Compte rendu

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil
des jeunes enfants au sein
de leurs établissements

 Audition de MM. Edouard Carle et Rodolphe Carle, fondateurs de Babilou 2

 


Jeudi 28 mars 2024

Séance de 11 heures 45

Compte rendu n° 33

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Thibault Bazin,
Président


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La séance est ouverte à 11 heures 45.

La commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements a auditionné MM. Edouard Carle et Rodolphe Carle, fondateurs de Babilou.

M. le président Thibault Bazin. Le 20 mars dernier, nous avons auditionné les dirigeants des quatre grands groupes privés gestionnaires de crèches. Au cours de ces auditions, les personnes présentes n’ont pas pu apporter toutes les réponses aux questions posées. C’est pour cette raison que nous avons souhaité auditionner les présidents fondateurs de plusieurs de ces groupes. Nous commençons aujourd’hui cette deuxième série d’auditions en recevant MM. Édouard Carle et Rodolphe Carle, fondateurs de Babilou. Messieurs, nous attendons de vous des réponses nettes, rapides et franches à des questions demeurées en suspens. Je vous invite, compte tenu du temps qui nous est imparti, à concentrer votre propos liminaire sur votre parcours en précisant bien la place que chacun d’entre vous occupe encore actuellement au sein de l’entreprise que vous avez fondée.

Je vous rappelle que notre audition est publique et retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale et l’enregistrement vidéo sera disponible ensuite à la demande.

Messieurs, en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais préalablement vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et de dire « je le jure ».

(MM. Édouard Carle et Rodolphe Carle prêtent serment.)

M. Édouard Carle, fondateur de Babilou. Je suis Édouard Carle, père de trois enfants, et je vis au quotidien avec quatre enfants en famille recomposée. Je suis le quatrième enfant d’une fratrie de six garçons, au sein d’une famille baignée depuis plusieurs générations dans l’esprit entrepreneurial. Je suis le cofondateur de Babilou, vice-président de son conseil de surveillance et de sa fondation d’entreprise.

Bien que nous ne soyons plus, à ce jour, opérationnels de Babilou, nous sommes très fiers de l’équipe managériale que nous avons choisie et formée. Notre président-directeur général, Xavier Ouvrard, et notre directeur général France, Vincent Bulan, que vous avez reçus en audition et qui vous ont présenté le quotidien opérationnel de Babilou, sont garants de l’âme de l’entreprise que nous avons créée. Nous tenions à saluer la qualité de leur travail et à leur témoigner notre entière confiance.

Si Babilou peut être qualifiée de réussite entrepreneuriale, nous le devons avant tout à nos équipes de direction, de professionnels de la petite enfance et des sièges, qui nous font confiance et nous font grandir chaque jour. Ils nous ont notamment permis de découvrir l’importance de la qualité relationnelle du trio parent/enfant/professionnel. Nous souhaitons leur adresser un immense et sincère merci pour leur engagement au quotidien. Nous remercions également les milliers de familles qui, chaque jour, nous font confiance. Nous saluons et remercions également l’ensemble des services de protection maternelle et infantile (PMI) des conseils départementaux, avec lesquels nous travaillons en prévention, dans l’intérêt des enfants avant tout. Nous remercions également l’ensemble des services et des administrateurs des caisses d’allocations familiales (Caf) pour la qualité de nos partenariats et de leur accompagnement à chaque ouverture d’une structure Babilou. Nous remercions les élus locaux et leurs services, ainsi que les employeurs, qu’ils soient publics ou privés, qui nous font confiance chaque jour en nous confiant la responsabilité de l’accueil et de l’éveil des enfants de leurs salariés ou administrés. Nous remercions nos familles, nos enfants et nos femmes, qui vivent Babilou à travers nous depuis vingt et un ans, pour leur précieux et fidèle soutien. Permettez-moi, enfin, de remercier également mon frère Rodolphe, pour m’avoir permis de vivre cette magnifique aventure à ses côtés.

Nous avons toujours souhaité que Babilou soit comme un être vivant, avec un cerveau au nord et un cœur au sud, qui apprenne en continu de ses succès et de ses échecs. Nous nous sommes fixé deux objectifs au service des familles : apporter le même soin aux collaborateurs que celui que nous voulons qu’ils apportent aux enfants – nous appelons cela la symétrie des attentions –, et veiller quotidiennement au juste équilibre entre la performance sociale et pédagogique et la performance économique. Nous avons toujours œuvré avec conviction et valeur humaine, notre métier étant avant tout un métier d’humains. Nos valeurs managériales, qui s’expriment au quotidien dans notre travail et qui ont formé la culture de notre entreprise, sont la transparence, le respect, l’humilité, l’écoute, la bienveillance, l’esprit d’équipe, l’engagement et la diversité. Je précise qu’au sein de nos établissements, 22 % des familles se situent en dessous du seuil de pauvreté.

L’engagement des collaborateurs de Babilou se base sur deux éléments essentiels. Il s’agit tout d’abord de grandir ensemble, car nos actions quotidiennes font grandir Babilou, tandis que Babilou fait grandir chacun des collaborateurs individuellement et collectivement. Il s’agit également du sens de notre action au quotidien et de ses différents impacts. L’impact social tout d’abord, une crèche étant le premier lieu d’insertion sociale dans un quartier, où se rencontrent pour la première fois les enfants et les familles. L’impact sociétal ensuite, car nous accueillons les futures générations au sein nos établissements et accompagnons la parentalité. L’impact éducatif et pédagogique également, sur le citoyen de demain, qui s’observe notamment au travers des différences entre les enfants qui ont été gardés à domicile et ceux qui ont été gardés en collectivité. Nous pouvons, enfin, ajouter l’impact économique, avec la création de plus de 5 000 emplois, l’impact environnemental, et l’impact sur l’organisation familiale. Notre conviction est que l’éducation, dès le plus jeune âge, est l’arme la plus puissante pour changer le monde.

Je souhaitais enfin, pour conclure mes propos, vous dire que nous avons, en vingt et un ans, donné le meilleur de nous-mêmes tout en respectant l’argent public qui nous était confié et en étant dévoués à la mission de service public de la petite enfance. Si nous avons parfois agi au prix de sacrifices et de prises de risques importantes, nous sommes fiers de recevoir des milliers de témoignages de familles et de professionnels, fiers d’apporter une solution complémentaire aux familles, fiers de nos équipes qui portent la lourde responsabilité d’être le deuxième éducateur des enfants, fiers d’avoir porté nos valeurs françaises à l’international, et fiers enfin de faire grandir nos collaborateurs. Je pense à cet égard à Catherine, auparavant agent d’entretien et devenue, en quinze ans, directrice de crèche, et à Vincent Bulan, puériculteur, passé de directeur de crèche à directeur général de notre groupe. C’est avant tout cet ascenseur social qui représente notre plus grande fierté.

M. le président Thibault Bazin. Vous nous indiquez être le président de la fondation ?

M. Édouard Carle. J’en suis le vice-président.

M. Rodolphe Carle, fondateur de Babilou. Je suis le cofondateur de Babilou, père de cinq enfants, tous passés par une crèche Babilou en France ou en Allemagne, sauf le dernier dont la naissance est imminente.

Babilou a, de sa fondation à son développement, toujours été dirigé avec beaucoup de responsabilités. Tous les acteurs qui accompagnent la stratégie du groupe sont entièrement responsables face à l’ensemble des enjeux liés à Babilou. Nous avons cheminé en considérant nos réussites et nos échecs comme des sources d’apprentissages, nous permettant de nous améliorer grâce à une remise en question permanente.

M. le président Thibault Bazin. Pouvez-vous clarifier votre fonction ?

M. Rodolphe Carle. Je suis président du conseil de surveillance de Babilou depuis trois ans, et ne suis donc plus opérationnel au quotidien dans l’entreprise.

M. le président Thibault Bazin. Occupez-vous, l’un et l’autre, d’autres fonctions au sein d’autres structures liées au groupe ?

M. Rodolphe Carle. Nous n’occupons aucune autre fonction.

M. le président Thibault Bazin. Dans la mesure où il nous a été indiqué qu’il n’existait aucun système de versement de dividendes, vos fonctions actuelles de président et de vice-président du conseil de surveillance sont-elles bénévoles ? Ou existe-t-il une rémunération attachée à ces fonctions ?

M. Rodolphe Carle. Notre holding actionnariale, CF Partners, perçoit une rémunération du groupe pour son travail, de l’ordre de 500 000 euros par an. Cela représente, une fois déduits charges et impôts, un salaire d’environ 100 000 euros net chacun.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Mes questions s’articuleront autour de deux thèmes, celui de votre modèle économique et celui de la représentation d’intérêts.

Bien que vous ayez assurément, grâce à vos activités dans le secteur des crèches, répondu à un besoin en matière d’accueil de jeunes enfants, vous avez également acquis une fortune considérable, puisque vous faites partie des 500 plus grandes fortunes de France, grâce au développement rapide de votre activité en France et à l’étranger. Dans un secteur très largement financé par des fonds publics, cela peut légitimement interroger la représentation nationale. Ainsi, quel est le niveau de rentabilité de votre structure, aujourd’hui, mais également à l’époque où votre position était davantage opérationnelle ? Existe-t-il des disparités fortes entre votre rentabilité en France et celle à l’étranger ? Le cas échéant, comment les expliquez-vous ? Pourquoi avoir fait le choix, rapidement après le début de votre croissance, de faire appel à des fonds d’investissement, et quelles ont été leurs exigences ?

Votre stratégie semble davantage basée sur la croissance rapide du nombre de vos structures, notamment à travers le rachat de structures plus petites, que sur les excédents dégagés par chacune d’entre elles. Cette analyse est-elle correcte ? Existe-t-il une ou plusieurs sociétés civiles immobilières, détenues en tout ou partie par une entreprise de votre groupe, par vous-même ou par vos proches, propriétaires d’une partie des locaux des crèches de votre réseau ? L’achat de ces locaux a-t-il pu être réalisé avec l’aide de subventions d’investissement de la Caf ? Sinon, comment pouvez-vous être en mesure de le démontrer ?

Je souhaite enfin vous interroger sur la réservation de berceaux dans des crèches d’un réseau partenaire. Quel volume financier représente pour vous l’activité d’allocation de places en crèches par rapport à votre activité traditionnelle d’accueil du jeune enfant ? Quelle est la différence de rentabilité entre ces deux activités ?

M. Rodolphe Carle. Il est tout d’abord important de rappeler comment s’est développé Babilou et comment s’est bâti son modèle. Trois phases peuvent être distinguées dans le développement de l’entreprise en France.

Les cinq premières années ont représenté la phase d’apprentissage, similaire à une période d’essai avec la Cnaf, au cours de laquelle nous avons marché main dans la main avec l’ensemble des autorités de tutelle afin d’assainir un socle réglementaire, juridique, fiscal, social et égalitaire sur lequel pourraient être développées des crèches d’entreprises solides. Il s’agissait dans un premier temps, pour la Cnaf, d’observer notre évolution, avant de décider, en 2007/2008, d’une éventuelle pérennisation. Cette qualité de travail partenarial a permis de nombreuses évolutions. Les membres de la Cnaf et des ministères n’ayant pas accès au terrain, nous avons fait remonter l’ensemble de nos expériences afin de permettre aux textes d’évoluer et de rendre l’activité viable. Nous avons, durant cette période, testé de nombreux modèles. Notre création datant d’avant le 1er janvier 2004, date du lancement de la prestation de service unique (PSU) et du crédit d’impôt famille (Cifam) pour les entreprises, nous avons d’abord proposé une offre 100 % privée. Nous avons produit les premiers marchés publics article 30 de réservation de places en crèche par des collectivités, puis les premières délégations de service public (DSP) et les premières crèches d’entreprises. Nous avons également pris conscience, au cours de cette période, du coût élevé et des importants moyens nécessaires pour remplir cette mission. L’enjeu a donc été de construire un modèle qui nous apporte les moyens nécessaires pour valoriser nos équipes, leur travail au quotidien, les recruter en nombre suffisant, et offrir aux familles et aux enfants une équipe qualifiée en nombre confortable. Nous avons enfin compris que l’art de la bonne gestion d’un réseau de crèche reposait sur l’équilibre entre l’économique et le social, et sur la qualité à chaque instant et dans chaque arbitrage, et c’est grâce à cela que nous avons pu entrer dans la deuxième phase, celle du pivot.

Les années 2008 à 2010 ont ainsi marqué le démarrage des crèches d’entreprises. En étant extrêmement proches de nos équipes et des familles accueillies, nous avons réalisé que tout ce qui avait été imaginé était conçu pour aider les familles à concilier vie professionnelle et vie familiale, et les femmes à retourner en situation d’emploi après un congé maternité.

M. le président Thibault Bazin. Je souhaite, monsieur Carle, que vous répondiez de façon claire aux questions qui vous ont été posées sur le niveau de rentabilité de vos structures.

M. Rodolphe Carle. Je souhaitais au préalable vous expliquer sur quoi se base cette rentabilité.

La rentabilité d’aujourd’hui, qui vous a été communiquée par Xavier Ouvrard et Vincent Bulan, s’élève à 3 % après impôt. Si cette rentabilité était plus élevée il y a dix ou douze ans, à hauteur de 5 ou 6 %, elle s’est dégradée du fait des retraits de financements publics et d’une compétition autour des prix que nous déplorons.

M. le président Thibault Bazin. Je vous remercie de répondre aux questions sur la rentabilité en France et à l’étranger, et sur leurs éventuelles disparités.

