrairement à ce que j’ai entendu dire. Pour certains équipements, les cessions ont leurs limites. Il faut donc être capable de connecter l’industrie de défense française à l’armée ukrainienne, car le conflit va durer, mais nous continuons de livrer chaque mois des obus de 155 millimètres, très utilisés dans la contre-offensive en cours.

 

Certains matériels, tels que les VAB et les Crotale, ont dû être retirés des forces plus tôt que prévu. Les Crotale sont remplacés par des VL Mica. Je tiens à contredire une rumeur : jamais nous n’avons abîmé notre standard de défense en aidant l’Ukraine. De nombreux proxys russes l’affirment sur les réseaux sociaux, mais c’est faux. Nous avons même déterminé ce que nous pouvons donner en fonction de cette ligne rouge.

 

L’économie de guerre commence à produire ses effets. Dans ces conditions, pourquoi prélever des Caesar de l’armée française pour les donner à l’Ukraine si Nexter peut les lui vendre directement, par exemple sur crédits ukrainiens, la nouveauté étant que l’Ukraine commence à utiliser les avoirs russes confisqués pour les réinjecter dans son effort de guerre et les utiliser comme un fonds souverain permettant d’acheter du matériel ? Nous serions fous de leur interdire d’acheter du matériel directement à Nexter. Notre aide à l’acquisition se poursuivra. Grâce à un fonds d’amorçage et de soutien, l’Ukraine pourra se fournir directement auprès de la BITD française.

 

Les drones Delair ne sont pas financés par les crédits prévus pour 2024 mais grâce au fonds de 200 millions dont la création a été proposée l’an dernier par certains parlementaires. Beaucoup de PME, qui n’appartenaient pas forcément au secteur de la défense, ont vu l’intérêt que pouvait présenter ce fonds et ont relevé le défi. Nous devons en tirer des leçons pour l’avenir de l’armée française. Je classe cela dans la catégorie des bonnes nouvelles pour la résilience du pays.

 

La maîtrise des coûts de Delair, qui est capable de livrer 100 drones pour 10 millions d’euros, m’intéresse pour l’avenir. Nous allons faire émerger des PME qui iront chercher en Ukraine le combat proven. L’armée ukrainienne est – c’est le moins que l’on puisse dire – une armée d’emploi. Elle mettra à l’épreuve des technologies françaises qui bénéficieront d’un Retex. Nexter profite déjà largement de ces enseignements concernant le Caesar.

 

Pour les gros matériels, les cessions deviendront l’exception. Pour les VAB, elles dépendront du rythme de leur retrait au profit des Griffon. Leur arrivée nous redonnera du champ pour aider l’Ukraine.

 

S’agissant du fonds de soutien, nous devons le faire mûrir et grandir, dans l’esprit de ce qu’ont ressenti à Kiev la semaine dernière celles et ceux d’entre vous qui m’y ont accompagné. Aucune somme n’a été identifiée. Nous allons tirer les enseignements de notre visite à Kiev avec la DGA, les industriels et l’armée ukrainienne, étudier les besoins de cette dernière, évaluer ce que l’Ukraine est capable de financer et déterminer les compléments que nous pouvons apporter. Le nouveau fonds aura un effet de levier bien supérieur à celui d’un pur fonds d’acquisition. Il ne s’agit plus de signer un chèque, mais d’élaborer un modèle complet de financement autour de certaines capacités.

 

Nous devons également tenir compte d’un élément de temporalité. Puisque la guerre s’installe, nous devons opérer un cadencement, pour que l’industrie de défense française puisse, dans la durée, apporter une aide.

 

Au demeurant, même si la guerre en Ukraine s’arrêtait demain, les besoins de l’armée ukrainienne pour sa reconstruction et sa remontée en puissance resteraient entiers. Quoi qu’il arrive, les industries françaises ont donc un rendez-vous avec l’Ukraine. Contrairement à ce que j’ai vu sur les réseaux sociaux, l’aide ne s’oppose pas à la promotion de notre industrie de défense. Au contraire, ces deux aspects sont complémentaires.

