Compte rendu

Office parlementaire d’évaluation
des choix scientifiques et technologiques

Audition publique sur le vol spatial habité................2

 

 


Jeudi 13 mars 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 203

 

 

session ordinaire de 2024-2025

Présidence

de M. Stéphane Piednoir,
président

 


Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 13 mars 2025

Présidence de M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l’Office

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Audition publique sur le vol spatial habité

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l’Office. – Je vous souhaite la bienvenue pour cette réunion de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui est consacrée au vol spatial habité. Je veux d’abord saluer le premier lancement commercial d’Ariane 6, qui a placé en orbite le satellite d’observation militaire CSO-3. C’est un succès important, car les capacités autonomes d’accès de l’Europe à l’espace avaient été mises à mal après le dernier lancement d’Ariane 5, puis les difficultés des lanceurs Vega et la fin de l’utilisation des lanceurs russes Soyouz.

L’Europe dispose donc désormais de deux lanceurs, Ariane 6 et Vega C, qui vont lui permettre de redevenir une grande puissance spatiale capable d’avoir une stratégie ambitieuse et de reprendre le rythme de ses lancements.

Le lancement d’Ariane 6 ne concernait pas un vol habité. À ce propos, les termes sont parfois ambigus. Dans le langage technique, un satellite est un passager. L’utilisation de ce terme ne signifie donc pas forcément qu’il s’agit d’un être vivant !

En matière de vol habité, l’Europe ne dispose pas encore de capacités autonomes. Elle prend part à plusieurs coopérations internationales, qui lui permettent de disposer de places réservées dans la Station spatiale internationale (ISS) en contrepartie d’une participation à des programmes industriels. Les enjeux géopolitiques sont donc majeurs. L’actualité récente montre en effet que les objectifs de nos partenaires, en particulier américains, ne sont pas forcément alignés avec les nôtres. Elon Musk, à la fois acteur prépondérant de l’industrie spatiale et conseiller spécial du gouvernement fédéral américain, dit souhaiter la désorbitation accélérée de l’ISS, sans tenir compte des engagements internationaux.

Le tournant politique pris par les États-Unis a des impacts sur notre propre stratégie spatiale. Face à ces turbulences internationales, nous devons nous interroger sur la place que nous souhaitons donner au vol habité en France et en Europe.

L’Office s’intéresse depuis longtemps au secteur spatial. Au fil des années, plusieurs parlementaires se sont spécialisés sur cette thématique. Des travaux ont notamment été menés sur les débris spatiaux, les satellites et leurs applications, les lanceurs spatiaux réutilisables ou encore l’exploration de Mars.

Plusieurs options sont ouvertes en matière de vol habité et cette audition publique va permettre de clarifier les termes du débat. Alors que les États-Unis répètent qu’ils veulent aller sur la Lune, voire sur Mars, dans les prochaines années ou les prochaines décennies, nous devons déterminer ce qui est réalisable – et ce qui est souhaitable – pour la France et pour l’Europe. Nous avons réuni l’ensemble des acteurs pour évoquer les différentes stratégies possibles, préciser les enjeux industriels et technologiques sous-jacents et expliquer les objectifs scientifiques, technologiques et géopolitiques qui justifient le maintien d’une présence humaine dans l’espace.

M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l’Office. – Les récentes annonces bousculent l’agenda stratégique du vol habité. Dans ce domaine, les enjeux s’inscrivent toutefois dans le temps long. Ils doivent être compris par la représentation nationale et par l’ensemble de nos concitoyens, car ils soulèvent une question d’acceptabilité. Les grands programmes spatiaux nécessitent en effet des financements importants. En tant que rapporteur spécial du budget de la recherche, j’ai souvent été confronté à des interrogations concernant leur justification. Nous devons donc démontrer leur utilité publique, sociale et environnementale.

Les deux grands acteurs du secteur spatial que sont les États-Unis et la Chine semblent avoir décidé de s’orienter vers des stratégies autonomes. Dans ce nouveau contexte, quelles coopérations sont envisageables ? Quel peut être le rôle de la France, de nos industries et de l’Agence spatiale européenne (ESA) ?

M. Lionel Suchet, président-directeur général du Centre national d’études spatiales (CNES) par intérim. – Le vol habité permet, contrairement à certaines idées reçues, de faire de la science de qualité. En France, le Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales (Cadmos) a mis au point de nombreuses expériences scientifiques.

Une station spatiale est avant tout un laboratoire scientifique qui se trouve dans un environnement que nous ne pouvons pas reproduire au sol pour de longues durées. Il est donc possible d’y observer des phénomènes habituellement masqués par la gravité. Lors de la solidification d’un alliage par exemple, beaucoup de phénomènes physiques sont cachés par le bouillonnement. Ils deviennent visibles dans l’espace, grâce à la pureté de l’interface entre le liquide et le solide.

Une autre famille d’études est illustrée par l’exemple de l’’embryogenèse, sur laquelle des expériences ont notamment été menées par Claudie Haigneré. Lorsqu’une cellule souche se développe, elle se divise puis donne naissance par différenciation cellulaire à des cellules de cheveux, du foie… C’est un phénomène très complexe. Puisque les espèces se sont développées sur la Terre, les chercheurs ont eu l’intuition que la gravité pouvait jouer un rôle. Ils ont donc essayé de la neutraliser. Des résultats très intéressants ont été obtenus en suivant tout le processus sur des salamandres, depuis la fécondation jusqu’à la naissance. Ils ont obtenu quelques réponses, mais ont surtout posé de nouvelles questions. Dans l’espace, un embryon peut par exemple poursuivre sa croissance en ayant un nombre impair de cellules, ce qui est létal au sol.

Un autre avantage, certes plus marginal, du vol spatial habité, est de pouvoir récupérer du matériel sur Terre à l’issue des missions. Des expériences intéressantes ont ainsi été menées sur la tenue de composants électroniques dans l’espace.

Du point de vue technologique, le vol habité permet également de progresser. Le véhicule automatique de transfert européen (ATV), qui est le plus gros au monde, a été développé par l’industrie française, puis exploité par le Centre national d'études spatiales (Cnes) et l’ESA. Il a été amarré cinq fois à la Station spatiale internationale. Ces opérations sont très particulières et nécessitent, pour assurer la sécurité de l’équipage, de travailler sur la fiabilité des outils, leur disponibilité et leur redondance.

Cependant, quelles que soient les avancées qu’il a permises, ce ne sont pas la science et la technologie qui justifient l’existence du vol habité. Depuis l’origine, le moteur de ces expéditions a toujours été politique.

Dès les années 1950, nous avons assisté à une compétition entre deux grandes puissances, qui voulaient chacune être la première à envoyer des êtres humains dans l’espace, à réussir une sortie extravéhiculaire ou à marcher sur la Lune. La stratégie des deux blocs a ensuite divergé. Les Soviétiques ont investi dans le développement de stations spatiales en orbite basse, dont Saliout et Mir, tandis que les Américains ont cherché à mettre au point une navette. Dans les deux cas, les motivations premières étaient militaires. Il s’agissait, pour les Soviétiques, de photographier depuis l’espace des sites interdits, et pour les Américains – même s’ils ne l’ont jamais mis en pratique –, de se doter d’un engin capable de récupérer des satellites étrangers et de les ramener au sol.

Une autre phase s’est ensuite engagée avec la Station spatiale internationale. Les Chinois et les Indiens n’ont pas fait partie du programme, pour des raisons différentes, mais les Américains, les Russes, les Européens, les Canadiens et les Japonais ont travaillé ensemble. À cette époque, le vol habité a été un puissant moteur de coopération internationale.

Nous sommes récemment revenus à une logique de confrontation. Vous avez cité les annonces concernant l’avenir de l’ISS, avec une volonté de privatisation de l’orbite basse. De même, s’agissant de la Lune, chacun – Américains d’un côté, Russes et Chinois de l’autre – poursuit son propre projet.

La France est un acteur historique du vol habité. Dès sa création, le Cnes avait vocation à travailler avec les deux blocs, selon une logique politique très gaullienne. Nous avons donc coopéré à la fois avec l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), puis la Russie, et avec les États-Unis. Le premier Européen à aller dans l’espace fut le Français Jean-Loup Chrétien, en 1982. Depuis cette époque, dix astronautes ont effectué dix-neuf missions et sont restés plus de deux ans – précisément 830 jours cumulés – en orbite.

Le Cnes a développé un centre opérationnel, le Cadmos, qui permet de préparer, puis de réaliser des expérimentations et d’en exploiter les résultats. La France dispose par ailleurs de l’une des deux cliniques spatiales européennes – l’autre est en Allemagne, à Cologne. L’Institut de médecine et de physiologie spatiales (Medes) de Toulouse est spécialisé en physiologie humaine. Il prépare les astronautes et effectue le suivi médical des vols habités.

Du point de vue industriel, un vaste écosystème s’est développé depuis plus de quarante ans. Des PME, qui gravitent notamment autour de Comat à Toulouse, sont reconnues pour leur expertise dans la préparation des expériences en vol habité. Airbus Defense & Space (ADS) a développé l’ATV sur son site des Mureaux, dans le cadre d’un programme de l’Agence spatiale européenne. Thales Alenia Space est devenu l’un des spécialistes mondiaux de la conception des stations spatiales et en particulier des modules habités.

