Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), table ronde réunissant des représentants d’associations de défense des enfants victimes de violences : Mme Isabelle Debré, présidente de l’association L’Enfant Bleu enfance maltraitée, Mme Laura Morin, directrice générale, Mme Nathalie Cougny, fondatrice et directrice générale de l’association Les maltraitances moi j’en parle !, et M. Arnaud Gallais, président de l’association Mouv’enfants              2

– Présences en réunion..............................24

 

 

 

 

 

 


Mercredi
26 mars 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 38

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


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La séance est ouverte à quinze heures cinq

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission auditionne sous la forme d’une table ronde, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), des représentants d’associations de défense des enfants victimes de violences : Mme Isabelle Debré, présidente de l’association L’Enfant Bleu enfance maltraitée, Mme Laura Morin, directrice générale, Mme Nathalie Cougny, fondatrice et directrice générale de l’association Les maltraitances moi j’en parle !, et M. Arnaud Gallais, président de l’association Mouv’enfants.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mesdames, monsieur, nous avons souhaité vous réunir pour que vous nous présentiez les actions que les associations que vous représentez mènent à destination des élèves, c’est-à-dire pour protéger les enfants pendant qu’ils sont dans les établissements scolaires, où ils passent une partie importante de leur temps, a fortiori quand ils sont internes. Nous sommes aussi intéressés par vos préconisations pour renforcer le contrôle de l’État sur ces établissements afin de prévenir toute violence contre les élèves.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mmes Isabelle Debré, Laura Morin, Typhaine Morand, Nathalie Cougny et M. Arnaud Gallais prêtent successivement serment.)

Dans un premier temps, pouvez-vous préciser quelles sont les formes de violences – psychologiques, physiques, socioéconomiques ou sexuelles – principalement traitées par vos associations ? Quelle est la part de celles commises dans le milieu scolaire, par des adultes sur des enfants ?

Mme Isabelle Debré, présidente de l’association L’Enfant Bleu enfance maltraitée. L’association L’Enfant Bleu enfance maltraitée s’occupe de toutes sortes de maltraitances – physiques, psychologiques, sexuelles et graves négligences. Environ 90 % des maltraitances que nous prenons en charge sont intrafamiliales, même s’il y en a bien sûr dans le milieu scolaire.

Mme Nathalie Cougny, fondatrice et directrice générale de l’association Les maltraitances moi j’en parle ! Notre association traite principalement des violences intrafamiliales – psychologiques, physiques et sexuelles, négligences, violences éducatives ordinaires. Nous évoquons aussi le harcèlement et le cyberharcèlement, auprès des enfants et dans nos formations pour adultes.

M. Arnaud Gallais, président de l’association Mouv’enfants. Mouv’enfants traite aussi tous les types de violences. Cette association présente la particularité d’être un mouvement de survivantes et de survivants de violences vécues dans l’enfance. Beaucoup, comme moi, ont été victimes de pédocriminalité dans l’Église : ce terrain, partagé, nous intéresse particulièrement et beaucoup nous interpellent à ce sujet.

Je mets d’emblée les pieds dans le plat en exprimant mon étonnement d’être ici. Se posent la question de l’affaire Bétharram, celle du village d’enfants de Riaumont – qui émerge enfin, en lien avec l’histoire du petit Émile, sur laquelle nous espérons qu’on fera la lumière – et bien d’autres. Le rapport Sauvé nous a appris qu’il y avait eu 330 000 victimes de pédocriminalité dans l’Église en 70 ans et j’ai fait partie des vingt-deux signalements. Mais nous, victimes de pédocriminalité dans l’Église, avons en tête qu’en septembre 2018, nous avons frappé à la porte de l’Assemblée nationale pour demander une commission. Son président de l’époque, M. Ferrand, a refusé au nom de la prescription. Nous avons ensuite frappé à la porte du Sénat, qui a aussi refusé, parce qu’il y avait des affaires en cours.

Cela a permis à l’Église de se faire justice elle-même et de créer cette fameuse commission – parce qu’en France on aime bien créer des commissions, surtout quand on a les mains pleines de sang comme l’Église. Il y a un dysfonctionnement systémique – je pèse mes mots. Pourquoi l’Église a‑t‑elle les mains pleines de sang ?

Le rapport Sauvé l’a prouvé ensuite : il dénombre 330 000 victimes de pédocriminalité dans l’Église, sans compter les enfants en situation de handicap. Nous les comptons, or l’Organisation mondiale de la santé nous apprend que ces enfants sont cinq fois plus exposés. Le rapport Sauvé, remis à M. Emmanuel Macron en 2021, dit que 30 % de ces 330 000 victimes – soit 99 000 enfants – l’ont été au sein d’établissements privés, sous contrat ou non.

Les victimes parlent depuis longtemps, d’ailleurs elles se connaissent bien : nous avons des groupes WhatsApp, cela nous anime jour et nuit. Aujourd’hui, avec l’affaire Bayrou‑Bétharram, on aimerait bien que les choses bougent. On trouve donc très bien que cette commission soit lancée.

On s’étonne toutefois que rien n’ait été fait dans ce pays. Quand on a su qu’il y avait 330 000 victimes de pédocriminalité, dont 30 % dans l’enseignement privé, qu’a fait le ministre de l’éducation nationale de l’époque, Jean-Michel Blanquer ? Rien. Qu’a fait Éric Dupond-Moretti, ministre de la justice ? Rien, alors qu’on aurait pu imaginer, comme en Belgique, une justice d’exception. Voilà le sujet fondamental qu’il s’agit ici de traiter et d’élargir à l’ensemble de l’éducation nationale – l’enseignement public donc, mais aussi l’enseignement privé, auquel il faut accorder une place particulière.

Le Béarn est certes la terre de François Bayrou, mais il était aussi celle d’un éminent sociologue, Pierre Bourdieu. Dans ses travaux, il évoque la domination masculine, mais aussi la distinction et de la reproduction. Il étudie la place laissée dans la société à l’enseignement catholique, avec une dimension sociologique : « tiens, pour que mes enfants soient dans le bon chemin, je vais les mettre là‑dedans » ou, « si mon enfant sort du chemin, je le mettrai là ». C’est ce que nous disent les témoignages des enfants de Bétharram et des victimes avec lesquelles je suis en lien.

Beaucoup de victimes proviennent de ces établissements : au regard de votre sujet, nous drainons celles d’une vingtaine d’établissements privés. J’ai aussi une pensée pour les outre‑mer, que l’on oublie un peu même si des voix commencent à y porter.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Cette commission d’enquête n’a pas vocation à faire justice et elle ne désignera pas nominativement des personnes impliquées dans des procès en cours. Elle a bien sûr un but : améliorer le fonctionnement de l’État et le contrôle qu’il exerce dans les établissements, notamment pour que les prêtres ne puissent plus sévir – puisque vous évoquiez justement l’enseignement catholique.

J’entends votre discours et votre colère. Nous avons un objectif commun. Je crois que cette commission d’enquête a de multiples tiroirs. Vous avez parlé des enfants en situation de handicap, des outre‑mer, il nous faudrait en réalité non pas six mois, mais un an et demi pour pouvoir travailler sereinement. Nous ferons de notre mieux et vous êtes aussi là pour nous aider à comprendre la situation.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je vous remercie pour votre présence et ces éléments d’introduction. Je souhaitais dire à toutes et tous que nous n’avons pas les moyens de rattraper le temps perdu, mais que nous sommes déterminés à user des prérogatives d’une commission d’enquête pour regarder en face cette violence, pour participer à la reconnaissance des victimes et à un processus de libération de la parole, surtout pour identifier des défaillances afin de les corriger.

Telle est notre intention et vous pouvez être certains que notre volonté est totale, que nous mobiliserons toute notre énergie et notre détermination pour faire de notre mieux et pour sortir de ce système qui a broyé tant d’enfances, d’adolescences, de vies.

Venons-en au cœur de notre périmètre de réflexion, celui des violences institutionnelles, en particulier en milieu scolaire – tout en ayant bien compris que vous traitez essentiellement de violences intrafamiliales. Nous allons donc resserrer le spectre sur ces violences d’adultes, ou celles permises par des adultes – il peut y avoir des violences entre enfants perpétrées avec la complicité ou sous le regard des adultes. Pouvez‑vous nous les décrire et nous expliquer comment vous en êtes saisis ? Comment accompagnez‑vous les victimes de violences en milieu scolaire ?

Pouvez-vous aussi revenir sur les outre‑mer, qui nous intéressent aussi ? M. Arnaud Gallais est le premier à les aborder, nos auditions n’ayant commencé que la semaine dernière. Or nous ne voulons oublier aucune partie du territoire national ni aucune spécificité. Des collectifs se constituent plutôt dans l’Hexagone, mais un député de la Martinique et un autre de la Guyane m’ont parlé tout à l’heure de faits qui auraient pu s’y produire. Nous sommes donc attentifs à d’éventuels signalements comme à un regard qui nous orienterait vers certains territoires.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. En tant que co‑rapporteurs, Paul Vannier et moi-même mesurons l’honneur et la responsabilité qui nous échoient : victimes, acteurs de l’éducation, associations et administrations attendent que le système de signalement soit plus efficace et que la remontée de la parole – des victimes ou de l’entourage – soit mieux prise en compte.