 

Monsieur Gonzalez, si vous avez des informations selon lesquelles le GCAP est mieux parti que le Scaf, elles nous intéressent. Certes, on peut toujours dénigrer ce que nous faisons pour mieux dire du bien de ce que font les Britanniques ou les Japonais. Moi, je n’ai pas le sentiment que le Scaf est si mal parti que vous le dites, du moins d’après ce que me dit Dassault.

 

Nous devons faire attention à ce que nous disons sur le Scaf, car la France et Dassault sont chefs de file. Si le Scaf est mal parti, cela signifie que la France et Dassault font mal leur travail. Vous êtes parlementaire, vous avez bien le droit de le dire. De là où je vois les choses, je ne considère pas que la phase 1B se passe mal, au contraire. Par ailleurs, je rappelle, car on finit par l’oublier, que les coopérations visent aussi à réduire la facture. Quoi qu’il arrive, nous devons faire la phase 1B du Scaf. Cela nous fait économiser 1 milliard d’euros, que nous mettons ailleurs.

 

Finissons nos phrases : si nous ne faisons pas le Scaf, que proposez-vous ? Faire l’avion seuls, ce qui coûterait plus cher, donc nous obligerait à faire moins ailleurs ? Dans ce cas, il faut dire ce que vous ne feriez pas ailleurs.

 

En outre, il n’existe aucun schéma dans lequel le Scaf ne ressemble pas à ce que souhaitent l’armée de l’air et de l’espace et la Marine nationale. Il devra être capable de se poser sur un porte-avions, emporter la bombe nucléaire française et satisfaire aux exigences de notre contrat opérationnel. Que vous ne me fassiez pas confiance, je ne le comprends pas à titre personnel, mais, politiquement, je peux l’intérioriser. Que vous ne fassiez pas confiance à la DGA, à Dassault, à l’armée de l’air et de l’espace, à la Marine nationale et plus généralement à l’ensemble de notre système de défense qui, depuis les années 1960, a toujours su préserver notre souveraineté, je ne le comprends pas. Si vous aimez Ariane, vous n’avez aucune raison de détester à ce point le Scaf et le MGCS. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de la campagne pour les élections européennes, dont j’ai bien compris qu’elles sont un enjeu important pour vous tous.

 

Madame Martine Etienne, s’agissant du changement climatique, je crois savoir que vous auditionnerez, en 2024, la DGRIS, qui pourra vous répondre. Il faut laisser le temps aux équipes de rédiger leur rapport – ce sont des humains, pas des machines –, dont nul ne souhaite qu’il soit bâclé.

 

Monsieur Boccaletti, l’indemnisation des victimes de l’amiante est un sujet majeur. Je n’ai pas la somme que vous me demandez sous les yeux, mais nous vous la trouverons.

 

Ce qui compte pour moi, c’est que les marins engagés dans la reconnaissance de leurs droits et dans le suivi de leur maladie professionnelle ne manquent de rien, et que ceux qui ont un doute sur leur état de santé et qui n’ont fait aucune démarche entrent dans le parcours. Je ne conçois pas que les moyens budgétaires manquent. Je ferai les choix qui s’imposent. Nous ne limiterons pas l’ouverture de droits pour des raisons budgétaires. Il faut permettre à quiconque a un doute sur son état de santé d’intégrer les parcours imaginés par le SSA et la Marine nationale.

 

M. le président Gassilloud. Monsieur le ministre, au nom de la commission, je vous remercie de vos réponses.

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La séance est levée à dix-neuf heures trente cinq.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Julien Bayou, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Mounir Belhamiti, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, M. Vincent Bru, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Christelle D'Intorni, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Martine Etienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Gisèle Lelouis, Mme Patricia Lemoine, Mme Murielle Lepvraud, Mme Jacqueline Maquet, Mme Michèle Martinez, M. Frédéric Mathieu, Mme Lysiane Métayer, M. Christophe Naegelen, Mme Josy Poueyto, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon

Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Mikaele Seo