Après l’ISS, les budgets institutionnels vont se réorienter vers l’exploitation de la Lune. Ils ne permettront pas de rester simultanément en orbite basse. Des sociétés privées pourront, en revanche, y construire leurs stations et y mener des expériences. Les pays devraient rester très présents dans ce nouveau modèle, mais nous devons nous préparer à des évolutions.

L’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace des États-Unis (Nasa) a incité les industriels à s’implanter sur le marché de l’orbite basse. Nous ne devons pas être totalement dépendants de ces entreprises. Notre ambition est de participer à ce système de manière concrète. L’ESA a ainsi lancé un projet de cargo – Low Earth Orbit (LEO) Cargo Return Service – pour ravitailler les stations. Les transferts d’équipages et de fret représentent 70 % des coûts d’exploitation d’une station spatiale. Investir dans ce domaine – en commençant par le transport automatique, plus simple techniquement – nous donnerait donc un poids important et nous permettrait de soutenir nos industries plutôt que de devoir acheter des services à des sociétés étrangères, principalement américaines.

La volonté de revenir sur la Lune représente une évolution majeure, car à l’exception d’Apollo, l’histoire spatiale s’est toujours déroulée en orbite basse. Le programme Artemis, qui sera peut-être remis en question, y prévoit l’installation d’une base permanente. Il ne s’agirait pas seulement de planter un drapeau, comme certains envisagent de le faire sur Mars. Les enjeux sont très différents. S’implanter durablement revient en effet à s’approprier des terrains et des ressources. Il a beaucoup été question de l’hélium 3, mais l’eau constitue également une richesse qui pourrait être exploitée pour l’espace. Différents projets pourraient être développés, comme la construction d’un observatoire sur la face cachée de la Lune, qui est protégée de toutes les perturbations terrestres. Le lancement de fusées serait également intéressant, puisque la gravité y est six fois moins forte et qu’il n’existe pas d’atmosphère. Or ce sont les éléments qui sont les plus perturbants pour explorer l’espace depuis la Terre.

Pour faire vivre et travailler des femmes et des hommes dans une base lunaire, il faudra gérer des questions de santé, de nutrition, d’élimination des déchets, de production d’énergie, de construction des habitats, etc. Des compétences qui ne relèvent pas de l’industrie spatiale devront donc être mobilisées.

L’Europe n’est pas dans une logique de conquête, mais de coopération internationale et d’exploration maîtrisée, avec un retour sur investissement pour la Terre. Certaines solutions qui seront trouvées pour organiser la vie dans les conditions difficiles de la Lune pourront en effet trouver des applications terrestres, par exemple pour soigner les populations dans les déserts médicaux ou faire face à des pénuries alimentaires.

Les choix qui s’offrent à nous sont politiques. Certes, ces projets nécessitent des ressources importantes, mais devons-nous pour autant laisser le champ libre aux autres ? Si nous décidons d’y prendre part, quelle approche devons-nous privilégier ? Quels objectifs devons-nous poursuivre ?

M. Didier Schmitt, responsable de la stratégie du directorat dédié́ à l’exploration humaine et robotique et chef du département Préparation du Futur de l’ESA. –  Le programme d’exploration spatiale – robotique et humaine –mené par l’ESA, a le soutien de ses vingt-trois États membres. Bien que ce programme soit optionnel, tous les pays concernés ont décidé d’y participer. Cela montre l’engouement unanime des Etats membres pour ce sujet, ce qui n’était pas encore le cas il y a une dizaine d’années.

L’objectif de la conquête spatiale, c’est la présence d’hommes et de femmes sur Mars. Ce n’est pas juste une lubie de M. Elon Musk. Le sujet est également très présent en Chine. En 2049, le Parti communiste chinois fêtera son centième anniversaire. Il pourrait se passer quelque chose à cette occasion, voire plus tôt.

Avant-hier, les Chinois ont publié un appel à idées international pour utiliser les échantillons martiens qu’ils devraient, disent-ils, ramener en 2030. S’ils affichent leurs ambitions aussi clairement, c’est qu’ils sont probablement prêts. À l’inverse, nous pourrions avoir prochainement de mauvaises nouvelles du côté du programme américain de retour d’échantillons martiens.

L’Inde est par ailleurs entrée dans le jeu. Son premier vol habité pourrait avoir lieu cette année. Le président Modi a fait des annonces, qui visent également à renforcer l’unité nationale. Le pays prévoit de placer une station spatiale en orbite d’ici 2035, avec un premier module prévu dès 2028. De plus, des astronautes indiens pourraient aller sur la Lune avant la fin de la prochaine décennie.

Nous sommes passés d’une compétition entre l’ex-bloc soviétique, puis la Russie, et les États-Unis à une nouvelle confrontation entre les États-Unis et la Chine, avec de nouveaux entrants, dont l’Inde et d’autres.

Comme Lionel Suchet l’a souligné, le vol habité est avant tout un acte politique. Il ne faut pas demander aux scientifiques de le justifier, même s’ils utilisent cette occasion qui leur est donnée.

Nous verrons ce que devient le programme Artemis, mais les Chinois atterriront probablement sur la Lune avant la fin de la décennie. Ils ne communiquent pas beaucoup à ce sujet, mais ils disposent déjà d’une station spatiale en orbite basse avec trois, parfois six, personnes à bord. Elle sera bientôt ouverte à la collaboration internationale. Comme l’URSS à une époque, la Chine va faire du prosélytisme. Le choix des nationalités qui y seront invitées sera évidemment politique. Dans la perspective d’aller sur Mars en 2050, voire plus tôt, le rôle de cette station est de préparer les vols de très longue durée indispensables à une telle expédition.

L’Europe n’est pas en mesure d’effectuer des vols habités vers l’orbite basse. Elle développe un véhicule cargo, grâce à une décision politique prise au sommet de l’espace de Séville en novembre 2023. Elle participe également à l’ISS avec le programme Columbus. Toutefois, elle doit faire du troc avec les Américains pour que ses astronautes la rejoignent. Ceux-ci peuvent ainsi y accéder – avec les expériences qu’ils doivent réaliser sur place – en échange de la fourniture de matériels, dont le module de service qui permettra à Orion d’aller autour de la Lune et d’en revenir.

En matière de vol habité, les compétences existent aux États-Unis, en Chine, en Russie et, d’ici 2030, en Inde. L’Europe est en retrait, au même niveau que les Japonais.

Le dernier Conseil ministériel de l’ESA s’est tenu en novembre 2022 et, puisqu’il a lieu tous les trois ans, le prochain se déroulera en fin d’année. Cette échéance tombe à point nommé compte tenu de l’actualité internationale.

Même si elle a progressé par rapport à 2019, la contribution de la France à l’exploration spatiale est inférieure à celle de l’Allemagne et de l’Italie. Ceci doit nous interroger sur le rôle que la France souhaite jouer dans ce domaine. D’autres pays, que nous pourrions qualifier de « moyens », participent de plus en plus. Quelques mois après la réunion de 2022, la Pologne a décidé de donner 100 millions d’euros supplémentaires, ce qui n’est pas anodin.

Le programme consacré au vol habité et à l’exploration robotique est désormais à parité avec les autres grands programmes, tels que ceux liés aux lanceurs ou à l’observation de la Terre, et dépasse celui des télécommunications. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques années.

L’exploration spatiale peut sembler coûteuse, mais en réalité, le budget de ce programme équivaut à seulement 1,2 euro par an et par citoyen européen concerné. Dans une enquête récente, les personnes interrogées estimaient qu’il était en moyenne de 700 euros. L’écart entre la perception du public et la réalité est donc très important. Par rapport à la Nasa, nos efforts en matière d’exploration spatiale sont dans un ratio d’un pour quinze.

Lors du sommet des 6 et 7 novembre 2023 à Séville, les politiques nous ont demandé d’élaborer une stratégie européenne en matière d’exploration spatiale. L’ESA a travaillé avec les États membres et nous avons obtenu un consensus. Le document a été finalisé il y a un an.

Nous devons avoir davantage d’ambition et garder notre capacité d’autodétermination. Il est important que les Européens puissent décider de leur destin. Par ailleurs, nous devons choisir notre propre voie et ne pas chercher à copier les autres, ce qui implique de prendre des risques. Enfin, notre programme doit être réalisable. Pour cette raison, les États membres nous ont demandé d’étudier de nombreuses options, qui sont sur la table. Il existe de fortes synergies entre l’orbite basse, la Lune et Mars. Ces trois destinations doivent donc être traitées conjointement.

Le document que nous avons rédigé est en ligne depuis le mois de juin de l’année dernière. Il reste valable malgré les évènements que nous vivons actuellement et s’avère même encore plus d’actualité.

S’agissant de l’orbite basse, l’Europe est en situation de dépendance, dans le contexte de l’ISS et dans celui des Commercial Low Earth Orbit Destination (CLD), c’est-à-dire des stations commerciales qui devraient prendre la relève. Développés par des sociétés privées américaines, ces projets bénéficient d’importantes subventions de la Nasa.

Certains de nos programmes devraient nous libérer un peu de cette dépendance, dont le développement d’un vaisseau cargo. À la différence de l’ATV, il sera capable d’effectuer un aller et retour. Ce projet est une initiative européenne. Il ne répond pas à une commande, contrairement à d’autres composantes du programme Artemis. Lorsqu’il sera disponible, il faudra donc que nous trouvions comment l’utiliser. Des partenariats pourraient être envisagés, notamment avec l’Inde. M. Daniel Neuenschwander, directeur de l’exploration humaine et robotique à l’ESA, s’y trouve actuellement.

Les nouveaux programmes seront déterminants pour nous donner une réelle autonomie en orbite basse. Nous pourrions développer des systèmes autonomes, qui ne seraient pas habités, mais qui nous permettraient de réaliser nos propres expériences. Nous aurions notre destin en main, puisque nous pourrions les lancer et les récupérer. Une autre option consisterait à disposer de notre propre station.

Aujourd’hui, nous faisons en sorte que l’industrie européenne puisse participer aux projets américains de « l’après-ISS ». Hélène Huby abordera ce sujet tout à l’heure. Toutefois, il existe beaucoup d’incertitudes. M. Musk a annoncé sa volonté de précipiter la fin de l’ISS, mais quelle sera la suite ? Il y a deux ou trois ans, le lancement d’initiatives privées soutenues par la Nasa avait suscité de l’euphorie aux États-Unis. Les fonds de capital-risque étaient très intéressés par ce qu’on leur faisait miroiter. Le soufflé est un peu retombé ! Le modèle commercial a-t-il de l’intérêt, alors que les seuls clients sont des institutionnels ?

Dans ce contexte, les États membres nous ont donné l’autorisation d’envisager le développement d’une petite station. Nous ne mènerions pas ce projet seuls, mais nous aurions le leadership. S’agissant du véhicule habité – dont nous ne disposons pas –, nous pourrions travailler avec les Indiens, voire avec les Américains. Pour le moment, nous étudions la faisabilité de cette option d’un point de vue technique et nous essayons de la chiffrer.

Concernant la Lune et Mars, nous étudions également de nombreuses options. Il est important que les choix politiques puissent s’appuyer sur des éléments scientifiques et technologiques clairs.

Devrions-nous développer un véhicule européen pour envoyer nos astronautes en orbite basse et les ramener sur Terre ? Cette question est posée depuis 1992, date à laquelle l’Europe a décidé d’abandonner le programme Hermes. Faut-il copier ce que font les autres depuis vingt, trente ou quarante ans ou faut-il s’engager dans un projet différent et unique en prenant le leadership ?

Notre futur vaisseau cargo pourra emmener 4 tonnes et ramener 2 tonnes. Sa capacité a été définie pour accueillir éventuellement des astronautes à bord. Le projet pourrait être développé relativement rapidement, mais le modèle resterait classique. Depuis Youri Gagarine, les capsules qui quittent leur orbite suivent une trajectoire pour rentrer dans l’atmosphère et se poser dans l’eau ou, pour les Russes, sur la terre.

Une autre piste serait d’envisager un véhicule plus évolué, qui serait manœuvrable et cohérent avec les besoins de la défense. Un tel projet stimulerait davantage l’imaginaire de nos ingénieurs et de nos concitoyens. Des études ont déjà été réalisées, notamment en France par Dassault Aviation, mais également en Allemagne, en Angleterre ou en Suisse.

Les Américains disposent d’une capacité autonome d’accès à l’orbite basse pour leurs astronautes avec le X-37B. Les Chinois ont un véhicule équivalent. Les Indiens y travaillent et ont fait quelques tests. En ce qui nous concerne, tout est affaire de choix scientifiques, technologiques et politiques.

 Si nous décidions de nous orienter vers le vol habité, les départs s’effectueraient de Kourou. Nous aurions besoin d’un lanceur, d’opérations au sol, d’un pas de tir, etc. À partir du moment où Ariane 6 aura effectué des dizaines de vols d’affilée sans problème, elle sera automatiquement qualifiée pour emporter une capsule avec des astronautes. Les risques résiduels seront à gérer au niveau de cette dernière. Diverses solutions technologiques existent pour récupérer les équipages en cas d’incident technique lors du décollage. Elon Musk a procédé ainsi avec le Falcon 9. Il a d’abord prouvé que son lanceur était fiable, puis il y a ajouté une capsule habitée. Aucune autre certification n’a été nécessaire.

Environ neuf mois avant chaque Conseil ministériel de l’ESA, nous faisons réaliser un sondage dans quelques États membres, en l’occurrence l’Angleterre, l’Espagne, la France, l’Italie et l’Allemagne. Une vingtaine de questions ont été posées. Les résultats vont être mis en ligne. Ils montrent que dans sa grande majorité, l’opinion publique est favorable à l’exploration humaine. En France, il existe probablement un « effet Pesquet », mais la situation est comparable dans les autres pays. L’intérêt des Européens pour l’espace est manifeste.

Toutefois, s’engager dans le domaine du vol habité remettrait en cause l’équilibre entre les différents programmes et entre les trois destinations : orbite basse, Lune et Mars. Jusqu’à présent, nous avons renoncé à ce projet pour des raisons politiques, mais aussi financières. Le mettre en œuvre supposerait de faire des arbitrages et de revoir nos perspectives d’exploration lunaire et martienne.

Par ailleurs, l’ESA n’est pas seule décisionnaire en matière d’espace. Le sujet relève aussi de l’Union européenne. Josef Aschbacher, directeur général de l’ESA, doit d’ailleurs rencontrer le commissaire Kubilius à ce sujet avant la fin du mois. Les États membres conservent en outre leurs prérogatives nationales. Ainsi, l’Italie a conclu un accord avec la Nasa pour fournir un module d’habitation de la future base lunaire. D’autres pays peuvent avoir des projets dans le domaine du nucléaire par exemple. Toutes ces dimensions doivent être prises en compte pour trouver de nouveaux équilibres, à la fois en ce qui concerne les budgets et les responsabilités.

Mme Hélène Huby, cofondatrice et Chief Executive Officer (CEO) de The Exploration Company. –  The Exploration Company est la start-up spatiale qui connaît la plus forte croissance en Europe. Elle est à la troisième place parmi les start-up de rupture. En trois ans et demi – l’activité a été lancée en septembre 2021 – nous sommes passés de 4 à 250 personnes. Notre champ d’action s’est également étendu. Nous restons présents en France et en Allemagne, et nous sommes désormais implantés en Italie, au Luxembourg, aux États-Unis et aux Émirats arabes unis. Nous avons signé environ 800 millions d’euros de contrats, qui correspondent à des engagements fermes, et nous avons levé 225 millions d’euros en Europe. Notre capital est détenu à 99 % par des Européens. La France, représentée par le fonds French Tech Souveraineté, et l’Allemagne, représentée par le fonds souverain DeepTech & Climate Fonds (DTCF), siègent à notre conseil d’administration, ce qui est inédit dans l’histoire des start-up en Europe.

Grâce à notre coopération avec l’ESA, nous avons inauguré une nouvelle façon de fonctionner. Pour les programmes d’exploration comme Hermes, ATV ou Orion, les États membres commencent généralement par trouver un accord, puis lancent une compétition pour financer le développement, qui est ensuite confié à un ou deux industriels. Notre approche a été inverse. Nous n’avions aucun accord des États membres. Nous nous sommes lancés à quatre, avec 50 000 euros sur notre compte en banque, et nous avons convaincu des investisseurs privés de nous aider à mettre au point des capsules.

Notre deuxième prototype volera la deuxième semaine de juin. Il fera une rentrée contrôlée dans l’atmosphère. Pour un véhicule en forme de capsule, cela n’a été fait qu’une fois dans l’histoire spatiale de l’Europe, avec l’Atmospheric Reentry Demonstrator (ARD) il y a une quinzaine d’années.

Notre projet a été financé par des fonds privés et développé en deux ans et demi, avec 20 millions d’euros. À titre de comparaison, l’ARD avait demandé huit ans et un budget d’une centaine de millions, en euros constants.

Nous disposons de 50 % des fonds nécessaires au développement de nos capsules. L’Agence spatiale européenne est intervenue comme client d’ancrage, en achetant notre premier vol. Nous espérons qu’après le Conseil ministériel de novembre, elle en achètera d’autres. En effet, ce type de contrat permet de lever ensuite des sommes considérables.

Pour un euro de contrat avec l’Agence spatiale européenne, nous pouvons obtenir jusqu’à cinq fois plus auprès d’investisseurs privés. Ceux-ci nous ont apporté beaucoup plus d’argent que les institutionnels. Nous avons réussi à lever 225 millions d’euros, alors que le contrat que nous avons signé avec l’Agence spatiale européenne n’est que de 25 millions.

Outre une nouvelle relation financière, nous avons établi une nouvelle façon de coopérer sur un plan technique. L’Agence spatiale européenne a souvent été critiquée pour la lenteur de ses processus et son incapacité à prendre des risques. Nous avons donc clarifié les rôles et responsabilités de chacun. Nous partageons toutes nos données et faisons preuve d’une totale transparence, mais nous sommes libres d’avancer à la vitesse qui nous convient. Nous ne pouvons pas être bloqués, sauf si nous ne parvenons pas à respecter une exigence fondamentale du contrat de service que nous avons conclu. En tant qu’industriels, nous avons donc une grande marge de manœuvre. Nous n’avons pas à respecter les règles de retour géographique dans le choix de nos fournisseurs. Nous faisons appel aux entreprises qui offrent le meilleur rapport qualité-prix, sans nous soucier de leur nationalité.

L’exploration spatiale est un business. Il est impossible de lever 225 millions d’euros auprès d’investisseurs privés sans avoir un modèle économique solide. Nous avons réalisé trois tours de financement. Pour l’amorçage, puis pour les séries A et B, les montants que nous avons levés étaient inédits pour une start-up du secteur spatial en Europe.

