Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs) 2
– Présences en réunion..............................35
Mardi
8 avril 2025
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 51
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente
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La séance est ouverte à vingt et une heure cinq.
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs).
Article 1er (suite) : Création de la société holding France Médias et transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous poursuivons l’examen des sous-amendements à l’amendement 1090 rectifié du gouvernement.
Sous-amendements AC1141 et AC1142 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune)
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Je tenais beaucoup à venir défendre l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et dénoncer une fois de plus l’absurdité de cette proposition de loi.
L’INA est la démonstration qu’un organisme audiovisuel public peut se révolutionner de manière spectaculaire, ce qui se voit dans ses audiences. Il a valorisé son fonds et l’a mis à disposition sur les réseaux sociaux. Son fonds documentaire à vocation pédagogique est utilisé par un très grand nombre de productions, pour des images d’archives. C’est l’un des outils de valorisation du patrimoine audiovisuel les plus exceptionnels au monde.
Il est absurde de vouloir intégrer l’INA dans un ensemble sans aucune cohérence alors qu’il a montré qu’il était capable de se réformer et de collaborer avec l’ensemble de ses partenaires de l’audiovisuel public, mais aussi avec des partenaires privés. On peut d’ailleurs craindre que son intégration dans la holding porte atteinte à la possibilité de nouer des collaborations avec ces derniers.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Le sous-amendement se contente de remplacer le mot « missions » par le mot « prérogatives ». Nous avons déjà longuement discuté de l’INA et nous ne sommes pas d’accord en ce qui concerne la nécessité de créer la holding. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Même avis.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). J’ai vérifié depuis notre dernière réunion : le dernier cahier des charges de l’INA a été fixé par un décret de 2009. Je ne me sens pas vraiment tenu par les choix faits à l’époque.
Notre groupe est plutôt défavorable à l’idée que le gouvernement ait trop de prérogatives. Il vaut mieux que le Parlement se prononce sur ce cahier des charges et des missions.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous ne sommes pas d’accord avec l’idée d’intégrer dans une même holding des structures de radio et de télévision différentes, car cela risque de leur faire perdre leur identité et leurs spécificités. Mais cela se discute. En revanche, nous ne comprenons vraiment pas pourquoi l’INA devrait faire partie de cette holding exécutive. L’Institut a beaucoup évolué ces dernières années. Je salue le travail de la direction et des salariés, qui ont réussi à le transformer en média patrimonial. Nous craignons que la holding exécutive remette en cause cette stratégie : quelle garantie avons-nous que ce ne sera pas le cas ?
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Sous-amendement AC1139 de M. Emmanuel Grégoire
M. Emmanuel Grégoire (SOC). En l’absence d’étude d’impact, la ministre pourrait-elle nous donner une évaluation de la perte de chiffre d’affaires que subira l’INA, qui, du fait de son intégration forcée dans la holding, sera en difficulté pour conclure des contrats avec des partenaires autres que ceux de l’audiovisuel public ? Quelle est actuellement la part de son chiffre d’affaires résultant de partenariats avec de tels acteurs ?
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Notre collègue Grégoire évoque le sujet des charges, et donc plus largement du modèle économique de l’INA dès lors qu’il sera intégré dans la holding.
L’INA aurait pour mission, entre autres, de contribuer à la formation des personnels des différentes entités de la holding. Tout cela mérite que nous soyons informés sur les transferts entre les différentes filiales de la holding, sur le montage financier et sur le modèle économique prévus. On ne peut pas se contenter d’avis laconiques au motif que cet amendement serait purement rédactionnel. Nos collègues socialistes ont été modestes en le motivant ainsi, car il soulève une question qui mérite une réponse.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Parmi les spécificités de l’INA figurent ses délégations régionales. Prévoyez-vous de les maintenir au sein de l’Institut ? Nous n’avons pas de garantie sur ce point, car d’autres filiales pourraient être créées par la suite.
Autre crainte : l’avenir des bâtiments situés à Bry-sur-Marne. Nous craignons beaucoup qu’une holding cherchant à faire des économies choisisse de les vendre ou de mettre à mal ce patrimoine.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement AC1131 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je déplore que l’on ne réponde pas à nos questions importantes sur l’avenir de l’INA. Le projet déployé par cet institut depuis maintenant quelques années est une grande réussite, reconnue par tous.
La ministre a évoqué le public vieillissant de l’audiovisuel public, mais l’INA a su renouveler le sien. D’où nos interrogations et notre opposition à ce qui pourrait le menacer.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Tout le monde comprend que ce sous-amendement est seulement motivé par votre opposition à la création de la holding. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis. Sous prétexte d’apporter des précisions, il s’agit d’obstruction.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). On m’a dit qu’il fallait que je vienne en commission car c’était très intéressant, que la ministre répondait aux questions qu’on lui pose…
Mme Rachida Dati, ministre. Ce n’est pas la peine de faire le malin ! Si vous aviez écouté depuis le début, vous sauriez que nous avons eu un débat de fond.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Une ministre ne doit pas parler comme cela à un député.
Nos amendements peuvent sembler baroques, mais vous n’apportez pas de réponses aux questions que nous posons. On peut dire que c’est de l’obstruction, mais nous procédons ainsi justement parce que vous refusez de nous répondre. Vous ne pouvez argumenter sur aucun des sujets que nous soulevons. C’est profondément dérangeant. C’est plutôt vous qui pratiquez l’obstruction en agissant de la sorte.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le fait est, effectivement, qu’au moins deux questions qui ont été posées sur l’INA n’ont pas reçu de réponse.
D’abord, quel est le modèle économique envisagé ? S’il y a une réforme de la gouvernance, il va bien falloir savoir quels sont les transferts au sein de la holding. Vous avez seulement indiqué que l’INA contribuerait à la formation des personnels des autres entités, mais cela lui procurera-t-il des revenus ? Y aura-t-il une concurrence avec d’autres entreprises privées ? Nous sommes dans le flou.
Ensuite, vous engagez-vous à ne pas modifier le décret de 2009 ? Car c’est de cette question de fond qu’il s’agit, pas d’obstruction : nous proposons de substituer au décret qui fixe le cahier des missions et des charges de l’INA une loi valable pour l’ensemble de France Médias.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comme vous avez choisi d’amender une proposition de loi au tout dernier moment, nos amendements risquent de tomber. Nous sommes donc obligés de déposer ce type de sous-amendements pour pouvoir poser nos questions de fond – et il est vrai qu’elles sont nombreuses.
Madame la ministre, vous fuyez le débat. Vous êtes là, mais vous ne répondez quasiment à rien.
Mme Rachida Dati, ministre. Je vous respecte, alors respectez-moi aussi. Ne dites pas que je ne réponds à rien.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). En tout cas, vous ne répondez pas beaucoup…
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je peux dresser la liste des questions que j’ai posées et auxquelles vous n’avez pas répondu. Elles sont nombreuses, fondées et documentées. Sur les accords sociaux, sur l’INA, sur les évolutions envisagées pour les filiales, vous n’avez pas répondu. C’est un fait et tout le monde peut le constater en regardant nos travaux.
Il n’est pas agréable de déposer ce type de sous-amendements, mais nous n’avons pas d’autre choix si nous voulons débattre des sujets qui nous tiennent à cœur.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement AC1127 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je pose de nouveau les mêmes questions, car vos réponses m’intéresseraient. Le décret prévoira-t-il exactement les mêmes missions ? Pouvez-vous garantir que la mise en place de la holding exécutive ne se traduira pas par la vente des bâtiments patrimoniaux de l’INA ? Qu’en est-il de la mission de formation, sera-t-elle confiée à l’INA ou à une nouvelle filiale ? L’INA devra-t-il systématiquement répondre à des appels d’offre ? Quant aux accords sociaux, vous nous avez dit qu’ils étaient en cours de négociation : selon les informations dont je dispose, ce n’est pas vrai.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vous présenteriez exactement les mêmes amendements s’il s’agissait d’un projet de fusion.
Même si vous nous prêtez des intentions cachées, souffrez que la création d’une holding n’a rien à voir avec une fusion. Les différentes entités que sont par exemple Radio France ou France Télévisions continueront à exister et les cahiers des missions et des charges continueront à être déterminés par décret. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Les missions figurent dans la loi et les cahiers des charges, fixés par décret, évoluent. Ce n’est pas nouveau.
Les cahiers des charges, comme les objectifs, peuvent se transformer. Nous parlions plus tôt du pacte pour la visibilité des outre-mer : il a fait évoluer les choses. Pour tout ce qui relève de l’accessibilité, de l’inclusion ou de la diversité aussi, le bilan est meilleur – et tout cela figure dans le cahier des charges.
Voilà ma réponse. Elle est très simple, je l’avais déjà donnée et je peux la répéter aussi longtemps que vous présenterez les mêmes questions.
S’agissant des négociations sociales, on a l’impression que vous découvrez la lune. Les négociations, cela fait évoluer les conventions collectives ! À vous entendre, vous seriez des professionnels de la profession et nous serions des nuls. Mais croyez-vous que lorsque des coopérations se forment, il n’y a plus aucune négociation et que plus rien n’évolue ? Si, c’est un mécanisme très basique, et il se poursuivra.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je prends acte de votre réponse sur les missions et le décret, je n’y reviendrai plus.
En revanche, vous n’avez pas vraiment répondu à la question sur les conventions collectives. Mme Ernotte nous avait dit que la fusion allait coûter de l’argent car, l’ensemble des personnels étant affectés au sein de la même structure, il allait falloir appliquer à tous les dispositions les plus favorables. Mais puisqu’il s’agit dorénavant d’une holding exécutive qui peut créer des filiales, il sera possible de repartir de zéro : ce sont les professionnels qui nous l’ont indiqué. Pouvez-vous assurer aux personnels que personne n’y perdra rien ? C’est une question très claire qui résulte d’une audition avec les services de Bercy.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Madame la ministre, vous ne pouvez certes pas prendre des engagements sur l’évolution des contrats d’objectifs pour les cinquante prochaines années, mais avouez qu’il serait préférable que la représentation nationale sache avant de voter quelles sont vos priorités pour les trois mois qui viennent.
Monsieur le rapporteur, ce sont les salariés qui souffrent et qui s’inquiètent. Leur émoi est immense et je regrette que vous ne vouliez pas l’entendre.