Cette commission d’enquête a commencé son travail depuis seulement dix jours, sur le terrain, de façon transpartisane, concentrée sur un objectif unique : protéger les enfants. Or il se passe déjà beaucoup de choses : votre présence – nous vous remercions de vous être rendus disponibles si rapidement – ; les victimes qui viennent à nous, lors de nos déplacements sur le terrain – comme dans le Sud-Ouest – ou par le biais de signalements, d’histoires personnelles et collectives qui nous parviennent chaque jour.

Cela fait déjà bouger l’ensemble du système, avant même la remise du rapport d’enquête, le 30 juin prochain : la ministre de l’éducation a fait de premières annonces sur le renforcement des dispositifs d’alerte et de contrôle des établissements. Des inspections ont lieu dans des établissements où des collectifs se créent – de nouveaux naissent chaque jour : « vous entendre, M. Vannier et Mme Spillebout, me rappelle des souvenirs que j’ai toujours cachés à ma famille et qu’il faut maintenant que je dise » m’écrivait-on encore ce matin.

Nous saisissons donc à quel point ce travail, que nous allons devoir mener tous ensemble de façon efficace et opérationnelle, est attendu et important. Faites‑nous confiance pour le faire bien – sans avoir cependant de solutions magiques, ce qui peut faire craindre des déceptions. Nous mesurons tout ce qui a été fait et nous avons reçu Jean‑Marc Sauvé. Nous et notre équipe, dont les administrateurs de l’Assemblée, nous engagerons en tout cas pleinement dans cette commission d’enquête.

Dans les signalements qui parviennent à chacune de vos associations ou dans les dossiers qu’elles traitent, identifiez-vous spécifiquement les violences commises par des adultes dans les établissements scolaires ? Ont-elles une singularité par rapport aux violences intrafamiliales ?

Madame Debré, vous avez récemment souligné l’urgence de créer un fichier centralisé des informations préoccupantes. Pouvez-vous faire un point sur ces informations préoccupantes, formule que l’on retrouve partout bien qu’elle ne permette pas une grande efficacité dans le traitement des signalements ? Comment améliorer ce cheminement ?

Mme Isabelle Debré. L’Enfant Bleu ne traite pas spécifiquement ces cas, mais nous recevons bien sûr des signalements d’enfants victimes de maltraitances dans les établissements scolaires, qu’elles soient commises par des adultes ou par des enfants – il ne faut pas oublier qu’il y a de nombreuses agressions sexuelles entre enfants.

Je me souviens avoir été très choquée par le cas d’une école. Nous avions reçu des appels de parents car les enfants s’agressaient sexuellement. L’école ne voulait rien savoir, pour une question de réputation. Cela se passait à Paris et nous avons essayé d’agir. J’ai eu la chance de retrouver une relation avec laquelle j’avais travaillé dans mes fonctions antérieures mais il a fallu aller en très haut lieu. Les enfants avaient 5 ans : bénévole à L’Enfant Bleu depuis 33 ou 34 ans, je dois reconnaître que je n’avais jamais vu des agressions sexuelles entre enfants de cet âge.

La parole se libère-t-elle ? Je n’en suis pas certaine ; je pense qu’il y a d’autres phénomènes.

Je laisse la parole à Laura Morin et je la reprendrai pour évoquer les propositions faites par L’Enfant Bleu dans son livre blanc. La première amélioration tient en un seul mot : prévention, sur laquelle L’Enfant Bleu est très en pointe.

Mme Laura Morin, directrice générale de L’Enfant Bleu enfance maltraitée. Je reviens sur les différentes façons dont nous sommes informés des affaires qui surviennent. D’abord, des parents ou d’anciennes victimes contactent l’association qui tient un plateau d’écoute, ouvert du lundi au vendredi. Ils nous appellent pour nous dire ce qui a pu se passer dans les établissements. Ils attendent de nous un accompagnement, aussi bien psychologique que juridique. Nous parlons justement d’information préoccupante (IP), afin qu’ils sachent comment procéder pour signaler les faits dont ils ont connaissance ou dont ils ont été victimes.

Autre possibilité : des professionnels nous appellent directement. En regardant nos statistiques, rien qu’en 2025, 20 % des professionnels qui nous contactent travaillent à l’éducation nationale, font face à des violences et ne savent pas comment réagir. Parfois, leur direction, malheureusement, ne les suit pas et ne les soutient pas. Ils nous demandent donc de l’aide pour rédiger un signalement ou une information préoccupante. Ils veulent aussi savoir comment parler aux élèves et comment accueillir la parole. Nous offrons donc cet accompagnement.

Enfin, comme l’évoquait Mme Debré, la prévention est l’un des piliers de l’association : toute l’année, nous sommes au contact des enfants dans les écoles. Nous rencontrons d’abord l’équipe pédagogique, puis les parents, puis les enfants, deux ou trois fois. Nous passons donc du temps avec eux et, dans plus de 90 % des cas, il y a des révélations à l’issue de nos passages ; c’est triste. Nous recueillons alors des confidences au sujet de violences soit intrafamiliales, soit ayant lieu au sein même de l’établissement.

Là encore, nous accompagnons l’équipe pédagogique quand elle coopère. Quand elle ne nous suit pas, ce qui arrive malheureusement régulièrement, nous sommes nous‑mêmes amenés à rédiger des informations préoccupantes ou des signalements.

Voici les chiffres concernant ces révélations – ce que nous appelons « vigilance » dans notre association : en 2024, 363 révélations ont été rapportées à notre équipe, puisque ce sont des psychologues qui animent ces temps. Ces dossiers ont ensuite donné lieu à des informations préoccupantes ou des accompagnements. Cette année, nous ne sommes que le 26 mars et nous avons déjà pu recueillir 191 révélations sur le terrain. Le lieu des enfants et de leur parole est donc vraiment l’école. Je répète ce qu’a dit Mme Debré car nous croyons beaucoup à cette action : prévention, prévention, prévention !

Mme Isabelle Debré. Pour compléter ce qu’a dit Laura Morin, nous intervenons en maternelle, primaire et collège. Au collège, psychologue et juriste interviennent en même temps, car les enfants sont davantage au courant de leurs droits et ont beaucoup de questions. Les chiffres que nous vous avons donnés – près de 200 révélations – concernent donc uniquement ces classes. N’oubliez pas qu’il y aurait certainement aussi des révélations au lycée.

M. Paul Vannier, rapporteur. Ces presque 200 signalements correspondent‑ils à des violences de tous types ou à des violences d’encadrants ou d’adultes en milieu scolaire ? Pouvez-vous nous indiquer la part des violences qui intéressent notre commission d’enquête parmi ces 200 cas ou parmi les près de 400 signalements de l’an passé ?

Mme Laura Morin. Nous n’avons pas le détail. Nous pourrons regarder chaque dossier pour vous faire remonter les chiffres concernant spécifiquement les violences scolaires.

Mme Isabelle Debré. Ces chiffres concernent uniquement nos actions de prévention. Nous recevons aussi des appels. Nous pourrons donc vous donner les chiffres exacts concernant les révélations lors de nos interventions dans les écoles.

Mme Nathalie Cougny. Je voudrais revenir sur le point de départ : la prévention. Les enfants ne connaissent pas les violences dans leur ensemble, à part le harcèlement. Ils ne savent pas ce que renferme le mot « violences » et ne connaissent pas les interdits les concernant. C’est un vrai problème, que nous avons rencontré depuis quatre ans et demi que nous intervenons auprès des enfants et qui les empêche notamment de parler car ils ne savent pas qu’une violence n’est pas normale.

Nous sommes présents dans 43 départements, y compris d’outre-mer. Nous proposons une séance de prévention de maltraitances infantiles, puis une séance consacrée au bien-être et à la bienveillance, complémentaire, importante pour la confiance en soi et la connaissance de la notion de consentement. La prévention est essentielle et doit être une priorité nationale, partout, parce qu’un enfant qui ne sait pas ne peut pas parler.

Par ailleurs, comme le soulignait la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) à ses débuts : ce n’est pas le tout de dire qu’il y a trois enfants victimes de violences sexuelles par classe, il faut aller les chercher. Nous le faisons en participant au repérage. Depuis 4 ans, sur plus de 17 000 enfants que nous avons sensibilisés aux questions de violence, nous avons pu en aider 2000 : c’est énorme.

Le troisième point concerne la formation, que nous délivrons aussi. On se rend compte que la majeure partie des enseignants ne sont pas formés à cette thématique, ne savent ni repérer un enfant maltraité, ni aborder le sujet avec eux, qu’ils ont peur – d’après ce que nous ont indiqué les près de 3 800 adultes, principalement des enseignants, que nous avons formés.

Pendant cette formation, certains nous disent aussi qu’ils se rendent compte qu’ils sont maltraitants avec les enfants, à des degrés divers, et que cela va changer leur comportement. La prévention et la formation sont donc deux piliers essentiels pour combattre les violences faites aux enfants.

Comme nous venons parler des violences aux enfants et aux adultes, nous ne les constatons donc pas de la part de la communauté éducative. En revanche, nous sommes informés de cas de violences, surtout en école primaire, par exemple des humiliations et des coups. Il nous arrive aussi d’entendre des adultes hurler sur les enfants. Nous faisons remonter au chef d’établissement tous les comportements inappropriés que nous remarquons. Parfois, on nous dit : « Ah oui, mais c’est un bon professeur. » Il y a donc beaucoup de choses à revoir aussi sur ce sujet.

Lorsque l’on vient voir les enfants, on a le sentiment qu’ils attendent que quelqu’un leur parle enfin des maltraitances, car personne ne le fait. Qui va leur dire : est-ce que tu es maltraité ? Qui te maltraite ? Cela n’existe quasiment pas, à l’exception des associations qui vont dans les écoles. Il faut donc aller chercher ces enfants.

Nous avons élaboré un protocole avec le chef d’établissement, qui permet de prendre ensuite en charge les enfants, puisque, pour la Dgesco (direction générale de l’enseignement scolaire) et l’éducation nationale, les associations n’ont normalement pas le droit de recueillir la parole de l’enfant – en tout cas, cela nous a été notifié par écrit.

Divers acteurs travaillent avec nous, auprès des enfants, autour de ces maltraitances. Les enfants participent, n’ont pas de peurs, comprennent très bien tout ce qu’on leur dit. Nous faisons de la prévention du CP à la cinquième, car il y a beaucoup de demandes, notamment en l’école primaire. Plus tôt on y va, mieux c’est pour les enfants.

La prévention et la formation sont indispensables et cette formation devrait faire partie de la formation initiale et continue des enseignants – on nous le dit souvent. En début de carrière notamment, ils ne savent ni recueillir la parole de l’enfant ni faire une IP (information préoccupante) – ou quasiment pas – et ils ne connaissent pas les signaux d’alerte. La formation les rassure, leur donne des outils et les renforce sur ces points.

Enfin, je pense qu’il faut que l’éducation nationale s’ouvre davantage. J’ai une pensée pour les victimes de Bétharram et toutes les victimes d’hier et d’aujourd’hui, parce que dans ces histoires, on a l’impression de voir des traques d’enfants, victimes de violences, de barbarie atroce.

Il faut aussi prendre en compte les blocages hiérarchiques, évoqués par les enseignants et, parfois, les chefs d’établissement : il ne faut pas faire de bruit ni de vague. Il est déjà compliqué de parler et d’agir dans le cas des violences intrafamiliales, cela l’est encore plus dans les établissements. J’ai pu constater, après avoir fait des interventions pendant deux ans, que les enseignants et les chefs d’établissement veulent qu’on parle de ce sujet mais que, quand il y a un problème, la hiérarchie bloque. Je pense donc qu’un vrai travail doit être fait avec l’éducation nationale.

Nous sommes des alliés, pas des ennemis. Nous venons aider, avec des gens compétents : l’association compte plus de 230 intervenants qui sont des experts. Nous sommes là pour apporter une expertise, dans la bienveillance, avec les enfants comme avec les adultes. Il y a des choses à changer dans le fonctionnement de l’éducation nationale.

M. Paul Vannier, rapporteur. Pouvez-vous développer ce dernier point ? Vous dites que, quand il y a un problème, la hiérarchie bloque. Pouvez-vous, sans forcément identifier des personnes, décrire certaines situations ? Quel est le niveau de la hiérarchie qui bloque ? À propos de quoi ? Voilà ce qui nous intéresse précisément.

Mme Nathalie Cougny. Nous établissons nos propres statistiques : les enfants remplissent un questionnaire avant et après notre intervention. On mesure ainsi leurs connaissances, on sait s’ils ont été maltraités et quelles formes de maltraitances ils ont subi.

Sur 17 000 enfants, 25 % ont subi au moins une forme de maltraitance. Depuis le début, on a dû avoir deux ou trois classes où aucun enfant n’a dit ou écrit « moi je suis victime ». Nos statistiques permettent de connaître l’âge, le sexe, la classe, la violence subie.

Nous faisons la même chose avec les adultes, ce qui est très important. Les chefs d’établissement remplissent un questionnaire en ligne avant et après nos interventions. Cela nous permet de connaître leurs manques, leurs besoins, leurs problématiques, d’améliorer la prévention et de les aider pendant la formation adulte.

Nombre d’enseignants ou de membres du personnel éducatif nous disent que la hiérarchie ne bouge pas, qu’elle ne fait rien. Par exemple, une commune a créé une cellule d’écoute et de recueil de la parole de l’enfant parce que l’éducation nationale ne s’occupait pas des cas d’enfants maltraités. Plusieurs mois, voire plusieurs années plus tard, il fallait prendre en charge ces enfants parce que ça explosait.

Pourquoi ? Je ne le sais pas précisément. En tout cas, il est clair qu’il ne faut pas faire de bruit, tous nous le disent. On fait remonter des cas et on nous dit : « ce n’est pas grave. » On minimise les choses, on ne prend pas en compte la parole de l’enfant. Or un enfant qui dit quelque chose, il faut l’entendre et agir tout de suite.

On l’a bien vu dans les cas de harcèlement scolaire qui ont conduit aux suicides d’enfants : il ne s’est rien passé, aucune aide ou protection. Au contraire, on a critiqué les parents en les menaçant de déposer plainte contre eux. Où voit‑on cela ? Il faut donc considérer l’enfant comme une personne à part entière et l’écouter quand il parle et révèle quelque chose, ce qui n’est déjà pas évident pour lui.

Je ne comprends pas ce positionnement, parce que l’on devrait plutôt être fier d’aider quelqu’un, au lieu d’étouffer quelque chose, ou en tout cas de ne pas agir. On devrait donc dire fièrement « nous, on agit », plutôt que d’essayer d’orienter des affaires. Pendant ce temps-là, des enfants souffrent, se suicident. C’est complètement aberrant, en France, aujourd’hui, avec les dispositifs qui existent malgré tout.

Pas de vague, pas de bruit. Je le sais par des témoignages de chefs d’établissement qui veulent faire remonter des dysfonctionnements ou des problèmes et auxquels on dit que ce n’est pas grave, voire que l’on menace. Il y a donc un problème qui ne relève pas de la volonté des établissements scolaires : je pense qu’il se trouve au‑dessus mais je n’en sais pas plus.

Mme Isabelle Debré. Le procès concernant la petite Amandine en donne un exemple typique. Il y a eu sur sa situation un rapport qui est remonté à l’inspection académique. Pourquoi le procureur n’en a‑t‑il jamais eu vent ? C’est tout.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame Cougny, vous avez affirmé que la Dgesco ne vous reconnaissait pas le droit de recueillir la parole des enfants. Or n’importe quel adulte – un voisin, un passant, la boulangère – doit pouvoir recueillir la parole d’un enfant. Pourquoi les associations qui viennent dans les établissements ne pourraient-elles pas le faire ?

Mme Nathalie Cougny. Il nous a bien été écrit dans un document que ce n’était pas à nous de recueillir la parole de l’enfant et que c’était réservé au service social en faveur des élèves. Notre association ne recueille pas la parole de l’enfant puisqu’elle s’arrête à la prévention. Si un adulte est présent dans la classe quand un enfant parle ou écrit qu’il est victime de violence, un protocole a été mis en place en amont avec l’établissement, qui prend l’enfant en charge.

 Mme Violette Spillebout, rapporteure. Dans la mesure où vous n’avez pas les mêmes expériences, il peut être intéressant de détailler le processus. Je crois qu’il y a une différence professionnelle entre l’accueil et le recueil. J’entends que vous accueillez la parole de l’enfant – soit vous lisez un papier remis, soit vous l’écoutez lors de la séance de travail sur la prévention. Nous serions donc preneurs de ce courrier de l’éducation nationale qui vous précise le protocole et vous explique que ce n’est pas à vous, association, d’effectuer le recueil.

Pour le citoyen lambda, accueil et recueil, c’est pareil. Pour les professionnels, c’est différent, et le recueil est donc réservé au service social. Une fois donc que vous avez eu ce premier signalement, par l’accueil de la parole d’un enfant, vous adressez-vous au chef d’établissement ? Faites-vous une information préoccupante ? Que faites-vous physiquement : faites-vous un écrit, en parlez-vous ? Que se passe-t-il ensuite ?

Mme Nathalie Cougny. Les choses ne se passent pas vraiment comme ça puisque, pendant la séance, on ne peut pas empêcher un enfant de parler et que ce n’est pas le but. Il peut dire spontanément : « moi, mon père, ma mère me met des gifles, me frappe. » Ça s’arrête là : l’enseignant présent repère déjà cet enfant.

Quand les enfants ont écrit sur le questionnaire qu’ils sont victimes de violence – ils n’ont donc pas fait oralement le récit de ce dont ils sont victimes –, un bilan est fait avec une personne de l’établissement, souvent le directeur, la directrice ou le principal, puis les enfants sont entendus par l’un d’eux. C’est ensuite cette personne qui entame les démarches qui conviennent, en fonction de ce que l’enfant lui a révélé.

Mme Isabelle Debré. Nous, nous pouvons effectivement recueillir la parole de l’enfant. Je rejoins ce que dit Mme Cougny : il y a un problème de formation. Il est quand même absurde d’entendre, encore aujourd’hui, des enseignants dire qu’ils ne savent pas déposer une information préoccupante. Dans ces cas‑là, nous les aidons.

Il y a une différence entre nos deux associations : nous faisons de la prévention – nous avons obtenu l’agrément national il y a maintenant deux ans et demi – et nous accompagnons ensuite les enfants. Je n’ai pas à prendre la défense de l’association de Mme Cougny mais je trouve quand même absurde d’écrire qu’elle n’a pas le droit de recueillir la parole des enfants. J’outrepasse peut-être mes droits, mais franchement, en tant que présidente d’association, je trouve que toute association qui se dévoue à la protection de l’enfance devrait pouvoir le faire. J’aimerais bien moi aussi voir ce courrier, parce que cela me semble étonnant.

Mme Nathalie Cougny. J’espère que nous aurons l’agrément cette année, bien que nous n’en ayons pas besoin puisque ce sont des interventions ponctuelles. Nous l’avons demandé l’année dernière, sans l’obtenir.

Dans ce courrier, on nous a donné de fausses raisons, qui n’ont pas de rapport avec notre fonctionnement : une personne de l’établissement doit être présente – ce qui est toujours le cas – ; on ne doit pas recueillir la parole de l’enfant – nous ne le faisons pas. On nous reproche donc une chose que nous ne faisons pas et que nous ne devons donc pas faire.

Mme Isabelle Debré. Nous avons mis quinze ans à obtenir l’autorisation.

Mme Nathalie Cougny. Nous essayons de l’obtenir car ne pas l’avoir nous freine pour aller dans certains établissements.

M. Paul Vannier, rapporteur. Comment les choses s’organisent-elles concrètement avec les inspections académiques ? Pourquoi allez-vous dans 43 départements et pas dans tous ? Cela dépend-il de votre maillage à vous ou de la volonté des services de l’éducation nationale ? Lorsque vos trois associations interviennent dans des établissements scolaires – le lycée n’étant pas concerné pour L’Enfant Bleu et Les maltraitances moi j’en parle ! –, s’agit-il uniquement d’établissements publics ou aussi d’établissements privés sous contrat ou hors contrat ? Nous souhaitons connaître le détail des types d’établissements concernés et des conditions qui vous conduisent à y intervenir.

Mme Nathalie Cougny. Nous intervenons dans le public et dans le privé. Nous sommes présents dans 43 départements, car nous fonctionnons avec des responsables départementaux bénévoles qui déploient nos actions : il faut donc en avoir dans le département. Ils forment une équipe d’intervenants qualifiés. Aussi, nous sommes là où des bénévoles se proposent, y compris outre-mer. Nous sommes intervenus pendant deux ans en Guadeloupe et à la Réunion.

De plus en plus d’écoles nous sollicitent. Entre octobre 2024 et fin janvier 2025, nous sommes intervenus auprès de presque 6 000 enfants, c’est-à-dire autant que toute l’année dernière. Il y a donc une demande croissante de prévention auprès des enfants, parce qu’il y a de plus en plus d’enfants maltraités, ou en tout cas qui en parlent.

C’est toujours pareil : personne ne sait quoi faire – certains savent quand même – et l’on nous fait parfois même venir parce qu’on sait qu’il y a des enfants maltraités mais que l’on veut en être sûr. Voilà qui est dommage pour les enfants.

Nous travaillons donc avec les inspections académiques, des rectorats, beaucoup de communes, les préfectures, les cités éducatives, les centres de loisirs : partout où il y a des enfants.

L’agrément ne veut pas dire grand-chose : je le dis ouvertement, y compris d’ailleurs à l’éducation nationale, car je suis très engagée et n’ai pas beaucoup de patience pour certaines choses. Des associations ont l’agrément et ça ne se passe pas bien ; d’autres ne l’ont pas et ça se passe très bien. Je ne sais pas à quoi il sert. Nous n’en avons pas besoin, car nous venons de façon ponctuelle. Ce n’est pas un frein, puisqu’on intervient dans seize académies, dans plus de 130 établissements scolaires.

Parfois, cela peut être un argument quand on ne veut pas nous faire intervenir : « vous n’avez pas d’agrément ». D’ailleurs, on n’insiste pas : quand on ne veut pas, ça veut dire que les gens ne sont pas prêts à ce qu’on intervienne sur ce sujet. On n’est pourtant pas obligé d’avoir l’agrément : ce sont les chefs d’établissements et les collèges qui décident seuls ; avec les écoles, on passe des conventions, donc tout va bien.

Parfois, on ne veut donc pas qu’on vienne. Ça n’est pas grave, ça se comprend aussi : tout le monde n’est pas prêt, y compris parfois des adultes – des enseignants –, pour lesquels ça fait remonter beaucoup de choses, parfois un vécu de leur enfance. Il faut donc surtout remettre de l’humain. Le site de l’éducation nationale contient tout – la prise en charge, les violences, comment faire une IP. Pourtant, les enseignants ne veulent pas des circulaires mais du contact, de la formation, des cas pratiques, pour être solides et pouvoir faire face aux enfants maltraités, de plus en plus nombreux, en tout cas depuis deux ou trois ans.

M. Arnaud Gallais. Nous ne faisons pas d’intervention en milieu scolaire, mais j’entends ce qui se dit. Je rappelle simplement qu’il y a eu le rapport Sauvé – vous avez d’ailleurs auditionné Jean‑Marc Sauvé. La fameuse Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) a été instituée par l’Église elle‑même. Je suis un peu amer par rapport à cela : les Belges ont fait autrement.

Ce rapport a bien démontré un dysfonctionnement hiérarchique : 6 500 personnes ont parlé or aucune remontée directe n’était faite. Dernièrement, le secrétaire général de l’enseignement catholique lui-même le disait sur France Inter : il ne sait pas combien il y a de Bétharram en France – c’est troublant. Il dit ainsi clairement qu’il ne sait pas ce qui se passe dans les établissements privés sous contrat. Cela doit quand même vous interpeller, parce qu’il dit bien qu’il n’y a pas de lien hiérarchique. Cela répond à la question : en réalité, on fait ce qu’on veut, surtout dans les établissements privés. Le rapport de la Ciase est un pavé sur le sujet et il me semble important de voir ce qui y est dit.

Dans le rapport de la Ciivise, 33 000 personnes ont parlé et fait confiance – ce n’est pas rien. Là aussi, les informations qui remontent montrent un dysfonctionnement en lien avec la hiérarchie. Cela fait partie des préconisations d’ensemble : la prévention, la chaîne hiérarchique du signalement et de l’information préoccupante, la formation, dont on vient de parler.

Ce sont des choses qu’on sait et qu’on rappelle au niveau associatif, L’Enfant bleu comme d’autres. On s’épuise. Il faut dire les choses de manière très claire : on redit les choses X fois, on peut donner, comme Isabelle Debré le faisait à juste titre, 20 000 ou 100 000 exemples. Malheureusement, derrière, des vies humaines sont brisées, comme celle du petit Lucas et bien d’autres.

Bon sang, que nous faut-il ? Tout est déjà écrit. Bien sûr, on peut ajouter des témoignages ou parler de l’agrément, mais tant de choses ressortent déjà des rapports, provenant de personnes qui ont pris la parole et fait confiance. Si l’on fait la somme de la Ciivise et de la Ciase, ce sont près de 40 000 victimes identifiées qui ont pris la parole. Des préconisations sont faites, des éléments factuels présentés. Que s’est-il passé derrière ? Rien. Voilà le constat, il n’y a malheureusement pas autre chose à dire.

Ce constat nous remonte du terrain, même si Mouv’enfants a davantage une dimension politique. On rejoint ce qui est dit autour de cette table : on n’est pas victime de la même manière, on n’est pas traité de la même manière en tant qu’enfant, qu’on soit à Paris ou en Guyane. Il y a là un sujet de fond et on ne l’a pas appris en 2025.

Pour revenir sur l’idée de parole libérée, je dirais que ça fait longtemps que la parole se libère. Je connais un certain nombre des victimes qui ont parlé : les enfants de Bétharram, de Garaison, de Sainte‑Bernadette, qui dépend de la Fondation Apprentis d’Auteuil, présidée par Jean-Marc Sauvé et dont on parle moins.

Quelques articles ont été publiés au sujet de Sainte‑Bernadette et il serait intéressant que votre commission aille voir un peu ce qui s’y passe : en matière d’omerta et de non-réponse d’une institution à des victimes, c’est un cas intéressant. On ne retrouve pas ici l’éducation nationale, mais la fondation Apprentis d’Auteuil, dirigée donc par l’ancien président de la Ciase – bien entendu, quelqu’un d’exceptionnel.

Tout ce qui est dit là, on le sait. Depuis combien de temps s’évertue-t-on à le dire ? Depuis combien de temps des enfants placés viennent-ils le dire à l’Assemblée nationale – je pense à Lyès, Diodio et bien d’autres ? Combien faut-il de commissions et de rapports pour qu’ait lieu une prise de conscience importante et pour qu’on prenne acte de l’absence complète de volonté politique de changement ?

Alors, pleurer c’est bien : « les pauvres victimes de Bétharram, c’est atroce, vous avez été violé entre tel âge et tel âge, c’est terrible, etc. » On adore faire ça dans la société. C’est un simulacre. Il n’y a pas d’action. En France, on ne sait pas protéger les enfants. Que nous a appris le rapport de la Ciivise ? Ce n’est pas une bagatelle : 33 000 personnes ont témoigné, ce n’est pas rien. Seules 8 % d’entre elles ont dit avoir bénéficié d’un soutien social positif – c’est-à-dire qu’on leur a dit « je te crois, je te protège ». Dans 92 % des situations, on a donc dit à un enfant ou à un enfant devenu adulte – mais un enfant quand même – : « je te crois, mais je ne te protège pas », voire « tu es un menteur, tu es une menteuse. » Voilà le sujet.

Je trouve donc très bien que des associations fassent ce travail sur le terrain, mais que fait‑on dans les endroits où on n’a pas la chance d’avoir des associations comme L’Enfant bleu ou Les maltraitances, moi j’en parle ! ? Voilà le sujet.

Tout ça est bien connu grâce à différents rapports, mais très peu suivi d’actions. Concernant la Ciivise, à ma connaissance, seule une action a été suivie jusqu’à présent : un spot publicitaire au moment de la Coupe du monde de rugby. C’est sympa, j’aime bien le rugby, mais, à un moment donné, il faut être sérieux. Il y a eu 82 préconisations, mais rien n’a suivi. On réduit aujourd’hui la voilure, en passant de 82 à 15 préconisations. Où est la volonté politique ? Nulle part.

On peut donc continuer, et je salue mes collègues qui font un travail remarquable sur le terrain – je le dis très sincèrement parce qu’il faut que ce travail soit fait. Mais depuis combien de temps arrive‑t‑on dans des enceintes comme celles-là à se dire « oui voilà, alors on essaye… » ?

Bien sûr, c’est nous qui faisons tenir la République, enfin vous, surtout, associations sur le terrain : tout simplement, on fait ce travail parce qu’on y croit, parce qu’on sait recueillir la parole des enfants, parce qu’on a des juristes compétents. Mais l’État de droit est en faillite sur cette question. Il faut regarder les chiffres : 160 000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles, 3 enfants par classe, un enfant tous les cinq jours qui meurt sous les coups de ses parents. Est-on en France ?

C’est franchement hallucinant. J’ai l’impression d’avoir déjà entendu plusieurs fois ce que j’entends depuis tout à l’heure – je suis désolé de le dire comme ça et mes collègues savent que je les apprécie beaucoup. Toutes et tous, nous parlons de cette manière. Isabelle, depuis combien de temps fais-tu ce même travail ?

Mme Nathalie Cougny. Il faut comprendre une chose : dans l’ensemble, l’enfant n’est pas vendeur, il ne vote pas, ne manifeste pas, se tait. Donc, quand on veut faire des choses pour les enfants, il faut les connaître, se rendre compte que ce sont des personnes à part entière, avec des droits, que beaucoup ne connaissent pas. Ainsi, 70 % de ceux que nous rencontrons ne connaissent pas la convention internationale des droits de l’enfant.

Il faut donc déjà respecter les enfants et ne pas croire que, parce que ça vient d’un enfant, ce n’est rien, ce n’est pas grave, ça va passer, il va oublier. On connaît maintenant les séquelles à vie des violences sur les enfants. Il faut changer de culture. On n’est pas dans une culture de la protection, mais toujours dans une culture de la violence, du déni, de l’omerta, du pas faire de bruit. Il faut donc changer cette culture, qui ne passe pas que par l’école, mais aussi par les enfants, les professionnels et les parents.

Il est complètement faux que les enfants oublient ; ça donne des adultes traumatisés qui ne seront pas bien dans leur vie personnelle, intime, professionnelle, et ne seront pas performants – je sais de quoi je parle. Protéger un enfant, c’est donc protéger l’avenir de la société. S’il y a aujourd’hui beaucoup de jeunes violents que l’on ne cesse de sanctionner, c’est parce qu’ils ont été élevés dans un milieu dysfonctionnel, de même que beaucoup d’agresseurs sexuels ont été eux-mêmes abusés, violés ou violentés dans leur enfance.

Il faut donc briser cette chaîne et, quand un enfant a un comportement particulier, qui pose question, ou qu’il dit quelque chose, il faut tout de suite agir. C’est vrai qu’il n’y a pas de volonté politique – il faut d’abord des moyens humains, or vous avez sûrement connaissance du gouffre dans lequel se trouve l’aide sociale à l’enfance. C’est catastrophique de vivre ça en France. Outre les moyens humains, il faut des moyens financiers, c’est une priorité : notre avenir, notre société en dépendent.

Il faut une volonté politique. Si elle n’est pas là, comment fait-on ? On va tout le temps quémander des financements pour une chose évidente, où on obtient des résultats, où tout le monde est satisfait, où on aide des gens, des enfants notamment. Les résultats sont là, il faut la volonté.

Mme Isabelle Debré. Je vais d’abord répondre à Arnaud : oui, on se bagarre, dans mon cas depuis 35 ans. Dieu merci, on avance un petit peu. Quand je suis arrivée à l’Enfant bleu – il y a 33 ans –, la prescription était de 10 ans, elle est aujourd’hui de 30 ans : on avance. C’est dur, mais il faut se retrousser les manches et il y a quelques petites choses positives.

Concernant l’agrément, nous l’avons depuis deux ans et demi, alors que nous faisons de la prévention dans les écoles depuis 2001 – soit 24 ans. Il nous a donc fallu du temps. Comment cela s’est-il passé ? Les ministres et les services sociaux sont venus, tout le monde a regardé quel était notre protocole. Ce protocole est le même pour toute la France – c’est très important. Ils ont adhéré à ce protocole : dans nos interventions, il y a une bénévole qui accompagne des professionnels que nous rémunérons – juristes et psychologues.

Pour l’instant, nos interventions sont gratuites – je ne sais pas si on pourra continuer ainsi. Les écoles nous demandent de venir. L’agrément nous apporte une chose très importante : à chaque fois qu’une école nous demandait d’intervenir, nous devions monter des dossiers pour demander des autorisations, ce que nous n’avons donc plus à faire. Mais nous avons travaillé sans agrément pendant 23 ans.

Mme Laura Morin. Une question portait sur la particularité des violences commises au sein des établissements scolaires. Ce que subissent les enfants est identique dans les familles et dans les établissements. Mais, dans ces derniers, on est confronté à la loi du silence : il est compliqué de faire sortir la parole du milieu scolaire, de l’éducation nationale.

Nous voyons deux niveaux de frein. Le premier se situe au niveau de l’équipe de l’école, en raison d’une forme d’alliance avec le parent, qui lui fait confiance, ou parce qu’on imagine difficilement des problèmes au sein de cette équipe, à laquelle on fait aussi confiance. L’autre frein fonctionne au-delà de l’équipe – comme dans l’affaire de la petite Amandine. Des informations remontent dans la chaîne des responsabilités, mais sans sortir de l’éducation nationale ni donner lieu à une information préoccupante ou à un simple signalement.

N’oublions pas aussi que les établissements scolaires relèvent de l’éducation nationale mais que le périscolaire dépend des mairies. On est parfois confronté à des situations où les personnes se défaussent. L’école nous dit : « ce n’est pas nous, c’est la mairie ». La mairie nous dit : « ce n’est pas vraiment nous, c’est l’éducation nationale. » Il est donc important de rappeler que, lorsqu’on parle d’établissements scolaires, il n’y a pas que l’éducation nationale, mais aussi le périscolaire.

Nous avons ainsi été confrontés à une affaire concernant quatre petites filles. Une réunion a eu lieu au sein de l’école, avec le directeur de l’école, celui du périscolaire et les représentants des parents d’élèves. On a parlé de la situation et ils ont dit : « Oui, on va faire attention entre nous. On va faire attention à ce que les enfants ne soient pas trop seuls ou n’aient pas tel ou tel objet. » Ça s’arrête là.

Nous avons été saisis du dossier parce que l’un des parents nous a appelés et nous a demandé ce qu’on pouvait faire pour comprendre ce qui s’était passé, car on a retrouvé des choses terribles sur le corps des enfants. On fait donc des informations préoccupantes, car les parents viennent nous chercher pour faire sortir la parole de l’établissement.

M. Arnaud Gallais. Je suis également président de C3S (Corse stratégie santé sexuelle), une association corse qui intervient sur ce territoire notamment pour faire de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars). Elle possède l’agrément de l’éducation nationale, mais 80 % des établissements scolaires nous ferment néanmoins leurs portes.

Nous avons donc l’agrément qui nous permet de rentrer dans les établissements scolaires, et une loi de 2001 fait que nous devrions théoriquement pouvoir y rentrer – et je ne parle pas d’établissements privés sous contrat, mais de l’éducation nationale. Or nous ne pouvons pas le faire.

Il y a un écart entre ce que signent une association et le rectorat, qui nous permet d’intervenir, et la réalité.

Dans les faits il existe des inégalités en fonction des établissements et de la volonté du chef d’établissement, comme en Corse, entre le Nord et le Sud. Il y a donc un problème : est-ce que cela doit relever de la volonté d’un seul ? Cela rejoint la question de la hiérarchie et me semble donc important.

Il s’agit bien d’une association, inscrite dans un territoire, qui rencontre des difficultés, avec des portes fermées et des enfants en difficulté. Que l’on ait ou non l’agrément, voilà les difficultés face auxquelles on se trouve. Il y a donc quelque chose qui ne fonctionne pas.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Pour être sûre de bien comprendre, quelle est la relation entre l’association et l’établissement ? Certains établissements exige-t‑ils un agrément ? S’agit-il d’une relation privilégiée parce qu’il y aurait un bon contact entre l’association et le chef d’établissement – qui aurait eu une bonne expérience et demanderait à l’association de revenir ? Est-ce que l’agrément atteste du sérieux de l’association ? S’il y a des mesures rectorales, par exemple concernant la sensibilisation à un sujet, les chefs d’établissement sont-ils moins frileux à l’égard des associations agréées ?

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je compléterai avec une question sur le périmètre de l’agrément. Dans d’autres domaines de l’éducation nationale, j’ai compris qu’il était donné par les rectorats. Est-ce le cas de celui vous permettant d’intervenir dans les établissements scolaires s ? En tant qu’association nationale, devez‑vous le demander dans chacun des rectorats ? Existe-t-il un agrément national ? Connaissez-vous ces deux niveaux d’agréments ?

Paul Vannier et moi avions une deuxième question. Je comprends qu’un chef d’établissement peut aujourd’hui choisir de faire intervenir L’Enfant bleu, agréée, ou Les maltraitances moi j’en parle !, non agréée, et que cela ne change rien pour lui.

Mme Nathalie Cougny. D’après ce que nous voyons sur le terrain, ce sont les écoles et les collèges qui décident – et tant mieux – de faire revenir telle ou telle association en fonction de leurs problématiques. Cela n’est pas lié à l’agrément, puisque nous intervenons dans ces académies sans agrément, parce que ça se passe bien. Le bouche‑à‑oreille fonctionne aussi, les écoles se parlent entre elles.

On revient aussi souvent dans la même école l’année suivante, ou dans le même collège pour les nouveaux élèves de sixième, parce que ça se passe bien et qu’on obtient des résultats. Mais un chef d’établissement peut décider de ne pas vous laisser intervenir même si vous avez l’agrément, parce que la thématique ne l’intéresse pas ou parce qu’il n’a pas envie ou pas le temps.

Mme Laura Morin. L’agrément est une vraie réassurance : il assure que les protocoles ont été vérifiés. Certains directeurs d’école me disent que ça les rassure. Ce n’est cependant pas le principal élément pour lequel ils choisissent L’Enfant Bleu : nous n’avons pas besoin de faire de prospection, car nous avons des listes d’attente pour intervenir dans les écoles.

Cela vient de la volonté du directeur de la structure, de l’infirmière, d’un enseignant, d’un parent d’élève. Dans ces cas-là, ils prennent contact avec nous. Nous travaillons aussi avec des municipalités qui nous font intervenir auprès des acteurs du périscolaire, en atelier de sensibilisation, ou nous permettent de présenter à l’ensemble des directeurs de la municipalité notre façon de faire. Ensuite, les directeurs viennent vers nous s’ils souhaitent qu’on intervienne dans les établissements.

Pour nous, il est important de ne pas imposer ces interventions. Nous avons en effet vu la différence : quand l’inspection a demandé à un directeur que l’on intervienne, alors qu’il n’adhérait pas au processus, cela s’est moins bien passé et s’est avéré plus compliqué à organiser… En revanche, quand l’école adhère au projet dès le début, les équipes pédagogiques comme les enfants adhèrent eux aussi beaucoup mieux.

Mme Isabelle Debré. Mme la rapporteure a évoqué l’agrément national ou départemental. Pendant plusieurs années, nous n’avions que l’agrément de telle ou telle académie. Une académie – que je ne citerai pas ici – nous a systématiquement refusé l’agrément, sans que l’on sache jamais pourquoi.

L’inégalité territoriale évoquée par Arnaud Gallais est une réalité. À l’époque, une académie nous accueillait en disant « Bienvenu, L’Enfant Bleu, c’est formidable… », quand une autre nous a refusé l’agrément pendant des années. Maintenant, elle ne le peut plus, car nous avons l’agrément national – c’est son avantage. Si une école de cette académie nous demande de venir, on ne peut plus nous refuser.

Nous avons un protocole particulier : comme l’a rappelé Laura Morin, nous recevons d’abord tous les membres du personnel éducatif, puis les parents, avant d’intervenir trois fois dans chaque école.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. D’autres collègues souhaitent vous interroger.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Pendant quatre ans, de 2016 à 2020, j’ai été cheffe du bureau responsable des relations avec les associations à la Dgesco. Je connais donc parfaitement le fonctionnement des agréments nationaux. Je préparais les Cnaecep (conseils nationaux des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public), chargés de délivrer les agréments. À ce titre, je voudrais dire plusieurs choses qui pourront aussi vous permettre d’approfondir le travail.

Ces conseils nationaux sont aussi déclinés au niveau académique, parce que l’on considère qu’une association à rayonnement académique doit faire ses demandes auprès de l’académie. À partir de quatre ou cinq académies – ce n’est pas pour autant une règle inscrite dans le code de l’éducation –, cette association peut prétendre à un agrément. Elle transmet un dossier, instruit par les services de la Dgesco. Si le bureau en question fait bien son travail, il prend contact avec elle, ainsi qu’avec les académies.

Un rapport de la direction est remis, ainsi qu’un rapport des membres du Cnaecep. qui compte parmi ses membres des représentants des organisations syndicales de l’école et des parents d’élèves. Leur avis n’est que consultatif. La décision finale concernant la signature de l’agrément revient au ministre pour les agréments nationaux, aux recteurs pour les agréments académiques.

Vous pouvez demander à consulter le compte rendu du Cnaecep pour comprendre pourquoi, pendant de nombreuses années, on a refusé l’agrément à L’Enfant Bleu et pourquoi on le refuse toujours à Les maltraitances moi j’en parle ! Je vais aller au-delà du devoir de réserve qui m’était imposé, puisque je ne suis plus à la Dgesco et que je peux donc le dire : parfois des décisions politiques entourent la délivrance de l’agrément. Sur les questions d’éducation à la sexualité, il y a eu, par le passé, des épisodes de flambée polémique – on a tous en tête ceux autour des ABCD de l’égalité.

Dans cette institution vénérable que je continue à respecter du plus profond de mon âme, existe parfois une culture de la prévention du risque, qui se fait au détriment de la protection des enfants. Je vais être très claire : pour éviter d’avoir de nouveau à affronter des appels ou des remontées de parents énervés, on préfère éviter de donner pignon sur rue à des associations qui viendraient parler de sexualité aux enfants – parce que c’est ce que vous faites quand vous parlez de prévention.

En réalité d’ailleurs, vous faites de l’information davantage que de la prévention : vous informez les enfants, dont certains subissent des violences, que ça ne devrait pas leur arriver ; si ça leur arrive, vous leur dites ce qu’ils devraient faire. En faisant ainsi de l’information, et même davantage, vous leur donnez du pouvoir d’agir.

Ce n’est donc pas de la prévention : vous n’évitez pas qu’ils se fassent violenter à la maison ou par des copains. Vous leur dites : « si jamais ça vous arrive, voilà ce que vous devez faire. » Parfois, vous pouvez donc être amenés à parler de sujets hautement sensibles, en tout cas dans les représentations.

Je pense qu’il serait intéressant pour les rapporteurs – qui peuvent avoir accès à n’importe quel document – de demander ces comptes rendus pour comprendre si la décision a été fondée sur des critères objectifs, ainsi que de vous interroger sur ces critères : les arguments qu’on vous a donnés autour du recueil ou de l’accueil de la parole de l’enfant me semblent être du délire.

L’enfant ne décide pas quand il va parler. Il parle à un moment donné et il faut alors être prêt pour l’écouter et pour agir, afin que sa parole débouche sur quelque chose. Quand on vous explique que vous faites de l’accueil, mais pas du recueil, on est chez les fous. Je dis les choses telles que je les pense – et j’aurais pensé de la même façon si j’avais encore travaillé à la Dgesco. J’y avais d’ailleurs eu affaire à des cas semblables qui m’avaient agacée et fait quitter cette maison.

Il serait donc intéressant, madame Cougny de vous faire communiquer ces pièces, puisque vous n’avez toujours pas l’agrément national.

Mme Nathalie Cougny. Nous ne l’avons en effet pas obtenu l’année dernière et venons de refaire une demande. Nous avons eu récemment deux rendez‑vous qui se sont très bien passés. À part une petite modification dans notre protocole – pour que le service social en faveur des élèves soit systématiquement au courant des dates où nous venons –, je ne vois pas ce qui pourrait freiner l’obtention de l’agrément.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le point que je veux aborder est au cœur de cette commission d’enquête : y a‑t‑il une culture du tabou, une culture de l’omerta dans l’éducation ? Sur quoi repose‑t‑elle ? Voilà ce dont on parle. Cela a permis à Bétharram de continuer pendant tant d’années et permet aujourd’hui à un premier ministre de dire : « écoutez, je ne suis pas plus coupable que les autres parce que tout le monde était au courant, moi pas plus que les autres. »

Enfin, selon le code de l’éducation, vous devez être agréés quand vous intervenez en tant qu’associations partenaires de l’enseignement public. Dans les faits, il est tellement compliqué d’obtenir l’agrément qu’heureusement, certains établissements passent outre et font confiance à des associations qu’ils connaissent et auxquelles ils font appel.

Ce n’est pas parce que vous êtes agréés que vous allez pouvoir intervenir, parce qu’il faut que cela soit en lien avec le projet d’établissement. La question soulevée par M. Gallais est la suivante : pourquoi son association, bien qu’elle ait l’agrément, est-elle considérée comme contraire au projet d’établissement dans 90 % des cas, alors même que la lutte contre les violences faites aux enfants est un vrai sujet ?

J’ai aussi une question sur le délai de prescription : pensez-vous qu’il faudrait une imprescriptibilité dans les affaires de violences contre les enfants ?

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Je vous remercie de venir témoigner pour éclairer les débats, les réflexions et les préconisations – même si je suis d’accord avec M. Gallais sur le fait qu’il y a déjà eu une multitude de préconisations. Comment s’en saisit‑on ? Telle est la question.

L’arrivée du programme Evars pour tous les niveaux scolaires, en septembre 2025, peut-elle être un levier ? Avez‑vous été consultés ? Pensez-vous que vous seriez habilités, légitimes à déployer ce nouvel enseignement dans les établissements scolaires ? Au vu de votre expérience, pensez-vous que les enseignants sont aujourd’hui suffisamment outillés et formés pour le dérouler eux-mêmes ? Quelle vision avez-vous de ce sujet ?

Le deuxième point concerne l’information – mot employé par Ayda Hadizadeh. Quand on informe les enfants de leurs droits, je pense qu’il est indispensable que les parents reçoivent le même niveau d’information, sans quoi on ouvre la porte à des récriminations, des incompréhensions, des mécompréhensions qui ajoutent des difficultés dans le climat scolaire.

Un effet miroir est absolument nécessaire. Nous avons besoin que les adultes soient formés pour comprendre ce que sont les enfants et quels sont leurs droits. Voilà le travail de l’Unicef comme de toutes les associations qui interviennent auprès des enfants. Il existe une incompréhension, liée à cette culture que vous dénoncez depuis tout à l’heure. Nous avons besoin d’un changement systémique.

Concernant les agréments, je rappelle qu’historiquement, l’éducation nationale avait des associations partenaires : des mouvements d’éducation populaire, dans lesquels on apprenait à être un individu maître de soi, qu’on ne cherchait pas à façonner, mais auquel on donnait les clés de son pouvoir d’agir et de se développer. Cela s’est perdu dans les limbes. Vous le faites, comme d’autres, à votre manière. La conclusion est la suivante : l’école ne fait pas tout toute seule, elle fait partie d’un écosystème et il va falloir qu’on l’assume.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Pensez‑vous qu’il soit réaliste et réalisable que l’Evars soit déployée à la rentrée – au vu de ce que vous en connaissez ? Quelles seraient les conditions pour que cela se passe correctement ? Considérez‑vous qu’une formation en ligne des enseignants – par exemple par des Mooc (modules de formation en ligne, Massive Open Online Course) – serait suffisante pour intervenir sur un tel programme ?

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez évoqué une faillite de l’État de droit et avez demandé comment passer d’un diagnostic à des actions. La ministre de l’éducation nationale a justement annoncé un plan intitulé « Brisons le silence, agissons ensemble ». Quel regard portez-vous sur les propositions qu’il contient ?

Mme Debré insistait pour évoquer, à la fin de notre échange, des enjeux de prévention et vos propositions en général. Que vous paraît-il utile de nous transmettre ?

M. Arnaud Gallais. L’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle fait bien sûr partie de nos préconisations et rejoint les 82 préconisations de la Ciivise. Je pense qu’il faudrait en réalité simplement appliquer des choses déjà préparées et arrêter d’inventer et de refaire éternellement des commissions.

J’attire votre attention sur ce slogan que nous avions fait figurer sur des autocollants : « L’éducation affective et sexuelle, c’est ton droit. Réclame-la à tes profs ! » Il ne s’agissait pas de mettre le bazar dans les établissements, mais de dire que les droits des enfants sont en péril.

On peut regretter que l’on ait surtout cherché à ce que l’extrême droite ne se saisisse pas de cette question. On sait bien que la sexualité est une question compliquée, qui touche à la famille – on entend systématiquement ce discours. Mais il y a quand même eu plusieurs rétropédalages, notamment sur la question du genre, ce qui est malheureux quand on voit des situations comme celle du petit Lucas. Il faut donc y être attentif.

La question relative aux établissements me semble importante au vu des affaires actuelles – Bétharram, Joël Le Scouarnec à l’hôpital. À quel moment a-t-on une obligation de résultat quand une affaire ne concerne que des enfants ? Quand vous êtes un employeur, vous avez une obligation de résultat concernant les salariés – avec un document unique d’évaluation qui liste tous les risques professionnels et met en face ce que l’employeur doit faire pour les limiter. Pourquoi ne fait-on pas la même chose pour les enfants ?

On connaît les violences, les risques, les chiffres, or on les redécouvre sans cesse. Créons un document et évaluons les actions menées. À défaut, on a l’impression que l’on crée sans cesse des commissions pour savoir ce qui a été fait.

J’ai quand même été surpris en voyant, le 17 mars, les deux rapporteurs à la télévision, que l’on donne à l’avance les dates de l’inspection menée à Bétharram. Lors du scandale des Ehpad des inspections inopinées ont été menées. Pourquoi, quand il s’agit des enfants, donne‑t‑on les dates ? « On passera dans trois mois, soyez prêts, brûlez bien les archives, on ne sait jamais s’il reste quelque chose… » – et encore, il en restait – je le dis avec un peu d’humour.

Je terminerai sur un point qui me semble fondamental. Ce qui s’est passé à Bétharram ou dans le village d’enfants de Riaumont est un crime contre l’humanité, d’après le professeur de droit Jean-Pierre Massias. Il a pris la tête d’une pseudo-commission qui prétend réparer les victimes de Bétharram – quelle honte ! Je m’adresse à vous, députés : dans ce pays, traite‑t‑on un crime contre l’humanité par une commission ?

Le même jour, Antoine Garapon disait ici même qu’il s’agissait d’un crime de masse. Traite‑t‑on les crimes de masse par des commissions ? Peut‑on nous traiter de cette manière-là, nous qui avons été déshumanisés, violés ? C’est inacceptable ! Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons d’État de droit face à nous. Nous espérons sincèrement que les choses vont avancer, que cette commission aura des effets, mais nous avons été échaudés car ce n’est pas la première fois que nous nous retrouvons devant une commission.

Mme Nathalie Cougny. Pour protéger vraiment les enfants, pour informer et former les adultes, garants de leur bien‑être et de leur protection, il faut une volonté politique. Cette année, des associations – beaucoup dans le domaine social – cessent leur activité à cause des coupes budgétaires, ce qui va poser des problèmes. Il faut donc des moyens humains et financiers conséquents à destination des enfants, des professionnels, mais aussi des parents : nous avons vingt ans de retard sur d’autres pays.

Ainsi, en 2019, quand est sortie la loi contre les violences éducatives ordinaires, aucune campagne n’a été menée. Les parents comme les enfants ne savent pas que cette loi existe. Il est donc nécessaire d’informer largement sur cette loi, puisqu’on sait que ces violences sont le terreau du décrochage scolaire, de la délinquance, des violences conjugales et mènent à l’échec d’une société.

Il existe en France peu d’études sur les violences psychologiques. Celles qui ont été menées aux États-Unis permettent de déterminer, parmi des enfants qui sortent de foyer à l’adolescence, lesquels seront plus tard victimes ou auteurs de violences conjugales. Ce manque d’informations autour des violences nuit donc gravement à la société.

Malgré l’urgence et les très nombreux rapports produits depuis des années – on croule sous les rapports –, de la crèche en passant par l’école, le sport, l’Église, l’aide sociale à l’enfance et leurs propres familles, des centaines de milliers d’enfants subissent des violences, de la cruauté, de la barbarie, qui entraînent des souffrances et des séquelles tout au long de leur vie, quand ils n’en sont pas morts. Qui aura enfin le courage de décider que ça suffit ? Je pense que cette décision est politique, citoyenne, collective : tout le monde doit se bouger pour que ça s’arrête.

Nous avons six recommandations. La première consiste à généraliser l’information auprès des enfants, partout où ils se trouvent. Un enfant qui ne sait pas ne peut pas parler. Dans beaucoup de cas, notamment de violences physiques et psychologiques, les enfants pensent que c’est normal d’être frappés. Il faut donc leur dire que ça ne l’est pas. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) le dit aussi : un enfant informé sait davantage se protéger. D’ailleurs, des milliers de témoignages d’enfants nous disent : « maintenant, on saura quoi faire. » Ils ne le feront toutefois pas tout seuls.

Ensuite, développer la formation de la communauté éducative est indispensable, pour les enseignants et les intervenants du périscolaire. Ils doivent pour cela être face à des personnes, car ils ont beaucoup de questions – deux jours n’y suffisent pas –, ils ont besoin de savoir, de parler de situations qu’ils rencontrent, d’exprimer ce qu’ils pensent. Cette formation doit faire partie de la formation initiale et continue, c’est d’ailleurs ce qu’ils demandent.

Troisième point, il faut allouer des ressources en conséquence, dédiées donc au personnel des écoles. Les collèges sont en général bien outillés – il y a du monde sur place. Dans les écoles en revanche, beaucoup se sentent démunis, seuls, en souffrance face aux violences et ne savent pas quoi faire. Il faut absolument des moyens, notamment pour dédier aux écoles des référents violence.

La quatrième recommandation consiste à dimensionner la chaîne de protection à la hauteur de l’enjeu. On ne peut pas, d’un côté, demander aux victimes de libérer leur parole et, de l’autre, ne rien anticiper. C’est ce qui s’est passé quand il fallait absolument libérer la parole. Beaucoup de personnes sont ensuite restées sur le carreau parce qu’il n’y avait pas de psychologues ni d’aide aux familles.

La cinquième recommandation concerne les délais qui suivent une IP ou un signalement : ils sont normalement de trois mois, mais vont en réalité jusqu’à 18 mois, voire deux ans. Pendant ce temps, les enfants sont avec leurs bourreaux, car il n’y a pas assez de personnel. Il faut donc que les délais soient respectés, voire raccourcis dans certains cas.

Nous constatons aussi, lors des formations dans les établissements scolaires, qu’il n’y a aucun retour sur les IP et les signalements. Cela crée un vrai problème de confiance : lorsqu’un enseignant fait une IP à un chef d’établissement et n’a pas de retour – il doit normalement y avoir un accusé de réception et une conclusion –, la confiance de l’enfant est engagée. Pendant ce temps, ils ne savent pas ce qui se passe pour l’enfant, cela peut durer des mois, l’enfant est absent ; quand il revient, ils ne savent pas ce qui s’est passé ni, par conséquent, comment se comporter avec lui.

Pour résumer, il faut donc une écoute active, une prise en charge immédiate de l’enfant, même en cas de doute – parce qu’on estime que le doute doit profiter à l’enfant –, des délais d’évaluation plus courts, une aide psychologique et juridique pour chaque enfant, une information obligatoire sur les suites.

Le dernier point concerne les infirmières et des médecins. En 2023, il y avait 7 720 infirmières pour 15 millions d’enfants. Comment peut-on bien faire son travail ainsi ? Nous rencontrons des infirmières qui travaillent dans plus de 11 établissements. Lorsqu’on leur demande si une infirmière est présente en permanence, 94 % des établissements nous répondent « non » ; 49 % répondent « oui » à la question « avez-vous besoin d’une infirmière à temps plein ? » et 86 % à la question « auriez-vous besoin d’un psychologue ? » Vous mesurez les besoins. S’il y avait plus de ressources de personnel, il y aurait aussi moins de problèmes de violence et de remontée des informations.

Il faut enfin sensibiliser les parents par tous les moyens, de façon tripartite : enfants, parents et professionnels. Il faut donc un vrai plan d’action, qui remet l’enfant au cœur de nos préoccupations et ne se limite pas aux établissements scolaires. Il doit être piloté au plus haut niveau de l’État : un ministère de l’enfance et des familles est indispensable.

Mme Isabelle Debré. Vous demandiez si le plan Evars allait être lancé en septembre et si nous étions prêts. À titre personnel, je ne le pense pas. Il y a un terrible manque de formation : je ne vois donc pas comment les enseignants vont pouvoir enseigner une chose pour laquelle ils ne sont pas formés – formation qui fait partie de nos recommandations. Pour être franche, nous sommes très dubitatifs.

Vous avez dit que l’agrément était une décision politique ; je ne suis pas tout à fait d’accord, même si vous travailliez sur ce sujet. Surtout, cela a duré des années : il manquait quelqu’un, ils avaient perdu notre dossier, il y avait toujours des problèmes.

Concernant nos préconisations, j’insisterai sur la formation et la prévention dans les écoles. Nous allons vous laisser notre petit livre blanc, qui contient toutes nos recommandations – qui se trouvent aussi sur notre site.

Vous aviez posé une question sur les fichiers centralisés. Je prendrai le cas de Marina, une petite fille qui a fréquenté de nombreuses écoles et a fini par mourir. Jamais les informations n’étaient allées d’une école à l’autre. Voilà qui est scandaleux, à une époque où existaient tous les moyens informatiques – pas encore l’IA. Un film a été tiré de cette histoire abominable. Il est anormal que, lorsqu’un enfant change l’école, l’école suivante ne sache pas s’il y a eu un signalement le concernant. Laura Morin souligne que ça a été pareil pour Amandine. Le cas de Marina a été très médiatisé et pourtant, rien n’a été fait. Il n’est pourtant pas difficile que la nouvelle école se renseigne lorsqu’un enfant arrive.

Je terminerai en disant que nous faisons le travail que l’État devrait faire. Dans une société parfaite, les associations ne devraient pas avoir à exister. Nous ne sommes pas une société parfaite, dont acte. Nous, associations, sommes prêtes à nous remonter les manches – je suis d’ailleurs bénévole depuis 33 ou 34 ans. Je n’ai pas l’habitude de me fâcher et de hausser le ton, mais je trouve inadmissible qu’on ne nous donne pas les moyens d’agir, la DGCS (direction générale de la cohésion sociale) s’apprêtant à encore nous retirer des subventions.

Quand je suis devenue présidente de l’association, notre budget comptait 4 % de subventions, le reste venant de donateurs. Heureusement que des gens croient en nous et que nous parlons. Laura Morin et moi allons dans les médias car cela permet de faire connaître l’association, qui est très crédible car elle travaille depuis longtemps.

Mais franchement, ne croyez-vous pas que l’État pourrait mettre la main à la poche ? Plus ça va, moins nous avons de subventions, qui représentent aujourd’hui 10 % de notre budget. Dans ce cas, que l’on ne nous demande pas de faire le boulot. Nous avons eu ce matin une réunion avec les acteurs de la prévention de l’enfance, ça va râler…

L’État ne place pas l’enfance parmi ses priorités. Il n’y a pas de ministère de l’enfance, ni même le mot enfance dans le titre des ministres – je ne suis pas politiquement correcte en le disant. Nous avons maintenant une haute-commissaire, que nous avons rencontrée ce matin. Je ne vais pas la critiquer avant de l’avoir vue à l’œuvre…

Nous pourrions avoir aussi un ministère : l’avantage, c’est qu’une haute‑commissaire restera en cas de dissolution alors que nous avons eu trois ou quatre ministres en peu de temps. Espérons qu’elle aura les moyens d’agir. Nous préférerions un ministère, mais nous ne l’avons pas, laissons la haute‑commissaire travailler. À L’Enfant Bleu, nous ne voulons pas critiquer avant d’avoir vu – c’est dans notre ADN. Nous essayons d’avancer, même si ce n’est pas simple, et nous comptons sur vous pour tirer la sonnette d’alarme concernant les subventions pour toutes les associations.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie, nous le faisons, en tout cas dans nos circonscriptions. Je laisse le mot de la fin à M. Gallais.

M. Arnaud Gallais. Je vais vous remettre une lettre de Nicole Le Tirilly, victime des frères de Saint-Gabriel. Elle a été choquée d’entendre Antoine Garapon parler ici de « cluster » de violeurs. Nous, victimes de violences sexuelles dans l’Église, serions dans des « clusters » – c’est nouveau, pour nous qui sommes expérimentés. Beaucoup de victimes en ont été marquées – dont Nicole, avec qui j’étais hier soir et qui nous regarde peut-être.

Ce qui nous amène ici, c’est initialement le scandale de Bétharram. Je vais vous lire ce qui s’est passé le 6 novembre 2020 : « le comité des droits de l’enfant de l’ONU a sollicité le gouvernement français, lui demandant de soumettre, avant le 30 octobre 2021, un rapport – un de plus – concernant les violences sexuelles perpétrées par des membres du clergé. Ce rapport devait inclure des enquêtes, poursuites et sanctions relatives à ces violences, y compris des précisions sur la prescription, les mesures de réparation, telles que l’indemnisation et la réhabilitation des victimes, les actions entreprises pour protéger les enfants contre de tels abus à venir. Cette demande souligne que l’État français ne peut déléguer à l’Église la gestion exclusive de cette affaire, qui relève de l’ordre public et présente un caractère criminel. Les victimes étant des citoyens français, la responsabilité de l’État est directement engagée. Qu’a fait le président de la République ? Qu’ont fait les différents gouvernements ? Ils n’ont jamais répondu. »

Je terminerai là-dessus, en vous disant que si on en est là aujourd’hui, c’est que le signal d’alarme de l’ONU, en 2020, n’a reçu aucune réponse. Or 30 % des victimes étaient dans des établissements privés, sous contrat ou non. Heureusement que François Bayrou a été nommé premier ministre, car, de cette manière, on a pu en parler…

Mme Nathalie Cougny. Je voudrais qu’il n’y ait pas de délai de prescription pour les crimes sexuels sur les enfants.

M. Arnaud Gallais. Nous aussi.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mesdames, monsieur, je vous remercie.

 

La séance s’achève à seize heure trente-cinq.

 


Présences en réunion

 

Présents.  M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Roger Chudeau, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Farida Amrani, M. Gabriel Attal, M. José Beaurain, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, Mme Tiffany Joncour, M. Roland Lescure, M. Frédéric Maillot, M. Charles Rodwell, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer