Compte rendu

Commission
des affaires européenne
s

I. Coopération européenne renforcée contre l’antisémitisme et la haine anti-juive : examen de la proposition de résolution européenne (n° 858) de Mme Constance LE GRIP (Mme Constance LE GRIP, rapporteure)

II. Nomination de rapporteurs d’information et de rapporteurs


 

Mardi
18 mars 2025

16 h 30

Compte rendu n o 19

Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président
 

 


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

mardi 18 mars 2025

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
 

La séance est ouverte à 16 heures 30

 

 

I.                  Coopération européenne renforcée contre l’antisémitisme et la haine anti-juive : examen de la proposition de résolution européenne (n° 858) de Mme Constance LE GRIP (Mme Constance LE GRIP, rapporteure)

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Mes chers collègues, l’ordre du jour de notre réunion appelle l’examen de la proposition de résolution européenne visant à une coopération européenne renforcée contre l’antisémitisme et la haine anti-juive.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. « La Shoah fait partie intégrante de notre identité nationale et européenne. À certains égards, elle constitue même l’événement le plus européen de toute l’histoire du XXe siècle », déclarait en 2002 Simone Veil, la première présidente du Parlement européen. Et pourtant, malgré l’impératif du « Plus jamais ça ! » sur lequel s’est construite l’Union européenne, nous assistons à une grave et tragique recrudescence de l’antisémitisme en Europe.

 Cette hausse s’observe avant même le 7 octobre. L’enquête réalisée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (Fundamental Rights Agency – FRA) au début de l’année 2023 constate que 96 % des personnes juives ont été confrontées à l’antisémitisme au cours des douze mois précédents.

La haine anti-juive est malheureusement toujours portée par un antisémitisme d’extrême droite, que je qualifierais de traditionnel, qui persiste en Europe de l’Est. Mais elle se retrouve également dans les rangs d’une certaine extrême gauche, sous couvert d’antisionisme et de critique des autorités israéliennes, en lien avec l’importation du conflit israélo-palestinien. L’étude conduite en Europe par Action and Protection League et Ipsos en 2021 révèle ainsi qu’une personne sur deux adhère à des discours antisémites liés à Israël. Cela donne raison au philosophe Vladimir Jankélévitch qui, dès les années soixante-dix, percevait dans l’antisionisme « la permission d’être antisémite ».

 L’attaque terroriste islamiste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, a provoqué, paradoxalement et tragiquement, un déferlement de violences et de haine contre les juifs – et ce, avant même la riposte militaire du gouvernement israélien. Entre 2022 et 2023, les incidents antisémites ont été multipliés par deux en Allemagne et en Autriche, par trois en France et aux Pays-Bas, et même par quatre en Italie, portés par la prolifération de discours de haine et la désinformation sur internet. On a rapporté partout des profanations de synagogue, des actes de vandalisme contre des lieux communautaires, des apologies du terrorisme, et même des agressions physiques ou verbales contre des individus, comme l’ont illustré le drame absolu du viol d’une fillette de 12 ans à Courbevoie, dans ma circonscription, ou encore les violences inacceptables contre les supporteurs de foot israéliens à Amsterdam en novembre dernier.

 Ces actes odieux, incompatibles avec les principes de tolérance et de respect mutuel qui sont supposés régir nos sociétés démocratiques, doivent être condamnés avec la plus grande fermeté. Ils menacent directement les valeurs fondamentales autour desquelles se sont réunis les pays européens après la Seconde Guerre mondiale : le respect de la dignité humaine, la liberté, l’égalité, la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. À travers les citoyens européens de confession juive, ce sont nos principes fondateurs, le socle même de notre projet européen, qui sont visés.

 Face à cette menace existentielle, l’Union européenne a mis en place une action volontariste qui tient compte de la singularité de l’antisémitisme. La Commission a nommé, en 2017, la première coordinatrice pour la lutte contre l’antisémitisme, Mme Katharina von Schnurbein, pour assurer le lien entre les organisations et communautés juives, les États membres, et les différentes directions de la Commission. Elle a ensuite adopté, en 2021, la toute première stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive, un plan ambitieux qui se décline en plus de quatre-vingt-dix mesures dans tous les champs d’intervention de l’Union – sécurité, politique extérieure, numérique, recherche, éducation. Le Conseil européen et le Conseil ont également adopté à plusieurs reprises des déclarations pour condamner fortement l’antisémitisme, notamment sous Présidence française en 2022.

 Des progrès certains ont été réalisés sur cette base. Comme l’énonce le premier rapport d’avancement présenté en octobre dernier par la Commission, à ce jour vingt-trois États membres ont adopté une stratégie nationale de lutte contre l’antisémitisme, ou des mesures spécifiques dans leur plan contre le racisme. Par ailleurs, vingt-cinq États membres ont approuvé la définition opérationnelle de l’antisémitisme élaborée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Cette définition très complète, claire et précise, qui décrit toutes les formes d’antisémitisme qui se font jour dans nos pays européens, a été endossée par le Parlement européen le 1er juin 2017, par l’Assemblée nationale le 3 décembre 2019, et par le Sénat le 5 octobre 2021. Cela démontre un engagement politique fort des États membres sur le sujet.

 La quasi-intégralité des mesures annoncées dans la stratégie ont été lancées. Parmi les initiatives les plus structurantes, il faut notamment saluer : la mise en place d’un réseau de signaleurs de confiance, spécialisé dans la détection des contenus antisémites en ligne, dans le cadre de l’application du règlement européen sur les services numériques ; la désignation de Jeunes Ambassadeurs européens pour promouvoir la mémoire de la Shoah dans les établissements scolaires ; un réseau des endroits « où a eu lieu la Shoah » pour retracer la continuité de la présence juive en Europe, même lorsqu’elle n’est plus visible ; ou encore, la constitution d’un pôle de recherche européen sur l’antisémitisme et la vie et la culture juives, favorisant la recherche pluridisciplinaire dans toute l’Europe. Ces projets sont encore en train d’être déployés et ne porteront tous leurs fruits qu’à moyen ou long terme.

 Mais la forte recrudescence de l’antisémitisme dans tous les pays européens nous intime de redoubler d’efforts. C’est pourquoi le ministre délégué en charge de l’Europe, M. Benjamin Haddad, a initié, en novembre dernier, en réaction à la « chasse aux Juifs » dans les rues d’Amsterdam, une réunion de travail avec plusieurs de ses homologues européens afin de poser un diagnostic et de réfléchir aux moyens de renforcer ensemble la lutte contre l’antisémitisme.

 La présente proposition de résolution européenne vise à soutenir cette initiative française indispensable en appelant les institutions de l’Union européenne, mais également les dirigeants et les parlements nationaux des États membres, à faire de la lutte contre l’antisémitisme l’une de leurs priorités stratégiques. Cela implique de s’attaquer aux défis complexes que pose l’antisémitisme contemporain.

 En premier lieu, la lutte contre la haine antisémite en ligne. À travers le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act – DSA), l’Union européenne s’est dotée d’un cadre législatif pionnier pour obliger les grandes plateformes à lutter contre la désinformation et la diffusion de contenus haineux illicites. Des défaillances dans la modération des réseaux sociaux ont néanmoins permis une explosion d’antisémitisme en ligne après le 7 octobre. Nous appelons donc la Commission à appliquer le DSA avec la plus grande détermination, pour défendre notre conception exigeante d’une liberté d’expression respectueuse des droits fondamentaux et qui ne tolère pas la haine.

Plus généralement, c’est l’ensemble de la réponse pénale aux discours et crimes de haine antisémite qui doivent être renforcés. Il s’agit avant tout d’assurer la pleine mise en œuvre de la décision-cadre de 2008 qui impose aux États membres d’ériger les discours et crimes de haine en infractions pénales. La présente proposition de résolution encourage la Commission européenne à poursuivre les procédures ouvertes contre les sept pays européens qui n’ont pas encore totalement rempli leurs obligations de transposition. En vérité, il faudrait aller encore plus loin : nous souhaitons que le Conseil puisse ouvrir la voie à l’adoption de sanctions pénales minimales contre les discours et crimes de haine dans toute l’Union européenne.

Enfin, parce qu’il n’y aura bientôt plus de rescapés de la Shoah pour témoigner, il nous faut réaffirmer l’importance de la mémoire de la Shoah pour mettre en garde contre les dangers que représente l’antisémitisme. Cette transmission est d’autant plus cruciale que l’Europe est confrontée à la banalisation et à l’instrumentalisation de l’histoire du génocide dans d’autres contextes politiques, notamment dans la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ou dans le conflit israélo-palestinien. À mon sens, seule une meilleure connaissance de l’histoire et de la culture juive, notamment grâce à des initiatives éducatives européennes communes, permettra de combattre efficacement et de déconstruire les préjugés antisémites qui prospèrent sur la bêtise, l’ignorance et la désinformation.

Ces actions transversales ne pourront être menées à bien que si l’ensemble des parties prenantes sont mobilisées : les institutions européennes, les États membres dans toutes leurs composantes, et les organisations de la société civile. Je présenterai un amendement pour soutenir l’institution de points réguliers dans les différentes formations du Conseil sur la lutte contre l’antisémitisme.

Comme l’a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 26 janvier 2024 à Bruxelles, « la flambée sans précédent d’actes antisémites à laquelle nous avons assisté dans toute l’Europe nous rappelle la période la plus sombre de notre histoire. Ce qui est différent aujourd’hui, cependant, c’est que nous nous tenons tous aux côtés des communautés juives ». Je fais miens ces propos.

Combattre l’antisémitisme n’est pas seulement l’affaire de nos concitoyens de confession juive mais de tous. Il est de notre devoir à tous de combattre l’antisémitisme, sous toutes ses formes, y compris les plus nouvelles. C’est un combat humaniste, pour l’Europe et pour nos valeurs européennes.

 Mme Emmanuelle Hoffman (EPR). Nous soutenons pleinement la proposition de résolution européenne que porte notre collègue Constance Le Grip. Depuis le 7 octobre, les actes antisémites atteignent en France et en Europe des proportions inquiétantes. Les organisations juives rapportent une hausse brutale des incidents, confirmée par les données du ministère de l’Intérieur : en France, plus de 1 600 actes ont été recensés en 2023 et la tendance ne faiblit pas. À l’échelle européenne, 76 % de citoyens juifs font état d’un sentiment d’insécurité croissant, au point que beaucoup préfèrent cacher leur identité juive.

Face à cette réalité, nous ne pouvons pas rester passifs. Comme le disait Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, « toucher à un juif en France, c’est toucher toute la République ». Aujourd’hui, affirmons-le avec force : toucher à un juif, c’est s’attaquer aux valeurs fondamentales de nos démocraties européennes. En adoptant cette proposition de résolution, nous rappellerons notre engagement indéfectible à protéger toutes les victimes de la haine et à défendre la fraternité, qui constitue le socle de nos principes communs.

L’antisémitisme ne connaissant pas de frontière, notre réponse se doit d’être européenne. Cette initiative va dans le bon sens, en appelant à renforcer la coopération entre États membres tout en soulignant le rôle crucial de l’éducation. L’enseignement de l’histoire et de la mémoire demeure notre meilleure arme face à la désinformation, à la banalisation du négationnisme et à la prolifération des discours de haine. L’antisémitisme se diffuse aussi en ligne : les réseaux sociaux sont devenus le terreau d’une haine qui se propage sans limite, attisée par la désinformation et l’impunité. Il est donc urgent de renforcer la régulation des contenus haineux.

L’Union européenne doit agir avec détermination. Nous appelons le président du Conseil de l’Union européenne et le collège des commissaires à placer la lutte contre l’antisémitisme au cœur de leurs priorités. Le groupe EPR votera en faveur de cette proposition de résolution car il est de notre responsabilité de faire vivre les valeurs qui nous unissent. Parlons en Européens, agissons en Européens.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il est en effet nécessaire de mener ensemble, en Européens, le combat contre l’antisémitisme et toutes les formes de haine qui s’attaquent à nos valeurs. Je vous rejoins également sur les ravages que cause la haine en ligne, surtout chez les jeunes générations.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). L’antisémitisme est un véritable fléau qui met en danger la vie des personnes de confession juive pour la simple et unique raison qu’elles sont juives. La haine des juifs, tout comme la haine des chrétiens, des musulmans ou de toute communauté religieuse est illégale et inacceptable. Nous formons une humanité commune, quelles que soient nos croyances, notre couleur de peau, nos origines, ou la langue de nos parents. Nous avons tous le droit à la solidarité, à la fraternité et à l’égalité.

Notre groupe ne souhaite qu’une chose : rassembler le peuple français quand tant d’autres veulent le diviser par le poison du racisme et de l’antisémitisme. Les propagateurs de haine raciale ou religieuse ne devraient pas avoir leur place dans l’espace public et médiatique. Les Insoumis seront toujours du côté des discriminés et n’accepteront jamais que quiconque soit ciblé du fait de son appartenance religieuse ou de son origine, qu’elle soit réelle ou supposée. Mais comment se fait-il que des personnes condamnées à de multiples reprises pour incitation à la haine, à l’extrême droite de l’échiquier politique, soient invitées sur tous les plateaux de télévision et puissent même se présenter aux élections présidentielles ? Ces discours de haine devraient être bannis, et non promus. Lorsque Elon Musk réalise un salut nazi en public, il faut s’indigner plutôt que de détourner le regard ou de tergiverser sur la nature de son geste.

Cette proposition de résolution européenne a le mérite de rappeler la définition de l’antisémitisme adoptée par les pays membres de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste et soutenue par les instances des Nations unies dont fait partie la France. Elle arrive à point nommé pour montrer que les accusations d’antisémitisme qui visent la Cour pénale internationale, la Cour de Justice internationale, le Secrétaire général de l’ONU ou des personnalités politiques comme Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et l’ancien ministre Dominique de Villepin sont infondées. Ces institutions et personnalités ont pour point commun de dénoncer le génocide et les crimes de guerre qui sont commis par un gouvernement de façon volontaire. En aucun cas elles n’amalgament la politique du gouvernement israélien avec les habitants de l’État d’Israël.

Enfin, nous déposerons un amendement visant à remplacer le terme « Holocauste » par « Shoah », ce dernier étant plus fidèle à la mémoire de la communauté juive et à l’usage francophone, comme en témoigne la création du Mémorial de la Shoah en 2005.

Nous voterons la proposition de résolution européenne.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je prends acte de la clarté avec laquelle vous dénoncez l’antisémitisme et toutes les formes de haine, ainsi que de l’appel à la solidarité et à la fraternité que vous lancez.

Je ne veux pas polémiquer mais j’espère que les errements récents de certains organes du parti La France insoumise ne se reproduiront pas. Je souhaite sincèrement que les propos que vous avez tenus soient partagés par l’ensemble de votre famille politique.

M. Romain Eskenazi (SOC). Nous partageons sans réserve ce constat alarmant : l’antisémitisme connaît en France et en Europe une recrudescence inquiétante et inadmissible. Nous assistons à une vague d’agressions antisémites, de profanations, de menaces, d’insultes et à la multiplication des contenus haineux en ligne.

Les chiffres issus des enquêtes menées par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ne laissent aucun doute : nos concitoyens juifs, en France et en Europe, subissent une insécurité croissante qui met en péril les principes fondamentaux de notre République. Il est donc impératif d’agir avec fermeté pour garantir à chacun le droit de vivre sans la crainte d’être stigmatisé.

Les travaux de la FRA ont démontré que l’attaque du 7 octobre et la riposte militaire qui s’est ensuivie ont généré des amalgames dangereux, favorisant l’émergence d’une nouvelle forme d’antisémitisme. Ce n’est en aucun cas une justification, mais un constat. Nous ne pouvons faire l’économie d’une analyse lucide de cette séquence. Cela doit nous conduire à agir de façon éclairée et globale pour lutter efficacement contre les raccourcis idéologiques qui nourrissent toutes les formes de haine et fragmentent notre société. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de cette résolution.

Nous souhaitons apporter par voie d’amendement quelques précisions afin que la résolution reflète mieux notre position et permette une action véritablement efficace contre l’antisémitisme.