Les vols habités ont enregistré une croissance de 80 % au cours des cinq dernières années. De plus en plus d’États veulent envoyer des astronautes dans l’espace. C’est le cas des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite, de l’Inde, de l’Australie et, en Europe, de la Pologne, de la République tchèque ou de la Hongrie. Parallèlement, les pays qui ont déjà des programmes les renforcent.

Par ailleurs, Elon Musk a décidé d’arrêter la production de la capsule Dragon. La Nasa est donc à la recherche d’une solution alternative.

Nous sommes la première entreprise en Europe à avoir signé un Space Act Agreement avec la Nasa. Lors du vol que nous effectuerons la deuxième semaine de juin, un de ses avions filmera la rentrée de notre capsule dans l’atmosphère, afin de capturer des données qui nous permettront d’améliorer nos modèles. Cette coopération technique directe constitue une première, qui n’est en rien affectée par l’élection de Donald Trump. Je remercie le Cnes et l’Agence spatiale européenne de nous avoir aidés à la mettre en place.

Pour le moment, l’unique solution alternative crédible à la capsule Dragon de SpaceX est la capsule Starliner de Boeing, mais elle coûte extrêmement cher et rencontre des problèmes techniques. La Nasa a donc un intérêt fort à faire émerger un autre acteur, même s’il est en majorité européen. Nous nous sommes implantés à Houston, car pouvoir produire sur le territoire américain nous permettra de gagner des parts de marché très importantes aux États-Unis.

Les applications militaires sont également une raison de poursuivre l’exploration spatiale et le développement des vols habités. En effet, les technologies que nous développons sont duales.

Dans quelques mois, MBDA va effectuer des tests pour savoir si la protection thermique que nous utilisons pour la rentrée dans l’atmosphère – il s’agit d’un matériau à très bas coût produit à Bordeaux – pourrait être intéressante pour les missiles hypersoniques. Les technologies que nous développons pourraient avoir des applications directes dans le domaine militaire, y compris pour des avions. Aux États-Unis, plusieurs centaines de millions de dollars ont été investis dans ce type d’expérimentations, réalisées avec des microcapsules.

Un autre exemple concerne les technologies d’amarrage. Les véhicules qui transportent des astronautes vers une station spatiale doivent s’y amarrer avec une extrême précision pour que leurs passagers puissent sortir. Grâce à nos coopérations avec la Nasa et avec l’Agence spatiale européenne, les technologies que nous utilisons vont être certifiées. Nous serons considérés comme les plus fiables en Europe. Cette expertise a également des applications militaires, par exemple pour inspecter ou désorbiter des satellites qui représentent une menace. De telles opérations supposent d’être capables de manœuvrer très finement, afin de ne pas créer d’incidents diplomatiques. Dans ce domaine, nous avons signé un contrat avec l’Agence de l’innovation de défense (AID) pour développer des modèles d’usage de nos technologies d’amarrage et nous sommes en discussion pour travailler avec l’Université de la Bundeswehr en Allemagne.

Lionel Suchet a évoqué les retours d’investissement terrestres. Schlumberger, qui n’est pas une entreprise spatiale, participe au capital de The Exploration Company, car notre expertise pourrait contribuer à améliorer ses technologies d’exploration et de forage. L’espace est un environnement si exigeant qu’il pousse à faire preuve de beaucoup d’imagination pour innover. Nous l’avons constaté avec la mission Apollo. La nécessité de miniaturiser l’avionique pour résoudre le problème de la masse et réussir à envoyer des êtres humains sur la Lune a permis d’inventer l’ordinateur individuel.

La Station spatiale internationale est pratiquement autonome en eau, grâce à un système de recyclage très performant. Le plastique, provenant notamment des emballages de nourriture, est complètement recyclé et sert par exemple à imprimer des pièces de rechange pour les équipements. Imaginez le passage à l’échelle de ces technologies sur Terre !

L’exploration spatiale est également utile d’un point de vue politique. Elle renforce la cohésion et donne du sens à l’Europe. L’administration, la compétitivité, le libre marché ne sont pas des sujets qui parlent à nos concitoyens. Ils ont besoin de rêver et de constater que nous sommes capables de concrétiser ces rêves. Des gens viennent régulièrement me remercier pour mon travail avec The Exploration Company. Cela leur donne confiance et les incite à se lancer eux-mêmes dans des projets ambitieux.

Enfin, d’un point de vue géopolitique, la Lune ouvre de nouveaux horizons. Ses ressources en eau sont essentielles dans un monde où l’espace se militarise. C’est la raison pour laquelle toutes les nations veulent aller au pôle Sud, où il est pourtant plus difficile d’atterrir. L’eau est l’or noir de la Lune. Elle permettra de produire du carburant pour des vaisseaux qui n’auront pas besoin de revenir sur Terre pour être relancés. Si nous voulons participer à cette course à la Lune, nous ne pouvons pas nous contenter d’y envoyer des robots, car ils n’ont aucun poids politique. Nous devons donc y envoyer des humains.

Pour l’Europe, développer un véhicule cargo est une étape indispensable pour maîtriser les technologies nécessaires aux vols habités, comme la rentrée dans l’atmosphère et l’amarrage.

L’expérience de la Chine, de l’Inde ou de SpaceX, montre qu’il faut environ dix ans pour développer une capsule habitée. Le coût d’un tel projet est compris entre 1 et 3 milliards d’euros.

Dans un monde de stations spatiales privées, si nous n’avons pas de véhicule cargo, nous payerons 500 millions d’euros par an pour que SpaceX emmène nos astronautes. Si nous en avons un, nous pourrons conclure un accord permettant de les faire voler gratuitement en échange d’un transport de fret. L’argent économisé pourra être investi dans des développements complémentaires et, à terme, nous pourrons nous libérer de notre dépendance vis-à-vis des Américains.

Nous aurions besoin de 1 à 3 milliards sur dix ans. The Exploration Company a montré qu’il était possible de conclure des partenariats public-privé. Par conséquent, l’Europe n’aurait à investir que 250 millions d’euros par an, dont environ 75 millions pour la France. Trouver une telle somme ne semble pas impossible.

En revanche, deux options sont, selon moi, à écarter.

La première est la construction d’une station spatiale. Le transport représente 70 % du coût d’exploitation d’un tel équipement. Par conséquent, si nous n’avons pas de véhicule, nous verserons cette somme à SpaceX et à M. Musk. Nous avons tout intérêt à commencer par nous doter d’un moyen de transport, car cela nous permet également d’acquérir de nouvelles technologies. Les innovations sont moins nombreuses s’agissant d’une station spatiale, d’autant plus que nous avons déjà mené le projet Columbus.

La deuxième concerne l’avion spatial. La navette spatiale américaine a été abandonnée, car trop coûteuse et pas suffisamment fiable. Nous ne savons toujours pas quand le Dream Chaser, qui est développé depuis dix ans aux États-Unis, pourra enfin voler. En Europe, le programme Hermes a été arrêté en raison de surcoûts. Des retards importants ont aussi été enregistrés dans le développement du Space Rider par Thales. L’ambition est magnifique, mais ces projets sont très longs, très complexes, très chers et non finançables par des investisseurs privés.

Si nous voulons avancer rapidement en matière de vols habités, nous devons suivre la même stratégie que SpaceX. Il faut partir des technologies que nous connaissons et nous libérer de notre dépendance vis-à-vis des États-Unis. Quand nous y serons parvenus, nous pourrons envisager d’autres projets, comme Elon Musk le fait avec sa fusée Starship. Il faut apprendre à marcher avant de vouloir courir !

M. Benoît Hancart, directeur des affaires institutionnelles de Thales Alenia Space. – Thales Alenia Space est une société détenue par le groupe français Thales et le groupe italien Leonardo. Implantée dans huit pays européens, elle compte environ 8 000 collaborateurs, dont 4 000 en France et 3 000 en Italie. Son expérience de plus de quarante ans se traduit dans une diversité unique d’expertises, de talents et de cultures. Ses équipes conçoivent des solutions innovantes dans les domaines des télécommunications, de la navigation, de l’observation de la Terre – à des fins de gestion de l’environnement ou de renseignement –, de l’exploration ou des infrastructures orbitales.

Depuis les années 2000, Thales Alenia Space joue un rôle clé dans la Station spatiale internationale, dont elle est le principal fournisseur de modules d’habitation. Sa contribution est également majeure dans l’ATV. Cette expérience, acquise grâce à des investissements institutionnels, lui a permis de participer à la dynamique commerciale de l’exploration. La société a été retenue pour le service logistique Cygnus, opéré par Northrop Grumman. Vingt cargos ont été livrés ou contractualisés. Dans la perspective de la fin de vie de l’ISS en 2030, Thales Alenia Space fournira les modules pressurisés de la station Axiom, qui sera la première station commerciale en orbite basse au monde.

Thales Alenia Space accompagne l’ESA dans ses projets concernant la Lune. Dans le cadre du programme Artemis, elle a été retenue pour assurer la maîtrise d’œuvre de deux modules européens de la Lunar Gateway, Esprit et iHab. Ces réalisations sont possibles grâce à la qualité de la coopération franco-italienne. Thales Alenia Space fournira également la coque pressurisée du module d’habitation de logistique Halo et a récemment remporté le contrat relatif à la maîtrise d’œuvre du module de sortie extravéhiculaire émirien Airlock.

Dans le domaine de l’exploration, Thales Alenia Space dispose de deux sites, à Cannes et à Turin.

M. Xavier Roser, directeur des programmes d’exploration de Thales Alenia Space. –  Lors du Conseil ministériel de l’ESA, les principaux enjeux des décisions concerneront le futur de l’orbite basse. La fin de l’ISS est proche et nous devons préserver notre capacité à réaliser des missions dans cet environnement.

En ce qui concerne la Lune, nous avons déjà un pied dans l’espace cislunaire avec les développements de modules pour la Lunar Gateway. Ces projets avancent de manière satisfaisante et devraient s’achever en 2027 ou 2028. Ils ont permis de ramener en France la maîtrise d’œuvre de ce type de programmes, ce qui n’était plus le cas depuis ceux des cargos. Cette activité représente plusieurs centaines d’emplois pour Thales. Nous disposons ainsi d’un socle technologique, qui pourrait être l’une des briques d’un programme européen concernant l’orbite basse.

Les Américains ont commencé à opérer une transition depuis une quinzaine d’années. Après la construction de la Station spatiale internationale, le système est passé de l’achat d’infrastructures à l’achat de services, pour le fret, la logistique et désormais transport d’équipages. Une nouvelle étape va être franchie cette année ou l’année prochaine, avec le lancement d’appels d’offres pour sélectionner une ou deux stations commerciales qui travailleront avec la Nasa.

Thales Alenia Space est partie prenante de cette activité commerciale, en tant que fournisseur d’éléments. Nous sommes très compétitifs en matière de modules d’habitation pour les stations ou de modules de logistique comme Cygnus. Les développements qui ont été réalisés avec des fonds européens nous procurent aujourd’hui des retours intéressants.

S’agissant de l’orbite basse, nous maîtrisons un portefeuille de technologies qui doivent nous permettre de passer de la livraison d’éléments à un dispositif européen minimal, qui nous libèrerait de notre dépendance tout en restant ouvert à des coopérations équilibrées. Celles-ci sont essentielles pour disposer d’une redondance sur les systèmes, pouvoir s’échanger des capacités de transport et profiter de complémentarités. Ainsi, associer un module laboratoire à un module d’habitation rend possibles les séjours longs et l’optimisation de l’expérience dans l’espace.

Trois piliers nous semblent essentiels pour l’orbite basse.

L’Europe doit se doter au minimum d’un module laboratoire, ayant éventuellement un potentiel de croissance. Elle doit également disposer d’un module de transport. Nous travaillons sur le programme de LEO Cargo Return Service. Nous disposons d’une certaine expertise, puisque nous avons déjà réalisé deux missions ayant impliqué une rentrée atmosphérique. Nous venons de fêter les vingt ans de l’atterrissage de la sonde Huygens sur Titan, ce qui constituait un défi technologique majeur. Par ailleurs, nous avons effectué des tests avec Space Rider, qui possède un système de pilotage lui permettant d’affiner sa précision d’atterrissage, expérimenté en vol en 2015.

Ces deux dimensions doivent être développées en parallèle, car le transport n’a de sens que si nous en avons l’usage. Des synergies sont d’ailleurs nécessaires. Pour l’ISS, les modules ont été livrés par une navette. Or ce type de véhicule n’existe plus. Les modules doivent désormais comporter des fonctions de service leur permettant de se diriger eux-mêmes jusqu’à la station.

La dernière étape, c’est-à-dire le transport d’équipages, pourra intervenir quelques années plus tard, mais il est important de la prendre en compte dès la conception du véhicule logistique. Ses dimensions doivent en effet être suffisamment grandes pour permettre un vol habité.

Aucun système de lancement ne permet de garantir totalement la sécurité des astronautes. Par conséquent, le véhicule transporté doit avoir une capacité d’éjection – selon le même principe qu’un siège éjectable pour un avion, mais à l’échelle de la cabine pressurisée – pour pouvoir assurer la sauvegarde des passagers en cas d’anomalie. Ce travail d’ingénierie intégrée demandera un peu de temps, mais l’expérience qui sera acquise grâce à des vols logistiques réguliers permettra déjà de gagner en fiabilité.

L’objectif serait de disposer, dès la fin de la décennie, d’un module vital de station et d’un module logistique qui y serait associé et pourrait évoluer vers le transport d’équipage. Nous pourrions ainsi poursuivre les différentes activités de recherche en orbite basse, qui constituent un vaste écosystème en Europe, dans les domaines des biotechnologies, de la pharmacie, de la médecine, des matériaux, etc.

Les développements que nous entreprenons dans les systèmes robotiques sont complémentaires, à la fois du point de vue des technologies et des services. Nous travaillons dans deux directions. D’une part, Space Rider permettrait de faire des allers et retours pour des expériences simples ne nécessitant pas de laboratoire significatif en orbite et d’intervention humaine. D’autre part, nous développons des activités de maintenance pour les infrastructures (remplacement de pompes, de systèmes de ravitaillement, etc.).

Un dispositif qui combinerait une station, un véhicule cargo et la robotique nous permettrait d’être autonomes pendant un certain temps.

L’ISS avait été conçue pour être habitée en permanence, contrairement à Lunar Gateway qui n’accueillera des astronautes que ponctuellement et devra donc fonctionner de manière autonome. Nous acquérons ce savoir-faire avec les modules que nous développons dans le cadre de ce programme. Il pourrait être mis à profit pour concevoir une station européenne en orbite basse pouvant être exploitée de façon automatique. Celle-ci serait un outil de coopération, avec des acteurs effectuant du transport d’équipages ou avec des stations commerciales américaines. Des accords de partenariat, sur lesquels nous travaillons, peuvent être envisagés en matière de service.

En ce qui concerne la Lune, nous participons au programme Argonaut, mis en place par l’Agence spatiale européenne pour y livrer du fret. Les différentes missions américaines ont montré qu’il n’était pas si simple d’y atterrir. La maîtrise d’œuvre est effectuée en Italie, mais des éléments clés se trouvent en France, en particulier dans le domaine des systèmes avioniques.

Le programme Multi-Purpose Habitat est par ailleurs en phase de conception avancée. Lancé par l’Agence spatiale italienne dans le cadre d’une relation bilatérale avec la Nasa, il vise à développer un module d’habitation pouvant être déplacé – une sorte de camping-car lunaire – et ainsi étendre la portée d’exploration des astronautes. Les premières expéditions devraient durer environ deux semaines, ce qui correspond à la durée du jour lunaire. Pour ce projet, nous reprenons les technologies utilisées dans les modules de Lunar Gateway.

Enfin, pour ce qui est de l’exploration martienne, la deuxième mission du programme ExoMars est en cours. Le déploiement d’un rover est prévu en 2028.

Pour le moment, l’exploration martienne est robotique, mais les perspectives d’exploration habitée pourront bénéficier du savoir-faire acquis avec le Lunar Gateway, dont les trois modules seront réalisés en Europe. L’ESA en pilote deux et le dernier sera fourni par Thales Alenia Space dans le cadre d’un contrat conclu avec les Émirats arabes unis.

Comme le disait le président Kennedy, c’est en s’attaquant à des problèmes difficiles qu’on développe ses capacités d’innovation. L’une des spécificités d’un voyage vers Mars, c’est qu’il dure environ 1 000 jours aller et retour. Il en résulte deux conséquences. D’une part, il ne sera pas possible d’arrêter la mission. Or actuellement, beaucoup de mesures de sécurité reposent sur le fait que les astronautes peuvent être évacués et revenir rapidement sur Terre, en quelques heures quand ils sont dans l’ISS ou en quelques jours quand ils seront sur la Lune. D’autre part, les temps de communication seront très longs. Recevoir la réponse à une question posée depuis le centre de contrôle pourra prendre jusqu’à une heure. Dans ces conditions, le support technique devra être pensé différemment.

Les systèmes d’assistance aux astronautes pourront s’appuyer sur des technologies d’intelligence artificielle, tant en ce qui concerne le fonctionnement du véhicule que les aspects médicaux par exemple. Le risque de développer des pathologies pendant un voyage de trois ans n’est pas négligeable. Il faudra être capable de gérer ces situations et d’effectuer éventuellement des opérations chirurgicales. Beaucoup de développements et de tests seront nécessaires pour trouver des solutions, mais celles-ci pourront également trouver des applications à la fois sur Terre et en orbite basse. Avoir des dispositifs plus autonomes est un moyen d’améliorer leur compétitivité économique, car ils nécessitent moins d’experts pour en assurer le support à distance.

L’activité spatiale conserve son attractivité et sa capacité à rayonner auprès du grand public et particulièrement des jeunes. Chez Thales Alenia Space, nous le constatons lorsque nous recrutons des ingénieurs. Beaucoup veulent travailler sur les programmes d’exploration. Il y a quelques années, les étudiants diplômés d’écoles françaises et américaines rêvaient de travailler pour la Nasa ou SpaceX. Nous pouvons avoir l’ambition de les faire rêver avec un programme spatial européen !

Le coût d’accès à l’espace va baisser. Pour le moment, les modèles d’affaires ne sont pas encore stabilisés, mais la concrétisation des économies attendues devrait intervenir dans les dix prochaines années. Pour être prêts lorsque la demande augmentera, nous devons développer nos capacités dès maintenant. Puisqu’il faut une dizaine d’années pour mettre au point un système de vol habité, nous ne pouvons pas attendre que le marché existe. Sinon, nous aurons dix ans de retard.

Comme les Américains l’ont fait en développant une approche commerciale, nous ne devons pas dépendre uniquement des acteurs institutionnels européens pour nous financer. Nous devons aller chercher d’autres sources de revenus, auprès de pays comme les Émirats arabes unis, qui veulent envoyer des astronautes dans l’espace ou participer à la recherche en orbite sans pouvoir le faire eux-mêmes. Ces accords de coopération ont évidemment une dimension politique, mais ils contribuent souvent de manière positive aux relations entre les États.

Mme Claudie Haigneré, ancienne astronaute française et membre du conseil scientifique de l’Office. –  La qualité des précédentes interventions démontre à la fois le pouvoir de conviction de chacun des partenaires de cet écosystème global et leur capacité d’agir.

En tant qu’astronaute du Cnes et de l’Agence spatiale européenne, j’ai effectué deux missions spatiales. Je suis arrivée en Russie en 1992 et j’y suis restée dix ans.

Les projets de coopération scientifique ambitieux, comme celui de la Station spatiale internationale, se développent sur le temps long et fonctionnent encore. Quand je suis devenue ministre, j’ai par exemple soutenu le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter) ou les évolutions de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern).

J’ai vécu une aventure humaine, tout autant que scientifique et technologique. Les astronautes répondent fréquemment à des sollicitations et interviennent dans des écoles et des universités ou auprès du grand public. Nous sommes toujours accueillis très chaleureusement. Les activités spatiales et l’exploration suscitent l’adhésion de nos concitoyens.

Dès qu’ils rentrent de mission – et même pendant leur déroulement, puisque les communications sont désormais possibles en temps réel –, les astronautes deviennent des ambassadeurs de la planète, de la science, de la technologie, de l’Europe et d’une certaine confiance dans l’avenir.

Lors de mes interventions, j’évoque mon parcours d’astronaute – nous ne sommes que 620 individus dans le monde à être allés dans l’espace – et j’essaye de faire passer des messages, de montrer l’importance du travail, de la persévérance, de l’esprit d’équipe. J’explique qu’il faut faire preuve de curiosité, oser être un acteur de sa vie et accepter de se dépasser. Je reviens sur les recherches qui ont été menées à bord. Je réponds aussi à des questions, car certains enjeux peuvent apparaître comme contradictoires. 

Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de groupes scolaires ou de places qui portent mon nom, celui de Thomas Pesquet, de Samantha Cristoforetti ou d’autres astronautes. Cela témoigne de l’attrait pour la science et pour la technologie.

Différentes catégories de recherche sont menées dans l’espace, qui constitue un laboratoire unique. Il est possible d’y explorer de nouvelles hypothèses scientifiques en s’affranchissant de la gravité, ce qui est impossible au sol. Par ailleurs, les spécificités de cet environnement et la nécessité d’assurer la sécurité de l’équipage amènent à chercher en permanence des solutions nouvelles, qui peuvent également répondre à des enjeux terrestres. La question du recyclage de l’eau, qui est assuré à 99 % dans la Station spatiale internationale, a notamment été évoquée. Enfin, l’intelligence artificielle, la robotique, le quantique sont des technologies du futur qui sont pleinement mobilisées dans le domaine spatial.

Les astronautes européens sont des partenaires crédibles et fiables, reconnus par les industriels ou les institutionnels étrangers. Cinq d’entre eux ont commandé la Station spatiale internationale. Cette reconnaissance de nos compétences nous permet d’entrer dans le jeu de la diplomatie spatiale, au-delà de la diplomatie scientifique. Dans un paysage devenu multipolaire, les recherches d’alliances sont importantes. Les Émirats arabes unis ou l’Inde ont notamment été cités. J’évoque régulièrement cette dimension dans mes interventions, car elle n’est pas forcément très connue.

J’ai été ministre de la recherche, puis ministre des affaires européennes jusqu’en 2005. Les astronautes de l’Agence spatiale européenne peuvent, grâce à leur diversité, mettre en évidence la spécificité des valeurs et des engagements européens. J’admire certains des développements qui ont été effectués par les équipes d’ingénieurs d’Elon Musk, mais ses discours sur le long-termisme, le transhumanisme, la colonisation ou la cyborgisation des astronautes pour leur permettre de mieux réaliser leurs missions constituent plutôt un répulsif pour moi. La voix de l’Europe doit donc être entendue, y compris dans le champ de l’exploration spatiale.

Défendre nos valeurs est essentiel pour que nous soyons attractifs vis-à-vis des ingénieurs et des chercheurs. Jusqu’à la fin de l’année dernière, nombre d’entre eux voulaient traverser l’Atlantique et travailler avec Elon Musk, avec le sentiment que tout pouvait aller plus vite aux États-Unis. Depuis quelques mois, la situation a changé. Nous devons en profiter, insister sur nos engagements en matière de durabilité et d’impact environnemental. Les jeunes doivent pouvoir se projeter dans l’avenir. Dans les universités, j’entends trop souvent un discours de renoncement. L’optimisme de la volonté doit nous permettre de contrer ce pessimisme de la raison.

Nous devons également insister sur la présence des femmes dans les métiers de la science, de la technologie et de la recherche.

Pour terminer, étant médecin et chercheure en physiologie, je reviendrai brièvement sur les recherches qui peuvent être menées à bord dans le domaine des sciences du vivant. L’astronaute est d’abord un cobaye, puisqu’il est lui-même le sujet d’expériences. La santé mentale et le bien-être sont désormais des sujets importants. Des études sont réalisées à l’interface entre les sciences cognitives, les sciences du cerveau et la psychologie. L’astronaute est aussi un expérimentateur, car certains protocoles sont complexes et ne peuvent pas être totalement automatisés. Des évènements imprévus peuvent en outre se produire. Dans ces cas-là, il faut pouvoir compter sur l’intelligence de l’être humain, mais aussi sur sa main, son regard ou sa voix.

Penser la médecine en environnement extrême et à distance peut être très utile pour mieux gérer les déserts médicaux auxquels nous sommes confrontés, notamment en France. Les Canadiens se sont d’ailleurs spécialisés dans ce domaine.

Pour assurer la sécurité de l’équipage, la microbiologie, la toxicologie ou la bactériologie sont des sujets importants, de même que l’accompagnement des pathologies ou la récupération du déconditionnement lié à la microgravité.

Je suis régulièrement invitée pour intervenir dans des assemblées scientifiques. J’ai eu l’occasion d’évoquer les pathologies vestibulaires ou musculaires. J’ai participé aux journées annuelles de la cardiologie et, comme je suis rhumatologue, à celles de l’ostéoporose. Le travail en orbite nous a beaucoup appris. Désormais, nous relayons ces enseignements au-delà des communautés institutionnelles. La qualité de la recherche effectuée dans l’espace est telle que les industries pharmaceutiques commencent à s’y intéresser et à considérer qu’elles pourraient profiter des apports de cet environnement. Les travaux qui sont menés dépassent le descriptif, pour entrer dans la compréhension des mécanismes. Les laboratoires disposent des mêmes équipements et technologies qu’au sol.

Bien que nous ayons déjà obtenu des résultats intéressants à l’époque, les moyens ne sont plus les mêmes que lors de ma première mission en 1996. Des entreprises privées qui n’appartiennent pas au secteur spatial peuvent désormais avoir un intérêt à y réaliser des activités de recherche. Lorsque j’ai été sélectionnée en 1985, on m’avait fait croire que des usines seraient implantées dans l’espace. C’était un peu illusoire. Je suis néanmoins convaincue que des perspectives de développement existent.

Je suis de la « génération Apollo ». J’ai rêvé d’aller sur la Lune. Je n’irai pas, mais je ne comprendrais pas qu’avec toute notre expertise, aucun astronaute européen n’y pose le pied. Nous ne pouvons pas rester à l’écart de cette formidable aventure de l’humanité !

M. Philippe Lugherini, ancien responsable de programme de satellites militaires, ancien directeur de l’activité́ spatiale de Sodern, ancien directeur de la stratégie d’ArianeGroup. –  J’ai longtemps été réservé à propos du vol habité et j’y suis désormais opposé. Compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, d’un point de vue général et du point de vue particulier de notre politique spatiale, il ne me semble pas faire partie de la solution. Nous aurions plutôt intérêt à refaire ce que nous appelions le « coup des Soviets » de 1971.

Nous avons plusieurs décennies de recul en matière de vols habités. Pourtant, cette activité, qui est loin d’être nouvelle, se présente toujours comme si elle était au commencement de quelque chose que – privilège de l’évidence – on s’abstient souvent d’énoncer. Cette évidence, c’est la nécessité que nous aurions, en tant qu’êtres humains, de conquérir et d’explorer l’espace.

Le vol habité est généralement abordé sous l’angle du « comment », comme nous avons pu le constater lors des interventions précédentes. Les médias nous expliquent comment les astronautes sont sélectionnés, comment ils sont formés ou comment s’organise la vie dans une station. Dans les exposés de ce matin, différentes options techniques nous ont été présentées, mais l’objectif reste cette évidence que nous devons envoyer des astronautes dans l’espace, tout d’abord en orbite basse, puis dans le Lunar Gateway ou à la surface de la Lune et peut-être sur Mars.

Je suis en désaccord avec beaucoup de propos qui ont été tenus. En revanche, je partage totalement le fait que l’espace est avant tout une affaire politique.

Nous avons connu de grands moments politiques en matière spatiale. Le premier d’entre eux est le programme Apollo, qui est un chef-d’œuvre d’articulation entre une ambition politique clairement exprimée par le président Kennedy et ses successeurs et une exécution magistrale par la Nasa. La réponse des Soviétiques a été moins commentée, mais elle leur a permis de déplacer l’attention vers l’orbite basse et de reprendre le leadership qu’ils avaient perdu. Plus récemment, nous avons assisté à la transformation de la station Freedom – expression reaganienne de l’idéologie Make America Great Again (Maga) – en station internationale illustrant la réconciliation Est-Ouest. Accessoirement, ce revirement a aussi permis d’utiliser les compétences russes.

Ces moments ne sont pas comparables avec le lancement du programme américain Artemis. Celui-ci ne s’accompagne d’aucun récit. Il repose sur trois slogans énoncés par le président Trump, qui ont fini par précipiter le projet dans une impasse. L’ambition d’aller sur la Lune avant les Chinois, avec la volonté de s’y implanter, a incité ceux-ci à accélérer.

L’Europe a une longue histoire en matière de vols habités, mais celle-ci n’a jamais été politiquement assumée. Elle s’est construite au fil d’occasions saisies très intelligemment. En contrepartie du transport de nos astronautes, nous réalisons des prestations de haut niveau, qui créent des emplois très qualifiés. Si cet aspect est très positif, l’absence de stratégie nous a conduits à développer un programme européen de vols habités entièrement au service de la suprématie américaine. Ces propos ne sont pas une interprétation de ma part. Ils ont été tenus par des responsables américains et ont servi de slogan à la Nasa sur sa page dédiée au programme Artemis : « Nous construisons la suprématie américaine sur la Lune, sur Mars et au-delà. »

Le programme Artemis est en train de s’effondrer, parce qu’Elon Musk veut faire le « casse du siècle » en récupérant tous les investissements au bénéfice de ses propres intérêts. Les problèmes l’ont toutefois précédé. L’impasse actuelle pouvait être anticipée. Elle a été largement commentée et documentée, y compris depuis deux ou trois ans, dans les rapports de l’Inspecteur général de la Nasa. Nous n’avons rien voulu voir.

L’offensive d’Elon Musk a d’abord provoqué de la sidération – comme dans d’autres sujets liés à la politique américaine –, puis a provoqué un branle-bas de combat destiné à sauver le vol habité européen, en avançant des arguments de souveraineté et d’indépendance. Les commentateurs disent que nous avons manqué d’ambition ou de capacités. Tout ceci est faux.

Nous avons choisi notre positionnement. D’un côté, la France a clairement donné la priorité aux lanceurs et a toujours refusé que le développement du vol habité pénalise cette stratégie. De l’autre, l’Italie et l’Allemagne ont, dans une logique atlantiste, décidé de travailler avec la Nasa et de participer au Spacelab de la navette américaine. Ils y voyaient aussi un moyen de contrer le leadership trop apparent des Français. Pour les États-Unis, cette solution était très bénéfique, puisqu’ils associaient deux pays de l’ESA aux programmes qu’ils dirigeaient.

Même s’il ne l’était pas, le vol habité pourrait devenir un enjeu de souveraineté et d’indépendance. Néanmoins, il faudrait réussir à le prouver, d’autant plus que nous avons parallèlement de très nombreuses occasions à saisir dans le domaine du spatial. Nous avons également des besoins impératifs en matière de défense, de communications résilientes ou de navigation.

Les sciences spatiales pourraient être le support d’une nouvelle géopolitique spatiale. Dans le cadre de programmes scientifiques, il est possible de coopérer avec tous les États, qu’ils soient ou non une puissance spatiale, en fonction des thématiques de recherche. C’est un domaine qui permet de réconcilier l’utilité et le rêve.

Indépendamment des considérations budgétaires, partir du postulat que nous devons être autonomes pour aller vers des destinations nouvelles, non seulement en orbite basse, mais aussi autour de la Lune, sur la Lune et sur Mars, ne me paraît pas aller dans le sens de la reconstruction d’une politique spatiale prenant en compte les véritables enjeux.

Pour terminer, je reviendrai sur certains des propos qui ont été tenus, notamment sur l’intérêt terrestre des développements effectués pour le spatial. Il faut être très prudent dans ce domaine. Le spatial n’est pas un producteur de technologies, mais un intégrateur. Contrairement aux idées reçues, le programme Apollo n’a fait qu’utiliser des technologies existantes en y apportant de légères modifications. Quant aux technologies mises au point spécifiquement, elles n’ont pas trouvé d’autres applications.

D’ailleurs, la logique du New Space est d’aller plus facilement dans l’espace en utilisant des technologies existantes. C’est la négation du principe selon lequel les investissements dans l’espace permettraient des retours au sol.

Madame Haigneré, j’ai beaucoup apprécié votre intervention sur la nécessité de se démarquer du discours muskien sur le transhumanisme, etc. Néanmoins, la communauté scientifique et académique a fortement péché dans ce domaine. Aujourd’hui, tout le monde s’émeut du comportement d’Elon Musk, mais il était une idole il y a encore trois mois. Personne ne commentait ses délires dystopiques sur la colonisation ou la terraformation de Mars.

Nous aurions intérêt à refaire le « coup des Soviets », c’est-à-dire à changer de terrain pour reprendre la main. L’enjeu n’est pas le vol habité, mais les applications sociétales, économiques, scientifiques et de défense. Nous pouvons faire de l’espace un outil d’influence, de leadership et de géostratégie politique.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l’Office. – Les décisions en matière spatiale relèvent en effet d’un choix politique. Au-delà de l’attractivité des secteurs industriels et des sciences spatiales, l’être humain n’a-t-il pas besoin d’une espérance que lui apporte la possibilité d’aller au-delà des limites de son propre horizon ? Ces opérations sont toutefois coûteuses et leur financement n’est pas toujours posé en des termes très clairs. Nous espérons que le Conseil ministériel de l’ESA, en fin d’année pourra apporter des précisions d’autant plus nécessaires que les coopérations avec la Russie et même avec les États-Unis – la directrice scientifique de la Nasa vient d’être renvoyée par Donald Trump – sont de plus en plus compliquées.

M. Arnaud Saint-Martin, député. – Nous avons rarement l’occasion d’aborder les sujets qui ont été évoqués au cours de cette audition. Ils nécessitent pourtant des choix politiques et soulèvent une question d’acceptabilité sociale, car les budgets – même s’ils sont considérablement moins élevés en Europe qu’aux États-Unis ou en Chine – ne sont pas négligeables. Nous devons nous interroger sur l’utilité d’activités dont l’impact est relativement marginal en France. Quelques-uns de nos astronautes ont certes la possibilité de participer à des vols habités, mais nous ne sommes pas à l’initiative de ces opérations.

Les vols habités sont propices à la fascination, ce qui peut faire écran à la réflexion critique. La figure de l’astronaute participe d’un certain enchantement. Érigé comme modèle, il devient ambassadeur des agences spatiales et du spatial en général, voire de la science et de la technologie, au risque de reléguer au second plan d’autres activités plus critiques et stratégiques.

Comme vous l’avez reconnu, la science n’est pas le moteur principal des vols habités, même si elle est de qualité et qu’elle apporte un « supplément d’âme ». L’enjeu est avant tout politique.

L’ISS est condamnée, ce qui pose la question de « l’après-ISS ». Aux États-Unis, des débats ont lieu sur les nouveaux types de station et sur les modèles économiques qui permettront de les exploiter. Jusqu’à présent, le système reposait en partie sur des participations en nature. À l’avenir, l’accent devrait être mis sur la dimension commerciale. Le développement d’un tourisme spatial est également évoqué. De jeunes pousses, parfois soutenues par des acteurs reconnus, émergent.

Je suis très perplexe sur ce mouvement de privatisation. Il y a dix ans, les perspectives de croissance étaient présentées comme exponentielles, notamment par les cabinets de conseil. Pour le moment, les résultats sont discutables et nous observons même un début de dépression. Axiom Space, avec qui The Exploration Company a signé un contrat pour des livraisons hypothétiques de fret dans une tout aussi hypothétique station spatiale, était au bord de la faillite cet été. Je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui, mais des suppressions de postes étaient annoncées à Houston et le PDG, ancien cadre de la Nasa, avait été débarqué par son conseil d’administration.

Est-il pertinent d’investir dans des stations privées, y compris avec un leadership européen ? Devons-nous promouvoir un modèle entrepreneurial et économiquement agressif, alors que le secteur est encore massivement subventionné par la puissance publique pour répondre à des objectifs politiques ?

S’agissant de l’exploration de la Lune, notre participation au programme Artemis n’a pas réellement été débattue. Elle a été imposée comme un fait accompli par la signature du président de la République en 2022. Pourtant, c’est un vecteur affiché de l’hégémonie des États-Unis. L’intention était de poser un premier équipage en 2024, en utilisant le Starship Human Landing System (HLS) de SpaceX, qui n’a pas démontré sa fiabilité.

Le programme Artemis s’accompagne d’accords, qui donnent lieu à beaucoup de discussions d’experts et de surenchères. Ils seraient en contradiction avec certains principes fondateurs du Traité sur l’espace, notamment l’appropriation de ressources spatiales à des fins d’exploitation. Une actualisation de ce texte pourrait être nécessaire pour encadrer le développement d’une économie lunaire aux mains de start-up.

Quelle est votre position sur l’ensemble de ces évolutions ? Nous sommes en 2025. Donald Trump est au pouvoir, assisté d’un Elon Musk qui défend une certaine vision de l’avenir. L’autodétermination est une option intéressante – d’ailleurs, pourquoi n’a-t-elle pas été envisagée plus tôt ? –, mais en sommes-nous capables ? N’est-ce pas le moment de lancer une réflexion sur notre participation au programme Artemis ? Si nous prenions la décision de le quitter, quel en serait le coût politique et économique ?

En matière de futurologie, nous sommes toujours confrontés à des frises linéaires, qui fixent des échéances décidées par un club fermé de puissances spatiales. Celles-ci correspondent à des dates rondes. L’objectif de l’humanité est désormais d’atteindre Mars en 2050.

À ce propos, il est intéressant de se plonger dans les livres de prospective. Dans les années 1970, les villes de l’espace étaient annoncées au tournant du millénaire. Nous devions également construire des usines. Le premier bébé devait naître sur la Lune en 2000. Ces projections se caractérisent souvent par un excès d’optimisme. Étant adepte de la planification, l’idée d’une programmation ne me choque pas. Nous pourrions cependant valoriser des approches moins conformistes, notamment en matière d’urbanisme, pour nous détacher de l’imaginaire morbide de colonisation, d’accaparement et de conquête porté par SpaceX.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l’Office. – Nous utilisons aussi des dates rondes pour la transition énergétique. C’est un procédé assez courant.

M. Philippe Lugherini. – Les accords Artemis sont des accords bilatéraux signés avec la Nasa. Si l’ESA ou quelques États décidaient d’avancer sans les États-Unis, ils devraient se coordonner avec la Nasa pour tout ce qui concerne la Lune, Mars et les astéroïdes. Nous ne pouvons pas avoir une politique européenne autodéterminée sans les dénoncer. Pour diverses raisons, je pense que nous y aurions de toute façon intérêt.

M. Didier Schmitt. –  Les accords Artemis sont signés par les États. L’Agence spatiale européenne n’en fait pas partie. En revanche, elle contribue au programme Artemis, qui est un programme en coopération.

Ce n’est pas à nous de décider si nous devons quitter le programme Artemis. Il prendra peut-être une autre orientation de toute façon. Nous devons donc envisager les autres options. Nous y travaillons. Le sujet sera abordé lors du Conseil restreint de l’ESA prévu la semaine prochaine. Notre position dépendra des décisions qui seront prises à Washington, et non en Europe.

Je ne fais pas preuve d’un excès d’optimisme. C’est une hérésie de penser que nous nous installerons dans des territoires lointains comme la Lune ou Mars. En revanche, nous y enverrons des équipes pour les explorer et y faire de la recherche.

Est-ce que nous voulons priver les jeunes générations d’un futur qui pourrait les emmener dans l’espace ? Les Européens doivent-ils se contenter de regarder les Chinois, les Indiens, les Américains ou les Émiriens aller sur la Lune, puis sur Mars ? Après le succès d’Apollo, le monde entier a pensé que tout ce qui relevait du spatial se passait désormais aux États-Unis. Même si le contexte a un peu changé depuis quelques mois, voulons-nous revivre cette frustration ?

M. Lionel Suchet. – Axiom Space poursuit son activité. Nous avons des échanges réguliers avec cette société.

Notre stratégie est de développer un véhicule cargo qui pourrait évoluer vers un véhicule habité et nous permettre de nous adapter à différentes situations. Nous pourrions mettre au point une station assez simple, qui pourrait être utilisée ponctuellement. En choisissant des technologies autonomes, l’investissement ne serait pas énorme.

Les accords Artemis ont été construits différemment des accords sur l’ISS, où tous les partenaires se retrouvaient autour de la table. En l’occurrence, il s’agit d’une structure en étoile, avec des accords bilatéraux entre les États-Unis et les différents pays. Si le cadre programmatique est remis en cause, nous devrons sans doute revoir l’ensemble du dispositif. C’est la raison pour laquelle il est intéressant de développer des briques comme le véhicule cargo, qui nous permettront d’être plus agiles.

M. Daniel Salmon, sénateur. – Je vous remercie de nous avoir fait voyager et d’avoir éveillé notre imaginaire, même si j’ai entendu quelques considérations très terrestres. Utiliser des mots comme « conquête », « exploitation » ou « business » montre que le monde ne va pas très bien et que le principal défi de demain sera sans doute la vie sur Terre, plus que la conquête de Mars.

Dans l’état où se trouve notre planète, devons-nous consacrer autant d’efforts au développement du vol habité ? Les budgets ne semblent pas considérables, mais le symbole est fort. Alors que nous devons faire preuve de sobriété et de frugalité, l’objectif de l’humanité doit-il être d’aller dans l’espace, surtout dans une logique commerciale ?

Mme Claudie Haigneré. – L’Europe peut porter une voix différente en matière de vols habités ou d’exploration. La volonté de préserver les biens communs, comme les connaissances et la science ou cet espace extra-atmosphérique, fait partie de l’identité européenne dont je suis fière. Ce message, nous ne l’entendons pas ailleurs.

Les préoccupations que vous avez exprimées le sont régulièrement par les jeunes que nous rencontrons. Ils s’interrogent sur les enjeux contradictoires du business, de l’impact environnemental, etc. Il faut évidemment les écouter et prendre ces sujets en compte. Cependant, cela ne doit pas nous conduire à renoncer à nos rêves. Nous devons nourrir notre imaginaire pour continuer à avancer, surtout au niveau européen.

M. Didier Schmitt. –  J’ai eu la chance de me rendre dans l’endroit le plus reculé au monde, la base Concordia dans l’Antarctique. La France est installée sur ce continent de manière permanente depuis 1952. Aurions-nous dû y renoncer, parce que c’est compliqué et coûteux ? L’intérêt de cette présence est à la fois scientifique et politique. Si nous n’y étions pas, nous n’aurions pas notre mot à dire sur ce qui s’y passe. Nous pouvons faire un parallèle avec l’exploration robotique et surtout humaine de l’espace. Si nous n’y participons pas, notre parole n’aura aucune portée. Nous ne pourrons que nous plaindre pendant les décennies à venir.

M. Lionel Suchet. – L’exploration spatiale européenne peut être une exploration éclairée et responsable, tout l’inverse d’une conquête.

Philippe Lugherini a indiqué que le spatial utilisait des technologies terrestres et que l’inverse n’était pas vrai. En effet, le spatial reprend de plus en plus des technologies terrestres, mais il permet aussi des accélérations dans leurs applications, notamment en matière de santé, de nutrition, d’élimination des déchets ou de production et de stockage de l’énergie. Nous avons beaucoup à apprendre de l’expérience que nous pouvons acquérir dans les environnements très contraints. Ceux-ci nous forcent à innover.

Le spatial et le vol habité constituent en outre une source d’inspiration pour les jeunes et les attirent vers les carrières scientifiques. Nous en avons particulièrement besoin, à l’heure où nous devons lutter contre les climatosceptiques et toutes les bêtises qui circulent sur les réseaux sociaux. De ce point de vue, il peut s’agir d’un investissement utile.

M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l’Office. – L’exploration spatiale ne coûte que 1,2 euro par habitant des pays membres de l’ESA et par an. Compte tenu de l’impact qu’elle peut avoir sur la diffusion d’une culture scientifique auprès des plus jeunes, qui expriment malheureusement – surtout les jeunes filles – une désaffectation pour ces disciplines et ces carrières, l’investissement est plus que raisonnable.

Le budget consacré à l’exploration spatiale en Europe est marginal, surtout comparé aux moyens mobilisés par les Chinois et les Américains.

Le sujet a forcément une dimension politique. J’évoquais la notion d’acceptabilité en introduction. Celle-ci peut être vue sous un angle positif. Nos concitoyens ont confiance dans les programmes spatiaux. Ils renvoient peut-être à un imaginaire qui dépasse la raison scientifique, mais dans un monde où les émotions prennent le pas y compris sur le politique, capitaliser sur ce domaine symbolique me semble être pertinent.

Le vol spatial habité est essentiel dans la politique spatiale, mais soulève également des enjeux économiques et industriels, culturels, sociaux et sociétaux. Il nous interroge sur la place de l’Europe et, comme l’a souligné Claudie Haigneré, peut contribuer à l’écriture d’un récit collectif qui nous manque aujourd’hui. Nous devons certes nous questionner en permanence, ainsi que nous y a invités Arnaud Saint-Martin, mais sans perdre de vue ce que notre société pourrait gagner à ouvrir de nouvelles perspectives.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l’Office. – Parfois, l’imaginaire rejoint le réel et l’alimente. Hergé a publié son dix-septième volume de Tintin, On a marché sur la lune, en 1953. Seize ans plus tard, cela devenait une réalité. Parmi les enfants qui ont lu la bande dessinée à sa sortie, certains ont peut-être fait partie de l’aventure ou s’en sont inspirés au cours des décennies suivantes. C’est important de pouvoir rêver et de concrétiser ses rêves !

 

La réunion est close à 12 h 00.

 

 

 

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

 

Réunion du jeudi 13 mars 2025 à 9 heures

Députés

Présents. - M. Joël Bruneau, M. Pierre Henriet, M. Maxime Laisney, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Arnaud Saint-Martin

Excusés. - M. Philippe Bolo, Mme Dominique Voynet

Sénateurs

Présents. - M. Stéphane Piednoir, M. Daniel Salmon

Excusés. - M. Arnaud Bazin, Mme Martine Berthet, Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Patrick Chaize, Mme Sonia de la Provôté

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