Compte rendu

Délégation aux droits des femmes
et à l’égalité des chances
entre les hommes et les femmes

 

 Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Migaud, Garde des Sceaux, sur la réponse judiciaire aux violences sexistes et sexuelles 2

 

 Présences en réunion...............................18

 

 


Mardi
26 novembre 2024

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 5

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de Mme Véronique Riotton,
Présidente


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TRAVAUX DE LA DELEGATION

 

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, GARDE DES SCEAUX

MINISTRE DE LA JUSTICE

 

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a auditionné, mardi 26 novembre 2024, M. Didier Migaud, Garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réponse judiciaire aux violences sexistes et sexuelles.

 

La séance est ouverte à 17 heures

Présidence de Mme Véronique Riotton, présidente

 

Mme la présidente Véronique Riotton. Monsieur le garde des sceaux, en cette semaine mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, la délégation aux droits des femmes souhaitait évoquer avec vous la réponse apportée par la chaîne judiciaire aux violences sexistes et sexuelles (VSS) – question sur laquelle les pouvoirs publics n’ont jamais été autant interpellés.

Selon une étude publiée en 2024 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en 2023, près de 30 % des femmes de 18 à 69 ans ont déclaré avoir subi une tentative ou un rapport sexuel forcé ; pour les hommes, ce taux s’élève à près de 9 %. Ces chiffres ont pratiquement doublé depuis l’étude de 2006. Quant au ministère de l’intérieur, il évalue à 230 000 le nombre des femmes qui ont été victimes de viol, de tentative de viol ou d’agression sexuelle en 2022. D’autres estimations font état d’un demi-million de victimes de violences sexuelles chaque année. À ce propos, il est anormalement difficile pour les parlementaires d’obtenir, dans ce domaine, des données statistiques fiables.

Parmi les victimes, 80 % ne signalent pas les faits aux forces de l’ordre. D’autres études rapportent que, trois fois sur quatre, elles renoncent à pousser la porte du commissariat parce que cela ne servirait à rien ou parce qu’elles préfèrent trouver d’autres solutions. Quant aux victimes qui se rendent au commissariat, elles ne portent pas plainte dans 4 cas sur 10.

Mais sommes-nous capables d’accompagner celles qui ont eu le courage de le faire ? Enfer du dépôt de plainte, risques de revictimisation durant le procès, ampleur inexplicable des classements sans suite – qui concernent 70 % des plaintes pour violences sexuelles –, difficultés de trouver un accompagnement, insuffisances, voire inexistence de la prévention : le chantier est immense !

La justice doit se réinventer face aux violences sexuelles. C’est pourquoi nous soutenons les propositions qui ont été présentées jeudi 21 novembre par les associations féministes pour améliorer l’ensemble du parcours judiciaire des victimes, de la plainte au procès en passant par l’enquête.

On ne peut que s’inquiéter de l’indigence des moyens de la justice dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Nous avons plaidé, lors de l’examen du projet de budget et de nos auditions ministérielles, pour leur hausse significative.

Par ailleurs, malgré les avancées importantes obtenues par notre délégation il y a deux ans auprès du ministre des comptes publics, nous constatons que la budgétisation intégrant l’égalité n’est toujours pas mise en œuvre au sein de nombreux ministères, y compris celui de la justice. Il est plus que temps qu’elle soit appliquée : il est structurant de comprendre, d’un point de vue financier, quelles politiques publiques contribuent à développer l’égalité entre les hommes et les femmes – d’autres pays le font depuis longtemps. Le document de politique transversale consacré à l’égalité rapporte qu’« il n’est pas possible d’isoler les crédits spécifiques à la politique transversale tant l’ensemble des moyens consacrés par le programme 166 y concourent ». Sans données fiables sur l’emploi des 5 millions d’euros mentionnés dans ce document, comment évaluer la pertinence de nos politiques publiques ? Il est urgent de progresser sur la question des indicateurs.

Les cours criminelles départementales, qui jugent à 81 % des affaires de viol, ont été généralisées par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire afin de réduire le délai de traitement des procédures. Or, faute de moyens, celles-ci tendent, d’après les alertes des associations, à se transformer en une sorte de justice parallèle pour les viols. Elles n’ont d’ailleurs pas mis fin, comme elles auraient dû, à la correctionnalisation. Le soutien financier apporté aux associations d’aide aux victimes demeure lui aussi insuffisant.

Nous avons besoin d’un changement de paradigme. Le procès de Mazan nous démontre chaque jour combien les violences sexuelles s’enracinent dans la culture du viol. Il faut en finir avec la culpabilisation des victimes comme avec l’insupportable « il y a viol et viol ». Oui, les victimes, le plus souvent, connaissent leurs agresseurs. Il est vrai qu’elles n’opposent pas de résistance, sont sidérées, et que leurs traumatismes se retournent souvent contre elles lorsqu’elles portent plainte.

S’agissant des violences sexuelles qui s’opèrent dans un cadre conjugal et familial – les plus fréquentes, et les moins bien identifiées et réprimées –, quels moyens spécifiques votre ministère met-il en œuvre ?

Les associations et les victimes ne cessent de nous interpeller sur les lacunes de la formation des magistrats en matière de violences sexistes et sexuelles. Si la situation s’est beaucoup améliorée, notamment au sein des forces de police, le contenu de la formation des magistrats n’est manifestement plus adapté aux réalités contemporaines. Les victimes dénoncent, en effet, la victimisation secondaire subie au cours de l’enquête, du procès ou du verdict, ainsi que le coût élevé de leur parcours judiciaire sur les plans financier, physique et psychique – dont témoignent les fréquentes décompensations et les centaines de suicides. Huit requêtes ont été déposées contre la France devant la Cour européenne des droits de l’homme pour mauvais traitement et idéologie sexiste. Il est donc temps d’améliorer les conditions de dépôt de plainte, d’enquête et de jugement ainsi que l’information des victimes, quasiment inexistante.

Notre délégation travaille depuis un an à la définition pénale du viol. La corapporteure, Marie-Charlotte Garin, et moi-même rendrons prochainement nos conclusions, auxquelles nous annexerons une proposition de loi de protection des victimes que nous souhaitons inscrire dans une démarche transpartisane. La nouvelle définition du viol n’est pas une solution magique, mais elle est une étape essentielle du changement de paradigme que nous réclamons, notamment pour lutter contre le chiffre noir des viols non poursuivis ou impunis. Vous déclarez être favorable à une réforme : quel devrait en être, selon vous, le contenu ?

Nous nous interrogeons enfin sur la porosité entre violences en ligne et violences physiques. Je pense bien sûr au procès de Mazan, dont les mis en cause ont été recrutés en ligne par Dominique Pélicot. Je pense également à l’influence d’une pornographie ultraviolente sur les passages à l’acte : ces contenus sont visionnés par des enfants de plus en plus jeunes – on constate d’ailleurs une augmentation en flèche des viols commis par des personnes de 15 à 17 ans. Je pense enfin à la prostitution des mineurs, qui se développe principalement en ligne. Ces différentes questions ont fait l’objet de nombreux rapports. Lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, nous avions même obtenu d’expérimenter le retrait de certains contenus. Pourrions-nous en savoir davantage sur le suivi de ces initiatives ?

Une grande majorité des victimes, hommes comme femmes, n’ont plus confiance en la justice pour réprimer les violences sexistes et sexuelles. Il est de notre responsabilité collective d’agir.

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. La lutte contre les violences faites aux femmes est devenue une cause majeure, comme l’illustrent les débats organisés au cours de la semaine mondiale consacrée à ce phénomène. Ainsi que je l’ai dit dès la présentation de ma feuille de route devant la commission des lois, la justice doit prendre toute sa place dans ce combat primordial qui participe de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Hier, lors de mon déplacement à la cour d’appel de Poitiers, j’ai pu mesurer, comme déjà à la cour d’appel de Versailles, l’entière mobilisation des juridictions et leur capacité à innover pour mieux prévenir, détecter et sanctionner les violences intrafamiliales (VIF). L’institution judiciaire a parcouru, ces dernières années, un chemin immense ; nous pouvons en être fiers, même s’il reste encore beaucoup à faire.

Les femmes sont victimes non seulement de violences mais aussi d’ultraviolences. Les constats médico-légaux sur les cadavres de femmes victimes de féminicides le prouvent : les violences dépassent celles qui suffisent à tuer. Ce n’est pas un seul coup de couteau mais une vingtaine qui sont portés ; ce n’est pas un seul mode opératoire, mais plusieurs types de violence qui sont employés : strangulation et défenestration, coups de feu et crémation, étouffement et noyade. L’acharnement qu’on constate sur les corps révèle qu’il ne s’agit pas seulement d’ôter la vie mais d’anéantir l’autre. Aucune société civilisée ne peut le tolérer : le XXIe siècle ne peut et ne doit plus être celui de la domination de l’homme sur la femme. Le ministère de la justice souhaite prendre toute sa part dans ce combat de société.

Lorsque des violences intrafamiliales sont commises, les enfants sont également en première ligne, comme spectateurs ou comme cibles directes. Les chiffres donnés par la protection de l’enfance le montrent, les violences, qu’elles soient sexuelles ou non, ne cessent de croître depuis dix ans. Il est donc urgent d’agir.

La justice est l’institution qui sanctionne. Plus que jamais, elle doit être aussi celle qui protège. Le ministère de la justice fera tout pour y parvenir.

Les juridictions se sont emparées des outils de protection dont nous les avons dotées, avec quelques résultats. Si le combat contre les violences intrafamiliales est loin d’être gagné, beaucoup a été fait, tant en matière de prévention que de répression. Ainsi, au 28 octobre 2024, 837 bracelets antirapprochement (BAR) étaient actifs et 2 329 l’avaient été, soit un total de 3 166 mesures ordonnées depuis la mise en œuvre de ce dispositif. L’an dernier, le nombre des drames évités grâce à ces bracelets a été multiplié par trois puisqu’entre 2022 et 2023, le nombre des interventions des forces de sécurité intérieure est passé de 3 634 à 10 500. Je veux d’ailleurs remercier les policiers et les gendarmes dont la mobilisation est essentielle.

En 2022, les téléphones grave danger (TGD) ont permis d’éviter près de 2 500 drames. En 2023, 4 531 téléphones ont été attribués, soit une hausse de 523 % par rapport à 2020. Actuellement, 5 993 téléphones de ce type sont déployés, contre 976 en 2020.

Quant aux ordonnances de protection, elles ont, elles aussi, permis de sauver des vies : les magistrats en ont prononcé 3 997 en 2023, soit 2 605 de plus qu’en 2017. Cette hausse s’explique par une meilleure connaissance du dispositif par les associations, les avocats et les justiciables. Je précise que 97 % de ces ordonnances sont prononcées à la demande des femmes, dont la moitié ont moins de 39 ans. En 2023, 70 % des demandes d’ordonnance de protection ont été acceptées. Leur efficacité tient à la réactivité de l’institution judiciaire. Là encore, il faut saluer l’investissement des professionnels : alors que les ordonnances de protection étaient auparavant prononcées en quarante-deux jours, elles le sont désormais en six.

La loi du 13 juin 2024 renforçant l’ordonnance de protection, qui entrera en vigueur au début de 2025, a créé l’ordonnance provisoire de protection immédiate, que votre délégation avait soutenue. Ce nouveau dispositif permettra, en cas de violences et de danger grave et immédiat vraisemblable, de prononcer une ordonnance de protection dans un délai de vingt-quatre heures, de façon non contradictoire.

Par ailleurs, la loi du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille constitue une avancée majeure. Le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences conjugales doivent en effet être menés sur tous les fronts : au pénal, en droit de la famille comme en matière patrimoniale et fiscale.

La volonté de développer une approche globale a conduit à la création des pôles VIF dans toutes les juridictions, tribunaux et cours d’appel. Effective depuis le 1er janvier 2024, cette réforme est très bien accueillie. À ce jour, 96 % des juridictions possèdent un tel pôle. Cette création répond, en outre, à l’une de vos recommandations et permet de consacrer l’articulation indispensable entre les procédures civiles et pénales grâce à une organisation dédiée et spécialisée.

Après ce propos introductif qui, je l’espère, vous aura convaincus de ma mobilisation comme de celle du ministère de la justice et de l’autorité judiciaire dans la lutte contre les violences faites aux femmes, je vais à présent répondre à vos questions, madame la présidente.

Tout d’abord, j’entends vos interrogations sur l’absence d’une méthode unique de décompte des victimes, en particulier de celles qui sont décédées. La divergence des chiffres s’explique et doit être surmontée. En effet, le ministère de la justice comptabilise l’ensemble des homicides conjugaux portés à sa connaissance, qu’ils soient perpétrés sur des hommes ou sur des femmes. Il ne comptabilise pas les faits commis sur une femme en raison de son genre en l’absence d’une relation de couple préexistante – c’est la notion d’homicide conjugal. Ces chiffres ne recoupent pas la notion de féminicide qui, quoiqu’éloquente, n’est pas juridique. Ainsi, depuis le 1er janvier 2024, le ministère de la justice a dénombré 102 victimes d’homicide conjugal, parmi lesquelles 84 femmes. Ce chiffre peut différer de ceux fournis par le ministère de l’intérieur et les associations dans la mesure où il s’appuie sur une qualification pénale mentionnant la circonstance aggravante de la conjugalité retenue par le juge d’instruction. Sont donc exclues du décompte les relations qui ne recoupent pas la notion de conjugalité.

L’accompagnement des victimes est perfectible, mais il ne saurait être qualifié d’absent. Je ne peux que rappeler les efforts majeurs entrepris ces dernières années par le ministère de la justice pour mieux accompagner les victimes. La lutte contre les violences intrafamiliales est en effet une priorité forte de la politique d’aide aux victimes et bénéficie de l’appui de près de 200 associations conventionnées. Les subventions orientées en ce sens par les cours d’appel et les juridictions vers les associations couvrent ainsi à hauteur de 37 % le suivi des victimes de violences intrafamiliales. Dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, j’ai sollicité une hausse de 10 % du budget alloué aux associations d’aide aux victimes, qui s’établira à 51 millions d’euros.

Outre la hausse significative des bracelets antirapprochement et des téléphones grave danger et l’augmentation constante des ordonnances de protection, je tiens à rappeler les nombreux dispositifs déployés en faveur des victimes ; ils illustrent notre détermination à les protéger, à prévenir les violences et à les accompagner en amont, pendant et après l’enquête, lorsqu’une infraction est commise.

L’évaluation individuelle du besoin de protection vise à prendre en compte la situation spécifique de la victime. Elle est réalisée par une association, et le procureur de la République s’y réfère pour prendre des mesures de protection adaptées. L’aide aux victimes en urgence, déclenchée par les parquets, permet d’apporter une réponse à leur souffrance et de limiter l’impact traumatique. Le recueil de plainte à l’hôpital – que le premier ministre a annoncé hier vouloir généraliser – constitue aussi une modalité d’accompagnement des victimes.

En ce qui concerne les mineurs, le décret du 23 novembre 2021 a créé le statut de victime des enfants exposés aux violences intrafamiliales et renforcé leur protection. L’hospitalisation systématique et immédiate d’un enfant présent sur les lieux d’un homicide conjugal permet ainsi une prise en charge plus efficace, au plus près du traumatisme. De plus, le programme d’accompagnement des mineurs victimes (Pamivi) en juridiction marque une avancée dans la prise en charge des victimes de violences intrafamiliales, en assurant un accompagnement renforcé du mineur, centré sur ses besoins, tout au long de la procédure pénale.

Qu’en est-il des moyens que la justice alloue à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? Le budget annuel consacré aux victimes de violences intrafamiliales est en constante augmentation : il a plus que doublé entre 2020 et 2024, passant de 8 millions à 17,2 millions.

Ces moyens sont aussi humains – et j’insiste sur les efforts du ministère de la justice en ce domaine. Au 31 octobre 2024, 65 attachés de justice se consacraient à temps plein à la gestion de dossiers de violences intrafamiliales et 101 contractuels de catégorie A occupaient des fonctions de chargé de mission VIF, soit, au total, près de 170 personnes ; il y en a au moins une par tribunal judiciaire.

Le déploiement du système informatisé de suivi de politiques pénales prioritaires, le Sispopp, traduit un changement de paradigme dans la lutte contre les VIF en permettant aux professionnels une approche par individu et non plus par dossier.

Le renforcement des moyens passe également par une meilleure organisation des juridictions : en témoignent la création des pôles VIF et l’organisation de filières d’urgence au sein des tribunaux, lesquelles ont permis la spécialisation, aujourd’hui bien réelle, de certains magistrats, de greffiers, d’attachés de justice et de contractuels.

Vos critiques concernant les lacunes de la formation des professionnels, compréhensibles il y a quelques années, me semblent aujourd’hui sévères, compte tenu des efforts considérables consentis dans ce domaine. Les quatre écoles du ministère de la justice – l’École nationale de la magistrature (ENM), l’École nationale des greffes, l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse et l’École nationale de l’administration pénitentiaire (Enap) – se sont pleinement investies en la matière. Elles proposent des formations qui n’abordent pas seulement les dispositifs judiciaires et le droit applicable en la matière mais permettent une appréhension globale des violences intrafamiliales et des violences faites aux femmes, considérées dans leurs aspects historiques, sociologiques et psychologiques.

Les auditeurs de justice – 500 élèves magistrats par an – sont formés à la prise en compte des violences intrafamiliales. Les magistrats, greffiers, attachés de justice et contractuels sont également massivement formés à ces problématiques dans le cadre de la formation continue : en 2024, 2 310 d’entre eux ont suivi une formation au traitement judiciaire des violences intrafamiliales. À ces formations s’ajoutent les colloques et les séminaires organisés localement par les cours d’appel, en lien avec les associations et les intervenants locaux.

En 2024, l’ENM a inauguré son cycle approfondi violences intrafamiliales, qui permet aux magistrats de suivre pendant un an une formation sur les spécificités des VIF, leur impact sur les victimes, le profil des auteurs et le traitement judiciaire adapté. Par ailleurs, 2 205 élèves de l’Enap ont été spécifiquement formés à la prise en charge des auteurs de violences conjugales et à la prévention de la récidive, tandis que 920 membres du personnel pénitentiaire ont participé aux 7es journées internationales de la recherche en milieu pénitentiaire consacrées à ce thème.

Comme vous, j’estime qu’il faut en finir avec l’idée selon laquelle il y aurait viol et viol. La justice est, je crois l’avoir démontré, pleinement engagée dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il est incompréhensible pour nos concitoyens que nous nous refusions, par principe, à introduire la notion de consentement dans la définition textuelle du viol. Les enjeux sont néanmoins très lourds : il ne faut pas inverser la charge de la preuve, ne pas mettre les victimes dans une position encore plus difficile en focalisant le procès sur leur comportement et ne pas créer d’insécurité juridique. Ce sujet important mérite un regard transpartisan. C’est pourquoi je salue ainsi la méthode retenue par votre délégation et réaffirme que la Chancellerie est prête à vous accompagner dans vos travaux.

Entre 2017 et 2022, le nombre des condamnations de majeurs pour viol et pour agression sexuelle a augmenté, passant respectivement de 960 à 1 260 – soit une hausse de 30 % – et de 5 617 à 7 485. Cette progression est encore plus importante s’agissant du nombre des condamnations pour viol incestueux commis sur un mineur, qui passe de 177 en 2017 à 405 en 2021, soit une hausse de 129 %. Enfin, le nombre des condamnations pour agressions ou atteintes sexuelles incestueuses a progressé de 91 %, passant de 675 à 1 290. Quant à la durée moyenne des peines prononcées en matière de viol, elle est de 11 ans, soit une des plus élevées d’Europe. Ces chiffres illustrent l’action de la justice en matière de poursuites et de condamnation des auteurs de telles violences.

S’agissant de la porosité entre violences en ligne et violences physiques, la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l’espace numérique a confié à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) un pouvoir de blocage administratif des sites pornographiques contrevenant au respect de la majorité légale.

Le ministère de la justice est lié, depuis plusieurs années, par une convention de partenariat avec l’association reconnue d’utilité publique e-Enfance, qui a pour objet la protection de l’enfance sur internet dans tous les usages du numérique. Elle sensibilise enfants, parents et professionnels aux usages et aux risques du numérique et gère la plateforme liée au numéro 3018 – le numéro unique d’assistance consacré à la lutte contre les violences en ligne envers les mineurs. Au début du mois, au terme d’un processus de sélection entamé en juin, l’Arcom a désigné e-Enfance comme le premier signaleur de confiance français, statut créé par le Digital Services Act. Les plateformes seront désormais tenues de traiter en priorité les demandes de retrait de contenus provenant de cette association.

Beaucoup reste à faire en matière de lutte contre les violences en ligne, mais les services d’enquête et les magistrats sont pleinement mobilisés et les résultats judiciaires, nombreux. Le démantèlement, début novembre, d’un réseau international de pédophilie par la section cyber du parquet de Paris en est l’illustration.

Enfin, je tiens à souligner l’engagement du ministère de la justice en interne, notamment par la mise en œuvre de l’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes signé le 25 juin 2024 avec les représentants syndicaux. Il comporte un axe innovant consacré à la lutte contre les violences intrafamiliales, qui prévoit l’information du personnel et la diffusion d’un guide de sensibilisation ainsi que des mesures d’accompagnement des personnels victimes de VIF dans leurs démarches pour trouver un logement d’urgence, cela en lien avec les départements de ressources humaines et de l’action sociale des délégations interrégionales du secrétariat général.

Mme la présidente Véronique Riotton. Vous avez essentiellement évoqué les violences conjugales et intrafamiliales. Or il existe de nombreuses violences sexistes et sexuelles en dehors du cercle familial – nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir.

Nous en venons aux questions des représentants des groupes.

Mme Julie Delpech (EPR). L’ordonnance de protection et l’aide universelle d’urgence sont des outils essentiels pour protéger les victimes de violences conjugales. Cependant, l’accès à ces dispositifs reste conditionné à des démarches qui peuvent être perçues, à juste titre, comme dissuasives, en particulier par des personnes en détresse. Si le dépôt de plainte n’est pas obligatoire pour bénéficier d’une ordonnance de protection, il demeure, en pratique, un critère déterminant pour établir la vraisemblance des violences. L’aide universelle d’urgence reste, quant à elle, conditionnée à un dépôt de plainte, une ordonnance de protection ou un signalement au procureur.

Or le dépôt de plainte demeure une étape éprouvante. Ainsi, selon le ministère de l’intérieur, 80 % des victimes de violences sexuelles ne signalent pas les faits. Les freins sont nombreux : peur des représailles, sentiment de honte ou de culpabilité, crainte de ne pas être cru ou manque de confiance en la justice. Comment en vouloir aux victimes quand on sait que 86 % des affaires de violences sexuelles et 72 % des affaires de violences conjugales sont classées sans suite ?

Des témoignages inquiétants font encore état de refus de prise de plainte ou de tentatives de dissuasion de la part des forces de l’ordre. Pour les femmes les plus vulnérables – les femmes migrantes, les personnes transgenres ou les travailleuses du sexe –, ces obstacles s’ajoutent à des discriminations systémiques telles que le racisme, la transphobie ou la négation de leur vécu. Certaines voient même leur droit de porter plainte bafoué.

Des progrès ont été réalisés, qu’il s’agisse de la formation des forces de l’ordre ou de l’installation, dans les hôpitaux, de permanences permettant de déposer plainte, permanences qui doivent être étendues à 377 établissements d’ici à la fin 2025. Mais ces initiatives indispensables restent insuffisantes : trop de victimes continuent de se sentir jugées ou abandonnées.

À ce propos, je salue à mon tour l’initiative de la coalition féministe pour une loi intégrale contre les violences sexuelles, qui a présenté 140 recommandations ambitieuses pour améliorer la prévention, l’accompagnement et le parcours judiciaire des victimes. Ce travail collectif, mené par 63 organisations, souligne l’urgence d’une action globale.

Dans ce contexte, quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour garantir un accès simplifié aux dispositifs de protection et un accompagnement renforcé, en particulier pour les femmes les plus vulnérables, qui font face à des discriminations particulières dans leur quête légitime de justice ?

Mme Marie-France Lorho (RN). Lors de votre déplacement à Poitiers dans le cadre de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, vous avez déclaré : « La justice s’organise pour que le sujet des violences sexuelles soit considéré comme prioritaire. » En prenant des décisions fermes contre leurs agresseurs, notre système judiciaire protège les femmes qui subissent de grandes violences.

Mais si l’on en croit le bilan du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, en 2023, 13 % des mis en cause pour des violences sexuelles élucidées sont des étrangers. Ils représentaient 43 % des mis en cause pour des violences sexuelles commises dans les transports en commun – soit une hausse d’un point par rapport à 2016 – et 60 % des mis en cause en Île-de-France, soit une augmentation de dix points. Quelle réponse judiciaire proposez-vous pour freiner ce phénomène alarmant ? Entendez-vous déployer, comme vous l’avez annoncé dans le cadre du plan de lutte contre le narcotrafic, de nouvelles ressources humaines pour augmenter l’entraide judiciaire entre notre pays et les pays d’origine des étrangers visés par de telles accusations ?

Par ailleurs, je m’interroge sur les mesures judiciaires qu’il serait possible de prendre à l’encontre des demandeurs d’asile déboutés ou sortis du dispositif national d’asile. Ces personnes représentent, selon la Cour des comptes, entre 40 % et 60 % des 203 000 occupants du parc d’hébergement d’urgence généraliste de l’État. Ne serait-il pas judicieux de leur appliquer une réponse judiciaire ferme afin que les femmes victimes de violences, notamment conjugales, puissent occuper ces places d’hébergement d’urgence ?

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Vous vous êtes dit favorable à l’inscription de la notion de consentement dans la définition pénale des infractions de viol et d’agressions sexuelles. La semaine dernière, Mme Salima Saa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, formait le même vœu. Ce matin, sur Sud radio, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, réclamait des avancées en ce domaine, ajoutant que l’inscription à l’ordre du jour d’un texte relatif à cette question était possible.

Cela tombe à pic : notre proposition de loi relative à l’intégration de la notion de consentement dans la définition du viol est inscrite à l’ordre du jour de ce jeudi, après l’examen de la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans, adoptée par la commission des affaires sociales. La retraite à 64 ans est une réforme contre les femmes. Or les groupes de la minorité présidentielle, parmi lesquels des députés se prétendant féministes, ont déposé plus de 1 000 amendements, plus ridicules et outranciers les uns que les autres, sur notre proposition de loi d’abrogation afin d’éviter tout vote sur ce texte, comme sur le suivant.

En commission, notre proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale des infractions d'agressions sexuelles et de viol n’a pas été soutenue par les groupes macronistes : certains ont voté contre, d’autres se sont abstenus. Or cette question mérite autre chose que des pirouettes et des fausses promesses. Je souhaiterais donc savoir quelle est la position exacte du mal nommé « socle commun » sur l’inscription de la notion de consentement dans la loi. Si le gouvernement y est favorable, pourquoi ne propose-t-il pas des améliorations rédactionnelles de notre texte ? Nous pourrions en effet en discuter dès jeudi – si toutefois nous en avons le temps puisque la proposition de loi sur les retraites fait l’objet d’une obstruction.

En ce qui concerne le budget, les associations demandent 2,6 milliards d’euros pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles, dont 300 millions pour le ministère de la justice. À ce propos, nous avons fait adopter un très grand nombre d’amendements en commission des finances : une augmentation de 36,6 millions d’euros de l’aide juridictionnelle afin de financer l’assistance des victimes de violences conjugales par un avocat dès le dépôt de plainte ; 36 millions pour le recrutement de 600 magistrats spécialisés dans les violences sexistes et sexuelles ; 1 million pour la formation continue des magistrats sur les VSS, qui, même si nous ne nions pas les progrès accomplis, doit être rendue obligatoire ; 3,3 millions pour financer 1 500 téléphones grave danger supplémentaires et 2,7 millions pour financer l’extension de la prime Ségur afin de compenser la prise en charge de cette prime par les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

Respecterez-vous la volonté des dizaines de milliers de femmes qui ont manifesté samedi dernier contre les féminicides et les violences patriarcales ? En conséquence, conserverez-vous nos amendements dans le projet de budget ? Enfin, laisserez-vous les CIDFF disparaître, faute de moyens pour financer la prime Ségur ?

Mme Delphine Lingemann (Dem). Vous avez principalement évoqué les violences qui se déroulent dans le cadre familial, mais elles se produisent également dans les milieux professionnels. Or l’arsenal juridique existant ne couvre pas l’ensemble de ces violences.

Une enquête récente de l’Ordre des médecins révèle que 54 % des médecins ont eu connaissance de violences sexistes ou sexuelles commises par un autre médecin – que la victime soit un patient, un professionnel ou une autre personne – et que 49 % des femmes médecins ont été victimes de telles violences de la part d’un autre médecin. Ces chiffres sont inquiétants, tant pour la sécurité des femmes médecins que pour celle des patientes.

Sans accès direct au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, l’Ordre des médecins, responsable de la régulation de la profession, n’a pas les moyens d’examiner les antécédents judiciaires des praticiens et ne peut donc pas prendre de décision éclairée sur leur inscription ou leur maintien dans ses rangs. Serait-il envisageable de modifier le code de procédure pénale afin d’étendre à l’Ordre des médecins – sous certaines conditions, bien entendu – l’accès à ce fichier ?

Mme Virginie Duby-Muller (DR). En cette semaine mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, j’ai une pensée pour toutes les femmes victimes de violences.

Selon le rapport annuel de la mission interministérielle pour la protection des femmes, 93 femmes – 136, selon l’association Nous toutes – ont été victimes de féminicide en 2023. Quelle que soit la méthode de comptage, ces drames humains nous bouleversent tous et témoignent d’un phénomène préoccupant. Selon le même rapport, en Haute-Savoie, 80 % des faits relevant du pénal signalés à la police ou à la gendarmerie sont liés à des violences conjugales.

Pour lutter contre ces situations qui nous révoltent, le premier ministre Michel Barnier a annoncé différentes mesures : renforcement de l’aide universelle d’urgence, élargissement du dispositif de dépôt de plainte des femmes victimes de violences sexuelles dans les hôpitaux dotés d’un service gynécologique ou d’urgence, déploiement d’une maison des femmes dans chaque département d’ici à la fin de l’année 2025 et plan de lutte contre la soumission chimique.

Selon votre prédécesseur, Éric Dupond-Moretti, le nombre des drames évités grâce à la généralisation des bracelets antirapprochement aurait été multiplié par trois en un an puisque ce dispositif a permis aux forces de l’ordre d’intervenir à 10 500 reprises en 2023, contre 3 634 en 2022. On estime qu’environ 1 000 bracelets sont actuellement activés. Quant aux téléphones grave danger, qui permettent également d’éviter des drames, leur nombre a été multiplié par cinq entre 2020 et 2022. Quel est nombre de ces dispositifs pour l’année en cours ? Comptez-vous continuer à développer leur utilisation ?

Par ailleurs, le pôle violences intrafamiliales du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, installé au début de l’année, vise un triple objectif : mieux détecter les violences intrafamiliales, mieux prendre en charge les victimes et mieux les protéger. Grâce à des magistrats coordonnateurs spécialement formés aux violences intrafamiliales, ces pôles doivent permettre un meilleur partage des informations et une action coordonnée et rapide non seulement de l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire mais aussi des forces de l’ordre, des associations d’aide aux victimes et des soignants. Vos services disposent-ils d’un premier bilan de l’action de ces pôles judiciaires spécialisés ?

Enfin, j’avais déposé, avant la dissolution, une proposition de loi visant à rendre imprescriptibles les crimes et délits sexuels commis contre les mineurs. Ce texte devait faire l’objet d’un travail commun avec le cabinet de votre prédécesseur. Êtes-vous ouvert à cette proposition issue des rapports de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) ?

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). La loi de programmation et d’orientation du ministère de la justice pour 2023-2027 prévoit la création de 10 000 emplois. Or le programme Justice judiciaire du budget 2025 ne comporte que 270 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires – loin des 1 307 ETP créés en 2024. Surtout, il s’agit uniquement de postes de magistrat et de greffier. Pourtant, la justice repose sur un écosystème dans lequel les attachés de justice tiennent un rôle central pour garantir la qualité des décisions rendues et accélérer les délais de traitement. Selon le Syndicat de la magistrature, il faudrait tripler le nombre de procureurs, doubler celui des magistrats du siège et renforcer l’ensemble des équipes qui les entourent. C’est d’autant plus nécessaire que – nous le savons grâce aux chiffres publiés dans la presse à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes – ces dernières pâtissent de la lenteur de la justice.

Par ailleurs, les victimes rencontrent de multiples difficultés pour faire reconnaître les crimes qu’elles ont subis. Ainsi, en 2022, la Fondation des femmes a estimé que, pour les rares femmes dont la plainte n’est pas classée sans suite, la procédure coûte en moyenne 10 675 euros. Les associations ont fait de nombreuses propositions pour faciliter leur accès à une procédure judiciaire : l’aide juridictionnelle dès le dépôt de plainte ou la collecte des preuves dans des centres dédiés, immédiatement après le crime ou l’agression. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Les députés socialistes ont déposé plusieurs amendements visant à augmenter les effectifs des attachés de justice et à allouer davantage de crédits pour les téléphones grave danger. J’ai été très attentive aux chiffres que vous avez cités à ce propos, car l’augmentation de 4,5 millions d’euros prévue dans le budget de la justice est modeste – pour ne pas dire dérisoire.

Enfin, les cours criminelles départementales ont été créées notamment pour faciliter l’accès des femmes à la justice. Or nombre d’intervenants et d’associations s’accordent à constater qu’au contraire, elles nuisent à la justice des femmes en invisibilisant les violences et en minimisant les crimes. En outre, alors que ces cours devaient permettre d’accélérer les procédures, elles accusent un retard de deux ans dans le traitement des affaires. Leur bilan est donc discutable.

Beaucoup de destins sont entre vos mains : les victimes ont besoin pour se réparer que la justice reconnaisse pleinement les violences qu’elles ont subies. Quelques jours après la présentation de la loi intégrale, quelles réponses concrètes comptez-vous apporter ? Allez-vous vous saisir de ces propositions nécessaires à la lutte contre les violences faites aux femmes ?

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Je salue votre ouverture et votre engagement sur la question de l’inscription du consentement dans la définition pénale du viol. Les travaux que notre délégation consacre à cette question dans le cadre d’une mission transpartisane devraient aboutir dans quelques semaines, et nous comptons sur vous pour soutenir une proposition ambitieuse.

Toutefois, la modification de la loi ne changera qu’une petite pierre du grand édifice de l’impunité qui a cours dans notre société. Vous avez affirmé que la justice devait prendre sa part dans la lutte contre les violences faites aux femmes, qu’aucune société civilisée ne saurait tolérer. Mais, à vous entendre, il semblerait que beaucoup a déjà été fait et que, finalement, tout va bien. Je souhaiterais donc savoir ce que votre ministère pourrait faire de mieux.

Des femmes continuent à mourir sous les coups de leurs conjoints et 94 % des affaires de viol sont classées sans suite. Nos auditions nous ont permis de constater qu’en matière de violences sexuelles, la justice fonctionne parfois comme la roulette russe, selon le magistrat ou l’agent de police sur lequel on tombe. Force est donc de reconnaître que, dans l’immense majorité des cas, pour une femme victime de violences, faire face à la justice, c’est accomplir un parcours de combattante. Les violences sont mal caractérisées et les enquêtes insuffisantes ; il n’y a pas assez de moyens, de formation, de protocoles adaptés. La chaîne pénale échoue trop souvent à protéger les victimes et à sanctionner les agresseurs.

Nous connaissons les dispositifs qui fonctionnent : brigades spécialisées, formation des magistrats, juridictions dédiées. Pourquoi sont-ils encore l’exception ? Ils devraient être la règle !

Parmi les 140 mesures proposées dans le cadre de la réforme d’ampleur défendue par une coalition d'associations féministes, certaines, très concrètes, relèvent directement de votre champ d’action et pourraient immédiatement être mises en œuvre par voie réglementaire. Je pense, par exemple, à la systématisation de certains actes d’enquête essentiels – comme les perquisitions et l’analyse des téléphones et des réseaux sociaux –, à l’encadrement strict des expertises judiciaires par une formation obligatoire et des critères d’accréditation rigoureux pour s’assurer de la compétence et de la probité des experts, enfin, à l’interdiction systématique des confrontations entre les victimes et les auteurs présumés, sauf demande expresse des victimes. Vous pourriez décider dès demain de reprendre ces propositions assez simples : il y va de votre seul courage politique.

Enfin, les lois ne suffisent pas : ce qui fera la différence, ce sont des moyens humains, financiers et organisationnels adaptés. Qu’avez-vous à nous dire à ce propos ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Lors de l’examen par la commission des lois de la proposition de loi relative à l’intégration du consentement dans la définition pénale du viol, la majorité des membres présents y étaient favorables sur le fond. Cependant, un consensus s’est dégagé pour que soit mené sur ce sujet majeur un travail collectif et transpartisan, à l’instar de celui qu’accomplit notre délégation.

Michel Barnier a réaffirmé son objectif de créer une maison des femmes par département, après l’engagement pris par Élisabeth Borne en 2023. Toutefois, se pose la question d’une fusion des maisons des femmes et des unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped) afin que les femmes et leurs enfants puissent être pris en charge simultanément. Quel est votre point de vue ?

Enfin, il y a un an, j’ai signé, en tant que ministre de la santé, avec Rada Hatem et votre prédécesseur, Éric Dupond-Moretti, une convention qui permet aux femmes de déposer plainte à la maison des femmes, et non plus uniquement aux urgences et aux urgences gynécologiques des hôpitaux. Disposez-vous déjà d’une évaluation de ce dispositif ?

Mme la présidente Véronique Riotton. Nous passons aux questions des députés.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Ma question porte sur l’intégration du consentement dans la définition pénale du viol.

Je remercie Mme Firmin Le Bodo d’avoir eu l’honnêteté de rappeler que notre proposition de loi est inscrite jeudi à l’ordre du jour et qu’elle a été examinée en commission des lois. Effectivement, un large consensus s’est dégagé, mais notre texte a été rejeté, au motif qu’il faudrait en attendre un autre. À la suite de nos auditions et de mes échanges avec vous comme avec les services de votre ministère, j’ai proposé des améliorations rédactionnelles, mais je n’ai reçu aucun retour et le gouvernement n’a déposé aucun amendement en vue de la séance publique de jeudi. Nous ignorons donc quels éléments posent problème : est-ce le fait de définir le consentement comme l’expression d’une volonté libre et éclairée ? Le fait de préciser qu’il ne se déduit pas de l’absence de résistance ?

J’entends aujourd’hui qu’un texte transpartisan serait déposé dans les prochaines semaines alors que la délégation aux droits des femmes n’a pas fait savoir qu’elle reprenait ses travaux sur le sujet. Par ailleurs, la secrétaire d’État à l’égalité, Mme Salima Saa, a déclaré au journal Libération : « On va faire un travail de fond. On ne va pas le faire dans la précipitation. Je ne suis pas juriste : c’est au ministère de la justice et aux spécialistes d’écrire le texte. » Existe-t-il déjà un texte que vous auriez validé ? Si tel est le cas, pourquoi ne pas l’examiner dès jeudi, sans attendre 2025, puisque le gouvernement pourrait être censuré dès le 6 décembre ? Sinon, estimez-vous qu’une proposition de loi sur le consentement doit nécessairement avoir l’aval du gouvernement, notamment du garde des sceaux, pour être inscrite à l’ordre du jour et adoptée ?

En tout état de cause, pouvez-vous rassurer les associations féministes notamment, en confirmant que la modification de loi consistera bien à intégrer une définition complète du consentement qui soit à même de protéger le plus possible les victimes – il faut surtout éviter qu’il ne devienne une condition supplémentaire de la reconnaissance du viol ?

M. Guillaume Bigot (RN). Ces dernières années, le personnel du ministère de la justice et nos forces de police et de gendarmerie se sont fortement mobilisés pour lutter contre les violences faites aux femmes. L’une d’entre elles, l’excision – cette mutilation sexuelle souvent coutumière, expression du patriarcat et d’une violence pure et parfaite – me paraît particulièrement atroce. En 2020, la secrétaire d’État Marlène Schiappa avait eu le courage et le mérite d’appeler l’attention sur les presque 60 000 femmes excisées en France. En août 2023, le gouvernement a lancé un plan national d’action visant à éradiquer les mutilations sexuelles dans notre pays.

Pourriez-vous nous présenter un bilan de la répression pénale de ces actes odieux qui arrachent à des jeunes femmes une part essentielle et intime de leur féminité ? J’espère que cette évaluation montre un recul de ces pratiques barbares dans notre pays.

M. le ministre. Madame Delpech, nous nous efforçons de répondre au mieux aux besoins des victimes, immédiatement après les faits et sur le long terme. Ainsi leur accompagnement a-t-il été renforcé et individualisé, notamment grâce à l’augmentation du budget de l’aide aux victimes de violences intrafamiliales, qui a triplé depuis 2020, pour atteindre 22 millions en 2025 – soit 5 millions de plus qu’en 2024 –, de façon à soutenir les associations, au plus près des victimes.

Nous nous efforçons également de mieux former l’ensemble des personnels judiciaires, pour améliorer leur capacité à entendre les victimes. J’ai rappelé par ailleurs l’augmentation des BAR et des TGD actifs : ces dispositifs prouvent la proactivité des services judiciaires.

Le premier ministre a annoncé la généralisation du recueil de plainte à l’hôpital, qui permettra de faciliter son dépôt. Il est vrai que, tant que les faits ne sont pas dénoncés, la justice n’est pas en mesure d’agir. C’est pourquoi il faut donc multiplier les lieux de dépôt de plainte, et faire en sorte que la victime ose déposer plainte afin que l’instruction soit ouverte.

Enfin, le dispositif pour les victimes gravement traumatisées peut être actionné par le procureur de la République vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Dans ce cas, un certain nombre d’aides aux démarches sont prévues pour les victimes.

Je souhaite maintenant revenir de manière dépassionnée sur les classements sans suite en matière de viol.

En 2023, sur 100 plaintes déposées pour viol, 59 ont été classées sans suite au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée – ce qui signifie que l’enquête n’a pas permis de rassembler les preuves d’éléments factuels. Ce taux, qui n’est pas nouveau, passe de 59 % à 70 % lorsque l’on considère l’ensemble des motifs de classements sans suite.

Ces données ne signifient pas que la loi et son interprétation limiteraient le champ des poursuites pénales à cause d’une définition insuffisante du viol. En sept ans, le nombre de personnes mises en cause a doublé. Cela signifie que la hausse du nombre des affaires signalées à la justice est exponentielle – non pas tant parce que le nombre de viols s’envole que parce que la parole se libère, que les citoyens ont davantage recours aux dispositifs pénaux et que ceux-ci sont plus efficaces.

Mécaniquement, les affaires rencontrant des difficultés probatoires sont, elles aussi, plus nombreuses, notamment lorsque, dénoncés grâce au recul de la prescription, les faits sont anciens. Dans ces cas-là, il est, par exemple, impossible d’utiliser la téléphonie pour confondre un auteur et les témoins peuvent ne plus se souvenir des faits. Le taux de classement sans suite pourrait donc s’expliquer par la difficulté à apporter la preuve de la commission des faits, et non pas par une insuffisance légale ou un désinvestissement des acteurs judiciaires.

Je rappelle, du reste, la fermeté de la justice française en la matière. En 2023, dans les affaires poursuivables, 96 % des personnes mises en cause ont été poursuivies. En 2022, le nombre de condamnations pour viol avait augmenté de 19 % par rapport à 2015. Cette augmentation s’élève à 35 % pour le nombre de condamnations pour viol de personnes majeures. Dans plus de 98 % des cas, ces condamnations sont assorties d’une peine de réclusion ou d’emprisonnement ferme d’un quantum moyen de plus de onze ans.

Madame Lorho, nous ne disposons pas de données sur l’origine des auteurs d’infraction – la loi, du reste, ne permet pas toujours de faire cette distinction. Je rappelle que 90 % des violences sexistes et sexuelles sont commises dans et par l’entourage. Par ailleurs, les propos à caractère sexiste ou sexuel réprimés sont passibles d’une amende de 3 750 euros. Nous nous efforçons, par la prévention et la formation scolaire et professionnelle, de sensibiliser tout un chacun à ces questions.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur l’introduction du consentement dans la définition du viol. Madame Legrain, je crois vous avoir expliqué, lorsque je vous ai reçue, ce qui ne colle pas dans votre proposition de loi, et en quoi elle peut même être dangereuse au regard de la situation actuelle. La question est très sensible. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation prend déjà en considération l’absence de consentement, mais elle ne le fait pas expressément. D’où l’idée, à laquelle je suis tout à fait favorable, de faire apparaître le consentement, ou le non-consentement, dans la définition légale du viol. J’ai ainsi indiqué que j’étais prêt à apporter, dans le cadre de travaux transpartisans, l’éclairage de la Chancellerie ; sa contribution peut être utile dans la mesure où elle serait apportée par des magistrats qui traitent ces questions au quotidien. J’ai également suggéré que le texte qui serait issu de ces travaux transpartisans puisse être soumis au Conseil d’État.

En tout cas, on risquerait, si l’on voulait parvenir trop rapidement à une rédaction, d’aller à l’encontre de l’objectif poursuivi. Peut-être le gouvernement sera-t-il censuré entre-temps : c’est votre responsabilité. Toujours est-il que je m’inscris dans le cadre du travail qui a été engagé et auquel je souhaite que, les unes et les autres, vous participiez. Du reste, la délégation aux droits des femmes du Sénat attend ses résultats. J’ignore si je serai encore garde des sceaux lorsque la proposition de loi sera débattue, mais je souhaite la faire avancer, car je crois qu’elle marquera un progrès.

Encore une fois, il convient d’aborder la rédaction de ce texte avec prudence. Il faut en effet éviter d’inverser la charge de la preuve et de focaliser les débats sur la victime car, en l’obligeant à expliquer son absence de consentement, on risquerait de la mettre dans une situation encore plus difficile. Au reste, dans l’affaire Gisèle Pélicot, la position des représentants du parquet montre bien que la justice prend déjà en considération l’absence de consentement de la victime. Tout cela mérite d’être pris en considération.

Par ailleurs, madame Legrain, je vous confirme que nous avons obtenu les moyens nécessaires pour financer l’ensemble du Ségur.

Madame Lingemann, vous soulevez une question complexe. L’accès aux fichiers des auteurs d’infraction est sécurisé et réservé à l’autorité judiciaire, ainsi qu’à la préfecture, sous certaines conditions. Une réflexion est en cours pour élargir éventuellement cet accès, mais des précautions sont nécessaires. Il est vrai que le secret professionnel auquel sont tenus les médecins peut constituer une garantie, mais il faut être prudent en matière d’accès à des fichiers qui comportent des données personnelles.

Madame Duby-Muller, le décompte des féminicides n’est pas le même au ministère de la justice et au ministère de l’intérieur, car l’un et l’autre emploient des méthodes différentes – je conçois que cette différence suscite des interrogations. Les chiffres du ministère de la justice, établis à partir de la remontée systématique d’information par les procureurs généraux, portent sur l’ensemble des homicides conjugaux commis à l’encontre de femmes et d’hommes et ne recouvrent pas la notion de féminicide, qui n’a pas de traduction juridique dans le droit positif.

Les données du ministère de l’intérieur sont, quant à elles, issues de la base de données sur les victimes de crimes et délits ; elles enregistrent également les suicides ou tentatives de suicide causés par le harcèlement d’un conjoint ou d’un ex-conjoint, dont les victimes étaient, en 2023, au nombre de 890, dont 87 % de femmes. La France est le seul pays européen à s’être doté d’un outil juridique permettant de rechercher la responsabilité des auteurs en créant en 2020, à la suite du Grenelle des violences conjugales, la circonstance aggravante du harcèlement au sein du couple, lorsque celui-ci conduit au suicide.

Depuis 2021, nous travaillons, chaque année, à recouper nos données avec le nombre des homicides conjugaux recensés par le ministère de l’intérieur dans le but de présenter des chiffres communs – j’espère que nous y parviendrons.

Par ailleurs, le décompte des féminicides réalisé par des collectifs associatifs féministes ne se limite pas aux victimes au sein du couple et aboutit donc à des chiffres supérieurs à ceux du ministère de la justice et du ministère de l’intérieur.

La généralisation des pôles VIF – qui regroupent des magistrats du siège et du parquet, les directeurs de service de greffe, des greffiers, des attachés de justice et des agents contractuels, notamment ceux qui sont chargés de mission VIF – va dans le bon sens. Comme je l’ai constaté à Versailles et à Poitiers, ces pôles favorisent la réactivité de la justice face aux violences intrafamiliales. Ces contentieux ont sensiblement augmenté au cours des dernières années et occupent une part croissante de l’activité des magistrats.

Cela nous renvoie à la question des moyens humains de la justice. En 2025, nous serons en mesure de respecter les engagements prévus dans la loi de programmation, grâce à l’arbitrage rendu par le premier ministre. La trajectoire 2027 prévoit, je le rappelle, la création de 1 500 postes de magistrat, de 1 800 postes de greffier et de 1 100 postes d’attaché de justice ainsi que le renforcement de l’équipe qui entoure le magistrat par 170 personnels de catégorie A chargés des VIF à temps plein. L’effort est réel. Toutefois, si nous n’avons pas de loi de finances, nous en resterons aux chiffres de 2024, sans ces créations d’emploi.

La prescription des viols et agressions sexuelles sur mineurs a fait l’objet, ces dernières années, d'un travail législatif important. Dès 1989, le délai de prescription a été reporté lorsque les faits ou les crimes sont commis par un ascendant. Depuis 1995, ce délai court à partir de la majorité de la victime. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a, quant à elle, étendu le délai de prescription à 20 ans, le champ infractionnel concerné ayant ensuite été élargi, en 2006. Enfin, la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste a introduit un principe de prescription glissante pour les viols et agressions et atteintes sexuelles commis sur des mineurs. Le délai de prescription de la première infraction est ainsi prolongé jusqu’à la date de prescription de l’infraction la plus récente. Les deux infractions peuvent donc être jugées en même temps, de sorte que toutes les victimes, en particulier les plus anciennes, peuvent se constituer partie civile plutôt que d’être entendues comme simples témoins.

Le délai de prescription est donc déjà long. Si vous l’allongez davantage, la démonstration probatoire sera rendue encore plus difficile. Ce ne serait donc pas nécessairement un progrès, même si des dispositifs comme celui de la prescription glissante font l’objet d’une réflexion, sachant, par ailleurs, que l’imprescriptibilité est réservée aux crimes contre l’humanité.

Les téléphones grave danger sont activés, dans un cadre préventif, sur décision du procureur de la République, pour une durée de six mois renouvelables. Ce dispositif de téléprotection permet à la victime d’alerter les forces de l’ordre en cas de grave danger : ce téléphone est équipé d’une touche spéciale qui permet de joindre un service de téléassistance. Il peut être attribué à tous les stades de la procédure, y compris dans des phases durant lesquelles l’action publique n’a pas été mise en mouvement. En 2023, plus de 4 500 téléphones grave danger ont été attribués – six fois plus qu’en 2020 – et, en 2024, leur nombre a encore crû, atteignant 5 993.

Les bracelets antirapprochement, qui ne relèvent plus tout à fait de la prévention, sont délivrés sur décision du juge, avec le consentement des intéressés. Cette décision peut être prise avant toute condamnation – dans le cadre d’un contrôle judiciaire – ou après une condamnation, comme une des obligations associées à la peine. Au 28 octobre 2024, 837 bracelets antirapprochement étaient actifs ; au total, 3 166 mesures ont été ordonnées depuis la mise en œuvre du dispositif. Celui-ci a évité des drames ; il est donc utile, même si des difficultés peuvent apparaître lorsque les deux personnes habitent à proximité : l’alerte peut être déclenchée et mobiliser les forces de l’ordre sans qu’il y ait de danger.

Le budget de ces dispositifs a sensiblement augmenté, passant de 3 millions en 2020 à plus de 10,5 millions en 2024 – 10,6 millions en 2025. Il permet de financer les stocks dans l’ensemble des juridictions.

Madame Thiébault-Martinez, les cours criminelles départementales ont été créées d’abord à titre expérimental, le 23 mars 2019, avec deux objectifs : réduire les délais de traitement et éviter la correctionnalisation. Hélas ! cette réforme a eu pour effet mécanique d’augmenter le nombre des affaires criminelles à juger. On observe en effet une hausse des réquisitoires introductifs criminels, des dossiers criminels en attente de règlement et des dossiers renvoyés devant les cours d’assises et les cours criminelles départementales. Le temps d’audience devant ces dernières – qui mobilisent cinq magistrats professionnels, contre trois pour les cours d’assises – augmente, de sorte que l’engorgement de l’audiencement criminel persiste. J’ai chargé un groupe de travail – composé d’un magistrat du siège, d’un magistrat du parquet et d’un avocat – d’identifier les pistes d’amélioration et de me faire des propositions très rapidement.

Madame Garin, nous nous efforçons de faire mieux chaque année ! Les moyens augmentent et les personnels de la justice, les magistrats au premier chef, sont de plus en plus sensibles à ces questions. Je suis prêt à vous inviter dans un pôle VIF, où vous pourrez constater par vous-même leur mobilisation et la réactivité de la justice. La question des investigations représente, c’est vrai, une véritable difficulté ; c’est un problème de moyens ou d’orientation des policiers, car la priorité est désormais de les mettre dans la rue.

La convocation des mineurs en vue d’une confrontation n’est pas systématique ; elle est laissée à l’appréciation du juge : tout dépend de l’état de la victime et de la manière dont elle peut réagir.

Madame Firmin Le Bodo, la fusion de la maison des femmes avec d’autres structures est en cours. Nous ne disposons pas encore d’un bilan de l’activité des permanences qui y sont tenues pour le dépôt de plainte. En tout état de cause, il importe de multiplier les lieux où elles peuvent être déposées.

Monsieur Bigot, une directive européenne a été adoptée en mai 2024, qui renforce la lutte contre les mutilations sexuelles. En France, elles sont bien entendu réprimées. La peine d’emprisonnement encourue est de dix ans, et de vingt ans lorsque les mutilations sont pratiquées sur un mineur. La justice s’est saisie du nouveau texte et ne manquera pas de l’appliquer avec la même fermeté que dans le cas des violences intrafamiliales.

M. Guillaume Bigot (RN). Existe-t-il un bilan des condamnations prononcées pour mutilations ?

M. le ministre. Si je peux en obtenir un, je ne manquerai pas de vous le communiquer.

Mme la présidente Véronique Riotton. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie pour vos réponses. Vous avez pu constater la mobilisation de notre délégation dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Nous comptons poursuivre nos travaux et notre collaboration avec vos services pour améliorer la situation des victimes et renforcer l’efficacité de la loi.

 

La séance est levée à 18 heures 42

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Membres présents et excusés

 

 

Présents. - M. Guillaume Bigot, Mme Gabrielle Cathala, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Sarah Legrain, Mme Gisèle Lelouis, Mme Delphine Lingemann, Mme Marie-France Lorho, Mme Véronique Riotton, Mme Céline Thiébault-Martinez.