Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 

 Décision, en application de l’article 148 alinéa 3 du Règlement, sur les pétitions renvoyées à la commission (Mme Caroline Yadan, rapporteure)                            2

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à renforcer le contrôle des déclarations de minorité des étrangers (n° 1261) (Mme Alexandra Masson, rapporteure)                            21


Mercredi
11 octobre 2023

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 4

session ordinaire de 2023-2024

Présidence
de M. Sacha Houlié, président


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La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission se prononce, en application de l’article 148 alinéa 3 du Règlement, sur l’examen ou le classement des pétitions renvoyées à la Commission (M. Caroline Yadan, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/rRdF5v

M. le président Sacha Houlié. Nous nous retrouvons pour la seconde fois de la législature pour nous prononcer sur le sort des pétitions déposées en ligne et renvoyées à la commission des Lois après la première réunion qui s’est tenue le 5 avril dernier. Le bureau de la commission des Lois a décidé que les pétitions n’atteignant pas les cinq mille signatures au bout de six mois seraient classées d’office. Pour celles qui dépassent le seuil des cinq mille signatures au bout de six mois, elles justifient que nous procédions à leur examen tous les six mois. Je rappelle qu’il nous appartient, en vertu de l’article 148 du règlement, de décider de les classer ou de les examiner, auquel cas un rapporteur spécifique devrait être désigné pour chacune d’entre elles. Nous allons donc décider, sur la base du rapport de Mme Caroline Yadan, les suites à donner aux quatre pétitions qui ont dépassé le seuil des cinq mille signatures en six mois depuis le 5 avril dernier.

Nous allons commencer par la pétition intitulée « pour la dissolution de la BRAV‑M ».

Mme Caroline Yadan, rapporteure. Les articles 147 à 151 de notre règlement permettent à nos concitoyens d’appeler l’attention du Parlement, au travers d’une pétition, sur une évolution souhaitable du droit ou sur un sujet particulier.

Comme vous le savez, une procédure d’examen des pétitions, entrée en vigueur le 1er septembre 2019, prévoit notamment le renvoi direct des pétitions, suivant leur objet, à chaque commission compétente, qui peut décider soit de les classer, soit de les examiner.

Depuis notre réunion du 5 avril dernier, parmi les 437 pétitions enregistrées à l’Assemblée, 136 relèvent de notre commission. Je vous rappelle que, lors de cette réunion, il avait été indiqué que 85 pétitions avaient été classées d’office, faute d’avoir atteint le seuil de cinq mille signataires en six mois, et nous avions décidé de classer trois pétitions ayant dépassé ce seuil. Deux de ces pétitions portaient sur la BRAV-M, tandis que la troisième portait sur le référendum d’initiative citoyenne en matière constitutionnelle.

Aujourd’hui, quatre nouvelles pétitions ont franchi le seuil des cinq mille signatures : une pétition concernant, à nouveau, la BRAV-M, une deuxième pétition sur le référendum d’initiative citoyenne (RIC) en matière constitutionnelle, modifiée suite à notre réunion du 5 avril dernier, et enfin, deux autres pétitions portant sur la destitution du Président de la République.

La première pétition discutée ce matin est strictement identique à la pétition n°1319 du 23 mars 2023, qui a été classée par la commission des Lois le 5 avril dernier. Elle demande à nouveau la suppression des brigades de répression de l’action violente motorisées (mieux connues sous le sigle : « BRAV-M »).

Les BRAV-M seraient responsables, selon elle, de nombreuses exactions, dans le cadre d’un emploi disproportionné et arbitraire de la force. Elle reproche à ces brigades, qui seraient devenues un « symbole de la violence policière », de tendre le climat social et de porter une atteinte excessive à la liberté de manifester, par des méthodes contraires aux dispositions du schéma national du maintien de l’ordre et qui évoqueraient le temps des « voltigeurs », unités motorisées mises en place après les événements de Mai 1968, puis dissoutes en 1986 après la mort de Malik Oussekine, lors d’une manifestation étudiante.

Nous l’avons dit, le contenu de cette pétition est identique – au mot près – à celui de la pétition n°1319, laquelle a déjà fait l’objet d’un débat et d’une décision de classement par la commission des Lois.

En conséquence, et en l’absence de changement de circonstances survenu depuis cette date concernant la BRAV-M, je vous propose, chers collègues, de classer cette pétition.

M. Stéphane Rambaud (RN). Je prends la parole pour exprimer une profonde inquiétude face à cette pétition qui vise à dissoudre la Brigade de répression de l’action violente motorisée, plus communément appelée BRAV-M. Au Rassemblement national, nous avons toujours été du côté de nos forces de l’ordre. Non par simple alignement idéologique, mais parce que nous sommes conscients du rôle vital qu’elles jouent au sein de notre société. Elles sont le rempart qui protège chaque Français, chaque famille, chaque enfant, des menaces qui peuvent surgir. Dissoudre la BRAV-M, c’est affaiblir ce rempart. C’est envoyer un message aux criminels que notre société ne se défendra pas avec toute la vigueur nécessaire.

La BRAV-M a été créée pour répondre à des formes spécifiques de violence et sa dissolution serait une grave erreur. Il est essentiel de comprendre que derrière cette pétition, se cache une logique qui pourrait s’étendre bien au-delà de la BRAV-M. Aujourd’hui, ce sont eux qui sont visés, mais demain, ce sera peut-être la Brigade anti-criminalité, et après-demain, toute la Police nationale voire les polices municipales ? Où s’arrêtera cette volonté de démantèlement de nos forces de sécurité ? Il faut être sérieux. Nous, au Rassemblement national, sommes profondément attachés à nos forces de l’ordre. Nous savons, comme la majorité des Français, que nous pouvons compter sur elles en toutes circonstances. Elles méritent notre soutien inconditionnel et non pas une remise en question constante de leur légitimité et de leur utilité. Le groupe RN tient à rappeler que chaque fois qu’un policier ou un gendarme se lève le matin pour aller servir son pays, il met sa vie en danger. C’est un acte de dévouement et de courage que nous devons saluer.

M. Ludovic Mendes (RE). Nous avons déjà débattu d’une pétition similaire il y a moins de six mois. Je me permettrai d’en sourire. Je m’interroge de l’utilité d’un nouveau débat sur la BRAV-M. Nous pouvons comprendre que des pétitions soient déposées sur le site de l’Assemblée nationale mais on peut s’interroger sur l’utilité de nos débats de ce matin à propos de la BRAV-M. Celle-ci, comme les autres corps de police, est sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et de l’IGPN. En tant que parlementaires et de membres de la commission des Lois, il nous appartient, notamment à travers les auditions que nous avons réalisées du ministère de l’Intérieur et de la directrice de l’IGPN, de vérifier si des dérives ont lieu. Jusqu’à présent, nos auditions ont démontré l’absence de risque particulier concernant la BRAV-M. Nous remplissons notre rôle de contrôle de l’action du gouvernement. Je peux comprendre que cette pétition puisse être approuvée par des manifestants qui ne s’interrogent pas sur les raisons à l’origine de la création de la BRAV-M. En l’occurrence, la BRAV-M a été constituée en tant que moyen d’action rapide, car à Paris, des débordements peuvent se produire. Quand on brûle la moitié de la capitale, on a besoin d’action rapide des agents de police. L’invention de la BRAV-M a servi à cela. Si demain on nous démontre que la BRAV-M a commis des méfaits graves et que cette organisation porte atteinte aux valeurs de la République et de la Constitution, nous ferons nous-mêmes pression auprès du ministre de l’Intérieur et de l’IGPN pour qu’elle soit dissoute. Je rappelle donc que c’est au Parlement de prendre de telles décisions, et passer par l’intermédiaire d’une pétition pour démanteler une partie de la police est un risque hyper dangereux pour la République.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Si cette pétition revient devant notre commission, c’est aussi parce que la première, qui avait été signée par plus de deux cent mille citoyens, a été enterrée par cette même commission et qu’il n’y a pas eu de réel débat. Je vous renvoie aux débats d’hier de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui s’alerte à propos du nombre important de blessés et de violences policières dans le cadre du maintien de l’ordre.

