Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
— Audition, ouverte à la presse, du général de brigade Paul Sanzey, commandant le centre national des sports de la défense, commissaire aux sports militaires, accompagné de Mme Gaëlle Edon, athlète paralympique, membre du personnel civil de la gendarmerie, sur la participation des militaires aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Mercredi
25 septembre 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 3
session ordinaire de 2023-2024
Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
président
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La séance est ouverte à neuf heures trente.
M. le président Jean-Michel Jacques. Cette première audition de notre commission pour cette 17e législature aborde un sujet d’actualité : la contribution sportive des militaires aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Nous avons le plaisir d’accueillir le général de brigade Paul Sanzey, commissaire aux sports militaires, qui commande le Centre national des sports de la défense (CNSD). Il est accompagné de Mme Gaëlle Edon, athlète paralympique, membre du personnel civil de la gendarmerie, vice-championne du monde 2023 de tir au pistolet à 10 mètres.
Le CNSD, organisme à vocation interarmées, assure l’animation de la pratique des activités physiques, la formation des moniteurs militaires, la reconstruction des blessés et l’accompagnement des sportifs de haut niveau. Aujourd’hui, il accueille plus de deux cents sportifs de haut niveau de la défense. Cette « Armée de champions » s’est particulièrement illustrée lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, puisque nos athlètes-soldats ont décroché vingt-et-une médailles, dont quatre en or, aux Jeux olympiques, et vingt-cinq médailles, dont six en or, aux Jeux paralympiques. Autrement dit, elle revendique un tiers des médailles françaises. Au nom de notre commission, j’adresse à l’ensemble des athlètes et encadrants mes sincères félicitations pour ce bilan historique, ainsi que pour la magnifique image qu’ils ont donnée de la France et de la communauté de défense.
Au-delà de ces brillants résultats, nous aborderons aujourd’hui les enjeux et bénéfices sur la durée, pour nos armées, nos athlètes et le sport français, de cet engagement olympique et paralympique, ainsi que la mission du CNSD. Celui-ci constitue un moyen d’intégration de la jeunesse par le sport, et de renforcement du lien entre l’armée et la nation. Il est un outil d’excellence au profit de nos athlètes et participe du rayonnement national et international de nos armées et de la diplomatie sportive. Par ailleurs, vous nous montrerez, mon général, comment cet engagement contribue à la préparation opérationnelle de nos forces.
Enfin, nous aurons également la chance d’écouter votre témoignage, Madame Edon, et d’en apprendre davantage sur le parcours d’une sportive de haut niveau.
M. le général de brigade Paul Sanzey, commandant le centre national des sports de la défense, commissaire aux sports militaires. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre accueil chaleureux. Je suis très honoré par votre invitation et un peu ému d’être le premier commissaire aux sports militaires à s’exprimer devant la représentation nationale. Nous allons tenter de vous présenter un écosystème qui a une longue histoire et qui s’est profondément rénové après la suspension de la conscription à la fin des années 1990.
Le CNSD est une petite entité rassemblant deux cents personnes dans la forêt de Fontainebleau, mais qui parle à 350 000 militaires pratiquant l’entraînement physique dans les trois armées et la gendarmerie nationale. Je m’exprime également en tant que commissaire aux sports militaires, une attribution confiée par un arrêté du ministère des armées, qui fait de cet officier le représentant des armées auprès du sport français et international. Je suis également désigné comme représentant de la France au Conseil international du sport militaire (CISM), une instance collégiale multilatérale passée de cinq membres à sa création en 1948 à 141 membres aujourd’hui et où la France, membre fondatrice, parle avec une certaine autorité.
Mme Gaëlle Edon. À la suite d’un grave accident en 2012, je suis devenue hémiplégique et je suis parvenue à me reconstruire par le sport. J’ai commencé à pratiquer le tir sportif en 2017, et j’ai rejoint le bataillon de Joinville en 2023. Vice-championne du monde de tir au pistolet, j’ai obtenu la cinquième place aux Jeux paralympiques de Paris, pour ma première participation. Cette cinquième place est quelque peu frustrante, car j’aurais aimé remporter une médaille pour l’offrir au CNSD, à qui je dois ma réussite sportive. J’ai signé avec le CNSD en tant que personnel civil de la gendarmerie, en parallèle de mes études en droit pénal et en sciences criminelles. Le CNSD apporte une aide très précieuse pour se reconstruire par le sport, mais aussi pour se donner un objectif professionnel au-delà de la carrière sportive.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Monsieur le président, vous avez cité les principales missions des sports militaires, et je vous propose à présent de les aborder en détail afin de mieux les comprendre et les hiérarchiser.
La formation et l’entraînement en vue du combat constituent le fondement de notre action. Les sports militaires modernes représentent une étape préparatoire dans la formation du jeune soldat, puisque l’on ne construit pas une compétence technique ou tactique sans avoir développé une capacité de résistance physique et psychique. À cet égard, le CNSD joue un rôle déterminant en formant des moniteurs de sport chargés d’entraîner les militaires. Chaque année, les forces armées nous confient mille moniteurs de sport qui sont formés ou recyclés au sein du CNSD à Fontainebleau dans toutes les disciplines, y compris équestres. Ils ont pour mission de transmettre aux 350 000 militaires des trois armées et de la gendarmerie nationale leurs savoir-faire, à l’exception de ceux relevant de pratiques plus techniques telles que le ski, le parachutisme ou la plongée, qui sont enseignées dans d’autres écoles ; en revanche, ces disciplines figurent bien parmi celles où brillent au plus haut niveau nos équipes de France militaires.
Les armées se sont saisies du sport de haut niveau parce que des militaires formés dans leurs écoles ont atteint la haute performance depuis le début du XX° siècle, prouvant ainsi la qualité de la formation dispensée. Le haut niveau représente aujourd’hui dans les armées un levier puissant de motivation pour élever le niveau général mais également une source d’expérience utile pour renforcer les capacités opérationnelles. En outre, les armées se sont penchées depuis longtemps sur le sport dans la perspective de la reconstruction physique et psychique de leurs blessés en opération. S’appuyant sur une formation du combattant d’excellente qualité, l’armée a donc créé en 1956 le bataillon de Joinville. Celui-ci est professionnel depuis 20 ans. Les athlètes y sont recrutés sur proposition des fédérations. En 2014, la décision a été prise d’intégrer des para-athlètes au sein du bataillon, ce qui a permis de donner davantage de réalité à l’expression « Armée de champions ». Celle-ci regroupe les sportifs de haut niveau de la défense, labellisés par le ministère des sports, mais aussi des athlètes d’un niveau technique légèrement inférieur, ce qui ne les empêche pas de s’illustrer dans les grandes compétitions internationales. Ainsi, deux vétérans et un jeune cadre d’active ont représenté la France lors du tournoi paralympique de volley assis. S’ils ne font pas formellement partie des sportifs de haut niveau, ils n’en demeurent pas moins des membres de la grande famille des sports militaires et de l’Armée de champions.
Cette attention portée au sport apporte aux forces armées une visibilité très intéressante, en termes de rayonnement voire de recrutement, même si, en la matière, il est toujours difficile d’établir un lien de cause à effet. Elle joue également un rôle fédérateur au sein de notre société, en partageant des valeurs fondatrices du métier militaire avec nos concitoyens. Nous constatons, par ailleurs, que les résultats olympiques et paralympiques sont très observés par nos camarades des armées étrangères, ce qui constitue un réel levier d’influence.
Mme Gaëlle Edon. Au cours de l’année, des stages de formation militaire sont proposés aux membres du bataillon de Joinville. Nous sommes tenus d’y participer. Durant ces stages, nous relevons des défis physiques, mais nous apprenons aussi la vie en communauté et l’entraide, parce qu’il est bien entendu que l’on ne gagne pas des médailles au plus haut niveau sans soutien. Pour ma part, j’ai formulé une demande d’aide pour améliorer ma pratique du tir, et j’effectue, avec le concours du CNSD, ma préparation physique au 27e bataillon de chasseurs alpins à Annecy et ma préparation mentale grâce à la gendarmerie d’Annecy, qui met à ma disposition un colonel pour une séance hebdomadaire. Un tel dispositif n’étant malheureusement pas mis en place par ma fédération, c’est le CNSD qui m’a soutenue et je les en remercie.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Notre système fonctionne bien, en prenant en compte des athlètes de haut niveau qui réclament un encadrement sur mesure. Au-delà de ce qu’apportent les fédérations, extrêmement compétentes dans leur discipline, notre expérience dans les opérations extérieures et les missions sur le territoire national nous permet de proposer aux sportifs un complément de formation en matière de gestion du stress, du sommeil ou de l’alimentation. Vous imaginez bien quelle tension pèse sur les épaules de ces jeunes gens, en particulier lorsque la plus grande des compétitions a lieu en France. Nombre d’entre eux, d’ailleurs, se sont exprimés à ce sujet à l’issue des Jeux olympiques et paralympiques, indiquant que cette pression pouvait les sublimer mais aussi les perturber. Aussi, une manière de leur donner le recul nécessaire par rapport à leur performance consiste à les faire parrainer par un régiment, un groupement de gendarmerie, une base navale ou une base aérienne. Entre membres d’une même génération, les sportifs et les militaires s’observent, se comprennent et font volontiers des parallèles enrichissants entre l’entraînement de haut niveau et la préparation à une opération.
Le bataillon de Joinville est composé en 2024 de 232 sportifs de haut niveau de la défense, valides ou para-sportifs, militaires ou civils. Ce contingent traduit un effort substantiel du ministère des armées, qui a décidé en 2019 de faire passer l’effectif de 150 à 230 membres. Il s’agit également d’un effort important pour l’encadrement, dans la mesure où il a fallu absorber ce surcroît d’effectif et de compétences. Le premier fruit de ces efforts, vous l’avez rappelé Monsieur le président, est ce bilan des Jeux olympiques et paralympiques, ces 46 médailles qui correspondent au tiers des médailles de la délégation française, alors que les membres du bataillon de Joinville représentaient seulement 13 % de ses effectifs. À cet égard, je rends hommage à tous mes subordonnés qui ont travaillé sans relâche pour atteindre ce résultat.
De ce bilan chiffré, je tire la preuve de l’efficience de l’écosystème construit avec le ministère des sports depuis une vingtaine d’années, avec pour horizons les Jeux de Tokyo en 2021 et ceux de Paris en 2024. L’écho médiatique de nos résultats a mis fin au relatif silence qui entourait le bataillon de Joinville en France, et me permet d’affirmer avec force qu’il est plus vivant que jamais. Il est désormais bien connu par tous ceux qui s’intéressent à l’armée, et il nous appartient de continuer à le faire vivre et à le faire connaître. Nous vous serons très reconnaissants de nous aider dans cette tâche.
Le bataillon de Joinville est également bien connu dans le monde du sport français. Il a, durant une cinquantaine d’années, accueilli une multitude de grands champions, à l’image de Tony Estanguet, passé par nos rangs. Depuis la fin de la conscription, la part des armées a été mise en lumière tant chez les valides que chez les para-athlètes, ce qui nous permet d’envisager la poursuite de nos actions en direction de la jeunesse. Au-delà des résultats aux Jeux olympiques et paralympiques, l’armée a accompagné les Jeux de Paris 2024 à travers certaines initiatives certes moins spectaculaires que les podiums, mais qui ont contribué, en amont, à la montée vers les Jeux et à la mobilisation de nos concitoyens. En avril 2024, nous avons réalisé la tournée des drapeaux aux Invalides. Nous avons créé deux expositions culturelles participant à la notoriété des sports militaires, et nous avons participé à deux autres expositions, l’une au musée de l’armée et l’autre au château de Vincennes. Le relais de la flamme olympique a été accompagné durant trois mois par des moniteurs du CNSD, et la flamme est passée au CNSD à Fontainebleau, de même que la flamme paralympique. À cette occasion, nous avons organisé une journée sur le para-sport et les blessés des armées. Le CNSD a également participé à la tenue des épreuves équestres à Versailles, notamment l’épreuve équestre du pentathlon moderne, pour laquelle il a mis à disposition des chevaux, au même titre que la Garde Républicaine et l’Institut français du cheval et de l’équitation. Enfin, le CNSD a été présent au Club France durant trois soirées, afin de mettre nos athlètes à l’honneur.