Les objectifs assignés à la holding seront déterminés par décret et échapperont donc à la représentation nationale. Nous ne demandons pas de scléroser l’audiovisuel public, mais simplement que vous fassiez part des grandes orientations que vous comptez donner à l’INA.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Certes le cahier des charges évolue, mais le dernier décret date tout de même de 2009. Si vous souhaitez le modifier – vous nous demandez une forme d’habilitation en ce sens, puisque le gouvernement continuerait à pouvoir intervenir par décret – il faut nous dire quelles seraient les nouvelles orientations. Soit vous nous dites qu’une évolution du cahier des charges n’est pas à l’ordre du jour dans l’année qui vient, soit vous envisagez un nouveau décret, mais sans en connaître le contenu parce que vous n’avez pas suffisamment préparé le dossier. Nous avons besoin de le savoir.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements AC1432 de Mme Soumya Bourouaha, AC1143 de M. Emmanuel Grégoire, et AC1433, AC1434, AC1435, AC1436 et AC1437 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Mes sous-amendements témoignent de notre opposition absolue au projet de holding.
Je me pose beaucoup de questions sur l’amendement du gouvernement et vous ne m’avez pas encore convaincue, madame la ministre. Nous demandons de la transparence sur le contenu du décret. Quelles seront les missions assignées à l’INA, et avec quels moyens ? Nous n’avons aucune garantie. Le décret pourrait très bien redéfinir en profondeur les priorités, en fonction d’orientations politiques, stratégiques et budgétaires décidées unilatéralement par l’exécutif. Il pourrait fixer des missions nouvelles, voire imposer une réorientation complète.
L’INA a évolué de manière très positive et a su se renouveler. Nous avons le sentiment que ce projet va mettre fin à cette démarche. Nous nous inquiétons et c’est pourquoi nous demandons des réponses.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Nous comprenons bien entendu que les salariés soient préoccupés. Mais ils étaient également inquiets lors de la création de France Télévisions en 2009 ; or, à part peut-être les collègues de gauche, qui remet désormais en question l’utilité d’un tel groupe et les projets en commun qu’il permet d’organiser ?
J’ai été administrateur d’une entreprise de l’audiovisuel public et il est faux de dire que tous les salariés sont opposés à la création de la holding. Il y a des inquiétudes, et cela est normal quand votre entreprise est sur le point d’être réorganisée – l’inverse serait étonnant – mais il n’y a pas d’unanimité. La position de Laurence Bloch ne me paraît pas isolée au sein de Radio France. Beaucoup de salariés, qui ont pu constater combien il était difficile de mener à bien des coopérations, sont intéressés par l’idée qu’il y ait un chef d’orchestre, ou du moins un arbitre.
Je serai donc défavorable à l’ensemble de ces sous-amendements. Je regrette d’ailleurs que nous y passions tellement de temps : il y a d’autres sujets intéressants dont nous pourrions discuter, au gré des 1 636 amendements que vous avez déposés, dont par exemple la composition du conseil d’administration, la place des journalistes ou les conventions stratégiques pluriannuelles (CSP).
Mme Rachida Dati, ministre. Une fusion a en effet un coût, car on doit retenir les statuts les plus favorables des conventions collectives. Or, en l’occurrence, il n’y a pas de fusion : les différentes entités seront préservées. Des négociations sont engagées, en lien avec la mise en place de la holding, mais les coûts et la fusion dont vous parlez n’existent pas.
Qu’il y ait ou non une réforme, le cahier des charges continuera à être fixé par décret. J’ai souhaité que le prochain soit plus précis, car cela permet de mieux évaluer et de demander des comptes aux dirigeants. Les grandes orientations continueront à figurer, quant à elles, dans les CSP, discutées au Parlement. Je ne comprends pas vos inquiétudes.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous réitérons nos interrogations sur l’objectif de la création d’une holding. Le rapporteur a fait valoir que les salariés avaient eu tort de s’inquiéter lors de la création de France Télévision : ce n’est pas tout à fait vrai, car il y a quand même eu une baisse des crédits. Il ne faut pas réécrire l’histoire. Encore une fois, la création de la holding aura un coût, que nous estimons entre 150 et 190 millions d’euros. Par ailleurs, les exemples étrangers peuvent nous éclairer sur les errements qu’il ne faut pas reproduire.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Les négociations sociales ne sont pas induites exclusivement par une fusion, la filialisation en impliquera nécessairement aussi. Si l’on peut ouvrir des filiales, des personnels y seront affectés. Il y aura donc nécessairement des renégociations, qui se traduiront soit par un coût, soit par une perte d’avantages. Il est normal que les salariés s’en préoccupent et nous nous en faisons l’écho.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je cite le rapport de la Cour des comptes de 2016 : « au regard des enseignements qu’il convient de tirer du processus d’intégration de l’entreprise unique à France Télévisions, l’idée de procéder à des fusions imposées par le haut ne paraît pas aujourd’hui la méthode la plus efficace. […] En revanche, une démarche progressive fondée sur des coopérations entre entreprises […] devrait être encouragée. » Il n’était pas question de holding exécutive. Les coopérations entre entreprises devaient prendre la forme, par exemple, de COM (contrats d’objectifs et de moyens) avec des chapitres communs, et plus généralement, se faire par le bas.
Mme Rachida Dati, ministre. Ce sont des coopérations avec une holding exécutive.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Vous le savez très bien, madame la ministre, dans une holding exécutive, le commandement, la répartition des budgets, donc la gestion des personnels relèvent d’un seul et même niveau. Ne nous dites pas que la holding exécutive n’aura aucun coût, à l’instar du document qui nous a été transmis, dans lequel aucun impact social n’est anticipé. Ou alors la holding exécutive n’aurait aucun rôle exécutif s’agissant du personnel ? Qui peut le croire ?
M. Joël Bruneau (LIOT). En droit social, un salarié qui rejoint une filiale nouvellement créée conserve ses avantages acquis précédemment dans l’entreprise. En revanche, un nouveau salarié, recruté par la filiale, peut être soumis à un régime différent. Les salariés déjà présents dans l’entreprise n’ont pas à craindre un déclassement. C’est ainsi que la SNCF a évité la faillite.
La commission rejette successivement les sous-amendements.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). M. Bruneau vient d’apporter de l’eau à notre moulin. En faisant un parallèle avec la SNCF, il a confirmé que, petit à petit, la situation sociale allait se dégrader. Les nouveaux arrivants n’auront pas le même statut que les anciens. Vous semblez vous en réjouir, nous y sommes opposés car nous y voyons un moyen de miter le droit social.
Vous vous félicitez de la fusion qui a donné naissance à France Télévisions, mais le fait est que la société a désormais recours à l’externalisation pour un tiers de ses missions. C’est tout sauf un succès du point de vue de la gestion des ressources humaines.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je mets aux voix l’amendement AC1090 rectifié. Qui vote pour ? Qui vote contre ? Il est rejeté.
Mme Caroline Parmentier (RN). Il est rejeté ? Nous n’avons pas entendu qu’il était mis aux voix !
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. J’ai posé les questions clairement. Ceux qui étaient contre, eux, m’ont entendue.
Mme Caroline Parmentier (RN). Nous ne sommes pas les seuls à ne pas avoir voté, nous n’avons pas entendu !
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je suis prête à mettre de nouveau l’amendement aux voix, mais je ne le ferai pas deux fois. Je vous demande d’être vigilants lors des prochains votes.
La commission adopte l’amendement AC1090 rectifié.
Amendement AC1095 rectifié du gouvernement
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Cet amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
Mme Rachida Dati, ministre. La proposition de loi permet aux organismes du secteur audiovisuel public de créer des filiales pour l’exercice des missions de service public qui leur sont confiées. Afin d’accroître leurs possibilités de coopération, l’amendement vise à leur permettre de créer des filiales communes, contrôlées conjointement.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Favorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Par cet amendement, la logique de simplification et de mutualisation laisse place à une usine à gaz. Des filiales vont créer des filiales communes : je n’en vois pas la nécessité, mais admettons.
Selon l’expression consacrée, il y a bien un « sac à dos social » pour les salariés transférés dans une filiale. Mais pour les salariés nouvellement recrutés, le statut offert par la filiale est bien moins-disant que le précédent. Cela crée des tensions au sein du personnel, et ceux dont le statut est plus favorable sont poussés vers la sortie.
Contrairement à ce que nous a reproché le rapporteur, nous ne faisons pas de procès d’intention, nous avons simplement de la mémoire. Nous savons comment l’histoire commence et comment elle se termine. Nous savons ce que les structures produisent. En l’occurrence, une structure comme celle que vous envisagez produit de la casse sociale.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si l’on suit la logique rappelée par notre collègue, trois statuts seront amenés à cohabiter au sein, par exemple, de la future filiale France Info : celui de Radio France, celui de France Télévisions et celui des nouveaux entrants.
L’autre possibilité, plus logique et que nous appelons de nos vœux, est un alignement par le haut des différents statuts. Mais dans ce cas, vous ne pouvez pas affirmer que le coût de la holding sera nul. En 2000, la création de la holding France Télévisions a occasionné l’ajout d’une strate administrative de 200 salariés, dont le coût a été évalué par la Cour des comptes à 300 millions d’euros par an.
Les coûts supplémentaires semblent donc inévitables, à moins d’enjoindre aux salariés de choisir entre le nouveau statut ou la suppression de leur poste. Quelle est votre position ?
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). En cas de transfert d’un salarié, les avantages acquis ne concernent que les éléments salariaux inscrits dans le contrat de travail. Or de nombreux autres avantages, qui sont autant de victoires sociales, n’y figurent pas : les indemnités de licenciement, les RTT, les heures du week-end, les récupérations diverses...
Il y aura donc bien une dégradation des conditions de travail. À chaque opération de cette nature, dans le public comme dans le privé, les salariés sont lésés.
Sous-amendements AC1255, AC1256, AC1257 et AC1258 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La création de filiales soulève des questions en matière sociale bien sûr, mais aussi d’organisation du travail.
Selon la directrice générale des médias et des industries culturelles, auditionnée dans le cadre du rapport sur les projets de COM des organismes de l’audiovisuel public, si les entreprises devaient faire des économies dans les années à venir – et c’est inévitable puisque les budgets baissent et que la fusion ne va rien coûter –, la seule possibilité résiderait dans l’évolution de l’accord collectif unique, autour du développement de la polyvalence des métiers et d’une réflexion sur le temps et l’organisation du travail.
Dans le schéma que vous proposez d’une holding exécutive, au sein de laquelle une personne a le pouvoir de tout réorganiser, pouvez-vous garantir aux salariés qu’ils ne perdront ni en salaire, ni en qualité de leurs conditions de travail ?
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable. Les accords collectifs se négocient dans le cadre d’un dialogue social – et ce n’est pas le gouvernement qui le mène. Ce dialogue peut être long. La date de création de la holding en tient compte. Il faut pouvoir commencer les négociations.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Négociation il y aura en effet, mais celle-ci se déroulera sous contrainte budgétaire. Dans le contexte que nous connaissons de pénurie et d’accroissement du contrôle de l’État dans la définition des moyens et des objectifs, la négociation sera inévitablement tendue et au détriment des salariés.
Vous nous faites croire que la négociation se passera entre gens de bonne volonté, mais ce ne sera pas le cas : il y aura de la casse sociale, et cela aura aussi des répercussions sur les contenus.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Merci de votre début de réponse, madame la ministre, qui permet d’ouvrir un dialogue intéressant et constructif.
Je ne comprends pas votre argument sur la longueur des négociations. Nous avons fait l’expérience ces dernières années d’une baisse conséquente des budgets, qui a conduit l’audiovisuel à faire d’énormes efforts, lesquels ont notamment porté sur le personnel et l’organisation du travail. Vous pouvez donc comprendre notre inquiétude face à la situation, d’autant que le document qui nous a été présenté fait l’impasse sur ces questions. Que vont coûter les mises à niveau sociales, si elles ont lieu, et dans quel délai ? Le gouvernement est-il prêt à s’engager, quitte à faire adopter une loi de programmation ?
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Elle rejette l’amendement AC1095 rectifié.
Amendement AC1091 rectifié du gouvernement
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. L’amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
Mme Rachida Dati, ministre. Cet amendement a pour objet d’apporter des garanties en matière d’indépendance. Le président-directeur général de la société France Médias, nommé par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), sera PDG ou président du directoire des filiales, autres que les sociétés nationales de programme, éditrices de services. La représentation de l’État au sein des conseils d’administration de ces sociétés est également assurée.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis favorable.
Sous-amendements AC1155 et AC1202 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le PDG de la holding exécutive aura la main sur toutes les entreprises qui la constitueront. Il aura le pouvoir sur la répartition financière entre elles, par exemple. Là réside l’un des principaux problèmes de la proposition de loi puisque cela met en danger l’indépendance de l’audiovisuel public.
La nomination du PDG, fort heureusement, ne procède plus du président de la République, comme le prévoyait le texte initial – on croyait rêver ! Mais cette indépendance est bel et bien menacée par le fait de placer la décision ente les mains d’une seule personne. C’est du bon sens : il est plus facile de faire pression sur une seule personne que sur plusieurs.
Ce choix de confier tous les pouvoirs à un seul soulève un problème démocratique, en particulier dans une période politique où certains partis de par le monde n’ont pas hésité, une fois au pouvoir, à mettre la main sur l’audiovisuel public – je pense à la Hongrie, entre autres. Nous sommes donc totalement opposés à la présidence commune.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). La gouvernance que vous proposez – la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’une personne – est l’antithèse de la coopération, qui n’a pourtant cessé d’être mise en avant depuis le début de nos travaux. Elle est même l’antithèse de l’esprit démocratique. La séparation des pouvoirs est la garantie la plus forte contre le risque d’un pouvoir abusif, autoritaire, dictatorial.
Nous tirons la sonnette d’alarme. Cette gouvernance est une folie funeste pour la démocratie. Renoncez-y !
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous aimez à parler de tout ce qu’apportera la présence d’un chef d’orchestre. En l’occurrence, le PDG ne sera pas seulement chef d’orchestre, mais aussi premier violon, premier cor solo et premier tout le reste, puisqu’il dirigera la holding mais aussi toutes les sociétés qui la composent !
On ne parle donc pas de quelqu’un capable d’arbitrer les différends au sein de la holding mais d’un personnage omnipotent, qui pourra se prononcer sur le sort des directeurs généraux des diverses entités. On est très loin d’un rôle de chef d’orchestre.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous sommes absolument opposés à l’amendement, qui a pour effet de concentrer les pouvoirs entre les mains d’un président, au détriment de l’autonomie des filiales. C’est très dangereux pour la démocratie.
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Sous-amendement AC2047 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Admettez que la question de l’indépendance est importante dans le contexte d’une pression croissante sur les médias publics à travers le monde.
Face au danger pour la démocratie, il est indispensable de privilégier une direction de l’audiovisuel public indépendante. Or le PDG unique amoindrit les garanties en la matière.
Nous avions exprimé des inquiétudes similaires sur la suppression de la redevance. Le dispositif qui lui a succédé ne les a pas toutes levées et vous venez ajouter une couche supplémentaire, qui fragilise encore un peu plus l’indépendance des entreprises.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. J’avais vu juste tout à l’heure en disant que le mot de holding vous dérange : il est question dans votre amendement d’une confédération des médias publics ! Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. L’indépendance de l’audiovisuel public est une obligation constitutionnelle et européenne, rien de moins ! En outre, il ne vous a pas échappé que le Conseil d’État a été consulté. Il a confirmé que l’indépendance était garantie, notamment en raison de la nomination du PDG par l’Arcom, autorité indépendante du gouvernement. Que voulez-vous de plus ? Avis défavorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Justement, pourquoi cette proposition de loi est-elle examinée maintenant, au moment où l’Arcom lance les appels à candidatures pour la présidence des différentes entités de l’audiovisuel public ? À tout le moins, ce n’est pas de bonne méthode. Qui sont les candidats et quels engagements peuvent-ils prendre devant l’Arcom alors que la future architecture de l’audiovisuel public n’est pas connue ?
Hier, on nous expliquait qu’il n’était pas possible de modifier le code électoral moins d’un an avant des élections municipales. Le délai prévu ici est ici bien plus alarmant : on s’apprête à modifier toute la gouvernance de l’audiovisuel public alors que le processus de nomination de la future direction est en cours. Une telle précipitation pose problème.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’indépendance des médias publics est peut-être d’ordre constitutionnel, madame la ministre, mais on peut parfois s’interroger sur certains coups de fil qui déprogramment des enquêtes ou demandent que des recherches sur certaines personnalités ne soient pas menées.
Mme Rachida Dati, ministre. Pouvez-vous préciser ?
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je vais rechercher précisément. Très récemment, par exemple, un documentaire a été menacé d’être déprogrammé, avant d’être reprogrammé au vu du tollé suscité par cette annonce. On peut s’interroger sur la raison de ces changements de pied.
Mme Rachida Dati, ministre. Il faut préciser !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je préciserai plus tard. Les interrogations sur l’indépendance des médias, et particulièrement des médias publics, sont importantes et ont toujours existé. Nous devons nous assurer que le dispositif est irréprochable.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). L’avis rendu en décembre 2019 par le Conseil d’État indiquait notamment que l’étude d’impact « constitue davantage dans certains cas un plaidoyer au soutien des choix opérés qu’une analyse des solutions possibles, et revêt parfois un intérêt seulement rhétorique ». Quand on cite des sources, madame la ministre, il faut les citer en entier. Le Conseil d’État appelle également l’attention du gouvernement sur la complexité du processus de création et sur des délais trop courts pour l’effectuer. Je tiens à apporter cette connaissance à nos collègues.
Mme Caroline Parmentier (RN). Une « information », peut-être ?
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Madame Parmentier, au lieu de critiquer sans cesse les orateurs, ayez plutôt le courage de prendre la parole.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame Parmentier, la seule personne qui a la parole est celle à qui je l’ai donnée.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Au Rassemblement national, vous êtes des trolls professionnels. C’est ce que vous faites en ce moment, vous trollez.
Mme Caroline Parmentier (RN). C’est une injure personnelle ?
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Bref, lorsque vous citez des rapports du Conseil d’État, ayez l’honnêteté de le faire dans leur exhaustivité, plutôt que de n’en prendre que des morceaux choisis pour servir votre thèse.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Récemment, un documentaire sur l’utilisation d’armes chimiques en Algérie a été déprogrammé. Ce n’est pas un sujet mineur. Il me semble qu’il a aussi été décidé de stopper certaines enquêtes pendant les élections européennes – mais je peux me tromper.
Mme Rachida Dati, ministre. Vous me mettez en cause ? Il n’y a pas eu de coup de fil.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne dis pas qu’il y a eu un coup de fil, mais que cela a suscité des questions. Vous invoquez une obligation d’ordre constitutionnel. Tant mieux, mais il est un peu idéaliste de croire qu’une règle écrite est toujours respectée. Le législateur que nous sommes préfère évidemment que les choses soient écrites, mais nous pouvons vouloir aussi d’autres garanties, dans une période où l’indépendance recule.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Outre les coups de fil, il faut parler aussi de l’autocensure.
Mme Rachida Dati, ministre. Ça, c’est autre chose, et cela existe.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’indépendance se heurte à la fois à la possibilité de la censure et à l’autocensure, par exemple par crainte de coupes budgétaires. Je le répète donc : mettre tous les pouvoirs, sur toutes les filiales, entre les mains d’une seule personne accroît le risque de censure et d’autocensure. Dans une situation politique où le Rassemblement national veut privatiser l’audiovisuel public et où ses amis européens l’ont fait dans les pays où ils ont pris le pouvoir, en Italie et en Hongrie, nous pouvons être inquiets – et cette inquiétude est très saine.
M. Philippe Ballard (RN). L’autocensure existe. Je l’ai vécue pendant quarante ans dans les différentes rédactions nationales que j’ai traversées. On s’autocensurait par peur d’être politiquement incorrect, de ne pas être dans le sens du vent, d’être contre le mainstream. Oui, l’autocensure existe – mais pas pour la gauche : c’est même le contraire, puisque vous êtes majoritaires dans les rédactions.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement AC1238 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Monsieur Ballard, l’audiovisuel public est souvent assez mainstream. Il donne la parole à des gens d’horizons différents, car il fait vivre le débat démocratique, ce qui n’est finalement pas très étonnant. Souvent, des militants de gauche s’agacent de certains éditoriaux ou de certaines interviews, mais il est normal que, dans l’audiovisuel public, on ne se sente pas tout à fait comme chez soi ! C’est la radio et la télévision de tous, c’est-à-dire une sorte de majorité, de consensus dans l’opinion, qui ne se fait pas pour autant au détriment de la vérité de l’information. L’audiovisuel public applique une déontologie journalistique souvent irréprochable, même s’il y a forcément des dérapages – du reste moins nombreux qu’ailleurs. C’est ce qui le rend précieux.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. En quoi la création d’une holding mettrait-elle en péril l’indépendance éditoriale, celle des rédactions et des journalistes, à laquelle nous sommes tous attachés ? Demain, il y aura les mêmes règles déontologiques pour protéger les journalistes, il y aura encore un ministre de la culture et un président de la République, et l’existence d’une holding ne changera rien à tout ce que vous dénoncez. Et elle n’empêchera pas les coups de téléphone, soyons sérieux ! La question est trop importante pour qu’on la caricature.
Affirmer que cette holding remettrait en cause l’indépendance des journalistes, c’est tout simplement douter de leur travail. Vous qui affirmez que vous respectez les salariés, pensez-vous qu’une holding changera que ce soit à l’indépendance des journalistes de France Télévisions ou de Radio France ? France Inter restera France Inter, France 2 restera France 2 et Mme Élise Lucet continuera à produire et présenter ses émissions.
Mme Rachida Dati, ministre. La sanctuarisation du financement de l’audiovisuel public, en valeur comme en mode de financement, est un facteur d’indépendance. L’autocensure existe, et le fait qu’il y ait ou non une holding n’y changera rien. L’important est de renforcer la structure et d’adopter une stratégie et une vision cohérentes, sans toucher à l’identité des entités.
Tout à l’heure, vous évoquiez un avis du Conseil d’État, mais qui portait sur l’étude d’impact du texte de Franck Riester, en 2019, et absolument pas sur celui que nous examinons aujourd’hui. L’avis auquel je me réfère porte sur la proposition de loi Lafon, et il est très clair.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). M. Ballard nous a dit qu’il s’était autocensuré. Sa carrière s’étant déroulée pour l’essentiel dans le privé, cela n’apporte guère d’éléments pour l’examen du texte. C’est sa conception de la déontologie qui l’a conduit à s’autocensurer ou à ne pas le faire.
La question de l’indépendance, c’est celle de la concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne. En théorie, cette personne est censée pouvoir résister aux pressions et ne pas les répercuter ; mais si elle devait y céder, les conséquences seraient beaucoup plus graves, car elles toucheraient les directeurs généraux de toutes les entreprises de l’audiovisuel public, et cela se produirait à chaque fois. Le risque est donc plus important qu’auparavant.
M. Philippe Ballard (RN). L’autocensure est un poison lent, qui existe dans le privé et dans le public. Durant les trois ans que j’ai passés à présenter des émissions à France Info, le mot d’ordre était « #pas d’emmerdes » : conclusion, on s’autocensurait – et cela vaut dans le privé comme dans le public.
On peut toujours présenter l’audiovisuel public comme un monde merveilleux, mais permettez-moi de vous donner deux exemples du contraire, que j’avais signalés à M. Roch Olivier Maistre, président de l’Arcom. Ainsi, au moment des législatives, Mme Charline Vanhoenacker – qui a par ailleurs été punie : débarquée de la matinale, elle se retrouve avec une émission le dimanche entre dix-huit et vingt heures ! – a fait pendant une heure et demie une émission contre l’extrême droite. C’était en public, au studio 106 de la Maison de la radio, avec les applaudissements du public. Deuxième exemple : en janvier dernier, sur France Info, dans une chronique sur le climat avec François Gemenne, le présentateur a déclaré que 2024 nous avait ménagé de très mauvaises nouvelles : l’augmentation des températures, le réchauffement des océans et la montée de l’extrême droite. Qu’est-ce que cela venait faire dans le chapeau de présentation de cette émission ? Le service public, c’est aussi cela.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). En adoptant à l’unanimité la loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, nous avons amélioré la situation par rapport à la budgétisation, mais nous n’avons aucunement sanctuarisé le montant du financement. D’ailleurs, de nouvelles baisses sont intervenues dans les budgets élaborés par MM. Barnier et Bayrou. En France, à la différence d’autres pays comme l’Angleterre et l’Allemagne, le principe d’annualité budgétaire interdit une prévisibilité sur plusieurs années.
Le fait que le montant ne soit pas sanctuarisé pose aussi un problème d’indépendance, comme l’Europe le souligne à juste titre. Le principe budgétaire d’annualité met l’audiovisuel public en difficulté pour travailler sereinement dans un contexte très concurrentiel, et peut aussi l’exposer à des pressions.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Monsieur le rapporteur, tandis que vous nous dites qu’il n’y a pas à s’inquiéter pour l’indépendance de France Télévisions si nous créons une holding, notre collègue du Rassemblement national, qui soutient vos amendements et vote contre les nôtres, se lance dans un plaidoyer pour la liberté de pensée ou contre le politiquement correct. Cela ne vous inquiète-t-il pas ? Sa vision de la télévision est plus proche de celle d’Orban et Berlusconi que de celle du service public ! Monsieur Ballard, vous évoquez des émissions d’une heure et demie sur France Inter contre l’extrême droite, mais il existe aussi en France une chaîne privée qui diffuse l’inverse vingt-quatre heures sur vingt-quatre !
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vraiment, on ne peut pas dire cela !
Mme Caroline Parmentier (RN). Cette chaîne n’est pas payée par les impôts des Français !
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). La concentration du pouvoir dans les mains d’une seule personne n’est pas une bonne chose pour la démocratie. Ceux qui le souhaitent sont de l’autre côté de cette salle et on voit très bien le type d’idéologie qui va avec.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements AC1259, AC1260, AC1261, AC1262 et AC1263 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La question est bien celle du lien entre financement et indépendance. Le risque de censure et d’autocensure est d’autant plus grand que le budget de notre audiovisuel public a été mis en coupe réglée depuis une quinzaine d’années – la fragilisation a commencé sous Nicolas Sarkozy, a continué sous le quinquennat de François Hollande et s’est poursuivie également ces dernières années. Il sera donc beaucoup plus difficile à un dirigeant de résister à d’éventuelles pressions, et plus encore s’il est seul : quand on a des marges de manœuvre financières, on peut faire le dos rond et attendre, mais c’est absolument impossible si l’on n’en dispose pas. Les deux facteurs combinés sont porteurs d’un grave danger pour notre démocratie.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable. Dans votre vision, la holding et le président unique sont nécessairement néfastes pour la démocratie. Mais on peut aussi considérer que le président de France Médias, nommé par l’Arcom – et non par l’exécutif, ni même sous le contrôle du Parlement – à la tête d’une holding puissante et entouré d’une certaine notoriété médiatique, jouira d’une indépendance totale, qui le rendra beaucoup plus insensible aux coups de téléphone !
Et si demain le président de la République ou le ministre de la culture veulent appeler le président de France Télévisions ou de Radio France, qu’y changera le fait qu’il y ait une holding : qu’ils n’aient plus qu’un coup de fil à passer au lieu de deux ? C’est absurde ! La question est de savoir comment éviter les ingérences et les pressions politiques : la modalité d’organisation de l’audiovisuel public n’a rien à y voir. À nous de poser des garde-fous, et si vous pensez qu’ils sont insuffisants, mettez-en d’autres. Si le cas que vous citez du documentaire sur France 5 est avéré et aussi grave que vous le dites, pourquoi n’y a-t-il pas eu de mobilisation et de retrait des salariés ? La modalité d’organisation de l’audiovisuel public n’a pas de conséquences sur l’indépendance des médias et des rédactions. Au contraire –pardon de me répéter –, le président de cette holding sera peut-être même capable d’exercer une sorte de contre-pouvoir.
Enfin, madame Hadizadeh, soutenir l’indépendance des médias ne signifie pas qu’il faille accepter que l’audiovisuel public se lance dans une charge contre le Rassemblement national. C’est un parti politique que je combats, mais ce n’est pas protéger l’audiovisuel public que d’accepter la partialité de certaines émissions et de certains journalistes. C’est au contraire lui porter des coups de boutoir.
Mme Rachida Dati, ministre. J’abonde dans le sens du rapporteur. On ne peut pas réclamer l’indépendance et le pluralisme tout en supprimant l’expression d’une partie des représentants politiques.
Pour ce qui est, par ailleurs, de la prévisibilité, le fait que le montant du financement ne soit pas affecté par les régulations infra-annuelles est déjà une sécurité et un gage d’indépendance. Vous jugez que ce budget n’est pas élevé, mais il s’agit tout de même de 4 milliards d’euros ! Quant à la prévisibilité, la redevance ne l’assurait pas davantage dans le passé. Tout cela n’a rien à voir avec l’existence ou non d’une holding.
Je rappelle enfin que la personne qui exercera cette présidence sera nommée par l’Arcom, autorité indépendante, qu’elle devra rendre des comptes – rien à voir avec les pleins pouvoirs ! – et que le conseil d’administration contribuera à encadrer son pouvoir. Les principes qui fondent vos arguments sont confortés dans ce texte.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Sur la question de la concentration des pouvoirs, je vous trouve un peu désinvolte, monsieur le rapporteur. Vous ne voyez pas la différence entre un ou deux coups de téléphone ? Moi, je pense que cela change beaucoup de choses de devoir se griller deux fois au lieu d’une lorsqu’on veut exercer une pression. Je ne retiens donc pas cet argument.
En deuxième lieu, comme vous l’avez écrit dans votre rapport, le PDG de France Médias « doit avoir les moyens de veiller à ce que les grandes orientations stratégiques qu’il déterminera puissent se décliner de façon cohérente dans chacune des filiales. Pour ce faire, il importe qu’il soit doté des pouvoirs conférés aux directeurs généraux par le code de commerce, c’est-à-dire des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances. » Je comprends votre raisonnement, mais vous pouvez aussi comprendre que, ce faisant, vous concentrez des pouvoirs entre les mains d’une seule personne, ce qui soulèvera plus de problèmes, plus de doutes, plus de suspicion et plus de risques.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le dernier avis du Conseil d’État dont nous ayons connaissance est celui de 2019. Celui de 2024, auquel vous vous référez, a-t-il été rendu public ? Pourriez-vous nous le communiquer ?
Mme Rachida Dati, ministre. Nous allons vous le transmettre.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Certes, 4 milliards d’euros, c’est beaucoup, madame la ministre, mais c’est moins que précédemment. À titre de comparaison, la BBC fonctionne avec 50 % de budget en plus ; l’audiovisuel public allemand a un budget deux fois et demie plus important. Nous avons donc des entreprises très compétitives, qui font énormément avec très peu d’argent – et même moins d’argent que ces dernières années, compte tenu notamment de l’inflation.
Mme Rachida Dati, ministre. La BBC est le résultat d’une fusion.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Elle ne marche pas bien !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Mais le budget de la BBC est quand même supérieur de 50 % ! Si vous nous annonciez une fusion en mettant sur la table 50 % de budget en plus, la discussion serait totalement différente. Au contraire, vous fermez le robinet.
Mme Rachida Dati, ministre. Votre collègue dit que la BBC ne marche pas !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Donnez-moi des éléments précis, j’y répondrai : c’est un dialogue.
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Sous-amendement AC1168 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Certains grands audiovisuels publics européens fonctionnent avec plus d’argent. La fusion de la BBC a été un désastre – d’ailleurs, la BBC vient régulièrement voir comment fonctionne notre modèle, qu’elle envie. En revanche, d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne, la Bulgarie, le Luxembourg, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Suède, n’ont pas créé une société audiovisuelle unique. Il existe même, en Allemagne, des entités à l’échelle des Länder, et cela fonctionne bien. En Belgique coexistent la RTBF et la VRT, administrées par l’État par l’intermédiaire de leur conseil d’administration. En Suède, ce sont Sveriges Television et Sveriges Radio, et ça marche bien aussi. Il est donc faux de nous présenter la holding comme le seul avenir possible.
Tous nos voisins européens n’ont pas fait le même choix ; ceux qui ont choisi la fusion s’en mordent les doigts et viennent voir chez nous comment ça se passe. Quand nous aurons fait la holding, ils iront voir ailleurs !
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable. Je rappelle qu’en Europe, huit pays seulement ont des organisations séparées : le choix majoritaire est celui du regroupement, pour des raisons d’efficacité opérationnelle.
Mme Rachida Dati, ministre. Ah bon, vous trouvez que cela fonctionne très bien en Suède ? Vous y êtes allée, c’est ce qu’ils vous ont dit ? Pour ma part, j’y suis allée, et ça ne marche pas si bien.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Qu’est-ce qui vous permet de dire ça ?
Mme Rachida Dati, ministre. Allez discuter avec eux ! La Suède travaille à un projet de regroupement. L’Espagne a procédé à une fusion et en est ravie. En Allemagne, l’organisation est différente en raison de la force des Länder, mais à l’échelle des Länder, les sociétés sont regroupées. Nous faisons exception en Europe.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Et en Belgique ?
Mme Rachida Dati, ministre. La perspective est la même que la nôtre pour ce qui concerne la radio et la télévision. Je suis donc très surprise des exemples que vous donnez de ce qui fonctionne « très bien » : il me semble qu’ils adoptent plutôt une perspective de regroupement. Informez-vous, ne vous contentez pas de dire de manière incantatoire que ce qui vous arrange marche très bien, car c’est faux.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Vous avez rencontré des salariés ?
Mme Rachida Dati, ministre. Pour la BBC, vous avez raison : ça ne marche pas si bien que ça, bien qu’il y ait beaucoup d’argent. Ce n’est donc pas seulement une question d’argent, mais d’organisation, de vision et de cohérence.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Ils ont opéré une fusion et ça n’a pas marché !
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ma connaissance de la télévision suédoise n’étant pas assez approfondie et mon expérience de la télévision allemande n’étant pas très favorable, je n’entrerai pas dans ce débat. Cependant, sur le fond, il me semble que l’exclusion de France Médias Monde de la holding a été entérinée par un vote précédent et que ce sous-amendement est donc satisfait.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pour compléter mon propos précédent, je considère que toutes les chaînes, qu’elles soient publiques ou privées, doivent respecter la loi, le pluralisme et donc les différentes forces politiques représentées. Il y a des règles très précises en la matière. Si je me suis élevée contre des chaînes comme CNews, qui ne sont pas gratuites pour les Françaises et les Français car la maintenance des canaux de TNT demande de l’argent public, c’est parce qu’elles ne respectaient pas leur cahier des charges et la loi. Voilà pourquoi je ne souhaitais pas qu’elles poursuivent leur travail.
M. Philippe Ballard (RN). Ce sont les chaînes qui payent !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Non, monsieur.
L’audiovisuel public doit évidemment respecter le pluralisme. Je n’ai jamais demandé à une chaîne de télévision ou à une station de radio de ne pas recevoir telle ou telle personne. C’est aux rédactions de décider, et les politiques devraient d’ailleurs éviter de trop commenter leur travail.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement AC1179 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Encore une fois, il ne faut pas créer cette holding si l’on veut préserver l’autonomie de France Télévisions, ainsi que l’indépendance et l’esprit démocratique qui doivent prévaloir dans les médias.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nos deux rapporteurs reconnaissent eux-mêmes, l’extrait du rapport que j’ai lu en atteste, que la concentration des pouvoirs entre les mains d’un PDG a pour objectif d’homogénéiser les contenus, ou du moins la coloration des différentes entreprises.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. L’objectif est d’uniformiser la stratégie.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pour ma part, j’estime que cela aura un effet sur les contenus.
Par ailleurs, monsieur Ballard, les chaînes privées bénéficient bel et bien d’une situation dérogatoire puisqu’elles ne payent pas pour l’occupation des fréquences, qui appartiennent au domaine public. Si vous souhaitez en finir avec cet état d’exception, ce qui serait une très bonne chose, j’espère que vous voterez l’amendement en ce sens qui viendra plus tard.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement AC1180 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Vous avez évoqué les cas de la Belgique et de la Suède, madame la ministre, mais, outre vos homologues ou des responsables de chaîne, y avez-vous rencontré des salariés, qui ont souvent un avis différent ? C’est une bonne chose de parler avec Mme Laurence Bloch, mais lorsqu’une grande réforme est envisagée, il convient aussi d’aller sur le terrain. En l’occurrence, je peux vous assurer que les salariés sont inquiets. Vous disiez qu’il n’y avait que 250 grévistes la semaine dernière, mais c’est ignorer la mécanique d’un mouvement social : seule une partie des salariés y participent, mais ils sont soutenus par de nombreux autres qui, pour des raisons financières, ne peuvent se mettre en grève.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pour terminer ma précédente intervention, les chaînes privées occupent des fréquences sans payer aucune redevance. Cet état de fait consenti déroge au droit de l’occupation du domaine public.
Pour le reste, une fois n’est pas coutume, c’est nous qui faisons de la pédagogie en nous répétant. Et je me réjouis que nos camarades socialistes évoquent la mécanique des mouvements sociaux : cela manquait, depuis quelques années.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comment la direction unique des différentes entités qui composeront la holding garantira-t-elle l’équilibre entre les médias, et notamment la place de l’audio vis-à-vis de la vidéo ? La constitution de médias à 360 degrés a été présentée comme un objectif, en tout cas dans le domaine de l’information. Je rappelle néanmoins qu’un pays comme l’Australie a fait marche arrière après avoir regroupé télévision et radio, car cette dernière a été défavorisée en matière d’investissements et de visibilité. Je suis très attachée à la préservation de la cohérence des différentes radios, ce qui suppose de conserver les fréquences locales et de leur laisser leur mission en matière d’information plutôt que de tout mutualiser dans des filiales.
M. Philippe Ballard (RN). Je reconnais qu’une fréquence a une valeur. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Arcom se prononce régulièrement sur leur attribution. Pour le reste, en parlant des chaînes, parlez-vous aussi des stations de radio ? Parce que le DAB+ (Digital Audio Broadcasting), par exemple, coûte très cher aux radios. Votre argument, monsieur Saintoul, ne tient donc pas. Quant à la TNT, oui, les chaînes payent pour être diffusées. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Canal+ rendra ses fréquences en juin : le jeu n’en vaut pas la chandelle, cela coûte trop cher !
Ainsi, hormis sur la valeur des fréquences, ce que vous avez dit est faux.
La commission rejette le sous-amendement.
Suivant l’avis des rapporteurs, la commission rejette le sous-amendement AC1182 de M. Emmanuel Grégoire.
Sous-amendement AC1126 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Si le groupe Socialistes et apparentés est fermement opposé à la création de cette holding exécutive, c’est aussi, on ne l’a pas encore évoqué, parce que cela fera reculer le contrôle effectif du Parlement.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Mais non !
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Bien sûr que si ! Avec votre organisation… Pardon, la fatigue commence à se faire sentir, un mot m’échappe.
Mme Caroline Parmentier (RN). C’est surtout que vous ne savez pas quoi dire !
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Demandez la parole, madame Parmentier, plutôt que de troller quand nous nous exprimons ! Je m’en tiens là.
Mme Caroline Parmentier (RN). Vous faites de l’obstruction !
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Au lieu de répéter encore que vous êtes opposés à la holding, ce que nous avons bien compris, il serait plus intéressant de discuter du conseil d’administration ou des modalités de désignation du président de France Médias, qui sont des sujets de fond.
Monsieur Saintoul, vous dites qu’un président exécutif aura une influence sur les contenus, mais le fait que Radio France et France Télévisions aient un président unique a-t-il eu une incidence sur l’identité et les contenus de France 2, France 3 et France 5 ? La réponse est non. Ou peut-être allez-vous m’expliquer que France Inter a la même ligne éditoriale que France Culture ou France Info ?
Avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Radio France a été conçue comme une grande maison commune, au sein de laquelle cohabitent différentes radios. En revanche, la création de France Télévisions a bien produit des changements très importants, avec, entre autres, la disparition de la rédaction nationale de France 3.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il y a eu des choix.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Des choix liés à un rapprochement structurel. Vous ne pouvez pas dire que cela n’a rien changé : une rédaction nationale a été supprimée ! Il y a bien eu un effet majeur et nous craignons que les nouveaux rapprochements que vous souhaitez aillent au-delà d’une simple coopération et entraînent de nouvelles destructions de rédactions.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements AC1144 et AC1251 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces deux sous-amendements portent sur l’indépendance de l’audiovisuel public. Le PDG de France Médias sera omnipotent, sur la holding exécutive et sur l’intégralité de ses composantes. Pour nous rassurer, vous avez affirmé que l’avis du Conseil d’État était excellent, mais il n’a pas été rendu public. Je répète notre opposition et notre inquiétude pour l’avenir de l’audiovisuel public, tant son indépendance nous semble contradictoire avec la concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. Alexis Corbière (EcoS). Monsieur le rapporteur, le fait que le paysage audiovisuel se développe de plus en plus autour de chaînes privées n’est pas secondaire. Cela signifie que des intérêts privés ont la possibilité de diffuser des messages à tous les Français. Le seul îlot restant est le service public. Ce n’est donc pas être tatillon que de pousser le raisonnement : oui, la concentration de la direction de ce dernier espace échappant aux logiques privées va favoriser, que vous le vouliez ou non, l’établissement d’un lien encore plus direct avec le politique.
Vous répondez que le seul changement sera le nombre de coups de téléphone pour joindre les patrons de l’audiovisuel public et que notre suspicion n’a pas lieu d’être. Mais si nous sommes suspicieux, c’est parce que nous touchons ici à un enjeu démocratique de fond, qui marque l’évolution de la société ! Oui, la progression électorale du Rassemblement national est aussi liée à l’évolution du paysage audiovisuel ; c’est évident. Je n’interdis pas aux collègues de ce groupe d’exister, mais je ne connais pas de chaîne privée qui roule aussi ouvertement pour un parti politique que CNews. C’est un avantage dont une force politique dispose sur les autres, et donc un débat démocratique que nous devons avoir.
Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Corbière, je suis tout à fait d’accord : oui, il y a un enjeu de démocratie, un enjeu de liberté d’expression, un enjeu de liberté tout court. Je l’ai dit, le paysage audiovisuel a fortement évolué. Ce n’est plus comme il y a trente ans : il y a désormais vingt-sept chaînes et des groupes privés de plus en plus structurés et organisés.
Pourquoi voulons-nous rassembler les forces de l’audiovisuel public ? Pour le renforcer, grâce à une vision unique, une stratégie claire et des moyens bien plus regroupés qu’actuellement. Plus les choses sont dispersées, plus le risque d’affaiblissement est élevé, vous ne pouvez pas dire le contraire. Ainsi, le seul moyen de protéger, de préserver et de pérenniser l’audiovisuel public, c’est de rassembler ses forces. C’est un combat que nous menons depuis longtemps : je l’avais fait sur l’antenne de France Inter bien avant de devenir ministre de la culture. C’est un enjeu pour nous tous. Rassemblons les forces et sanctuarisons le financement.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). J’entends ce que vous dites, madame la ministre, mais je crains que ce soit de fausses évidences. Il y a d’autres façons de protéger l’audiovisuel public que de réformer sa gouvernance. Nous aurions pu commencer par un texte plus consensuel, puisque la plupart des recommandations issues des états généraux de l’information (EGI) ne font pas vraiment débat entre nous. Je répète que votre réforme de la gouvernance concentrera les pouvoirs entre les mains d’une seule personne, sur le modèle, le rapporteur l’a dit, des groupes privés. Ce n’est pas une bonne méthode.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
Mme Rachida Dati, ministre. Il le fait exprès.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pas du tout ! Vous avez dit qu’une holding serait efficace, car les différentes entités sont redondantes. Pour ma part, j’estime qu’une harmonisation de la stratégie aurait des effets néfastes.
M. Alexis Corbière (EcoS). Quand vous dites « rassembler » et « renforcer », nous entendons plutôt, éclairés par l’expérience, « optimiser » et « économiser ».
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Mais non !
Mme Rachida Dati, ministre. C’est ce qui s’est passé à France Télévisions ?
M. Alexis Corbière (EcoS). C’est toujours comme cela que les choses se passent. En ce qui nous concerne, nous voulons que le service public ne suive pas une logique de rentabilité. Nous voulons que même de très petites niches, qui concernent peu de gens, continuent de faire l’objet de programmes de qualité, correspondant à un besoin.
Mme Rachida Dati, ministre. Et à un public !
M. Alexis Corbière (EcoS). Même si le public est restreint ! Même s’il y a peu d’amateurs d’opéra ou de films des années 1930, j’assume de vouloir faire en sorte que cela existe. Je comprends très bien qu’une chaîne privée ne le fasse pas, mais nous, nous estimons que le service public ne doit pas réfléchir seulement en fonction de la rentabilité. C’est de la pluralité des goûts des Français qu’il s’agit.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’audiovisuel public a bien un public, d’ailleurs très fidèle, très large et très divers. Il s’est même rajeuni grâce aux médias non linéaires. Car nous n’en sommes pas restés à une vision antédiluvienne, avec une télévision et une radio purement linéaires. Nous savons bien que l’avenir de ces médias tient aussi à la production de contenus, audio ou vidéo, élaborés en fonction de ce qui peut plaire et de leur faculté de trouver un public sur les réseaux sociaux ou sur internet. C’est ce qui est fait actuellement, d’ailleurs avec un grand esprit d’innovation, et c’est la raison pour laquelle Radio France est championne des podcasts.
Je le répète : les entreprises ont su innover et trouver un public beaucoup plus jeune. Il n’y a donc pas besoin d’une fusion, d’une holding, ou de quoi que ce soit de ce genre pour que le rajeunissement et l’élargissement du public soient au cœur de la stratégie. Au contraire, nous craignons que le rassemblement ne soit qu’une mise au pas financière.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). À l’heure actuelle, la représentation nationale vote le budget de chaque entité de l’audiovisuel public. Demain, avec votre réforme, nous ne nous prononcerons que sur le budget de la holding. Voilà le recul du contrôle du parlement dont je parlais. Alors que nous sommes l’entité démocratique par excellence, le texte indique bien que nous ne serons qu’informés des ajustements financiers que la société mère pourrait faire en cours d’année ! Avec un tel recul du contrôle, vous ne pouvez pas affirmer que nous protégeons l’audiovisuel public.
Par ailleurs, madame la ministre, j’ai apprécié votre envolée lyrique selon laquelle, pour être plus forts, il faut être rassemblés ; mais pour être plus forts, nous n’avons aucun besoin d’être caporalisés.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Personne n’a dit cela !
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Un PDG unique y mènera.
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Sous-amendement AC1253 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable à ce sous-amendement.
Nous entendons beaucoup de fantasmes et de sophismes, et nous avons bien vu que vous faites de l’obstruction sur ce texte, au motif qu’il poserait des difficultés et ne serait pas consensuel. Mais je rappelle que les premiers rapports parlementaires ont été publiés il y a plus de dix ans et que le texte a été initialement déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en décembre 2019, avant de connaître plusieurs péripéties. Tous les moyens sont bons pour gagner, ou plutôt perdre du temps. Vous parlez maintenant d’une caporalisation : les personnes qui nous regardent doivent se dire que tout cela manque de sérieux.
Pour ma part, je pense aux salariés de ces entreprises, qui sont baladés depuis de nombreuses années. Tous les six mois nous remettons l’ouvrage sur le métier ! Ils ont besoin d’un cap. Nous disposons aujourd’hui d’un projet cohérent, défendu par les dirigeants des différentes entités et qui apportera de l’efficacité. Il faut vraiment que nous avancions et je regrette les méthodes dont vous usez depuis le début de l’examen de la proposition de loi.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vous parlez de mutualisation, de caporalisation, d’économies ; nous parlons de guerre de l’information, de changement des usages, de rupture technologique – autant de sujets dont nous n’avons pas parlé ce soir. À vous entendre, on dirait que l’audiovisuel public évolue en vase clos, qu’il n’y a pas de menace extérieure ni d’ingérences étrangères. Mais rassembler les forces ne signifie pas mutualiser, caporaliser, ni économiser. Peut-être que nous nous trompons, mais nous sommes convaincus qu’il faut rassembler l’audiovisuel public pour lui donner les moyens de faire face à tous les défis que je viens d’énumérer.
Ne nous prêtez donc pas d’intentions cachées : soyez en désaccord avec nous, mais considérez notre postulat, qui est la nécessité de renforcer l’audiovisuel public pour lutter contre les ingérences étrangères, la désinformation, la concurrence des plateformes et pour répondre à la montée des réseaux sociaux, au changement des usages et aux ruptures technologiques. Vous estimez que le statu quo permettra de le faire, ce que je respecte. Pour notre part, nous pensons que sans holding, sans coopération, sans chef d’orchestre, sans arbitre, l’audiovisuel public s’affaiblira durablement.
Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable. Gouvernance, composition du conseil d’administration de la holding, prérogatives des uns et des autres, ou encore du parlement : tous ces éléments seront abordés dans les articles suivants.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous dites, madame la rapporteure, que le projet existe depuis neuf ans et qu’il est temps d’avancer, mais l’argument se retourne : si, en neuf ans, les promoteurs de cette idée ne sont pas parvenus à la faire adopter, c’est bien pour des raisons de fond plutôt qu’à cause d’un goût pour l’immobilisme ancré dans la société française ! En effet je ne crois pas qu’on puisse faire ce reproche aux parlementaires. J’y insiste : cela neuf ans que la proposition est sur la table, mais au cours de la dernière année, nous sommes passés d’un projet de fusion à un projet de holding non exécutive, avant de finalement retenir une holding exécutive. Votre argumentation n’est donc pas convaincante.
Quant à celle de M. le rapporteur, je la trouve incantatoire. Que permettra réellement une holding face aux enjeux que vous avez évoqués ? Pas grand-chose !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comme vous, monsieur le rapporteur, nous voulons un service public renforcé. C’est pourquoi nous estimons qu’il lui faut des moyens supplémentaires, plutôt que des coupes budgétaires, comme ce fut le cas dernièrement. Voilà où se trouve l’urgence, particulièrement dans le cadre de la guerre informationnelle, des ingérences et des tentatives de manipulation que nous subissons. Dans le grave moment géopolitique que nous connaissons, l’opinion publique constitue bien l’un des théâtres d’opération. Or imposer une réorganisation, qui est toujours coûteuse en argent et en temps, irait justement à l’encontre de nos intérêts. C’est une autre raison pour laquelle nous sommes opposés à ce projet.
Pour autant, nous ne sommes pas favorables au statu quo. Nous sommes pour les coopérations, à l’image de la plateforme Lumni ou de la rubrique « vrai ou faux », qui est intéressante, qui fonctionne bien, qui n’empêche aucunement chaque rédaction de conserver sa liberté et qui met en commun des moyens pour lutter contre la désinformation.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Bien entendu, nous souscrivons à la lutte contre la désinformation – du reste, les journalistes, notamment de l’audiovisuel public, ne nous ont pas attendus pour réagir et innover dans ce domaine. Mais la proposition de loi ne comporte aucune mesure concrète en la matière.
Dans son avis de 2019 – puisque nous n’en avons pas d’autre –, le Conseil d’État estimait que l’étude d’impact était « plutôt un plaidoyer au soutien des choix à opérer qu’une analyse des solutions possibles ». Celle qui nous a été fournie récemment, et qui ne compte que 22 pages, ne va pas plus loin. Peut-être nous transmettra-t-on un jour le dernier avis du Conseil d’État. En tout cas, je suis curieuse de savoir ce que celui-ci pense du PDG unique comme solution à la guerre contre la désinformation…
M. Alexis Corbière (EcoS). Quel est le principal vecteur de la désinformation ? Une chaîne low cost employant peu de personnes qui répètent des informations de médiocre qualité et non vérifiées. Pour lutter contre ce phénomène, il faut envoyer des reporters sur le terrain, favoriser le pluralisme au sein des rédactions, multiplier les vecteurs d’information de qualité. Vous situez les enjeux à un certain niveau mais, à ce stade, vous ne les prenez aucunement en compte, sinon pour affirmer que la création d’une holding et la nomination d’un patron unique permettront de lutter contre la désinformation. Peuchère, ce n’est pas très convaincant !
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement AC1252 de M. Emmanuel Grégoire
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous consacrons beaucoup de temps à l’audiovisuel public, et il le mérite. Mais nous aurions préféré examiner le texte issu des états généraux de l’information, à propos duquel presque tous les groupes ont déclaré qu’ils n’avaient pas de ligne rouge. Le débat aurait été d’une tout autre nature, et nous aurions pu travailler à des mesures favorables à la démocratie. Renforcement de l’indépendance des médias, pluralisme et lutte contre la concentration : là est l’urgence !
Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez à défendre ce projet. Certes, il existe depuis dix ans, mais s’il n’a toujours pas abouti, peut-être est-ce pour de bonnes raisons, qui ne tiennent pas seulement à la conjoncture mais aussi aux tensions très vives qu’il suscite et à la relation très forte que les gens entretiennent avec les maisons de l’audiovisuel public.
La commission rejette le sous-amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les sous-amendements AC1250 et AC1249 de M. Emmanuel Grégoire.
Elle adopte l’amendement AC1091 rectifié.