La BRAV-M s’est malheureusement illustrée lors des mobilisations contre la réforme des retraites, par un certain nombre de violences et de comportements inacceptables. J’entends qu’il faille une force qui puisse intervenir de manière rapide sur certains événements, et personne ne remet en cause un tel besoin, mais la BRAV-M s’est illustrée par des passages à tabac de manifestants. Les faits sont documentés. Je relis les propos tenus par des policiers de la BRAV-M : « Je peux te dire qu’on a cassé des coudes et des gueules mais toi, je t’aurais bien pété les jambes ! » ; « La prochaine fois qu’on vient, tu ne monteras pas dans le car pour aller au commissariat ». Des propos racistes ont été tenus, ainsi que des menaces. Le rapport très documenté de la Ligue des droits de l’homme montre que cette unité est violente. Je sais combien certains voudraient que cette organisation soit dissoute, mais la Ligue des droits de l’homme a livré un rapport très circonstancié sur le comportement de la BRAV-M, sur ses fonctionnaires de police, et sur leur utilisation de la violence. Nous considérons donc qu’un débat doit avoir lieu sur le schéma de maintien de l’ordre, sur la BRAV-M et sur la manière dont nous pourrions avoir demain une police véritablement républicaine, qui protège celles et ceux qui vivent dans notre pays, et qui ne se comporte pas de manière violente.

M. Xavier Breton (LR). Je pense que nous pouvons suivre les conclusions de Madame la rapporteure. Quel signal enverrions-nous si nous donnions suite à cette pétition ? Il est normal qu’elle ait pu s’exprimer mais nous devons tenir compte des nouvelles formes de violence dans la société, des nouvelles formes de manifestation avec des violences qui nécessitent des moyens adaptés. Cela n’empêche pas le contrôle mais le contrôle existe, aussi bien en interne avec l’Inspection, et plus largement à travers la possibilité de recourir aux autorités judiciaires et le contrôle politique que nous exerçons à notre niveau. Je pense donc que nous n’avons pas besoin de donner suite à cette pétition pour exercer ce contrôle.

Mme Blandine Brocard (Dem). Madame la rapporteure, nous vous remercions pour votre exposé, qui est similaire à celui d’il y a quelques mois. À l’instar de la pétition d’avril dernier, nous voterons pour son classement. En effet, il ne nous paraît pas raisonnable de jeter l’opprobre sur des femmes et des hommes qui sont mus par un seul impératif, qui n’est pas celui de limiter mais bien de garantir la liberté de manifester, et la liberté de manifester sans trouble à l’ordre public. Je tiens d’ailleurs, à cet égard, à saluer l’engagement et le professionnalisme de nos forces de l’ordre. Mais naturellement, dans l’éventualité où un manquement déontologique serait advenu, notre groupe entend également réaffirmer sa confiance à l’endroit des corps institués et de nos institutions judiciaires dûment habilitées à sanctionner ces faits s’ils étaient avérés. Pour ces raisons, et parce que la présente pétition poursuit des objectifs exactement similaires à ceux présentés en avril dernier, nous voterons bien évidemment pour son classement.

M. Didier Lemaire (HOR). Il nous est à nouveau demandé de décider du sort d’une pétition demandant la dissolution de la BRAV-M. Je crois important de rappeler les origines de la création de cette brigade : permettre aux policiers d’être plus mobiles et réactifs dans des manifestations le plus souvent non déclarées, éparses et de plus en plus violentes, et ce dans des villes où la circulation est dense, comme à Paris notamment. Dans ce contexte de violence et de conflictualisation de notre société, la question de la politique du maintien de l’ordre est centrale, et cette pétition visant à dissoudre la BRAV-M nous interroge à deux titres : d’une part parce que nous estimons qu’il revient au ministre de l’Intérieur, compte tenu des informations et des moyens dont il dispose, de décider, dans le cadre du schéma national du maintien de l’ordre validé par le Conseil d’État, de prendre les décisions qui s’imposent en matière d’organisation du maintien de l’ordre. Par ailleurs, dans le contexte de manifestations illégales menées par des extrêmes et casseurs, dont le tracé n’a pas été déterminé et déclaré en Préfecture, le groupe Horizons est convaincu de la nécessité pour l’État de se doter de forces mobiles, pouvant réagir vite et se déplacer rapidement d’un point à l’autre. Je tiens à indiquer également que, contrairement à ce que la pétition allègue, les BRAV-M ne peuvent procéder à des interpellations, à des charges ou à des tirs depuis leur véhicule comme cela était possible pour les pelotons de voltigeurs motorisés créés en 1969. Si nous déplorons le comportement non déontologique de certains policiers et gendarmes dans le cadre de l’hypertension de certaines manifestations, ces comportements individuels ne sauraient jeter l’opprobre sur la profession tout entière. Le groupe Horizons et apparentés souhaite donc que cette pétition soit classée.

M. Roger Vicot (SOC). Nous voterons également pour le classement de cette pétition pour deux raisons : une raison de fond et une raison de forme. La raison de fond est que, pas plus que nous ne pensons que toute la police serait raciste ou que toute la police se livrerait à des exactions de manière systémique et permanente, nous ne pensons pas davantage que les policiers de la BRAV-M doivent porter sur leurs épaules les dérives de quelques-uns. Nous portons en revanche l’absolue nécessité de poursuivre jusqu’au bout, quelle que soit leur unité, ceux qui se rendent coupables d’exactions. La raison de forme, c’est que la BRAV-M ne peut pas être dissoute. Le ministre de l’Intérieur s’est exprimé à plusieurs reprises, et notamment lors de la première pétition il y a quelques mois : la BRAV-M n’est pas une unité officiellement constituée. La BRAV-M est le regroupement ponctuel, dans des cas particuliers – et notamment lors de manifestations – de policiers appartenant à diverses unités. Cette unité intervient ponctuellement lors de manifestations et notamment des manifestations violentes. Je prends assez rarement la défense du ministre de l’Intérieur – l’actuel en tout cas – mais nous ne pouvons pas dissoudre officiellement la BRAV-M à partir du moment où elle n’est pas officiellement constituée en tant qu’unité.

Mme Pascale Bordes (RN). Nous voterons pour le classement de cette pétition, dont le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est faite de nuances typiquement gauchistes. Ce n’est plus un florilège, c’est un festival ! Rien ne manque ! Nous démarrons par un classique : « la répression policière s’abat sur notre pays ». Vient ensuite un : « le pays étouffe de témoignages d’exactions violentes et brutales commises par ces brigades motorisées à l’encontre de manifestants ». Le décor est planté : d’un côté les méchants représentants des forces de l’ordre, de l’autre les gentils manifestants. À peine deux phrases et nous sommes déjà dans le monde de la pensée binaire, une pensée dogmatique. Pire, les auteurs de ce brûlot affirment que ce serait l’action de la BRAV-M qui participerait de l’augmentation des tensions, oubliant ainsi le contexte de manifestations interdites menées par des extrémistes et des casseurs, venus uniquement pour casser, détruire, brûler et blesser si possible des représentants des forces de l’ordre. C’est le petit bonus pour eux ! Ce sont précisément ces images d’un pays livré aux mains de casseurs et de pilleurs qui ont fait le tour du monde, qui ont entaché une fois encore et pour longtemps l’image de notre pays. Vous demandez la dissolution de la BRAV-M afin de « stopper le massacre », mais de quel massacre parlez-vous ? De celui de notre pays, que vos amis les pilleurs, casseurs, voleurs, agresseurs ont tenté de mettre à genoux ? De celui des finances de nos concitoyens qui vont devoir payer l’addition qui se monte en millions d’euros à la suite de tous ces pillages et de toutes ces destructions ? À moins que vous ne parliez de ces centaines d’hommes et de femmes admirables qui ont été blessés, et qui tous les jours se lèvent pour aller travailler pour un salaire à peine supérieur au Smic, et qui ne sont pas certains de rentrer en vie à la fin de leur journée de travail ? Cette pétition est une injure à la bravoure et au courage de ces hommes et de ces femmes.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je n’avais pas prévu de prendre la parole mais compte tenu des propos de notre collègue du Rassemblement national, il me semble indispensable d’y répondre. Bien sûr que vouloir dissoudre la BRAV-M, c’est dire que nous souhaitons qu’il n’y ait pas un groupe qui puisse commettre des actions violentes en portant l’uniforme de police. Parce que notre vision du maintien de l’ordre protège les personnes et les biens mais ne peut en aucun cas aller frapper et molester des personnes. Dans son article 9, la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen indique : « Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. S’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la Loi. » C’est précisément ce que nous souhaitons. Les propos de notre collègue du Rassemblement national sont tellement caricaturaux qu’ils m’obligent à vous dire que ceux qui cassent, pillent et détruisent, ce sont ceux qui sont au pouvoir, puisque nous avons eu très récemment une réforme de la retraite qui a fait passer l’âge de départ à soixante-quatre ans et qui pille et détruit le système social de notre pays. Voilà les responsables d’une violence sociale contre le peuple, qui s’exerce d’une manière qui me semble devoir être contestée. Dire que les personnes qui ont manifesté contre cette réforme des retraites sont des casseurs, des pilleurs et des violents, c’est faire insulte aux trois millions et demi de personnes qui ont été rassemblées au plus fort moment de ces manifestations. Bien évidemment que l’essentiel des manifestants défendait le droit à la retraite et la République sociale telle que nous la concevons. Ainsi donc, en attaquant l’ensemble des manifestants, vous faites insulte à celles et ceux qui se sont battus contre cette réforme des retraites. Mais il est vrai que l’on ne vous a pas beaucoup vus dans l’Hémicycle sur ce sujet !

M. le président Sacha Houlié. Avant de donner la parole à Madame la rapporteure, je rappelle que pour dénoncer une caricature, on n’est pas obligé d’en entretenir une autre !

Mme la rapporteure. Je remercie ceux qui se sont prononcés pour le classement de cette pétition, en relevant notamment que la BRAV-M avait une véritable utilité, et soulignant par ailleurs que ce débat n’est pas véritablement utile dans la mesure où il a déjà eu lieu. Démanteler une partie de la police constituerait un danger.

Pour répondre à M. Xavier Breton, des contrôles existent effectivement comme vous l’avez relevé, et des missions d’inspection sont tout à fait possibles lorsque l’on assiste à des débordements.

M. Thomas Portes, vous parlez de manifestants passés à tabac et de violences sur ces derniers mais je pense que nous devons distinguer les manifestants et les émeutiers. Il ne faut pas faire d’amalgame. La violence des émeutiers, qui ont d’ailleurs érigé en devise de leur sédition le slogan que vous aimez rappeler (« la police tue »), il est parfaitement utile de l’arrêter grâce à la BRAV-M, qui a la capacité de se faufiler en moto, ce qui est très utile à Paris notamment. Et contrairement aux voltigeurs, les fonctionnaires de la BRAV-M doivent descendre de leur moto pour intervenir.

Je relèverai également, en réponse à M. Léaument, que bien entendu, nous ne cautionnons pas le recours à la force en dehors du cadre légal. Je rappellerai également qu’Agnès Thibault-Lecuivre, la directrice de l’IGPN, a précisé que des enquêtes avaient été ouvertes. Nous sommes dans un état de droit, et si des débordements sont constatés ou que des fautes sont commises par des forces de police quelles qu’elles soient, des enquêtes sont ouvertes, et donnent lieu si besoin à des sanctions et à une répression judiciaire. Je pense qu’il faut raison garder, et que plutôt que de prendre la défense de ceux qui effraient et veulent semer la terreur et le désordre, nous pourrions commencer par défendre notre ordre républicain, qui est la première de nos libertés. Je vous rappelle que le respect de la République repose sur l’ordre républicain et la politique d’égalité pour préserver l’ordre et le progrès social.

La commission adopte la proposition de classement de la pétition n° 1446.

En conséquence, la pétition n°1446 est classée.

M. le président Sacha Houlié. Les deux pétitions suivantes feront l’objet d’un examen conjoint. La première d’entre elles s’intitule : « Pour juger de la destitution de l’occupant de l’Élysée » et la seconde : « Pour la destitution du Président de la République française, Emmanuel Macron ». Madame la rapporteure, vous avez la parole.

Mme la rapporteure. Ces deux différentes pétitions demandent l’une et l’autre de mettre fin au mandat de l’actuel Président de la République.

La première exige que l’Assemblée nationale se constitue en Haute Cour pour destituer le Président de la République, sur le fondement de l’article 68 de la Constitution ; elle a recueilli un peu plus de 66 000 signatures.

Sans passer par une telle procédure, la seconde pétition demande simplement au Président de la République de démissionner immédiatement. Elle indique également que le Parlement doit jouer son rôle en enquêtant sur les actions du Gouvernement, pour restaurer la confiance et la transparence du système politique. Elle a obtenu un peu plus de 6 000 signatures.

Vous le savez, chers collègues, la décision de réunir la Haute Cour pour destituer le Président de la République est une compétence exclusive du Parlement.

C’est ce qui est prévu par l’article 68 de la Constitution et la loi organique du 24 novembre 2014 portant application de cet article. C’est donc à chacun des membres du Parlement qu’il appartiendrait, en son âme et conscience, et sans subir de pressions, de décider la mise en accusation du Président de la République.

Il faut aussi rappeler que la procédure fixée par la Constitution appelle la décision de chacune des deux assemblées successivement, par scrutin public, à la majorité des membres les composant. En aucun cas l’Assemblée nationale ne pourrait donc, à elle seule, « s’ériger en Haute Cour », comme le demande la pétition, puisque cette prérogative appartient au Parlement dans son ensemble.

Rappelons, enfin que l’article 68 de la Constitution prévoit que « le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Or la pétition demeure très vague et n’invoque aucun motif de cette nature ni aucun fait précis pour justifier la nécessité d’engager une procédure de destitution à l’encontre de l’actuel Président de la République. La procédure proposée serait donc à l’évidence contraire à la Constitution.

En conséquence, et pour ces différentes raisons, je vous propose, chers collègues, de classer la première de ces deux pétitions.

Je vous propose de réserver le même sort à la seconde pétition, qui demande plus simplement à l’actuel Président de la République de démissionner immédiatement, cette décision n’appartenant bien sûr qu’à lui-même.

J’ajoute, par ailleurs, en réponse à la pétition, que le Parlement – majorité et oppositions confondues – remplit pleinement sa mission de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, multipliant les questions écrites et orales au Gouvernement, les missions d’information et les commissions d’enquête, pour faire la lumière sur tous les sujets d’intérêt public, au nom du peuple français, et comme notre Constitution le prévoit.

M. Thomas Ménagé (RN). Si le débat démocratique doit permettre à chacun de pouvoir exprimer ses désaccords sur les décisions prises par le Président de la République, la destitution doit demeurer l’ultime recours face à des fautes graves commises par le chef de l’État. Dans leurs textes, les pétitionnaires ne soumettent pas à la représentation nationale, des éléments circonstanciés qui permettraient à notre assemblée et au Parlement d’apprécier l’opportunité de recourir à l’article 68 de la Constitution. Pourtant, chacun sait qu’au Rassemblement national, notre opposition à la politique d’Emmanuel Macron est totale. Nous dénonçons son mépris du peuple, son incapacité de rendre du pouvoir d’achat aux Français, nous attendons toujours des résultats en matière migratoire et nous déplorons l’insécurité qui gangrène de plus en plus notre pays. Depuis 2017, nous voyons l’état de la France s’aggraver, passant des rixes mortelles entre bandes aux émeutes comme j’ai pu le constater sur mon territoire à Montargis, ou encore avec l’humiliation de la France à l’international jusqu’à la dégradation de la qualité de vie des Français les plus pauvres, de nos retraités et de ceux qui travaillent. Depuis six ans, nos compatriotes n’ont droit qu’à la politique des petits chèques, à l’effondrement de la balance commerciale de notre pays, et attendent toujours la relocalisation et la réindustrialisation porteuse d’emploi. Économie, éducation, sécurité, services publics, ruralité, immigration, rien n’est géré, tout est à refaire ! Réforme des retraites injuste et brutale, projet de loi Plein emploi qui contient tout sauf des solutions pérennes en la matière, volte-face permanentes sur la lutte contre la délinquance et le retour à l’autorité, le projet macroniste n’apporte aucune solution.

Au Rassemblement national, aux côtés de Marine Le Pen, nous disons aujourd’hui à ceux qui ont signé cette pétition que la seule vraie campagne de destitution aura lieu à l’occasion des élections européennes. Une destitution démocratique ! Le 9 juin prochain, les Français auront l’occasion de mettre en échec le Président de la République en votant aux élections européennes pour la liste de Jordan Bardella. Cette élection européenne sera, je le dis à tous ces pétitionnaires, la rampe de lancement de l’élection présidentielle, seul rendez-vous démocratique qui permettra la destitution démocratique du Président Macron par les urnes avec l’opportunité de rendre le pouvoir au peuple en portant Marine Le Pen à l’Élysée !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Enfin on parle de l’article 68 de la Constitution et de la destitution du Président de la République à l’Assemblée nationale ! Je m’amuse parce qu’il y a six mois, je vous avais dit : faites attention parce que la pétition pour demander la destitution d’Emmanuel Macron est à 4 918 signatures et donc que peut-être, nous discuterions bientôt de la destitution du Président lui-même. Je m’en amuse car en réalité, l’article 68 est conçu comme un moyen de protéger le pouvoir du Président de la République ! Si nous l’activions, cela passerait d’abord par le bureau de l’Assemblée nationale, où les macronistes sont largement majoritaires. Le dossier n’arriverait donc jamais devant notre commission. Fort heureusement, des gens ont déposé une pétition pour que nous puissions en discuter et j’en suis très content car cela nous permet de parler du fait que notre constitution est exceptionnelle vu que le Président de la République n’est responsable devant personne sauf devant le peuple une fois tous les cinq ans. Nous ne sommes pas d’accord avec ce mode de fonctionnement, qui est celui qui existe en Russie ou en Turquie, des « démocraties » bien connues, qui permettent au Président de la République d’exercer un pouvoir plus fort que le veto royal de Louis XVI dans la mesure où l’article 49.3 peut s’appliquer de manière illimitée aux questions budgétaires alors que le veto royal, lui, ne pouvait s’appliquer aux questions budgétaires.

Nous proposons une Sixième République avec un outil pour pouvoir destituer n’importe quel élu au cours de son mandat : le référendum d’initiative citoyenne révocataire, permettant de « dégager » un élu dont on n’est pas satisfait, qu’il soit conseiller municipal, maire, conseiller départemental, conseiller régional, député, sénateur – s’il reste des sénateurs dans la Sixième République dans la mesure où pour certains d’entre nous, nous sommes favorables à une seule chambre – ou Président de la République. S’il vous faut des raisons de destituer le Président de la République, il n’a pas respecté la chose suivante : la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et la voie du référendum. Ce n’est pas ce qui s’est passé lors de la réforme des retraites.

M. Ludovic Mendes (RE). C’est assez compliqué entre deux pages de pub, mais on va essayer ! Nous parlons de deux pétitions signées par une part infime de la population française. On parle de destituer le Président de la République sur des fondements qui ne correspondent pas à la Constitution. D’ailleurs, ces pétitions font référence à la Constitution et rappellent que c’est Haut Cour – le Parlement – qui peut statuer. Je rappelle d’ailleurs à M. Léaument que la majorité au Sénat n’est pas acquise au Président de la République. Je rappelle également que la majorité à l’Assemblée nationale n’est que relative, ce qui prouve que le peuple a pu s’exprimer à plusieurs reprises, lors des élections présidentielles et législatives. Vous l’avez dit, vous êtes pour faire sauter n’importe quel élu quand on n’est pas content ! Continuons comme cela et non seulement la Cinquième République n’existera plus – puisque vous proposez la Sixième – mais au-delà, plus personne ne voudra aller se présenter pour représenter le peuple. Nous ne serions plus loin d’une dictature ! Pour en revenir au propos, ce qui nous importe le plus pour contester ces deux pétitions, c’est la démocratie représentative. Le fait de taper en permanence sur cette démocratie représentative tend à faire tomber tout le système démocratique. Vous n’êtes jamais du bon côté, vous le montrez encore ce matin, et je pense que nous continuerons à vous combattre parce que vous êtes un danger pour la République !

M. Philippe Gosselin (LR). Nous recevons aussi régulièrement des pétitions dans nos boîtes mail, nous appelant à destituer le Président de la République, en mettant en avant son illégitimité. Nous voyons bien dans cette séance des relais importants de cette contestation démocratique. Car après tout, destituer le Président de la République, c’est remettre en cause le suffrage universel direct qui s’est exprimé pas plus tard que l’an dernier, et c’est oublier que des conditions juridiques très précises doivent être respectées. Il ne s’agit pas de destituer le Président de la République parce que l’on n’a plus envie de le voir. Je comprends la haine de certains, qui s’exprime d’ailleurs avec une force particulière, mais le principe est de rappeler que la décision ne peut être fondée que sur l’existence d’une intelligence avec l’ennemi, une incompétence, etc. Les faits doivent être de nature à constituer une incompatibilité avec la poursuite du mandat. Ce qui est manifestement incompatible pour certains, c’est qu’il puisse y avoir un choix démocratique et que l’on respecte ceux qui ont été élus.

La responsabilité politique consiste à rentrer éventuellement chez soi à la fin de son mandat si notre bilan a été jugé décevant, et non pas à mettre en place un « gouvernement à secousses », pour reprendre l’expression d’Edgar Faure sous la Quatrième République. Certains espèrent obtenir par la voie de pétitions ce qu’ils n’ont pas réussi à avoir par les urnes. Mais comme vous l’avez rappelé, Mme la rapporteure, le nombre de pétitionnaires est faible. Il n’est pas ridicule, et je ne me permettrais pas de leur interdire de recourir à cette possibilité, mais nous serions irresponsables si nous ne respections pas les conditions. Sans faire de la publicité comme certains, invitons nos concitoyens à aller voter régulièrement, à participer aux élections, plutôt que de passer par la voie des pétitions. À chacun d’être électeur, l’électorat vivifie la démocratie !

Mme Blandine Brocard (Dem). Je vais essayer d’être plus sobre que dans certaines interventions… Ces pétitions se cantonnent à exhorter la destitution du Président de la République. Certains peuvent toujours essayer de se faire plaisir en faisant semblant d’y croire, mais ces pétitions ne reposent sur aucun motif et se trouvent à rebours des dispositions de l’article 68 de la Constitution. La Constitution protège, n’en déplaise à certains, nos institutions et notre démocratie. Nous voterons donc évidemment pour leur classement.

M. Didier Lemaire (HOR). Il nous est demandé d’examiner ce jour la pertinence que soit débattue la destitution du Président de la République, comme le réclame cette pétition. Je sais que ceux dans cette salle qui accordent encore de la valeur à notre démocratie voteront pour le classement de cette pétition. Pour ceux qui hésiteraient, je me permettrai de leur rappeler quelques basiques constitutionnels. L’article 6 de la Constitution dispose que le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Une fois tous les cinq ans, les Françaises et les Français désignent le candidat qu’ils souhaitent voir diriger le pays. C’est ce que l’on appelle la démocratie. Ne vous en déplaise, c’est Emmanuel Macron que les Français ont élu en 2022. Fait majoritaire, abstention et j’en passe, sont autant de raisons que vous soulevez depuis le 24 avril 2022 pour pointer un manque de légitimité supposé. La vérité, c’est que certains ont perdu, et qu’il est difficile pour eux de le digérer. Alors plutôt que de se battre sur le terrain des idées, plutôt que d’aller convaincre les Françaises et les Français de leur projet, ils préfèrent la stratégie du chaos et la destitution du Président de la République. Mais raisonnons par l’absurde… Allons-y, destituons le Président ! Et après ? Qu’allez-vous dire à la majorité des Françaises et des Français qui se sont déplacés dans les urnes pour voter pour lui ? Comment allez-vous pouvoir encore justifier votre respect de la démocratie et de la volonté du peuple ? Je crois qu’il est temps que nous cessions de perdre collectivement du temps ; attelons-nous plutôt à trouver des solutions pour le pouvoir d’achat de nos concitoyennes et de nos concitoyens, pour leur sécurité et pour la transition écologique de notre pays. Le groupe Horizons votera à l’évidence pour le classement de cette pétition.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Ces pétitions appellent plusieurs observations. Tout d’abord, elles sont signées par un nombre très faible de possibles électeurs – 66 000 et 6 500 personnes soit de l’ordre de 0,1 % et 0,01 % du corps électoral possible. Au-delà du caractère polémique du libellé, elles soulèvent la question de la responsabilité politique du Président de la République. Au-delà de cette polémique, nous espérons débattre de possibles réformes constitutionnelles et d’une potentielle évolution du rôle du Président, du Premier ministre et du Parlement pour davantage de parlementarisme. Certes, il y a un déséquilibre accru depuis la crise sanitaire, dans la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre, et les décisions ne sont parfois plus prises au niveau du Gouvernement, instance collégiale responsable devant la représentation nationale, mais par le Président de la République. Cette pratique du pouvoir traduit une perte du sens de l’action collective et matérialise une personnalisation renforcée de la fonction présidentielle. Le plus grave serait que cette pratique nous mène à une impasse démocratique alors que le Président de la République exerce de facto toutes les responsabilités et n’est responsable devant personne durant son mandat. Pour autant, nous ne pouvons pas soutenir ce type de pétition. C’est au sein de la commission et du Parlement que nous devrons évoquer ces questions très importantes à travers la réforme constitutionnelle.

M. Jérémie Iordanoff ((Écolo-NUPES). J’irai dans le même sens que ma collègue. Effectivement, ces pétitions ne respectent pas la forme de l’article 68 et donc, je pense qu’elles sont irrecevables. Néanmoins, il faut comprendre pourquoi elles ont été déposées et signées et ne pas évacuer le sujet d’un revers de la main en se contentant de dire que la démocratie, c’est l’élection du Président de la République une fois tous les cinq ans puis circulez, il n’y a rien à voir !

J’ai aussi entendu Madame la rapporteure dire que le Parlement exerçait ses prérogatives de contrôle de l’action du Gouvernement. Ce n’est pas exact. Je rappelle que le Gouvernement n’a pas engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale, contrairement à l’article 49.1 de la Constitution. Il y a, en démocratie, une question d’équilibre des pouvoirs. La question qui est posée derrière ces pétitions est : pourquoi le Président de la République, qui en réalité, est aujourd’hui le chef du Gouvernement, contrairement à l’esprit de l’article 5 de la Constitution qui lui attribue un rôle d’arbitre, ne serait-il responsable devant personne pendant cinq ans ? La Constitution de la Cinquième République attribue au chef de la Majorité, au Premier ministre, la responsabilité avec la possibilité de le renverser, mais il n’est pas possible de renverser le Président de la République. Une dérive dans la pratique fait que nous nous trouvons aujourd’hui dans un système qui me semble complètement déséquilibré, inacceptable, et nous avons évidemment besoin d’une réforme de la Constitution. J’invite les parlementaires à prendre conscience du fait que le rôle du Parlement est très largement insuffisant pour une démocratie libérale. Ce n’est pas un système acceptable pour beaucoup de Françaises et de Français. Ce système devient fragile s’il repose entièrement sur le Président de la République. Je pense que la Constitution française est fragilisée et qu’il faut la revoir d’urgence.

Mme Marie-France Lorho (RN). La multiplication des pétitions visant à destituer le Président de la République doit nous interpeller. Pendant le mandat d’Emmanuel Macron, dix pétitions visent ou ont visé à recourir à la procédure prévue à l’article 68 de la Constitution, qui permet, par l’adoption d’une proposition de résolution en ce sens, que le Parlement puisse se constituer en Haute Cour pour se prononcer sur une telle destitution. Si la pétition est destinée ici à destituer l’occupant de l’Élysée, elle ne précise pas le manquement manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat qu’aurait commis le Président.

Les demandes antérieures nous éclairent sur les défaillances dont l’accusent les signataires de ces pétitions. La violation des libertés des Français constitue le cœur des griefs que nos compatriotes adressent au Président : les interdictions de déplacement, les injonctions à respecter des couvre-feux inédits, les restrictions en tous genres auxquelles s’est adonné le Gouvernement à l’occasion de la crise sanitaire ont terriblement affaibli la confiance des Français envers le chef de l’État. Cette fragilité n’est-elle pas en partie la cause d’une classe dirigeante dont Pierre Manent disait qu’elle éprouvait pour le peuple « un mépris aussi tranquille qu’implacable » ? Ces pétitions ne sont-elles pas au fond l’expression de l’exaspération des Français face à ce mépris ? Les insuffisances du Président de la République doivent-elles pour autant faire l’objet d’une telle procédure qui fragiliserait encore un peu plus nos institutions épuisées ? Nous croyons encore que la construction d’une chose commune, qui est l’autorité légitime pour organiser la vie des citoyens dans la cité, est possible. C’est la raison pour laquelle nous voulons donner aux Français la possibilité de s’exprimer dans les urnes sur l’élection du candidat qu’ils auront choisi, et qu’aux procédures de destitution, nous préférons la sanction claire du vote dans les urnes par le peuple.

Mme Edwige Diaz (RN). La destitution du Président de la République est une procédure très compliquée à mettre en place. Quoi qu’on puisse lire, notamment sur les réseaux sociaux, son application est quasiment impossible d’un point de vue constitutionnel, et de surcroît au regard de la composition actuelle du Parlement. Toutefois, la persistance des demandes de destitution du Président traduit un malaise profond. En effet, comment ne pas comprendre l’exaspération des Français quand ils entendent des propos provocateurs, méprisants, voire injurieux à leur égard ? Personne n’a oublié les petites phrases relatives aux entreprises non essentielles, les expressions telles que « emmerder les non-vaccinés », « traverser la rue pour trouver un travail », « travailler pour se payer un costard », « ceux qui ne sont rien », « les Gaulois réfractaires » ou encore les illettrés, les fainéants ou les cyniques. La colère est plutôt légitime. Mais plutôt que de faire croire qu’il existe une solution magique pour destituer un Président de la République, certes particulièrement impopulaire mais pourtant régulièrement réélu il y a peu, au Rassemblement national, nous ne voulons pas donner de faux espoirs aux Français, même si comme eux, les dernières années de présidence Macron vont nous sembler très longues. Ainsi, face à ce constat, le meilleur moyen pour les Français de reprendre leur destin en main consiste à se saisir de leur bulletin de vote et prochainement, ils pourront à la fois sanctionner Macron et préparer l’après-Macron. Cette opportunité, ils l’auront en juin prochain en votant pour Jordan Bardella à l’occasion des élections européennes !

M. le président Sacha Houlié. Nous avons compris, mais ce n’est pas un meeting politique ! En ensuite, c’est « Monsieur Macron » ou « Monsieur le président de la République ». Merci.

M. Stéphane Rambaud (RN). Merci Mme la rapporteure pour votre exposé. Je le dis sans détours, le simple fait d’envisager la destitution du Président de la République me pose problème. Il incarne la continuité de l’État. Il est l’arbitre de la Constitution, le garant de l’équilibre des pouvoirs, celui qui maintient la stabilité de l’État. Je suis un républicain, un démocrate, et à ce titre, je me réjouis que l’article 68 de la Constitution institue des garde-fous pour encadrer un éventuel processus de destitution. La multiplication de ces pétitions réclamant la destitution du chef de l’État est certes symptomatique d’un véritable malaise dans la population, comme cela vient d’être dit, face à une politique brutale conduite par l’actuel locataire de l’Élysée. Il n’en reste pas moins que l’article 68 de la Constitution, qui permet la constitution du Parlement en Haute Cour de justice, pose des règles très précises et claires, exposées par Mme la rapporteure. À l’évidence, les signataires de ces pétitions ne connaissent absolument pas le cadre d’application de l’article 68 de la Constitution. On peut être opposé à la politique conduite par le Premier ministre sous l’impulsion du chef de l’État et, en tant que député de l’opposition, c’est quelque chose que je conçois très bien, mais une différence d’opinion politique sur les mesures à conduire pour la France ne constitue absolument pas un manquement incompatible à l’exercice du mandat de Président. Si tel était le cas, nous changerions de Président très régulièrement et la France deviendrait ingouvernable ! C’est pourquoi le groupe Rassemblement national demande que ces pétitions puissent être classées.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La discussion autour de l’article 68 élude la question de notre Constitution elle-même, qui prévoit finalement qu’un homme providentiel puisse s’opposer à une majorité de Français, dont d’ailleurs une majorité à l’intérieur de cette majorité, n’a pas voté pour lui. Vous trouvez qu’il y a une légitimité à ce que cet homme providentiel puisse imposer sa propre politique, en l’occurrence ultra-libérale en ce moment, à tout un peuple qui n’a pas voté pour lui ! Cet homme providentiel impose à tout un pays ses caprices, ses turpitudes, et vous trouvez que c’est normal ! Y compris le Rassemblement national, dont on comprend bien que cette construction qu’est la Cinquième République lui convient parfaitement et qu’il n’y changera rien si demain, par malheur, il arrivait au pouvoir. De plus, vous vous satisfaites de cet aspect démocratique qu’un homme puisse avoir le suffrage du peuple pour pouvoir exercer sa politique ; en réalité, vous voyez bien que le peu de pouvoir qu’il nous reste, à nous députés ici présents, se réduit à subir une avalanche de 49.3 qui mettent à zéro tout le travail que vous produisez, y compris vous, députés de la Majorité. Et je ne comprends pas que vous acceptiez sans ciller l’humiliation qui est faite à votre travail et à votre représentation légitime – à travers le suffrage universel – que vous imposent tous ces 49.3. Vous comprendrez donc que nous soyons pour cette Sixième République. Il faut changer de règle. On ne peut pas conserver une Constitution qui a 65 ans. Vous êtes pour la retraite à 64 ans, eh bien à 65 ans, il est temps que cette Cinquième République prenne sa retraite ! Elle n’est plus adaptée au monde dans lequel nous vivons, aux enjeux auxquels nous faisons face, et c’est pourquoi nous proposerons de constituer une Sixième République avec de nouvelles règles.

Mme la rapporteure. J’apprécie que tous ici, sauf le groupe LFI, soyons plus qu’attachés à notre Constitution, à la protection de nos institutions et à la protection de notre démocratie. Pour ce qui concerne vos observations, MM. Léaument et Coulomme, vous avez peut-être envie de voir votre leader arriver au pouvoir, mais j’aimerais vous rappeler quelques chiffres. Ces pétitions ont recueilli respectivement 66 000 signataires – pas forcément électeurs d’ailleurs – et 6 000 signataires. Or rien qu’au premier tour des élections présidentielles, M. Macron a recueilli, en 2017, 8 657 326 voix, et en 2022, 9 785 578 voix. J’entends que ces chiffres puissent ne pas vous convenir et vous donner un sentiment d’échec – ce qui est le cas malheureusement – mais si M. Jean-Luc Mélenchon ne l’a pas emporté, vous devez accepter les résultats des urnes. Plus précisément, je vous rappelle, M. Léaument, que ce n’est pas seulement l’Assemblée nationale qui décide de la destitution d’un Président de la République dans notre Constitution, mais que le Sénat décide également, les deux à la majorité des deux-tiers. J’entends votre demande de révolution permanente mais pardon, elle n’est absolument pas d’actualité, et il serait temps d’accepter les résultats des urnes que je viens d’indiquer.

Pour répondre à M. Iordanoff, vous parlez de fragilité mais je pense le contraire : nous sommes dans un système de stabilité totale. Je vous rappelle que la Constitution de la Cinquième République est celle qui a battu le record de longévité – sachant que la Troisième République ne pouvait pas être modifiée à cause de l’état de guerre. Cela garantit la stabilité de nos institutions, y compris lorsque nous traversons de grandes crises : cela va de la guerre d’Algérie aux attentats, aux Gilets jaunes, au Covid, à la guerre en Ukraine, etc. Malgré tout, nos institutions tiennent. Je m’étonne qu’on veuille encore remettre en cause ces institutions et notre Constitution eu égard à ces faits parfaitement établis.

Concernant l’intervention de M. Ménagé, je vous rappelle que nous ne sommes pas ici en campagne présidentielle ou européenne, et je pense que ce n’était absolument pas le lieu. J’entends votre espoir, mais j’ai bien peur que le résultat des urnes ne soit décevant pour vous. Résultat auquel nous nous plierons bien entendu en tant que démocrate.

Je pense avoir répondu à l’ensemble des remarques. La critique est possible et est toujours entendable, car nous sommes une belle démocratie. Je pense que les Oppositions reconnaîtront aisément qu’elles ont largement l’occasion de s’exprimer. C’est aussi grâce à notre Constitution, et je suis heureuse qu’elle puisse s’appliquer encore très longtemps.

La commission adopte successivement les propositions de classement des pétitions nos 1123 et 1484.

En conséquence, les pétitions nos1123 et 1484 sont classées.

M. le président Sacha Houlié. Nous arrivons à la dernière pétition intitulée : « Soutenez la nouvelle pétition en faveur du référendum d’initiative citoyenne constituant, amendée après passage en commission ». Madame la rapporteure, vous avez la parole.

Mme la rapporteure.  La pétition n°1559, qui a recueilli un peu plus de 7 000 signatures, propose de nouveau la création d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC) en matière de révision constitutionnelle en modifiant l’article 89 de la Constitution relatif à la procédure de révision.

La proposition de révision constitutionnelle d’initiative citoyenne serait d’abord soumise à un contrôle de recevabilité assuré par le Conseil constitutionnel. Si elle était recevable et soutenue par 700 000 citoyens, elle devrait alors être obligatoirement soumise à référendum. La pétition demande également la suppression de l’alinéa 3 de l’article 89 de la Constitution, afin que les révisions constitutionnelles initiées par le Président de la République ou les parlementaires ne puissent plus être approuvées par la voie du Congrès, mais seulement par la voie du référendum, s’inspirant ainsi de la pratique d’autres pays comme la Suisse ou l’Irlande.

Actuellement, en application de l’article 89 de la Constitution, l’initiative d’une révision constitutionnelle appartient au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement. Après un vote du projet de révision par les deux chambres en termes identiques, le Président peut décider de le soumettre soit au référendum, soit au Parlement réuni en Congrès. Dans ce dernier cas, le projet est approuvé s’il réunit les trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Je vous rappelle que la Constitution de la Cinquième République a été révisée vingt-quatre fois. Sur ces vingt-quatre révisions constitutionnelles, deux ont été approuvées par la voie du référendum. D’abord, en 1962, au sujet de l’élection du Président de la République au suffrage universel, dans le cadre d’une révision effectuée par un référendum dans le cadre de l’article 11 de la Constitution. Puis, en 2000, c’est aussi par référendum qu’a été décidée la réduction de sept à cinq ans de la durée du mandat présidentiel, par le biais de la procédure de révision prévue par l’article 89 de la Constitution, c’est-à-dire après l’adoption du texte de la révision par les deux assemblées.

La révision de l’article 89 promue par la pétition viserait à renforcer la participation directe des citoyens, mais elle poserait plusieurs difficultés très sérieuses. Tout d’abord, le Parlement serait totalement exclu du processus de révision de la Constitution, puisque toute révision constitutionnelle ne serait approuvée que par les citoyens et non par le Congrès. Aucune distinction ne serait faite selon que l’initiative est d’origine présidentielle ou parlementaire. Or on se priverait alors d’une voie utile pour réviser la Constitution, qui peut être, en pratique, plus adaptée lorsque la révision ne porte que sur des sujets techniques ou ciblés.

Car, contrairement à ce qu’affirme la pétition, la plupart des révisions constitutionnelles avaient une dimension essentiellement technique ou juridiquement complexe, ou encore étaient justifiées par la nécessité d’éviter toute contradiction entre le texte de notre Constitution et des traités ou engagements internationaux. Il en va ainsi, par exemple, de la révision constitutionnelle de 2007 relative à la responsabilité du chef de l’État afin de clarifier des interprétations du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, ou encore de la révision de 1999 relative au statut de la Cour pénale internationale par exemple.

La pétition cite en exemple le modèle de révision constitutionnelle suisse. Je vous rappelle néanmoins que, dans ce pays, une initiative citoyenne de révision constitutionnelle doit faire intervenir le Parlement fédéral pour approuver le vœu formulé, pour traduire le vœu formulé en vue d’une intégration dans la Constitution, ou encore pour formuler une contre-proposition. Le Parlement suisse n’est donc pas exclu du processus. Au contraire, le modèle proposé par la pétition aboutirait, en excluant totalement notre Parlement du processus de révision constitutionnelle, à affaiblir notre démocratie représentative.

Ensuite, la pétition propose un contrôle de l’objet de la révision constitutionnelle par le Conseil constitutionnel, lequel devrait statuer dans un délai de vingt jours « à l’issue duquel la proposition est considérée comme valide ». On peut ici mesurer la dangerosité d’une telle proposition : si le juge constitutionnel ne se prononçait pas dans un délai, qui au demeurant, serait très court, alors l’initiative serait supposée recevable, quand bien même elle soulèverait des difficultés juridiques majeures, par exemple en portant atteinte à des droits fondamentaux par ailleurs reconnus par notre Constitution. En outre, aucun nombre minimal de signatures n’étant requis pour saisir le Conseil constitutionnel de la recevabilité juridique d’une telle initiative, notre juridiction suprême serait sans cesse saisie d’initiatives individuelles, dont certaines pourraient être peu sérieuses ou ne recueillir par la suite presque aucune signature.

Par ailleurs, un référendum pourrait être organisé après recueil de 700 000 signatures. Ce seuil serait très faible en comparaison avec le référendum d’initiative partagée prévu à l’article 11 de la Constitution, qui suppose le soutien d’un dixième du corps électoral, soit quasiment cinq millions de citoyens !

Il semble dès lors incohérent d’avoir un seuil élevé pour l’adoption d’une loi ordinaire, mais un seuil faible pour l’adoption d’une loi constitutionnelle. Vous comprenez qu’un tel seuil risquerait d’engendrer une grande instabilité du texte constitutionnel et de mettre en péril la solidité de nos institutions – auxquelles nous sommes tous très attachés. Au contraire, toute modification de notre norme suprême doit être mûrement réfléchie…

Enfin, la révision de l’article 89 que promeut cette pétition préciserait qu’aucune révision ne peut restreindre les droits civils et politiques – on peut s’étonner que la pétition ne mentionne pas ici les droits économiques et sociaux ayant valeur constitutionnelle.

Bien que la restriction proposée résulte d’une louable intention, elle aurait de toute façon une portée limitée. En effet, le pouvoir constituant dérivé conserverait tout de même la possibilité de remettre en cause ces limites en révisant le texte de l’article 89 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs précisé, dans une décision du 2 septembre 1992, que le pouvoir constituant peut abroger, modifier ou compléter des dispositions de valeur constitutionnelle, et peut également introduire des dispositions nouvelles dérogeant à des règles ou principe de valeur constitutionnelle.

La stabilité de nos institutions requiert que toute modification de la Constitution soit faite avec parcimonie et soit pleinement mesurée. Le système proposé par cette pétition n’est pas convaincant et nous éloignerait beaucoup de cet objectif.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, de classer cette pétition.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). La question de la révision constitutionnelle est importante. Le dispositif qui est proposé ne nous convient pas tout à fait dans la mesure où il supprime l’alinéa 3 de l’article 89, et donc la procédure d’approbation par le Parlement réuni en Congrès. Je pense néanmoins que le débat est inoffensif et même nécessaire, et nous serons donc favorables à ce que cette pétition suive son cours. Il nous semble que dans la situation actuelle, nous faisons face à un déséquilibre entre le Parlement et le Président de la République. L’initiative du référendum est uniquement entre les mains du Président de la République. Pourquoi cette dissymétrie ? Pourquoi écarter d’emblée l’initiative citoyenne en matière constitutionnelle ? On peut être d’accord sur le fait que le délai proposé est problématique, et qu’il faudrait encadrer davantage le processus, mais dans les pays où existent des référendums d’initiative citoyenne en matière constitutionnelle, nous n’observons pas d’instabilité juridique ou d’écroulement de l’État. Je pense donc que le débat mérite d’aller à son terme et nous sommes donc favorables à ce que cette pétition prospère.

M. Philippe Pradal (HOR). Cette pétition nous propose de procéder à une réforme d’ampleur de l’article 89 de la Constitution, et toute réforme constitutionnelle doit être abordée avec beaucoup de prudence. Nous souscrivons complètement à l’analyse juridique et aux considérations politiques exprimées par notre rapporteure. Même s’il convient de relever que le modèle actuel de notre démocratie représentative est en souffrance – la participation aux élections, notamment nationales, et la participation des citoyens au débat public le démontrent – nous ne croyons pas qu’opposer la démocratie représentative et la démocratie directe, aboutissant quasiment à une opposition des souverainetés, soit la bonne méthode pour y arriver. Nous devons adopter un point de vue plus large. Peut-être pourrions-nous nous inspirer de la démocratie locale, où le pouvoir de décision n’appartient pas à l’électeur, et pourtant, dans les élections locales, ils sont encore sensiblement plus nombreux à voter que lors des élections nationales. Cela démontre que d’autres prismes de réflexion sont possibles que celui de la réforme constitutionnelle, avec tous les défauts relevés par Mme la rapporteure. Nous serons donc en faveur du classement de cette pétition. Je citerai Alexis de Tocqueville : « Les peuples démocratiques haïssent souvent les dépositaires du pouvoir central mais ils aiment toujours ce pouvoir lui-même. » Quant à François Mitterrand, il a déclaré : « La démocratie, c’est aussi le droit institutionnel de dire des bêtises ! »

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous sommes favorables à l’extension du cadre du recours au référendum. Ce recours suscite parfois des interrogations. En demandant de répondre à une question par « oui » ou « non », le pouvoir peut aussi être tenté de poser une question avec une réponse déjà préparée. Par exemple : « Faut-il encadrer la liberté sur les réseaux sociaux pour protéger nos concitoyens des fausses nouvelles ? » La réponse se trouve alors déjà dans la question posée. Nous sommes favorables au fait de donner plus de place à l’initiative populaire.

Je note que la mise en place d’un système de référendum sur l’initiative d’un cinquième du Parlement ou d’un dixième des inscrits sur les listes électorales avait été envisagée dès 1993. Cependant, cet élargissement devait être accompagné de l’introduction d’un contrôle préventif de la constitutionnalité du projet de loi référendaire, et ce contrôle, selon les termes de l’époque, était censé éviter que, par le biais des consultations référendaires provoquées dans un moment de trouble ou de violente émotion peu propice à la réflexion, des valeurs constitutionnelles fondamentales, des libertés ou des droits essentiels ne soient mis en cause. Nous devons toujours garder cela à l’esprit lorsqu’il s’agit d’aborder un sujet par voie référendaire. Un autre système envisagé serait de réinterroger le peuple dans un délai raisonnable pour valider le résultat du premier vote. L’initiative populaire fait partie de la démocratie mais un encadrement de cette expression est nécessaire. Nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que cette pétition suive son cours ; cependant, nous devons aussi nous interroger, y compris avec le Gouvernement et le Président, sur les évolutions à prévoir dans notre Constitution pour pouvoir permettre l’expression populaire.

Mme Blandine Brocard (Dem). Notre groupe est évidemment particulièrement sensible à toute réflexion portant sur le renouveau de nos institutions et tout ce qui pourrait revitaliser notre démocratie. Pour autant, ces initiatives doivent être accompagnées de garanties constitutionnelles suffisantes et s’inscrire dans une réflexion globale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De nombreux effets de bord sont possibles, comme ceux identifiés par Mme la rapporteure – que nous partageons. Si l’on considère le modèle suisse évoqué par la pétition, il peut être inspirant, mais chez nos voisins suisses, la représentation nationale demeure présente dans le processus de révision constitutionnelle. Je crois important de rappeler qu’en tout état de cause, notre assemblée est la représentation nationale, et cela à l’issue d’un suffrage universel direct et ainsi pleinement démocratique. Les modulations grevant cette nouvelle pétition ne nous ayant pas convaincus, nous voterons à nouveau pour son classement.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Le droit de modifier la Constitution est un droit constitutionnel consacré par le préambule de cette même Constitution de 1958. Néanmoins, au regard de sa rédaction actuelle, l’article 89 de cette Constitution permettant ce droit de révision ne laisse pas de place à l’exercice de la souveraineté populaire puisqu’elle en réduit l’initiative à deux corps seulement : celui de l’exécutif, le Président de la République et le Gouvernement, et celui des parlementaires. Cette restriction prive l’initiative populaire de sa parfaite légitimité. Pire encore, lorsque l’initiative provient de l’exécutif, l’alinéa 3 de l’article permet de contourner le référendum en le remplaçant par un vote du Parlement. C’est ce fameux contournement qui a été appliqué vingt-deux fois sur les vingt-quatre révisions constitutionnelles depuis 1958.

Nous voyons donc que ce texte a été totalement détourné de la possibilité de l’expression de la souveraineté populaire, et c’est pour cela qu’un grand nombre de nos concitoyens veulent lui redonner son essence initiale à travers cette nouvelle pétition, qui entend rendre possible une proposition de révision à l’initiative du peuple et non pas seulement aux seuls exécutifs et parlementaires, et supprimer la possibilité, pour le Président de la République, de se passer du référendum à l’issue du débat entre les deux assemblées au cours du projet de révision. Non seulement nous soutenons cette pétition populaire, mais encore nous la soutiendrons législativement par le dépôt prochain d’une nouvelle proposition de loi constitutionnelle qui consacrera ces deux possibilités et qui fera réellement progresser notre Constitution et la démocratie, contrairement aux récentes intentions subversives du monarque présidentiel en matière de modification de notre Constitution. Bien entendu, nous tiendrons compte de certaines de vos remarques, qui sont justifiées, par rapport à l’application d’un tel dispositif, qui sera régi également par la complémentarité d’une loi organique qui en fixera les modalités d’application.

Mme Edwige Diaz (RN). La pétition renvoyée à la commission des Lois a pour objet de soutenir le référendum d’initiative citoyenne constituant. Les députés du groupe Rassemblement national ne sont pas favorables à cette initiative. En proposant ce RIC constituant, les auteurs de cette pétition se font les porte-voix d’une France Insoumise ayant fait du passage à la Sixième République son cheval de bataille depuis plusieurs années. En permettant de modifier à outrance la Constitution, clef de voûte des institutions de la République, nous prenons le risque d’une instabilité préjudiciable à notre régime politique.

En revanche, le Rassemblement national est très largement favorable à l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne. Au-delà d’être l’une des demandes constantes et légitimes des Gilets jaunes, le RIC constituerait un outil de démocratie salvateur pour la juste expression des opinions du plus grand nombre. Saisis par 500 000 citoyens et sans nécessité de passage par le Parlement, les citoyens disposeront, avec le RIC, d’un moyen concret pour contraindre l’organisation de grandes consultations nationales sur des sujets d’ampleur, qu’il s’agisse d’immigration, de sujets de société ou encore de pouvoir d’achat. Face au spectre d’une abstention grandissante et face à l’inefficacité et à la quasi-inapplicabilité de l’actuel référendum d’initiative partagée, modifier en profondeur notre vision de la participation des citoyens au débat est primordial, sans pour autant remettre en cause la Constitution. À n’en pas douter, cette modification serait soutenue par les Français puisque 77 % d’entre eux se déclarent en faveur de l’instauration du RIC. Nous en appelons ainsi à la raison des autres groupes politiques : n’ayez pas peur du peuple, écoutez-le, en soutenant la proposition de Marine Le Pen visant à instaurer un référendum d’initiative citoyenne !

M. Ludovic Mendes (RE). La commission des Lois est devenue une commission de publicité pour les partis politiques ! C’est assez hallucinant…

J’ai juste une question : de mémoire, il y a moins de six mois, nous avons vu une pétition similaire. Comme pour la BRAV-M, devons-nous revoir tous les six mois les mêmes pétitions, sachant que nous les classons ? Un rappel historique : le 17 novembre 2022, la commission des Lois a rejeté une proposition de loi constitutionnelle du groupe LFI prévoyant l’abaissement des seuils pour déclencher un référendum d’initiative partagée, le 30 novembre 2019, une proposition de loi constitutionnelle du groupe LFI prévoyant la création d’un référendum d’initiative partagée avait elle aussi été rejetée par la commission des Lois… Je rappelle aussi que la révision de l’article 89 proposée exclut totalement le Parlement. C’est assez inquiétant de voir des parlementaires dire qu’ils veulent absolument contourner le Parlement pour donner la parole au peuple sans aucun garde-fou ! Cela soulève des questions sur le rôle de l’Assemblée nationale, qui est le cœur battant de la démocratie, une démocratie représentative. Le contourner démontre une seule chose : une envie d’anarchie. Prévoir un référendum à la seule initiative des citoyens, sans impliquer ces garde-fous que sont le Parlement et la Constitution, est une dérive totale. Certes, la démocratie n’est pas parfaite et elle est perfectible. D’ailleurs, il me semble qu’aux rencontres de Saint-Denis avec le Président de la République et la Première ministre prévues à la fin du mois, un débat est prévu sur le RIP, afin de le faire évoluer et de modifier la Constitution. Tout le monde est donc conscient d’un besoin d’évolution mais ne pas prévoir de garde-fou, c’est le risque de voir la démocratie s’écrouler et dégénérer en dictature 

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il me semble que les masques tombent ! Si vous avez peur que le peuple puisse réformer sa Constitution, c’est que vous avez peur du peuple lui-même. D’ailleurs, M. Mendes, vous avez été clair en parlant de « garde-fous ». Considérez-vous donc que le peuple est fou ? Ce n’est pas entendable.

L’article 3 de notre actuelle Constitution dit : « La souveraineté nationale appartient au peuple ». Le peuple est donc souverain dans notre pays. Comme vous le savez, je suis amateur d’histoire. Je suis donc remonté à la Constitution de la Première République de 1793. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de l’époque disait, dans son article 25, un message similaire à notre Constitution actuelle : « La souveraineté réside dans le peuple ». L’article 28 me plaît particulièrement : « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » C’est absolument magnifique. Lorsque la Constitution de 1958 a été réalisée et approuvée par un référendum, ma génération, pas plus que la vôtre d’ailleurs, n’a rien pu dire sur ce texte. Depuis, la Constitution a été réformée vingt-quatre fois, par des voies diverses et variées, mais le peuple n’a eu son mot à dire que deux fois.

Nous pensons que le temps est venu que le peuple puisse s’exprimer à nouveau sur ses institutions et sur sa Constitution. Parce que nous pensons que c’est utile. Vous allez me répondre que c’était ce qui était proposé au moment de l’élection présidentielle par Jean-Luc Mélenchon, et que Jean-Luc Mélenchon n’a pas gagné… C’est exact, mais il a réuni huit millions de voix. Huit millions de personnes aspirent au fait que nous puissions changer notre Constitution. Cette aspiration grandit à mesure que vous utilisez des outils autoritaires de la Cinquième République, comme le 49.3 ! Le temps du changement de notre Constitution viendra, que vous le vouliez ou non, car il est temps que le peuple revoie ses institutions.

Mme la rapporteure. M. Léaument, vous comparez huit millions de personnes qui ont déposé un bulletin dans l’urne pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour aux sept mille signataires de cette pétition… Je pense que la comparaison n’est pas raison. Vous parlez de l’article 3 de la Constitution mais vous en oubliez une partie. Cet article dispose effectivement que la souveraineté appartient au peuple mais il y a une suite : cette souveraineté s’exprime aussi par la voix de « ses représentants ». L’article 3 dispose ensuite que « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » Et là, nous sommes en plein dans le sujet du suffrage universel ; le vote du peuple qui s’exprime par sa voix.

Le référendum local existe et il est pratiqué dans de nombreuses communes de France. Récemment, les Parisiens ont même voté au sujet des trottinettes. Il n’en demeure pas moins que la volonté de tout changer sans passer par nos institutions et surtout en prévoyant qu’une très faible partie du corps électoral serait suffisante, ne me semble pas conforme à la démocratie représentative qui nous est précieuse, d’autant plus que cette proposition exclut totalement l’intervention du Parlement. Or les députés que nous sommes, élus lors des élections législatives, siégeons au nom du peuple français. Pour poursuivre avec les propos de M. Iordanoff, vous déclarez qu’il y aurait une prédominance du Président de la République dans nos institutions mais au risque de vous contredire, le Sénat et l’Assemblée nationale que nous sommes représentent la Nation et l’expression des citoyens. La démocratie participative permet justement aux représentants que le peuple a élus de prendre des décisions et aux oppositions de proposer d’autres décisions – qui parfois sont même adoptées. Cela permet aussi de laisser le soin de dire aux élections suivantes s’il faut éliminer ceux qui ont été élus par le peuple ou s’il faut les maintenir. C’est la raison pour laquelle que je pense que ce référendum doit être utilisé, mais toujours avec parcimonie, pour préserver la nécessaire stabilité de nos institutions.

Je poursuis avec l’intervention de M. Coulomme. Je pense qu’il est totalement abusif de qualifier le vote du seul Parlement de détournement. Au risque de me répéter, nous sommes la voix du peuple ! Le peuple n’est pas constitué de vos seuls électeurs ! Le peuple est celui qui a élu la Majorité présidentielle que nous représentons et qui a élu un Président de la République qui s’appelle Emmanuel Macron ! C’est le contraire d’un détournement : c’est la possibilité donnée au peuple de s’exprimer comme il l’a fait. À vous de l’accepter…

Pour terminer, à propos de l’intervention de Mme Karamanli, certes la démocratie locale existe avec les référendums locaux et c’est tant mieux, mais je continue à penser que nous devons recourir avec une grande parcimonie aux référendums sur notre Constitution.

Au Rassemblement national, je réponds que nous ne sommes pas en campagne. Je pense que votre discours est quelque peu déplacé.

La commission adopte la proposition de classement de la pétition n° 1559.

En conséquence, la pétition n°1559 est classée.

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Puis, la commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à renforcer le contrôle des déclarations de minorité des étrangers (n° 1261) (Mme Alexandra Masson, rapporteure).

Tous les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion qui s’est tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

 

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La séance est levée à 11 heures.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Latombe, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, Mme Élisa Martin, Mme Alexandra Masson, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Aurélien Pradié, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Caroline Yadan

 

Excusés. - Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Rémy Rebeyrotte, M. Davy Rimane, M. Thomas Rudigoz, M. Raphaël Schellenberger