Tout d’abord, il est crucial que l’Union européenne et la France se dotent de moyens concrets pour lutter contre la montée de l’extrémisme et les discours de haine. Il faut, pour ce faire, renforcer les mécanismes de coordination au niveau européen pour améliorer la protection des populations menacées, en s’appuyant sur les recommandations de la FRA. Nous devrions également développer les initiatives éducatives visant à mieux lutter contre le négationnisme, à sensibiliser les jeunes aux dynamiques historiques et sociales qui sous-tendent ces haines, à leur donner les outils pour déconstruire les préjugés, et à combattre les discriminations. Il faut, enfin, encadrer plus strictement les plateformes en ligne en imposant aux réseaux sociaux de mieux prévenir la diffusion des discours antisémites mais aussi racistes qui prolifèrent en toute impunité.

L’antisémitisme présente certes des particularités dans ses causes et ses manifestations violentes, mais nous estimons qu’il ne doit pas être combattu comme un phénomène isolé. L’histoire nous enseigne en effet que les haines prospèrent rarement de manière cloisonnée : l'antisémitisme et toutes les formes de racisme et d’intolérance progressent ensemble, souvent sous l’effet de la montée des idéologies d’extrême droite. Nous sommes effrayés et révoltés par le retour de symboles tels que les saluts nazis et d’autres références explicites à l’idéologie fasciste, qui tendent à être banalisés sur la scène européenne et internationale. Cette réalité doit être dénoncée. Nous ne pouvons laisser prospérer les symboles haineux dans l’espace public.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je vous remercie pour le soutien que vous apportez à cette proposition de résolution, et pour votre engagement personnel dans la lutte contre l’antisémitisme. Je vous rejoins pleinement sur la nécessité de renforcer les initiatives éducatives. Les personnes que j’ai auditionnées ont en effet toutes souligné que l’ignorance, la méconnaissance, la bêtise crasse et la désinformation sont les ferments de la haine antisémite.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Face à l’internationale fasciste qui submerge le monde, nous sommes forcés de constater que toutes les formes de racisme se développent dans nos sociétés. L’antisémitisme connaît cependant une recrudescence particulière et revêt des formes renouvelées, qu’il nous faut débusquer et combattre sans relâche et sans hésitation. Il est intolérable que des adultes ou des jeunes soient amenés à cacher leurs ascendances juives parce qu’ils se sentent en insécurité de ce fait.

Face à cette situation, la présente proposition de résolution européenne est extrêmement bienvenue. Nous ne pouvons rater une seule occasion de nous élever contre toutes les formes de racisme, notamment l’antisémitisme, et nous soutiendrons donc avec force cette initiative.

Parmi les actions que vous proposez, madame la rapporteure, deux nous semblent particulièrement primordiales. Tout d’abord, il nous faut renouveler nos pratiques pédagogiques pour prendre en compte le fait que les derniers témoins directs de la Shoah s’éteignent et que les jeunes générations n’entretiennent plus le même rapport que nous à cette histoire, qui est pour eux bien plus lointaine. Ensuite, il convient de mettre pleinement en œuvre le DSA. La Commission européenne doit mener à bien les enquêtes contre les plateformes qui ne respectent pas leurs obligations, puis prendre les sanctions nécessaires.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je vous rejoins sur ces deux points. Il est essentiel que l’application du DSA soit stricte, vigilante, rapide et efficace – nous aurons l’occasion d’y revenir à travers plusieurs amendements. Il est également nécessaire de redéfinir la manière dont nous enseignons aux jeunes générations les ravages de l’antisémitisme, afin de leur apprendre la tolérance et la considération d’autrui.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Les chiffres de l’antisémitisme en France et en Europe sont plus qu’inquiétants. Le nombre d’actes antisémites en France a triplé depuis les attaques du 7 octobre et la FRA estime, dans son rapport publié l’année dernière, que les Européens de confession juive y sont presque tous confrontés. L’antisémitisme est un fléau et l’histoire nous a tragiquement enseigné que la haine des juifs est souvent le signe avant-coureur de menaces plus larges contre nos démocraties. Lutter contre l’antisémitisme c’est défendre nos valeurs fondamentales : la liberté, l’égalité, la dignité humaine.

Aucun État ne pouvant lutter seul contre l’antisémitisme qui se propage par-delà les frontières, notamment par le biais des plateformes numériques, l’échelle européenne nous semble tout à fait appropriée. La proposition de résolution appelle ainsi l’Union européenne à une action concertée et renforcée afin de protéger efficacement nos concitoyens juifs et de faire respecter nos principes communs.

L’Union dispose de textes ambitieux pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme à travers la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les directives de lutte contre la discrimination, la décision-cadre du Conseil de 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, ou encore le règlement européen sur les services numériques, qui responsabilise les plateformes en matière de prévention des contenus illégaux. Ces législations doivent être pleinement mises en œuvre, en renforçant la coordination entre États membres.

Le groupe Horizons & Indépendants votera, bien évidemment, en faveur de la proposition de résolution.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. L’Union européenne dispose en effet de tous les instruments nécessaires pour répondre à la menace actuelle. Cette boîte à outils législative est extrêmement fournie, mais elle doit être appliquée avec vigilance, efficacité et vélocité. En tant que parlementaires de la République française, nous devons veiller à ce que la Commission européenne assure la pleine application des règlements européens, y compris face aux plateformes numériques américaines.

M. Laurent Mazaury (LIOT). L’Europe est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis. L’antisémitisme ne devrait plus en faire partie, car nous aurions dû vaincre ce fléau depuis longtemps. Cependant, et malheureusement, l’enquête menée par la FRA démontre que 96 % des Juifs européens ont été confrontés à l’antisémitisme lors des douze derniers mois. Cette situation plus qu’alarmante n’est pas digne des valeurs fondamentales de la République, car la haine des autres est une tragédie pour tous.

Cette haine, créée par les fascistes de tous bords pour désigner des ennemis imaginaires et diviser les citoyens, ne devrait jamais être alimentée à des fins de communication politique et de manipulation des esprits.

Compte tenu de son histoire, l’Europe devrait être particulièrement vigilante et montrer l’exemple. Aussi votre proposition de résolution européenne est-elle bienvenue puisqu'elle vise à renforcer la lutte contre l’antisémitisme au niveau européen. Il faut le réaffirmer avec clarté : l’antisémitisme n’a pas sa place en Europe et en France et il est de notre responsabilité de combattre cette haine qui n’a que trop duré. La solidarité et l’éducation sont des clés essentielles pour éradiquer ces comportements inacceptables. Le groupe LIOT soutiendra donc cette initiative.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. La singularité de la haine antisémite et son ancienneté multiséculaire doivent en effet nous amener à prévoir des moyens spécifiques pour la combattre.

Mme Manon Bouquin (RN). Tous les trois jours en France, un juif est victime d’une agression physique. En 2024, 1 570 actes antisémites ont été recensés dans notre pays – c’est une véritable explosion. Aujourd’hui, 62 % des actes antireligieux ciblent les juifs. L’antisémitisme progresse partout, et la France n’y échappe malheureusement pas. Des citoyens français de confession juive vivent sous la menace constante de se faire agresser. L’antisémitisme n’est plus seulement un poison insidieux, mais s’affiche au grand jour : il est assumé et revendiqué.

Ce que nous constatons aujourd’hui, ce n’est pas seulement une recrudescence des actes antisémites, c’est une désinhibition totale et une radicalisation inquiétante, souvent nourries par l’islamisme. Une étude de Fondapol révèle ainsi que 59 % des personnes proches des milieux islamistes pensent que « les juifs ont trop de pouvoir dans les médias » – un préjugé antisémite bien plus répandu dans ces cercles que dans le reste de la population. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de condamnation de principe, ou de mesure symbolique. Il est urgent d’agir avec efficacité.

Il nous faut mettre fin à l’importation sur notre sol d’une idéologie qui nourrit la haine antijuive, de même qu’elle s’en prend aux femmes et aux personnes homosexuelles. Cela implique concrètement de couper toutes les pompes aspirantes de l’immigration. Ensuite, la protection de nos concitoyens juifs doit être renforcée, car il est inacceptable qu’ils vivent dans la peur. Enfin, nous devons appliquer une tolérance zéro face aux discours et aux actes antisémites, quel qu’en soit l’auteur, et refuser toute complaisance à l’égard de l’islamisme. Il faut déplorer sur ce point que notre institution ait autorisé la venue du Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE), qui s’est reconstitué à partir du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) dont M. Gérald Darmanin avait prononcé la dissolution après la décapitation de Samuel Paty.

Sous prétexte de ne vouloir stigmatiser personne, nous avons laissé l’antisémitisme s’enraciner. En conséquence, des familles juives quittent certains quartiers, des enfants sont désignés comme cibles à l’école, des symboles sont profanés dans l’indifférence. Ce combat ne peut être mené à moitié, car il vise à protéger nos valeurs et notre civilisation, en affirmant une certaine idée de la France. Nous avons aujourd’hui l’opportunité de dire clairement que nous nous situons au côté de ceux qui subissent la haine, et contre ceux qui la propagent.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Soyez assurée de notre détermination à lutter contre l’antisémitisme. Ma famille politique n’a jamais dévié : nous avons toujours su nommer les choses, et personne dans nos rangs n’a jamais été condamné pour des propos antisémites. Je suis heureuse de voir que le combat contre l’antisémitisme rassemble de plus en plus.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Les chiffres de l’antisémitisme sont alarmants, révélant une recrudescence insupportable. Nous pensions l’avoir cantonné à certains cercles marginaux, mais nous nous sommes trompés. C’est une souffrance intime, notamment pour les militants qui ont commencé leur vie politique en s’engageant contre l’antisémitisme et le racisme. C’est également une souffrance pour les élus que nous sommes de voir que certains de nos concitoyens sont insultés et agressés du seul fait qu’ils sont juifs. Il faut y répondre et cette proposition de résolution européenne va dans le bon sens.

Concernant la transmission de la mémoire, la parole des survivants se fait de plus en plus rare, mais il reste des œuvres majeures qu’il faut continuer à partager. Plus largement, nous devons réinventer toute une pédagogie pour sensibiliser les jeunes générations à l’urgence de ce combat.

Un proverbe yiddish dit « heureux comme Dieu en France », car notre pays est le premier à avoir libéré et émancipé les juifs, ce qui a conduit des générations d’Ashkénazes à y immigrer. Souhaitons que ce qui a fait l’honneur de notre pays puisse perdurer.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Nous partageons cette souffrance dont nous font part tous les jours nos compatriotes de confession juive.

M. Karim Benbrahim (SOC). Alors que nous sommes confrontés à une résurgence inquiétante de l’antisémitisme, qui se traduit par la multiplication des agressions verbales et physiques envers nos compatriotes juifs, je voudrais rappeler que la lutte contre l’antisémitisme, comme contre toutes les formes de haine, fait partie des combats à mener avec la plus grande résolution pour préserver les fondements mêmes de la nation française et de l’Union européenne. Si ces actes portent atteinte à la sécurité de nos concitoyens, ils contreviennent aussi aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité sur lesquels la société française s’est bâtie.

Face au retour de la guerre sur le sol européen et à la progression de l’extrême droite en France comme dans le monde, le combat contre l’antisémitisme est vital pour la préservation de nos valeurs. L’unité, l’égalité et le respect des droits de chacun, indépendamment de son origine ou de ses croyances, doivent plus que jamais guider la construction européenne.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je vous remercie pour votre soutien à cette proposition de résolution.

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en passons à l’examen de la proposition de résolution et des amendements déposés.

Amendement n° 14 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise à préciser plusieurs des visas de la proposition de résolution.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 15 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit d’ajouter quelques visas pour rendre compte de l’ensemble des déclarations et conclusions que le Conseil a adoptées sur la lutte contre l’antisémitisme au cours des dernières années, notamment sous présidence française.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 16 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Le présent amendement vise à faire référence au premier rapport d’avancement présenté en octobre 2024 par la Commission européenne sur la mise en œuvre de la stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 23 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il me semble important d’évoquer, dans cette proposition de résolution sur l’antisémitisme, la question de l’extension des domaines de criminalité de l’Union européenne aux discours et crimes de haine. Cette initiative de la Commission européenne avait été portée par la présidence française du Conseil en 2022 mais n’avait pu aboutir. Il est nécessaire que les pays européens aillent plus loin et définissent de façon harmonisée des sanctions pénales minimales contre les discours et crimes de haine, notamment antisémites.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques n° 25 de Mme Constance Le Grip et n° 1 de M. Bastien Lachaud.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cet amendement rédactionnel tend à remplacer, aux alinéas 20 et 33, le mot « Holocauste » par le mot « Shoah », déjà présent à l’alinéa 24 et plus communément usité en France.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Si le terme « Holocauste » désigne communément dans les pays anglo-saxons les persécutions et le génocide des juifs par l’Allemagne nazie et ses collaborateurs, il est moins courant auprès des populations francophones qui privilégient le terme « Shoah », signifiant « la catastrophe » en hébreu. Tel est le choix qui a été fait, par exemple, lors de la création du Mémorial de la Shoah, qui réunit un musée, des lieux de mémoire, et le centre de documentation juive contemporaine.

En outre, un « holocauste » est, en grec ancien, un sacrifice où l’offrande est entièrement consumée par le feu. L’utilisation de ce terme pour désigner le génocide a dès lors été décriée par des victimes ou leurs descendants, en ce que ces persécutions et assassinats de masse n’ont aucun rapport avec un sacrifice.

La commission adopte les amendements.

Amendement n° 9 de M. Romain Eskenazi

M. Romain Eskenazi (SOC). Vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, les différentes formes d’antisémitisme, et notamment l’antisémitisme en lien avec le conflit au Proche-Orient qui s’est manifesté à Amsterdam. Il faudrait néanmoins préciser que la recrudescence de l’antisémitisme en Europe s’observe depuis plusieurs années, dans un contexte de montée de l’extrême droite et de banalisation des symboles nazis. J’ai été extrêmement choqué de voir, à deux reprises, que des saluts nazis étaient exécutés lors de rassemblements de partis censés être républicains.

Je propose donc d’ajouter après l’alinéa 23, un alinéa ainsi rédigé : « Considérant la recrudescence de l’antisémitisme depuis plusieurs années, dans un contexte de montée de l’extrême droite en Europe et dans le monde, et de banalisation des symboles nazis ; ».

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je partage votre effroi devant la banalisation des symboles nazis. La France est en effet de plus en plus confrontée, comme l’Europe et le reste du monde, à des amalgames sur le nazisme et cette période honnie de l’histoire. Il existe des liens directs entre l’utilisation de ces symboles nazis et l’antisémitisme. La Fédération de Russie a ainsi prétendu justifier son agression contre l’Ukraine par sa volonté de lutter contre un régime « nazi », avec des relents antisémites caractérisés.

Votre amendement me semble cependant quelque peu décalé par rapport à l’objet de cette proposition de résolution. Il y a certes des formes d’antisémitisme qui puisent toujours leurs racines dans l’idéologie d’extrême droite, mais l’antisémitisme revêt également de nouveaux oripeaux, dans les discours de l’extrême gauche ou de l’islam radical. Pour toutes ces raisons, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement et j’émets, à défaut, un avis défavorable.

M. Guillaume Bigot (RN). Cet amendement pose problème. Nous soutenons catégoriquement et sans aucune ambiguïté le rejet des symboles nazis et de tout ce qui pourrait s’apparenter à une idéologie fasciste. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, l’a montré en février dernier en refusant de prendre la parole à la Conférence d’action politique conservatrice après qu’un geste intolérable y a été commis. Il ne faut accepter aucune compromission.

Il faut cependant éviter d’être naïfs. Il y a en effet en Europe une montée du populisme et du souverainisme, portée par la volonté des peuples de se réapproprier leur destin grâce à la démocratie directe, par l’aspiration au rétablissement des principes régaliens, et par le souhait d’une meilleure répartition des richesses. Il s’agit, en somme, de mettre fin au multilatéralisme, de sortir de la course à la mondialisation, et de cesser d’européaniser toute question politique. Vous pouvez ne pas partager ce combat, mais il ne doit pas pour autant être amalgamé à l’extrême droite et à cette résurgence inacceptable du fascisme et du nazisme.

En ciblant exclusivement l’extrême droite, cet amendement tente de faire diversion pour des petits bénéfices politiques. Comme le décrit bien le rapport, la recrudescence de l’antisémitisme est également portée par l’extrême gauche – les récentes caricatures de Cyril Hanouna, dignes de Je suis partout ou de Gringoire, en sont un exemple – et par l’islamisme, qui n’a rien à voir avec l’islam. Nous sommes également confrontés à la montée d’un antisémitisme du coin de la rue, banalisé, sans étiquette politique, qui s’incarne dans le duo infernal et révisionniste de Dieudonné et Soral. Dénoncer avec violence l’extrême droite, le souverainisme et le populisme, c’est donc frapper à côté de la cible.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens cet amendement qui s’inscrit dans le prolongement d’une proposition de loi déposée par les socialistes lors de la précédente législature afin d’interdire un certain nombre de symboles haineux dans l’espace public. Chaque année, un rassemblement a lieu à Paris à l’occasion de la commémoration du décès d’un jeune membre d’un groupuscule d’extrême droite. À chaque fois, des jeunes défilent dans la rue, le visage parfois dissimulé, arborant de grandes croix celtiques et proférant des propos suprémacistes blancs. Cela nous avait troublés, et nous avions entrepris un travail comparatif avec le droit allemand, qui interdit clairement tous les symboles nazis dans l’espace public.

Il nous a paru important d’intégrer cette question à la proposition de résolution alors que nous constatons une recrudescence de ces symboles nazis, indissociables de l’antisémitisme. L’Europe est en effet confrontée à une résurgence du nazisme et à son affichage triomphant dans l’espace public, comme l’illustre la figure de M. Frédéric Chatillon, qui a été proche de Marine Le Pen.

Mme Caroline Yadan (EPR). Il est tout à fait légitime de s’opposer à la diffusion de thèses extrémistes et identitaires, ainsi qu’à l’usage de références nazies. Mais cet amendement manque le problème essentiel. Depuis 2006, c’est-à-dire depuis l’assassinat d’Ilan Halimi, et bien avant le pogrom du 7 octobre, on tue des juifs en France parce qu’ils sont juifs, au nom du peuple palestinien et de la haine d’Israël. On tue des juifs en France à cause de l’islamisme porté par des terroristes. Je vous rappelle les cortèges de haine de 2014 et 2015, organisés au nom du peuple palestinien, au cours desquels des slogans appelant à la mort des juifs ont été scandés et qui auraient pu se transformer en pogrom dans les rues de Sarcelles et de Paris. Cet amendement constituerait en quelque sorte un mensonge par omission, puisque c’est aussi cette haine des juifs portée par l’islamisme qu’il faut combattre.

M. Romain Eskenazi (SOC). Je suis parfaitement conscient que l’antisémitisme a plusieurs visages. J’ai assisté, il y a quelques jours, à la commémoration de l’attentat de Toulouse, à Sarcelles, aux côtés de la veuve et de la mère des deux enfants assassinés. Le terroriste qui a commis ces meurtres était en effet animé par l’islamisme. J’estime cependant que cette nouvelle forme d’antisémitisme est déjà mentionnée dans la proposition de résolution, qui évoque notamment ce qui s’est passé à Amsterdam.

C’est pourquoi l’amendement se concentre sur l’antisémitisme historique qui refait surface, rappelant les heures les plus sombres du continent européen. Je fais de la politique depuis vingt ans, mais je n’avais jamais rien vu de tel : des responsables politiques en fonction qui font des saluts nazis sans que cela n’émeuve plus que ça. Nous ne mentionnons d’ailleurs ni le populisme, ni le souverainisme, mais seulement l’extrême droite. Je maintiens donc mon amendement.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). L’engagement politique de ma génération est né de la volonté de résister aux valeurs et aux symboles de l’extrême droite, qui porte un discours antisémite. Nous voterons donc en faveur de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement n° 10 de M. Romain Eskenazi

M. Romain Eskenazi (SOC). Le mot « pogrom » est né en Russie à la fin du XIXe siècle pour nommer les massacres commis contre les populations juives. Mais il est désormais également utilisé pour décrire des violences contre des minorités, notamment religieuses, au sein d’un pays. Il me semble donc pertinent de préciser le caractère antisémite du pogrom du 7 octobre.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je suis favorable à l’adoption de cet amendement. Force est de constater que le terme « pogrom » est aujourd’hui utilisé pour désigner des violences de masse contre différentes minorités. Il serait donc judicieux de spécifier le caractère antisémite du pogrom commis par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 17 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à supprimer les mots « du XXIe siècle » à l’alinéa 24.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 18 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cet amendement vise à prendre en compte l’intégration du code de conduite révisé au DSA qui est intervenue le 20 janvier 2025.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 19 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Pour que le DSA soit appliqué avec force, je souhaite ajouter un alinéa qui appelle la Commission à mener à bien la procédure qu'elle a engagée le 18 décembre 2023 à l’encontre du réseau social X, afin de déterminer si celui-ci a enfreint ou non ses obligations de modération.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 24 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cet amendement appelle le Conseil à adopter rapidement une décision pour inclure les discours et crimes de haine dans la liste des domaines de criminalité de l’Union européenne. La présidence française du Conseil avait porté une telle initiative mais s’était heurtée à l’opposition de certains États membres, la décision requérant l’unanimité.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 21 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je souhaite que le Conseil inscrive de façon régulière à l’ordre du jour de ses différentes formations la lutte contre l’antisémitisme, afin d’assurer un suivi régulier de la question et de prendre en compte sa nature transversale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 20 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cet amendement vise à relancer un réseau interparlementaire de lutte contre l'antisémitisme au plan européen, voire international, afin d’échanger sur les bonnes pratiques en la matière. Un tel réseau a existé par le passé mais n'est plus actif aujourd'hui. Le Parlement européen pourrait donc utilement reprendre cette initiative.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 12 de M. Romain Eskenazi

M. Romain Eskenazi (SOC). Cet amendement vise à répondre à l’émergence de nouvelles formes d'antisémitisme liées à la haine d'Israël. Comme vous l'avez dit, madame la rapporteure, la haine est parfois alimentée par l'ignorance. Or nous observons une recrudescence du négationnisme, particulièrement chez les jeunes, alimentée en partie par la méconnaissance des origines du conflit israélo-palestinien. Le présent amendement propose donc de renforcer l’enseignement de l’histoire « du conflit israélo-palestinien ». Mais la formulation que vous privilégiez dans votre sous-amendement, à savoir l’histoire « de cette région du monde », me convient parfaitement.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Effectivement, la meilleure connaissance de l’histoire et des enjeux de cette région du monde contribuera à la lutte contre l'antisémitisme. Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, j’émets un avis favorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’expression « à celle de cette région du monde » ne permet pas d’identifier à quelle région du monde il est fait référence. Je rejoins l’idée qu'il faut donner les clés historiques du conflit israélo-palestinien, dont les enjeux s’étendent au-delà des frontières actuelles des territoires palestiniens et israéliens, mais il me semble que la rédaction n’est pas claire.

M. Gabriel Amard (LFI). Je suis d’accord que ce n’est pas clair, et propose donc que nous nous accordions sur une formulation consensuelle.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je vous propose donc de rectifier mon sous-amendement pour retenir la formulation suivante : « à celle du Proche et du Moyen‑Orient ».

La commission adopte successivement le sous-amendement modifié et l’amendement sous-amendé.

Amendement n° 22 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Le présent amendement invite à associer pleinement dans les initiatives éducatives européennes sur l’antisémitisme les organisations de la société civile qui disposent d’une expertise en la matière. Les différentes auditions que j’ai menées ont démontré que les associations concernées étaient très désireuses d’apporter leur concours au développement de nouvelles initiatives pédagogiques pour mieux lutter contre l’antisémitisme.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 13 de M. Romain Eskenazi et sous-amendement n° 1 de Mme Constance Le Grip

M. Romain Eskenazi (SOC). Je tiens à saluer encore une fois cette initiative qui permet d’aborder un sujet primordial, quoique trop souvent occulté. Nous souhaitons cependant appeler, à travers ce dernier amendement, à une approche plus globale. La lutte contre l’antisémitisme devrait s’inscrire dans une stratégie européenne unifiée contre toutes les formes de haine. La tribune « Français juives et juifs, nous appelons à mener le combat contre l’antisémitisme en refusant son instrumentalisation », publiée le 8 mars 2025 dans Le Monde, illustre bien combien il est urgent de prendre en compte l’ensemble du spectre des haines. Tout en reconnaissant l’urgence à combattre l’antisémitisme, nous appelons à une mobilisation plus large pour que chaque citoyen menacé dans son identité et dans ses droits soit protégé par la République et par l’Union européenne.

Vous proposez, madame la rapporteure, une rédaction qui me convient encore mieux que la mienne. C’est donc avec conviction que je voterai votre sous-amendement.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Mon sous-amendement vise en effet à remplacer l’expression « toutes les formes discriminations » par « toutes les formes de haine » car l’antisémitisme relève bien de la haine. Si mon sous-amendement est adopté, j’accorderai un avis favorable à l’amendement de M. Eskenazi.

Mme Caroline Yadan (HOR). Je suis opposée à cet amendement car il risque de noyer le poisson. L’antisémitisme est spécifique par sa nature, car il conduit à des assassinats – nous assistons, depuis quinze ans, à des meurtres de Juifs en France. Spécifique, il l’est également par son ampleur : depuis le 7 octobre 2023, les incidents antisémites représentent près de 60 % de l’ensemble des agressions racistes et antireligieuses, alors que les juifs représentent moins de 1 % de la population. Cela ne signifie pas que les autres types de discriminations ne doivent pas être condamnés, mais nous souhaitons que la proposition de résolution reste concentrée sur son objet, à savoir la haine des juifs.

M. Guillaume Bigot (RN). Fort heureusement, toutes les discriminations et toutes les haines sont réprimées par la loi dans notre République. Mais cette proposition de résolution a pour objectif de renforcer la lutte contre l’antisémitisme et la haine anti-juive. Nous craignons donc, comme notre collègue Caroline Yadan, que cet amendement ne risque de diluer l’objet de la résolution, voire de faire diversion.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

La commission adopte l’article unique ainsi modifié.

La proposition de résolution européenne est ainsi adoptée.

 

II.              Nomination de rapporteurs

Sur proposition de M. le président Pieyre-Alexandre Anglade, la commission a nommé :

– M. Frédéric Valletoux, rapporteur sur la proposition de résolution européenne de M. Frédéric Valletoux et plusieurs de ses collègues, relative à la mise en œuvre du Protocole de l’Organisation mondiale de la Santé pour « lutter contre le commerce illicite de tabac » (n° 1046) ;

– M. Arthur Delaporte, rapporteur sur  la proposition de résolution européenne de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues visant à sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113).

 

 

 

La séance est levée à 17 heures 50.


Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Gabriel Amard, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Karim Benbrahim, M. Guillaume Bigot, Mme Manon Bouquin, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Arthur Delaporte, M. Romain Eskenazi, Mme Mathilde Hignet, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, M. Emmanuel Maurel, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Liliana Tanguy

Excusés. - Mme Marietta Karamanli, M. Charles Sitzenstuhl

Assistait également à la réunion. - M. Abdelkader Lahmar

 

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