Amendement AC871 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous proposons qu’il ne soit pas possible aux sociétés de l’audiovisuel public de créer une filiale sans passer par la loi. Nous craignons en effet un démantèlement des entreprises actuelles. Vous jurez vos grands dieux qu’il n’aura pas lieu, mais il est bien inscrit dans le document qui nous a été transmis par la ministre. Il nous paraît donc nécessaire qu’à tout le moins, un véritable débat soit organisé pour nous aider à comprendre les décisions du président-directeur général.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AC1092 rectifié du gouvernement et sous-amendements AC1169, AC1172, AC1173 et AC1174 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Rachida Dati, ministre. C’est un amendement de coordination avec l’amendement AC1091 rectifié qui vient d’être adopté.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Favorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les sous-amendements visent à marquer notre opposition.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les sous-amendements, puis adopte l’amendement.
Amendement AC923 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). La refonte de l’audiovisuel public se fait sans aucune considération pour la production audiovisuelle d’outre-mer. Ostracisée depuis la suppression de France Ô en 2019, celle-ci manque cruellement de visibilité. Pourtant, l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et le cahier des charges des sociétés de l’audiovisuel public leur impose d’assurer une meilleure représentation de la diversité de la société française, notamment des outre-mer. Si nous voulons que notre audiovisuel public assure une juste représentation de la diversité ethnique et sociale, il faut commencer par s’y intéresser et agir en conséquence.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Défavorable. L’amendement est satisfait par les articles 43-11 et 44 A de la loi de 1986 relative à la liberté de communication.
Mme Rachida Dati, ministre. Puisqu’il s’agit de renforcer deux principes, sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Article 1er bis : Inscription des missions de TV5 Monde dans la loi du 30 septembre 1986
Amendement de suppression AC200 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Bien que la présente proposition de réforme ait vu le jour en 2020, elle n’a fait l’objet d’aucune concertation, ni avec les députés, ni avec les acteurs du secteur. Pis, aucune étude d’impact sérieuse n’a été fournie : le document préparatoire élaboré par le ministère de la culture n’en est pas une. Il comporte même des éléments assez extraordinaires. Ainsi est-il indiqué que « la constitution de la holding en elle-même occasionnera un coût nul – c’est-à-dire que les coûts RH globaux des équipes ne seront pas augmentés par la création de la holding ». Nous sommes pressés de savoir qui est prêt à travailler gracieusement à ce projet !
Cette réforme n’est pas souhaitable, pour des raisons conjoncturelles et pour des raisons liées aux conséquences de l’action du gouvernement. En effet, pour 2024, 69 millions d’euros ont été retirés des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Par ailleurs, à la suite de l’adoption du projet de loi de finances pour 2025, les acteurs du secteur ont découvert de nouvelles coupes surprises. Face à l’effort budgétaire considérable qui leur est demandé, ils ont dû ouvrir des négociations avec les syndicats. Or un tel travail est impossible si une holding vient coiffer les directions de chaque groupe. C’est le même argument qui met en danger le renouvellement à la tête de France Télévision.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Vous affirmez, tout d’abord, que l’étude d’impact n’est pas sérieuse. Les fonctionnaires de la direction générale des médias et des industries culturelles apprécieront.
Par ailleurs, TV5 Monde n’a pas vocation à intégrer la société holding. En effet, cette société est détenue et financée par les entités de l’audiovisuel public de six États : France, Suisse, Canada, Québec, Belgique et Monaco. Elle est le principal vecteur de rayonnement de la francophonie dans le monde, particulièrement en Afrique, où elle est notamment leader en République démocratique du Congo. La consécration de cette chaîne dans la loi de 1986 est donc à saluer et doit bien être distinguée de la réforme de l’audiovisuel public. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pour intéressant qu’il soit, notamment par le bilan qu’il dresse et par les pistes qu’il trace concernant la création de filiales – laquelle, contrairement à ce qu’on nous dit, modifierait l’identité des entreprises puisqu’une partie de leurs activités actuelles serait transférée à d’autres entités –, le document qui nous a été transmis n’est pas une étude d’impact. De fait, il ne mesure ni les conséquences, notamment sociales, de la réforme, ni ses effets sur le secteur audiovisuel privé, qui emploie des centaines de milliers de personnes et participe de la diversité de l’audiovisuel français.
M. Inaki Echaniz (SOC). Depuis 2022, nous ne cessons de demander une étude d’impact détaillée qui évalue les gains et les pertes que pourraient provoquer la fusion et la création de la holding. Le document de 22 pages qui nous a été fourni est peut-être de qualité, mais il n’est pas une véritable étude d’impact. Ainsi, la question du coût de la réforme n’est abordée qu’à l’avant-dernière page : il y est écrit que « la constitution de la holding en elle-même occasionnera un coût nul – c’est-à-dire que les coûts RH globaux des équipes ne seront pas augmentés par la création de la holding ». C’est assez maigre !
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le fait qu’un projet dont le coût s’élève à plusieurs millions d’euros ne soit accompagné d’aucune étude d’impact est pour le moins problématique. La situation financière du pays nous permet-elle de parier sur les conséquences financières d’un texte lorsque de telles sommes sont en jeu ?
Mme Rachida Dati, ministre. Nous ne discutons pas d’un projet de loi de finances !
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Certes, mais votre réforme va engager les finances publiques. Un peu de sérieux budgétaire, de grâce ! Nous avons besoin d’une étude d’impact pour savoir où nous allons.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AC295, AC296, AC297, AC298, AC299, AC300, AC301, AC302, AC303 et AC304 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune)
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Défavorable.
Madame Hadizadeh, le projet de loi défendu par M. Riester en 2020 était accompagné d’une étude d’impact plus étayée. En l’espèce, nous examinons une proposition de loi : aucune obligation juridique n’impose que les textes d’origine parlementaire fassent l’objet d’une telle étude. De fait, le document qui vous a été transmis, et qui s’intitule « Réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public. Évaluation de sa mise en œuvre », n’en est pas une. Il n’en est d’ailleurs pas question dans le courriel qui a été envoyé aux membres de la commission.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En tout cas, nous avions bien demandé, avant le début de nos travaux, que l’on nous communique une étude d’impact, et l’on nous a fourni ce document.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Si demain, nous créons la holding France Médias, les personnes qui se porteront candidates pour en prendre la tête pourront, dans le respect des missions de service public de l’audiovisuel public, proposer des stratégies distinctes, afficher des priorités différentes. En tout état de cause, le ministère rédigera une convention stratégique pluriannuelle (CSP), sur laquelle le Parlement formulera un avis contraignant.
On peut rédiger toutes les études d’impact que l’on veut : dès lors qu’il n’y a pas de fusion, la question qui se pose est celle de savoir si l’on considère que la holding est le mode d’organisation qui permettra de renforcer l’audiovisuel public. Vous ne le pensez pas, et aucune étude d’impact ne vous ferait changer d’avis : vous seriez, de toute façon, philosophiquement opposés à la création de cette holding.
Mme Rachida Dati, ministre. Idéologiquement, plutôt !
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. J’ai voulu être aimable.
Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Ne nous voilons pas la face : si ce texte, proposition ou projet de loi, avait été abouti, nous aurions disposé de documents financiers suffisamment étayés pour apporter des réponses à nos questions. De fait, cinq ans après le dépôt du texte qui avait le mieux avancé, nous sommes face aux mêmes incertitudes et aux mêmes incohérences économiques. On nous transmet un document de 22 pages qui présente, sur le plan budgétaire, une justification indigente du texte. Certes, nous ne discutons ni d’un projet de loi de finances, ni d’un projet de loi, mais force est de constater que tout cela est fait un peu à la légère, alors que le texte aura des conséquences importantes pour les salariés et les finances publiques.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Il ne manque pas seulement une étude d’impact. Mme la ministre a confié une mission sur l’accompagnement de la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public à Mme Laurence Bloch, qui doit rendre ses conclusions le 30 juin. Or celles-ci auraient pu éclairer notre débat. Peut-être aurions-nous été idéologiquement opposés à la réforme, mais nous aurions eu des documents solides sur lesquels nous appuyer.
Par ailleurs, dans un rapport intitulé « Accompagnement à la transformation de France Télévisions et de Radio France » publié en 2024, l’Inspection générale des finances, qui n’est pas un repaire de gauchistes, estime que la réforme engendrerait un surcoût d’environ 30 millions d’euros par an et que les économies d’échelle attendues ne dépasseraient pas les 10 millions – et encore faut-il compter les dépenses liées aux aménagements immobiliers et à la communication.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le président-directeur général de la future société France Médias sera nommé, et je m’en félicite, par l’Arcom. Mais son mandat devrait être clair, et il devrait lui être donné par le Parlement, et non par le ministère de la culture. Nous sommes inquiets que de tels pouvoirs soient confiés à un seul homme au motif qu’il aurait une vision extraordinaire de l’audiovisuel public. Du reste, la dernière fois que l’on m’a dit, pour me convaincre, qu’il nous fallait « un homme, une vision », cela n’a pas été une réussite.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’amendement rédactionnel AC1033 de Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure.
En conséquence, l’amendement AC1132 du gouvernement tombe.
La commission adopte l’article 1er bis modifié.
Après l’article 1er bis
Amendements identiques AC1152 du gouvernement et AC890 de Mme Géraldine Bannier
Mme Géraldine Bannier (Dem). Dans son avis sur le projet de loi de 2019, le Conseil d’État estimait « nécessaire de réaffirmer dans [celui-ci] le principe du respect des garanties statutaires résultant du traité du 2 octobre 1990 instituant une chaîne culturelle européenne ». Tel est l’objet de cet amendement.
Mme Rachida Dati, ministre. L’amendement vise en effet à reprendre une garantie qui a été introduite dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique après l’avis du Conseil d’État.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Ces amendements permettront d’inscrire dans la loi les garanties statutaires d’Arte. Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Article 2 : Détention par l’État de l’intégralité du capital de la société holding France Médias
Amendements de suppression AC51 de M. Aymeric Caron, AC201 de M. Emmanuel Grégoire et AC781 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Dans la droite ligne de nos échanges précédents, nous demandons la suppression de cet article.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Certes, vous êtes opposée à la création de la holding, mais pourquoi demander la suppression de cet article, qui prévoit que l’État détiendra directement la totalité du capital de la société France Médias et apporte donc une garantie importante ? Nous gravons ainsi dans le marbre de la loi le caractère public de cette société. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AC1137 du gouvernement
Mme Rachida Dati, ministre. Cet amendement vise à tirer les conséquences rédactionnelles du retrait de France Médias Monde de la holding.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.
Amendements AC188 de M. Erwan Balanant et AC782 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)
Mme Géraldine Bannier (Dem). L’amendement AC188 tend à préciser que le capital de la société France Médias sera incessible, afin de garantir sa stabilisation. Nous réaffirmons l’engagement de notre groupe à maintenir un groupe audiovisuel entièrement public, ainsi que celui, constant, de la majorité en faveur de toutes les composantes de l’audiovisuel public, afin de sécuriser leur pérennité et leur indépendance.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Oui, il faut inscrire dans la loi qu’aucune part de la holding exécutive ne pourra être cédée, pour se prémunir de tout risque.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Demande de retrait, ou avis défavorable. Dans sa nouvelle rédaction, le premier alinéa de l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit déjà que « l’État détient directement la totalité du capital de la société France Médias ». À l’avenir, si l’État souhaite céder du capital, il faudra modifier la loi. La précision demandée est donc superflue.
La commission adopte l’amendement AC188.
En conséquence, l’amendement AC782 tombe.
Amendements AC783 et AC784 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces deux amendements s’inscrivent dans la logique de notre opposition à la création d’une holding exécutive.
Suivant les avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AC26 de Mme Béatrice Piron, AC58 de Mme Sophie Mette, AC122 de M. Philippe Ballard, AC158 de M. Salvatore Castiglione et AC785 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Béatrice Piron (HOR). Nous avons exclu France Médias Monde du périmètre de la holding à l’article 1er ; il faut donc faire de même à l’alinéa 3 de cet article.
Je suis d’ailleurs surprise que l’amendement du gouvernement que nous venons d’adopter ne le prévoie pas. Je ne comprends pas.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je respecte le vote de notre commission, qui a exclu France Médias Monde du périmètre de la holding.
Toutefois, à titre personnel, je considère qu’en isolant France Médias Monde de l’acteur puissant qui naîtra du rapprochement de France Télévisions, Radio France et l’INA, nous risquons de fragiliser cette société à moyen terme.
Actuellement, des publics étrangers, en Afrique par exemple, s’informent non avec les chaînes d’audiovisuel extérieur, mais avec BFM TV, voire CNews – même si cela vous déplaît, c’est comme ça.
C’est mal connaître le fonctionnement de l’information que de penser que les chaînes devraient être dédiées soit à un public étranger, soit à un public national. Ne me faites pas croire que si nous créons une holding, Radio France et France Télévisions ne contribueront pas à informer des publics étrangers ! Avis défavorable à ces amendements.
Mme Rachida Dati, ministre. Nous avons exclu France Médias Monde du périmètre de la holding. Par cohérence, avis favorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Madame la ministre, les amendements des députés du bloc commun montrent bien le flou qui règne autour de l’inclusion de France Médias Monde. Or quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Écrivons noir sur blanc que non, France Médias Monde ne fera pas partie de la holding, que ce soit à court ou moyen terme. C’est la position majoritaire dans cette commission, comme dans celle des affaires étrangères. Si le Parlement est souverain, il faut l’écouter.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous avons longuement débattu de différentes formes de rapprochement entre France Médias Monde et les autres médias publics. Au vu de la spécificité de cette société, il faut l’en exclure : elle dispose d’un réseau très important de correspondants à l’étranger et ne doit surtout pas être prise pour un média d’État.
J’espère que le sujet est définitivement clos. L’exclusion de France Médias Monde de la holding ne doit pas être une mesure temporaire, prise pour calmer les députés avant que de futurs gouvernements y reviennent. Nous serons nombreux à être vigilants.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, la semaine dernière, j’avais salué votre cohérence sur le sujet – effectivement, si vous pensez qu’une holding permettra de renforcer les chaînes, il n’y a pas de raison d’en exclure France Médias Monde. Je m’étonne donc de votre dernier argument. En quoi la possibilité pour des publics étrangers de consulter des chaînes privées change-t-elle les termes du problème ? Que changerait l’inclusion de France Médias Monde dans la holding à la concurrence exercée par les chaînes privées, que vous semblez déplorer ?
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Simplement, il ne faut pas imaginer que les chaînes sont dédiées exclusivement à un public donné, qu’il soit national ou étranger. France Télévisions et Radio France ne cesseront pas, demain, de viser un public étranger !
Que ce soit à travers une filiale ou un projet dédié, la holding aurait pu permettre de réfléchir aux moyens de faire travailler les différents médias de l’audiovisuel public – qu’ils soient plutôt nationaux ou plutôt dédiés à l’étranger – pour renforcer leur rayonnement auprès d’un public étranger. Il est dommage de se priver de cette réflexion.
Les usages évoluent, comme le montrent des chaînes telles que RT (Russia Today) et Al-Jazira – même si elles ne constituent pas des modèles souhaitables. Al-Jazira s’adresse à la fois aux publics domestique et extérieur. Seule la France sépare l’audiovisuel public en deux, selon qu’il vise l’un ou l’autre. Pour moi, ce n’est pas un modèle pertinent.
Mme Céline Calvez (EPR). Selon moi, la holding serait renforcée par l’intégration de France Médias Monde. Effectivement, les médias ne ciblent jamais le seul public domestique ou le seul public étranger. J’écoute RFI (Radio France internationale) alors que j’habite en France ! Et nous étions bien contents que des journalistes couvrent les lignes de front en Ukraine, qu’ils soient employés par France 2 ou France 24.
Je m’abstiendrai toutefois sur ce vote, puisque nous sommes désormais passés à l’article 2 et qu’il n’est pas certain que nous puissions achever l’examen du texte. Mais, je le redis, la holding devrait intégrer France Médias Monde.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si jamais l’examen de cette proposition de loi se poursuit, je crains que la question de l’intégration de France Médias Monde ne revienne.
Si France Médias Monde se distingue des autres médias de l’audiovisuel public, ce n’est pas seulement parce qu’il s’adresse à un public étranger : c’est parce que cela l’oblige à fournir des garanties supérieures d’indépendance. Al-Jazira est une chaîne privée très liée à l’État. Sa situation n’est donc pas comparable.
Il est essentiel de garantir l’indépendance de France Médias Monde pour préserver la sécurité des personnes qui travaillent pour ce média. En outre, celui-ci diffuse dans différentes langues, en adoptant des visions très diverses. Ce n’est pas le même objet que la holding exécutive – qui est d’abord destinée au marché intérieur français – et il ne peut s’inscrire dans la même stratégie.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Monsieur le rapporteur, je m’étonne que vous preniez Al-Jazira pour référence, ou illustration. Son objectif, qui est effectivement idéologique, est tout à fait différent de celui de l’audiovisuel public dans un pays démocratique, et heureusement.
Madame Bannier, les arguments que vous avancez pour justifier l’exclusion de France Médias Monde de la holding valent pour les autres médias et justifieraient de renoncer à la création de la holding !
Mme Géraldine Bannier (Dem). Le groupe Les Démocrates a toujours été favorable à l’exclusion de France Médias Monde de la holding. C’était la position de Jean-Louis Bourlanges, ancien président de la commission des affaires étrangères.
En effet, ce média assume une mission particulière, diplomatique, de portage de la francophonie, et fournit un travail spécifique sur les langues locales. C’est un vecteur à l’étranger des valeurs démocratiques. Nous devons préserver son indépendance.
De même, Arte France ne peut entrer dans la holding du fait de l’accord franco-allemand qui la régit. Il est cohérent que les deux chaînes qui travaillent à l’étranger restent indépendantes.
M. Inaki Echaniz (SOC). Madame Bannier, je me réjouis de vos propos, qui confirment les nôtres.
Madame la ministre, vous citez le cas d’Al-Jazira...
Mme Rachida Dati, ministre. Ce n’est pas moi qui l’ai cité. Ne m’essentialisez pas !
M. Inaki Echaniz (SOC). Ne me parlez pas d’essentialisation… Mais, mea culpa, c’est M. le rapporteur qui a parlé d’Al-Jazira.
Il y a quelques semaines ou mois, c’était la BBC que vous mettiez en avant matin, midi et soir. Mais la BBC elle-même est revenue sur l’intégration de BBC World Service, constatant qu’elle avait mis en difficulté cette filiale équivalente à France Médias Monde. Les comparaisons avec l’étranger montrent qu’il faut sanctuariser l’exclusion de France Médias Monde de la holding.
Madame la ministre, je vous prie de m’excuser pour ma confusion. En revanche, je n’apprécie pas d’être accusé d’essentialisation – la discussion à venir sur les langues régionales nous permettra de revenir sur ces questions.
Mme Béatrice Piron (HOR). L’alinéa 3, qui est visé par ces amendements, précise que France Médias, « ainsi que les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde [...] sont soumises à la législation sur les sociétés anonymes ainsi qu’à l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 [et que] leurs statuts sont approuvés par décret. » En somme, si nous maintenons la rédaction actuelle, cela ne changera pas le périmètre de la holding.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je n’ai pas pris Al-Jazira pour modèle ! Simplement, la scission entre audiovisuel intérieur et extérieur, qui est vieille de plusieurs décennies, est devenue anachronique car le numérique permet de capter l’intégralité des chaînes où que l’on soit. Ainsi, il est possible d’écouter BFM TV et CNews au Maroc et Al-Jazira en France.
M. Alexis Corbière (EcoS). Encore Al-Jazira !
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Alors, parlons de regarder Gulli en Suisse ! Quoi qu’il en soit, si nous voulons que la voix de la France porte dans le monde, que notre audiovisuel rayonne à l’international, il faut lui en donner les moyens. Vous demandez des exemples de projets, en voilà un : nous avions une occasion unique de créer un service international au sein de la holding, qui fédérerait les services internationaux des chaînes nationales, des radios nationales et de France Médias Monde. Ce service aurait été un acteur puissant.
Madame Taillé-Polian, il ne faut pas graver pour l’éternité dans le marbre de la loi l’exclusion de France Médias Monde de la holding. Si demain nous constatons que celle-ci fonctionne et que France Médias Monde est marginalisée, nous devons pouvoir l’y intégrer.
La commission adopte les amendements.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il est minuit moins une et il nous reste 1 538 amendements à examiner. Il faut prendre acte que notre commission n’est pas en mesure d’achever la discussion des articles du texte.
La commission prend acte qu’elle n’est pas en mesure d’achever l’examen de la proposition de loi.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En conséquence, en application de l’article 42, alinéa 1, de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte dont l’Assemblée a été saisie.
La séance est levée à minuit.
Présences en réunion
Présents. – M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, Mme Béatrice Bellamy, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, M. Salvatore Castiglione, M. Alexis Corbière, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, M. José Gonzalez, M. Emmanuel Grégoire, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Caroline Parmentier, M. Jérémie Patrier-Leitus, Mme Béatrice Piron, M. Alexandre Portier, M. Aurélien Saintoul, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot
Excusés. – Mme Farida Amrani, M. José Beaurain, M. Xavier Breton, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Inaki Echaniz, Mme Anne Genetet, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Isabelle Rauch, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer