Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

– Audition, à huis clos, de Mme Florence Hardouin, ancienne directrice générale de la Fédération française de football 2

– Présences en réunion................................24


Jeudi
9 novembre 2023

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 42

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
Mme Béatrice Bellamy,
Présidente de la commission

 


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La séance est ouverte à neuf heures.

 

La commission auditionne, à huis clos, Mme Florence Hardouin, ancienne directrice générale de la Fédération française de football.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Madame, je vous souhaite la bienvenue pour cette audition à huis clos et vous remercie de votre disponibilité pour répondre à nos questions.

Nous avons entamé nos travaux le 20 juillet dernier. L’Assemblée nationale a décidé de la création de la commission d’enquête à la suite de très nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs et de diverses affaires judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations.

Nos travaux portent sur trois axes : les violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ; les discriminations sexuelles et raciales ; les problèmes liés à la gouvernance financière des organismes de gouvernance du monde sportif.

Vous êtes nommée responsable du développement marketing et commercial de la Fédération française de football (FFF) en 2008, puis directrice générale adjointe en 2011. C’est Noël Le Graët qui vous a recrutée. Vous êtes nommée directrice générale en 2013. Vous avez été mise à pied à titre conservatoire en janvier 2023, puis licenciée pour faute grave.

À partir de septembre 2022, comme vous le savez, des articles de presse ont fait état de graves difficultés de fonctionnement au sein de la Fédération française de football. Les faits évoqués portent sur la gouvernance et le management de la fédération et sur des faits de harcèlement ou ayant trait à des violences sexuelles et sexistes, au siège de la FFF comme au Centre national du football de Clairefontaine.

Un rapport de l’IGESR (inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche) dont une synthèse est publiée en février 2023 fait le constat d’une « gouvernance défaillante », d’une « directrice générale aux méthodes brutales et au comportement jugé erratique », d’un « président dont les dérives de comportement sont incompatibles avec l’exercice de ses fonctions et l’exigence d’exemplarité qui leur est attachée », d’une « politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le réseau fédéral ni efficace ni efficiente ».

Dans votre propos liminaire, pouvez-vous revenir sur ces dysfonctionnements, à propos desquels nous avons déjà interrogé différents représentants de la FFF ?

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Florence Hardouin prête serment.)

Mme Florence Hardouin, ancienne directrice générale de la Fédération française de football. Je précise que la mise à pied et la faute grave ont été retirées. C’est important pour moi et, je pense, pour tout le monde.

Vous m’interrogez de manière assez large sur le fonctionnement de la Fédération et sur le comportement que j’ai pu avoir, « brutal » et « erratique » selon certains.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapport de l’IGESR.

Mme Florence Hardouin. Bien sûr.

J’aimerais revenir sur le contexte et sur l’évolution de la Fédération française de football, qui peut éclairer certains dysfonctionnements.

Il faut savoir que les fédérations – je parle au pluriel, car j’en ai connu quelques-unes – sont des associations « loi de 1901 » qui, il y a vingt ou trente ans, étaient plutôt managées de façon paternaliste et n’étaient pas vraiment structurées. Les salariés y entraient parce qu’ils étaient le cousin ou l’ami d’un dirigeant ou parce qu’ils pratiquaient le sport en question, et non parce qu’ils avaient été embauchés en raison de leurs compétences. Il y a vingt ans, la Fédération française de football ne comptait qu’une cinquantaine de salariés et son chiffre d’affaires n’était que de 50 millions d’euros. Avec l’évolution du chiffre d’affaires et celle des métiers, ces associations se sont transformées et il a fallu les gérer comme des entreprises, en appliquant les méthodes de ces dernières, tout en gardant l’esprit associatif et celui du bénévolat.

À mon arrivée en 2008, j’ai mené une grosse transformation organisationnelle pour faire gagner la Fédération en efficacité. Ce n’était pas simple : des gens qui sont là depuis trente ans et n’ont jamais rien connu d’autre que la Fédération ne sont pas habitués à des méthodes de travail un peu rigoureuses. Avant d’entrer à la Fédération, j’avais passé quinze ans dans de grands groupes comme Bouygues, SFR ou Canal+, où les méthodes étaient très encadrées et les process très rigoureux, et dix ans dans l’équipe française d’escrime, où le niveau d’exigence était très élevé. Je suis exigeante, j’aime bien quand le travail est bien fait, mais toujours dans un objectif de performance et pour faire progresser l’institution. Je peux comprendre que parfois, pour certains, il y ait eu un petit peu trop de pression. J’ai pu être maladroite. Certaines personnes ont pu ne pas comprendre les méthodes de travail que j’ai appliquées, issues du monde de l’entreprise. Mais en aucun cas – le rapport que vous avez cité le souligne aussi – je n’ai eu un comportement harcelant.

Je suis très attachée au développement des collaborateurs. Je suis convaincue que ce qui fait la force d’une entreprise ou d’une institution, ce sont les femmes et les hommes qui la constituent. Vous aurez beau composer le meilleur organigramme de la terre, si vous n’avez pas les bonnes personnes au bon endroit, cela ne fonctionne pas.

J’ai mis en place des groupes de travail transverses sur la qualité de vie au travail. Je suis également convaincue que les salariés sont performants s’ils sont bien dans leur peau, si l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est préservé. J’ai aussi créé des middle managers pour que tout le monde puisse avoir sa part de responsabilité. Pour moi, le management est la clé d’une mission de dirigeance.

En ce qui concerne un comportement « erratique », j’ai été directrice générale (DG) pendant dix ans et, jusqu’en 2020, aucun problème n’est jamais sorti. Il y a eu, je pense, deux faits déclencheurs. Premièrement, la victoire en Coupe du monde, qui a attisé beaucoup de jalousies. Le poste de DG de la Fédération française de football est très exposé et très envié. Combien de fois ai-je entendu dire dans les couloirs : « De toute façon, c’est une femme, elle n’y connaît rien en foot ! » Pour se protéger, on se met une carapace. L’autre fait déclencheur a été le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) lancé, de mémoire, en 2020.

En ce qui concerne les dysfonctionnements, deux populations coexistent au sein de la Fédération française de football : ceux qui y sont entrés il y a une dizaine d’années n’ont pas du tout le même profil que ceux qui sont là depuis vingt ou trente ans, et ce n’est pas toujours évident à manager. De plus, contrairement à une entreprise, l’institution compte des élus et des bénévoles. Les modes de fonctionnement ne sont pas du tout les mêmes. Aujourd’hui, les salariés sont recrutés pour leurs compétences. Il faudrait parvenir à ce que ce soit aussi le cas de certains élus qui occupent des postes clés.

Je peux vous parler de tout ce que nous avons mis en place pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes et autres comportements.

J’ai lancé le programme Performances 2024, nom de code du programme présidentiel : en tant que DG, l’un de mes objectifs était de déployer la stratégie qui avait été définie par le président et son Comex (comité exécutif). Il y avait quatre objectifs. Deux étaient sportifs – optimiser la performance sportive et permettre à tous et à toutes de jouer partout et n’importe où –, le troisième consistait à optimiser la performance économique. Le quatrième était de s’engager dans plus de responsabilité sociale et sociétale. Il était nouveau, mais il fait partie de l’ADN du football, même si nous n’étions pas très bons pour communiquer à ce sujet. Quand l’école ne réussit pas et la famille non plus, heureusement que le petit club de foot est là pour créer du lien social et éviter à pas mal de gamins de faire des bêtises.

Cet objectif était crucial et je l’ai porté à bout de bras parce qu’il me tenait à cœur. Pour l’atteindre, j’avais créé un groupe de travail qui mélangeait des élus et des salariés et dont j’avais proposé qu’il soit copiloté par un membre du Comex et par moi-même. On se voyait tous les mois. Le groupe était très actif, ses membres très volontaires ; le sujet était important pour eux. Il y avait des salariés, des directeurs, des membres du Comex, des membres du bureau exécutif de la Ligue du football amateur (Belfa), des élus.

Il s’agissait de protéger les licenciés du harcèlement sexuel, sexiste et du cyberharcèlement et de lutter contre toutes les discriminations – l’homophobie, le racisme. Nous avons fait beaucoup de campagnes sur le vivre ensemble. Nous avions lancé un programme qui s’appelait « Marquer demain ». Il y avait aussi le programme éducatif fédéral(PEF), qui a concerné 800 000 jeunes. Le rôle des éducateurs est d’enseigner le football, mais aussi la citoyenneté et le respect de certaines règles. Le programme éducatif comprend beaucoup d’éléments pour lutter contre les violences : des fiches sont distribuées aux éducateurs, on organise des ateliers avec les gamins où on leur dit par exemple : « Si votre éducateur vient sous la douche, ce n’est pas normal, il faut le signaler. » Nous faisions la promotion de deux numéros de téléphone : le 119, pour les enfants, et la fameuse ligne téléphonique gérée d’abord avec le Comité éthique et sport, puis, quand celui-ci a arrêté, avec France Victimes. Nous avons diffusé 14 000 affiches dans tous les clubs, il y a eu des webinaires, des référents ont été désignés au sein des ligues.

Mais ce n’était pas assez, comme toujours en ce qui concerne ces sujets. Ils sont très lourds et rien ne fonctionne s’ils ne sont pas portés à bout de bras par la personne la plus haut placée dans la pyramide – à la Fédération, c’est le président. Il est plus facile de les promouvoir au sein de la Fédération, qui ne compte que 320 salariés, ou à Clairefontaine, que dans les 13 000 clubs et les vingt-trois pôles espoirs : là, la Fédération n’a pas la main ; elle doit s’appuyer sur ses référents RSE (responsabilité sociétale des entreprises), les présidents de ligue, les présidents de district, et comme elle n’a avec eux aucun lien hiérarchique ni juridique, tout repose sur la bonne volonté. C’est pourquoi il faut absolument que le président prenne ces sujets à bras-le-corps et en fasse un élément majeur de son mandat, ce qui est le cas aujourd’hui.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Le rapport de mission de l’IGESR qualifie vos relations avec le président Le Graët de « toxique[s] » et évoque un contexte de « dépendance réciproque ». Partagez-vous ce constat ? Comment qualifieriez-vous vos relations avec M. Le Graët à l’époque de votre mandat de directrice générale ?

Mme Florence Hardouin. Vous avez dit en préambule que M. Le Graët m’avait embauchée. Il m’a embauchée, mais avec le directeur général : à l’époque, M. Le Graët était chargé des affaires économiques et j’avais tout de même passé un entretien avec M. Jacques Lambert.

Comme vous le savez, une enquête de police est en cours. J’ai été auditionnée et je réserve aux enquêteurs tous mes propos concernant mes relations avec M. Le Graët.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’aimerais revenir sur quelques points de votre introduction. Votre avocate nous avait avertis par courrier sur le fait que, compte tenu de l’enquête en cours, vous ne souhaitiez pas répondre à toutes nos questions, mais il me semble qu’il y a pas mal de sujets sur lesquels il est possible d’avancer.

Vous avez parlé d’une gouvernance « paternaliste ». Nous avons déjà entendu cette formule ici, de la part de M. Borghini. Pouvez-vous détailler ce que vous entendez par là ?

Mme Florence Hardouin. Je fais le parallèle avec une entreprise. On m’a toujours appris que, dans une entreprise, on définit les enjeux, les objectifs, les plans d’action : tout est structuré, on sait où on va, il y a une feuille de route et on mesure le résultat.

Quand je dis « paternaliste », c’est parce qu’à l’époque, il n’y avait ni programme présidentiel, ni feuille de route, ni objectifs précis. L’objectif ? On se disait que c’était de faire jouer au foot, qu’il y ait des licenciés… Ce n’était pas structuré comme aujourd’hui : des fiches de poste existent, chaque salarié a ses objectifs, des entretiens annuels ont lieu, il y a des comités de direction, des entretiens individuels, une direction des ressources humaines (DRH). Lorsque je suis arrivée, le président de l’époque n’avait jamais géré une entreprise ni même une institution : ce n’était pas évident pour lui.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez-vous revenir sur ce qui s’est passé au moment de l’Euro 2021 ? M. Didier Deschamps nous a indiqué que M. Noël Le Graët avait donné la consigne que vous ne soyez plus en lien avec le sélectionneur et son staff au moment de l’Euro.

Mme Florence Hardouin. Je vais refaire un petit historique, en repartant de Knysna. À chaque Coupe du monde et à chaque Euro, les équipes de France vont dans une espèce de camp de base, une bulle. Il y a ce que l’on appelle le staff de l’équipe de France, d’une part, et l’administration, d’autre part. Il faut un lien entre les deux : l’équipe de France ne peut pas faire ce qu’elle veut et les joueurs ont toujours des besoins. Chaque fois, il y avait quelqu’un de l’administration : en 2010, c’était le directeur général délégué, mais cela ne s’est pas très bien passé et il a été décidé que soit le DGA, soit le DG serait présent auprès de l’équipe de France pour faire le trait d’union avec le président.

J’ai été appelée à la rescousse pour la Coupe du monde au Brésil – je venais d’être nommée DG, il y avait déjà un DGA sur place. J’ai aussi été en immersion avec l’équipe de France pour l’Euro en 2016 puis en 2018, en Russie. En 2021, pendant le covid, j’étais encore avec eux ; le président m’avait dit : « Moi, je ne viendrai pas, je ferai juste l’aller-retour, j’arrive le matin du match et je repars le soir. »

Comme vous le savez, l’Euro 2021 s’est assez mal passé : la France a été éliminée en huitièmes de finale, à dix minutes de la fin, alors qu’elle menait 3 à 1. Et quand on perd, il faut toujours trouver des excuses. Il y a eu pas mal de soucis, comme toujours en cas de défaite, et c’est moi qui ai dit au président : « Vu tout ce qui s’est passé, je ne souhaite plus être au sein de l’équipe de France », ce que je faisais en plus de mon job ; « j’ai trop souffert. »

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de visionner l’audition de M. Didier Deschamps. Il a indiqué que c’était une consigne de Noël Le Graët que vous ne soyez plus rattachée au staff à partir de ce moment-là.

Mme Florence Hardouin. J’avais un patron qui était Noël Le Graët. Je lui ai dit – je lui ai même écrit – que je ne voulais plus être dans le staff de l’équipe de France. Ensuite, je ne sais pas ce qu’il a dit à Didier Deschamps, ça le regarde ; ce que je sais, c’est que je lui ai dit cela et que je le lui ai écrit.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Une autre question, que nous avons également posée à M. Le Graët, concerne le montage financier complexe pour les montres de luxe destinées à l’équipe de France en 2018. Il nous a dit qu’il était en désaccord avec ce montage et quand nous lui avons demandé s’il avait essayé de l’empêcher, il nous a répondu qu’au moment où il en avait eu connaissance, il était déjà trop tard pour empêcher quoi que ce soit.

Mme Florence Hardouin. L’équipe de France est alors championne du monde. Il est de tradition que les joueurs, quand ils gagnent une Coupe du monde ou une Ligue des champions, reçoivent un cadeau de la Fédération ou du club – est-ce une bonne chose ou non ? –, en général une montre.

Le président me dit : « Florence, ce qui serait bien, ce serait d’offrir en cadeau aux joueurs une montre gravée “champion du monde”. Trouvez-moi une solution. » Avec l’équipe marketing, je décide d’essayer de négocier des montres gratuites. C’est un contrat de marketing, un contrat de sponsoring classique : vous nous offrez les montres, en échange on vous donne de la visibilité. Ça ne marche pas, on n’arrive pas à obtenir la gratuité ; mais IWC a été d’accord pour un échange marchandises – 70 % de réduction, une grosse décote tout de même, ce qui mettait le prix de la montre à 3 000 euros par personne au lieu de 7 000 ou 7 500, en contrepartie de quoi ils ont obtenu de la visibilité : des panneaux dans les loges et, je crois, au stade. Ce n’est pas du tout un montage compliqué, c’est un montage classique de sponsoring. Un contrat de marketing en bonne et due forme a été signé, vous pourrez l’avoir.

Qui a reçu une montre ? L’ensemble des joueurs – je pense qu’ils étaient vingt-trois à l’époque –, l’ensemble du staff – une petite vingtaine de personnes –, et le président Noël Le Graët a demandé une montre. Je précise que je n’en ai pas eu.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous avons déjà auditionné beaucoup de personnes de la Fédération, et des éléments de son fonctionnement nous échappent. Je connais bien la vie associative et je vous rejoins concernant les enjeux de montée en puissance et de structuration. Bien que 300 personnes environ travaillent désormais à la Fédération, et comme nous l’a dit Noël Le Graët, des choses très graves sont passées à la trappe. Je pense à l’affaire Galletti. Vous étiez directrice générale. Comment se fait-il que les membres du Comex que nous avons entendus n’aient pas été au courant ? Comment cet arbitre a-t-il pu continuer aussi longtemps son harcèlement envers de jeunes arbitres sans que des sanctions soient prises ? Étiez-vous informée ? Qu’est-ce qui a bloqué au niveau du Comex pour qu’il ne soit pas sanctionné et radié beaucoup plus vite ?

Mme Florence Hardouin. Je suis d’accord avec vous en ce qui concerne la gravité des faits. J’ai appris cette histoire par la presse. Nous avons tout de suite réuni le comité de conformité, que j’avais créé pour traiter tous les cas de corruption, de conflit d’intérêts, de harcèlement moral et sexuel. Le président de la Ligue de football amateur a été averti et, surtout, celui qui était chargé de ces questions : M. Éric Borghini, président de la CFA, la commission fédérale de l’arbitrage. Il s’est emparé du sujet avec les membres du Comex. Il faut leur demander pourquoi les sanctions n’ont pas été plus lourdes. Ils ont traité, je pense, avec le président de la ligue de Paris, à laquelle appartenait l’arbitre. Je sais que quand j’en ai parlé en comité de conformité, il en a été tenu compte puisque ce point a été abordé une fois en Comex – j’en suis sûre – et certainement en Comex avec le football amateur – il faut leur poser la question.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Cela veut dire que, dans vos fonctions, vous n’alliez pas jusqu’au bout des choses. Vous l’avez dit, vous étiez aussi là pour protéger les joueurs, les bénévoles, les arbitres, les dirigeants. Ce point est abordé en Comex et, derrière, plus rien. On sait pourtant bien qu’il s’agit de dirigeants et que les dirigeants essayent très souvent de protéger leurs pairs.

Mme Florence Hardouin. Cela me gêne de vous entendre dire qu’une fois que c’est passé au Comex, je ne fais plus rien. Il faut comprendre que j’avais un patron, que j’étais soumise à un lien de subordination avec le président. Il y a un Comex qui est souverain, un président de la CFA. Je ne me souviens pas de tout et je n’ai pas tous les écrits, mais, une fois M. Borghini suffisamment alerté, l’affaire était de sa responsabilité. Il s’agissait d’un arbitre de la ligue de Paris.

Je le répète – et c’est un élément des dysfonctionnements –, il n’y a pas de lien hiérarchique ni juridique entre la Fédération et la Ligue. Vous avez beau déployer telle ou telle action, si la Ligue ou le district ne veut pas le faire, ils ne le feront pas. Quant aux échanges qu’il y a eu entre le président de la Ligue et le président de la CFA, je n’en sais rien, il faut le leur demander, mais, de mémoire, Éric Borghini avait demandé que le président de la Ligue de Paris fasse un article 40. Je vous avoue que c’était, de mémoire, vers octobre-novembre, juste au moment où, pour moi, c’était un peu compliqué. Demandez-leur plus de précisions.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pourrez-vous nous fournir les échanges de mails, s’il vous plaît ?

Mme Florence Hardouin. Je n’ai plus accès à mes mails. Je peux regarder. Entre Éric Borghini et… ? Ou le comité de conformité ?

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Et vos échanges. Vous avez peut-être gardé des archives ?

Mme Florence Hardouin. La direction juridique, qui a été impliquée, doit avoir gardé des échanges.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. On comprend de ce que vous nous avez dit que vous aviez demandé plusieurs fois à M. Borghini d’intervenir. Est-ce que cela a été abordé dans les Comex ?

Mme Florence Hardouin. Oui.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous demanderons les procès-verbaux du Comex au sujet de cette affaire.

Ce qui nous a surpris, c’est que, alors que M. Galletti a été démis de ses fonctions en assemblée générale et qu’un PV en atteste – c’est M. Borghini qui préside la séance –, il n’est indiqué nulle part que cela fait suite à des problèmes très graves qui pourraient donner lieu à des sanctions, par exemple une suspension de licence, des mesures internes à la Fédération. Aucune sanction n’est prise. Est-ce habituel ?

Mme Florence Hardouin. Je n’ai pas eu connaissance d’autres cas aussi graves. Mais, sincèrement, je ne me souviens pas. Demandez à ceux qui en étaient chargés à l’époque : M. Borghini, le président de la Ligue de football amateur ; je me souviens que cela a été abordé, bien sûr, en Comex et même, j’en suis sûre bien que je n’y aie pas siégé, à ce que j’appelle le Comex du foot amateur – le Belfa.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’en reviens aux montres. M. Le Graët nous a dit qu’il était en désaccord avec le montage financier. Vous souvenez-vous qu’il l’était ? Vous l’a-t-il écrit ? Vous l’a-t-il dit ?

Au moment où vous passez ce contrat, est-ce abordé en Comex ? Est-ce que vous en discutez quelque part ou est-ce qu’on vous laisse gérer ce dossier toute seule ?

Mme Florence Hardouin. Sur le premier point, non, absolument pas : il a bénéficié d’une montre, il en était d’ailleurs content, et c’est lui qui a remis l’ensemble des montres aux joueurs et au staff.

Effectivement, il m’a demandé de gérer le dossier en me disant de trouver une solution. J’essaye, avec le marketing, de négocier la gratuité ; on n’y arrive pas ; on obtient déjà 70 % de remise, ce qui est quand même pas mal, même si cela représente un certain montant, bien sûr. Cela a coûté 3 000 euros par personne à la Fédération.

Ce n’est pas du tout un montage – je ne sais plus quelle formulation vous avez utilisée…

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Complexe.

Je peux vous donner les montants : la valeur commerciale totale était de 364 800 euros TTC et la FFF s’engageait à acheter pour un prix remisé de 145 920 euros TTC.

Mme Florence Hardouin. À diviser par 40 – vingt-trois joueurs, vingt membres du staff, le président. Je me souvenais de 3 000 euros par personne ; 130 000 divisé par 40 fait bien 3 000.

Quand on fait du sponsoring, on vend du droit à l’image et on pratique souvent ce qu’on appelle de l’échange marchandises : en contrepartie d’une réduction ou de la gratuité, la marque bénéficie d’une image, en l’occurrence celle de l’équipe de France. Pendant un an, il y avait des panneaux dans les loges, on a fait des articles, il y a eu des trucs sur les réseaux sociaux…

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je peux même vous préciser ce qui était prévu en contrepartie : en plus du reste, mettre à disposition des billets, le cas échéant en loge, pour les matchs au Stade de France, permettre aux invités d’IWC d’assister en VIP aux entraînements à Clairefontaine, remettre les maillots de l’équipe de France et les ballons de la Coupe du monde 2018 dédicacés par les joueurs, etc.

M. Le Graët nous a dit qu’il n’avait aucun pouvoir pour s’opposer à ce contrat. Pouvez-vous revenir sur les discussions que vous avez eues à ce moment-là à ce sujet ?

Mme Florence Hardouin. M. Noël Le Graët est alors le président de la Fédération : c’est lui qui a tous les pouvoirs. Moi, j’ai un contrat aux termes duquel je suis une subordonnée et je fais ce que mon patron me dit de faire.

Il existe des règles en matière d’engagements budgétaires. Tout engagement supérieur à 300 000 euros doit passer en Comex. Même si, en tant que DG, j’avais le pouvoir d’engager des dépenses – pas de les payer – jusqu’à 300 000 euros, c’était à condition que ce soit à l’intérieur d’un budget validé par le Comex.

Le président me dit : « Trouvez une solution. » Qu’est-ce que je fais ? Je trouve une solution. Les joueurs de l’équipe de France sont champions du monde, donc ce sont un peu les rois du monde, et quand ils demandent quelque chose, c’est bien de leur faire plaisir. Évidemment, il ne faut pas que la demande soit démesurée. Les joueurs le savent très bien, il y a des sommes complètement folles ; quand vous êtes champion du monde, vous recevez des dotations de la Fifa de plusieurs millions. Il y a eu un cadeau pour les joueurs, les membres du staff et le président, d’une valeur de l’ordre de 3 000 euros par personne. Cela a coûté 130 000 ou 140 000 euros à la Fédération. Il y a eu des contreparties. Je ne sais pas quoi vous dire d’autre.

Je n’ai pas d’écrits – le président n’en faisait jamais – où il me dise « faites ci, faites ça » ou « je ne suis pas d’accord avec vous ». Ce que je vous dis est factuel : les joueurs, le staff et le président ont eu une montre.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez précisé que vous aviez l’autorisation d’engager sans payer jusqu’à 300 000 euros après validation du Comex, ce qui veut dire que la transaction dont nous parlons a été validée par le Comex.

Mme Florence Hardouin. Non. Selon le règlement de la Fédération, toute dépense supérieure à 300 000 euros doit être validée en Comex. Mais même si je ne dépense que 130 000 euros, je ne peux pas les débourser comme ça : il faut que ce soit dans le cadre du budget voté et approuvé par le Comex et l’assemblée générale. Une dépense de 120 000 euros n’a pas besoin de passer au Comex puisque son montant est inférieur au seuil de 300 000 euros.

Il faudrait savoir si le président en a parlé au Comex ; je ne le sais pas, mais je ne pense pas : la Coupe du monde s’est terminée en juillet et il fallait s’occuper des montres en urgence pour que le président puisse les remettre aux joueurs au rassemblement suivant, en septembre, ce qui veut dire que nous avons eu un mois et demi pour négocier.

M. Stéphane Buchou (RE). Vous nous avez dit que, pour bien comprendre – nous sommes là pour ça –, il fallait savoir que la Fédération française de football, comme d’autres fédérations, avait, il y a une vingtaine d’années, un mode d’organisation un peu précaire – ce n’est pas votre terme, c’est le mien –, bricolé. Mais la Fédération française de football n’est pas n’importe quelle fédération.

Le dossier des montres est révélateur de ce que j’ai un peu de mal à comprendre dans le fonctionnement de la Fédération. Aujourd’hui, celle-ci est bien structurée : il y a un président, un ou une DG – vous l’avez été –, un DGA, etc. Mais, à propos des montres, vous nous dites que le président vous a demandé entre deux portes de vous en occuper, ne vous a rien validé, rien écrit, qu’il vous a fallu vous débrouiller…

Ma question ne porte pas sur les sommes en jeu ; c’est un sujet annexe – on connaît le monde du football. Simplement, sur ce sujet comme sur d’autres, chacun se renvoie la balle : la personne que nous auditionnons n’est jamais celle qui a les réponses. L’ancien président nous renvoie à la direction générale, à des vice-présidents ou à des présidents de commission. Vous qui avez été la toute-puissante directrice générale de la Fédération, vous nous renvoyez, vous aussi, à d’autres personnes, que nous avons déjà auditionnées ou que nous allons auditionner. Mais que se passe-t-il donc au sein des fédérations ? Qui décide ? Il y a un Comex ; vous nous dites que vous ne savez pas si telle ou telle décision y a été validée. J’ai beaucoup de mal à croire que ce qu’on nous raconte corresponde vraiment à ce qui s’est passé. J’ai peine à penser qu’au sein de cette puissante Fédération les choses se soient passées ainsi. C’est très agaçant de ne jamais avoir de réponses précises à des questions précises.

Mme Florence Hardouin. On parle beaucoup des montres et vous prenez ce sujet comme un exemple de dysfonctionnement. Je ne sais pas comment être plus claire ou plus précise à ce propos – je reviendrai ensuite sur le rôle et le pouvoir du Comex.

Chacun a sa personnalité. Le président de l’époque, M. Noël Le Graët, ne m’a jamais fait d’écrits. Je n’ai jamais eu de feuille de route fixant les objectifs et les enjeux. C’est quelqu’un qui fonctionnait à l’oral.

M. Stéphane Buchou (RE). Mais, dans votre propos liminaire, vous nous avez dit qu’en arrivant à la Fédération française de football, vous aviez instauré, en raison de votre passé professionnel, un mode de fonctionnement visant à mettre fin à cette absence de procédure. C’est là que je vois sinon un dysfonctionnement, du moins un profond paradoxe. Vous nous dites tout et son contraire à peu près dans la même phrase. J’ai besoin de comprendre.

Mme Florence Hardouin. Je vais mieux m’expliquer. Moi, j’ai structuré. Le fameux programme présidentiel, je l’ai structuré en programme opérationnel, en fixant des objectifs précis à atteindre. Je l’ai fait avec mes équipes : avec les directeurs et avec les salariés. Chacun avait des objectifs et une feuille de route.

En ce qui me concerne, je me suis fixé mes propres objectifs, car ce que j’ai fait pour les salariés et les collaborateurs, je ne l’ai pas eu de la part de mon patron, le président. Dans les entreprises que j’avais connues auparavant, nous avions tous des fiches de poste. Le président n’a pas fait cela pour moi parce qu’il ne fonctionnait pas comme ça – est-ce un bien ou non ? Moi, je ne fonctionnais pas comme lui. J’avais une fiche de poste et des objectifs à atteindre que je m’étais fixés moi-même. Avec l’ensemble des salariés, c’était structuré, il y avait des enjeux, des objectifs, des entretiens annuels d’évaluation. Mais moi, je n’ai jamais eu d’entretien annuel d’évaluation avec mon patron, en tout cas en bonne et due forme, c’est-à-dire un rendez-vous pris, formel, où on se dit les choses. Il ne fonctionnait pas comme ça.

C’était mon patron. Bien sûr, j’allais le voir. Je ne faisais absolument pas ce que je voulais. Vous dites que j’étais toute-puissante ; moi, j’avais un patron, je faisais ce qu’il me demandait de faire.

Concernant les montres, la Coupe du monde se passe, le président me dit « trouvez une solution » : il n’y a pas d’ambiguïté. Ce n’est pas formel, il ne me fait pas d’écrits, comme à chaque fois. Je négocie les montres, on obtient 70 % de remise. Aujourd’hui, il dit qu’il n’est pas content ; voilà. Mais s’il n’avait pas été content du deal, il n’aurait pas pris la montre, il n’aurait pas fait une grande réception, il n’en aurait pas mis des images sur les réseaux sociaux.

Concernant le Comex, chaque fois, un ordre du jour est fait, validé, et le Comex décide. J’ai quand même mis en place, pour structurer tout cela, un comité de conformité et un comité des finances, afin d’éviter que des décisions ne soient prises de façon unilatérale. Qu’il y ait eu des dysfonctionnements, que ce ne soit pas parfait, que j’aie commis des erreurs, certainement ; mais, aujourd’hui, c’est tout de même structuré.

Il y a eu tous les problèmes liés aux histoires de violences sexuelles et sexistes. Vous avez parlé de l’histoire de l’arbitre. C’est inacceptable et il faut des sanctions très fortes, j’en conviens. Mais comprenez aussi que, contrairement à ce qui se passe dans une entreprise, les choses sont très compliquées au sein de la Fédération. Il y a des salariés – c’est la partie la plus facile –, un Comex et, parallèlement, une Ligue du football amateur et le Belfa ; en plus de tout ça, la Haute Autorité du football ; et puis des collèges de ligue, des collèges de district. Vous parlez de dysfonctionnements. Il y a une vraie réforme à faire pour clarifier la gouvernance des fédérations et mettre fin à ce mille-feuille.

Dans une entreprise, vous avez un directoire – un DG exécutif, avec des directeurs – qui rend compte à un président, par exemple celui du conseil de surveillance. L’équivalent serait le président de la Fédération, avec des personnes élues. Mais il faut aussi une minorité qui puisse exercer un contre-pouvoir. Quand des décisions doivent être prises par le Comex, qui compte des présidents de ligue, de district, de club professionnel, il est parfois difficile à ces derniers de voter car il pourrait y avoir des conflits d’intérêts.

Il faut aussi réformer la gouvernance des ligues et des districts. Ils sont indépendants : si vous voulez lancer telle action mais qu’ils ne veulent pas le faire, ils ne le font pas. Auparavant, les subventions étaient versées aux ligues et aux districts dans le but d’obtenir, en échange, des votes aux élections. Heureusement, il y a eu Knysna, donc une réforme de la gouvernance qui a déjà amélioré les choses ; désormais, il existe des contrats d’objectifs que la Ligue du football amateur définit de manière souveraine avec ses présidents de ligue ou de district : « Toi, la ligue de Normandie, pour avoir tes 400 000 euros de subvention, il faut que tu fasses telle et telle action ; sinon, tu n’auras pas l’argent. » C’est un gros progrès.

Mais tout cela reste déclaratif : la Ligue du football amateur ne vérifie pas sur le terrain si les actions sont réalisées. C’est un autre gros progrès à faire. Et plutôt que de faire dépendre le versement de la subvention du nombre de licenciés, qui est souvent un critère, on pourrait le subordonner au lancement d’une action de sensibilisation à la lutte contre les violences ou les discriminations. Il faut le bâton et la carotte. Quitte à établir des contrats d’objectifs, qu’on les fasse porter sur ces actions très importantes.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Je suis membre de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je suis là pour vous entendre au sujet du retrait de votre plainte pour harcèlement sexuel et moral, que j’ai appris par la presse. Je ne connais le monde du football qu’en citoyenne et je vous écoute volontiers à ce sujet, mais ce qui m’intéresse est la femme que j’ai en face de moi et la raison de ce retrait. Pouvez-vous nous en dire quelques mots, même si je sais, pour avoir accompagné beaucoup de femmes dans cette situation, combien cela peut être difficile ?

Comme directrice générale, vous avez mis en œuvre des plans de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Si l’on veut que les choses avancent dans ce domaine au sein de notre société, et sachant que vous avez eu le courage de porter plainte, il me semble qu’il aurait pu être bon d’aller jusqu’au bout de la démarche. Que votre plainte soit retirée n’empêchera pas la justice de continuer à faire son travail. Mais j’aimerais savoir ce qui vous a motivée, même si c’est un peu personnel.

Mme Florence Hardouin. Vous l’avez très bien dit, ce n’est pas parce que j’ai retiré ma plainte que l’enquête ne continue pas. Je serai certainement réentendue en tant que témoin et, évidemment, j’irai.

Cette période a été très compliquée pour moi. J’ai signé un accord transactionnel prévoyant la renonciation réciproque – de ma part et de celle de la Fédération – à toute procédure judiciaire, quelle qu’elle soit. Je vous avoue que je n’avais qu’une envie : tourner la page, trouver cet accord transactionnel pour me reconstruire, physiquement et mentalement. Ma famille, mes enfants ont été touchés.

M. Stéphane Buchou (RE). Je voulais moi aussi aborder ce sujet. Loin de moi, évidemment, l’idée de porter un quelconque jugement. Ces questions sont particulièrement complexes. Mais notre société a besoin de personnalités, de voix fortes, de visages qui non seulement portent plainte, mais témoignent de ce qui s’est passé. Certes, le retrait de votre plainte n’éteint pas la procédure. Vous dites que l’accord transactionnel vous permet de passer à autre chose. Vraiment ? Quand on a signé un tel accord, on passe à autre chose, s’agissant de ce type de faits ? De plus, et sans vouloir vous accuser de quoi que ce soit, quelle image cela renvoie-t-il à l’extérieur ? Vous portez des accusations graves, puis, aux termes d’un accord transactionnel, vous retirez votre plainte. Vous voyez que cela donne quand même une image difficile à appréhender, vu de l’extérieur. C’est bizarre.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Pour ma part, je pense que si j’avais été à votre place, j’aurais fait la même chose. J’imagine ce que c’est. Nous les avons auditionnés ; c’est un monde à part, avec des tout-puissants.

Pensez-vous que la parité au sein du Comex – voire la présence d’hommes un peu plus jeunes – serait une solution, et pas seulement à la FFF ? Il est étonnant que Noël Le Graët se soit entouré de femmes en vous nommant directrice générale et en faisant de Brigitte Henriques la vice-présidente, mais que le Comex compte quatre femmes pour dix hommes.

Quelle était la proportion de femmes parmi les 300 salariés de la Fédération ?

Mme Florence Hardouin. Je suis persuadée que la mixité et la parité sont une très bonne chose, car les hommes et les femmes sont complémentaires. Les femmes font passer les messages différemment : des expériences ont été faites avec des arbitres femmes et nous sommes, en général, un peu plus apaisantes ; en tout cas, quand il y a des femmes, il y a moins de propos un peu grossiers. Le monde du football doit beaucoup évoluer. En assemblée générale, dans une salle de 300 personnes, il y a 90 % d’hommes de 70 à 75 ans qui – pardon de le dire – sont tous blancs. Il y a très peu de diversité, ce n’est absolument pas représentatif de la société.

Je l’ai beaucoup subi ; heureusement, le sport de haut niveau m’avait rendue très résiliente – certainement trop, d’ailleurs : le travail ne devrait jamais conduire à un souci de santé comme celui que j’ai eu. On est à bout à force de subir des attaques.

Je pense qu’il faut beaucoup plus de femmes, parce que la parité est une bonne chose. Mais il faut que les femmes osent. Parmi les élus, il n’y a que des hommes. Les femmes, dès qu’elles arrivent, ont droit à des blagues graveleuses ou à des réflexions. Elles perdent leur confiance et n’ont plus envie. Quand vous êtes bénévole, vous y allez, mais si, à chaque fois, c’est pour vous prendre des réflexions dans la figure, vous n’avez plus envie. Les femmes, il faut leur donner envie et confiance. J’ai fait beaucoup de choses en ce sens pour les salariées. Nous n’avons pas la parité, avec 60 % d’hommes. Dans toutes les fonctions support – ressources humaines, finances, marketing, achat –, c’est quasiment la parité ; en revanche, pour toutes les fonctions sportives en quelque sorte, à la direction technique nationale (DTN) et à la direction technique de l’arbitrage (DTA), c’est plutôt proportionnel au nombre de licenciés et il y a 80 voire 90 % d’hommes, pour 2 millions de licenciés.

Monsieur le député, si je suis interrogée – et je le serai de nouveau en tant que témoin –, je dirai tout ce que j’ai à dire. J’ai passé quinze ans à la Fédération. J’ai donné, j’allais dire ma vie mais c’est quasiment le cas, j’ai donné beaucoup de ma vie privée, de ma vie personnelle, de ma vie professionnelle. C’était une très bonne expérience. Mais je n’avais plus qu’une envie : passer à autre chose, tourner la page. Ça a été un enfer. J’ai subi un acharnement médiatique comme, je pense, jamais personne n’en a subi.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Les politiques !

Mme Florence Hardouin. C’est vrai. Et je ne ferais jamais ce métier, quand je vois tout ce que vous vous prenez dans la figure. J’ai été admise sous X à l’hôpital parce que les journalistes n’arrêtaient pas d’appeler. Mes enfants ont été très perturbés. Je n’avais qu’une envie, c’était de tourner la page. Je comprends que vous ne compreniez pas que j’aie pu retirer ma plainte moyennant un accord transactionnel. Mais quand vous avez envie de tourner la page, vous n’avez plus envie de parler. J’en ai assez. Je veux me reconstruire physiquement, mentalement. Je veux retrouver un travail. Il est écrit dans l’accord transactionnel que les deux parties renoncent à toute procédure. Je l’ai accepté.

M. Stéphane Buchou (RE). Il n’y a pas de jugement dans mes propos. Je veux seulement essayer de comprendre. Notre commission d’enquête est là pour comprendre les dysfonctionnements des fédérations, et c’est sur ce point que portait ma question. Je ne jugeais en aucune façon vos souffrances passées et actuelles.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Au moment où vous déposez votre plainte, je pense que quasiment tout le monde sait qu’il y a un problème de comportement concernant M. Le Graët – c’est ce que l’on comprend des différentes auditions. Mme Henriques a utilisé devant nous la même expression que vous, en parlant des « blagues graveleuses » que M. Le Graët faisait assez régulièrement. Avant de porter plainte, à qui en avez-vous parlé ? À quel moment ? On rapporte des problèmes de comportement de M. Le Graët avec d’autres femmes au sein de la FFF. En avez-vous été témoin ?

Mme Florence Hardouin. J’ai répondu à toutes ces questions, pendant de nombreuses heures, dans le cadre de l’enquête de police en cours. Je ne peux pas vous répondre.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je précise donc ma question. Y a-t-il eu des signalements concernant M. Le Graët au sujet d’autres victimes au sein de la FFF, alors que plusieurs femmes se sont plaintes de son comportement ? Y a-t-il des traces écrites ? Mme Henriques a évoqué des blagues de M. Le Graët.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Dans le rapport de l’IGESR, il est écrit : « La mission observe en outre que les femmes qui étaient au comité de direction ont toutes quitté la FFF sans que les auditions ne permettent d’en expliquer les raisons précises et d’en identifier les responsables. »

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je rappelle que notre sujet n’est pas de savoir si M. Le Graët est coupable. Ce qui nous intéresse, ce sont les dysfonctionnements au sein de la FFF. Nous voulons savoir si les mécanismes de signalement, existants ou non d’ailleurs, ont bien fonctionné, alors qu’il y a eu des comportements inappropriés pendant des années. Notre objectif est de faire des propositions pour que les fédérations sportives fonctionnent correctement.

Mme Florence Hardouin. Il y avait des mécanismes en place, qui n’étaient pas suffisants et que nous avons renforcés à partir de 2020, je crois. Il y avait un référent RH, un référent CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) que pouvaient contacter les femmes, et les hommes aussi d’ailleurs. On avait mis en place une plateforme de signalement. Il n’y a pas eu de signalement écrit. Il faut libérer la parole ; ce n’est pas toujours évident de parler. Quand il y a eu des problèmes au sein de directions, j’ai mené deux enquêtes en interne. J’ai parlé des comportements inappropriés à la police, lors de mon audition. J’en ai également parlé lors de ma deuxième audition par l’IGESR. Le lendemain, j’étais mise à pied. L’IGESR a tout, notamment des notes. Vous pouvez les leur demander.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. S’il n’y a pas eu de signalements écrits, dites-vous, y a‑t‑il eu des signalements oraux ? Y a-t-il eu des échanges à ce moment-là avec le ministère de tutelle sur cette situation ou sur d’autres au sein de la FFF ?

Mme Florence Hardouin. Non. À ma connaissance, il n’y avait pas d’échanges avec le ministère des sports.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Dans votre audition du 10 janvier 2023, vous estimez que la façon dont la FFF est gouvernée ne permet ni aux salariés ni aux institutions – Comex, Codir – de travailler dans des conditions correctes, sereines et pérennes. Vous dites que la gouvernance du président met en péril la FFF. À qui en aviez-vous parlé auparavant ? En aviez-vous parlé à votre ministère de tutelle ?

Mme Florence Hardouin. Le fait, pour un président, de prendre, seul et de façon unilatérale, des décisions avec lesquelles on n’était pas forcément d’accord, ce sont des dysfonctionnements. C’est pour cela qu’il faut des garde-fous. Parmi ceux que j’avais mis en place, il y avait un comité des finances de cinq personnes : le président, le vice-président, le trésorier, le directeur financier et moi-même. Nous y travaillions de manière préparatoire sur l’aspect financier et les éventuels conflits d’intérêts, pour éviter la prise de décisions unilatérales. Il y avait aussi des comités de conformité.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Excusez-moi, mais je n’ai pas l’impression que vous répondez à ma question. Quand vous dites que la gouvernance de la FFF ne permet ni aux salariés ni aux institutions de travailler dans des conditions sereines, le problème va au‑delà de décisions que vous ne cautionnez pas.

Mme Florence Hardouin. Il y avait tous les dysfonctionnements et, au-delà, des comportements qui étaient inappropriés.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Vous en parlez à qui ? Que faites-vous quand vous les constatez ?

Mme Florence Hardouin. J’en parle à ma famille, à des amis.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. J’entends bien que l’on ait besoin de se confier à l’extérieur. Mais en parlez-vous au sein ou à l’extérieur de la Fédération, je pense notamment au ministère ? Je vous rappelle que vous êtes sous serment.

Mme Florence Hardouin. Oui, le ministère était au courant. Mais pas de façon officielle.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Il faut nous expliquer un peu plus. Je ne comprends pas.

Mme Florence Hardouin. Je veux dire qu’il n’y a pas eu de signalements. Cela a pu être évoqué dans des conversations, mais on n’a pas dit : « Le président a fait ci, le président a fait ça. »

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Vous avez échangé avec une personne du ministère ?

Mme Florence Hardouin. Oui, mais c’était au mois de novembre ou de décembre.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quelle est la personne que vous rencontrez ?

Mme Florence Hardouin. La ministre des sports.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Donc vous échangez sur les dysfonctionnements profonds ?

Mme Florence Hardouin. C’était de façon informelle. Il ne s’agissait pas d’un rendez-vous au ministère avec des notes. C’était à l’occasion d’un match. Et c’était sur la fin, au moment où tout était déjà sorti dans la presse. Ce n’était pas il y a longtemps.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Lorsque vous parlez avec la ministre de ce qui se passe au sein de la FFF, quelles ont été sa réponse et sa réaction ?

Mme Florence Hardouin. Elle a pris les choses en main. C’est quand même elle qui a mandaté l’inspection. Elle a pris ça très, très, très au sérieux. Sans cette intervention de la ministre, M. Noël Le Graët serait certainement encore président. C’est elle qui a fait en sorte que l’article 40 soit déclenché.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Me confirmez-vous que vous avez évoqué avec elle les comportements inappropriés ?

Mme Florence Hardouin. Oui.

M. Stéphane Buchou (RE). Nous évoquons les comportements inappropriés de l’ancien président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, qui lui-même, hier, nonobstant le fait que son conseil nous avait écrit pour qu’il ne réponde pas aux questions, a évidemment réfuté et nié la plupart des faits. Le nouveau président de la Fédération est au sein des instances du football depuis plusieurs années. Pensez-vous que ce changement de gouvernance permettra d’éradiquer des comportements totalement inappropriés – un adjectif qui me semble en réalité bien insuffisant ? Êtes-vous positive ?

Mme Claudia Rouaux (SOC). Madame Hardouin, vous avez dit tout à l’heure que l’un des problèmes structurels, c’était que les ligues avaient beaucoup de pouvoir. Je reviens brièvement sur l’affaire de l’arbitre. Est-ce que le président Borghini avait le pouvoir de mettre immédiatement en retrait cet arbitre, en tant que responsable de l’arbitrage de la Fédération ? D’après nos auditions, certaines fédérations ont des pouvoirs et pas d’autres, ce qui est étonnant. Que faudrait-il faire pour améliorer la situation ?

Mme Florence Hardouin. Je vais essayer de répondre. Comme je sais qu’il vient vous voir après moi, posez la question au directeur juridique, parce que c’est vraiment son domaine. Peut-être que je me trompe, mais je pense que, en l’absence de lien hiérarchique entre la Fédération et la Ligue, M. Borghini n’avait pas le pouvoir juridique de le faire, même s’il en avait la volonté. Celui qui en avait le pouvoir juridique, c’était le président de la Ligue de Paris, qui, vu la gravité des faits, aurait dû déclencher l’article 40. De ce que je crois me souvenir, il n’a rien fait et lui a seulement dit, en gros, de démissionner et que cela ferait l’affaire, alors qu’il aurait dû le sanctionner.

La Fédération n’a pas ce pouvoir. Quand vous déclenchez l’article 40 et qu’il y a prescription ou que l’affaire est classée, après que vous avez licencié votre salarié, celui-ci peut vous attaquer en justice et vous perdez. Cela s’est passé une fois. On est entre le droit et la morale. La Fédération a ainsi renforcé l’article 85 de ses statuts qui lui permet, en cas de litige, de retirer la licence à titre préventif. Entre le droit et la morale, je choisis la morale. Tant pis. Il vaut mieux licencier quelqu’un, quitte à se faire attaquer aux prud’hommes : au moins vous avez agi pour préserver quelque chose.

J’ai bien connu Philippe Diallo et j’ai beaucoup apprécié de travailler à ses côtés, quand il était à la fois trésorier et vice-président. Tout à l’heure, je vous disais que ce qui fait la force d’une entreprise, ce sont ses hommes et ses femmes. Vous avez beau avoir un organigramme avec des boîtes, c’est la personne qui fait la boîte. Je suis positive et très contente pour la Fédération. C’est quelqu’un de moderne, de dynamique, qui a été salarié, et qui sait donc comment une entreprise fonctionne, qui est très collégial. Il prend les sujets à bras-le-corps, notamment celui des VSS qui a l’air de lui tenir à cœur – et il n’y a que comme ça que ça marchera. Il a mis en place un plan d’engagement qu’il va défendre. Si ces sujets ne sont pas incarnés au plus haut niveau, cela ne marche pas.

J’avais demandé que l’on renforce le nombre de personnes chargées du traitement des violences, parce qu’elles n’étaient que deux – un salarié et son directeur. Là, ils vont carrément créer une direction, c’est une super idée. Après, le président, c’est une chose ; le Comex en est une autre. Il y a des postes clés au Comex. C’est pourquoi les personnes qui y sont doivent avoir les compétences pour les occuper. On ne peut pas nommer un élu à tel poste comme ça. Nommer un élu en sachant pertinemment qu’il n’a pas les compétences, c’est pour être tranquille, parce qu’il ne va pas vous embêter et que vous allez pouvoir faire ce que vous voulez.

M. Stéphane Buchou (RE). Je souhaite revenir sur la lutte contre l’homophobie. M. Le Graët a eu l’occasion de s’exprimer sur ses propos de septembre 2020. Il a fait acte de contrition. Hier, nous avons auditionné une association, Rouge direct. C’était très intéressant. Elle nous a expliqué qu’il y avait des choses très simples à faire, notamment se servir du pouvoir des joueurs professionnels, de l’équipe de France par exemple. Qu’avez-vous vu de l’engagement individuel des joueurs de l’équipe de France contre l’homophobie ou le racisme ? Y avait-il au sein de la Fédération une politique de lutte contre ce fléau ?

Par ailleurs, quelles sont les relations entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ?

Mme Florence Hardouin. J’avais de très bonnes relations avec le directeur général de la Ligue. Nous échangions beaucoup et voulions faire beaucoup d’actions en commun, sur l’homophobie notamment. Quand des choses étaient faites au niveau de la ligue pro, on se calquait dessus pour que cela ait plus de résonance au niveau du foot amateur. On essayait de faire un maximum de choses en commun, les relations étaient très fluides.

Sur l’homophobie, on n’a pas fait assez mais on en a fait beaucoup. On a travaillé sur le vivre ensemble, sensibilisé des gamins de six ans grâce au programme éducatif fédéral. On travaillait avec des associations, notamment la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) ; certaines ligues avec Colosse aux pieds d’argile ; d’autres avec Yoann Lemaire. Tout le monde n’était pas toujours d’accord mais il y a eu beaucoup d’actions de sensibilisation, des webinaires, des ateliers.

Pour que cela résonne, comme pour toutes les causes, il faut que l’équipe de France garçons et filles – et c’était un peu plus simple avec les femmes – relaie les messages. Les joueurs étaient plutôt partants pour le faire et ils ont fait pas mal d’opérations. Individuellement, certains joueurs ont beaucoup pris la parole, notamment Antoine Griezmann à qui cette cause tient beaucoup à cœur. C’est un vrai sujet. Je n’avais strictement aucun pouvoir pour parler aux joueurs. Celui qui faisait le trait d’union, c’était le président, avec le sélectionneur. C’est de l’extrasportif. Si les joueurs voulaient faire une campagne, ils pouvaient la faire, de façon individuelle ou collective.

Il y a eu toute une histoire avec le fameux brassard One Love. Nous, administratifs, avons poussé pour qu’il soit porté, parce que c’était un signe important. Ce n’était pas seulement contre l’homophobie mais en faveur de ce que l’on appelle le vivre ensemble. On s’était mis d’accord avec les pays européens pour le faire. Finalement, le président n’a pas souhaité que l’équipe de France le porte. En revanche – c’est là où ça a été un peu distendu –, on l’a mis en place avec le foot amateur. On a envoyé deux brassards à chaque club amateur. Les capitaines du foot amateur portaient ce brassard, qui était tout un symbole des opérations mises en œuvre. Les joueurs de l’équipe de France sont très sensibles à cette question. D’ailleurs, vous en entendez de plus en plus prendre la parole, ce qui est une bonne chose. Il faudrait qu’il y ait de vraies sanctions. Malheureusement, ce qui se passe dans les stades, c’est le reflet de la société.

M. Stéphane Buchou (RE). Vous nous dites que c’est le président de la Fédération qui a opposé son veto au brassard One Love. Comment l’expliquez-vous ?

Mme Florence Hardouin. La Fifa ne souhaitait pas cette opération, parce que c’était juste avant la Coupe du monde au Qatar. Et vous savez que le président est à la Fifa.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le président s’était en effet vanté dans la presse d’avoir réussi à empêcher le port du brassard. Il nous a expliqué en audition qu’il avait depuis compris l’importance de la lutte contre l’homophobie. On avance.

Je voulais revenir sur la question des signalements des VSS au sein de la Fédération. On ne découvre pas en 2022 le problème de comportement de M. Le Graët, ou d’autres, d’ailleurs, au sein de la FFF. Pourquoi ces affaires mettent-elles autant de temps à sortir ? Selon vous, depuis combien de temps la situation était-elle problématique ? À partir de quel moment avez-vous considéré qu’il y avait des dysfonctionnements au sein de la FFF ? À votre arrivée ? Un peu plus tard ? Les dernières années ? À quel moment identifiez-vous qu’il y a un souci ? Je le redis, nous essayons seulement de comprendre les différents dysfonctionnements au sein des fédérations.

Vous avez dit quelque chose d’intéressant, que ce n’était pas le tout d’avoir des gens au Comex, qu’il fallait mettre les bonnes personnes aux bons postes. Considérez-vous que ce n’était pas le cas sous la dernière présidence ?

Mme Florence Hardouin. Je considère en effet que certaines personnes ne sont pas à leur place au sein du Comex, qu’elles ont des postes ou des missions qui ne correspondent absolument pas à leurs compétences.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Comme qui ?

Mme Florence Hardouin. Le trésorier, par exemple. Quand on est le trésorier d’une association, c’est qu’on a des compétences financières, en général.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous parlez de M. Diallo ?

Mme Florence Hardouin. C’était parfait quand M. Diallo était trésorier. Il sait ce que c’est de lire un bilan, un résultat d’exploitation. C’était très agréable, très intéressant, très instructif, parce qu’il avait un background : il savait de quoi il parlait. Le problème, c’est quand certains sont nommés trésoriers et qu’ils sont trésoriers comme je suis prof de piano. Le trésorier, dans une association « loi de 1901 », est un peu un contre-pouvoir. Pour éviter la prise de décisions unilatérales, à l’image de ce qui se passait à l’UEFA, où j’étais également, j’ai proposé qu’on fasse un comité des finances à la Fédération. On se réunissait au minimum une fois par mois avant les Comex – président, vice-président, trésorier, directeur financier et moi-même. On balayait l’ensemble des sujets : c’était un premier filtre. Ensuite, le trésorier faisait un rapport circonstancié au Comex. Les décisions n’étaient plus prises de façon unilatérale mais collégiale.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Quelle est la chronologie des faits concernant le comportement de M. Le Graët au sein de la FFF ? Y a-t-il eu une dégradation ? À quel moment la situation est-elle devenue intenable ?

Mme Florence Hardouin. Pour connaître certaines histoires de la Fédération il y a vingt ans et pour avoir fait du sport plus jeune, je sais qu’il y a toujours eu dans le monde du sport ces espèces de blagues graveleuses – et il faut que ça change. Quand on vous répète tous les jours que vous êtes une femme et que vous n’y connaissez donc rien en foot, c’est vraiment très désagréable. Mais vous êtes salariée et vous avez peur d’une seule chose, c’est de perdre votre poste. Le 10 janvier, je passe deux heures avec l’IGESR, je raconte beaucoup de choses ; le lendemain, je suis mise à pied parce que j’ai vraiment beaucoup parlé. Au début, ça allait. Il y a eu une vraie bascule en 2018 pour plusieurs raisons. Le titre de champion du monde est un peu monté à la tête de beaucoup de personnes. Et, sans trahir de secret, puisque c’était dans la presse, le président Le Graët a été très malade. Après, le vieillissement étant naturel, à partir de 2018, cela a été crescendo.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ce que vous nous dites, on l’a entendu de la part de beaucoup de victimes au sein du mouvement sportif, à savoir la peur des représailles : la mise à l’écart du club pour les sportives, le licenciement pour les salariés. C’est aussi l’objectif de notre commission : lever ces verrous.

Je tiens à revenir sur le fameux numéro vert qui a dysfonctionné pendant plusieurs mois au sein de la FFF. On a appris par la presse – et cela a été confirmé par M. Diallo lors de son audition – que la FFF a mis plusieurs mois à se rendre compte du problème. Nous n’avons toujours pas réussi à comprendre comment c’était possible. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Mme Florence Hardouin. Je me suis refait l’historique. C’était dans une fameuse réunion sur le plan Performances 2024 du programme RSO (responsabilité sociétale des organisations). J’avais entendu dire qu’il y avait des problèmes avec le comité éthique et sport. Lors de cette réunion, je demande comment cela se passe avec le comité – dans la mesure où l’on a fait la promotion du numéro vert, il doit absolument fonctionner. Pas de réponse bien précise. Je me dis que je vais faire le numéro pour voir comment ça répond. Ça ne répond pas. Je m’énerve un peu, voire je m’agace beaucoup. Je demande qu’une enquête soit faite. On met trop de temps et on m’apprend que la présidente du comité éthique et sport a décidé d’arrêter quasiment du jour au lendemain de s’occuper du numéro. C’était très problématique, puisque l’on avait fait 14 000 affiches avec tous les numéros. Heureusement qu’il n’y avait pas que celui-là ; on faisait aussi la promotion du 119.

Il y a beaucoup trop de numéros, les gens sont perdus. On avait notre propre ligne ; puis on en a fait une avec France Victimes ; il y avait le 119 ; il y a les fiches PEF (programme éducatif fédéral) ; la plateforme de signalement du sport. Il faudrait un seul numéro. Pour appeler la police, on sait quel numéro faire. J’ai demandé que quelque chose soit fait. Des personnes ont pris en charge le sujet avec des élus référents. Un point a même été fait en Comex au mois de mai 2022, comme on le voit dans le procès-verbal, qui mentionne le problème avec le comité éthique et sport et la nécessité de changer de partenaire – je pense qu’ils évoquent déjà France Victimes. Le temps d’établir un partenariat avec France Victimes, la ligne a été réactivée le 1er septembre. Je suis à 100 % d’accord avec vous : c’est un délai inacceptable.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. En 2022, la cellule Signal-sports reçoit trente-neuf signalements concernant la FFF. En avez-vous été informée ?

Mme Florence Hardouin. Non. La Fédération avait mis en place sa propre plateforme, signalement.net, une plateforme beaucoup plus large que Signal-sports. Je pense qu’il y avait une personne dédiée au sein de la Fédération qui recevait l’ensemble des alertes et qui devait nous alerter quand c’était grave. Cette personne devait donc être au courant. Pour ma part, je n’ai jamais été alertée de faits graves.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Trouvez-vous normal qu’il n’y ait pas d’entretien prévu pour faire le point sur de tels signalements concernant la Fédération ?

Mme Florence Hardouin. Non, mais ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas été pris en compte. Il faut demander au foot amateur. Si les faits avaient été très, très graves – je suis sûre qu’ils les ont analysés –, cela me serait remonté et cela serait remonté au Comex. Mais ça n’a pas été le cas.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous nous avez dit que vous aviez relu le procès-verbal du Comex sur le fameux dysfonctionnement de la ligne téléphonique. Qui était présent à ce Comex ?

Mme Florence Hardouin. Quand j’ai appelé le numéro – je l’ai fait sans me douter que la ligne ne répondrait pas, sans quoi je ne l’aurais pas fait devant tout le monde –, il y avait l’élu référent sur les actions engagement social, Pascal Parent, le président de la ligue de Rhône‑Alpes. C’était lui qui était chargé de faire un point à chaque Comex. Tout le monde a vu qu’il y avait un dysfonctionnement. Je suis quasiment sûre que c’est Pascal Parent qui a fait un point au Comex, disant que le comité éthique et sport arrêtait, qu’il fallait nouer un nouveau partenariat avec France Victimes et demandant si tout le monde était d’accord. Il y a eu un feu vert du Comex ; puis beaucoup trop de temps a passé. La liste des présents apparaît sur le procès-verbal du 20 mai 2022. En général, il y avait quasiment toujours tout le monde.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Lors de l’audition de M. Borghini, on a évoqué la prolongation du contrat de M. Deschamps. Il nous a indiqué que M. Le Graët l’avait reçu chez lui et qu’il lui avait dit qu’il lui renouvelait son contrat sans en avoir fait part au Comex. Pouvez-vous revenir sur cette séquence ?

Mme Florence Hardouin. Cela s’est fait quand mes rapports avec le président n’existaient plus. On ne se parlait quasiment plus. Je n’étais absolument au courant de rien. Et il faut savoir qu’à l’époque le seul qui décidait de qui devenait entraîneur ou sélectionneur et qui faisait tout le staff sportif, c’était le président et lui tout seul – le nouveau président ne fonctionne pas du tout comme cela. Je ne sais donc ni comment ni quand.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Lors du plan social, dont vous étiez bien évidemment informée, la collaboratrice de Didier Deschamps a été écartée. Est-ce que M. Deschamps était informé qu’il allait perdre sa plus proche collaboratrice ?

Mme Florence Hardouin. Il y a des raccourcis. Je vais vous redonner le contexte du plan social, sur lequel beaucoup a été dit. C’était une période très douloureuse pour certains salariés, pour ceux qui sont restés, pour moi. C’était la première fois que la Fédération était dans le rouge, avec un résultat d’exploitation négatif. Constatant que les 10 millions d’euros d’économies ne suffisaient pas, deux membres du Comex disent que ce serait bien de toucher à la masse salariale ; ils le disent deux fois et insistent bien. On se voit avec le président, on cherche quelles sont les formes d’économies possibles et on décide de faire un plan social.

Un plan social, c’est très encadré, on ne fait absolument pas ce qu’on veut. Ce ne sont pas des personnes qui sont visées, ce sont des postes qui sont supprimés. On a fait ce PSE de façon collégiale. On a été accompagné par un cabinet d’avocat, un cabinet de conseil en organisation et un cabinet d’outplacement. Les directions ont été impliquées. On s’est demandé quels étaient les postes que l’on pouvait supprimer sans mettre en péril l’institution. Du fait d’une évolution des métiers, les postes d’assistant étaient occupés par des femmes. On a fait un raccourci en disant que ce n’était que des femmes qui avaient été licenciées quand, en réalité, c’était des postes qui avaient été supprimés.

Ce n’était pas une « collaboratrice » de M. Deschamps. Dans le staff de M. Deschamps, il y a un team manager : c’est le responsable administratif et logistique, en lien direct avec le sélectionneur. C’est lui qui organise les déplacements, qui réserve les avions, les hôtels, les chambres. Il gère la logistique et l’administration des déplacements. Cette personne‑là avait une assistante, tout comme certains directeurs en avaient. C’était l’assistante du team manager qui faisait partie, quelque part, de l’équipe de Didier Deschamps. Ce n’était pas sa fidèle collaboratrice. Ses collaborateurs fidèles, c’est le staff technique, son adjoint, les préparateurs physiques et ce fameux team manager. Bien évidemment le team manager, avec lequel j’étais en contact, était au courant que ce poste-là était supprimé, comme l’ensemble des postes des assistantes. Je ne me souviens pas mais, par la force des choses, M. Deschamps a dû être au courant. Il faudrait le lui demander.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Comment réagit le team manager ?

Mme Florence Hardouin. Il y a des postes qu’on a supprimés parce que parfois il y avait des doublons.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Vous supprimez les petites mains.

Mme Florence Hardouin. Non. Le team manager avait un rôle beaucoup plus global. Réserver les billets d’avion fait aussi partie de son métier.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Au moment du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), était-il possible que des personnes ne soient pas au courant des licenciements ? M. Deschamps pouvait-il ne pas être informé de ce qui allait se passer ?

Mme Florence Hardouin. Il faudrait le lui demander. Quand vous recevez les personnes pour leur annoncer leur licenciement, ce sont des moments très difficiles. Je peux vous le dire, puisque c’est moi qui en ai fait une partie, et je ne le ferai plus jamais. Toute la Fédération était au courant, puisque le CSE (comité social et économique) l’était, que tout le monde en parlait. Tout ce qui se passe à la Fédération est dans la presse ; reprenez la presse, toute la presse a parlé du PSE pendant des mois et des mois. Je ne l’ai pas dit directement à M. Deschamps. Je ne parlais pas de ça avec lui, parce que c’est un « sportif ». Mais il a bien vu qu’il y avait une personne de moins dans le staff équipe de France.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous lui avons posé la question et il nous a dit qu’il n’avait pas été du tout informé du PSE. Des personnes qui ont perdu leur poste à ce moment-là ont témoigné auprès de nous, en mentionnant que le PSE avait aussi touché l’équipe de M. Deschamps. Cela nous interpelle qu’on ne se rende pas compte qu’il manque une personne dans son staff.

Mme Florence Hardouin. Tout le monde était au courant du PSE. Quand il dit qu’il n’était pas informé, c’est que, effectivement, je ne lui ai jamais parlé du PSE. Il répondrait que c’est parce qu’il ne s’occupait que du sportif. En revanche, son team manager, qui est pour moi son premier collaborateur au sens administratif, était évidemment au courant. Les salariés du team de l’équipe de France sont cinq ou six au même étage : vous voyez quand une personne n’est pas là.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Bachir Nehar était à la fois intendant de l’équipe de France et salarié dans une équipe d’agents de sportifs, ce qui pose un problème de conflit d’intérêts. Pourquoi est-il resté en poste et y est-il encore, d’ailleurs, si l’on en croit le site de la FFF ?

Mme Florence Hardouin. Ce n’est pas pour botter en touche, parce que vous allez dire que tout le monde se renvoie la balle, mais celui qui choisit la composition de son staff, c’est le sélectionneur. À son arrivée, Bachir Nehar était intendant du club de Monaco. Il occupait les deux postes. C’est toujours comme ça. Cela coûterait trop cher à la Fédération d’avoir des salariés à temps plein pour des missions qui ont lieu cinq fois par an. Pendant quatre, cinq ou six ans, il a été l’intendant de l’équipe de France et de celle de Monaco. À un moment – posez la question au directeur juridique –, il a quitté son poste à Monaco pour intégrer la société d’agents de Vadim Vasilyev, l’ancien président du club de Monaco. Bachir Nehar n’est pas agent. Le statut d’agent est très réglementé en France : il faut un diplôme. Si vous n’êtes pas agent, vous ne pouvez pas faire de deal.

J’ai été contactée par le président du syndicat des agents. Tout le monde me disait qu’il y avait un conflit d’intérêts. Nous avions vu le cas avec la direction juridique, qui va certainement vous en parler tout à l’heure. Nous avions inscrit une clause dans son contrat stipulant qu’il ne pouvait pas s’occuper de joueurs de l’équipe de France, c’est-à-dire qu’il ne pouvait pas profiter de son statut d’intendant pour recruter des joueurs. Cela tombait bien puisqu’il n’était pas agent de joueurs. Il faisait le servicing. Cela consiste à rendre des services aux joueurs, à acheter une nouvelle paire de chaussures, par exemple. Après l’Euro 2022, il y a eu toute une histoire. Le président voulait faire sortir Bachir Nehar et le sélectionneur a voulu le conserver.

M. Stéphane Buchou (RE). On a beaucoup entendu parler de la relation étroite, que certains minimisent désormais, entre Noël Le Graët et Didier Deschamps. Comment qualifieriez-vous les relations de M. Le Graët avec les différents sélectionneurs de l’équipe de France féminine ?

Par ailleurs, quel était le montant de la rémunération de l’intendant ?

Mme Florence Hardouin. Il y a dix-huit équipes de France garçons et filles. Les staffs sont composés soit de salariés, soit de vacataires. Employer à temps plein des kinés, des médecins, des ostéopathes, coûterait trop cher à la Fédération, puisqu’ils travaillent quarante jours par an, hors Coupe du monde. Il faut que leur club accepte de les libérer. Ils sont payés à la journée. De mémoire, Bachir Nehar était payé, à mon époque, entre 350 et 400 euros brut par jour. Les kinés sont à plus ou moins 700 euros et le médecin touche à peu près le double.

Il y a eu plusieurs sélectionneurs féminins. Je tire mon chapeau à Corinne Diacre, car cela n’a pas été facile. Chacun est ce qu’il est, chacun a sa personnalité. C’est une femme qui a beaucoup souffert. Elle a ses qualités, elle a ses défauts, comme tout le monde. Je pense qu’elle n’a pas été très aidée par l’ancien président. Il a pu y avoir des petits soucis. Mais la moindre des choses est d’en parler en direct. Quand un président commence à parler à des joueuses, à des agents de joueuses, sans en parler au sélectionneur, c’est compliqué. La stratégie du diviser pour mieux régner n’aide pas à résoudre les problèmes.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Que s’est-il passé ?

Mme Florence Hardouin. C’est dans la presse. L’éviction de Corinne Diacre, tout est parti des joueuses et d’un président de club professionnel, qui ont dit que c’était à cause d’elle qu’elles perdaient et qu’il fallait donc s’en séparer. Elle a des défauts, elle a des qualités. Il y avait certainement des petites choses à changer, et j’en discutais beaucoup avec elle. Mais son patron, c’est le président, ce n’est pas moi. Pour changer les choses, il faut se voir en tête-à-tête et se parler franchement. Les joueuses et les joueurs de foot ne sont de toute façon jamais contents, soit qu’ils n’aient pas été sélectionnés, soit pour une autre raison. Et il y avait aussi derrière un président de club pro, parce qu’il y avait des intérêts. C’est très facile de dire que c’est la faute du sélectionneur. Tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Elle n’a pas l’air commode !

Mme Florence Hardouin. Je vous l’accorde ! Un petit peu plus de souplesse aurait été mieux. Mais parfois elle se mettait une carapace. Gérer vingt-trois filles, je vous assure que c’était presque plus compliqué que de gérer vingt-trois hommes. Pour l’anecdote, alors que j’arrivais à un rassemblement de l’équipe de France, une joueuse vient me voir sans me dire bonjour et me fait : « Ces chaussures Nike, c’est de la merde. » Et c’était des très belles chaussures Nike. Il y a trop d’argent. Le pouvoir rend fou, les médias rendent fou et il y a trop d’argent.

Mon sport, c’était un tout petit sport, tout le monde s’en foutait. Mais certains parents au bout de la piste voulaient absolument que leur gamin gagne. Le problème du foot aujourd’hui, c’est que, pour certains, c’est juste un ascenseur social. Il y a des violences sur le terrain qui n’existaient pas il y a dix ans. Il y a une recrudescence monstrueuse de la violence, parce que des parents mettent leurs gamins au foot en croyant qu’ils vont devenir des Zidane ou des Mbappé, qu’ils vont gagner les montants qu’ils voient dans la presse, 20 ou 30 millions d’euros ; et ça leur monte à la tête.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Les centres de formation les mettent aussi très jeunes sur un piédestal.

Mme Florence Hardouin. Les parents servent à quelque chose. Quand un gamin est livré à lui-même à dix ans, c’est sûr que c’est compliqué.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous remercie, madame Hardouin. Si vous le souhaitez, vous avez la possibilité de compléter vos propos et de nous apporter des renseignements supplémentaires par la boîte mail de la commission d’enquête. Vous n’oublierez pas de nous envoyer les différents échanges que nous avons sollicités.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Reconstruisez-vous bien !

 

La séance s’achève à onze heures.


Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Béatrice Bellamy, M. Stéphane Buchou, Mme Pascale Martin, Mme Claudia Rouaux, Mme Sabrina Sebaihi