Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Audition de Mmes Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination Rurale, et Amélie Rebière, vice-présidente, sur la situation et les attentes du monde agricole              2

 


Mercredi 25 septembre 2024

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 7

session de 2023-2024

Présidence de

M. Pascal Lecamp,

Vice-président


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La commission des affaires économiques a auditionné Mmes Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, et Amélie Rebière, vice-présidente, sur la situation et les attentes du monde agricole.

M. le vice-président Pascal Lecamp. Après avoir entendu la FNSEA la semaine dernière, les Jeunes agriculteurs hier après-midi et ce matin la Confédération paysanne, nous accueillons madame Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, accompagnée de madame Amélie Rebière, vice-présidente de ce syndicat. Notre commission reste très attentive aux questions agricoles. Nous avons déjà auditionné l’ensemble des syndicats agricoles au printemps dernier. Nos agriculteurs, qui sont au cœur de l’activité économique du pays, font face à des difficultés importantes dans plusieurs filières et nous observons dans nos circonscriptions que leurs attentes, déjà élevées, sont aujourd’hui encore plus pressantes. Certaines situations sont particulièrement urgentes.

Les mauvaises conditions météorologiques ont provoqué un net recul de la récolte des céréales, notamment du blé, et nous avons enregistré la pire récolte en France depuis quarante ans. La collecte viticole pourrait, de son côté, baisser de 18 % sur un an. Dans les élevages, trois virus transmis par des moucherons ont fortement touché les cheptels : la fièvre catarrhale ovine 3 (FCO 3), la FCO 8, la maladie hémorragique épizootique (MHE), ainsi que quelques cas d’influenza aviaire en Bretagne. Notre commission a d’ailleurs décidé de créer deux missions sur l’abattage dans le contexte de réduction des cheptels et sur les stratégies de marché de la filière vitivinicole. Nous souhaitons apporter à nos agriculteurs les réponses nécessaires pour assurer la pérennité et le développement de leur exploitation, malgré les nombreuses contraintes.

Dans ce contexte, n’hésitez pas à nous faire part des évolutions législatives ou réglementaires souhaitables, notamment concernant le projet de loi d’orientation agricole, qui avait été examiné en première lecture par l’Assemblée nationale et transmis au Sénat le 29 mai dernier. Ce texte vise à soutenir l’installation et la transmission des exploitations, alors que la moitié des exploitants devraient prendre leur retraite dans les dix prochaines années. La simplification des normes et l’accompagnement quotidien des agriculteurs sont également essentiels.

Nous aimerions connaître vos attentes concernant les moyens financiers engagés pour le monde agricole dans le cadre du budget du projet de loi de finances 2025. La question de la préservation des revenus des agriculteurs, qui veulent pouvoir récolter le fruit de leur travail, est centrale. Nous avons abordé ce sujet à plusieurs reprises lorsque j’étais rapporteur du budget du ministère de l’Agriculture au sein de la commission des finances.

Cette audition peut aussi être l’occasion d’évoquer l’équilibre des relations commerciales au sein de la filière alimentaire, à la suite de la mission conduite par les députés Alexis Izart et Anne-Laure Babault, en vue d’une possible loi Egalim IV. Notre commission a décidé de reconstituer une mission d’évaluation de la loi Egalim II, confiée à nos collègues Julien Dive, Harold Huwart, Richard Ramos et Aurélie Trouvé. Nous suivons ces travaux avec beaucoup d’intérêt.

Vous pourrez également donner votre avis sur l’évolution du cadre législatif et réglementaire applicable à l’agrivoltaïsme, sujet complexe qui nous concerne particulièrement. Nous avons constitué un groupe de travail sur ce sujet et sommes preneurs de vos orientations et idées.

Mme Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale. Il est urgent de renforcer la résilience de notre agriculture face aux aléas climatiques, géopolitiques et à la spéculation financière. Les mesures conjoncturelles prises dans l’urgence sont nécessaires, mais insuffisantes pour pérenniser l’agriculture française. La coordination rurale propose des mesures stratégiques de bon sens, telles qu’une exception agricole concrète retirant les produits agricoles et agro-alimentaires de l’OMC, des accords de libre-échange et des marchés financiers. Sacrifier ces produits au profit d’autres productions et de la spéculation met en danger notre souveraineté alimentaire.

Il est également essentiel de réguler les productions et les marchés agricoles dans un espace européen protégé des fluctuations mondiales. Nous ne devrions importer que ce qui ne peut être produit localement et exporter uniquement nos surplus. Importer des produits de l’autre bout du monde alors qu’ils peuvent être produits localement constitue un non-sens écologique. Enfin, la TVA sociale sur les produits importés mérite discussion, mais la priorité actuelle est la trésorerie des agriculteurs, assurée par des prix justes plutôt que des primes. Les crises successives mettent à mal nos finances. Il faut donc régler les aides de la PAC, les fonds d’urgence annoncés cet hiver et obtenir un retour du ministère de l’agriculture sur le déplafonnement des minimis, porté à 300 000 euros comme pour toutes les entreprises, alors que le plafond demandé était de 50 000 euros pour 2024, afin de sauver un maximum d’exploitations.

La trésorerie nécessite aussi un bouclier énergétique, incluant le prolongement des mesures pour le gasoil, l’électricité et le gaz. Des mesures doivent être prises dans le cadre du PLF et du PLFSS, notamment l’exonération de la TFNB et des propositions concernant le foncier et le suramortissement des biens. La deuxième priorité après la trésorerie concerne l’accompagnement structurel de nos fiscalités, notamment les successions. La loi d’orientation agricole devait répondre à ces problématiques, mais elle reste insuffisante pour la coordination rurale. Nous sommes opposés au diagnostic modulaire, au stage de sensibilisation environnementale, à la création de France services agriculture et à l’augmentation du nombre d’apprenants de 30 %, car le problème réside dans l’installation des jeunes agriculteurs.

Cette loi pourrait être reprise par le Sénat et revenir à l’Assemblée nationale. Dès 2023, nous avions proposé des amendements pour un choc de compétitivité de l’agriculture française. Une rémunération équitable des agriculteurs suppose une loi sur le fonctionnement des coopératives. Il faut aussi légiférer contre la façon dont les industriels évitent de payer les agriculteurs, en renforçant la transparence et en luttant contre la délocalisation des résultats. Il est également nécessaire de revoir l’organisation et les missions des interprofessions et de relancer les filières en déclin.

Pérenniser les exonérations et réduire certaines charges, comme le GNR et les boucliers fiscaux, est prioritaire, de même que résoudre les problèmes de main-d’œuvre avec des contrats civiques et aidés, refuser les distorsions de concurrence intra- et extra-communautaires avec des clauses de réciprocité et de sauvegarde. Notre dernière priorité doit aussi inclure l’encadrement du foncier agricole et l’amortissement des biens. Ces mesures doivent permettre d’installer les jeunes agriculteurs et d’assurer de bonnes conditions pour ceux qui partent à la retraite.

Mme Amélie Rebière, vice-présidente de la Coordination rurale. Je suis éleveuse en Corrèze. La crise sanitaire et la misère agricole font partie de mon quotidien. Nous devons sauver les 400 000 fermes françaises restantes et stopper cette hécatombe, car de nombreux jeunes ne veulent plus s’installer et des exploitations ne sont pas reprises après le départ à la retraite des agriculteurs. Cela menace notre souveraineté alimentaire.

En ce qui concerne la loi d’orientation agricole (LOA), j’ai été auditionnée par cette commission en début d’année et je tiens à rappeler que sans revenu, toute initiative est vaine. Tant que les exploitations agricoles ne génèrent pas de revenus suffisants, il est impossible de planifier à long terme. Déjà, des agriculteurs arrêtent, étranglés financièrement. Certains points de la LOA sont rédhibitoires. Il est essentiel de mettre au centre le revenu et le foncier. Le GFAI représente une ligne rouge pour nous ; il est crucial que les agriculteurs restent maîtres de leurs terres. Un éleveur ayant un revenu suffisant n’a pas de problème de transmission ni de problème sanitaire. Les épidémies, avec les vaccins à payer et les analyses coûteuses, seraient gérables si les revenus étaient adéquats. La simplification administrative est également cruciale.

La FCO et la MHE touchent la Corrèze, et la grippe aviaire affecte une grande partie du territoire. Ces crises sanitaires sont récurrentes, et nous manquons de vaccins adaptés. Il est impératif de nous fournir les moyens de gérer nos entreprises en bons pères de famille. Plusieurs leviers doivent être actionnés : la simplification administrative, la fiscalité et la disponibilité des vétérinaires sanitaires, car nous souffrons d’une pénurie de vétérinaires ruraux. Le bien-être animal et celui des éleveurs sont indissociables. La législation européenne, notamment la loi santé animale, nous empêche de soigner notre bétail correctement. Il est crucial de prendre en compte le bien-être des éleveurs pour soutenir l’élevage et prévenir le burn-out et les suicides, qui sont malheureusement fréquents en agriculture.

M. Antoine Golliot (RN). Des années de choix politiques désastreux ont plongé toutes les filières agricoles dans une crise profonde, avec de nombreuses difficultés et menaces. Les prix de vente des produits agricoles sont trop faibles, les coûts de production augmentent en raison de l’inflation et de la hausse des matières premières, le revenu des agriculteurs reste insuffisant et la concurrence déloyale, tant extra-européenne qu’intra-européenne, est omniprésente. La liste des problèmes du secteur agricole est malheureusement longue et nous devons relever ces défis pour redonner à l’agriculture française le rang qui lui revient.

Ma circonscription côtière du Pas-de-Calais compte de nombreuses exploitations laitières. La filière laitière du Boulonnais, comme au niveau national, souffre de prix de vente du lait trop bas. Les lois Egalim I et II n’ont pas encore réussi à remédier à ce problème. De plus, le coût des matières premières, notamment le soja et le colza, ne cesse d’augmenter. Ces exploitations rencontrent des difficultés critiques et les agriculteurs peinent à dégager un revenu décent.

Nous ne pouvons évoquer la situation de la filière sans mentionner l’impact néfaste des traités de libre-échange. L’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande sera catastrophique pour nos producteurs. La Commission européenne prévoit une augmentation de 30 % de nos échanges avec la Nouvelle-Zélande, pays situé à 20 000 kilomètres et qui n’est pas soumis aux mêmes normes que nos agriculteurs. L’agriculture française ne sortira pas de cette concurrence totalement déloyale, d’autant plus que les négociations sur le Mercosur viennent de reprendre.

Dans vos échanges avec la nouvelle ministre de l’agriculture, allez-vous défendre vigoureusement la nécessité de sortir au plus vite de ces accords de libre-échange ?

Mme Véronique Le Floc’h. La Coordination rurale considère comme fondamental de sortir l’agriculture des accords de l’OMC pour protéger nos agriculteurs. Dans un projet de loi d’orientation agricole idéal, il serait nécessaire de légiférer contre la façon dont les industriels évitent de rémunérer les agriculteurs. Depuis la mise en place de la PAC en 1992, les multinationales se sont développées en raison des prix mondiaux imposés aux fermes locales. Les bénéfices de l’agro-industrie, tels que ceux du groupe Avril qui ont augmenté de 45 % en 2022 ou ceux des quatre compagnies dominantes du marché des céréales, avec une hausse de 23 % pour Cargill et de 80 % pour Dreyfus, illustrent que cette mondialisation est nuisible à l’agriculture. Comment un agriculteur peut-il supporter les charges et normes françaises tout en vendant à des prix mondiaux ? Nous devons lutter pour sortir l’agriculture des accords de libre-échange. Prenons l’exemple de la Nouvelle-Zélande, qui peut exporter 15 000 tonnes de produits laitiers vers l’Europe, alors que dans le cadre du CETA, l’Europe pourrait exporter 15 000 tonnes vers le Canada. Cela soulève la question de l’environnement. Ces accords de libre-échange favorisent les multinationales. Par exemple, Lactalis, présente dans 51 pays, profite des exportations vers le Canada tout en bénéficiant de plus de 3 millions de dollars d’aides en tant que Lactalis Canada.

Mme Annaïg Le Meur (EPR). Suite à des échanges avec la chambre d’agriculture du Finistère, j’ai appris qu’en 2022, les dégâts causés par les sangliers sur les cultures agricoles en France s’élevaient à 77 millions d’euros. Cela n’inclut pas les dommages causés par d’autres espèces envahissantes comme les choucas, très présents dans notre région, ou les blaireaux. La population de sangliers explose dans mon département, comme sur l’ensemble du territoire national, alors que seulement un tiers du département est chassable en raison de l’existence de réserves naturelles, de propriétés du conservatoire du littoral et de domaines militaires. Parallèlement, le nombre de chasseurs diminue chaque année. On l’estime à moins de 7 000 pour l’année 2025-2026, avec une baisse annuelle d’environ 250. La population de sangliers continuera donc à croître, augmentant ainsi le risque épidémique de peste porcine et les pertes agricoles à indemniser. Certains particuliers font appel à des sociétés de chasse locales pour abattre des sangliers, ce qui peut créer des conflits entre les riverains et les chasseurs. Comment expliquez-vous la baisse du nombre d’agriculteurs chasseurs ? Envisagez-vous des solutions pour lutter contre l’abandon des fonds de vallée, qui deviennent des zones de refuge pour les sangliers ?

Mme Véronique Le Floc’h. Pour commencer, il est essentiel de distinguer deux types de dégâts causés par le gibier. Premièrement, les dégâts provoqués par les sangliers, encadrés par la fédération de chasse, nécessitent une déclaration spécifique. Deuxièmement, les dégâts causés par des espèces classées protégées, telles que les choucas, pour lesquels il est difficile d’obtenir des arrêtés préfectoraux afin de les réguler. Nous proposons de déclassifier ces espèces dès lors qu’il est démontré qu’elles ne sont plus en danger d’extinction et que leur taux de reproduction est stable.

Mme Amélie Rebière. Je suis agricultrice et chasseuse, je pratique également le piégeage. Nous rencontrons de sérieux problèmes avec les associations écologistes qui font annuler les arrêtés préfectoraux, notamment concernant le déterrage du blaireau. Certaines espèces sont chassables. Le sanglier dépend des départements et des plans de chasse, tandis que le cerf, qui cause aussi des dégâts dans les cultures de maïs, est soumis à un plan de chasse avec des bracelets payants pour les équipes de chasse.

Vous avez raison de soutenir que les chasseurs sont peu nombreux parmi les agriculteurs. En effet, après avoir nourri les animaux le matin, nous n’avons pas le temps de traquer le gibier comme il se doit. Il est essentiel d’établir un partenariat avec les chasseurs. En Corrèze, nous finançons le permis de chasse pour nos adhérents, car nous estimons qu’il est crucial de travailler ensemble et de ne pas opposer chasseurs et agriculteurs. Ce sujet est vaste et suscite des tensions locales. Par exemple, lorsque nous investissons dans une culture de maïs et que celle-ci est ravagée par des blaireaux sans que nous puissions intervenir, il s’ensuit des frictions avec les écologistes.

Nous envisageons soit d’envoyer la facture à ces associations, soit de sensibiliser le groupe écologiste de l’Assemblée nationale. Nous sommes tout à fait disposés à les inviter sur nos exploitations pour leur expliquer notre fonctionnement. Il ne s’agit pas d’éradiquer le blaireau, mais de le réguler. La tuberculose, évoquée précédemment, est également véhiculée par ces animaux. Il est impératif de trouver un équilibre : voulons-nous nourrir la population de manière vertueuse et continuer notre travail correctement ou souhaitons-nous que la faune sauvage s’étende au détriment des agriculteurs en France ?

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NFP). Nous partageons vos inquiétudes. Les agriculteurs subissent les conséquences d’une libéralisation inédite des marchés agricoles jamais remise en cause depuis trente ans et approfondie depuis sept ans sous les gouvernements de M. Macron.

L’élevage ovin représente un malheureux exemple de cette libéralisation. Il permet de maintenir l’agro-pastoralisme dans les montagnes, de préserver les emplois agricoles et de soutenir la vie rurale. Cependant, il subit une concurrence internationale de plus en plus féroce. En France, nous importons plus de la moitié de notre consommation de viande d’agneau et de mouton. Le nombre d’exploitations ovines a chuté de 65 % en vingt ans. Cette concurrence est choisie et organisée par les gouvernements successifs. La principale origine de l’importation de viande ovine est la Grande-Bretagne, avec près de 40 %. On aurait d’ailleurs pu espérer une meilleure négociation dans le cadre du Brexit par Michel Barnier. Ensuite, Emmanuel Macron a signé l’accord de libre-échange entre la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne l’année dernière, permettant près de 400 000 tonnes d’importations de viande d’agneau. L’Union européenne a également signé un nouvel accord de libre-échange avec le Chili, portant sur 4 000 tonnes. Que dire de celui entre l’Union européenne et l’Australie, encore soutenu par le président Macron ? La Commission propose de quadrupler le quota actuel, ce qui achèvera de détruire l’élevage ovin local. La France Insoumise affirme qu’un accord de libre-échange juste et bon n’existe pas pour l’agriculture, même avec des clauses miroirs. Ces accords poussent toujours à une dépendance croissante au marché international chaotique et au dumping environnemental et social partout dans le monde.

Un autre fléau que subit l’élevage ovin est la fièvre catarrhale, qui décime les élevages et résulte de l’impuissance de l’État néolibéral. Lorsque les épizooties se succèdent, la réaction du Gouvernement est dramatiquement insuffisante et tardive. Quelles mesures sont prises pour organiser le déploiement vétérinaire, l’achat groupé des vaccins et leur prise en charge, ainsi que l’indemnisation de tous les sérotypes ? De ce point de vue, le fonds mutuel de risques sanitaires est bien insuffisant. Les éleveurs ovins espèrent un vaccin en novembre. Sommes-nous dans un pays du tiers monde ? Nous ne sommes même plus capables de produire le vaccin en France et nous devons nous approvisionner en Espagne, qui livrera logiquement ses éleveurs en priorité. Qu’attendons-nous pour planifier une production adéquate de vaccins en France face aux crises sanitaires à venir ?

Le refus obsessionnel de la planification fait mourir l’agriculture et l’élevage. Les propos de la nouvelle ministre de l’agriculture ne laissent présager aucune remise en cause de cette situation. Rien n’est prévu pour réguler les prix ou les échanges, pour protéger les agriculteurs face à la concurrence déloyale ou pour planifier face aux crises sanitaires. Pire, les éléments du budget 2025 indiquent des coupes budgétaires massives, de l’ordre de 8 %. Il ne faudra donc pas s’étonner si la colère des agriculteurs monte dans les prochaines semaines. Nous les soutenons déjà.

Mme Véronique Le Floc’h. Nous sommes d’accord sur les accords de libre-échange et sur le déclin de la production ovine. L’agrivoltaïsme nous semble être une solution prometteuse pour relancer le secteur ovin. Par ailleurs, au niveau européen, la création d’une force de contrôle contre la concurrence déloyale en agriculture, accompagnée de la mise en place d’un service d’audit sanitaire et agricole, tant au sein qu’en dehors de l’Europe, est un dossier à suivre.

Mme Valérie Rossi (SOC). L’agriculture représente un secteur vital pour notre pays. Je suis convaincue qu’il ne peut y avoir de pays sans paysans. Cependant, notre agriculture fait face à de nombreux défis qui nuisent à son attractivité et à son développement. Les conditions climatiques difficiles, telles que les inondations dramatiques et les sécheresses dévastatrices, fragilisent la filière céréalière, entraînant une baisse notable des rendements. L’accès à l’eau devient une priorité pour le secteur. De plus, la concurrence déloyale des importations agricoles provenant de pays ne respectant pas les normes européennes tire les prix vers le bas. La crise du bio est sans précédent, avec une offre excédant la demande. À ces problèmes de rendement, de prix et de revenus s’ajoute une crise sanitaire inédite d’épizooties qui déciment en quelques jours des troupeaux entiers. Les ovins, bovins et caprins ne sont pas épargnés, avec un taux de mortalité pouvant atteindre 50 % chez les ovins avec le sérotype 3. Ces épidémies provoquent une baisse de la fertilité et des avortements, qui affectent la capacité de production des élevages. Mon département, les Hautes-Alpes, est gravement touché, mais il ne fait pas partie de la zone vaccinale prioritaire. Nos éleveurs ont besoin de réponses rapides que nous devons leur fournir ensemble.

Que pensez-vous de notre stratégie nationale de vaccination ? En termes de solutions, souhaitez-vous une révision de la loi Egalim et dans quel sens ? Quelles seraient les mesures à prioriser selon vous dans le cadre du projet de LOA dont la discussion a été interrompue, et ce, de manière imminente ?

Mme Amélie Rebière. Concernant la FCO, il est essentiel d’indemniser les pertes immédiates, mais aussi de considérer les retards de reproduction. Cette année, nous subissons un impact de trésorerie, mais l’année prochaine, nous en ressentirons également les effets. Depuis l’année dernière, nous avons déjà observé ces conséquences : un épisode de FCO a eu lieu et nous n’avons pas eu de vêlage. Je me réfère aux éleveurs bovins, domaine que je connais bien. L’absence de vêlage cette année affectera considérablement la trésorerie, qui sera à nouveau mise à mal par la FCO.

En ce qui concerne la stratégie vaccinale, nous estimons qu’il est trop tard. Il aurait fallu anticiper davantage, à l’instar de la Belgique ou des Pays-Bas. On ne vaccine pas un cheptel déjà malade. Pour la FCO, chaque année apporte son lot de variants différents. Il est donc impératif d’indemniser les pertes, mais aussi de prévoir un plan sanitaire plus global et de conférer davantage de pouvoir aux éleveurs afin qu’ils puissent avoir un statut d’infirmier.

Mme Véronique Le Floc’h. Egalim n’a pas pleinement atteint ses objectifs, car tous les articles n’ont pas été appliqués comme prévu. Cependant, nous soutenons l’objectif des 20 % de produits biologiques dans la restauration collective. Encore faut-il définir précisément ce que recouvre la restauration collective : s’agit-il uniquement des établissements institutionnels ou inclut-elle également la restauration collective commerciale ? Il est également essentiel d’appliquer l’article 44, qui prévoit des contrôles sur la francisation, non seulement au niveau de la distribution, mais aussi au niveau de la transformation. Il est pertinent aussi de souligner un point de la première version de la loi : la modernisation du régime juridique des coopératives, notamment par une clarification de la redistribution des gains entre les coopératives agricoles et leurs associés coopérateurs.

M. Guillaume Lepers (DR). Dans un contexte de pressions croissantes sur le monde agricole, votre action et votre capacité à mobiliser sont essentielles pour faire entendre la voix de nos agriculteurs. Je connais bien votre syndicat, qui défend des causes légitimes dans ma circonscription du Lot-et-Garonne, notamment la question vitale de l’eau. Vous défendez particulièrement les petites exploitations, qui font la singularité de la ferme France et souffrent le plus des tensions actuelles.

Le groupe de la Droite républicaine s’est toujours battu pour une agriculture forte, garante de notre souveraineté alimentaire. Les questions du revenu des agriculteurs, du foncier, de la réciprocité des normes, de la réduction des charges fiscales et de la protection face aux importations déloyales sont au cœur de nos préoccupations. Sans une véritable libération des contraintes fiscales, environnementales et administratives, nos exploitations, surtout les plus petites, ne survivront pas.

En tant qu’élus du monde rural, nous sommes malheureusement confrontés régulièrement à des suicides d’exploitants agricoles. La MSA a révélé cet été que les agriculteurs ont 77,3 % de risques supplémentaires de mortalité par suicide par rapport au reste de la population active. Ces drames endeuillent des familles et résultent d’une politique agricole épuisante. Pensez-vous que la plateforme Agri-Ecoute soit efficace ? Sinon, avez-vous des pistes d’amélioration ?

Concernant l’installation des jeunes, des annonces ont été faites sur les maisons de services agricoles. Êtes-vous satisfaites de cette proposition ? Vous avez répondu en introduction que non. Après un printemps et un été marqués par une météo catastrophique, les récoltes de cette année sont mauvaises. Outre les conséquences directes sur la trésorerie des exploitations, cela pose la question de la protection face aux aléas climatiques. Le système assurantiel présente des failles évidentes. Comment pourrait-il être adapté ou amélioré ?

Nos éleveurs sont également frappés par des épizooties récurrentes, notamment la FCO, qui décime les troupeaux depuis des mois, et la grippe aviaire qui menace chaque année nos volailles. Quel est votre avis sur les retards dans la mise en œuvre de cette vaccination ?

Enfin, alors que les trésoreries sont dans le rouge et que le moral des exploitants est en berne, il paraît évident que le temps législatif n’est pas celui de l’urgence de vos professions. Quelles mesures pourraient être mises en œuvre rapidement par le nouveau Gouvernement pour répondre à la colère qui semble vouloir s’exprimer dès la fin des semis ?

Mme Amélie Rebière. Nous considérons comme une aberration le fait que des fonds de la PAC soient alloués aux assurances privées. Cette approche rompt avec le principe de solidarité. Elle favorise les exploitations les plus importantes, qui disposent des moyens financiers pour s’assurer, au détriment des plus petites structures. Pourtant, vous affirmez vouloir défendre notre modèle de ferme familiale et soutenir les petits agriculteurs en difficulté. À nos yeux, le système assurantiel actuel nécessite une refonte complète, car il ne répond pas aux besoins des petites exploitations en situation précaire. Nous jugeons inacceptable que l’argent public soit transféré vers les caisses des assurances privées.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité constituent des menaces majeures pour le revenu agricole et la souveraineté alimentaire. Des politiques publiques s’avèrent nécessaires pour accompagner les agriculteurs face à ces défis. La seule loi du marché ne suffira pas à garantir des revenus dignes. Plutôt que de rejeter l’idée d’aides publiques, ne devrions-nous pas les refondre pour qu’elles servent de filet de sécurité face à une économie libéralisée, alors que les fluctuations boursières, notamment à Chicago, impactent négativement la rémunération des agriculteurs ?

Concernant les produits locaux, favoriser la souveraineté alimentaire locale implique de revoir nos logiques exportatrices. Les mêmes surfaces ne peuvent servir simultanément l’export et la consommation locale. Une réorientation de nos productions vers les besoins locaux s’impose. L’accord de Blair House limite en effet les surfaces européennes en protéines végétales à 5,2 millions d’hectares, alors que notre autonomie en la matière nécessiterait 15 à 18 millions d’hectares. Ce paradoxe illustre la nécessité de revisiter certains accords qui télescopent notre souveraineté alimentaire.

Enfin, en tant qu’écologiste titulaire d’un permis de chasse, j’invite à nuancer les préjugés. Les écologistes peuvent comprendre les enjeux des territoires ruraux.

Mme Véronique Le Floc’h. Nous avions déjà soulevé cette problématique dans le règlement européen du plan stratégique national (PSN), qui restreint l’expansion des surfaces de légumineuses en Europe, ce qui s’avère désastreux. Concernant la question de l’eau, il convient de souligner son caractère indispensable pour l’agriculture. Les importations équivalent à plus de 3 milliards de mètres cubes, ce qui correspond au volume prélevé par l’agriculture française. Il importe également de rappeler que notre surface agricole utile s’étend sur 27 millions d’hectares, tandis que les surfaces urbanisées occupent 12 millions d’hectares, ces dernières ne respectant pas les normes en vigueur. En tant que législateurs, vous devriez envisager de déplacer les compteurs des agriculteurs vers les villes afin de quantifier précisément les pertes d’eau et le volume rejeté en mer. Nous sommes disposés à organiser un séminaire conjoint sur la thématique de l’eau pour approfondir ces questions.

M. Éric Martineau (Dem). Avec mes collègues du Groupe démocrate, nous avons soutenu la loi d’orientation agricole, dont nous sommes fiers. J’espère qu’elle poursuivra son chemin car j’y crois fermement.

Concernant vos critiques envers cette loi, ne pensez-vous pas que la résolution des problèmes incombe non seulement au politique, mais aussi au monde agricole ? En tant qu’agriculteur, je m’interroge : lorsqu’on travaille seul, en groupement de producteurs ou en organisation de producteurs, voire en association d’organisations de producteurs, ne pourrions‑nous pas déjà résoudre certains problèmes, notamment sur la définition du prix, garantissant ainsi un revenu aux agriculteurs ? J’en suis personnellement convaincu et j’aimerais connaître votre avis sur ce sujet.

Par ailleurs, lors d’une mission de contrôle sur les contrôles en agriculture menée avec ma collègue Anne-Laure Blin, nous avons constaté que, outre les contrôles étatiques, les agriculteurs ressentent fortement les contraintes liées aux cahiers des charges. J’aimerais votre opinion sur ces cahiers des charges non obligatoires mais qui, selon moi, contribuent au mal-être agricole. Comment distinguer et gérer la multiplication de ces cahiers des charges signés avec diverses chaînes de distribution, qu’il s’agisse du bio, de la haute valeur environnementale (HVE) ou d’autres spécifications propres aux distributeurs ? Certes, ces cahiers des charges ne sont pas imposés, mais leur impact est réel. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Mme Véronique Le Floc’h. La loi pour un choc de la compétitivité de la ferme France concernant la structuration des filières intégrait un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires, ainsi que des plans quinquennaux pour suivre leur développement. Un article traitait spécifiquement des productions à relancer.

Certes, nous pouvons négocier avec les organisations de producteurs pour obtenir des prix rémunérateurs. Cependant, les coopératives représentent l’organisation de producteurs la plus vertueuse. Notre demande d’une loi sur les coopératives s’explique par leur structuration actuelle. Les grandes coopératives fonctionnent désormais sous forme de holding, qui détiennent à leur bilan des filiales. Ces dernières versent leurs dividendes à la holding, mais très peu, voire rien, ne revient aux agriculteurs. C’est pourquoi nous réclamons cette loi de moralisation des coopératives agricoles.

Mme Amélie Rebière. Je suis éleveuse de veaux de lait sous label. Nous craignons que la multiplication des labels et des cahiers des charges ne vienne entraver notre agriculture vertueuse. Il est important de souligner que l’agriculture conventionnelle peut également être vertueuse. La prolifération des labels tend à dérouter les consommateurs. De plus, nous constatons que les revenus dégagés ne compensent pas toujours les contraintes imposées par ces certifications.

M. Thierry Benoît (HOR). J’aimerais connaître vos propositions sur le foncier, savoir quelle loi vous souhaitez sur les coopératives et avoir des éclaircissements sur la nécessaire restructuration ou réforme des interprofessions que vous souhaitez.

Mme Véronique Le Floc’h. L’accès au foncier agricole par les agriculteurs dès leur installation est primordial, sans laisser la finance s’immiscer dans nos exploitations. Nous approuvons le fonds de portage proposé par la Safer, qui détermine le prix du foncier dès le départ.  Nous suggérons également de s’inspirer de la loi d’amortissement De Robien dans l’immobilier pour le foncier agricole. Concrètement, lorsqu’un agriculteur acquiert du foncier, par exemple pour 100 000 euros, il pourrait l’amortir sur une période définie, disons à hauteur de 10 000 euros par an. En parallèle, il déclarerait les revenus fonciers de ses propres terres, qui seraient compensés par l’amortissement. Cela lui permettrait d’économiser la CSG. Dans cet exemple, correspondant à environ 20 hectares dans ma région, la perte pour l’État se limiterait à 3 000 euros de CSG/CRDS sur 10 ans. Ce système s’avère plus avantageux que le recours à des groupements reconnus d’économie sociale et solidaire comme Terre de liens, qui offrent une réduction d’impôt allant jusqu’à 25 % sur la vente de parts de foncier papier, ce qui coûte 25 000 euros à l’État. Je préfère que le foncier reste aux mains des agriculteurs grâce à ce dispositif fiscal peu onéreux pour l’État.

Pour les jeunes agriculteurs, nous envisageons la possibilité de négocier avec les banques des prêts à très long terme, sur 20 à 30 ans, avec des paliers permettant d’absorber l’installation sur 9 à 12 ans. Les échéances équivaudraient au loyer qu’ils auraient payé à un tiers.

Concernant les coopératives agricoles, nous préconisons de consolider toutes les filiales au sein du bilan de la coopérative. Cela implique soit l’autonomisation de certaines filiales, soit leur réintégration dans le bilan de la coopérative.

Nous proposons plusieurs mesures pour contrôler la rémunération des dirigeants. Actuellement, un critère important pour toutes les entreprises est le ratio entre la masse salariale et la valeur ajoutée, avec un objectif inférieur à 50 %. Dans l’agroalimentaire, la moyenne est de 53 %, mais elle est tirée vers le haut par les coopératives, qui atteignent 72 %. Cette explosion de la masse salariale dans les coopératives s’explique par leur structuration et du fait de l’accord national paritaire, qui lie la rémunération au chiffre d’affaires et au nombre de salariés, incitant ainsi à la croissance.

Quant aux interprofessions, nous devons réévaluer leur pertinence. Il faut examiner l’allocation des budgets et questionner la pertinence de financer des bureaux à Shanghai ou à New York. Ces aspects sont intégrés dans notre projet visant à stimuler la compétitivité de la ferme France.

M. André Chassaigne (GDR). Votre approche axée sur la compétitivité pourrait être qualifiée de libérale. Cependant, nous estimons qu’une agriculture plus administrée s’avère nécessaire. C’est notamment ce que je défends. Concernant l’efficacité des lois Egalim, une intervention étatique plus poussée permettrait de garantir des prix rémunérateurs. Quelle est votre appréciation sur les critiques m’accusant de promouvoir une agriculture à la soviétique en préconisant une administration accrue du secteur ?

J’ai déposé une proposition de loi sur le système public de prévention et de gestion des risques il y a plusieurs années, que je vous transmettrai pour analyse. Je préconise un système d’assurance publique qui ne se limite pas à l’indemnisation, mais englobe également la prévention, notamment face au réchauffement climatique et à l’intensification des échanges agricoles internationaux. Une approche plus protectrice et anticipative de la production agricole me semble indispensable.

Enfin, je considère que l’agriculture, en tant que bien public, ne devrait pas être incluse dans les accords de libre-échange. Préconisez-vous le maintien de ces accords avec un volet agricole, en renforçant les contrôles sur les importations ? Ou bien estimez-vous qu’il faut les abandonner au profit d’accords de coopération et d’échanges, éventuellement bilatéraux entre États ? Quel est votre point de vue sur les échanges commerciaux équitables dans le domaine agricole, sachant qu’une circulation commerciale reste envisageable ?

Mme Véronique Le Floc’h. J’ai proposé dans mes propos préliminaires le concept d’exception agriculturelle. Il s’agit d’exclure l’agriculture de l’OMC, afin d’éviter son inclusion dans les accords de libre-échange et de prévenir le dumping de nos excédents en Afrique. La première sécurisation de notre revenu face aux aléas climatiques et autres consiste à pouvoir constituer une trésorerie, comme par le passé, avec une année dans nos champs, une à la banque et une en stock dans nos fermes. La seule protection envisageable au niveau européen repose sur la réserve de crise, existante depuis 2012. Or, jusqu’en 2021, les fonds non utilisés n’étaient pas reportables. La première utilisation de cette réserve a eu lieu en 2022, en réponse à la situation en Ukraine, pour un montant de 450 millions d’euros. Cette année, il serait nécessaire de faire appel à cette réserve de crise, d’accélérer son intervention et d’augmenter significativement son montant.

Je citerai les propos du commissaire sortant qui, le 13 juin 2023, abordait la question budgétaire en précisant qu’aucune position officielle de la Commission n’existait encore. Il rappelait que le budget de la PAC représentait 0,4 % du PIB, montant insuffisant pour répondre efficacement aux grands défis auxquels l’agriculture fait face dans cette crise majeure. Il soulignait le risque que les agriculteurs renoncent aux paiements directs, danger bien réel. Il concluait que la réserve agricole s’avère insuffisante dans une situation de crise profonde et généralisée.

M. Patrice Martin (RN). L’année dernière, la Coordination rurale a organisé des manifestations d’envergure nationale qui ont sensibilisé le Gouvernement à la situation précaire de nos agriculteurs. Je tiens à exprimer une pensée pour l’agricultrice qui a perdu la vie en défendant sa profession sur un barrage routier, ainsi que pour sa fille. Je souhaite rappeler nos revendications principales. Nous dénonçons la concurrence déloyale engendrée par l’importation de produits agricoles provenant de pays aux normes moins contraignantes que celles imposées à l’agriculture française. Ces importations sont favorisées par des accords tels que le CETA et l’accord UE-Nouvelle-Zélande. Actuellement, la Chine, en réaction aux taxes européennes sur ses automobiles, instaure des barrières douanières sur des produits agricoles français, notamment le cognac et les produits laitiers. Concernant l’accord du Mercosur, bien que le Premier ministre Michel Barnier ait exprimé sa position, la décision finale relève de Bruxelles et non de la France seule. Quelle serait votre réaction si cet accord était ratifié sans l’aval de notre pays ?

Mme Nicole Le Peih (EPR). La récolte 2024 s’annonce particulièrement difficile. Les productions sont en crise, les élevages sont frappés par des maladies comme la FCO et la filière biologique est asphyxiée par l’augmentation des coûts et la baisse des prix. Vous soulevez des enjeux importants, notamment la réadministration et l’absence de protection contre des importations ne respectant pas nos normes. Cependant, les solutions concrètes à court terme tardent à émerger. Dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances 2025, quelles actions immédiates, réalistes et applicables proposez-vous pour soutenir efficacement nos agriculteurs et garantir la viabilité de leur exploitation ?

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). La propagation de maladies affectant le bétail, notamment la fièvre catarrhale ovine, engendre une crise agricole majeure et suscite l’inquiétude de nombreux éleveurs, y compris dans mon département de l’Aveyron. Cette situation s’ajoute aux préjudices causés par l’importation de viande néo-zélandaise à bas prix et à une dérégulation des marchés, soutenue par la Commission européenne et le Gouvernement de M. Macron. Ce dogme du libre-échange contribue également à la diffusion des foyers infectieux.

Nous sommes nombreux à juger la réponse de l’État largement insuffisante. C’est pourquoi les députés LFI-NUPES ont formulé des propositions visant entre autres à permettre l’accès et la prise en charge intégrale des vaccins, ainsi qu’à accélérer la recherche sur les maladies virales. Estimez-vous que la réponse de l’État est adaptée et proportionnée à l’urgence de la situation ? Quelles nouvelles mesures vous semblent prioritaires pour enrayer cette crise ?

M. Éric Martineau (Dem). Pendant votre présentation, vous avez évoqué la francisation chez les industriels et les distributeurs. Cependant, j’estime que ce phénomène pourrait également concerner le milieu agricole, notamment nos coopératives. Je souhaiterais connaître votre opinion sur ce point.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Vous avez souligné votre attachement à la bonne transmission des exploitations, particulièrement dans les filières d’élevage. Le renouvellement constitue un enjeu majeur pour notre pays. Lors du salon de l’élevage de Rennes, le Crédit Agricole a annoncé son intention d’entrer au capital des fermes. Cette banque propose de devenir actionnaire des exploitations agricoles, notamment dans les filières de production avicole et porcine. Face au nombre important de départs à la retraite, estimez-vous que cette initiative bancaire pourrait s’avérer bénéfique pour les agriculteurs souhaitant s’installer ? De plus, considérez-vous qu’une banque dispose de la légitimité nécessaire pour entrer au capital d’une exploitation ?

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Le changement climatique constitue aujourd’hui une réalité indéniable. Dans ce contexte, la gestion de l’eau s’avérera déterminante dans les années à venir, particulièrement pour le secteur agricole. Le bon sens recommande de capter l’eau lorsqu’elle est abondante, pour la restituer au milieu naturel en période de besoin. Cette eau ne disparaît pas, elle est simplement stockée temporairement. À mon sens, la réalisation de retenues collinaires représente une solution pertinente. Néanmoins, les démarches administratives s’avèrent souvent pesantes et les procédures s’éternisent. Quelle est votre position concernant la création de retenues collinaires ? Quelles propositions formulez-vous pour simplifier ces procédures administratives ?

M. Boris Tavernier (EcoS). La défense de notre souveraineté alimentaire est un enjeu qui devrait toutes et tous nous préoccuper. Aujourd’hui, notre souveraineté alimentaire est mise à mal. Elle est mise à mal par le réchauffement climatique. Elle est mise à mal par la chute massive et à venir du nombre d’agriculteurs. Elle est mise à mal par les accords de libre-échange qui se poursuivent, mais elle est aussi mise à mal par la dépendance de notre système agricole à de nombreuses importations. Nous importons pour produire. En mars 2024, le Gouvernement a ainsi publié un rapport d’évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire de la France. Ce dernier souligne notre très forte dépendance vis-à-vis de l’importation d’intrants. À titre d’exemple, la France est très fortement dépendante aux importations d’azote minéral qui servent pour les engrais. Concrètement, en 2022, la France importait plus de 80 % de ses engrais, dont une large part provient de pays en dehors de l’Union européenne, créant une double dépendance aux pays tiers et aux énergies fossiles qui servent à les fabriquer. Cette dépendance représente une vulnérabilité forte pour notre pays, mais également pour nos agriculteurs. Ainsi, afin de protéger la souveraineté alimentaire de notre pays, que propose la Coordination rurale pour réduire notre dépendance à ces importations d’intrants et quel est son plan pour des systèmes de production plus économes et autonomes en intrants ?

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NFP). Il y a deux grands enjeux aujourd’hui, il me semble, pour l’agriculture. C’est la concurrence internationale et la crise écologique. Il y a deux façons de le prendre. La première option consiste à poursuivre le modèle néolibéral et nécessairement productiviste, en nivelant vers le bas notamment les règles environnementales, ce qui augmentera la pression sociétale et pose des limites agronomiques. C’est aussi une course en avant en machines, en intrants et donc des problèmes d’endettement.

La seconde option est agro-écologique, avec la protection contre toute concurrence déloyale aux frontières et le soutien significatif aux agriculteurs pour effectuer cette transition, afin d’assurer des débouchés aussi aux produits de qualité ou bio. Comment vous situez sur ces deux options ? Vous engagez-vous pour la transition agro-écologique ? Parce que je ne veux pas croire que vous ne vouliez pas la faire en réalité.

Mme Valérie Rossi (SOC). Dans mon département, les Hautes-Alpes, l’environnement naturel exceptionnel permet la production de miels de grande qualité. Or, les apiculteurs, en particulier les petits exploitants, affrontent actuellement de nombreuses difficultés économiques. Celles-ci résultent de plusieurs facteurs : les pertes de colonies, les coûts élevés des traitements contre les maladies, les bouleversements climatiques, ainsi que la concurrence des miels à bas prix. Ces problèmes menacent non seulement la survie des abeilles, mais également l’ensemble des écosystèmes et des cultures qui dépendent de la pollinisation. Cependant, malgré leur rôle essentiel en tant que lanceurs d’alerte sur ces questions environnementales, les apiculteurs se perçoivent souvent comme les laissés-pour-compte du secteur agricole.

Dans ce contexte, je m’interroge sur l’avenir de cette profession. Quelles perspectives envisagez-vous pour les apiculteurs ? Quelles mesures pourrions-nous mettre en œuvre pour soutenir le développement de leur filière ?

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le rapport conjoint du Secours catholique, du réseau SIVAM, de Solidarité paysan et de la Fédération française des diabétiques sur le prix de l’alimentation révèle que, sur 100 euros de courses, seuls 7 euros reviennent aux producteurs. La raison principale réside dans le fait que 50 % du prix payé par les consommateurs est capté par les intermédiaires, qui n’hésitent pas à augmenter leurs marges malgré la crise du pouvoir d’achat actuelle. Une autre étude menée par l’UFC-Que Choisir a démontré que 46 % du surcoût des produits biologiques provient en réalité des marges excessives appliquées par les grandes surfaces sur ces articles. Les agriculteurs ont clairement exprimé leur volonté d’être rémunérés équitablement pour leur travail lors des mobilisations du début d’année. Le rapport recommande notamment de rendre obligatoire la publication des taux de marge et de les encadrer légalement. La France Insoumise avait d’ailleurs soutenu cette proposition l’année dernière. Face à cette situation, plusieurs pistes sont envisagées, telles que l’instauration de prix planchers ou la garantie de prix rémunérateurs, entre autres. Dans ce contexte, j’aimerais connaître les propositions concrètes de la Coordination rurale pour assurer une rémunération juste aux agriculteurs.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je souhaite aborder la question du statut des zones humides, sujet particulièrement sensible actuellement. Ces zones remplissent plusieurs fonctions essentielles : elles séquestrent les gaz à effet de serre, abritent une biodiversité patrimoniale et permettent la pratique de l’élevage. Par ailleurs, il s’avère primordial de ralentir l’écoulement de l’eau vers la mer. Or, les zones humides jouent un rôle clé dans ce processus en retenant l’eau, en favorisant son infiltration et en permettant ainsi la recharge des nappes souterraines, qui s’avère indispensable pour satisfaire l’ensemble des usages de l’eau. Ces zones revêtent donc une importance stratégique pour trois enjeux majeurs : le climat, la biodiversité et la gestion de l’eau. Plutôt que de chercher à les réduire, nous devrions élaborer des politiques publiques visant à accompagner les éleveurs dans la valorisation continue de ces espaces.

Mme Véronique Le Floc’h. Le président Emmanuel Macron s’est engagé à ne pas adhérer au Mercosur. Nous lui avons toutefois rappelé qu’il n’avait pas retiré le mandat de négociation de la France accordé à la Commission européenne. Les études de l’OCDE prévoient déjà un déficit d’au moins 5 % de la production de viande, notamment bovine, en Europe en 2032. Nous nous opposons aux accords du Mercosur, car ils constituent une aberration. Il est insensé d’importer plus de 30 000 tonnes de porcs, alors que l’Europe demeure le premier exportateur mondial, avec plus de 70 000 tonnes. De plus, cela soulève des enjeux environnementaux majeurs, les importations ne respectant pas nos normes. Nous défendons l’exception agricole.

Concernant les mesures pour le projet de loi de finances, nous mettons l’accent sur le foncier, notamment la taxe foncière sur le non-bâti. Pour nous agriculteurs, le rapport entre nos taxes foncières et les loyers équivalents de ces terres s’élève à environ 45 %, auxquels s’ajoutent 17 % de CSG. Cela représente une imposition de 60 % sur un bien entrant dans notre cycle de production, soit le double de la flat tax.

Parmi les mesures touchant directement notre portefeuille, l’encadrement de l’énergie s’avère primordial. Nous demandons le respect des engagements écrits de Gabriel Attal qui, lors des crises, annonçait deux mesures fiscales, notamment l’exonération de 30 % de la dotation pour épargne de précaution. Nous revendiquons une exonération allant jusqu’à 100 % les années de crise pour subsister avec un minimum d’aide. Nous privilégions un abattement maximal plutôt que de solliciter davantage d’aides. Gabriel Attal avait également annoncé un soutien supplémentaire de 50 millions d’euros pour la taxe foncière sur le non-bâti. Nous espérons que cette mesure sera réactualisée.

Mme Amélie Rebière. J’ai évoqué la crise sanitaire et les manifestations de l’année qui ont conduit à l’annonce d’une enveloppe d’aide de 80 millions d’euros. Cette somme se répartissait en plusieurs volets, notamment pour lutter contre la tuberculose, réduire l’empreinte carbone et renforcer la résilience sanitaire. De plus, une enveloppe de 400 millions d’euros de prêts garantis par l’État avait été promise. Ces deux mesures s’inscrivaient dans le plan de reconquête de la souveraineté de l’élevage. Cependant, nous n’avons reçu aucune information sur leur mise en œuvre effective. Nous souhaitons connaître le devenir de ces aides et savoir si nous pouvons y prétendre, car elles permettraient de répondre rapidement à la crise sanitaire actuelle.

Mme Véronique Le Floc’h. Concernant les réponses insuffisantes aux crises sanitaires, les 80 millions d’euros prévus dans le plan de reconquête de la souveraineté de l’élevage n’ont probablement pas été entièrement utilisés. Nous devrions les débloquer immédiatement pour sauver nos élevages. De même, les 400 millions de prêts garantis, initialement destinés à l’installation et aux projets innovants, doivent désormais servir de PGE pour préserver l’élevage.

Sur la francisation, nous devons revoir les déclarations fiscales de nos entreprises. Actuellement, elles distinguent les produits français des produits exportés. Il faudrait ajouter une distinction entre les charges liées aux matières premières françaises et celles liées aux matières premières importées. Cela permettrait d’identifier les flux et les délocalisations de résultats, comme je le proposais dans le projet de loi pour un choc de compétitivité de la ferme France.

Prenons l’exemple de la crème : la France, premier producteur de beurre en Europe, reste déficitaire en beurre et en crème. Nous exportons deux fois plus de crème en vrac que nous n’en importons, mais à 1 euro, contre 4 euros à l’import. Résultat : nous perdons 100 millions d’euros, malgré un volume d’export supérieur. Pire encore, nous exportons de la crème conditionnée moins cher que nous n’importons de la crème en vrac. Il faut contrôler ces flux pour identifier les responsables de ces pratiques. Ce trafic concerne principalement les entreprises européennes, selon les chiffres des douanes.

Concernant le Crédit Agricole dans les secteurs comme la volaille ou le porc, je m’oppose fermement à son implication dans nos exploitations. Par le passé, nous avons déjà vu des fournisseurs d’aliments entrer au capital des exploitations en effaçant les dettes, puis demander l’apport du foncier pour effacer de nouvelles dettes, s’appropriant ainsi les terres. Ni les industriels, ni les banques ne doivent intervenir dans nos entreprises.

Pour résoudre le problème des entreprises hors-sol dont la valeur repose sur des comptes courants associés fictifs, la Coordination rurale propose un suramortissement de nos outils et bâtiments immobilisés. Par exemple, un bâtiment de 1,2 million d’euros habituellement amorti à 100 000 euros sur 12 ans le serait sur 20 ans. Cela créerait un avantage fiscal de 40 000 euros, à prendre en compte lors de la cession pour éviter les doubles bénéfices. L’objectif est d’empêcher que les agriculteurs en fin d’amortissement ne soient contraints d’investir dans du matériel superflu pour échapper à la fiscalité et aux charges sociales.

Mme Amélie Rebière. Étant donné votre département d’origine, monsieur Vigier, vous comprenez notre soutien aux retenues collinaires. Il est impératif de simplifier nos démarches. Nous insistons depuis longtemps sur le fait que l’agriculture nécessite de l’eau. Les précipitations abondantes de l’hiver et du printemps derniers le démontrent. Plutôt que de laisser cette eau s’écouler vers la mer, ne devrions-nous pas la conserver, tout en préservant les zones humides et en respectant un cadre réglementaire ?

Il est essentiel de définir clairement nos priorités et leurs bénéficiaires. Devons-nous privilégier les agriculteurs pour éviter des situations dramatiques comme dans le Sud, où l’activité agricole devient impossible en raison du changement climatique ? L’adaptation s’impose, et pour cela, nous devons faciliter la tâche des agriculteurs, notamment sur le plan administratif. Bien entendu, cette simplification doit s’opérer dans un cadre réglementaire strict. Nous ne sommes pas des hors-la-loi, et chacun en est conscient.

Mme Véronique Le Floc’h. Je souhaite souligner la nécessité d’une simplification entre les différents plans relatifs à l’eau. En avril 2023, Emmanuel Macron a annoncé un plan eau comprenant 30 millions d’euros pour l’amélioration des systèmes d’irrigation et 50 millions d’euros pour les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), entre autres dispositions. Par la suite, nous avons vu émerger le plan Méditerranée, qui concerne 18 départements. Cette multiplication des initiatives soulève des questions : pourquoi l’Ariège, l’Aveyron ou les Hautes-Alpes n’y sont-ils pas inclus ? Cette complexité va à l’encontre de la simplification demandée. Nous aspirons simplement à une approche pragmatique et cohérente.

Mme Amélie Rebière. Je souhaite aborder la question des zones humides, évoquée par Monsieur Biteau. Un cas en Corrèze illustre les problématiques actuelles. Un industriel du bois a obtenu l’autorisation d’aménager une zone de stockage sur une zone humide de plus d’un hectare, entretenue par un lycée agricole et classée. Il a justifié cette action en proposant de compenser par la création d’une autre zone humide à plusieurs dizaines de kilomètres. Cette démarche, bien que conforme à la législation en vigueur, soulève des interrogations. La loi sur l’eau présente certaines failles. Les agriculteurs se trouvent confrontés à des traitements différenciés selon les situations. Il s’avère nécessaire de réexaminer ces dispositions et de définir clairement les priorités en matière de préservation des zones humides. Nous devons mettre ces questions en débat pour établir une politique cohérente et équitable.

Mme Véronique Le Floc’h. La baisse du nombre d’agriculteurs et leur dépendance économique constituent des enjeux majeurs. Je recommande la lecture de l’ouvrage de Bertrand Valiorgue sur l’agriculture à l’ère de l’anthropocène, qui dénonce les oligopoles dans ce secteur. Nous observons une concentration inquiétante, notamment dans le domaine des semences, où 60 % du chiffre d’affaires est réalisé par les trois principaux acteurs mondiaux. Ces mêmes groupes contrôlent également 74 % du marché des produits de traitement. Ce phénomène de concentration s’étend désormais au matériel agricole. Il devient impératif de trouver des moyens pour mieux encadrer l’influence de ces groupes multinationaux.

Concernant la question d’Aurélie Trouvé, la Coordination rurale soutient pleinement un modèle agricole résilient. Notre priorité est d’assurer la production et la souveraineté alimentaire nationale avant de nous tourner vers l’exportation. L’agroécologie fait partie intégrante de notre vision depuis la création de notre organisation. Notre festival du non-labour et semis direct, qui en est à sa vingt-quatrième édition cette année, en témoigne. Nous devons accompagner les agriculteurs pour leur permettre d’adopter ces pratiques vertueuses.

Mme Amélie Rebière. La profession d’apiculteur pâtit d’un manque de reconnaissance, mais surtout d’un déficit de professionnalisation. L’apiculture souffre d’un manque de représentativité et d’une concurrence déloyale des particuliers possédant quelques ruches. Ces derniers produisent leur miel sans être soumis aux mêmes charges et contraintes que les professionnels. Pour améliorer la situation et permettre une meilleure remontée des problématiques de terrain, une structuration professionnelle des apiculteurs s’avère nécessaire. Récemment, un appel à projets de France AgriMer a été lancé, mais les apiculteurs n’en ont probablement pas été informés. Les critères exigeaient la possession de plus de 400 ruches, ciblant ainsi les apiculteurs professionnels. Cette situation met en lumière un problème plus large concernant la communication autour des appels à projets de France AgriMer. Les échanges avec la Direction départementale des territoires (DDT) s’avèrent souvent difficiles, ce qui entraîne un manque d’information pour les agriculteurs, qui risquent de manquer des opportunités.

Les apiculteurs se trouvent donc doublement pénalisés. D’une part, leur manque d’organisation et de professionnalisation les dessert. D’autre part, les problèmes de communication les empêchent d’accéder à certaines opportunités. Sans une meilleure structuration, ils ne peuvent ni solliciter efficacement la DDT, ni participer aux réunions et commissions importantes pour leur secteur.

Mme Véronique Le Floc’h. Je souhaite répondre à Mathilde Hignet concernant le rapport du Secours catholique. Ce document, à l’instar du rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), souligne que la part de valeur ajoutée revenant aux agriculteurs s’élève à 7 euros. Il convient surtout de relever l’importance des importations, qui représentent plus de 30 euros.

À la Coordination Rurale, nous préconisons l’instauration d’une TVA sociale pour taxer ces produits importés. Concernant le taux de marge appliqué sur chaque produit, nous estimons qu’un pourcentage suffisant pour un produit conventionnel pourrait être maintenu comme marge fixe pour un produit bio ou labellisé, même si celui-ci est plus onéreux, sans nécessiter de coefficient multiplicateur.

Je souhaite conclure sur le budget de l’agriculture, également évoqué par Aurélie Trouvé. Le site budget.gouv.fr prévoit une baisse de 7,8 % pour l’agriculture, ce qui suscite de vives inquiétudes. Le programme 149, axé sur la compétitivité et la durabilité, est particulièrement affecté. Ces budgets couvrent notamment la préparation, la couverture et la gestion des risques. Nous nous mobiliserons fermement sur cette question.

Mme Amélie Rebière. Je souhaite aborder la question du suicide des agriculteurs et de leur accompagnement, un sujet crucial en milieu rural. Ayant suivi une formation de sentinelle, je peux témoigner d’un problème concret rencontré sur le terrain. La Mutualité sociale agricole (MSA) annonce, en commission sur le mal-être agricole en préfecture, une augmentation de l’enveloppe destinée à faciliter le remplacement des exploitants en burn-out. Cependant, cette mesure s’avère inefficace en raison de la pénurie de main-d’œuvre agricole. Nous ne trouvons ni remplaçants, ni salariés, et les services de remplacement sont également dans l’impasse. La MSA se retrouve donc démunie face à cette situation. À la Coordination rurale, nous avons proposé d’envisager, au cas par cas, des années blanches pour les cotisations MSA dans ces situations critiques. En effet, certaines aides sont conditionnées au paiement à jour des cotisations, créant ainsi un cercle vicieux. De plus, l’allocation de crédits supplémentaires est vaine si nous ne disposons pas de remplaçants.

Auparavant, le dispositif d’aide au répit imposait à l’agriculteur de quitter son exploitation. Cette contrainte s’avérait contre-productive : nos exploitations sont comme nos enfants ou nos bêtes, les quitter ne fait qu’accentuer notre anxiété, surtout lorsqu’on les confie à une personne inconnue et potentiellement peu compétente. Par exemple, ma production de veau de lait sous la mère nécessiterait trois personnes par jour : une le matin, une le soir et une le week-end. Vous imaginez la difficulté à trouver une telle main-d’œuvre.

Un problème persiste donc concernant la MSA et les cotisations sociales. Bien que le suivi ne soit pas optimal, il convient de l’améliorer et de développer un réseau de sentinelles sur le terrain. Cette tâche n’est pas aisée et requiert un travail conséquent. Néanmoins, la MSA doit consentir des efforts, notamment en matière de cotisations. Force est de constater que le système actuel de remplacement de main-d’œuvre ne fonctionne pas.

Mme Véronique Le Floc’h. La question de la main-d’œuvre représente une préoccupation majeure pour les agriculteurs. La surcharge de travail mène souvent à l’épuisement professionnel, phénomène qui touche de nombreux exploitants pour diverses raisons, pas uniquement financières. Les dégâts causés par les sangliers en sont un exemple parmi d’autres. Bien que reconduit annuellement et étendu de 1,2 à 1,25 SMIC, le dispositif travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE) n’est garanti que jusqu’au 31 décembre 2025. La Coordination rurale préconise son maintien au-delà de cette date et son extension à 2 SMIC. Nous recommandons également d’y inclure les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), les services de remplacement et les entreprises de travaux agricoles, qui peinent actuellement à se faire rémunérer. J’avais d’ailleurs effectué des calculs à ce sujet dans une note pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de l’année précédente.

La Coordination Rurale est favorable à l’agrivoltaïsme. Cette pratique s’inscrit dans la programmation pluriannuelle énergétique, visant à doubler la production d’énergie solaire. Les agriculteurs doivent y contribuer. La loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER) encadre correctement les surfaces, avec un plafond de 100 000 hectares. Ce chiffre est à relativiser face aux 30 000 hectares qui retournent chaque année à l’état sauvage. Nous estimons que des projets bien conçus et gérés peuvent améliorer les résultats des agriculteurs concernés, augmenter la production ovine et réduire notre dépendance énergétique. Nous soutenons cette mesure, en préconisant la formation des intervenants en commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Nous proposons deux types de rémunération en fonction du chiffre d’affaires ou à l’hectare. Cependant, de nombreux points restent à vérifier pour garantir que l’agriculteur ne se retrouve pas en difficulté à la fin du bail.

Je reste à votre disposition pour approfondir les débats sur l’eau, la fiscalité ou l’avenir de l’agriculture. Dès à présent, veillons à ce que tous les budgets votés pour l’agriculture soient effectivement alloués à nos exploitations. Cela concerne aussi bien la politique agricole commune que des dossiers spécifiques comme ceux du Lot-et-Garonne ou du Gers. Il est inacceptable qu’un agriculteur éligible à une aide de 34 000 euros ne perçoive finalement que 2 700 euros. Cette situation soulève un problème sérieux que nous devons résoudre.

M. le vice-président Pascal Lecamp. Je remercie les intervenantes pour leur présentation claire et précise, ainsi que pour leurs réponses aux questions pertinentes et parfois complexes de nos collègues. Nous avons collectivement signé et voté à l’unanimité une résolution transpartisane sur le Mercosur, que j’ai soutenue avec de nombreux autres députés. Cette résolution demeure en vigueur et a été rappelée au Président de la République ainsi qu’au nouveau Premier ministre, Monsieur Barnier. Ce sujet suscite un consensus parmi l’ensemble des députés, et nous vous soutenons pleinement sur cette question.

Quant à la garantie du prêt à moyen terme, j’ai récemment rencontré le président-directeur général de la BPI, qui m’a confirmé son activation. Il incombe désormais aux banques de se rapprocher de la BPI pour sa mise en œuvre. Bien que ce dispositif ne soit opérationnel que depuis peu, il est effectivement en place.

Je tiens à saluer votre enthousiasme constant, votre dynamisme et votre détermination à nous convaincre.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 25 septembre 2024 à 11 h 30

Présents.  M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, M. Éric Bothorel, M. André Chassaigne, M. Julien Dive, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, M. Harold Huwart, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, M. Jérôme Nury, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, Mme Valérie Rossi, M. Matthias Tavel, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber

Excusés.  M. Antoine Armand, Mme Valérie Létard, M. Laurent Lhardit, M. Max Mathiasin, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet