Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Audition de Mme Coralie Chevallier, dont la nomination à la présidence du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) est envisagée par le président de la République (Mme Marie Mesmeur, rapporteure)              2

 Vote à bulletins secrets sur cette nomination, en application de l’article 13 de la Constitution 21

 Demande d’attribution à la commission des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête en application de l’article 5 ter de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires              22

– Présences en réunion..............................37

 

 

 

 

 


Mercredi
19 février 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 27

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission auditionne Mme Coralie Chevallier, dont la nomination à la présidence du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) est envisagée par le président de la République (Mme Marie Mesmeur, rapporteure).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Cette audition, madame Chevallier, vous permettra de nous exposer votre vision du rôle et du fonctionnement du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), dont la Cour des comptes, dans son rapport de 2021, préconisait de prendre en compte les évaluations dans le nouveau dialogue de gestion. Considérez-vous que cette recommandation a été suivie ? Pensez-vous l’appliquer à votre tour ? Quelles perspectives nouvelles envisagez-vous pour le Hcéres, afin que les critères d’évaluation ne soient pas un levier supplémentaire pour catégoriser nos établissements d’enseignement supérieur ?

Mme Marie Mesmeur, rapporteure. La nomination à la présidence du Hcéres – que je nommerai Haut conseil, par commodité – ne sera effective qu’après un vote dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans les conditions prévues par l’article 13 de la Constitution, aux termes duquel le Parlement dispose d’un pouvoir de blocage par majorité qualifiée représentant trois cinquièmes des suffrages exprimés. Pour mémoire, la candidature de l’ancien président Thierry Coulhon avait recueilli une majorité d’avis négatifs, mais inférieure à ce seuil des trois cinquièmes.

Avant de présenter le parcours de Mme Chevallier, je souhaite rappeler le contexte dans lequel intervient la présente audition. M. Coulhon ayant été nommé en octobre 2020, son mandat courrait initialement jusqu’au 30 octobre 2024, mais il s’est achevé fin septembre 2023, soit il y a presque dix-huit mois. Depuis, l’intérim de la présidence est assuré par le secrétaire général du Haut conseil, M. Le Bouler. Par ailleurs, le mandat de quatre ans des membres du collège du Haut Conseil, dont celui du président, est arrivé à échéance le 1er novembre dernier. En matière de retard, on note toutefois un progrès puisque la vacance présidentielle entre l’ancien président démissionnaire M. Coulhon et son prédécesseur avait duré un an.

Un rappel des conditions des appels à candidatures semble également nécessaire. Le peu de succès du premier appel, ouvert en janvier 2024 – seuls deux candidats s’étaient manifestés, en les personnes de M. Le Bouler, actuel président par intérim, et M. Guillaume Gellé, ancien président de France Universités –, a conduit le gouvernement à lancer un nouvel appel en octobre. Sept candidatures ont alors été déposées, mais seules trois d’entre elles ont fait l’objet d’une audition par la commission d’examen prévue par l’article L. 114-3-3 du code de la recherche. Parmi ces trois prétendants, le gouvernement a retenu la candidature de Mme Chevallier.

J’en viens au parcours professionnel de Mme Chevallier. En premier lieu, je ne peux que saluer la candidature d’une femme issue de la recherche, considérée comme une experte dans son domaine, celui des sciences cognitives et comportementales. Saluons également le fait que les sciences humaines et sociales (SHS) soient mises au premier plan, au niveau institutionnel. Surtout, la candidate a développé un profil riche et varié, combinant plusieurs atouts : tout d’abord, une compétence académique reconnue, y compris au niveau international ; ensuite une expérience de direction et de pilotage, puisque Mme Chevallier a été vice-présidente de l’université Paris Sciences & Lettres (PSL) et est actuellement membre du directoire de l’Institut Curie ; enfin, une expertise dans la transformation des institutions, à travers des participations dans une dizaine de comités ou conseils intervenant sur des sujets divers. À cet égard, je renvoie mes collègues à votre curriculum vitae, qui leur a été transmis la semaine dernière. Outre une reconnaissance interministérielle de votre expertise, ces sollicitations démontrent une capacité à promouvoir une recherche connectée aux enjeux sociétaux et intégrée aux politiques publiques.

Pour toutes ces raisons, votre candidature à la présidence du Haut conseil est intéressante. Contrairement à l’ancien président – sur le profil duquel les parlementaires s’étaient exprimés lors de son audition en 2020 –, votre parcours professionnel témoigne d’une certaine indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. Si je voulais être provocante, je dirais que vous n’avez pas un passé de conseillère présidentielle ! Or l’indépendance et l’impartialité de la fonction présidentielle du Haut conseil sont des éléments cruciaux.

Voilà pour le côté positif. En revanche, en dépit de mes recherches et à mon grand regret, je n’ai pu trouver aucune déclaration de votre part concernant le Haut Conseil, que ce soit pour en louer les mérites ou en dénoncer les défauts. Cette audition doit donc permettre de nous éclairer sur votre expérience, certes, mais surtout sur votre vision des missions du Haut conseil et sur les perspectives que vous envisagez pour cette autorité administrative, eu égard aux problèmes structurels qu’elle pose.

Mon groupe politique considère le Haut conseil comme une instance bureaucratique préjudiciable au monde de la recherche et coûteuse, si l’on se fie aux estimations de la Cour des comptes. L’évaluation d’un laboratoire coûte en moyenne 11 000 euros et il faut compter 33 000 à 55 000 euros pour un établissement. C’est également une gestion lourde et démobilisatrice, qui favorise une logique de compétitivité et de mise en concurrence des établissements et des équipes de chercheurs, au détriment de la liberté académique et de la collégialité. L’alignement des évaluations du Hcéres sur des critères managériaux et productivistes contribue à un pilotage par la performance, imposée aux universités et aux organismes de recherche.

Aussi préconisons-nous la refonte du système d’évaluation, avec une approche plus collégiale et moins centralisée, plus respectueuse de l’autonomie des chercheurs et des enseignants-chercheurs. Faut-il rappeler que ceux-ci sont déjà en permanence évalués par leurs pairs lors du processus de publication ? Les modalités de l’évaluation des formations et des unités de recherche doivent redevenir la prérogative des établissements et des universités.

Le Haut conseil est l’objet de critiques récurrentes de la part du monde académique, notamment de chercheurs et d’universitaires qui ne militent pas tous à La France insoumise. Dans son rapport de 2021, la Cour des comptes observe ainsi que « les rapports d’évaluation du Haut conseil ne jouissent pas, dans le milieu académique, d’une réputation à la hauteur de l’effort consenti ».

C’est pourquoi je souhaite recueillir votre position face aux nombreuses critiques qui assaillent le Hcéres, parmi lesquelles une évaluation jugée bureaucratique, chronophage et énergivore ; un manque de transparence et de pertinence des critères d’évaluation – il est notamment reproché, d’une part, un amoncellement d’indicateurs et de critères internationalement critiqués, qui tendent à confondre évaluation et classement, et, d’autre part, un recours aux classements bibliométriques pour évaluer la recherche, massivement rejetés par la communauté académique ; un système qui renforce la concurrence entre les établissements et les équipes au détriment de la collégialité ; une approche déconnectée du terrain qui ne prend pas suffisamment en compte le temps long de la recherche ; une évaluation trop souvent perçue comme un outil de sanction.

Au cours de votre carrière professionnelle, avez-vous subi – le terme est sciemment choisi – une évaluation par les experts du Hcéres ? Le cas échéant, quel enseignement en avez-vous tiré ?

Par ailleurs, les évaluations font peser une charge administrative sur les établissements. Le défaut de rationalisation du système fait coexister plusieurs modalités et grilles d’évaluation émanant d’évaluateurs différents, qui non seulement ne se coordonnent pas mais, de plus, se superposent. La première recommandation de la Cour des comptes dans son rapport de 2021 était de « limiter significativement le nombre d’évaluations conduites annuellement, par une refonte et une rationalisation, en particulier pour les unités de recherche, des méthodes et procédures employées ». Que pouvez-vous nous dire à ce propos ? Ces travaux de rationalisation et d’harmonisation ont-ils été engagés ? Dans le cas contraire, envisagez-vous de le faire ? Plus généralement, quelles sont vos propositions pour alléger la charge administrative afin, notamment, de réduire le temps considérable consacré par les équipes à la préparation des évaluations, au détriment de leurs activités de recherche ?

Ma troisième série de questions a trait à l’acceptation sociale des conditions des évaluations. Que répondez-vous aux critiques d’un Haut conseil perçu comme un instrument bureaucratique, dont les évaluations sont dénoncées comme étant trop administratives et éloignées des réalités du travail scientifique, lequel nécessite une inscription dans le temps long, avec d’inévitables fluctuations de performance ?

Quelles sont vos pistes de réflexion pour corriger la « verticalité » de l’évaluation, en vue de mieux associer aux objectifs et aux modalités de l’évaluation tant les équipes d’enseignants-chercheurs et de chercheurs que les étudiants dans les universités ?

À cet égard, un enseignant-chercheur m’a récemment fait part de « la violence des très nombreux avis défavorables du Hcéres dans la vague E » – campagne d’évaluation 2024-2025 –, particulièrement pour les sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) et les instituts universitaires de technologie (IUT). Cela crée un sentiment de sidération, voire de colère des collègues concernés, d’autant que les motifs sont souvent déconnectés de la réalité : implication insuffisante des professionnels ou trop de poursuites d’études.

Lundi encore, dans L’Humanité, le chercheur Stéphane Bonnéry dénonçait la vague E du Haut conseil comme « une attaque politique contre l’université de masse ». Il ressort de cet entretien trois critiques essentielles.

La première tient à l’absence de prise en compte, dans les évaluations, du profil social des étudiants et de l’effet Parcoursup, qui draine les bons élèves hors des universités de banlieue ou y place par défaut des élèves mal orientés. Il en résulte une vague d’évaluations défavorables pour de nombreuses formations dispensées au sein d’universités implantées dans des milieux peu favorisés. Alors que vous vous êtes intéressée au sort des étudiants boursiers, que pensez-vous de cette dénonciation de votre collègue Bonnéry ?

D’autre part, les formations les plus visées par des avis négatifs ou réservés de la vague E concernent des formations en sciences humaines. Qu’en pensez-vous, en votre qualité de chercheuse en sciences cognitives et comportementales ?

Enfin, M. Bonnéry dénonce un Haut conseil en apparence indépendant alors qu’il serait, en fait, un organisme paragouvernemental fermement tenu par la tutelle politique. Alors que vous vous présentez à sa présidence, que pouvez-vous répondre à une telle critique ?

Plus globalement, que pouvez-vous répondre aux critiques du terrain ? Assumez-vous la violence ressentie par les chercheurs ?

Mon dernier point aura trait à l’enseignement supérieur privé, en très forte croissance ces dernières années puisqu’il attire désormais plus d’un étudiant sur quatre. Hormis les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig) et certaines écoles de commerce ou d’ingénieurs renommées, qui sont l’objet d’évaluations, la plupart des écoles privées, dont la qualité des formations est très souvent sujette à caution, ne sont pas évaluées ni même régulées. C’est d’autant plus scandaleux que ces écoles onéreuses ciblent souvent les jeunes des classes modestes. Dans une note de juin 2023 relative à la régulation du secteur privé de l’enseignement supérieur, le Haut conseil considérait « indispensable de mettre en place une meilleure régulation de l’offre de formation, avec comme boussole la qualité de l’enseignement dispensé aux étudiants, quel que soit le statut de l’établissement, et quel que soit le ministère qui reconnaît la formation initiale ouverte ».

Quels travaux le Haut conseil a-t-il menés à cet égard ? Quelles solutions proposez-vous pour que, à l’avenir, tous les établissements d’enseignement supérieur privé soient soumis à des procédures d’évaluation ?

Je vous remercie pour vos réponses, dont dépendra la teneur de mon avis.

Mme Coralie Chevallier, proposée à la présidence du Haut conseil l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Je vous remercie de m’accorder ce moment pour présenter mon parcours et mon projet pour le Hcéres.

Je suis directrice de recherche à l’École normale supérieure de l’Université PSL (ENS-PSL) et je travaille sur la cognition sociale, c’est-à-dire les mécanismes qui nous permettent d’interagir en société, de nous comprendre et de coopérer ou non. Après une thèse entre Lyon et Londres et plusieurs post-doctorats à l’étranger j’ai obtenu un poste Inserm – Institut national de la santé et de la recherche médicale – à l’ENS-PSL, où j’ai créé et dirigé une équipe de recherche. Parallèlement à ces recherches, j’ai assumé des responsabilités collectives, d’abord en tant que directrice des études de mon département, puis en tant que vice-présidente Formation à l’Université PSL et, aujourd’hui, comme membre du directoire de l’Institut Curie.

J’ai la conviction profonde que l’évaluation est un outil au service de l’enseignement supérieur, de la recherche et de ses communautés. Faite correctement – j’insiste sur ce point –, l’évaluation apporte un regard extérieur utile à toutes les parties prenantes. Elle fournit des informations fiables, qui permettent aux entités évaluées de répondre aux questions stratégiques qu’elles se posent et d’améliorer les conditions de formation des étudiants et le quotidien des chercheurs en repérant les dysfonctionnements organisationnels. Autrement dit, le Hcéres est une institution qui a un fort potentiel d’impact positif. Mais, pour que ce potentiel se matérialise, son fonctionnement doit être réformé.

Nous nous trouvons dans une situation paradoxale. Nous disposons d’une autorité administrative indépendante chargée par la loi de l’évaluation, et qui fournit un travail sérieux. Elle organise le déploiement de plus de 3 000 experts chaque année, qui œuvrent à l’évaluation par les pairs, seuls véritablement légitimes en la matière. Chaque année, le Hcéres évalue près de 500 laboratoires de recherche, plus de 1 200 formations, une quinzaine d’universités, plus de 50 écoles et instituts et des organismes nationaux de recherche. Par la quantité de données collectées et une approche à 360 degrés, les rapports tentent de dresser un portrait aussi exhaustif que possible du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Le Hcéres est donc une institution solide, qui s’appuie sur un ensemble de procédures transparentes, rigoureuses, impartiales, établies collégialement et conformes aux standards internationaux.

Je parle de paradoxe car, en dépit de ses forces, il faut aussi reconnaître – et je vous rejoins sur ce point – que les évaluations du Hcéres peinent à susciter l’adhésion et, par conséquent, à avoir un effet transformant sur le système. Ce constat est largement partagé. Il s’agit maintenant de se demander pourquoi.

L’hypothèse paresseuse est celle selon laquelle les chercheurs et les enseignants-chercheurs sont réfractaires à toute forme d’évaluation. Mais cette hypothèse, à mon sens, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Les communautés académiques sont habituées et même partie prenante de différentes formes d’évaluations. Publier un article scientifique, vous l’avez dit, impose de se soumettre à l’évaluation par les pairs. Les financements de projets sont le plus souvent alloués après une phase d’évaluation. Les doctorants et les post-doctorants sont sélectionnés après avoir été évalués. Le principe qui consiste à noter les étudiants est à peu près universellement accepté comme les aidant à se positionner, donc à progresser. Les chercheurs et les enseignants-chercheurs sont donc évalués régulièrement. Ils sont eux-mêmes évaluateurs et ils voient une forme de valeur ajoutée à une multitude d’activités d’évaluation.

De fait, les critiques du Hcéres ne portent pas sur la qualité des évaluations ou sur l’utilité de l’évaluation en général. Elles portent sur leur impact, sur leur complexité et sur leur pertinence. Il faut les prendre au sérieux, reconnaître que le processus d’évaluation est trop lourd et réinterroger le sens de l’évaluation et sa valeur ajoutée.

Dans cette optique, je souhaite développer trois axes de travail. Le premier vise à renforcer l’impact des évaluations. Bien entendu, le Hcéres n’est pas responsable de l’usage qui est fait des rapports qu’il produit. On distingue, et c’est très bien ainsi, celui qui évalue et celui qui décide. Mais le Hcéres dispose d’outils pour rendre ses rapports plus utiles, notamment en personnalisant l’évaluation. Il faut faire davantage confiance aux acteurs et donner la possibilité aux établissements de ne pas être évalués de façon strictement identique, avec les mêmes grilles et les mêmes critères. C’est non seulement inefficace, mais c’est aussi contraire à l’idée même d’une plus grande autonomie stratégique des établissements. On doit faire beaucoup plus confiance a priori, et cesser de considérer que l’exhaustivité est ce qui fait la qualité de l’évaluation.

Augmenter l’impact demande également de porter une attention à chacune des étapes du processus, et pas simplement à la publication du rapport. En amont de l’autoévaluation, il faut systématiser les conférences de concertation pour que la saisine soit aussi pertinente que possible. Pendant la phase d’autoévaluation, il faut encourager la sincérité et la hauteur de vue stratégique de la part de l’entité évaluée. Pendant la phase d’évaluation, on doit s’appuyer sur une plus grande rigueur pour aboutir à des évaluations cohérentes, précises, sincères et directement utilisables dans le cadre de la contractualisation. Cette précision et cette sincérité doivent se percevoir dans les recommandations, qui gagneraient à être plus actionnables. Enfin, la phase qui suit l’évaluation doit permettre de donner de la visibilité au rapport, jusqu’au grand public, pour augmenter la transparence du système.

Le deuxième axe de travail sera la simplification, qui fait l’objet d’un consensus. Ce travail a commencé, mais on peut aller beaucoup plus loin. L’enjeu consiste à respecter et protéger au maximum le temps des communautés scientifiques – j’en fais partie, donc je peux témoigner de première main –, mais aussi à veiller à ce que les ressources publiques ne soient pas gaspillées dans la collecte de données dont personne ne fera jamais rien. Il faut demander les informations qui sont utiles, et uniquement celles-ci, et il faut le faire de la façon la plus efficace possible. L’administration collecte énormément de données et c’est à elle d’internaliser la complexité, par exemple en rendant les plateformes interopérables. Dans un monde idéal, les données quantitatives ne devraient plus être entrées manuellement dans des fichiers Excel. Nous disposons d’outils puissants qui doivent permettre un transfert automatique des données collectées par ailleurs, par exemple au travers de l’enquête n° 6, de Parcoursup, de Mon Master et d’InserSup pour les formations, mais aussi par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour le financement de la recherche. Il y a là une opportunité non seulement de simplification, mais aussi de fiabilisation des données.

Par ailleurs, au-delà du fameux guichet Dites-le nous une fois, tant mis en avant par les administrations, j’aimerais que le Hcéres se dote d’une règle simple : les données collectées doivent, en retour, faire l’objet d’une restitution contextualisée utile pour l’entité évaluée. Ainsi, l’établissement mobilise des ressources pour produire les données et, en échange, le Hcéres s’engage à les restituer d’une façon contextualisée et intéressante pour l’entité évaluée. Cette forme de contrat permettra de bloquer l’inflation des indicateurs demandés en ne faisant pas peser l’effort uniquement sur celui qui produit les données, mais aussi sur celui qui les reçoit.

Enfin, et c’est un troisième axe de travail, le Hcéres doit adapter son action aux enjeux stratégiques de son temps. Je pense en particulier à l’évaluation de l’enseignement privé – on aura l’occasion d’y revenir –, à la nécessité de restructurer l’offre de formation pour répondre efficacement aux besoins changeants de la société, parmi lesquels les transitions écologique et numérique, à l’intégrité scientifique et à la nécessité de soutenir la science ouverte.

Le Hcéres pourra bénéficier, pour ce troisième axe, du fait qu’il abrite deux institutions. La première est l’Observatoire des sciences et techniques (OST), qui produit des données agrégées rigoureuses permettant de connaître la position de la France pour sa production scientifique et son évolution. Le rapport de l’OST sorti hier livre des chiffres alarmants : entre 2010 et 2022, la France est passée du sixième au treizième rang mondial, tandis que l’Italie est restée septième. C’est très préoccupant.

La seconde institution abritée par le Hcéres est l’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis), chargé de la mise en œuvre des missions confiées au Hcéres par la loi de programmation de la recherche (LPR) dans le domaine de l’intégrité scientifique. L’enjeu est de renforcer la fiabilité des productions scientifiques et d’être, d’une certaine manière, à la hauteur de la confiance que les citoyens accordent aux scientifiques et à la science. J’aimerais que le travail de l’Ofis puisse prendre une place plus grande dans le débat public et que cette question soit traitée plus à fond dans l’évaluation, pour que devienne absolument claire la nécessité de ne pas confondre quantité et qualité de publication. Les publications dans des revues prédatrices dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières années sont un facteur de risque. Il convient d’évaluer la façon dont les établissements s’en prémunissent. Par ailleurs, les développements spectaculaires de l’intelligence artificielle vont soulever de nouvelles questions en matière d’intégrité scientifique et de souveraineté, auxquelles les acteurs devront être sensibilisés et formés.

En résumé, mon objectif est d’augmenter la pertinence des évaluations. Les communautés le disent, et je suis d’accord, le processus actuel est inutilement complexe et lourd. On demande trop d’informations à tout le monde, exactement de la même façon et très souvent plusieurs fois. L’évaluation doit être simple et directement utile pour les parties prenantes – les établissements, les directeurs du laboratoire, les responsables de formation, les tutelles, les collectivités territoriales et les citoyens, parce que l’on parle ici de bien commun. L’évaluation doit aussi permettre de se confronter à ce qui pose problème et aux dysfonctionnements. Elle doit dire les choses de façon sincère et apporter des recommandations actionnables.

J’ai concentré mon propos sur les défis que le Hcéres a à relever, mais j’aimerais le conclure en partageant mon optimisme et ce que je pense être les conditions du succès pour ce projet. Il faut reconnaître et conserver ce que le Hcéres fait bien. Il faut être lucide, mais pas flagellant. Il faut identifier ce qui peut être amélioré, ne pas reculer devant les obstacles, prendre le temps de la conduite du changement et ne pas imposer un modèle unique pour tous les établissements. Il faut, enfin, se donner les moyens d’être exemplaire en rendant le Hcéres comptable de ses résultats et meilleur ennemi de la bureaucratisation de l’évaluation.

Pourquoi ai-je envie de relever ce défi ? D’une part, parce que ma candidature s’inscrit dans la continuité d’une carrière qui a eu pour objectif constant l’amélioration des politiques publiques. D’autre part, parce que je pense que mon profil complet, qui allie une connaissance de l’enseignement supérieur et de la recherche et de ses complexités, une carrière scientifique et une expérience de pilotage et de direction, me permettra d’être efficace et crédible si je suis choisie pour présider cette institution.

Je suis convaincue que l’évaluation est un service public utile, qui contribue à l’amélioration de tout un écosystème qui, lui-même, concourt à la formation de la jeunesse et au développement de la science.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Roger Chudeau (RN). L’article du code de la recherche qui définit les missions du Hcéres précise que cette autorité publique « contribue à la définition d’une politique nationale de l’intégrité scientifique […], [évalue] les formations et diplômes d’enseignement supérieur [et] favorise l’usage de la langue française comme langue scientifique ». J’aurai une question pour chacun de ces thèmes.

S’agissant tout d’abord de l’intégrité scientifique, ma question reflétera la perplexité et l’inquiétude qui entourent les travaux de nombreuses universités – inquiétude qui trouve un écho dans le monde de la recherche, comme en témoignent les actes du colloque de 2022 intitulé « Après la déconstruction », publiés chez Odile Jacob. Je veux parler de la résistible ascension du wokisme dans nos universités et laboratoires de recherche, qui comptent désormais pléthore de départements d’études de genre et d’études racialisées. Or le genre n’est en rien une notion ou un concept scientifique : il est un postulat de nature idéologique et politique. Les études de genre ne procèdent pas d’une recherche de la vérité scientifique, mais d’une entreprise de déconstruction de la science, réputée genrée et patriarcale. Le Hcéres prévoirait-il, sous votre présidence, de se consacrer à ce phénomène qui démonétise, quand il ne la ridiculise pas, une partie de notre recherche scientifique ?

Cette question rejoint celle de l’évaluation des diplômes. Que sont un master d’études de genre ou un doctorat d’études racialisées ? À quelle valeur scientifique peuvent-ils prétendre ? Quels sont leurs débouchés en matière d’insertion ? Il semble indispensable que le Haut conseil s’y penche sérieusement, et ce d’autant plus que dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, l’État ne peut pas se permettre d’entretenir des départements qui n’ont de scientifique que le nom et sont en fait des officines de pure facture wokiste.

S’agissant de la promotion de langue française, nous notons la montée de l’écriture dite inclusive dans les productions universitaires. Cette entreprise de déconstruction de notre langue, dénoncée par les plus hautes autorités de l’État, étend son emprise et menace la qualité et la reconnaissance internationale des travaux scientifiques. Entendez-vous mettre un terme à ces pratiques de nature militante au sein de certaines de nos universités ?

M. Daniel Labaronne (EPR). Le Hcéres joue un rôle essentiel puisqu’il garantit la qualité de nos universités et instituts de recherche et veille à ce que l’argent public soit bien utilisé. Il n’est pas une simple structure administrative ou bureaucratique, mais un levier de performance et d’excellence. Véritable service public – vous avez raison –, il assure à travers ses évaluations la transparence et la crédibilité de notre recherche scientifique, en particulier auprès des acteurs économiques et des partenaires internationaux. Remettre en cause cet organisme reviendrait à priver la France d’un outil stratégique d’orientation et de contrôle de la qualité scientifique. Votre nomination constitue un moment clé pour renforcer son efficacité et son impact. Vos travaux scientifiques et votre expérience sont unanimement reconnus, sur le plan national comme à l’international, et vous avez l’occasion d’améliorer le fonctionnement du Hcéres, notamment en matière de gestion et de financement.

La Cour des comptes a souligné, dans un rapport récent, la nécessité de mieux maîtriser ses dépenses et d’optimiser son action. Quel enseignement tirez-vous de ce rapport ? Quelles actions prioritaires souhaitez-vous engager pour améliorer le fonctionnement du Hcéres ? Comment rendre ses évaluations plus visibles et utiles pour nos établissements et nos chercheurs ?

Votre vision et vos propositions seront essentielles pour permettre au Haut conseil de jouer son rôle au service de l’excellence académique.

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Je souscris pleinement aux propos de Mme la rapporteure, et j’y ajouterai une couche. Cette audition me permet de réitérer une demande partagée par une bonne partie de la communauté universitaire, à savoir la suppression pure et simple du Hcéres qui permettrait à l’État d’économiser une vingtaine de millions d’euros par an.

Le Hcéres est le symptôme d’une dérive managériale destructrice. C’est un outil bureaucratique d’évaluation qui met en compétition les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Il déstabilise les collectifs de chercheurs, renforce la souffrance au travail, fait perdre du temps et du sens. Nous le redisons, et vous l’avez également rappelé, les chercheurs sont déjà évalués par leurs pairs autonomes. C’est la seule évaluation légitime.

Votre évaluation institutionnalise une mise au pas et vise à éteindre les résistances à ce changement dont personne, ou presque, ne veut. Sa dernière phase aggrave la déstabilisation. Elle sanctionne et punit les communautés dominées de l’ESR, les précaires, ceux à qui les rentiers de l’excellence ne donnent pas les moyens de faire ce à quoi ils sont voués, l’enseignement et la recherche – sans parler des disciplines reléguées, comme les sciences humaines et sociales (SHS).

Alors que les universités publiques voient leur budget fondre et que les évaluations les broient, le privé est en plein essor. Très peu contrôlé, il peut continuer à délivrer des diplômes bidons et à faire intervenir des grandes entreprises pour enrôler les étudiants. Le Haut conseil est l’assurance vie de cet ESR privé à but lucratif, qui se développe toujours plus. Parce que le Haut conseil a largement atteint ses limites et parce que le maintenir est déraisonnable, il est temps de le supprimer – tout comme l’ANR, au passage – et d’investir massivement dans l’université, laquelle crève de ce pilotage à courte vue.

Je n’ai qu’une question à vous poser, et je la pose aussi en tant que chercheur qui a subi ces évaluations : pourquoi diable poursuivre une politique hétéronome de la science qui institutionnalise fondamentalement un renoncement aux valeurs rectrices de l’éthos scientifique académique ?

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Votre parcours donne toutes les garanties de compétences et d’indépendance nécessaires à l’exercice de la fonction de présidente du Hcéres. Nous soutiendrons votre nomination, mais en vous demandant quelques éléments de précision quant à l’action que vous entendez y mener.

L’enseignement supérieur privé représente environ un quart de l’offre de formation de l’enseignement supérieur, pour environ 15 % de la population étudiante, selon les estimations du Haut conseil. Cependant, nous avons observé une expansion extraordinairement forte de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, qui échappe encore trop souvent à un contrôle rigoureux. Les contrôles qui ont été menés, notamment dans le cadre de l’enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 2020, ont fait apparaître 56 % d’établissements contrôlés avec des anomalies incluant des clauses abusives et des pratiques de tarification opaques.

J’ai déposé une proposition de loi visant à encadrer l’enseignement supérieur privé à but lucratif et à protéger les étudiants. Dans ce paysage, le rôle du Hcéres est fondamental pour garantir la qualité et la transparence des formations. Le renforcement de ses critères d’évaluation pour exclure les établissements aux pratiques discutables afin d’assurer une reconnaissance pédagogique effective constitue un axe important dont le Hcéres doit prendre la charge afin d’exercer pleinement ses missions et de renforcer son action face à ces enjeux.

Comment envisagez-vous le rôle du Haut conseil et sa collaboration avec le gouvernement pour renforcer les missions d’évaluation et de régulation des établissements privés à but lucratif ?

M. Alexis Corbière (EcoS). Vous êtes candidate pour présider le Hcéres, qui a pour fonction de contrôler et de noter les établissements de l’enseignement supérieur, afin de donner des indications au gouvernement. Je serai franc. Comme mon collègue vient de l’indiquer, nous portons un regard assez critique sur cet organisme. Vous avez vous-même déploré, c’est assez piquant mais je vous remercie pour votre franchise, son caractère bureaucratique et son rejet par la communauté des chercheurs. Sur ce point, je ne développe pas davantage.

Depuis l’élection de Donald Trump, une liste noire de 120 termes a été publiée par décret. Ces termes sont désormais interdits à l’université et tout projet scientifique qui les comporterait se verrait banni de toute forme de financement public. Le collègue Chudeau, qu’il faudrait « mettre sous cloche » car il ne nous déçoit jamais, considère qu’à l’instar du dahu quand on est enfant, il existe à l’université quelque chose d’indéfini dont on ne doit pas parler : le wokisme. Je vais traduire cette notion en français – je pensais que nos collègues du Rassemblement national aimaient le français. D’aucuns considèrent que toutes les études sur les discriminations doivent être bannies, car la discrimination n’existe pas. On emploie donc un terme anglais pour dire que ces études ne doivent pas avoir lieu. L’enjeu est réel. Si vous présidez le Hcéres, vous serez confrontée à cette question et j’aimerais vous entendre à ce sujet. Ne voyez-vous pas la vague d’obscurantisme qui risque de déferler sur notre enseignement supérieur ? En vertu de préjugés idéologiques que l’on a bien compris, il serait désormais hors de question d’étudier à l’université tout processus de discrimination. Le wokisme est là, on ne sait pas très bien ce que c’est, mais on ne doit pas en parler. Qu’en pensez-vous ?

Mme Géraldine Bannier (Dem). Cette audition est l’occasion de vous interroger sur votre vision de l’évaluation. Est-il vraiment utile, pour des instituts comme Imagine ou l’Institut du cerveau – qui disposent en interne de SAB (Scientific Advisory Boards) composés de plusieurs prix Nobel –, de consacrer du temps d’évaluation, lequel interfère avec le temps de recherche ? Ne vaudrait-il pas mieux se focaliser sur des structures de recherche plus en difficulté et mieux les accompagner ? Ce serait peut-être une voie de progrès en matière de simplification et d’impact de l’évaluation.

Par ailleurs, je veux revenir sur les attendus de l’enseignement supérieur. Pour nos diplômes et nos écoles doctorales, à quand une vraie politique d’introduction d’enseignements professionnalisants obligatoires, quand on sait qu’une large majorité de nos étudiants iront dans l’industrie ? Ils n’y sont pas préparés et sont, par conséquent, peu attractifs.

Enfin, quel peut être le rôle du Hcéres pour bâtir une nouvelle régulation des acteurs privés de l’enseignement supérieur ? Avec près de 80 000 inscrits, ce dernier représente près de 26 % des effectifs globaux de l’enseignement supérieur. La qualité des formations y est nécessairement primordiale.

Mme Béatrice Piron (HOR). Le Hcéres joue un rôle essentiel dans l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il a pour mission d’évaluer les établissements, les formations et les unités de recherche, tout en garantissant la qualité des procédures d’évaluation menées par d’autres instances. Cette expertise est fondamentale pour assurer la transparence et l’excellence de notre système universitaire.

Le Hcéres publie régulièrement des rapports peu médiatisés et peu connus des étudiants malgré leur grande qualité. Chaque année, plusieurs classements internationaux mettent en avant certaines universités selon différents critères – le classement de Shanghai, celui Financial Times ou encore des classements nationaux comme ceux de L’Étudiant. Que pensez-vous de ces classements, bien plus médiatisés et connus des Français ? Il ne semble pas exister de classement des universités et grandes écoles françaises établi par le Hcéres, alors même qu’il dispose des éléments pour en produire. Ne serait-il pas pertinent qu’il le fasse, ou qu’il élabore un score synthétique correspondant à des critères précis ? On pourrait même imaginer qu’une note soit attribuée à chaque établissement dans Parcoursup, pour mieux informer les étudiants et leurs familles dans leur choix d’orientation. Qu’en pensez-vous ? Le Haut conseil pourrait-il jouer un rôle dans la mise en place d’un tel outil ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Emmanuel Macron s’est félicité des investissements privés records annoncés lors du sommet mondial sur l’intelligence artificielle. Ces financements contrastent avec le désengagement chronique de l’État dans l’enseignement supérieur et la recherche : le budget de l’enseignement supérieur pour 2025 subit une coupe drastique de 1 milliard d’euros, ce qui fragilise davantage la recherche publique et aggrave le déficit budgétaire des universités. Pourtant, la France accuse déjà un retard important en matière de développement technologique face aux États-Unis et à la Chine. Soyons honnêtes, nous ne rattraperons pas ce retard si nous ne sommes pas capables de soutenir la recherche publique et de devenir un État autonome en la matière. Comment peut-il y avoir une excellence académique avec cette baisse de budget ?

Par ailleurs, le Hcéres vient de publier ses évaluations des formations en licence et en master ; il en ressort que les universités qui accueillent des étudiants issus des milieux moins favorisés sont très sévèrement notées. Il est reproché à ces formations leur fort pourcentage d’enseignement vacataire en licence, alors que la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU) a mis des universités dans le rouge – ce qui les empêche d’embaucher des titulaires –, mais aussi un taux d’échec important, sans tenir compte de raisons telles que la réorientation et le profil social des étudiants, ou le manque de mobilité à l’international, alors que les étudiants concernés ont davantage de difficultés financières et n’ont pas les moyens d’étudier à l’étranger. Je m’interroge donc sur les méthodes d’évaluation du Hcéres, lequel semble délibérément favoriser certaines formations au détriment d’autres, jugées insuffisamment rentables. Vous avez abordé ce sujet dans votre propos liminaire, mais pouvez-vous développer votre point de vue ?

M. Maxime Michelet (UDR). Je salue votre parcours exemplaire au sein de nos institutions universitaires. Il n’appelle pas de débat et fait d’ailleurs l’unanimité dans notre commission – au sein de laquelle l’unanimité n’est pas spécialement la règle… L’exemplarité n’est malheureusement pas une qualité partagée par le Hcéres. Des critiques nombreuses ont été formulées, au sein même du monde académique qui accueille ses rapports avec, au mieux, scepticisme et, au pire, une franche hostilité. Ces critiques avaient été efficacement synthétisées dans un sévère référé de la Cour des comptes en 2021. L’institution a donc manqué son but, et semble devoir s’ajouter à la liste des nombreuses agences de l’État en échec, destinées à la suppression envisagée par un amendement au projet de loi de finances adopté en octobre. Pourtant, le but poursuivi par ce Haut conseil est légitime et nous l’approuvons. Non seulement il existe un droit à l’évaluation, mais il faut même reconnaître un devoir, pour l’État, à évaluer l’effectivité et l’efficacité des politiques publiques financées par l’argent des Français – dont l’usage, qui ne relève d’un droit inaliénable pour personne, appelle à des résultats.

Le Haut conseil nous confronte à un paradoxe : l’outil d’évaluation de l’efficacité est lui-même frappé d’une terrible inefficacité, voire amplifie l’inefficacité des politiques évaluées pour des raisons déjà évoquées et auxquelles vous avez apporté des réponses dans vos propos liminaires. Pour nous, le problème principal tient à l’aspect excessivement bureaucratique des évaluations qui, dans nos établissements universitaires, s’ajoutent à un effet de saturation administrative déjà éprouvé par nos enseignants-chercheurs et qui en décourage plus d’un. Au-delà d’une simplification des évaluations, le Haut conseil pourrait-il se consacrer à réduire la surcharge administrative qui plombe l’excellence de notre recherche – et, le cas échéant, comment ?

Mme Coralie Chevallier. Merci pour ces questions passionnantes sur le fond.

Monsieur Chudeau, vous posez la question de champs disciplinaires qui n’auraient pas la qualité scientifique que l’on peut espérer trouver dans les universités et les unités de recherche. Pour y répondre, ainsi qu’aussi au point soulevé par M. Corbière, je veux revenir au principe fondamental énoncé dans mon propos liminaire, celui de l’évaluation par les pairs. Il est important d’avoir des principes, ils nous permettent de savoir où l’on va. Celui que je viens d’énoncer nous permet, scientifiques et enseignants-chercheurs, de nous mettre d’accord sur des groupements de revues. Certaines publications sont dépourvues de comité de lecture ; dès lors qu’elles ne sont pas revues par les pairs, on estime qu’elles n’ont pas la qualité scientifique requise. Il existe aussi des publications nationales dotées d’un comité de lecture, revues par des pairs au niveau local, ainsi que des publications internationales qui, dotées d’un comité de lecture et revues par une communauté large, sont réputées plus robustes car, les pairs étant plus nombreux, le consensus est mieux établi.

Voilà le principe fondamental. De fait, la science est autocorrective : si une théorie est fausse, les scientifiques le montreront dans le cadre du processus scientifique qui comprend l’évaluation par les pairs. Il n’existe pas de meilleur système pour évaluer la science : lui seul permet un accord de la communauté scientifique sur ce qui est vrai et sur ce qui est faux. Ce principe doit s’appliquer à tous les champs disciplinaires ; nous ne ferons pas d’exception à cet égard, le Hcéres ne pouvant laisser entrer la politique ou l’idéologie dans l’évaluation de certains champs disciplinaires. Le principe de l’évaluation par les pairs vaut donc pour l’étude des discriminations, pour le genre, pour le climat et pour toutes les disciplines.

Je vous remercie d’avoir posé de façon directe la question de l’opportunité de supprimer le Hcéres. Je partage certains constats et la nécessité d’une amélioration mais, si je suis devant vous, c’est parce que je pense qu’on a plus intérêt à conserver cette institution qu’à la supprimer.

Comme scientifique, je partage le constat selon lequel l’évaluation est trop complexe. Ayant moi-même eu à être évaluée, j’ai pu percevoir des redondances. Imaginons que nous supprimions le Hcéres. La France appartient à l’espace européen de l’enseignement supérieur, créé par le processus de Bologne en 1999 pour harmoniser les systèmes d’enseignement supérieur avec, entre autres objectifs, la mise en place d’un système de diplômes comparables grâce à la création de crédits ECTS – European Credit Transfer System, système européen de transfert et d’accumulation de crédits. Pour garantir la comparabilité, l’assurance qualité est placée au cœur du système. Cela a conduit chacun des États membres à développer son propre système d’évaluation, lequel a souvent pris la forme d’une agence nationale dédiée : c’est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne ou encore en Italie. Le fait que différents pays de l’Union européenne aient institué des agences qui fonctionnent différemment doit nous inspirer. Je ne pense donc pas qu’il faille supprimer le Hcéres, d’autant qu’il serait remplacé par autre chose. En revanche, il faut entendre les critiques et le réformer.

Une autre raison de ne pas le supprimer est la nécessité de donner un avis sur l’enseignement privé. Vous êtes nombreux à avoir souligné l’importance de trouver des outils de régulation. Le Hcéres a tout son rôle à jouer en la matière. La proposition de loi du député Grégoire est intéressante ; elle adopte un « angle DGCCRF », avec des propositions de suppression des droits de réservation ou de protection des usagers contre des formations qui ne délivrent pas ce qu’elles promettent. Mais l’apport du Hcéres peut être complémentaire, car il peut évaluer la qualité de la formation sur le fondement de critères acceptés par les communautés scientifiques. Il y a donc de multiples raisons à ne pas le supprimer.

Madame Bannier, vous posez la question des liens avec les SAB. Ces organes fournissent un travail sérieux et l’on peut s’interroger sur la pertinence et la valeur ajoutée des évaluations du Hcéres pour les laboratoires et les unités de recherche qui en disposent. Mais ce n’est pas le cas de tous les laboratoires de recherche. Il s’agit donc de réfléchir à la façon dont le Hcéres peut mieux intégrer les conclusions des SAB lorsqu’ils existent. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, mon objectif, si je suis choisie pour présider cette institution, est d’accorder une plus grande confiance a priori et d’œuvrer à la simplification. A priori je ne peux qu’être d’accord avec l’idée de mieux intégrer les SAB, mais la question demande à être instruite de manière rigoureuse et collégiale, avec les universités et les organismes de recherche.

Votre deuxième question portait sur la pertinence de créer un enseignement professionnalisant obligatoire. Les formations post-bac offrent des possibilités d’émancipation par le savoir et facilitent l’accès à l’emploi : 90 % des diplômés du supérieur sont en emploi trente mois après la fin de leurs études. Par ailleurs, les études supérieures permettent des trajectoires salariales plus favorables. Le lien entre la formation dans le supérieur et le monde professionnel existe. Reste à savoir comment faire en sorte que l’entrée dans le monde professionnel soit plus facile et plus efficace. Les attendus de l’enseignement en matière de professionnalisation font déjà partie des référentiels produits par le Hcéres en vue de l’évaluation. En revanche, le Hcéres n’a pas vocation à imposer aux établissements la mise en place d’une formation obligatoire. Ce serait sortir de ses prérogatives.

J’ai été interpellée par Mme Piron sur les classements et sur le rôle du Hcéres en ce domaine, ce qui rejoint une question posée par Mme la présidente. Il existe de nombreuses façons d’y répondre. Vous avez dit, monsieur Corbière, que le Hcéres était chargé d’une notation ; mais ce n’est plus le cas depuis 2013, et je ne pense pas que nous ayons intérêt à revenir en arrière. De fait, lorsqu’on met une note ou qu’on établit un classement, cela devient l’unique sujet d’attention. Or nous avons besoin d’évaluer sur la base de critères multiples. En outre, de nombreuses institutions produisent des évaluations parfaitement compréhensibles et utiles sans avoir recours à la note. La Cour des comptes, par exemple, produit des avis sans attribuer de noter, et ses avis, que personne ne met en doute, sont étudiés et utilisés dans la conduite de l’action publique.

Bref, nous n’avons pas intérêt à résumer la qualité et l’efficacité du système à une note unique. Outre certains effets pervers comme les effets de seuil, cela créerait un système qui travaillerait pour la note. Or, si je suis chargée de présider le Hcéres, je m’efforcerai de redonner du sens à l’évaluation. On n’évalue pas pour classer les établissements et mettre des notes, mais pour que le système soit plus efficace. Dans cette optique, il est impératif de personnaliser l’évaluation et de prendre en compte le contexte dans lequel évoluent les différents établissements d’enseignement supérieur.

Plusieurs d’entre vous ont mentionné la vague E et les avis défavorables qui ont été émis. Je ne puis présenter de bilan puisque je ne suis pas à la tête du Hcéres, mais je peux préciser que ces avis sont provisoires et qu’une phase de dialogue commence. Ce caractère provisoire semble mal compris, signe qu’un effort de pédagogie est nécessaire. Par ailleurs, de nombreuses informations fausses circulent à leur sujet, selon lesquels les avis seraient principalement ciblés sur les SHS, ce qui ne me semble pas être le cas.

Je partage l’idée selon laquelle on ne peut pas évaluer toutes les universités de la même manière et qu’il faut tenir compte des publics qu’elles accueillent. Il existe des inégalités territoriales et les publics accueillis, d’origine plus ou moins modeste, demandent un accompagnement plus ou moins fort à la réussite. La prise en compte des publics produit des évaluations qui ont du sens, et c’est bien là mon objectif.

Madame Bourouaha, vous avez parlé du financement de la recherche, dont le Hcéres ne décide pas. En revanche, son rôle consiste à contextualiser l’évaluation en fonction des budgets. De fait, une institution qui voit ses crédits diminuer doit nécessairement modifier sa stratégie et ne peut plus accomplir certaines missions. L’évaluation doit être capable de prendre en compte l’hétérogénéité des territoires et la situation concrète de financement des établissements.

Vous me donnez, monsieur Michelet, l’occasion de parler de cet enjeu considérable, évoqué par d’autres, qu’est la simplification. Personne n’aime faire des choses qui ne servent à rien ou qui sont sans effet – et cela explique en partie l’état de frustration et d’irritation que peut inspirer le Hcéres. Je partage l’avis de Mme la rapporteure selon lequel nous avons besoin de prendre au sérieux le chantier de la simplification, pour une raison d’acceptabilité de l’évaluation. La deuxième raison est de ne plus faire perdre de temps aux chercheurs, qui ont mieux à faire pour notre pays. La troisième raison est budgétaire. Remettons les choses à plat et regardons les référentiels, non pas de façon verticale mais en hiérarchisant les critères et en consultant les communautés. Il faut nous mettre d’accord ensemble, en tant que collectif, sur les raisons pour lesquelles on accepte l’évaluation, et dans quelles conditions. Je ne crois pas qu’il existe une opposition générale et par principe à l’évaluation. Bref, mettons-nous d’accord sur ce qui constitue une bonne évaluation.

J’aimerais aussi qu’un travail soit mené en urgence pour que les données collectées ne soient plus entrées manuellement par des chercheurs et des enseignants-chercheurs. Ce faisant je veux faire preuve d’humilité et reconnaître que nul, parmi ceux qui travaillent au sein du Hcéres, ne fait preuve de quelque mauvaise volonté que ce soit. Mais simplifier, c’est compliqué. Et pour cause : cela implique de retirer des critères et des informations, dont certains estiment qu’il est fondamental de les conserver. Si simplifier était simple, cela aurait déjà été fait ! Sachons reconnaître que les personnes qui travaillent au Hcéres ont conscience de cet enjeu de simplification, mais que simplifier, je le répète, est compliqué.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. José Gonzalez (RN). Madame Chevallier, merci pour vos précisions qui ont le mérite d’être claires et audibles. Le Hcéres évalue des établissements aux profils très variés – des universités publiques et des établissements privés – suivant des critères qui influencent sur leur financement et leur crédibilité. Comment garantir une évaluation équitable, qui tienne compte de cette diversité sans accentuer les inégalités entre établissements ?

Par ailleurs, les classements internationaux favorisent souvent les sciences exactes au détriment des sciences humaines et sociales. Envisagez-vous d’adapter les méthodes d’évaluation pour mieux valoriser ces disciplines et éviter un modèle trop uniformisé ?

Mme Julie Delpech (EPR). Les critères d’évaluation du Hcéres déterminent en grande partie l’avenir des formations universitaires et des établissements qui les dispensent. Or ces indicateurs, avant tout quantitatifs, ne prennent pas toujours en compte les contextes spécifiques des formations. Les taux d’échec ou d’insertion professionnelle sont ainsi examinés sans que soient intégrés des facteurs aussi déterminants que le profil social des étudiants, les inégalités territoriales ou encore les conditions d’études. Il n’est pas non plus tenu compte du fait qu’en fonction du territoire où l’on habite, les possibilités de trouver un emploi au sortir du diplôme ne sont pas les mêmes. Ces facteurs peuvent pourtant avoir un impact majeur sur les parcours des étudiants. Comment envisagez-vous concrètement d’intégrer ces réalités dans les méthodes d’évaluation du Hcéres, pour assurer une appréciation plus juste et plus complète de la qualité des formations ?

M. Eric Liégeon (DR). « Complexité », « manque de transparence », « bureaucratie » : le dernier rapport du Hcéres sur le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, daté de novembre 2023, n’est pas tendre avec cet institut de recherche. Il met en lumière des axes d’amélioration majeurs en matière de gouvernance, de transparence, de gestion des ressources humaines et de viabilité financière, en particulier pour mieux retenir les meilleurs chercheurs. Il pointe également les défis liés à l’autonomie des unités de recherche, à la relation du CNRS avec les universités et au fardeau bureaucratique pesant sur les chercheurs, qui peuvent passer jusqu’à 50 % de leur temps à gérer les tâches administratives. Quel est votre avis sur ces recommandations ? Si vous êtes nommée présidente du Hcéres, comment envisagez-vous d’accompagner le CNRS dans l’application de ces préconisations ?

M. Christophe Marion (EPR). Depuis la campagne d’évaluation de 2013-2014, le Hcéres n’utilise plus le système de notation chiffrée pour évaluer les laboratoires de recherche. L’évaluation est désormais plus qualitative et s’appuie sur des critères qui prennent en compte la diversité des missions du laboratoire et de la recherche qu’il conduit, ou sa dimension interdisciplinaire. Cette approche, qui tient compte des produits de la recherche, de l’organisation de l’unité et de sa vision stratégique, vise à fournir aux laboratoires évalués des outils d’amélioration continue, tout en respectant la diversité des cultures scientifiques et des pratiques de recherche. Cependant, cette nouvelle méthodologie n’est pas sans poser problème : manque de standardisation, subjectivité accrue, complexité d’interprétation, difficulté pour les tutelles à quantifier les performances et, éventuellement, à ajuster leur financement. Dès lors, le risque existe de transformer l’évaluation en « robinet d’eau tiède », pour citer l’un de vos prédécesseurs, Didier Houssin. Quel est votre sentiment sur ce point ? Comment envisagez-vous d’améliorer l’évaluation des laboratoires ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous auditionnerons, cet après-midi, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et l’interrogerons sur le budget de la recherche que je ne considère pas à la hauteur des enjeux, notamment au regard de celui de la souveraineté. Quelle vision avez-vous de ce budget, eu égard à votre parcours académique de chercheuse ?

Mme Céline Calvez (EPR). Le Hcéres joue un rôle clé dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde académique. Ses prérogatives ont été consolidées par la loi de programmation de la recherche pour 2021-2030, qui a renforcé l’intégration de l’égalité femmes-hommes dans les critères d’évaluation des établissements. Parallèlement, la loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, dite « loi Rixain », de 2021 a facilité cette démarche en imposant aux établissements d’enseignement supérieur la publication d’un index de l’égalité des chances, permettant ainsi d’évaluer la parité dans chaque formation et d’encourager des politiques plus inclusives. Il apparaît essentiel que le Hcéres puisse continuer à veiller à la prise en compte de la parité dans les instances de gouvernance, mais aussi au suivi des écarts de carrière et à l’impact des politiques de recrutement sur l’égalité des sexes. À votre connaissance, les conseils d’administration des établissements respectent-ils déjà ces obligations ? Comment accroître l’application de ces règles, afin de renforcer durablement l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement et la recherche ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Merci pour votre franchise quant à la nécessité de maintenir le Hcéres et à l’importance d’un contrôle par les pairs. Vous avez parlé de ce principe scientifique, mais nous aurions aussi voulu vous entendre au sujet des dérives anti-scientifiques. On assiste à des pratiques de plus en plus contestables du point de vue scientifique, qu’il s’agisse du plagiat, de l’utilisation de ChatGPT ou de formes de fraudes scientifiques, y compris, parfois, de la part de personnes autorisées par l’institution. Tout cela un terreau propice au développement de l’obscurantisme et à la remise en cause de certaines théories scientifiques et de certains examens scientifiques. Nous avons ainsi entendu notre collègue Chudeau nous expliquer que le genre n’est pas un concept scientifique. Quels moyens de lutte prévoyez-vous contre cette « déscientifisation » de l’université ?

Mme Violette Spillebout (EPR). En tant que députée du Nord, je suis très attachée à l’éducation, à l’innovation et au rayonnement scientifique de ma ville et de ma région des Hauts-de-France. L’un de nos fleurons est l’Institut Pasteur de Lille, acteur historique de la recherche biomédicale en France. On se souvient des premiers vaccins dans les années 1920 et, plus récemment, des recherches sur le virus Zika et lors de la pandémie de covid-19. À travers l’Institut Pasteur de Lille, je salue l’ensemble de nos chercheurs français, dont nous sommes fiers. Malgré ses réussites, l’Institut doit se battre pour des financements plus importants et pour sa reconnaissance institutionnelle. Nous avons ainsi réussi à sauver 3 millions d’euros menacés en 2025.

Le Hcéres avait nommé un comité international pour évaluer l’Institut pour la période 2018-2022. Ce travail avait donné lieu à de nombreuses recommandations sur l’excellence scientifique et l’amélioration de la gestion. Comment le Haut conseil, critiqué et menacé dans son utilité, peut-il contribuer à évaluer, à accompagner et à concrétiser ses recommandations afin d’encourager et de renforcer la place de nos institutions pour la souveraineté scientifique et le rayonnement de la France à l’international ?

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Le Hcéres a évalué de façon assez défavorable des universités d’Île-de-France hors de Paris, des Hauts-de-France, de Mayotte et de La Réunion, qui sont en première ligne face aux effets du désengagement de l’État. Les résultats publiés le 14 février dernier visent dans une proportion très importante des diplômes de licence et de master des filières de sciences sociales. Il apparaît également que le contexte socio-économique particulier dans lequel se trouvent les communautés universitaires concernées n’a pas fait l’objet d’une prise en compte sérieuse dans la procédure d’évaluation.

Je nourris quelques interrogations quant au rôle du Hcéres. Sa mission est d’évaluer la qualité des établissements et de leurs activités en toute indépendance vis-à-vis des orientations du pouvoir politique, et non pas de les stigmatiser. En ce sens, quels engagements pouvez-vous prendre afin de garantir l’impartialité et la transparence des procédures d’évaluation ?

À l’heure de la baisse du financement des universités, à rebours des aspirations de nos jeunesses et de notre souveraineté en matière de recherche scientifique, l’impact des évaluations est important – nous savons en particulier que leurs résultats peuvent influencer les financements. Comment veillerez-vous à ce qu’elles ne fragilisent pas les structures déjà en difficulté ?

M. Freddy Sertin (EPR). Si votre candidature est confirmée, votre rôle sera crucial pour garantir l’excellence et l’intégrité de la recherche et de l’enseignement supérieur en France, mais également son rayonnement à l’international. Les enjeux et les défis du monde actuel impliquent que nous soutenions plus que jamais la recherche et l’enseignement supérieur ; plus que jamais, nous devons démontrer l’excellence française en maintenant sur le territoire européen nos meilleurs experts et ainsi enrayer la « fuite des cerveaux ». Pouvez-vous nous exposer votre stratégie pour attirer et retenir les meilleurs chercheurs et enseignants, ainsi que pour encourager l’innovation et l’adaptabilité de l’institution face aux évolutions rapides du paysage de la recherche et des enjeux internationaux ?

Mme Coralie Chevallier. Les questions de M. Gonzalez et de Mme Spillebout portent sur la façon d’évaluer les établissements et les champs disciplinaires. C’est une question à tiroirs, à laquelle la réponse courte est que l’on ne doit pas évaluer toutes les disciplines avec les mêmes critères et les mêmes références. Par exemple, il serait étonnant d’évaluer la production en anglais des juristes qui travaillent sur le droit français. Pour le droit, la publication en français a tout son sens. Les variations disciplinaires doivent donc être prises en compte pour la langue de publication, mais aussi pour l’évaluation du format de publication. Dans le monde entier, en histoire, on publie des livres. En physique, la place du livre est différente : c’est le plus souvent un manuel ou un ouvrage de vulgarisation scientifique. Il faut aussi tenir compte des spécificités disciplinaires et même de celles des sous-champs disciplinaires quand on utilise la bibliométrie – question soulevée par Mme la rapporteure.

Je prendrai l’exemple des mathématiques fondamentales et des mathématiques appliquées, deux sous-champs disciplinaires que l’on ne peut évaluer de la même manière. Si un mathématicien développe un outil statistique nouveau, celui-ci sera utilisé par de nombreux scientifiques et le travail qui aura conduit à ce développement sera largement cité. D’un point de vue purement comptable et bibliométrique, l’impact sera immense. En revanche, l’article de recherche de mathématiques fondamentales qui aura permis à ce chercheur de développer cet outil ne sera cité qu’une fois. Est-ce à dire que le travail de recherche fondamentale qui a permis l’application est moins important que celui qui a conduit au développement du nouvel outil ? Non, bien sûr.

Les métriques doivent être utilisées de façon combinée, avec du qualitatif et du quantitatif, en ayant conscience que chacune est biaisée. C’est pour cela qu’il faut en utiliser beaucoup, que cela prend du temps et que c’est coûteux. Pour réduire les coûts, on pourrait opter pour une évaluation strictement comptable. La raison pour laquelle le Hcéres coûte cher est qu’il mobilise des experts disciplinaires et l’évaluation par les pairs. Cela ne signifie pas que les budgets ne peuvent pas être optimisés, mais il faut comprendre que faire une évaluation subtile prend du temps et coûte cher.

Il faut aussi éviter les distinctions simplistes entre SHS et sciences dures. Au sein des SHS, il faut tenir compte des différents champs disciplinaires. La place du livre est différente en histoire et en économie. La place du français est différente en littérature et en psychologie. La place de la bibliométrie doit être différente pour les sciences de la vie et pour les mathématiques fondamentales. Bref, il faut être fin et nuancé, et toujours se rappeler pourquoi l’on fait tout cela et quel est le sens de l’évaluation.

Le lien entre l’évaluation et les moyens a aussi été évoqué. Il est fondamental de maintenir une distinction très stricte entre l’évaluation et la décision, c’est-à-dire entre les responsabilités du Hcéres d’une part et les responsabilités des décideurs et des tutelles d’autre part. C’est en cela qu’il s’agit d’une administration indépendante, qui doit le rester. Pour autant, il ne faut pas en tirer la conclusion que l’évaluation n’a rien à voir avec la décision : elle vise à fournir des éléments qui permettent d’éclairer la décision. La barrière étanche doit se situer entre la façon dont on évalue et les décisions qui sont prises. Celui qui évalue n’interfère pas avec le processus décisionnel. Mais l’on espère que les décisions sont arrimées dans des éléments objectifs et de qualité.

Ces éléments me permettent aussi de parler de l’accompagnement du CNRS – pour répondre à la question de M. Liégeon – dans le suivi des recommandations par exemple, ou de l’avis du Hcéres sur les coupes budgétaires. J’ai des avis personnels, mais je tiens à distinguer l’évaluation de la décision. En l’occurrence, le Hcéres n’a pas à se prononcer sur les budgets de la recherche. En revanche, il a à tenir compte de la situation budgétaire des établissements pour faire des évaluations de qualité. On ne peut pas demander à des établissements qui ont connu des coupes budgétaires d’avoir le même niveau d’ambition.

J’en viens à la question de M. Sertin sur la façon de retenir en France les chercheurs et les enseignants-chercheurs. Là encore, si le Hcéres peut avoir un avis sur la stratégie des établissements, il n’a aucun pouvoir de décision quant à l’application des mesures mises en œuvre à cette fin. La distinction entre évaluation et décision est fondamentale : il faut la préserver.

Monsieur Marion, vous avez évoqué la décision de mettre fin à la notation des laboratoires. On peut avoir un débat, mais il sera technique : y a-t-il plus de collatéraux négatifs que de collatéraux positifs à la notation ? Dans certains cas, la notation aide à comprendre rapidement la situation. Un indice synthétique comme le nutri-score, par exemple, permet de voir en un clin d’œil si un aliment est bon pour la santé. Il y a donc des avantages à la notation. Mais il existe aussi des collatéraux négatifs et des effets pervers. D’ailleurs, certains pays européens qui ont eu recours à la notation reviennent en arrière. À titre personnel, je considère qu’elle présente plus de collatéraux négatifs que positifs ; aussi je ne crois pas souhaitable de la remettre en place. Cela dit, ne pas noter ne signifie pas ouvrir le « robinet d’eau tiède ». Pour reprendre l’exemple de la Cour des comptes, on peut fournir des rapports incisifs et sincères sans avoir recours à la notation. Il faut essayer de garder le bénéfice de la sincérité, sans utiliser un indicateur qui serait trop synthétique et trop simpliste.

L’égalité entre les femmes et les hommes fait partie, et cela importe beaucoup, des référentiels du Hcéres. L’université ne peut pas tout, le Hcéres non plus. Mais les référentiels d’évaluation comportent des critères clairs, qui permettent aux universités d’expliquer leur stratégie en la matière. Ces référentiels intègrent aussi des éléments qui permettent d’évaluer à quel point les formations et la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles sont bien intégrées à la stratégie vis-à-vis des personnels comme des étudiants.

Je termine avec la vague E, madame Herouin-Léautey, d’abord en faisant une parenthèse autobiographique. J’ai grandi dans un village de quelques centaines d’habitants dans le centre de la France, puis dans le Val-de-Marne. Pour des raisons différentes, ces deux territoires ne sont pas au cœur de l’information la plus immédiatement accessible concernant le fonctionnement du système. J’ai donc un intérêt particulier pour ces sujets, qui s’est notamment traduit par mon action en tant que vice-présidente formation de l’université PSL, où nous avons remis à plat les politiques d’accompagnement à la réussite et d’intégration d’élèves boursiers. Certes, l’université PSL est une université particulière. Il n’empêche que tout le monde doit jouer son rôle. Ce n’est pas que l’affaire des universités situées dans des territoires dans lesquels la part des étudiants de milieux modestes est plus forte. C’est l’affaire de tous.

Mon intérêt pour ces questions s’est aussi concrétisé dans mon travail de recherche, puisque je m’intéresse tout particulièrement aux inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Tout cela me conduit à penser que l’on doit faire plus pour personnaliser les évaluations en fonction du territoire dans lequel s’inscrit l’établissement.

Les chances d’accès à l’emploi ne sont effectivement pas les mêmes dans tous les territoires. Ce n’est pas la faute des universités, c’est ainsi. Mais on ne peut pas évaluer l’insertion professionnelle de la même manière dans tous les territoires. Ce qui est intéressant, pour le Hcéres, c’est d’évaluer la stratégie des universités pour répondre à des besoins spécifiques. De la même manière qu’il ne peut pas évaluer tout le monde de la même façon, toutes les universités ne doivent pas avoir la même stratégie, précisément parce qu’elles ne sont pas ancrées dans les mêmes territoires et parce qu’elles n’accueillent pas les mêmes publics. Dans ce contexte, le Hcéres peut évaluer la stratégie des établissements pour l’accompagnement à la réussite, l’accueil des étudiants et leur accompagnement vers le monde professionnel.

Mme Marie Mesmeur, rapporteure. Je vous remercie d’avoir joué le jeu et d’avoir répondu comme vous l’avez fait. J’ai entendu que vous partagez certaines critiques de nos collègues chercheurs, auxquelles vous avez tenté de répondre avec honnêteté. Mais vous avez plutôt interrogé les causes ; or il me semble que les conséquences méritaient aussi d’être abordées et critiquées. L’acceptabilité du Hcéres et de ses campagnes n’est pas le seul problème, et sa résolution ne passera pas seulement par la simplification. Il faut aussi interroger les conséquences des procédures du Hcéres.

J’ai relevé trois aspects, pour argumenter mon avis. Le premier est l’obscurantisme. Le terme woke provient du verbe anglais wake, qui décrit un état d’éveil. Aujourd’hui, les sciences humaines et sociales sont très attaquées. Pendant l’examen du budget, nos collègues députés ont même proposé un amendement pour les supprimer. Je rappelle que le wokisme n’est rien d’autre que l’étude des questions essentielles pour comprendre le monde dans lequel nous vivons, et que les sciences sociales s’intéressent aux rapports de pouvoir, aux inégalités et aux dynamiques culturelles et historiques. Elles étudient les biais, les stéréotypes et les discriminations qui traversent notre société. À ce titre, elles sont indispensables. Aussi faut-il défendre une recherche ambitieuse, diverse et indépendante. Ce pourrait être le rôle du Hcéres. J’attendais une réponse plus ambitieuse, de la part de Mme Chevallier, pour défendre la recherche publique contre ces attaques inconsistantes.

Le deuxième aspect est l’instrumentalisation politique du Hcéres pour détruire l’université de masse. Ce sujet, soulevé dans l’article M. Bonnéry dont j’ai parlé, est également questionné dans de nombreux articles et prises de parole de vos confrères. D’après eux, la vague E répond à un agenda qui mettra en compétition les filières, les unités de recherche et les universités. Le Hcéres, dites-vous, ne recourt pas aux notes et n’a pas pour but de classer les universités. Pourtant, même si vous réfutez de telles méthodes, le Haut conseil se fonde en grande partie sur des notes et des classements, à commencer par celui de Shanghai ou les classements bibliométriques dont vous avez parlé. Le résultat est que de nombreuses formations sont négligées, et cela suscite des critiques quant à la poursuite de trop nombreuses études ou à l’investissement des enseignants dans certaines formations. Sur ce sujet nous aurions aimé connaître l’avis de Mme Chevallier, qui s’apprête peut-être à présider le Hcéres. Concernant la vague E, les critiques sont denses. Elles méritaient d’être questionnées, notamment au regard de la violence ressentie par vos confrères chercheurs.

Le troisième aspect concerne l’enseignement privé, qui a fait l’objet de nombreuses questions. L’acceptabilité ne passera pas uniquement par la simplification, mais aussi par une véritable refonte. Selon la recommandation n° 14 du rapport Folest-Descamps sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif, il convient de « mettre en place sous l’égide du ministère de l’enseignement supérieur une évaluation pédagogique des formations initiales post-bac dispensées par l’enseignement supérieur privé à but lucratif », donc « faire de son obtention une condition d’accès aux aides à l’apprentissage dans un objectif d’utilisation qualitative des deniers publics », mais aussi « de référencement sur Parcoursup. Pour en garantir la faisabilité et la soutenabilité financière, rendre l’évaluation payante et la facturer aux organismes de formation concernés. La rendre également publique. Confier cette évaluation au Hcéres, accompagné par les commissions spécialisées lorsqu’elles sont compétentes. » J’aurais aimé que Mme Chevallier donne son avis sur ces pistes de réflexion.

Mme Coralie Chevallier. Je l’ai donné.

Mme Marie Mesmeur, rapporteure. Si vous l’avez donné, excusez-moi.

J’en viens à Parcoursup. Vous estimez qu’il est logique de ne pas évaluer toutes les universités de la même manière, et qu’il faut tenir compte de leur inscription territoriale tout en interrogeant leur stratégie, ce que je trouve intéressant. Mais vous avez aussi lié ce sujet à la question de l’employabilité. Or la vocation première des études n’est pas l’employabilité, mais la montée en compétences et le développement de l’esprit critique, partout sur le territoire.

Vous n’avez pas non plus répondu aux questions touchant aux différences entre les universités liées à Parcoursup et à la démographie des universités, ou à l’intégration des étudiants – premiers concernés par les formations visées par les campagnes du Hcéres.

Pour finir, je redis que votre candidature est de qualité et que votre expérience n’est pas en cause. J’ai eu beaucoup d’intérêt à écouter vos réponses quant aux critiques que l’on peut partager au sujet du Hcéres. Néanmoins, elles ne vont pas assez loin pour moi. C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis réservé.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame Chevallier, nous vous remercions.

 

Délibérant à huis clos, la commission se prononce ensuite par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du règlement, sur la proposition du président de la République de nommer Mme Coralie Chevallier à la présidence du Hcéres.

Le dépouillement aura lieu en fin d’après-midi, à l’issue de l’audition de M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, afin d’intervenir au même moment que le dépouillement au Sénat.

La réunion est suspendue de onze heures à onze heures quinze.

*

La commission examine une demande d’attribution à la commission des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête en application de l’article 5 ter de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. J’ai reçu jeudi 13 février un courrier de M. Paul Vannier, qui souhaite que soit soumise au vote de la commission l’opportunité, pour elle, de demander à l’Assemblée de lui conférer pour une durée de six mois les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, afin d’enquêter sur les défaillances du contrôle des établissements privés sous contrat par l’État, comme le permet l’article 5 ter de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Ce courrier vous a été transmis.

Si la commission décidait de formuler cette demande, l’article 145-1 de notre Règlement prévoit que je l’adresserai à la présidente de l’Assemblée nationale. La demande devra « déterminer avec précision l’objet de la mission » pour laquelle le bénéfice des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête est demandé.

En application de l’article 145-2 du Règlement, la demande serait immédiatement notifiée au garde des Sceaux, afin qu’il fasse connaître si des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits concernés.

Conformément à l’article 145-3 du Règlement, la demande serait affichée et notifiée au gouvernement et aux présidents des groupes et des commissions. Elle serait considérée comme adoptée si « avant la deuxième séance qui suit cet affichage, l[a] Président[e] de l’Assemblée n’a[vait] été saisie d’aucune opposition par le Gouvernement, le président d’une commission ou le président d’un groupe ». En cas d’opposition, un débat sur la demande serait inscrit d’office à l’ordre du jour de la séance publique. Il s’achèverait par un vote.

Les demandes de ce type ne sont pas fréquentes. À l’Assemblée nationale, au cours de la dernière décennie, cette procédure a été appliquée deux fois par la commission des lois, en 2015 et en 2018, et une fois, à l’automne 2024, par la commission des finances, pour l’enquête sur les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024. Au Sénat, la procédure a été appliquée à dix reprises.

À ce stade, il vous appartient de décider si la commission formule ou non la demande auprès de la présidente de l’Assemblée. Je donne la parole à M. Paul Vannier, pour qu’il justifie sa demande.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Comment tant de crimes ont-ils pu être commis pendant tant d’années sur des générations d’élèves de Notre-Dame de Bétharram, établissement privé – collège et lycée – sous contrat, financé sur fonds public, sans qu’aucun service de l’État n’intervienne ? Afin d’identifier et de corriger de possibles défaillances, de protéger nos enfants d’autres Bétharram, je vous propose de doter notre commission des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, comme le permettent l’article 5 ter de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et l’article 145-1 du Règlement de notre assemblée.

Cette commission d’enquête aurait pour but de faire toute la lumière sur les conditions du contrôle des établissements privés sous contrat par l’État. Pour nous permettre de travailler sans a priori, je vous propose de modifier son intitulé. Elle porterait sur les « modalités » – plutôt que sur les « défaillances » – du contrôle.

Cette commission d’enquête ne saurait se substituer aux procédures judiciaires en cours ou empiéter sur leur champ – 112 plaintes d’anciens élèves de Bétharram visant quatorze agresseurs supposés ont été déposées et la justice doit suivre son cours en parfaite indépendance.

Cette commission d’enquête ne saurait non plus se limiter au seul cas de l’un des 7 500 établissements privés sous contrat de notre pays. Ces derniers scolarisent 2 millions d’élèves et appellent une attention toute particulière du législateur.

Aux termes de la loi Debré de 1959, le contrat d’association avec l’État permet des contrôles pédagogiques, administratifs et financiers par les services d’inspection de l’éducation nationale, les directions départementales des finances publiques et les préfets, qui sont chargés annuellement du renouvellement des contrats. Or ces contrôles semblent insuffisants et défaillants. Alors que les établissements publics sont en moyenne inspectés tous les cinq ans, Notre-Dame de Bétharram n’a fait l’objet d’aucune inspection administrative au cours des trente dernières années, en dépit du dépôt de nombreuses plaintes pour violences physiques et sexuelles sur des élèves depuis le milieu des années 1990.

En 2023, la Cour des comptes relevait que le contrôle des établissements privés sous contrat, pourtant prévu par le cadre législatif et réglementaire, était quasi inexistant. Quand ces contrôles ont lieu, ils sont limités au temps scolaire, et souffrent de nombreux angles morts ou de lacunes. Des pans entiers de la vie des élèves échappent ainsi au regard de l’extérieur, en particulier la vie des internats, particulièrement nombreux dans les établissements privés sous contrat – il y en a environ 600, si bien que le taux d’élèves internes dans le privé est deux fois supérieur à celui du public.

Le passage au ministère de l’éducation nationale de Mme Nicole Belloubet a marqué le début d’une prise de conscience, avec l’annonce d’un plan pluriannuel de contrôle, du recrutement de 60 inspecteurs dédiés aux établissements privés sous contrat, et l’élaboration d’un guide de contrôle de ces établissements. Il paraît opportun d’évaluer l’efficacité de ces mesures.

Je vous demande d’assumer pleinement nos prérogatives constitutionnelles. En tant que députés, nous sommes chargés de contrôler l’action du Gouvernement, d’évaluer les politiques publiques et de voter la loi – cette commission d’enquête pourrait aboutir à la rédaction de plusieurs propositions de loi. Nous le devons aux victimes. Leur courage, leur force nous oblige. Nous ne pouvons détourner le regard face à Alain Esquerre et à tous les anciens élèves de Bétharram. Selon l’Unicef, au moins 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année en France, soit une victime toutes les trois minutes.

Selon la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) présidée en 2021 par Jean-Marc Sauvé, 30 % des abus sexuels commis par des membres de l’Église le sont dans des établissements scolaires et internats catholiques, faisant du milieu scolaire le premier terrain d’action des pédocriminels.

Notre responsabilité est immense. Nos concitoyens attendent de leurs représentants qu’ils mettent un terme à l’omerta sur les violences pédocriminelles, qu’ils protègent tous les enfants, y compris ceux scolarisés dans les établissements privés sous contrat. Je vous invite donc à voter en faveur de cette demande.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je suis satisfaite du nouvel intitulé que vous proposez pour la commission d’enquête. En effet, conformément à notre rôle, nous devons travailler sans a priori. Il fallait renoncer au terme « défaillance » – mon avis sur votre demande dépendait de ce point.

Il n’est pas question de se substituer à la justice et de traiter les plaintes déposées. Plus de 2 millions d’enfants sont scolarisés dans les établissements privés sous contrat. Notre rôle est de vérifier qu’ils sont bien protégés en évaluant le contrôle, par l’État, des établissements privés sous contrat. Demain, notre travail au sein de la commission des affaires culturelles devra également porter sur celui des établissements publics, même si ce ne sera pas notre chantier majeur.

M. Roger Chudeau (RN). Tout à l’heure, M. Corbière voulait me mettre sous cloche, mais j’ai l’impression, en écoutant M. Vannier, que lui et son groupe baignent dans le formol. On se croirait en 1905. Vous êtes obsédés par le projet de relancer la guerre scolaire, en ciblant l’enseignement catholique, comme c’était déjà le cas dans le rapport d’information déposé par MM. Vannier et Weissberg sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat, sous la précédente législature.

Votre demande vise en premier lieu à déstabiliser le premier ministre, dont vous avez demandé la démission lors des questions au gouvernement, sans craindre le ridicule. Elle vise, deuxièmement, à désigner l’enseignement catholique comme le responsable de tous les maux de l’enseignement public, qui est devenu tragiquement inefficace. Enfin, et c’est beaucoup plus grave, vous cherchez à masquer par un écran de fumée l’entrisme de l’islamisme radical dans les établissements publics. Le véritable danger qui menace l’enseignement public est là et non dans l’enseignement privé. Nous nous opposerons radicalement à votre proposition.

Mme Céline Calvez (EPR). Ce débat est nécessaire, au vu de la tragédie que constitue la pédocriminalité. Pourriez-vous toutefois préciser l’étendue des contrôles visés ? Vous limitez-vous à ceux qui concernent les violences perpétrées dans les établissements privés sous contrat ou souhaitez-vous inclure le contrôle du respect des programmes, de la mixité sociale et scolaire et de l’utilisation des financements publics ?

Par ailleurs, quelle sera la plus-value de l’enquête proposée par rapport aux préconisations formulées à l’issue de votre rapport d’information ? Le ministère de l’éducation vient déjà de renforcer les contrôles et a fixé un objectif de contrôle de 40 % de ces établissements dans les deux ans.

Enfin, dans quelle mesure la transformation de notre commission en commission d’enquête n’obérera-t-elle pas nos autres travaux ? Nous devons relever de nombreux défis et je refuse que notre commission soit instrumentalisée pour des attaques politiques.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Notre responsabilité est immense. Le cœur de notre fonction de parlementaire est d’entendre la société, les interrogations très nombreuses qui l’agitent, les victimes stupéfaites que tant de crimes aient pu être commis pendant tant d’années au sein d’un même établissement et qui s’interrogent plus généralement sur la protection des enfants au sein de l’école – soit l’institution qui devrait les protéger et les émanciper.

Nous nous tenons loin de toute polémique artificielle, même si la responsabilité du premier ministre pose des questions politiques. Nous avons unanimement décidé de créer une commission d’enquête sur les violences dans la culture, conformément aux attentes de Judith Godrèche et de bien des victimes, car nous avons compris que, dans ce secteur, les violences étaient systémiques. De même, la présente demande répond à une attente de la société et relève de nos compétences.

Tous les enfants sont les enfants de la République. Les 2 millions d’enfants scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat ne valent pas moins que les autres et l’État leur doit la protection. Rappelons que la part des internes est plus importante dans l’enseignement privé que dans le public, alors que les internes sont davantage exposés aux prédations sexuelles.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Monsieur Chudeau, je n’en reviens pas. Nous évoquons des centaines de victimes, des plaintes, des viols qui ont eu lieu pendant des dizaines d’années et vous nous reprochez de faire le procès de l’école privé ! À quel moment avez-vous atteint un tel degré d’indignité que vous choisissez de renoncer à écouter les dizaines voire les centaines de victimes violées, frappées, pour mieux défendre l’enseignement privé ? Est-ce votre conception de l’éducation, à l’issue de votre carrière dans ce secteur ?

Notre devoir impérieux de législateur est de protéger les enfants des viols et des violences. Si vous en convenez, votez pour cette commission d’enquête, nonobstant vos convictions profondes sur le rôle de l’enseignement privé – que nous ne condamnons d’ailleurs pas par principe.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). Mes premières pensées iront aux nombreuses victimes de violences physiques et sexuelles de Notre-Dame de Bétharram, qui méritent des réparations et de la considération. Les victimes, qui ont déposé 112 plaintes pour des faits remontant jusqu’à 1970, demandent légitimement que les dysfonctionnements soient mis en lumière et que les contrôles publics soient améliorés.

Si nous souscrivons au projet de créer une commission d’enquête, celle-ci ne doit pas cibler les seuls établissements privés, et doit concerner tous les établissements. Cette affaire ne doit pas être instrumentalisée à des fins politiques par ceux qui remettent en question l’existence même des établissements privés, notamment catholiques.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Au vu de la systématicité des violences, de leur temporalité, parce que la majorité des adultes de ces établissements n’ont pas signalé les faits et que les violences ont fait l’objet d’une omerta dans la société, il est indispensable d’étudier le contrôle des internats, notamment privés. Y renoncer serait incompréhensible.

Je regrette que la demande de création d’une commission d’enquête à ce sujet, déposée l’an dernier au Sénat par Mme de Marco, n’ait pas abouti. Nous avons perdu un an.

J’ose par ailleurs espérer que tout se déroule bien pour les enfants actuellement scolarisés à Bétharram. Les journaux rapportent chaque jour des faits plus graves à propos de cet établissement. Avançons, sans nous voiler la face.

M. Erwan Balanant (Dem). Nous partageons tous le même constat : nous devons évaluer et contrôler résolument, conformément à notre rôle constitutionnel.

Cependant, votre demande soulève des questions. Je suis rapporteur de la commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité, qui a mené près de cent auditions. C’est un travail à temps plein. Si nous nous contentons de doter la commission des affaires culturelles des pouvoirs d’une commission d’enquête, nous ne serons pas suffisamment efficaces et complets. Il faudrait plutôt créer une commission d’enquête ad hoc. J’invite le groupe La France insoumise à utiliser son droit de tirage en ce sens.

Par ailleurs, nous devons l’écoute à toutes les victimes. Les pensionnats publics doivent être contrôlés au même titre que les privés, parce que tout ne va pas forcément bien dans chacun des établissements. Lorsque je préparais la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire, tout le monde m’invitait à restreindre son champ à l’enseignement public, mais j’ai persisté à l’étendre à l’enseignement privé, car le harcèlement scolaire y est également présent.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Plusieurs groupes, dont le groupe LFI, ont déjà exercé leur droit de tirage pour cette session ordinaire.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nos travaux sont filmés. Certaines victimes de Bétharram nous regardent. Les faits sont insupportables, abjects. Chaque nouveau témoignage est glaçant.

Nous ne sommes pas des juges, et il ne s’agit pas d’instruire un procès. Toutefois, nous devons faire la lumière sur les défaillances de l’État, qui doit garantir partout en France que les établissements privés et publics sont des sanctuaires où les élèves sont protégés de toute violence physique, verbale ou sexuelle.

Les défaillances sont celles du ministère de l’éducation nationale – un inspecteur d’académie a reconnu que son rapport sur Notre-Dame de Bétharram ne tenait pas la route –, mais sans doute aussi celles du ministère de la justice, qui n’a pas donné suite aux alertes d’un procureur général.

Une commission d’enquête serait utile si elle permettait d’empêcher que des violences similaires se reproduisent partout en France, pas seulement dans les établissements privés. Monsieur Vannier, si vous n’élargissez pas le périmètre aux établissements publics, nous nous abstiendrons donc. Évitons que ces travaux soient instrumentalisés politiquement, pour relancer la guerre entre les enseignements public et privé, ou pour faire le procès de l’enseignement catholique.

Enfin, même si je ne minimise pas le drame de Bétharram, si nous dotons notre commission des prérogatives d’une commission d’enquête, je crains que cela ne nuise à nos autres travaux, alors qu’il y a déjà tant à faire. N’y a-t-il pas une autre manière de mener un travail approfondi dans une commission ad hoc, après ce drame ?

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il serait en effet intéressant d’élargir le champ aux internats publics. Quant au temps scolaire dans le secteur public, il fait déjà l’objet de contrôles réguliers – quoique peut-être insuffisants. Sa situation est en tout cas très différente de celle de l’enseignement privé, où les contrôles posent un problème bien documenté.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Monsieur Vannier, vous indiquez que les prédateurs sexuels sévissent en premier lieu dans les établissements scolaires. N’oublions pas les victimes d’actes commis dans un contexte périscolaire ou associatif, lors de l’apprentissage ou de la prépa-apprentissage, les mineurs qui étaient envoyés par le passé dans le milieu professionnel dès la classe de quatrième et étaient victimes de leur maître de stage. Ma famille a traversé ces épreuves. Rappelons que tous les milieux doivent mener une introspection.

Peut-être est-il dommage de travailler sur ces questions en silos. J’ai une pensée pour les victimes, dont la vie est bouleversée, comme celle de leurs proches.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je ne suis pas surprise que M. Chudeau s’oppose à cette demande. Il s’opposait déjà à la création d’un programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité, en préférant renvoyer ces questions à la famille – tant pis pour les jeunes victimes de violences intrafamiliales.

Monsieur Chudeau, si Bétharram avait été un établissement musulman, vous auriez été les premiers à demander la création d’une commission d’enquête. Les établissements privés musulmans, qu’ils soient sous contrat ou hors contrat sont inspectés plus d’une fois par an – et à juste titre, vu le danger que constitue l’islamisme politique. N’oublions pas, toutefois, que la République est confrontée à un autre danger, depuis de nombreuses années, celui de la domination de l’autorité religieuse catholique. L’Église catholique a elle-même reconnu le caractère systémique du problème en son sein, a créé une commission pour l’étudier et a demandé pardon aux nombreuses victimes. Le problème n’est pas moins systémique dans les établissements privés catholiques sous contrat.

Oui, chers collègues du groupe Les Républicains, le problème des violences faites aux enfants est partout – je le sais pour siéger au sein de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance. Mais l’urgence va aux victimes du drame de Bétharram, à ceux qui parlaient mais n’ont pas été entendus. Il faut que la parole se libère. Si l’Église l’a fait, nous pouvons le faire. C’est notre devoir et le seul moyen est de doter notre commission des prérogatives d’une commission d’enquête. Joignez-vous à nous. Soyez une force républicaine.

M. Xavier Breton (DR). Ce sujet doit être abordé avec prudence, par égard pour les victimes. Ne conflictualisons pas artificiellement cette question, n’instrumentalisons pas l’actualité. Nous pourrions tous nous retrouver autour d’une enquête portant sur tous les établissements, privés ou publics. Faute d’un tel élargissement, nous ne nous associerons pas à votre demande.

Madame la présidente, vous repoussiez tout à l’heure un travail sur le contrôle des établissements publics à « demain » – mais s’il y a urgence, c’est dès aujourd’hui qu’il faut le mener. La question prioritaire est-elle celle des internats, publics et privés ? Si tel est le cas, nous pourrions nous retrouver.

M. Erwan Balanant (Dem). Nous ne pourrions pas mener un travail sérieux dans le cadre de la commission des affaires culturelles. Nous survolerions seulement les choses. Le remède serait pire que le mal.

La commission d’enquête dont je suis le rapporteur a organisé près de cent auditions. Or, exceptés sa présidente, Sandrine Rousseau, moi-même, qui suis rapporteur, et Sarah Legrain, qui est régulièrement présente, les membres de la commission n’ont pas le temps de venir aux réunions.

Il faudrait créer une commission d’enquête ad hoc, dans le cadre d’une initiative transpartisane, comme pour la commission d’enquête relative aux violences dans le monde de la culture. Je parle d’expérience.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Si nous dotons notre commission des prérogatives d’une commission d’enquête, cela ne nous empêchera pas de poursuivre nos autres travaux, notamment ceux prévus jusqu’à la fin du mois d’avril et déjà organisés. Nous pourrions ouvrir de nouveaux créneaux de réunion le mardi ou le jeudi.

M. Bertrand Sorre (EPR). Nous ne pouvons que dénoncer le drame de Bétharram et éprouver de la compassion pour les victimes. Toutefois, l’objet de la commission d’enquête ne doit pas se restreindre à l’enseignement privé sous contrat. Il doit être beaucoup plus large, pour pointer tous les dysfonctionnements dans les autres lieux d’enseignement. Sinon, nous le regretterions.

Par ailleurs, si nous votions en faveur de votre demande, quelles seraient les conséquences pour nos autres travaux, déjà nombreux ? Même si certaines questions sont moins importantes, notre commission se doit de les traiter.

Si un groupe minoritaire n’a pas encore exercé son droit de tirage, il pourrait permettre la création d’une commission ad hoc, qui travaillerait de manière beaucoup plus transversale que notre commission. De fait, cette question concerne tous les députés, sur tous les bancs.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ne nous voilons pas la face. Si le problème a pris tant d’ampleur à Notre-Dame de Bétharram, c’est que tout n’a pas encore été dit dans le cadre de la Ciase, présidée par M. Sauvé, de la situation particulière de l’Église catholique et des établissements qu’elle gère. L’Église a eu le courage d’assumer certains problèmes, sans aller suffisamment loin dans les réparations. Traitons cela comme un problème à part entière.

Si nous élargissons trop l’objet de l’enquête, nous manquerons notre cible : une certaine culture, propre aux organisations catholiques, qui pose des problèmes graves et requiert une approche particulière.

Les commissions permanentes se voient régulièrement attribuer les prérogatives d’une commission d’enquête. Cela n’empêche pas leurs autres travaux de se poursuivre normalement. Simplement, des réunions s’ajoutent à l’agenda.

Qu’elles soient créées à la suite de l’adoption d’une proposition de résolution en séance publique ou parce qu’un groupe a exercé son droit de tirage, les commissions d’enquête peuvent mener leurs travaux même quand tous leurs membres ne sont pas présents, monsieur Balanant. En outre, les travaux de la commission d’enquête proposée seraient complémentaires avec ceux, plus larges, de notre commission, sur les établissements scolaires, leur contrôle et la protection des enfants.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je partage le sentiment de compassion qui a été exprimé. La commission des finances s’est dotée des prérogatives d’une commission d’enquête pour étudier les causes des écarts des prévisions fiscales et budgétaires. Ces travaux importants, qui ont commencé il y a plus d’un mois, mobilisent tous les commissaires aux finances pendant deux ou trois jours chaque semaine.

N’étant pas membre de la commission des affaires culturelles, je ne me permets pas de porter un jugement sur vos votes. Toutefois, dans ma circonscription, je suis souvent sollicité sur des agressions, des attouchements d’enfants en situation de handicap dans des établissements publics. Imaginez la douleur, l’incompréhension des parents de ces victimes, si nous restreignons l’objet de notre enquête aux seuls établissements privés.

Mme Julie Delpech (EPR). Ces questions importantes intéressent les membres d’autres commissions permanentes, et doivent donc être traitées de manière transversale. Pourquoi ne préparerions-nous pas une proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête ?

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Le Rassemblement national est devenu le parti de l’omerta sur les violences pédocriminelles. Fort heureusement, il est le seul et se place une fois de plus au ban de l’espace démocratique et républicain que les interventions de collègues de cette commission ont fait apparaître. Je salue au passage la préoccupation largement partagée par les membres de cette commission pour les élèves victimes de violences physiques ou sexuelles dans les établissements.

Madame Calvez, je propose d’évaluer l’application des dispositifs de contrôle – administratif, pédagogique, financier – prévus dans le droit en vigueur. Toute autre question, par exemple celle de la mixité des établissements sous contrat, n’entrerait pas dans notre champ.

La mission d’information que j’ai conduite avec M. Weissberg sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat avait permis d’identifier de graves défaillances du contrôle financier – au rythme actuel, il a lieu une fois tous les 1 500 ans. Le champ de notre commission d’enquête devra être beaucoup plus large que la seule question financière, et inclure les contrôles pédagogiques, administratifs, et ceux exercés par les préfets – qui ont un rôle à jouer car ils renouvellent annuellement les contrats d’association.

De nombreux collègues souhaitent discuter du périmètre de la commission d’enquête, dans le souci légitime de garantir la protection de tous les élèves. Je partage cet objectif car nul établissement, quel que soit son statut, n’est à l’abri du risque de pédocriminalité et d’agression. Il faut néanmoins veiller à pas trop élargir le champ de la commission d’enquête, afin de ne pas désarmer ses capacités d’action et d’intervention.

Je propose, pour obtenir un large assentiment de la commission, que les modalités du contrôle des établissements publics entrent dans le périmètre de la commission d’enquête. Celle-ci ne doit pas se limiter aux internats, car des faits de violence peuvent se produire pendant le temps scolaire. Je comprends votre juste préoccupation, madame Bannier, mais nous devrions nous concentrer sur l’éducation nationale pour ne pas englober l’ensemble des violences faites aux enfants, sujet majeur mais trop large.

Vous avez été plusieurs à dire qu’une commission d’enquête représentait beaucoup de travail : c’est vrai, mais nous sommes là pour cela. Nous avons été élus pour mener ce travail-là. L’attente est extrêmement forte dans la société. Nos concitoyens veulent que nous assumions notre rôle et que nous examinions attentivement la situation apparue à travers la si tragique affaire de Notre-Dame-de-Bétharram. Je n’accepte pas l’argument d’une charge de travail trop lourde. Des députés de notre commission souhaiteront s’investir pour garantir que d’autres Bétharram ne puissent survenir et que tous les élèves de France, quel que soit leur établissement, soient protégés par la législation et par l’État.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. J’alerte les membres de la commission sur le fait que les établissements publics sont déjà contrôlés. En outre, le terme de « contrôle », extrêmement large, peut s’exercer sur les programmes ou les équipes éducatives, pas uniquement sur les faits de violence. Si nous retenions l’expression « contrôle des établissements publics et privés », nous nous engagerions dans une tâche complexe, laquelle serait difficilement gérable.

M. Roger Chudeau (RN). Nous prenons acte avec satisfaction de l’évolution de M. Vannier qui accepte d’élargir le champ de la commission d’enquête à l’enseignement public. Nous voyions dans la proposition initiale une instrumentalisation politique visant l’enseignement catholique. Si tel n’est plus le cas, le groupe Rassemblement national, qui souhaite évidemment que la lumière soit faite sur les actes abjects qui se produisent parfois dans les internats, approuvera la création de la commission d’enquête.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Il convient de couvrir tous les types de violences physiques et sexuelles, mais également tous les types de discriminations. Cette préoccupation doit se retrouver dans le titre de la commission d’enquête.

M. Alexis Corbière (EcoS). Nous savons tous que nous parlons d’un sujet extrêmement grave. L’idée que des enfants puissent subir des violences est intolérable. Beaucoup de gens nous regardent et nous ne pouvons pas décider de ne rien faire, car nous enverrions alors un message terrible affirmant que tout continuera comme avant. Quelle que soit notre opinion, tout le monde a compris que certaines institutions, l’éducation nationale et les systèmes de contrôle avaient dysfonctionné. Notre mission est de corriger ces fautes.

Ceux qui nous alertent sur la quantité de travail qu’exigeraient les travaux de cette commission d’enquête tout en demandant d’en élargir le périmètre ne font pas montre d’une grande cohérence.

Certains peuvent donner l’impression de vouloir noyer le poisson, en intégrant tous les établissements, toutes les discriminations et toutes les violences dans le champ de la commission d’enquête. Si tel était le cas, nous ne produirions rien à cause de l’immensité de la tâche.

Les témoignages recueillis par la Ciase, présidée par Jean-Marc Sauvé, étaient poignants. L’Église catholique a engagé un travail courageux sur elle-même, lequel n’est pas achevé. Elle a reconnu le caractère systémique des violences sexuelles. Comme Paul Vannier l’a dit, 30 % des agressions pédocriminelles se sont déroulées dans des établissements privés catholiques : faire ce constat ne constitue en rien une attaque contre l’Église catholique, d’autant que c’est elle qui publie ces éléments. Voilà pourquoi l’enseignement privé occupe une dimension particulière dans la commission d’enquête que nous voulons créer, non pas pour le cibler mais pour aider l’Église à poursuivre le travail qu’elle a courageusement entamé. Refuser cette commission d’enquête revêtirait, en l’occurrence, une dimension politicienne.

Mme Violette Spillebout (EPR). La qualité et la teneur de notre débat contribuent à nous faire mesurer notre responsabilité collective. L’ensemble des collègues de mon groupe et du bloc central qui se sont exprimés sur la charge de travail ne sont pas des paresseux, pas plus que les autres parlementaires ici présents. En revanche, nous vous alertons, avec la présidente, sur la qualité du travail que nous pourrons fournir dans une commission d’enquête au format aussi inédit et au champ d’étude très large, surtout si celui-ci est étendu aux établissements publics. Notre objectif est l’efficacité et nous sommes opposés à la réunionite et aux organismes inutiles.

La transformation de notre commission en commission d’enquête me réjouirait : nous serions plus utiles que lors de débats politiciens où les postures occupent le devant de la scène, ce qui me pèse depuis mon élection à l’Assemblée nationale en 2022. Si nous pouvions être utiles à ces enfants, nous aurions rempli notre office. Néanmoins, nous doutons que cette commission d’enquête soit à l’abri de toute instrumentalisation politique : qu’elle en soit protégée relèvera de votre responsabilité, monsieur Vannier, et de la nôtre.

Je suis très attachée à l’inclusion des établissements publics dans le périmètre de la commission d’enquête : nous ne pouvons pas déterminer a priori les établissements dont le contrôle aurait été défaillant. L’acception du contrôle effectué par l’État doit être large, même si nous pouvons en exclure la partie pédagogique liée au contenu des programmes afin d’alléger le travail de la commission d’enquête, dont je soutiens la création.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le mot « contrôle » me semble très large. Je préférerais que nous retenions l’expression « repérage et prévention des violences physiques et sexuelles dans les établissements de formation », plus précise et englobant les jeunes qui se trouvent en stage dans le cadre d’un apprentissage.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous devons décider si nous voulons exclure ou non les contrôles pédagogiques et financiers. Un consensus semble se dégager sur le fait que le contrôle porte sur les établissements privés et publics.

M. Bertrand Sorre (EPR). Comme Mme Spillebout, je salue la qualité des débats : nous sommes capables d’exposer sereinement des visions politiques différentes. Nous sommes tous républicains et nous devons tous agir pour que plus jamais ne se reproduisent de tels faits. Le sujet excède le périmètre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. L’idée de Julie Delpech de déposer une proposition de résolution transpartisane, dans laquelle chaque mot comptera, que nous signerions tous et dont nous débattrions dans l’hémicycle me semble opportune. Chaque groupe politique pourra ainsi exprimer sa position. L’objectif est de créer une commission ad hoc et je ne doute pas que nous trouvions le véhicule législatif adéquat. Nous renforcerions l’importance de la commission si nous décidions de son instauration en séance publique. Les Français verraient que nous sommes unanimement disposés à lutter contre ces perversions qui ne doivent plus jamais se produire dans les établissements scolaires.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous ne sommes pas là pour débattre d’une proposition de résolution. Nous devons statuer sur l’opportunité de demander à transformer notre commission en commission d’enquête.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). En évoquant la possibilité de déposer une proposition de résolution transpartisane, on brouille le message qui doit être clair pour ceux qui nous regardent. Accordons-nous ensemble aujourd’hui sur l’intitulé et le périmètre de la commission d’enquête. Tous les membres de notre commission siégeraient dans la commission d’enquête, donc nous pourrions nous répartir le travail. Personne ici n’est paresseux, mais ne repoussons pas cette décision importante au nom de difficultés organisationnelles. L’administration de la délégation aux droits des enfants pourrait renforcer notre commission d’enquête. Un projet de loi ou une proposition de loi transpartisane sont souvent promis pour traiter un sujet, mais ces textes n’arrivent jamais à l’ordre du jour de notre assemblée.

M. Laurent Croizier (Dem). Je remercie l’ensemble des collègues pour leur prise de parole et la hauteur de leurs propos. Je soutiens l’idée d’une proposition de résolution. Certains de nos collègues qui siègent à la délégation aux droits des enfants ou à la commission des affaires sociales regretteraient de ne pas pouvoir participer à une commission d’enquête portant sur les violences commises au sein des établissements scolaires publics et privés, car ils sont très investis sur le sujet des violences perpétrées à l’encontre des enfants. Restreindre la commission d’enquête à la seule commission des affaires culturelles et de l’éducation nous empêchera de conduire le travail le plus efficace et approfondi possible. Nous sommes attendus non pas sur la création d’une commission d’enquête mais sur la formulation de conclusions sérieuses. Nous devons faire toute la lumière sur les événements de Bétharram et sur l’ensemble des violences commises dans les établissements scolaires, en impliquant tous les députés investis sur ces sujets.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je ne partage absolument pas l’opinion qui vient d’être exposée. Je comprends que d’autres collègues puissent être intéressés par la question, mais notre commission est saisie de peu de textes. Or le sujet dont nous parlons se situe au cœur des compétences que le Règlement de l’Assemblée nationale lui a confiées. Je salue l’attention que Paul Vannier porte au souhait de nos collègues d’inclure tous les établissements d’enseignement, dont les modalités de contrôle par l’État entrent totalement dans les missions de notre commission. On peut toujours trouver des passerelles avec les autres commissions mais le sujet, je le répète, relève pleinement des compétences de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je rejoins les propos de Sophie Taillé-Polian. En tant que parlementaire, je m’intéresse à tous les sujets et j’aimerais contribuer à tous les travaux, notamment ceux des commissions d’enquête. Néanmoins, nous sommes tous ici commissaires à l’éducation car nous avons choisi, au moment de la répartition au sein de nos groupes, de rejoindre cette commission. Prenons nos responsabilités ! Nous nous interrogeons parfois lors des réunions de notre bureau sur la pertinence de certaines auditions ou de certains travaux – ne voyez dans ce constat aucune remise en cause de votre présidence, madame Keloua Hachi.

Le sujet nous interpelle tous et nous ne pouvons pas refuser de le traiter. Nous pourrions le renvoyer à une résolution pour que tous les députés participent, mais nous avons été chargés de travailler sur les questions d’éducation. Même si la commission des affaires sociales peut être intéressée par les violences commises sur les enfants, la question concerne en l’espèce la défaillance d’un inspecteur de l’éducation nationale et de la chaîne administrative. Notre commission doit répondre à l’interrogation des Français qui nous regardent : les renvoyer, à la fin de cette réunion, à une proposition de résolution ou à une discussion instrumentalisée ou dévoyée par certains groupes politiques ne semble pas souhaitable. Notre discussion montre que notre débat est sincère et transparent : nous pouvons atteindre un compromis. Monsieur Vannier, si nous circonscrivons la commission d’enquête aux violences physiques et sexuelles commises dans les établissements scolaires publics et privés, sans faire entrer le sujet des discriminations qui ouvrirait trop largement le champ de notre réflexion et l’exposerait à des instrumentalisations, nous soutiendrons sa création.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Notre commission doit se prononcer par un vote sur le champ d’une commission d’enquête dont je vais vous proposer un nouvel intitulé, afin que chacun puisse se déterminer en conscience. Je souhaite prendre en compte les remarques de beaucoup d’entre vous et intégrer dans le périmètre de la commission d’enquête l’ensemble des établissements relevant de l’éducation nationale, c’est-à-dire les établissements publics et privés sous contrat. À l’inverse, je ne veux pas restreindre nos travaux à un type de violences et exclure, par exemple, les violences psychologiques.

Je suggère de transformer notre commission en commission d’enquête portant sur les modalités de contrôle par l’État des établissements scolaires relevant du ministère de l’éducation nationale. Les atteintes à la liberté de conscience des élèves sont des violences qui leur sont faites et qui sont documentées par des rapports d’inspection. Elles doivent, à mes yeux, entrer dans le périmètre de la commission d’enquête. Limiter celui-ci aux violences physiques et sexuelles constitue un risque de détournement de la mission de la commission d’enquête.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je suggère que le mot « violences » figure dans l’intitulé de la commission, afin de ne pas ouvrir le champ des travaux aux programmes, à l’inspection des enseignants et des équipes éducatives, à la vie scolaire, etc. Ceux qui le souhaitent peuvent proposer un intitulé pour la commission d’enquête.

M. Xavier Breton (DR). Il ne s’agit pas d’une commission d’enquête sur les violences, notamment sexuelles, mais sur les modalités de contrôle, lesquelles relèvent des prérogatives du contrôle du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif. Il ne s’agit pas d’évacuer le sujet ni de dresser un panorama de l’ensemble des violences commises dans les établissements, mais d’adopter un certain angle.

Toutes les violences – physiques, psychologiques, verbales, etc. – entrent dans le champ de la commission, duquel sont exclus les aspects pédagogiques et administratifs, qui font l’objet d’autres contrôles. À nous de trouver la bonne formule précisant l’objet de la commission d’enquête.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous soumets les intitulés suivant : « commission d’enquête sur le traitement des signalements de violences dans les établissements scolaires » ou « commission d’enquête sur la prévention et le contrôle des situations de violences dans les établissements scolaires ».

Mme Violette Spillebout (EPR). Chaque parlementaire peut avancer une proposition de rédaction afin que nous aboutissions à un intitulé que nous pourrons tous approuver par scrutin.

Monsieur Vannier, vous êtes à l’origine de l’initiative visant à créer une commission d’enquête sur ce sujet en effet très regardé par l’ensemble des Français, lesquels se sentent concernés par ces violences même quand aucun de leurs proches n’en a été victime. Une fois que la commission d’enquête sera créée, pouvez-vous vous engager à ne pas la réduire à une victoire d’un parti politique dans une affaire particulière, celle de Bétharram ? Nous ne sommes pas juges, mais nous pouvons tous nous interroger sur les faits incriminés. Il faut que la communication de chacun des groupes respecte le contenu de notre discussion de ce matin. Nous allons prendre un risque au moment du vote et nous aimerions que vous vous exprimiez sur cet aspect de la question pour nous éclairer.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je présiderai la commission d’enquête, mais nous devrons désigner le ou les rapporteurs, l’idéal étant qu’il y en ait plusieurs. L’important aujourd’hui est de nous entendre sur l’intitulé et le champ de la commission d’enquête.

M. Roger Chudeau (RN). Nous trouvons la formulation proposée par le collègue Vannier trop large. La commission d’enquête risque de se perdre si nous n’explicitons pas son objet central, lié au scandale de Bétharram, à savoir les violences sexuelles commises sur des élèves. J’ai longtemps été inspecteur et inspecteur général de l’éducation nationale et je crains qu’un intitulé trop large nous conduise à contrôler les corps d’inspection, ce qui n’est pas l’objectif.

Je reviens sur votre suggestion, madame la présidente, et propose l’intitulé suivant : « commission d’enquête sur les modalités du contrôle de l’État dans le traitement du signalement des violences dans les établissements publics et privés sous contrat ».

M. Erwan Balanant (Dem). Vous avez raison, monsieur Vannier, nous ne pouvons pas nous contenter de travailler sur les violences sexistes et sexuelles et la commission devra enquêter sur toutes les formes de violence. Celles-ci sont diverses : morales, économiques – dimension sans doute un peu moins forte dans les établissements scolaires –, physiques, etc. Insérer une référence aux modalités de prévention pourrait également être utile.

Monsieur Chudeau, les violences sexuelles s’inscrivent dans un continuum et sont parfois précédées de violences morales ou de maltraitances.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Voici ma proposition : « commission d’enquête sur les préventions, les actions et les sanctions prises à l’encontre des violences faites aux enfants dans les établissements publics et privés ». La notion de prévention est importante : il y a encore quelques semaines, Notre-Dame-de-Bétharram avait la réputation d’être un établissement où les adultes étaient durs avec les élèves et où l’on inscrivait les enfants soi-disant à redresser. Il faut donc évoquer la prévention, ainsi que les actions menées contre les violences et les sanctions prises contre leurs auteurs.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Madame Spillebout, vous demandez des gages avant de prendre une décision, en réalité assez simple puisqu’elle ne porte que sur la création d’une commission d’enquête. Il ne vous aura pas échappé que je suis un député d’opposition : j’ai interrogé à trois reprises le premier ministre dans l’hémicycle et j’ai clairement dit ce que je pensais de ses déclarations. Je continuerai à demander sa démission car je considère qu’il a menti. Néanmoins, je ne propose pas de créer une commission d’enquête sur François Bayrou, mais sur 7 500 établissements et je suis prêt, à la lumière de nos échanges, à élargir le périmètre de notre étude, afin de tenter d’en finir avec les violences et de protéger les enfants. Tel est mon état d’esprit, même si celui-ci ne me conduira pas à renoncer à mes intentions politiques. Il est légitime et nécessaire que, dans une démocratie, des opinions et des arguments s’expriment et s’opposent parfois à l’Assemblée nationale. Comptez sur moi pour continuer à le faire.

Je formule une dernière proposition qui recueillera, je l’espère, l’assentiment d’une majorité de mes collègues : « commission d’enquête sur les modalités de contrôle et la prévention des violences par l’État dans les établissements scolaires relevant du ministère de l’éducation nationale ».

Mme Céline Calvez (EPR). Voici ma proposition : « commission d’enquête sur les modalités de prévention et de contrôle par l’État des violences dans les établissements scolaires relevant du ministère de l’éducation nationale ». Cet intitulé met en avant les modalités de prévention et de contrôle, ces deux aspects étant importants. En outre, son champ est plus large que le seul traitement des signalements : cela est nécessaire, car que fait-on en leur absence ?

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les mots « relevant de l’éducation nationale » sont peut-être inutiles à partir du moment où les termes « État » et « établissements scolaires » figurent dans l’intitulé. Sous cette réserve, votre proposition m’agrée totalement.

M. Erwan Balanant (Dem). Il faut inclure les établissements d’enseignement agricole.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Vous avez raison.

Mme Céline Calvez (EPR). Le nouvel intitulé pourrait être le suivant : « commission d’enquête sur les modalités de prévention et de contrôle par l’État des violences dans les établissements scolaires ». Il reste à déterminer si nous conservons les mots « relevant du ministère de l’éducation nationale ».

M. Joël Bruneau (LIOT). Il faut que les tous établissements scolaires figurent dans l’intitulé, car des établissements relèvent du ministère chargé des affaires sociales, notamment les lieux d’accueil des jeunes handicapés.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je supprimerais la référence à l’éducation nationale, car des faits de violence se produisent dans des établissements scolaires qui ne dépendent pas de ce ministère – pensons, par exemple, aux écoles relevant du ministère des armées. La présence de l’État dans l’intitulé suffit à couvrir l’ensemble des établissements.

M. Roger Chudeau (RN). Il faut insérer les termes « relevant de l’éducation nationale » pour ne pas élargir le champ de la commission d’enquête aux établissements agricoles, militaires et hospitaliers. Concentrons-nous sur le cœur de cible qu’est l’éducation nationale.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. C’est une préférence que vous exprimez là, mais notre commission peut auditionner des acteurs de l’enseignement agricole ou d’établissements relevant du ministère des armées. Nous n’ouvririons pas beaucoup le champ de la commission d’enquête en conservant la référence à l’État. N’entrent en revanche dans le périmètre que les établissements scolaires, pas ceux de l’enseignement supérieur.

Je vous propose la formulation suivante : « commission d’enquête sur les modalités de prévention et de contrôle par l’État des violences dans les établissements scolaires ».

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Pourrait-on inverser les termes « prévention » et « contrôle » ? Je soutiendrais votre intitulé ainsi modifié.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. La formulation serait alors : « commission d’enquête sur les modalités de contrôle par l’État et de prévention des violences dans les établissements scolaires ». Je préfèrerais conserver le terme de « prévention » avant celui de « contrôle », car la prévention est première, mais la différence n’est pas fondamentale.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Notre intention est d’interroger le contrôle, car c’est à ce stade que les défaillances se sont produites. Voilà pourquoi, je souhaite placer « contrôle » avant « prévention ».

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Pourquoi pas, l’important à mes yeux étant de préciser que nous parlons du contrôle effectué par l’État, quand la prévention est notre affaire à tous.

La proposition finale est la suivante : « commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires ».

La commission adopte la demande tendant à ce que lui soient attribuées les prérogatives d’une commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires.

 

La séance s’achève à douze heures quarante

 


Présences en réunion

 

 

Présents.  Mme Farida Amrani, M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. José Beaurain, Mme Béatrice Bellamy, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Xavier Breton, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, M. Aymeric Caron, M. Pierre Cazeneuve, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, M. Aly Diouara, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, M. José Gonzalez, M. Emmanuel Grégoire, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Daniel Labaronne, M. Jean Laussucq, Mme Sarah Legrain, M. Bartolomé Lenoir, M. Eric Liégeon, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, M. Maxime Michelet, M. Jérémie Patrier-Leitus, Mme Béatrice Piron, M. Alexandre Portier, M. Christophe Proença, M. Jean-Claude Raux, Mme Claudia Rouaux, M. Arnaud Saint-Martin, M. Arnaud Sanvert, M. Freddy Sertin, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Paul Vannier

Excusés.  M. Salvatore Castiglione, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Delphine Lingemann, M. Frédéric Maillot, Mme Nicole Sanquer