M. Rodolphe Carle. Bien que je ne puisse pas vous communiquer les chiffres avec exactitude, je peux vous indiquer que les niveaux de rentabilité sont plus élevés à l’étranger qu’en France. J’estime qu’assurer une rentabilité minimum est un acte responsable, pour nous qui sommes à la fois des entrepreneurs et des bons pères de famille, en ce qu’elle permet d’épargner pour affronter des crises telles que celle du covid, une nouvelle réglementation, ou encore des difficultés imprévues. Il s’agit à la fois de sagesse et de responsabilité, et la rentabilité n’est pas un vilain mot dès lors qu’elle est utilisée à bon escient. À chaque fois que Babilou avait un sursaut de rentabilité lorsque nous assurions la gestion opérationnelle, nous échangions avec nos équipes et nos représentants du personnel sur la destination de cette marge complémentaire. Devait-elle aller dans les salaires, dans le recrutement de personnels supplémentaires auprès des enfants, ou un peu des deux ? C’est cet équilibre que nous avons construit pendant quinze ans.

M. le président Thibault Bazin. Pourquoi avoir rapidement fait appel à des fonds d’investissement ?

M. Rodolphe Carle. Nous sommes, ainsi que nous vous l’avons indiqué, des entrepreneurs responsables. Une entreprise grandit grâce à ses investissements, et ne peut pas raisonnablement maintenir une sérénité dans sa gestion quotidienne lorsque ses niveaux d’endettement sont trop élevés. En juillet 2007, dans le contexte de la crise des subprimes, les banques ont pointé le niveau trop élevé de nos dettes et nous ont invités, afin de pouvoir réaliser en 2008 notre programme d’ouverture, à nous adosser à un partenaire financier qui renforce nos fonds propres. Nous avons donc fait ce choix afin de continuer notre développement et d’apporter des solutions aux Français, et les fonds d’investissement ont donc répondu à un objectif stratégique. Lorsque, lors de la deuxième phase de Babilou, nous avons commencé les entreprises avec une priorité donnée à l’enfant, nous avons construit une « offre réseau » et rapproché la place en crèche d’entreprise du domicile de l’enfant et non pas du bureau des parents. Cette vision a été extrêmement structurante pour l’ensemble du marché. Offrir cela à une entreprise nécessitant de posséder à la fois une importante crédibilité et un grand réseau, notre rentabilité était à l’époque insuffisante pour financer cette croissance en continuant à nous endetter. Ce sont donc les fonds d’investissement qui nous ont permis de créer cet important réseau et de rapprocher ainsi la place en crèche du domicile de l’enfant.

M. le président Thibault Bazin. Quel est aujourd’hui votre volume d’endettement ?

M. Rodolphe Carle. Au cours des cinq premières années, nous nous sommes tout d’abord endettés à titre personnel, en prenant des risques d’entrepreneurs en étant caution personnelle. Nous avons ensuite continué d’accompagner le rythme de l’entreprise en nous endettant personnellement pour maintenir le contrôle sur une part du capital. L’endettement de l’entreprise, qui s’est par la suite poursuivi relativement à sa taille, s’élève aujourd’hui à environ 800 millions d’euros, ce qui est tout à fait raisonnable au regard de la taille de Babilou.

M. le président Thibault Bazin. Je vous rappelle également la question de Mme la rapporteure liée aux SCI.

M. Édouard Carle. Nous avons effectivement une foncière immobilière qui détient des SCI. Elle est aujourd’hui propriétaire de quarante-neuf murs de crèches Babilou sur les 442 que nous détenons en France, ne détient aucun mur à l’étranger, et représente 11 % des loyers en France. Aucune entité du groupe Babilou n’est actionnaire ou associé de notre foncière. Seules des personnes de notre entourage, professionnels de l’immobilier, peuvent être associées dans l’une de nos SCI, car ils ont apporté l’opportunité d’implantation d’une nouvelle crèche Babilou. Nous restons majoritaires dans les SCI que nous détenons.

M. le président Thibault Bazin. Concernant ces quarante-neuf murs, avez-vous, notamment pour l’ameublement, bénéficié d’aides à l’investissement de la Caf ?

M. Édouard Carle. Dans tous les cas, nous n’avons bénéficié d’aucun soutien à l’investissement dans aucune de ces structures, pour lesquelles Babilou prend en charge l’aménagement. Il s’agit la plupart du temps de locaux en vente en l’état futur d’achèvement (Vefa), c’est-à-dire situés au rez-de-chaussée de programmes immobiliers pour de nouveaux quartiers. Nous achetons à des promoteurs les locaux bruts de béton, puis les mettons à disposition de Babilou qui les aménage.

M. le président Thibault Bazin. L’autre question portait sur le volume des allocations de places de crèche par rapport à votre activité, qui n’était pas votre cœur de métier au départ.

M. Rodolphe Carle. En 2008-2010, les entreprises commencent à s’intéresser au sujet et nous comprenons que la place en crèche d’entreprise doit être rapprochée du domicile de l’enfant. Il s’agit d’une approche respectueuse à la fois de l’enfant, des équipes et de l’environnement, mais également d’une démarche sociale.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je précise que mon souhait n’est pas de comprendre la pertinence du dispositif, mais de connaître les volumes d’activité et les écarts de rentabilité. Si nous comprenons bien l’intérêt, pour les familles, de disposer d’une place en crèche proche de leur domicile, nous comprenons moins l’opacité qui peut exister dans la relation entre le pourvoyeur de berceau et le gestionnaire de crèche.

M. Rodolphe Carle. L’activité du partenariat a deux objectifs. Il s’agit tout d’abord d’assurer la mission particulièrement onéreuse de construction et d’animation d’un réseau. Quatorze années ont ainsi été nécessaires pour bâtir le réseau Babilou, composé aujourd’hui de 3 000 crèches. Notre deuxième métier consiste à être en contact avec les employeurs pour leur proposer la place en crèche la plus adaptée à leur enfant. Ce réseau est composé de crèches privées, et parfois de crèches associatives ou parfois municipales. Nous leur indiquons qu’un client entreprise souhaite réserver des places dans leur structure, et nous apportons, au prix que souhaite le gestionnaire, une contribution financière qu’il n’aurait pas pu trouver autrement. Cela représente pour nous un chiffre d’affaires d’environ 35 à 40 millions d’euros, avec une marge nette de 9 %.

Le rôle de cette plateforme n’est pas seulement d’effectuer des transactions, mais également de tirer le réseau vers le haut. Car comment les petits réseaux, qui affrontent depuis dix ans les vents contraires des diminutions de financements publics, peuvent-ils continuer à payer leur personnel ? Comment peuvent-ils suivre l’inflation dans les salaires ? Lorsque la PSU, en 2018, annonce 0,9 % d’inflation pendant quatre ans, où peuvent-ils trouver les fonds ? Nous apportons ainsi 39 millions d’euros qui permettent aux petits réseaux de continuer à valoriser les métiers de la petite enfance et à investir dans la qualité. Dans la mesure où nous ne souhaitons pas que les salariés d’une entreprise soient face à une offre à deux vitesses, nous apportons également aux micro-crèches prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) des financements d’une entreprise ou d’un employeur public, tout en souhaitant que le coût pour le salarié soit in fine similaire à celui de la PSU.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Vous évoquez une marge nette de 9 %. Or, des témoignages indiquent que seule la moitié du prix auquel un berceau est vendu est reversée au gestionnaire de crèche pour s’occuper de cet enfant. Cela pourrait être acceptable dans un secteur d’activité classique ne dépendant pas de l’argent public. Mais si le prix payé par l’entreprise est couvert au moins à 50 %, et parfois jusqu’à 75 %, par de l’argent public, celui-ci a vocation à permettre l’accueil de l’enfant dans les meilleures conditions et non à financer de la commercialisation ou des réseaux. Notre interrogation porte donc sur ce dispositif et surtout sur ce qui est financé par son intermédiaire.

Je vous propose néanmoins d’avancer sur la question de vos activités d’influence, à laquelle vous avez commencé à apporter des éléments de réponse en expliquant que vous aviez accompagné les pouvoirs publics afin que les textes évoluent et permettent une rentabilité du secteur. Différentes réglementations, rappelées dans le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les micro-crèches, ont permis cette rentabilité et interrogent ainsi quant à leur capacité à assurer une qualité d’accueil. Aussi, quelle est la nature des relations que vous entretenez avec les autorités politiques et qui ont permis de faire évoluer cette réglementation ? Je pense en particulier au fait que votre entreprise ait été créée deux ans avant que la réglementation ne permette le conventionnement des crèches privées. Pouvez-vous apporter des précisions concernant le déroulement des faits, et concernant votre influence sur les modifications législatives et réglementaires qui sont intervenues quand vous étiez encore chargés de la gestion de votre entreprise ? Avez-vous, au cours des quinze dernières années, bénéficié d’un accès privilégié à des ministres ou des parlementaires de quelque groupe politique que ce soit ?

M. Rodolphe Carle. En tant qu’inventeur de ce modèle, j’aborde avec beaucoup de liberté le sujet des partenariats. L’écart de prix moyen s’élève aujourd’hui à 3 000 euros, et vous vous interrogez de façon légitime sur le fait que nous le financions. Si les petits gestionnaires avaient dû chercher eux-mêmes les 10 ou 12 000 euros que nous leur apportons, vous financeriez bien davantage que ces 3 000 euros, car ils assumeraient les coûts élevés du recrutement d’un commercial chargé d’aller chercher des entreprises.

Si je ne suis d’autre part pas choqué par le fait que l’argent public finance le coût du système de tiers réservataire, que l’État a inventé, le fait que l’argent public des crèches finance les milliards de bénéfices des banques du CAC40 est une réelle source d’interrogations. Comment compenser les six mois de chiffre d’affaires qui s’écoulent avant que la PSU ne soit versée en avril ? L’emprunt que nous effectuons afin de couvrir ce besoin de fonds de roulement représente des sommes colossales, et je préférerais que ces millions d’euros soient affectés au salaire de mes équipes plutôt qu’à l’enrichissement des banques françaises.

M. Édouard Carle. Nous n’avons bénéficié d’aucun accès privilégié. Nous avons en revanche été sollicités pour apporter notre expertise à des groupes de réflexion ou de travail. Tout comme nous, les pouvoirs publics ne souhaitaient pas, à l’époque, laisser s’installer un modèle de crèches réservées aux populations les plus aisées. Le choix de l’ouverture aux partenariats public-privé nous a donc permis de répondre à l’ensemble des familles, sans exception.

M. le président Thibault Bazin. Avez-vous bénéficié, monsieur Rodolphe Carle, d’accès privilégiés ?

M. Rodolphe Carle. Si j’ignore le sens du mot privilégié, je peux néanmoins affirmer que nous travaillons main dans la main, depuis vingt ans, avec l’ensemble des parties prenantes. Il s’agit là d’un bel exemple de partenariat public-privé, mis au service d’une réussite collective. J’ai toujours adopté, au cours des réunions à la Cnaf ou dans un ministère, une posture et une analyse responsable de l’argent public. À titre d’exemple, je peux citer le contrat enfance entreprise mis en place en 2009, dont nous avons fait remonter, depuis le terrain, le caractère illisible. Nous avons ensuite, en partenariat avec la Cnaf et le ministère de l’économie, travaillé à une simplification des dispositifs.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Vous indiquez avoir mené, aux côtés de l’État, des travaux visant à assurer l’accueil des enfants quelle que soit la situation financière et économique de leurs parents. Or, au regard des différents rapports pointant les difficultés que rencontrent les micro-crèches pour maintenir une mixité sociale, cet objectif ne semble pas atteint. Il en va de même, aujourd’hui, pour l’objectif de qualité d’accueil.

Ma dernière question aurait pu être posée au directeur, mais je n’ai eu connaissance de ces éléments d’informations que grâce à un message d’alerte reçu hier soir par l’ensemble des députés et concernant des pratiques développées par votre groupe. Un rapport de la DGCCRF avait déjà pointé des pratiques commerciales très contestables et des clauses léonines dans les contrats que certains groupes privés de crèches passent avec les parents d’enfants qu’ils accueillent. Il me semblait, et c’est la raison pour laquelle nos travaux ne se concentrent pas sur ce sujet, que ce rapport avait servi d’électrochoc et que ces comportements avaient cessé. La pratique en question, qui semble donc toujours d’actualité, consiste à renvoyer un enfant accueilli au sein de l’une de vos crèches afin de libérer la place pour un enfant dont le berceau a été vendu à des conditions financières plus avantageuses. Il semble que la nouvelle stratégie que vous déployez consiste à faire signer des contrats de courte durée que le gestionnaire de crèche pourrait ainsi ne pas renouveler, en particulier s’il trouve un bébé plus rentable, si vous me pardonnez l’expression.

Messieurs, ce type de pratique est totalement inacceptable. Le secteur des crèches n’est pas un secteur économique comme les autres. Il s’agit d’un service public qui, comme tous les autres, implique un principe de continuité du service et d’égalité devant le service. Il doit faire une place à tous les enfants et ériger leur bien-être et leur développement comme d’ultimes priorités, bien avant la rentabilité de la structure. Aussi ferai-je, au sein de mon rapport, des propositions visant à éradiquer ce type de comportement et que les gestionnaires ne puissent plus mettre des enfants dehors selon leur bon vouloir.

M. Édouard Carle. En vingt et un ans, nous avons rencontré dix-huit ministres de la famille, dont cinq ces deux dernières années, et je partage, madame la rapporteure, vos propos sur le sujet des micro-crèches. La priorité de Babilou a toujours été de créer de nouvelles places pour répondre à un manque important, puisqu’il manquait, en 2003, 400 000 places de crèche. J’ajoute que le réseau du groupe Babilou est aujourd’hui le plus égalitaire qui existe, puisqu’il est composé de 92 % de places en PSU. Lorsque nous avons repris des structures qui disposaient de micro-crèches, nous avons souhaité proposer à nos clients entreprises une offre la plus égalitaire possible pour les parents salariés, et avons ainsi créé la « PSU-like » au sein des micro-crèches, afin que les parents paient la même somme que dans une crèche PSU.

Concernant, enfin, les contrats d’accueil temporaires, il ne s’agit en aucun cas de mettre dehors une famille au profit d’une place plus rentable. Mais si nous n’accueillons plus cette famille, la place reste vide puisque nous n’avons plus de tiers réservataire. Or, le modèle du tiers réservataire, qui est soit l’employeur soit la commune, est celui qu’a souhaité la France.

M. le président Thibault Bazin. Cela signifie-t-il qu’un enfant qui bénéficie d’un tiers réservataire sera favorisé au détriment de celui qui n’en a pas ?

M. Édouard Carle. Il ne s’agit pas de cela. Nous gérons de l’argent public et avons la responsabilité, conformément aux circulaires de la Cnaf, de répondre aux besoins du plus grand nombre de familles. Il est donc déraisonnable de laisser une place vide lorsque des milliers de famille en ont besoin. Les familles du quartier, à qui nous rendons service, savent que nous les accueillons avec un contrat d’accueil à durée déterminée. Le système de temps d’accueil minimum que nous avons mis en place permet à l’enfant de rester deux ou trois mois au sein de la structure, mais nous perdons de l’argent sur ces places. Le sujet n’est donc pas simplement celui de la rentabilité : avec l’une des places, nous rendons un service, mais perdons de l’argent, tandis que l’autre nous permet de supporter nos coûts et de respecter le modèle du tiers réservataire.

M. Rodolphe Carle. Nous avons exigé qu’il soit indiqué, au sein des contrats signés avec les employeurs publics ou privés, que le salarié bénéficie d’un droit au maintien même s’il quitte son employeur. Nous estimons en effet que l’enfant n’a pas à subir le changement professionnel de son parent et que l’employeur doit continuer à payer jusqu’à la fin de l’année scolaire pour le maintien de l’enfant, qui est la priorité. Notre ADN est celui-ci, et non celui d’une quelconque marchandisation.

M. Philippe Lottiaux (RN). Les différentes auditions auxquelles j’assiste m’amènent à me questionner sur la pérennité du modèle. Vous avez précédemment mentionné une diminution de la rentabilité, et je souhaitais donc que vous puissiez nous partager votre vision d’ensemble du système. Le modèle actuel, dans lequel les coûts augmentent de façon récurrente, vous semble-t-il viable à long terme ? Pouvez-vous ensuite revenir sur la décision, prise à l’époque où vous étiez en responsabilité, de quitter le secteur des DSP ? Le système actuel me semble d’autre part complexe. Pensez-vous que des simplifications et des évolutions soient possibles afin de parvenir à un système qui permette le développement des berceaux tout en maintenant la qualité ?

M. Édouard Carle. Nous avons effectivement fait le choix, en 2010, d’arrêter le marché des délégations de service public. Lorsqu’est arrivé, à cette époque, le renouvellement des premières, que nous avions mises en place en 2005 et 2006, et malgré un taux de satisfaction très élevé des familles, la commande publique montrait un attrait pour le prix en raison des baisses de dotations importantes des collectivités. Le fait que le prix devienne le critère de choix principal du futur gestionnaire, alors que notre objectif était celui la qualité, nous a conduit à nous désengager. Nous avons donc fait le choix de ne pas tomber dans le dumping et le low cost pratiqué par certains acteurs.

Sur le sujet de la Paje et de la PSU, je tiens tout d’abord à préciser que la PSU n’est pas une subvention pour Babilou, qui joue simplement un rôle de boîte aux lettres pour les familles. La PSU, qui sert à apporter un financement afin que la famille supporte un moindre coût, est donc versée au gestionnaire pour le compte de la famille. La Paje est en revanche versée à la famille pour le compte du gestionnaire. Cela signifie, pour la PSU, une convention avec l’État qui implique le respect de règles et la possibilité de subir un contrôle.

M. le président Thibault Bazin. Confirmez-vous que le rachat des sociétés qui possédaient des micro-crèches Paje implique de conserver les 8 % ?

M. Édouard Carle. Si nous les conservons effectivement, nous changeons également le modèle économique afin d’arriver à l’équivalent d’une PSU lorsque les parents disposent du tiers réservataire.

M. Rodolphe Carle. La question de la viabilité du modèle est essentielle. Si la PSU-horaire telle qu’elle est conçue aujourd’hui ne peut pas donner un modèle viable, la PSU universelle, qui permet la mixité sociale, est en revanche une excellente idée. Nous avons, lorsque nous étions aux commandes de Babilou de 2014 à 2020, connu un système, qui perdure à ce jour, dans lequel 10 % des recettes PSU dépendent d’une petite heure où un parent est parti plus tôt ou n’est pas venu. Or, ces 10 % représentent 3 000 euros de plus ou de moins, par personne, de rémunération du personnel. Avec ce système, la Cnaf nous contraint donc à consacrer notre temps et notre énergie à l’optimisation des taux d’occupation.

M. le président Thibault Bazin. La Cnaf nous a indiqué travailler sur un lissage des 107 % et sur les effets de seuil.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Ma première question concerne la rémunération de votre holding à hauteur de 500 000 euros. Pouvez-vous apporter des précisions sur le statut de cette rémunération ? S’agit-il d’une remontée de dividendes du groupe à la holding qui est son actionnaire, ou d’une prestation commerciale ?

M. Rodolphe Carle. Nous disposons d’une convention de prestation de service, par laquelle nous nous engageons à consacrer plus de 50 % de notre temps à accompagner le groupe. Tels des consultants, nous accompagnons l’entreprise et son équipe.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous sommes plusieurs députés, au sein de cette commission d’enquête, à nous inquiéter de la marchandisation du secteur de la petite enfance et plus précisément de l’arrivée des fonds d’investissement, qui sont actionnaires majoritaires de certaines grandes entreprises du secteur, dont la vôtre. En 2017, au cours d’une interview donnée à BFM Business, vous déclariez, monsieur Rodolphe Carle, au sujet de l’entrée au capital de TA Associates qui restait alors minoritaire : « Nous gardons la majorité du capital, c’est indispensable, car les fonds d’investissement ne font que passer quelques années chez nous. Or, notre groupe a une vision de long terme et nous ne prévoyons pas de céder l’entreprise ». Un an plus tard, un article paru sur le site Internet de BPI France citait, parmi les recettes du succès de Rodolphe Carle : « Être intransigeants sur le maintien du contrôle du capital. Nous avons été tentés plusieurs fois par des offres alléchantes de partenariat moyennant la perte de contrôle. Or, il n’en est pas question. » Puis, en 2020, Antin Infrastructure Partners, un fonds d’investissement côté en bourse, rentre au capital et devient majoritaire. Messieurs, quelles sont les raisons qui vous ont amenés à considérer qu’il était devenu acceptable d’avoir un fonds d’investissement comme actionnaire majoritaire ? Et quel bénéfice personnel avez-vous tiré, en cédant vos actions, de cette entrée au capital ?

M. Rodolphe Carle. Beaucoup de fantasmes entourent les fonds d’investissement. Ils ne sont pas une espèce de boîte noire dans laquelle un logiciel ou une intelligence artificielle prendrait des décisions sans cœur ni sensibilité, mais des hommes et des femmes, souvent parents, qui accompagnent un projet porteur de sens. La valeur n’est pas créée en percevant des dividendes ou le fruit du travail des professionnels, mais grâce à l’existence d’un impact sur le monde. Lorsqu’une entreprise double sa taille et que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) d’impact sur l’environnement et le social sont devenus plus importants que les critères financiers pour évaluer une entreprise, et si l’entreprise, en grandissant, a conservé son âme, ses valeurs, la qualité de son travail, et traite correctement son personnel, elle a un réel impact sur le monde et donc une valeur plus élevée. 

Le plus gros actif d’un fonds d’investissement est sa réputation, et il serait scandaleux d’imaginer que des personnes puissent se réjouir d’avoir augmenté leurs marges en maltraitant des enfants. Conformément à son modèle, la rentabilité de Babilou s’accroît de façon directement proportionnelle lorsque la qualité augmente. Il s’agit d’un modèle vertueux au sein duquel les bénéfices sont liés aux économies d’échelle et aux clients qui nous donnent les moyens de bien travailler. En travaillant bien, nous limitons les coûts liés au renouvellement des effectifs, et pouvons redéployer ces sommes dans la valorisation de nos personnels.

Nous avons, d’autre part, toujours eu besoin des fonds pour accompagner nos stratégies. Alpha est d’abord rentré pour apporter aux enfants une offre de crèches d’entreprises porteuse de sens pour la société, et nous a permis d’accélérer le développement du réseau. Puis, Cobepa l’a remplacé et nous a permis d’accéder à l’international, avant que TA Associates ne rentre et ne nous permette d’entrer aux États-Unis. Je tiens à préciser que les fonds exercent deux métiers, qui sont l’investissement et la collecte, de mon argent et du vôtre. Le premier fonds qui investit dans les crèches en France est BPI, et donc nos impôts, et il est déraisonnable de penser que l’État aurait pu demander à BPI d’investir dans les crèches pour faire de la marge sur la maltraitance. Il est donc nécessaire de rappeler que le métier de l’équipe qui gère un fonds est d’accompagner une entreprise qui propose une stratégie efficace et porteuse de sens.

Plusieurs raisons nous ont donc conduits à céder le groupe en 2020. Je rappelle tout d’abord que les années 2014 à 2020 ont été rudes, le secteur privé en France ayant perdu de nombreuses ressources. Or, dans notre métier, moins de ressources signifient davantage de risques, et la nécessité de disposer de nouveaux financements pour maintenir le niveau de qualité. Nous nous rendons collectivement coupables d’une erreur intellectuelle lorsque nous affirmons qu’une place en crèche coûte moins cher qu’une garde partagée, puisque s’y ajoutent les coûts des repas, des couches, ou encore des repas de la nounou à domicile. Le fossé se creuse entre le coût de la crèche pour les parents et les modes de garde hors crèches.

Nous avons donc dû faire face à des événements tels que le transfert des dotations des conseils généraux du privé vers le secteur associatif, sans que nous ne sachions même si les réglementations européennes les y autorisent. Aussi, lorsqu’il faut faire face à la diminution des moyens tout en ayant la responsabilité de 12 000 emplois et de 15 000 familles, la solution est de consolider les fonds propres et de renforcer l’entreprise, par respect pour l’argent public géré, les familles accueillies et les professionnels. Nous avons donc vendu pour l’ensemble de ces raisons, tout en tenant à rester au capital afin d’accompagner ce fonds qui ne connaissait pas notre métier, et afin que nos valeurs restent ancrées dans le quotidien.

Sur la question des montants que nous avons perçus lors de l’entrée d’Antin, nous n’avons rien à vous cacher et sommes transparents depuis le premier jour. Nous allons donc répondre à votre question, mais pour des raisons de secret des affaires et de respect de la vie privée et familiale, nous demandons de pouvoir y répondre sous huis clos avec une non-inscription dans le rapport.

M. le président Thibault Bazin. Notre audition étant retransmise en direct, il n’est pas possible d’échanger en aparté. Bien que j’entende votre souhait de nous communiquer ces éléments par écrit, je vous rappelle que vous devez répondre aux questions.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je me permets de faire avec vous, afin que l’information soit entendue de tous, un travail d’hypothèse. La presse financière a annoncé, au moment de l’entrée d’Antin Infrastructure Partners au capital de Babilou, une valorisation de la société d’un montant de 1,5 milliard d’euros. Dans la mesure où vous déteniez à l’époque environ la moitié des parts de la société, pouvez-vous nous indiquer combien de parts vous avez cédées alors, afin que nous puissions effectuer le calcul, dans l’attente des véritables montants qui nous seront communiqués par écrit ensuite ?

M. Rodolphe Carle. La valeur communiquée dans la presse n’est pas la bonne. Afin de conserver plus de 50 % du capital, nous avons dû largement et lourdement endetter notre holding. Vous constaterez donc, dans notre réponse écrite, que la valorisation de notre participation est très éloignée de votre raisonnement mathématique.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Ma deuxième série de questions porte sur le travail de lobbying que vous avez effectué ces dernières années, et sur vos rapports avec les fonds publics.

Pouvez-vous tout d’abord nous indiquer quelle part des recettes de la société Babilou est issue directement, à travers la PSU ou une subvention de la Caf, ou indirectement, lorsque des parents bénéficient du complément de libre choix du mode de garde (CMG) ou lorsqu’une entreprise bénéficie de la déduction de l’impôt sur les sociétés, de fonds publics ?

M. Rodolphe Carle. La question ayant été posée à la direction générale, je ne répondrai pas avec autant de précision. Sur 100 euros perçus par Babilou, 50 sont payés par un réservataire, et 50 par la famille et la Caf. Je rappelle que ce sont les familles qui perçoivent les 25 % de subvention qui viennent de la Caf. Nous sommes seulement une boîte aux lettres, et subissons la complexité de gestion, son coût et ses aléas. Pour les autres 50 %, il s’agit dans 50 % des cas d’employeurs éligibles au Cifam, sans qu’ils ne le perçoivent nécessairement compte tenu des plafonds, et dans ce cas, cela représente 50 % et non 75 %, car cela signifierait que toutes les dépenses d’une entreprise sont subventionnées.

M. William Martinet (LFI-NUPES). En observant le modèle économique de votre entreprise, je constate que les recettes sont, pour plus de la moitié, directement ou indirectement issues de fonds publics. Si vous disposez d’éléments de calculs différents, je vous remercie de nous les communiquer par écrit.

Sur la question du lobbying, vous indiquez avoir consacré beaucoup de temps à discuter du modèle économique des entreprises de crèches avec les pouvoirs publics. Vous avez d’ailleurs indiqué, à l’occasion d’un entretien, avoir passé 20 à 30 % de votre temps au sein de ministères pour construire un business model soutenable à long terme. Vous comprendrez que cela puisse interroger. Au fait que la moitié de votre chiffre d’affaires provienne de l’argent public, et que vous ayez consacré énormément de temps à discuter avec les ministères, s’ajoutent aujourd’hui des rapports de l’administration, et notamment de l’Igas, qui pointent le surcalibrage du financement public à destination des crèches. Aussi, pensez-vous que cette action de lobbying, qui semble avoir été à la fois très intense et très efficace, a pu détourner les pouvoirs publics de l’intérêt général ? Le modèle économique construit, qui semble vous être extrêmement favorable, a-t-il permis des enrichissements personnels extrêmement conséquents ?

M. Édouard Carle. Nous n’avons fait que nous adapter au modèle proposé, et répondre aux sollicitations, afin de contribuer à créer un modèle vertueux de partenariat public-privé. Je rappelle que 92 % de nos places sont en PSU, et que la majorité sont des places créées.

Il est important de rappeler au contribuable ce qu’auraient été les coûts si Babilou ne s’était pas engagé. Nous avons fait économiser à l’État, en un temps record, 200 millions d’euros d’investissement à la création des places. Nous mettons douze à dix-huit mois pour ouvrir une crèche alors qu’une collectivité met deux à trois ans. Enfin, sur le fonctionnement, par le biais d’économies d’échelle uniquement, pour lesquelles une collectivité est limitée à sa taille, nous avons fait économiser à l’État 70 millions d’euros par an en fonctionnement des structures.

Je précise enfin, concernant le fonds Antin, qu’il s’agit d’un fonds d’infrastructure que nous avons choisi, d’une part, car il est français, mais également en raison de son ADN, compatible avec le nôtre, c’est-à-dire prêt à affronter aussi bien le beau temps que les tempêtes. Ainsi Antin n’a-t-il, depuis son arrivée, jamais refusé un seul montant d’investissement pour les crèches. Nous leur avons également demandé, pendant la période du covid, de payer les partenaires associatifs de notre réseau afin de leur éviter une fermeture. Nous leur avons enfin demandé, très récemment, d’augmenter les salaires de nos équipes sans attendre d’annonces du gouvernement.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je constate que, lorsque je vous interroge sur la part des subventions publiques dans votre chiffre d’affaires, vous ne parvenez pas à me donner de chiffres, mais qu’ils sont en revanche extrêmement précis lorsqu’il s’agit de nous expliquer les économies que vous faites réaliser aux pouvoirs publics. J’espère que nous pourrons disposer de précisions par écrit sur l’ensemble de ces sujets.

Mes dernières questions portent sur les fonds d’investissement. Nous avons compris que, dans le modèle économique des fonds d’investissement, la rentabilité ne se base pas sur la remontée de dividendes, mais sur la croissance. Cela m’amène à m’interroger sur les exigences de ces fonds d’investissement concernant la croissance et le développement de l’entreprise. Si j’ai bien entendu votre plaidoyer à propos de la sensibilité et de l’humanité des fonds d’investissement, je vais toutefois me permettre quelques citations. Elles sont issues des livres de vos salariés parus à l’automne dernier, et ne traduisent pas la même forme d’humanité et de sensibilité de la part des dirigeants de l’entreprise. Une salariée déclare par exemple : « On est ric-rac au minimum légal. Dans ces conditions, une pause toilette ou un enfant qu’il faut doucher parce que sa couche a débordé, et c’est toute l’équipe qui est fragilisée. » Selon son témoignage, des enfants étaient oubliés à plusieurs reprises dans les dortoirs, notamment au moment des transmissions du soir. Aussi, sur cette question de la croissance, vous positionnez-vous comme des dirigeants d’entreprises attentifs à ce qu’elle n’entraîne pas d’effets sociaux négatifs ? Ou, au contraire, comme des dirigeants alignés avec les fonds d’investissement pour chercher la croissance à tout prix ?

M. Rodolphe Carle. La croissance a apporté des moyens pour la qualité et l’amélioration des conditions de travail de nos équipes, et a permis de solidifier et d’ancrer chaque jour nos valeurs.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je suis étonné de cette réponse. Faut-il plutôt croire Rodolphe Carle qui témoigne sous serment devant une commission d’enquête, ou Rodolphe Carle qui, parlant de son projet entrepreneurial dans un podcast datant de mars 2022, disait : « Ce qui compte, c’est le mindset. On était des malades de la croissance, tous les matins, on avait le couteau entre les dents en se disant quelle crèche on allait choper et quel client on allait conquérir. On était des tarés de la croissance » ? Je constate, monsieur Carle, un écart entre le discours que vous tenez aujourd’hui et celui que je viens de citer qui, à en croire des témoignages de salariés, semble davantage proche de la réalité de votre entreprise. Je souhaite donc que vous compreniez que le modèle économique que vous avez construit peut, du point de vue éthique, moral et politique, sembler inacceptable.

Concernant votre fortune, je peux estimer, tout comme l’a fait la presse financière, que la vente à Antin Infrastructure Partners vous a rapporté au moins 200 millions d’euros à chacun. Cela signifie qu’une auxiliaire de puériculture qui travaille chez Babilou, en économisant tous les mois 100 % de son salaire, mettrait 23 000 ans pour atteindre la même fortune que vous. Comprenez-vous donc, dans la mesure où s’ajoute à cela la notion d’argent public, que nous puissions être choqués, et que ce modèle économique soit aujourd’hui largement remis en question ?

M. Rodolphe Carle. En 2011, nous avons indiqué à nos fonds qu’aucune crèche ne serait ouverte pendant huit mois, afin que nous puissions nous recentrer sur notre projet d’entreprise et nos valeurs, en co-construction d’un projet pour cinq ans avec nos 2 200 collaborateurs. Ce projet, intitulé « Grandir ensemble », vous sera remis afin que vous puissiez constater que notre croissance n’est pas déraisonnable. Aussi, j’assume pleinement une croissance rapide si elle est maîtrisée, vertueuse, et tournée vers le bien-être des enfants et des professionnels, et c’est ce que nous avons fait pendant vingt et un ans.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je souhaite tout d’abord revenir sur les aides qui accompagnent les créations ou les rénovations. Sachant qu’elles peuvent, en fonction des critères et du système de bonus, s’élever jusqu’à 80 %, pouvez-vous nous indiquer si ces aides avoisinent généralement ce pourcentage ou si elles sont plus faibles ?

Vous avez également évoqué la volonté d’être au plus proche des domiciles plutôt que des entreprises, sans toutefois préciser si les créations concernaient plutôt le milieu urbain ou le milieu rural. Les micro-crèches créées ou rachetées devaient, à l’origine, répondre aux besoins des territoires ruraux. Considérez-vous que cet objectif soit rempli ?

Pouvez-vous préciser quel volume représentent les contrats à durée déterminée et combien de familles sont potentiellement impactées ?

Concernant les locaux dont les SCI sont propriétaires à hauteur de 11 %, sont-ils des locaux historiques de Babilou ou continuez-vous à investir dans des locaux ?

Vous avez, enfin, annoncé diverses mesures de revalorisation des métiers au sein de vos entreprises, notamment un bonus annuel de 25 % du salaire mensuel pour tous. Quelle est la part réelle des salariés concernés par cette hausse ? Vous évoquez également des mesures visant à favoriser les VAE pour vos salariés. Là encore, combien de personnes sont concernées et quelles sont les modalités d’organisation, la thématique principale de ces auditions étant les tensions sur les ressources humaines dans ce secteur ?

M. Édouard Carle. Sur le sujet de l’aide à l’investissement, toutes les structures créées en modèle PSU avec le partenariat de la Caf ont été subventionnées à hauteur de 45 %. La Caf allouant ce montant dix-huit mois après l’ouverture de la crèche, je précise que nous devons en financer l’entièreté avant de percevoir cette aide.

Sur le sujet des SCI, nous avons été contactés dès 2008 par un promoteur immobilier qui souhaitait, sur demande du maire, construire une crèche au rez-de-chaussée et cherchait un investisseur pour acheter des locaux. Or, aucun investisseur ne souhaitait à l’époque investir dans des murs de crèche, qui ont une affectation urbanistique anciennement de constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (Cinaspic), signifiant que l’investisseur n’a pas la garantie de pouvoir, à terme, modifier l’affectation en local commercial ou de bureau. Nous avons donc, pour répondre à la question liée à l’historique, débuté en 2008. Nous continuons, aujourd’hui, à procéder de cette façon lorsque les équipes Babilou nous sollicitent à la suite d’une recherche d’investisseurs demeurée infructueuse. En revanche, nous ne sommes pas proactifs sur cette activité, car il ne s’agit pas de notre métier.

Concernant le sujet des micro-crèches, j’estime que l’objectif de répondre aux besoins des territoires n’est pas atteint.

Le volume de familles accueillies en contrat temporaire varie quant à lui d’une année à l’autre. Il va dépendre notamment de l’occupation par les tiers réservataires, et nous l’estimons à environ 5 à 10 % maximum des places.

Vous évoquez ensuite les conditions de travail. Le ratio qui nous paraît être le plus important pour notre secteur, et qui est repris dans le rapport de l’Igas, est celui des frais de personnel par place. La moyenne des frais de personnel par place, qui s’élève à 9 200 euros pour le secteur, s’élève à plus de 11 000 euros par place chez Babilou. La moyenne serait donc bien inférieure si Babilou n’existait pas. Nous avons donc sans cesse réinvesti pour permettre à nos équipes de bénéficier des meilleures conditions de travail du secteur.

Concernant la VAE et la formation, il est regrettable que vous n’ayez pas repris le témoignage d’une de nos collaboratrices, diffusé hier sur France Bleu en présence de la ministre. Elle y indiquait en effet faire partie de nos effectifs depuis dix ans, avoir pu passer ses diplômes, et être aujourd’hui requalifiée professionnelle de la petite enfance. Nous accompagnons cette année 300 professionnels dans la démarche de VAE, qui ont obtenu leur diplôme d’éducateur de jeunes enfants. En parallèle, nous avons repris au tribunal la plus vieille école d’auxiliaire de puériculture de France qui était abandonnée par les pouvoirs publics, et qui forme 140 nouveaux professionnels pour le secteur.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Embauchez-vous, pour s’occuper des enfants, du personnel non qualifié ou non formé ? Quelles sont les mesures mises en place pour faire face aux cas de maltraitance, liés par exemple à la sous-alimentation ou au non-changement de couches, et qui existent malheureusement ?

M. Rodolphe Carle. Sur la question de la qualification des personnels, nous appliquons rigoureusement les règles et les décrets, qui changent régulièrement.

Sur la question de la maltraitance, s’il peut malheureusement arriver qu’un professionnel commette une erreur, il ne s’agit pas d’une volonté systémique.

M. Édouard Carle. Nous avons mis en place une application visant à améliorer la relation entre les parents et les professionnels. Elle permet aux professionnels de mettre en avant, pour les parents, leur travail quotidien au sein de la crèche, mais également aux familles de donner l’alerte en cas de dysfonctionnement.

Nous avons également mis en place, depuis longtemps, une cellule d’information des situations préoccupantes.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). L’activité d’intermédiation va-t-elle devenir l’activité principale du groupe Babilou dans les années à venir, au regard de la hausse spectaculaire des frais de sièges des grands groupes privés, mentionnée notamment dans le rapport Igas 2023 à hauteur de 52 % ? Le cas échéant, nous sommes nombreux ici à être favorables, en accord avec les préconisations de l’Igas, à une suppression du Cifam. Dans ce cas, comment envisagez-vous d’adapter votre modèle de croissance économique à la suppression du Cifam ?

Vous êtes, monsieur Rodolphe Carle, le communicant et porte-parole du groupe, et vos propos sont parfois de nature à surprendre ou à interroger. Sur le sujet du lobbying, bien que vous indiquiez en avoir fait très peu, je ne peux m’empêcher de souligner la frappante concordance entre l’ouverture, en 2004, de votre première crèche, et l’entrée en vigueur, seulement trois jours auparavant, du plan crèche qui ouvrait 20 % des crédits aux structures privées. Parvenir, en ayant passé seulement 20 à 30 % de votre temps dans les ministères, à ouvrir une crèche dans un délai aussi réduit est une performance admirable !

M. le président Thibault Bazin. Compte tenu du temps qui nous est imparti, j’indique à mes collègues qu’ils pourront transmettre leurs éventuelles questions supplémentaires à Mme la rapporteure, qui les transmettra à MM. Carle, avec obligation de réponse.

M. Rodolphe Carle. Une suppression du Cifam entraînerait la fermeture de 100 000 places de crèche privée. Si nous entendons votre intention et ce choix politique, nous estimons donc qu’il ne va pas dans bon sens, car c’est l’équilibre global qui repose sur le Cifam. Nous avons, en France, l’immense privilège de disposer d’entreprises prêtes à financer, en plus de leurs cotisations courantes, des places en crèche pour leurs salariés. Nous devrions, au contraire, profiter des ressources issues de ce modèle unique au monde, dont nous avons besoin pour financer la qualité d’accueil. Si le Cifam est supprimé, toutes les micros-crèches et toutes les crèches municipales que nous gérons fermeront.

Sur le sujet de l’influence, je vous ai indiqué que les travaux relatifs aux premières crèches 100 % privées ont coïncidé avec la parution des circulaires, que nous avons découvertes avec notre conseiller de la Caf des Hauts-de-Seine, qui nous a donc fait immédiatement entrer dans le dispositif.

M. le président Thibault Bazin. Je vous remercie messieurs, et vous indique que d’autres questions vous seront transmises ultérieurement.

La séance est levée à 13 heures 15.


Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements

 

Réunion du jeudi 28 mars 2024 à 11 h 45

 

Présents. - M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, Mme Sophia Chikirou, M. Philippe Lottiaux, M. William Martinet, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sarah Tanzilli

 

Excusé. - Mme Isabelle Santiago