Les Jeux terminés, d’autres épreuves nationales et internationales s’annoncent. Notre objectif, pour les années à venir, est d’être au rendez-vous des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver qui se dérouleront en France en 2030 et, dans l’intervalle, de briller dans les compétitions internationales. Dans cette perspective, nous allons engager un rééquilibrage dans la composition du bataillon de Joinville, en accentuant notre effort sur les disciplines hivernales et en modulant notre participation dans d’autres disciplines. Bien entendu, les contrats de nos athlètes de haut niveau vont perdurer, mais le rééquilibrage se fera au gré des départs et de l’engagement volontaire des sportifs qui souhaitent rejoindre nos rangs.
Par ailleurs, alors que le ministère des armées, en accord avec le ministère des sports, se chargeait surtout de recruter des athlètes, nous accorderons désormais davantage de place aux entraîneurs. En effet, nous estimons que certains athlètes qui achèvent leur carrière sportive ont beaucoup à apprendre aux jeunes générations, et nous souhaitons les recruter comme entraîneurs. Enfin, notre ministère a exprimé sa volonté de faire une place aux blessés des armées ayant atteint un haut niveau de performance, qui aujourd’hui sont relativement peu nombreux.
Ce rééquilibrage de la composition du bataillon de Joinville se conjugue avec l’effort global au bénéfice du sport français, dont nous estimons qu’il bénéficie à l’ensemble de la communauté nationale, à la visibilité de la France et à son rayonnement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie. Nous passons aux questions des orateurs de groupe, qui disposent chacun de deux minutes.
M. Julien Limongi (RN). Quarante-six : c’est le nombre impressionnant de médailles remportées par nos militaires lors des Jeux olympiques et paralympiques. Nous avons toutes les raisons de nous montrer fiers d’eux. Ils étaient bel et bien dans une forme olympique pour faire briller la France lors de la plus prestigieuse compétition sportive internationale. Je tiens à saluer tout particulièrement la médaille de bronze obtenue en para-aviron par Margot Boulet, qui vient de ma circonscription et qui est une ancienne membre du GIGN. Réjouissons-nous ensemble de ces belles victoires, de cette fierté collective et de la ferveur qui a uni tous les Français autour de nos athlètes. Admirons ces valeurs de dépassement de soi et de courage qui sauront inspirer toute la nation. Pour ma part, j’étais convaincu du succès à venir après avoir assisté au passage de la flamme paralympique au CNSD, une structure exemplaire qui prouve que l’investissement dans le sport, tant sur le plan matériel que sur l’accompagnement humain, permet d’obtenir des résultats concrets et inspirants.
Nous suivons avec attention le projet du Village des blessés, dont l’inauguration est prévue au CNSD en 2025. Ce lieu non médicalisé accueillera des blessés et leur famille, leur offrant une opportunité unique de se reconstruire par le sport. Certains des médaillés paralympiques de demain, souhaitons-le, y seront formés.
La rentrée a été marquée par l’initiative encourageante de nombreux clubs sportifs en France, qui ont ouvert des créneaux dédiés au sport paralympique. Dans ce contexte, il serait intéressant de savoir comment l’armée, et en particulier le CNSD, pourrait contribuer à renforcer l’inclusion et l’accessibilité du sport paralympique sur nos territoires, et à consolider ainsi le lien essentiel entre les armées et la nation.
M. le général de brigade Paul Sanzey. J’ai apporté à l’occasion de cette audition une petite plaquette de présentation du Village des blessés, que je tiens à votre disposition. Ce projet est soutenu financièrement par les armées, en particulier par l’armée de terre et la gendarmerie nationale, pour un tiers, et par du mécénat, pour un budget d’environ 10 millions d’euros. Le Village des blessés ouvrira ses portes dans le camp de Guynemer du CNSD, en forêt de Fontainebleau, à la fin du deuxième trimestre 2025. Les bâtiments sont en cours d’aménagement, et disposent de cent lits afin d’accueillir des blessés et leur famille. En effet, la nouveauté de ce système est de traiter et accompagner par le sport non seulement le blessé, mais aussi ses proches.
Ce projet m’inspire un parallèle avec un événement bien connu, les Invictus Games de nos camarades britanniques, qui ont démontré l’effet bénéfique d’une compétition amicale entre nations alliées sous le regard des familles. Je me suis moi-même rendu à l’édition 2023, qui se tenait à Düsseldorf. J’y ai été impressionné par le rayonnement de nos camarades blessés dans les compétitions et les effets très positifs d’un tel événement sur leur entourage. Le Village des blessés est en quelque sorte notre Invictus Game, à cette différence qu’il s’agit moins d’un show que d’une structure d’accompagnement pragmatique et dans la durée de nos camarades blessés.
En ce qui concerne notre soutien au para-sport, nous collaborons avec la Fédération française handisport (FFH) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) présidé par Marie-Amélie Le Fur, avec laquelle je m’entretiens régulièrement. Nous ne souhaitons pas être « menant » sur ce sujet, pour reprendre une expression classique dans les armées, mais plutôt accompagner l’ouverture au handisport en complétant la formation de nos moniteurs de sport par une formation spécifique. Celle-ci prendra la forme d’un module particulier délivré au CNSD avec l’appui de la Fédération française handisport. L’objectif, à terme, consiste à ce que les unités militaires qui maillent le territoire soient pourvues des compétences requises pour accompagner le handisport d’abord au bénéfice des familles de militaires et de partager cette expertise dans les clubs sportifs des garnisons.
M. Karl Olive (EPR). Je souhaite souligner et remercier l’engagement de toutes les forces armées durant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, ainsi que tous les militaires de l’opération Sentinelle. Toutes les composantes de l’armée se sont montrées à la hauteur du rendez-vous, sur tous les sites olympiques et notamment lors du parcours de la flamme. Oui, Paris 2024 a aussi été réussi grâce à nos armées.
Le sport fait partie intégrante de la vie militaire. Il est également un moyen d’améliorer la rééducation et la reconstruction des soldats blessés. L’innovation mise à leur disposition est inspirante et importante. J’aimerais vous interroger sur ce volet, alors que les Jeux paralympiques ont été, pour la première fois, médiatisés à leur juste valeur, nous permettant d’admirer des sportifs surmontant les contraintes de leur handicap pour réaliser des performances hors du commun, des femmes et des hommes passionnés offrir à tout un pays des médailles et de la joie.
Comment l’armée s’est-elle engagée dans ces Jeux paralympiques 2024 ? Quel bilan en tirez-vous ? Quels seront vos objectifs pour les quatre années qui nous séparent des prochains Jeux paralympiques ? Quelles sont vos relations avec la société civile concernant le développement du sport pour les athlètes professionnels et amateurs souffrant de handicap ? Je pense ici aux fédérations, mais également aux clubs sportifs et aux communes.
Enfin, je souhaite exprimer mon regret quant à l’absence d’un ministère ou d’un secrétariat d’État au handicap, et je forme le vœu que le gouvernement de M. Barnier y remédie sans tarder.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Nous n’avons pas achevé l’analyse des résultats des Jeux de Paris 2024. Aussi, nous n’en sommes pas encore à établir un objectif précis pour les Jeux olympiques et paralympiques de Los Angeles en 2028.
Vous avez évoqué l’innovation dans le sport, au service de la compétition. Dans le cadre de la préparation des Jeux de Paris 2024 a été mise sur pied une organisation, Sciences2024, dont la vocation est de rapprocher les chercheurs et les sportifs. La défense recourt depuis quelques années à ce levier afin de créer un lien entre les grandes écoles militaires, les équipes militaires et des sportifs de haut niveau. Un travail portant sur diverses disciplines, notamment hivernales, est en cours avec différents laboratoires, dont ceux de l’École polytechnique, qui vise à améliorer les performances de nos athlètes dans certains domaines que l’armée connaît bien, tels que l’aérodynamique ou la balistique, et dans lesquels cette collaboration est une promesse de progrès.
Mme Gaëlle Edon. Les athlètes souhaitent apporter leur concours afin d’améliorer le matériel utilisé par les personnes en situation de handicap. J’ai moi-même conçu un système pour pratiquer l’aviron d’un bras avec deux rames en autonomie complète, et j’ai déposé un brevet. Je pense que les athlètes en situation de handicap se connaissent mieux que quiconque, et qu’ils peuvent mettre à profit la connaissance de leur handicap pour accomplir des progrès. Il convient pour cela d’oser se mettre en avant, s’exprimer et définir la nature de ses besoins.
M. Christophe Bex (LFI-NFP). Le bataillon de Joinville est un nom plus évocateur que l’acronyme CNSD pour l’ensemble de la population, et a contribué à faire connaître les actions de l’armée. Je souhaite saluer ici les membres de l’ « Armée de champions », tous les athlètes montés sur les podiums, mais aussi ceux qui ont obtenu des quatrièmes, des cinquièmes, des sixièmes places, ou ont tout simplement participé, et qui ont enchanté notre été. Plus de 40 % de médailles des Jeux olympiques sont détenues par les sportifs de la Défense, et le bataillon de Joinville, dont je rappelle qu’il a été reformé après la fin de la conscription, a remporté plus de cent médailles depuis les Jeux olympiques de 2014.
Le bataillon de Joinville accorde aux sportifs un statut militaire leur permettant de se consacrer pleinement à leur carrière et de bénéficier d’un encadrement spécifique. La question du soutien des sportifs, avant et après leur participation aux Jeux olympiques et paralympiques, et celle de l’accès de l’ensemble de la population au sport, permet de partager un constat : pour réussir, il faut disposer de ressources financières suffisantes.
Monsieur le général Sanzey, identifiez-vous des moyens pour faciliter l’accès au sport de haut niveau pour nos concitoyens ? Comment gérer l’après 2024 avec un budget des sports en baisse de 200 millions d’euros, soit une dépréciation de 20 % ? Je déplore le peu de considération accordée à nos athlètes, qui pourrait prendre la forme d’un financement pérenne après leur participation aux Jeux olympiques et paralympiques. Certes, des primes par médaille sont distribuées, de 80 000 euros pour une médaille d’or. Mais si la gloire est fugace, l’obscurité est pour toujours. Quelles solutions le CNSD envisage-t-il pour y remédier ?
Enfin, j’aimerais savoir pourquoi Léon Marchand n’a pas rejoint le bataillon de Joinville.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Si Léon Marchand n’a pas intégré le bataillon de Joinville, c’est simplement parce qu’il ne l’a jamais souhaité et que sa fédération ne l’a pas proposé. Je rappelle qu’intégrer le bataillon de Joinville requiert certes un niveau d’excellence sportive, mais aussi l’expression du souhait d’être ambassadeur des forces armées.
Les armées françaises accueillent leurs sportifs de haut niveau en fin de carrière. Certains choisissent une reconversion dans les armées, au sein de la filière de l’entraînement physique dans laquelle ils peuvent faire valoir leur légitimité et leur compétence, d’autres privilégient une reconversion dans la vie civile. Quel que soit leur choix, l’armée les accompagne. Nous sommes naturellement très sensibles au suivi des athlètes, nous ne les abandonnons pas. Au-delà de l’exemple de Martin Fourcade, qui a passé treize ans au bataillon de Joinville, y est entré première classe et en est sorti avec le grade de sous-lieutenant, de nombreux sportifs restent longtemps dans les armées. Nous conservons les talents de tous ceux qui le souhaitent.
Mme Gaëlle Edon. J’ai intégré le bataillon de Joinville récemment, mais depuis que j’ai repris des études avec pour horizon une reconversion professionnelle, la gendarmerie nationale met tout en place pour faciliter la préparation de la suite, au-delà de ma carrière sportive. Dans deux semaines, je rejoindrai pour un stage de deux mois l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) de Cergy-Pontoise, parce que j’ai mis en pause ma pratique sportive, comme tous les athlètes qui, après les Jeux, ont besoin d’une coupure. Je reprendrai le tir seulement en décembre ou en janvier, mais en attendant, la gendarmerie continue d’assurer ma formation dans la branche que j’ai choisie.
M. le général de brigade Paul Sanzey. J’observe que les athlètes sont d’autant plus performants qu’ils ont d’autres sujets d’intérêt que leur sport, d’autres passions. Cela me semble essentiel pour supporter les revers ou les périodes de blessure. De nombreux athlètes de la défense sont non seulement bien dans leur dans leur corps, mais aussi bien dans leur tête. Ils obtiennent des diplômes et peuvent envisager sereinement leur reconversion.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je sais que la France a été fière de ses athlètes et de ses para-athlètes, et en particulier de l’armée de champions. Une véritable ferveur s’est emparée du pays, mais comment éviter qu’elle devienne une nostalgie ? Vous connaissez peut-être cette phrase de Gide : « la nostalgie, c’est de la ferveur retombée ».
Je considère que la réussite sportive tient à la rencontre entre le talent et les valeurs. Dès lors, comment les valeurs que portent le CNSD et le bataillon de Joinville pourraient-elles se diffuser plus largement dans la société civile ?
M. le général de brigade Paul Sanzey. Le commissaire aux sports militaires que je suis, s’il peut formuler des propositions, n’est pas décisionnaire au sein de l’armée. Les valeurs que portent les sportifs de la défense sont celles des armées. Et il me semble que toutes les occasions, tous les événements qui permettent, localement, de mettre en prise l’armée, la nation et la jeunesse doivent être mis à profit.
Quand les sports militaires organisent un championnat de France ou un championnat du monde, la ferveur est au rendez-vous. Nous en avons fait l’expérience en 2023 lors des championnats du monde militaires de rugby, qui se sont déroulés en Bretagne. Ce type d’événement s’appuie sur les fédérations, et il me paraît important de maintenir les coopérations entre les fédérations, les armées, le sport militaire, mais aussi en sollicitant le concours des unités locales, parce qu’il constitue un moyen de diffuser les valeurs des armées et d’entourer nos blessés en promouvant le para-sport.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Je souhaite évoquer une piste d’amélioration dans l’accompagnement de nos militaires, singulièrement des blessés, dans le sport de très haut niveau et particulièrement vers les Jeux paralympiques. À cet égard, je tiens à saluer le travail opéré par la cellule d’aide aux blessés qui, à travers le sport, accompagne nos militaires dans leur rééducation. Ce travail est décisif et permet aux blessés d’adhérer à de nouveaux objectifs.
Si de nombreuses initiatives sont remarquables, il semble utile d’améliorer l’accessibilité au bataillon de Joinville, dont les critères d’accès sont peut-être trop restrictifs. En effet, au-delà du nombre de places limité, il faut se prévaloir de résultats dans certaines compétitions et disposer d’un dossier porté par la fédération d’origine. Or ces critères laissent de côté certains para-athlètes et blessés de guerre, alors qu’au-delà de la redevabilité de notre nation à leur encontre, le témoignage de ces personnes constitue un puissant élément de communication et d’attractivité pour nos armées. Dès lors, l’intégration au bataillon de Joinville sous contrat devrait être de droit pour les blessés inscrits sur une liste ministérielle des sportifs de haut niveau. Il s’agirait d’une évolution légitime et vertueuse, tant pour nos athlètes que pour l’attractivité de nos armées, d’autant que les personnes concernées sont peu nombreuses.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Nos vétérans blessés sont très accompagnés par les cellules d’aide aux blessés et, dans le domaine sportif, par le CNSD exclusivement. Le niveau correspondant aux capacités de l’immense majorité de ces personnes est celui des équipes de France militaires. Je ne vais pas rentrer dans le détail des situations particulières, mais je connais celles auxquelles votre suggestion fait référence, Monsieur le député, et je peux dire que la plupart des personnes concernées n’ont jamais demandé à rentrer au bataillon de Joinville parce que le niveau requis y est très élevé.
Actuellement, vingt-huit équipes de France militaires sont constituées dans les disciplines valides, et portent les couleurs de la France face aux équipes militaires étrangères sur tous les terrains de sport. À ces équipes s’ajouteront, et c’est là une manière de répondre à votre question, une équipe de rugby-fauteuil et une équipe de volley assis. Cette nouveauté permettra de valoriser les blessés militaires, dont le courage et le talent sont indéniables, et de les hisser vers le haut niveau puis, à terme, vers le bataillon de Joinville. Elle me paraît plus judicieuse que d’accepter de droit un blessé militaire sur un dispositif de haut niveau, car si cela paraît relever d’une proposition généreuse, une telle règle comporte aussi des risques pour les intéressés, qu’il convient d’accompagner avec prudence face à l’éventualité de l’échec.
M. Christophe Blanchet (Dem). Je m’associe aux remerciements et aux félicitations adressées à tous nos sportifs, quelle que soit leur place sur le podium ou à côté, pour leur réussite au cours des Jeux de Paris 2024.
Vous avez évoqué, mon général, 232 militaires dans vos rangs, ainsi que des civils. Qu’en est-il des réservistes ?
Vous avez également évoqué la diffusion des valeurs, et j’aimerais savoir si vous êtes en lien avec le dispositif du Service national universel (SNU). Des jeunes du SNU suivent-ils des semaines d’intégration au sein du CNSD ? Le sport militaire pourrait être un vecteur de diffusion de l’information et des valeurs que l’on veut transmettre à la jeunesse.
Enfin, vous avez affirmé que le sport militaire contribue à l’influence de la France auprès des armées étrangères, et j’aimerais que vous développiez ce point.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Nous n’avons pas de réservistes au sein du bataillon de Joinville, parce que le bataillon repose sur un système qui professionnalise des athlètes et leur verse une solde mensuelle. Ces sportifs sont employés en continu, mais bénéficient d’un dispositif dérogatoire, ce qui leur permet de passer l’essentiel de leur temps à s’entraîner dans leur fédération. Les réservistes, quant à eux, sont très présents dans les équipes de France militaires, notamment celle de rugby.
En matière d’influence vis-à-vis des armées étrangères, je rappelle que la France est très présente depuis la création du conseil international du sport militaire (CISM) en 1948, et, chaque année, un ou deux championnats du monde militaires se déroulent sur notre territoire. De tels événements nous mettent en contact avec des alliés, des partenaires, des compétiteurs, et nous offrent l’opportunité d’échanger. Ainsi le championnat du monde de sauvetage sportif s’est tenu en mai à Palavas-les-Flots et Montpellier, réunissant douze nations, dont une délégation chinoise.
Mme Gaëlle Edon. Les athlètes sont amenés à rencontrer les jeunes du SNU. C’est le cas, par exemple, lorsqu’ils se rendent dans les gendarmeries. Je suis moi-même intervenue plusieurs fois auprès d’eux, pour leur parler du sport et du bataillon de Joinville. D’ailleurs, je porte la tenue du bataillon à ces occasions.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Je précise que ces rencontres avec les jeunes du SNU relèvent d’une initiative extérieure au CNSD qui, malheureusement, n’est pas en mesure de recevoir trop de visiteurs.
Mme Anne Le Hénanff (HOR). Nous vous sommes absolument reconnaissants pour ce que vous nous avez offert lors des Jeux de Paris et de nous avoir ainsi fait rêver durant quelques semaines. Ma ville, Vannes, a accueilli la Coupe du monde militaire de rugby féminin, et je peux confirmer combien sont précieux les apports de ces événements, notamment quant au lien entre l’armée et la nation et à la diffusion auprès de la jeunesse de valeurs très fortes liées au sport, à la solidarité et au partage. Enfin, ces événements représentent un levier permettant aux collectivités de se rapprocher de la jeunesse, et bien entendu un formidable atout diplomatique.
Pourriez-vous éclairer notre commission sur le lien entre l’organisation sportive militaire et les collectivités locales ? Pourriez-vous également nous livrer quelques éclairages relatifs au budget ?
M. le général de brigade Paul Sanzey. Le lien entre les armées, la nation et les territoires, via le sport, est porté par de nombreuses initiatives locales, par la Fédération des clubs de la défense (FCD), mais aussi par des anciens militaires qui s’investissent dans le monde associatif. Par ailleurs, nos réservistes, réservistes opérationnels et réservistes citoyens, sont présents sur l’ensemble du territoire, et tissent eux aussi un lien permanent et solide avec la nation.
Cependant, le CNSD n’entretient pas de liens directs avec les territoires, ou bien ce lien est décentralisé dans les unités militaires en capacité d’organiser des compétitions, auxquelles le CNSD donne délégation. Ainsi, les championnats de France militaires ne sont pas organisés par le CNSD mais par des unités choisies au sein des armées et de la gendarmerie nationale. En revanche, notre lien avec les instances du sport français est centralisé, tant avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le CPSF pour la partie paralympique, qu’avec l’Agence nationale du sport, l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) et vingt-huit fédérations.
M. David Habib (LIOT). Pourriez-vous nous indiquer, Monsieur le général Sanzey, si les restrictions budgétaires annoncées toucheront le CNSD, et si le plan « Famille 2 » sera impacté.
M. le général de brigade Paul Sanzey. Je n’ai pas reçu, à ce jour, de directives m’invitant à limiter l’activité du CSND. En revanche, nous avons prévu de modifier les équilibres internes, comme je l’ai indiqué précédemment, de manière à mieux remplir des objectifs désormais différents. Nous nous inscrivons dans une perspective de long terme, et il n’est naturellement pas question de remettre en question les contrats des athlètes dont le CSND est responsable.
M. Matthieu Bloch (UDR). Je m’associe aux remerciements et aux félicitations formulés par mes collègues pour les exceptionnels résultats obtenus lors des Jeux olympiques et paralympiques. Vous avez fait notre fierté, vous avez su redonner du moral aux Français, qui en avaient bien besoin, et vous avez donné une très belle image de notre pays.
J’aimerais savoir quelle est la plus-value de l’accompagnement du CNSD dans la préparation des athlètes. Par ailleurs, quelle est la nature de vos rapports avec les fédérations sportives, et de quelle manière votre expérience pourrait contribuer à tirer l’ensemble du sport français vers le haut ?
M. le général de brigade Paul Sanzey. La plus-value du CNSD relève essentiellement de la complémentarité avec le travail fourni hors de notre périmètre. Notre effort porte surtout sur l’accompagnement, l’esprit d’équipe, y compris dans des disciplines très individuelles où nous jouons un rôle de catalyseur de compétences. Nous portons également une attention particulière à la santé de nos athlètes. Dans ce cadre, en cas de blessure, le Service de santé des armées (SSA) s’avère un partenaire de premier plan.
Quant aux rapports avec les fédérations, ils varient selon les disciplines. Sur le volet influence et recrutement, certaines disciplines sont, historiquement, des domaines militaires. Ainsi de l’escrime, des sports de combat, de l’équitation ou du rugby. D’autres le sont moins, mais vous avez peut-être remarqué que nous avons présenté des athlètes en BMX par exemple, parce que nous souhaitons rester en prise avec la jeunesse française, ses centres d’intérêt et ses aspirations. Par ailleurs, je dialogue régulièrement avec les représentants de vingt-huit fédérations, non pas nécessairement pour recruter des athlètes, mais dans une posture de complémentarité.
Mme Gaëlle Edon. L’accompagnement du CNSD est hors normes, même lorsque l’athlète se trouve à distance de Fontainebleau. Je suis basée en Haute-Savoie, et tout est mis en place pour m’épauler sur place et m’accompagner au plus haut niveau.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons à présent aux questions des autres députés.
M. Pascal Jenft (RN). Je tiens à mon tour à saluer les performances de l’équipe d’athlètes militaire lors des Jeux de Paris. En tant qu’ancien gendarme, j’aimerais avoir une pensée particulière pour mes collègues sportifs olympiques et paralympiques. Le CNSD leur a permis de s’entraîner et de croire en eux-mêmes, pour certains malgré leurs blessures.
Chaque année, la gendarmerie enregistre environ 7 600 blessés physiques ou psychiques. Les programmes d’entraînement du CNSD leur permettent de se reconstruire, voire de découvrir une nouvelle vocation sportive. Quelles sont les mesures mises en place par le CNSD pour accompagner les athlètes gendarmes dans leur double carrière sportive et militaire ? Comment faire en sorte que la thérapie sportive soit efficace pour réhabiliter les gendarmes blessés ?
M. Sylvain Maillard (EPR). J’aimerais connaître certains détails concrets liés au fonctionnement du bataillon de Joinville, y compris sur le plan de la rémunération. Appartenir au bataillon de Joinville permet-il de monter en grade ?
Un sportif de haut niveau dispose de capacités extrêmement fortes, entre autres de capacités psychologiques telles que l’opiniâtreté, l’investissement ou la concentration. Tout est-il fait pour conserver les athlètes de haut niveau au sein des armées à l’issue de leur carrière ? Je pense qu’ils feraient des soldats d’exception.
M. Romain Tonussi (RN). Depuis 2021, les maisons Athos permettent aux militaires souffrant de blessures psychiques ou de troubles de stress post-traumatique d’être accompagnés vers une reconstruction progressive. Néanmoins, de l’aveu même des médecins du Service de santé des armées que nous rencontrons régulièrement dans cette commission, la prise en charge des blessés psychiques est encore largement perfectible chez les militaires. Le CNSD ayant vocation à utiliser le sport pour faciliter cette reconstruction, notamment au sein du futur Village des blessés, ne serait-il pas pertinent de développer la rééducation par le sport pour les blessés psychiques et psychologiques en collaboration avec les maisons Athos ?
M. Alexandre Dufosset (RN). L’armée et l’école jouent un rôle important pour la cohésion sociale et nationale. Dans ces deux institutions, le sport tient une place particulière. Existe-t-il des passerelles entre le CNSD et l’éducation nationale, des actions conjointes, ou des échanges, même informels, dans le cadre des programmes sport-études ? Une telle collaboration pourrait s’affirmer comme le vecteur d’une meilleure visibilité de l’armée auprès des jeunes, ainsi qu’un outil favorisant le recrutement.
Mme Stéphanie Galzy (RN). Participer à des événements internationaux tels que les Jeux olympiques et paralympiques offre de nombreux avantages pour nos soldats, renforçant ainsi l’image positive de nos forces armées auprès de la société. Nos soldats acquièrent des compétences essentielles, telles que la discipline, la résilience et le travail en équipe, qui sont valorisées tant sur le terrain militaire que dans le sport. Ces compétences contribuent à former des individus exemplaires capables de relever les défis les plus exigeants. En représentant notre pays sur une scène internationale, nos soldats gagnent en visibilité et en reconnaissance, renforçant ainsi le lien entre les forces armées et les citoyens. Les valeurs telles que l’honneur, le courage et la loyauté sont mises en avant lors de ces compétitions.
En tenant compte des compétences acquises et de la promotion des valeurs militaires, comment l’armée peut-elle maximiser ses avantages et renforcer le lien de confiance avec le public ? Quelle stratégie spécifique pourrait être mise en place afin de garantir que cette participation conserve un impact durable sur la perception des militaires par la société ?
M. le général de brigade Paul Sanzey. La reconstruction de nos blessés par le sport, pilotée par le CNSD, est structurée en trois étapes. D’abord, nous nous rendons dans les hôpitaux militaires, notamment à l’hôpital de Percy où nous sommes présents tous les quinze jours au service de rééducation fonctionnelle, afin de faire découvrir à nos camarades blessés des disciplines qu’ils ne connaissent pas. Il s’agit de leur faire prendre conscience de leurs possibilités, de leur donner envie de quitter la partie médicalisée de leur reconstruction, et de les aider à accepter leur corps transformé et meurtri. Ensuite, nous invitons ces blessés au CNSD ou ailleurs pour pratiquer, hors de chez eux, des sports variés, ce qui peut les amener à des rencontres sportives amicales telles que les challenges Ad victoriam ou les Invictus games à l’invitation des Britanniques. Enfin, pour ceux qui en manifestent l’envie, la troisième étape est celle de la compétition, en progressant d’échelon en échelon. Jean-Louis Michaud est un exemple d’une reconstruction réussie. Blessé en opération, il s’est reconstruit par le sport et par sa force d’âme, et, en suivant le processus que je viens de décrire, avec l’appui du SSA et du CNSD, il a obtenu une médaille en tir à la carabine aux Jeux paralympiques de Paris 2024.
La reconstruction des blessés psychiques fait partie de notre champ d’action. Se rendre dans les maisons Athos pour porter la bonne parole peut s’avérer utile, mais d’autres que nous sont capables de le faire à partir de structures locales. Pour notre part, nous nous plaçons surtout dans une perspective d’accompagnement des blessés ayant retrouvé une certaine autonomie et qui viennent à nous. Et je dois dire que l’attractivité du CNSD est si forte qu’elle est proche d’excéder nos possibilités, si bien que nous devons prioriser nos actions.
Nous avons la possibilité, par le sport militaire, d’offrir des compétitions amicales aux blessés psychiques, ce qui, à ma connaissance, n’est pas le cas dans le monde du para-sport. À cet égard, l’intérêt des Invictus Games que j’ai évoqués précédemment, et de manière générale des compétitions organisées par les armées, est de rassembler les blessés physiques et les blessés psychiques, qui ainsi se soutiennent mutuellement.
Mme Gaëlle Edon. Il nous appartient à nous, athlètes, de nous rendre dans les maisons Athos et de prendre du temps pour échanger avec les blessés psychiques et pratiquer avec eux des activités. Par ailleurs, la gendarmerie me demande d’intervenir lors de la journée des blessés, ce qui constitue toujours une expérience enrichissante.
M. le général de brigade Paul Sanzey. L’avancement pour les athlètes du bataillon de Joinville qui sont militaires est dérogatoire par rapport au système classique. Néanmoins, nous leur demandons de participer à plusieurs stages militaires, raccourcis et simplifiés, parce qu’il est nécessaire, pour porter dignement l’uniforme et pour véhiculer une parole pertinente sur les armées, de connaître la vie militaire. C’est la raison pour laquelle nous multiplions les stages afin de permettre aux athlètes, dont l’emploi du temps est très contraint, de les intégrer dans le cours de leur préparation. Lorsque ces passages obligés sont réalisés, les meilleurs leviers d’avancement sont les résultats dans les grandes compétitions. À titre d’exemple, l’escrimeur Enzo Lefort, qui fait partie de l’armée de l’air, a obtenu le grade de sergent à la faveur de ses brillants résultats.
Vous avez évoqué à juste titre, Monsieur Maillard, la force d’âme et la puissance de concentration des athlètes de haut niveau. Ces capacités sont l’une des raisons pour lesquelles nous leur ouvrons grandes les portes des armées pour une deuxième carrière. Cependant, nous sommes attentifs à l’équilibre de chacun et, après avoir dignement servi les armées françaises, les sportifs ne sont obligés à rien. Il s’agit plutôt de répondre à leur éventuelle aspiration. À ces athlètes qui, pour certains, ont passé une dizaine d’années chez nous, nous laissons le temps de se livrer à l’introspection que requiert la fin d’une carrière de sportif de haut niveau. Rester proches d’eux durant le temps de la reconversion fait partie de l’accompagnement que les armées offrent à leurs militaires, les sportifs comme les autres.
À propos de l’apport de l’armée et des sportifs militaires aux questions de cohésion nationale, et du lien avec l’éducation nationale, permettez-moi de citer l’exemple concret des trinômes académiques, qui rapprochent les armées, le ministère de l’éducation nationale et des partenaires tels que l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). De tels dispositifs fonctionnent bien en région, et mettent en relation des ministères assez divers, ce qui nous donne la possibilité de faire partager les valeurs militaires. À la suite des Jeux olympiques et paralympiques, nous avons été approchés par plusieurs trinômes académiques afin d’organiser une journée dédiée aux enseignants, notamment les professeurs d’histoire-géographie et les professeurs d’éducation physique de la filière des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps). Ce type d’initiative représente un véritable levier, que nous entendons utiliser pour en tirer bénéfice en termes de rayonnement.
Le sujet de l’influence, par essence, est assez difficile à quantifier. Toutefois je peux assurer que, dans le champ des sports militaires, l’armée française est très observée depuis l’étranger. J’ai pu le constater à plusieurs reprises à l’occasion de l’assemblée générale du CISM, où siègent 141 pays. Ce ne sont pas seulement les performances qui font la notoriété des sports militaires, mais aussi les efforts de coopération dans le domaine de la formation des cadres. La France, en effet, entretient une tradition de formation ouverte aux armées étrangères, et un certain talent d’enseigner très apprécié dans les coopérations militaires internationales. Les sports militaires sont en quelque sorte le temps long des relations internationales militaires. Nous semons de bonnes graines de coopération avec les nations et à ce titre nous sommes un petit levier à disposition de nos autorités pour faire passer un message ou resserrer des liens distendus.
J’aimerais, pour finir, souligner que l’audience dont jouit la France en matière de sports militaires n’est pas le seul fait de la compétition et de la coopération dans le domaine de la formation. Elle est due également au comportement des armées françaises dans leurs opérations. En d’autres termes, si la France est écoutée dans l’enceinte spécifique du sport, c’est aussi parce que l’armée française est présente sur de nombreux théâtres d’opérations, et qu’elle y apporte la preuve de ses qualités.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie, Monsieur le général, Madame Edon, et je crois que votre présence parmi nous aura contribué au rayonnement du sport militaire.
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La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Matthieu Bloch, M. Frédéric Boccaletti, M. Philippe Bonnecarrère, M. Bernard Chaix, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, M. Alexandre Dufosset, Mme Alma Dufour, Mme Sophie Errante, Mme Stéphanie Galzy, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, Mme Florence Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Habib, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, M. Julien Limongi, Mme Lise Magnier, M. Sylvain Maillard, Mme Michèle Martinez, M. Thibaut Monnier, M. Karl Olive, Mme Marie Récalde, Mme Catherine Rimbert, M. Arnaud Saint-Martin, M. Sébastien Saint-Pasteur, Mme Isabelle Santiago, M. Thierry Sother, M. Thierry Tesson, M. Jean-Louis Thiériot, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon
Excusés. - Mme Anne-Laure Blin, M. Manuel Bompard, M. Hubert Brigand, Mme Cyrielle Chatelain, M. Sébastien Delogu, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Mikaele Seo, Mme Sabine Thillaye, M. Boris Vallaud
Assistait également à la réunion. - M. Abdelkader Lahmar